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Dossier : 2018-1544(CPP)

ENTRE :

KOOTENAY MANAGEMENT CONSULTANTS LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

RAY ZIBRIK,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Kootenay Management Consultants Ltd. c. Sa Majesté la Reine, dossier no 2018-1546(IT)I, et de Ray K. Zibrik c. Sa Majesté la Reine, dossier no 2018-1549(IT)I le 12 février 2019 et le 20 mars 2019 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Ronald MacPhee


 Comparutions :

Représentant de l’appelante :

Ray Zibrik

Avocat de l’intimé :

Pour l’intervenant :

Me Spencer Landsiedel

L’intervenant lui-même

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté en application de l’article 28 du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») est accueilli, sans frais, et la décision du ministre du Revenu national datée du 5 février 2018, ainsi que la cotisation établie en application de l’article 27 du Régime est annulée au motif que le travailleur, Ray Zibrik, n’occupait pas un emploi ouvrant droit à pension pour l’appelante au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime en 2012, 2013 et 2014.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2019.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Dossier : 2018-1546(IT)I

ENTRE :

KOOTENAY MANAGEMENT CONSULTANTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Kootenay Management Consultants Ltd. c. Le ministre du Revenu national, dossier no 2018-1544(CPP), et Ray K. Zibrik c. Sa Majesté la Reine, dossier no 2018-1549(IT)I

le 12 février 2019 et le 20 mars 2019, à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L’honorable juge Ronald MacPhee

 Comparutions :

Représentant de l’appelante :

Ray K. Zibrik

Avocat de l’intimé :

Me Spencer Landsiedel

 

JUGEMENT

  Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2012, 2013 et 2014 de l’appelante sont accueillis, sans dépens, et les cotisations datées du 14 juin 2016 et du 23 octobre 2017 sont annulées.

   Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2019.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Dossier : 2018-1549(IT)I

ENTRE :

RAY K. ZIBRIK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Kootenay Management Consultants Ltd. c. Le ministre du Revenu national, dossier no 2018-1544(CPP), et de Kootenay Management Consultants Ltd. c. Sa Majesté la Reine, dossier no 2018-1546(IT)I le 12 février 2019 et le 20 mars 2019 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Ronald MacPhee

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Spencer Landsiedel

 

JUGEMENT

  Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2012, 2013 et 2014 de l’appelante sont accueillis, sans dépens, et les nouvelles cotisations datées du 17 juin 2016 sont annulées.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2019.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Référence : 2019 CCI 97

Date : 20190430

Dossier : 2018-1544(CPP)

ENTRE :

KOOTENAY MANAGEMENT CONSULTANTS LTD.,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

RAY ZIBRIK,

intervenant,

Dossier : 2018-1546(IT)I

ET ENTRE :

KOOTENAY MANAGEMENT CONSULTANTS LTD.,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Dossier : 2018-1549(IT)I

ET ENTRE :

RAY K. ZIBRIK,

 appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge MacPhee

[1]   La Cour est saisie de trois appels. Il s’agit des appels de Kootenay Management Consultants Ltd. c. Le ministre du Revenu national, dossier no 2018-1544(CPP); de Kootenay Management Consultants Ltd. c. Sa Majesté la Reine, dossier no 2018-1546(IT)I; et de Ray K. Zibrik c. Sa Majesté la Reine, dossier no 2018-1549(IT)I. Ces appels ont été entendus sur preuve commune.

[2]  Kootenay Management Consultations Ltd. (« KMC ») appartient entièrement à Ray K. Zibrik (« M. Zibrik »). M. Zibrik est le seul actionnaire et directeur de KMC.

[3]  La question à trancher dans le cadre de tous les appels porte à savoir si M. Zibrik a reçu un revenu d’emploi non déclaré de KMC conformément au paragraphe 6(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») qui aurait dû figurer sur son feuillet T4 ainsi que dans ses gains ouvrant droit à pension. Si tel est le cas, il faudra alors déterminer si la cotisation établie par le ministre à l’égard de KMC portant sur des contributions non payées au Régime de pensions du Canada (la « Loi ») sur ce revenu imposable figurant sur le feuillet T4 est exacte. Il faudra également déterminer si les pénalités adjugées à KMC pour défaut de déclarer des feuillets T4 ont été dûment établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d’imposition 2012, 2013 et 2014.

