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Dossier : 2017-2709(IT)I

ENTRE :

SHAIBAL THEODORE ROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 11 décembre 2018, à Toronto (Ontario) et

des observations écrites ont été soumises le 15 janvier et le 25 février 2019.

Jugement et motifs du jugement datés du 5 mars 2019 et

motifs du jugement modifiés datés du 18 mars 2019.

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Derek Edwards

 

ORDONNANCE

  Conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints, la requête de l’appelant visant à obtenir une ordonnance de réexamen de l’adjudication des dépens aux termes du paragraphe 147(7) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a, est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2019.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith


Référence : 2019 CCI 110

Date : 20190509

Dossier : 2017-2709(IT)I

ENTRE :

SHAIBAL THEODORE ROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge Smith

[1]  Le 5 mars 2019, notre Cour a délivré les motifs écrits de son jugement (2019 CCI 50) accueillant l’appel de l’appelant et concluant que le ministre du Revenu national (le « ministre ») avait indûment réduit les contributions inutilisées à un Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) de l’appelant. La Cour a ordonné à la Couronne de verser le montant forfaitaire de 1 000 $ à titre de dépens à l’appelant au motif qu’elle n’avait pas présenté de cause adéquate et, de surcroît, qu’elle n’avait pas fourni une comptabilité exacte des contributions à un REER de l’appelant, et ce, malgré la demande de notre Cour.

[2]  Dans une lettre datée du 7 avril 2019, l’appelant a formulé des observations écrites et a demandé à la Cour de réexaminer les dépens accordés et d’évaluer la possibilité d’imposer des dommages ou une pénalité à l’Agence du revenu du Canada (« Agence ») en raison de manquements allégués à la Charte des droits du contribuable.

[3]  L’intimée a simplement soutenu, dans une lettre datée du 2 mai 2019, que la Cour [traduction] « n’avait pas compétence pour interpréter la lettre de l’appelant à titre de fondement pour réexaminer les dépens ». L’intimée s’est appuyé sur la décision de notre Cour dans Bibby c. Canada, 2010 CCI 111 (« Bibby »), dans laquelle le juge Bowie, n’a trouvé aucun fondement à la demande, mais a indiqué, à titre incident, que la demande aurait dû être effectuée en application de l’article 69 des Règles.

[4]  L’appelant n’a cité aucune disposition législative, néanmoins, il me semble que le paragraphe 147(7) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (les « Règles ») prévoit qu’une telle demande peut être formulée :

147 (7) Une partie peut :

  • (a) a) dans les trente jours suivant la date à laquelle elle a pris connaissance du jugement;

  • (b) b) après que la Cour a décidé du jugement à prononcer, au moment de la présentation de la requête pour jugement,

que le jugement règle ou non la question des dépens, demander à la Cour que des directives soient données à l’officier taxateur à l’égard des questions visées au présent article ou aux articles 148 à 152 ou qu’elle reconsidère son adjudication des dépens.

[Non souligné dans l’original.]

[5]  La conclusion du paragraphe 147(7) prévoit clairement que la Cour pourrait réexaminer son adjudication de dépens. Je conclus qu’il s’agit de l’instance appropriée à cette fin, et ce, même en l’absence d’une demande formelle, comme mentionné dans la décision Bibby, précitée.

[6]  L’appelant soutient que les dépens accordés sont entièrement inadéquats étant donné la conclusion de notre Cour voulant qu’il eût été contraint de mener [traduction] « un combat long et frustrant » avec l’Agence. Il cherche à obtenir une augmentation des dépens correspondant au temps excessif consacré à tenter de résoudre les différents problèmes liés à son compte de REER. L’appelant est extrêmement critique à l’endroit de la façon dont l’Agence a géré son dossier et il estime qu’en raison de son incompétence alléguée, il a mis plus de 200 heures [traduction] « depuis 2013 », lorsque la question a été soulevée pour la première fois par l’Agence, à tenter de régler son dossier. Présumant un taux horaire de 250 $, qu’il aurait autrement dû verser à un avocat junior, selon sa prétention, il calcule ainsi que sa perte de temps équivaudrait à environ 50 000 $.

[7]  Avant d’examiner la question des dépens et la demande de dommages, il serait pertinent d’examiner, à nouveau, les faits de l’espèce qui ont mené à cette situation.