FAITS

[4]  M. Zibrik est ingénieur. Il est le président de YVR Property Management (« YVR ») depuis 2005. Dans ce rôle, il supervise jusqu’à concurrence de 200 projets de construction à l’aéroport de Vancouver. Il travaille souvent de longues heures à YVR, arrivant au travail à 6 h, et travaillant jusqu’en soirée, voire plus tard. Il voyage également dans le cadre de son travail pour YVR à raison de trois à cinq fois par année. Il s’agit de voyages à des conférences d’aéroport aux États-Unis et en Europe.

[5]  La preuve quant à l’entreprise de KMC est très faible. À ses débuts, KMC détenait des actions, des obligations et d’autres placements personnels au profit ultime de M. Zibrik. Au fil des ans, KMC a évolué quelque peu de sorte qu’elle détient aujourd’hui deux biens immobiliers en plus de ses placements antérieurs dans des actions et des obligations. Au moment de la cotisation, les deux biens immobiliers représentaient cinq lots fonciers à Vancouver et des biens immobiliers à Coquitlam. L’appelante avait l’intention de raser six ou sept maisons sur ces terrains et de construire 217 unités d’habitation. La valeur totale de ces deux actifs immobiliers était estimée par l’appelante à 650 000 $.

[6]  Au cours des années précédentes, KMC avait détenu deux autres biens immobiliers, également situés à Vancouver et à Coquitlam. En tout, au fil des ans, KMC avait détenu quatre placements immobiliers, soit deux à Coquitlam et deux à Vancouver.

[7]  KMC n’avait aucun employé. M. Zibrik a témoigné que deux de ses enfants, Kevin et Lindsay, aidaient à la gestion de KMC, principalement en lui fournissant des conseils. Ces deniers occupent tous deux des emplois à temps plein. Kevin est économiste à la HSBC, tandis que Lindsay travaille dans le domaine de la génétique à la conception de traitements sur mesure contre le cancer.

[8]  En 2016, l’Agence du revenu du Canada (« l’Agence ») a analysé les dossiers de paye de l’appelante et a rendu les conclusions suivantes à l’égard d’une partie des dépenses d’entreprises réclamées par KMC :

·  KMC a réclamé des frais de véhicule à moteur pour les véhicules personnels de M. Zibrik, ainsi que de membres de sa famille, au motif que M. Zibrik avait omis de rembourser KMC [1] .

·  KMC a réclamé des dépenses personnelles de M. Zibrik à titre de dépenses d’entreprise, comme des frais d’adhésion à une salle d’entraînement, des laissez-passer saisonniers de ski, des vacances en famille et de l’équipement de sports extérieurs.

·  J’ai également conclu que M. Zibrik a reçu un avantage imposable de l’appelante à l’égard des dépenses susmentionnées.

[9]  Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi en 2017 de nouvelles cotisations à l’égard des années d’imposition 2012, 2013 et 2014 de M. Zibrik en raison du revenu non déclaré découlant des avantages imposables présumés.

[10]  Le ministre a également établi une cotisation pour KMC à l’égard des années d’imposition 2012, 2013 et 2014 pour les contributions au RPC sur les avantages imposables ainsi que pour les pénalités pour production tardive pour chaque année d’imposition pour défaut de produire des feuillets de renseignements T4.

[11]  M. Zibrik a personnellement payé la majeure partie des dépenses en cause. KMC a inscrit un prêt de l’actionnaire dans ces cas, établissant une créance pour le compte de M. Zibrik pour les montants qu’il a payés. KMC a payé les éléments en cause directement dans quelques circonstances. Je décrirai chacune des dépenses réclamées ainsi que la façon dont elles ont été traitées dans les suivantes.

Les questions en litige

Voyage à Cancun

[12]  En 2012, M. Zibrik s’est offert un voyage à Cancun, au Mexique, en compagnie de huit membres de sa famille. M. Zibrik était accompagné de sa femme, de ses trois filles, de leurs conjoints et d’un petit-enfant nouveau-né. L’appelante a témoigné que l’assemblée générale annuelle de KMC se déroulait à Cancun en 2012. Le coût du voyage au Mexique pour neuf personnes s’élevait à 7 862,64 $. KMC a réclamé ce montant à titre de dépense. À celui-ci s’ajoutait 3 500 $ de dépenses pour des activités personnelles, comme une expédition d’observation de tortues, qui n’ont pas été réclamées par KMC. Aucune explication n’a été donnée pour justifier la présence de neuf personnes à une réunion d’entreprise. Aucun procès-verbal de ces réunions n’a été fourni en preuve. Il n’y eut non plus d’horaire ou de notes desdites réunions.

[13]  La seule conclusion plausible à laquelle on peut parvenir à la lumière des éléments de preuve est que M. Zibrik a payé des vacances en famille à toute sa famille. Il a ensuite inscrit cette dépense au nom de KMC, puis a inscrit un prêt de l’actionnaire pour les montants qu’il a payés. Je conclus qu’il s’agit d’une dépense strictement personnelle au profit de M. Zibrik et de sa famille.

Frais de véhicule à moteur

[14]  M. Zibrik a réclamé les montants suivants à titre de frais de véhicule à moteur qu’il a engagés et payés au nom de KMC : 18 080 $ en 2012, 20 968 $ en 2013 et 16 187 $ en 2014. Afin de parvenir à ces montants, l’appelante a affirmé qu’il avait parcouru les distances suivantes pour le compte de KMC : 72 157 km en 2012, 79 703 km en 2013, puis 80 820 km en 2014.

[15]  M. Zibrik a présenté un « journal hebdomadaire des déplacements professionnels » pour étayer sa position pour l’année d’imposition 2012 seulement. Aucun journal n’a été présenté à l’audience pour les autres années en cause.

[16]  M. Zibrik a témoigné qu’il utilisait cinq véhicules pour ses déplacements; soit deux véhicules lui appartenant, ainsi que des véhicules appartenant à ses enfants Deborah, Kevin et Lindsay.

[17]  Les éléments de preuve produits par M. Zibrik étaient à la fois invraisemblables, voire parfois contradictoires, et ne soutenaient pas sa version des faits. Le simple fait que M. Zibrik affirme avoir utilisé cinq véhicules différents pour accumuler ces kilomètres semble complètement illogique. De plus, outre ses notes écrites dans le journal sur lequel il s’est appuyé à l’audience, il n’avait aucun autre document lui permettant d’étayer sa prétention voulant que ces nombreux déplacements eussent été pour le compte de KMC.

[18]  L’examen du journal de 2012 révèle que M. Kibrik affirme avoir effectué des déplacements pour le compte de KMC tous les jours de l’année, sauf du 25 au 27 décembre, incluant des trajets de centaines de kilomètres effectués à de nombreuses reprises en soirée après le travail. Il faut examiner cette prétention en tenant compte du fait que l’appelant occupait un poste à temps plein très chargé chez YVR, et qu’il jouait au hockey et pratiquait du kayak dans ses temps libres.

[19]  Si M. Zibrik disait la vérité quant à tous les déplacements qu’il dit avoir effectués, il ferait également une quelconque activité une fois rendu à ces différentes destinations. Il s’agirait là d’une autre activité demandant du temps. Or, il n’y a tout simplement pas suffisamment de temps dans la journée de M. Zibrik pour admettre cette réclamation.

[20]  Plusieurs autres éléments du journal des déplacements professionnels me portent également à douter de la crédibilité de M. Zibrik. Par exemple, malgré le fait que M. Zibrik a reconnu voyager trois à cinq fois par année dans le cadre de son emploi à YVR, on ne remarque aucune pause dans son journal de déplacements pour ces voyages. Je remarque également qu’il a indiqué avoir parcouru des centaines de kilomètres en Allemagne et en Italie au nom de KMC, sans pouvoir expliquer raisonnablement en quoi ces déplacements profiteraient à KMC. Il a aussi réclamé des dépenses pour des déplacements réalisés aux États-Unis, plus particulièrement au Wyoming et au Montana.

[21]  En conclusion, l’appelant a admis qu’une partie de ces kilomètres devraient être déduits de sa réclamation, car ils faisaient partie de son bénévolat. Je n’ai reçu aucun élément de preuve décrivant l’endroit où se trouvent ces trajets dans son journal ou à savoir s’il a entré les mêmes données pour les autres années.

[22]  M. Zibrik a témoigné de façon très générale qu’il a parcouru tous ces kilomètres dans le but de trouver d’autres propriétés à des fins d’investissement immobilier; toutefois, les éléments de preuve soumis à cet égard sont, au mieux, vagues. Son témoignage était peu utile pour expliquer en quoi ces voyages étaient nécessaires pour une petite entreprise n’ayant jamais possédé plus de deux propriétés à la fois.

[23]  Si la Cour devait déterminer si les frais de véhicule à moteur étaient des dépenses d’entreprises engagées au nom de KMC, je les aurais entièrement rejetées. Toutefois, il ne s’agit pas de la question à trancher.

[24]  Il est important de souligner que M. Zibrik a lui-même payé tous les frais de véhicule à moteur. KMC a ensuite inscrit un prêt de l’actionnaire au nom de M. Zibrik pour ces paiements. Il s’agit de ce montant qui a fait l’objet d’une cotisation par le ministre pour chaque année d’imposition en application du paragraphe 6(1) de la Loi.

Frais d’adhésion au Kerrisdale Athletic Club

[25]  Les frais d’adhésion de 1 200 $ de M. Zibrik au club de conditionnement physique ont été payés par KMC pour chacune des années en cause. À l’audience, M. Zibrik a admis qu’il s’agissait d’une dépense personnelle payée par KMC. La seule question à trancher est à savoir si ce montant peut faire l’objet d’une cotisation à l’appelante en application du paragraphe 6(1) de la Loi.

Chèques au nom d’Hannah et Michelle Kleindienst

[26]  Michelle Kleindienst est la fille de M. Zibrik. Hannah est sa petite-fille.

[27]  En 2012, KMC a émis un chèque d’un montant de 2 500 $ au nom d’Hannah. En 2014, KMC a émis un chèque d’un montant de 5 000 $ à Michelle Kleindienst. M. Kibrik a témoigné que ces paiements étaient en lien avec l’achat de matériel de bureau par KMC. Plus particulièrement, en 2012, M. Kibrik a affirmé que sa fille avait acheté, au nom de KMC, deux classeurs, une chaise de bureau et un bureau en chêne. Il a dit qu’il lui avait versé 2 500 $ pour ces articles. Aucun reçu n’a été fourni, ni aucun autre élément de preuve, pour attester de la provenance de ces articles. Le chèque a été mis au nom de sa petite-fille Hannah, alors nouveau-née. M. Zibrik ne pouvait pas se rappeler dans son témoignage pourquoi le paiement avait été effectué de cette façon.

[28]  En ce qui a trait à la réclamation de 2014 pour l’achat de matériel de bureau, M. Zibrik a affirmé que sa fille avait acheté une photocopieuse pour son bureau au coût de 2 300 $. Elle avait également acheté un kayak de 2 500 $. Aucune explication n’a été fournie quant au fait que ces achats ne totalisaient pas 5 000 $. Il a d’abord affirmé dans ses observations écrites remises à notre Cour que la photocopieuse avait duré deux ans. Dans son témoignage, il a affirmé qu’elle avait duré quelques jours.

[29]  Quant au kayak, M. Zibrik a affirmé qu’il avait été acheté pour KMC par sa fille. Il a soutenu qu’il utilisait ce kayak lorsqu’il souhaitait voir des propriétés à partir de l’eau dans le cadre de sa recherche de nouveaux investissements pour KMC.

[30]  Comme je l’ai déjà mentionné, je n’ai pas trouvé que M. Zibrik était un témoin crédible. Je n’accepte pas, étant donné les éléments de preuve produits à l’audience, que ces achats visaient l’acquisition de matériel de bureau pour KMC. Je conclus plutôt qu’il s’agissait de paiements pour le compte de la fille et de la petite-fille de M. Zibrik, sous la direction de ce dernier. Ces paiements ont été versés au profit de la famille de M. Zibrik, et non pas pour l’achat de matériel de bureau pour KMC.

Laissez-passer de ski à Whistler

[31]  M. Zibrik a payé un laissez-passer de ski saisonnier à Whistler et a enregistré ce montant dans le registre de KMC à titre de prêt de l’actionnaire. Il a fourni des relevés de carte de crédit démontrant qu’il a payé cette somme, et non KMC. J’accepte, selon la prépondérance des probabilités, que M. Zibrik ait fait ce paiement. Le coût du laissez-passer de ski s’élevait à 1 775 $. KMC a inscrit une dépense de 1 249 $, soit environ 70 % du coût du laissez-passer. Ce montant a également été ajouté au prêt de l’actionnaire payable à M. Zibrik.

[32]  M. Zibrik a affirmé dans son témoignage qu’il travaillait bénévolement pour aider le Comité olympique canadien ainsi que différentes nations hôtes dans leurs préparatifs en vue de la tenue de Jeux olympiques. Il affirme avoir agi de la sorte depuis 2007. M. Zibrik a dit qu’il avait travaillé bénévolement pour les Jeux olympiques de Vancouver qui ont eu lieu à Whistler. Conséquemment, qu’il disposait de précieuses connaissances pour d’autres nations pour la tenue de Jeux olympiques ultérieurs.

[33]  Je conclus ainsi que si M. Zibrik a bel et bien participé à des réunions à Whistler durant la saison de ski, il s’agissait de réunions personnelles, car elles faisaient partie de son bénévolat. M. Zibrik a admis en preuve que son bénévolat n’était aucunement lié au revenu de KMC. En conclusion, M. Zibrki a changé sa position, affirmant en quelque sorte que la participation à ces réunions pourrait peut-être générer des revenus à l’avenir pour KMC. Je dois rejeter cette prétention. Je conclus que les laissez-passer de ski à Whistler étaient des dépenses personnelles payées par M. Zibrik. Un prêt de l’actionnaire a ensuite été inscrit aux livres de KMC à la suite de ce paiement.

Analyse

[34]  Le ministre soutient que Ray Zibrik occupait un emploi ouvrant droit à pension avec KMC, car il existait un contrat de service entre les parties durant les années d’imposition 2012 à 2014. Aucun élément de preuve n’a été soumis à l’audience pour attester de l’existence de ce contrat de service. M. Zibrik a témoigné qu’il n’était pas un employé de KMC. L’intimée n’a pas contesté cette affirmation en contre-interrogatoire. Compte tenu des éléments de preuve, je conclus que M. Zibrik n’était pas un employé de KMC.

[35]  L’intimée soutient de plus que si M. Zibrik n’était pas un employé, alors il avait reçu des avantages imposables en application du paragraphe 6(1) de la Loi, car il percevait un revenu issu d’une charge. Le ministre a également établi une cotisation pour KMC en raison des contributions dues sur les avantages imposables ainsi que des pénalités encourues pour production tardive des feuillets de renseignements T4 pour les années d’imposition 2012, 2013 et 2014.

[36]  La question à trancher pour chacun de ces éléments est à savoir si M. Zibrik a reçu des avantages imposables découlant d’une charge conformément au paragraphe 6(1) de la Loi.

[37]  Le paragraphe 6(1) de la Loi est rédigé ainsi :

Éléments à inclure à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi

(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

[38]  M. Zibrik était le directeur et unique actionnaire de KMC.

[39]  Le paragraphe 248(1) de la Loi est rédigé ainsi :

(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

charge Poste qu’occupe un particulier et qui lui donne droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables,

y compris une charge judiciaire, la charge de ministre de la Couronne, la charge de membre du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada, de membre d’une assemblée législative ou de membre d’un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif, et comprend aussi le poste d’administrateur de société; fonctionnaire ou cadre s’entend de la personne qui détient une charge de ce genre, y compris un conseiller municipal et un commissaire d’école. (office)

[...]

employé Sont compris parmi les employés les cadres ou fonctionnaires. (employee)

[40]  La définition d’un « employé » au sens du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») comprend le mot « fonctionnaire » et la définition d’une « charge » au sens du RPC est identique à celle d’une « charge » au sens de la Loi. Il est pertinent d’examiner la définition d’une « charge » au sens de la Loi lorsqu’on interprète la définition de ce même mot en application du RPC.

[41]  Dans la décision Blanchard, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il suffisait d’un lien très ténu avec l’emploi pour que l’article s’applique [2] .

[42]  La Cour d’appel fédérale dans la décision McGolrick c. Canada a cité le passage suivant de l’arrêt de la Cour suprême dans La Reine c. Savage [3] ,

En règle générale, toute acquisition matérielle liée à un emploi qui confère un avantage économique à un contribuable et ne constitue pas une exception tombe sous le coup de l’alinéa 6(1)a).

[43]  Bien que j’accepte partiellement l’argument de la Couronne voulant que M. Zibrik ait profité de certains avantages, plus particulièrement les frais d’adhésion de M. Zibrik au club d’entraînement ainsi que les paiements effectués à sa fille et à sa petite-fille, je dois tout de même déterminer, en application du paragraphe 6(1) de la Loi, si M. Zibrik a été rémunéré en raison de son statut de directeur de KMC.

[44]  Les critères juridiques pertinents quant à l’existence d’une « charge » ont été examinés par la Cour d’appel fédérale en 2009 dans la décision Vachon (Sucession de) c. la Reine. La Cour d’appel a alors conclu les suivantes [4]  :

36 [...] Les critères juridiques qui sous-tendent l’existence d’une charge et qui sont pertinents selon les faits ici en cause sont de deux ordres : d’une part, les personnes visées doivent occuper une « […] charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif […] » et d’autre part, le poste en question doit donner droit à un traitement ou à une rémunération fixe ou vérifiable ou déterminée ou constatable.

[...]

38 L’existence de ce deuxième critère est assujettie à deux conditions. La charge ou le poste occupé doit « donner droit » à une rémunération, et cette rémunération doit être « fixe ou vérifiable » ou « déterminée ou constatable ».

[Non souligné dans l’original.]

[45]  La Cour d’appel fédérale poursuit en citant la juge Lamarre Proulx qui, dans la décision Duguay c. La Reine, a tenu les propos suivants :

« Le test approprié pour savoir s’il s’agit d’une rémunération ou d’un traitement est de déterminer si la personne a reçu le paiement pour ses activités dans l’exécution de sa charge ou simplement à titre personnel » [5] . Le remboursement des dépenses engagées en raison de l’emploi (ou de la charge) ne constitue ni une rémunération ni un avantage [6] .

[46]  Le juge Stratas, dans la décision Canada (Revenu national) c. Real Estate Council of Alberta a conclu les suivantes :

[...] les termes « donnant droit à un traitement ou à une rémunération » s’entendent simplement d’un poste occupé en contrepartie d’une rémunération : Succession Vachon c. Canada, 2009 CAF 375, aux paragraphes 38 à 43.

[47]  Quant au rôle de M. Zibrik au sein de KMC, il me semble qu’aucun des éléments en cause dans l’espèce ne constitue des paiements versés à M. Zibrik pour la conduite d’activités liées à sa charge. En outre, il n’était pas en position de recevoir une rémunération de KMC.

[48]  Aucun avantage reçu par M. Zibrik de la part de KMC ne constituait une rémunération contre services rendus. Rien n’indique que M. Zibrik avait droit à un traitement ou à une rémunération fixe ou vérifiable.

[49]  Le paragraphe 15(1) de la Loi n’a ni été examiné ni avancé à l’audience; toutefois, il aurait été applicable à certains des éléments en cause. Le passage suivant me semble utile à ce chapitre. Dans la décision Chopp c. La Reine, le juge Morgan a analysé la distinction entre un avantage imposable en application du paragraphe 15(1) par rapport au cas de l’alinéa 6(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu [7]  :

Il a été statué à maintes reprises qu’un avantage n’est imposable, en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu [...] que s’il est conféré à un actionnaire [...] Voir Ministre du Revenu national c. Pillsbury Holdings Ltd., [1964] C.T.C. 294, 64 D.T.C. 5184 (C. de l’É.). La relation qui existe entre la corporation et ses actionnaires est fondée sur le capital investi. Cette relation n’est pas en soi accessoire ou liée à l’entreprise exploitée par la corporation. De fait, il se peut que la corporation n’exploite pas d’entreprise ou, si elle le fait, il se peut que les actionnaires ne participent pas à l’exploitation de l’entreprise.

La relation qui existe entre la corporation et les personnes qui s’occupent de l’exploitation de l’entreprise est une relation employeur-employé. Bien sûr, cette relation est accessoire et liée à l’entreprise de la corporation. Si l’actionnaire est également un employé de la corporation et se voit accorder un avantage à ce titre, la valeur de cet avantage sera imposée en vertu de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. Une corporation peut habituellement déduire à titre de dépense d’entreprise le coût d’un avantage qu’un employé reçoit ou dont un employé jouit à ce titre. Toutefois, une corporation ne peut pas déduire n’importe quel montant relativement à un avantage conféré à un actionnaire à ce titre, parce que la relation corporation-actionnaire n’est pas accessoire par rapport à l’entreprise de la corporation. L’avantage conféré à un actionnaire ressemble davantage à un dividende qu’à une dépense d’entreprise. Par conséquent, un avantage imposé en vertu du paragraphe 15(1) donne habituellement lieu à une double imposition parce que l’actionnaire est imposé à l’égard d’un montant qui n’a pas été déduit dans le calcul du revenu de la corporation. Dans les circonstances appropriées, ce résultat est dur, mais nécessaire.

[Non souligné dans l’original.]

[50]  Pour les motifs susmentionnés, je conclus que M. Zibrik n’a pas reçu d’avantages de KMC conformément au paragraphe 6(1) de la Loi. Conséquemment, notre Cour doit accueillir les appels dans leur ensemble.

M. Zibrik a-t-il reçu un avantage de l’augmentation de son prêt d’actionnaire?

[51]  J’estime que je devrais me prononcer davantage sur la question des frais de véhicule à moteur ainsi que du laissez-passer de ski à Whistler. M. Zibrik a payé ces frais lui-même et les a inscrits à titre de prêt de l’actionnaire lui étant dû.

[52]  L’intimée soutient que l’augmentation du compte de prêt de l’actionnaire constitue un avantage reçu par M. Zibrik, lequel devrait être imposé conformément au paragraphe 6(1) de la Loi. Je dois rejeter cette prétention.

[53]  Les éléments de preuve déposés à l’audience démontrent que M. Zibrik n’a fait aucun retrait du compte de prêts aux actionnaires.

[54]  Dans la décision Canada c. Franklin, le juge Rothstein a affirmé qu’aucun avantage ne pouvait être conféré à un actionnaire lorsque celui-ci découlait d’une erreur de comptabilité, car l’actionnaire avait réinvesti les sommes (destinées à la société) qu’il avait reçues personnellement dans la société [8] .

[55]  Le juge Rothstein a cité les motifs du tribunal inférieur et a conclu qu’il n’était pas en mesure de trouver une erreur manifeste et dominante qui justifierait la remise en question de la décision [9] ,

Toutefois, si la vente à M. Yates avait été correctement inscrite par HVSL, la valeur de ses actifs aurait diminué d’un montant correspondant à la moitié de la valeur du condominium, tout comme l’aurait fait le prêt de l’actionnaire accordé par M. Franklin. Par conséquent, l’intérêt total que détient M. Franklin dans ses actions et son prêt accordé à HVSL n’auraient pas changé. En outre, la position correcte relative aux prêts nets de M. Franklin au sein de HVSL n’a jamais connu de déficit au cours des années en litige. En conséquence, ce qui s’est produit est une série d’erreurs de tenue de livres dans les états de HVSL qui ont été provoquées par M. Franklin, qu’elles aient été volontaires ou non. Toutefois, aucune d’entre elles ne lui a procuré un avantage selon la preuve. Il n’a pas retiré de montant d’argent de HVSL dépassant son solde de prêt correct au cours des années en litige. Il n’y a pas été prouvé non plus qu’il a utilisé les états financiers incorrects afin d’obtenir un avantage ailleurs pour lui-même. M. Franklin n’a reçu aucun avantage.

[Non souligné dans l’original.]

[56]  En citant les motifs du tribunal inférieur et en indiquant qu’il n’y avait aucune erreur manifeste ou dominante, la Cour d’appel fédérale semblait soutenir la théorie voulant qu’un compte de prêt de l’actionnaire doive se trouver en déficit afin qu’on puisse admettre l’existence d’un avantage pour l’actionnaire [10] . De plus, les motifs du tribunal inférieur indiquent que l’actionnaire « n’a pas retiré de montant d’argent de HVSL dépassant son solde de prêt correct au cours des années en litige », signifiant ainsi que le calcul d’un déficit se fait à partir des montants réels, et non pas des montants entrés par erreur.

[57]  Notre Cour a analysé récemment un dossier qui correspond davantage à l’espèce, à mon sens. Il s’agit de la décision Chaplin. Dans cette décision, l’appelante a payé les frais juridiques engagés tandis qu’elle tentait de prendre le contrôle d’une société. En réaction, la société a déduit les frais juridiques payés par Mme Chaplin et a augmenté le solde de son compte de prêt de l’actionnaire. Le juge Graham a résumé les questions comme suit : 1) l’appelante a-t-elle consenti un prêt à la société; 2) dans le cas contraire, la société a-t-elle consenti un avantage à Mme Chaplin lorsque son prêt a été augmenté par erreur [11] .

[58]  Le juge Graham a conclu que l’écriture comptable augmentant le prêt de l’actionnaire était « fausse » et qu’elle avait été effectuée par des comptables externes suivant la consigne exacte de l’appelante. L’écriture inscrite au compte de prêt de l’actionnaire ne correspondait pas à la réalité, car l’appelante « a[vait] simplement payé elle-même ses dépenses personnelles » [12] .

[59]  Le juge Graham a poursuivi [13]  :

Cela dit, je ne suis pas convaincu que le simple fait de faire une fausse écriture comptable, même sciemment, confère un avantage à un actionnaire. Il me semble que l’avantage est conféré lorsqu’un bien de valeur est donné à l’actionnaire. Tout au plus, une fausse écriture comptable jette les bases du déguisement d’un crédit futur ou de la dissimulation d’une dette due par un actionnaire à la société. Elle ne constitue pas en soi un avantage.

[60]  En ce qui concerne les frais de véhicule à moteur engagés en 2012, 2013 et 2014, ainsi que le laissez-passer de ski à Whistler en 2012, M. Zibrik a payé ces sommes. Le seul avantage qu’il aurait pu recevoir était une augmentation du compte de prêt de l’actionnaire.

[61]  J’estime que ces écritures concernant les frais de véhicule à moteur et le laissez-passer de ski sont fausses; néanmoins, je ne peux pas faire fi du fait qu’aucun paiement n’a été fait à l’intention de M. Zibrik par KMC à l’égard des frais. En somme, bien que les écrites comptables soient fausses, je souscris à l’analyse présentée dans la décision Chaplin. À ce jour, M. Zibrik n’a reçu aucun avantage.

[62]  Pour ces motifs, les appels sont accueillis. Chaque partie assumera ses propres dépens.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2019.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 97

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2018-1544(CPP), 2018-1546(IT)I et 2018-1549(IT)I

INTITULÉ :

KOOTENAY MANAGEMENT CONSULTANTS LTD. et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et RAY ZIBRIK (intervenant);

KOOTENAY MANAGEMENT CONSULTANTS LTD. et SA MAJESTÉ LA REINE;

RAY K. ZIBRIK et SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 février 2019 et le 20 mars 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Ronald MacPhee

DATE DU JUGEMENT :

Le 30 avril 2019

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

Ray K. Zibrik

Avocat de l’intimée :

Pour l’intervenant :

Me Spencer Landsiedel

L’intervenant lui-même

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Nom :

s.o.

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Pour l’intervenant :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

s.o.

 



[1]   Il est intéressant de souligner que la réponse dans le dossier 2018-1546(IT)I indique que Ray K. Zibrik n’a pas remboursé les frais de véhicule à moteur à l’appelante. Toutefois, les réponses dans les dossiers 2018-1549(IT)I et 2018-1544(CPP) indiquent que KMC n’a pas remboursé les frais de véhicule à moteur à Ray K. Zibrik. Il faudrait remarquer qu’à des fins factuelles, j’ai conclu que M. Zibrik avait payé les frais de véhicule à moteur et les avait inscrits à titre de prêt de l’actionnaire que lui devait KMC.

[2]   SMR c. Eugene Joseph Blanchard, [1995] 2 CTC 262, au paragraphe 6, 9 DTC 5479.

[3]   McGoldrick c. Canada, 2004 CAF 189.

[4]   2009 CAF 375, aux paragraphes 36-38 et 40.

[5]   [2000] ACI no 381, au paragraphe 37, [2001] 4 CTC 2726.

[6]   Ransom c. Ministre du Revenu national, [1967] CTC 346, 67 DTC 5235.

[7]   Chopp c. La Reine, [1995] 2 CTC 2946.

[8]   Canada c. Franklin, 2002 CAF 38, aux paragraphes 2 et 3.

[9]   Ibid. au paragraphe 6.

[10]   Ibid. au paragraphe 5.

[11]   Chaplin c. La Reine, 2017 CCI 194.

[12]   Ibid. au paragraphe 112.

[13]   Ibid. au paragraphe 114.

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