[8]  Premièrement, il n’est pas contesté qu’en 2006, l’appelant a fait une cotisation de 43 000 $ à son REER, qu’il a ensuite déduit au cours des années suivantes en respectant les limites autorisées. La source de cette contribution n’a pas été expliquée à la Cour. Toutefois, c’est un fait bien connu que les cotisations à un compte de REER peuvent uniquement être effectuées en dollars « après impôt », c’est-à-dire à partir d’économies (incluant un cadeau ou un héritage, sur lequel quelqu’un d’autre a présumément déjà payé de l’impôt) ou de fonds empruntés, en quelque cas ni les remboursements en capital ni les intérêts sont déductibles aux fins de l’impôt.

[9]  L’appelant m’a paru être une personne intelligente en mesure de comprendre et d’exposer des concepts et des calculs fiscaux complexes. Par conséquent, la Cour doit conclure qu’il savait ou qu’il aurait dû savoir en 2006 que son imposante contribution, eu égard à son revenu d’emploi, était une « cotisation excessive » aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »). Il n’a présenté aucune explication quant à cette cotisation, et n’a pas laissé entendre qu’il avait reçu des conseils juridiques, comptables ou en placement à cette fin. La Cour doit ainsi conclure que l’appelant a pris cette décision seul. Néanmoins, cette cotisation a été faite par erreur et contrairement aux dispositions de la Loi.

[10]  Deuxièmement, selon le témoignage de l’appelant, les cotisations au REER de 2006 ont ensuite été « investies » dans des titres boursiers, qui se sont rapidement avérés sans valeur. Rien n’indique qu’il a reçu quelque conseil d’un professionnel en placement avant de faire cet investissement. En outre, l’appelant a admis, très candidement, qu’il avait pris de très mauvaises décisions de placement. En conséquence, ayant présumément fait des placements à haut risque, comme l’appelant semble le reconnaître, il doit personnellement assumer la responsabilité de la perte en capital subséquente.

[11]  Troisièmement, après avoir fait cette cotisation excessive à son compte de REER en 2006, l’appelant a omis de soumettre un formulaire T1-OVP Déclaration des particuliers tous les ans, comme le décrit davantage le juge de l’instance dans les motifs de son jugement. Ceci a mené à une évaluation de l’impôt à un taux de 1 % par mois sur les contributions excédentaires, ainsi qu’à l’imposition d’intérêts et de pénalités pour défaut de production. Il semble que l’appelant n’était pas au courant de cette obligation. Encore une fois, il n’a sollicité aucun conseil professionnel, juridique ou comptable pour déterminer s’il était assujetti à cette obligation légale.

[12]  Les contribuables canadiens vivent sous un régime fiscal fondé sur l’autoévaluation et l’autodéclaration. Par conséquent, je conclus que l’appelant doit également assumer sa responsabilité à l’égard de son défaut de produire les formulaires T1-OVP.

[13]  Comme l’a décrit le juge dans les motifs de son jugement, l’appelant a déposé une demande d’allègement à l’égard de l’impôt cumulatif de 1 % et le 19 juin 2015, le ministre a accepté la demande et a exonéré l’appelant du montant de l’impôt, des intérêts et des pénalités cumulant à une somme de 38 193,08 $. Malgré qu’il soit vrai que l’Agence ait indûment réduit la part inutilisée de ses cotisations à un REER, ce qui était l’objet de l’appel, la décision du ministre d’accueillir la demande d’allègement ne devrait pas être interprétée comme étant une victoire, bien que ce le fut certainement, donnant lieu à un transfert de la responsabilité des actions susmentionnées de l’appelant au ministre.

[14]  Par ailleurs, le fait que la Cour ait donné gain de cause quant à la question restreinte qui a été soulevée en appel ne devrait pas non plus être interprété comme une victoire, bien que ce le soit certainement, permettant à l’appelant de bénéficier d’une page vierge et, à nouveau, de transférer la responsabilité eu égard à ses erreurs, susmentionnées, à l’Agence.

[15]  Pour ces motifs, la Cour conclut que l’appelant est et était, dans une grande mesure, l’unique responsable de sa malchance.

[16]  J’aborderai maintenant la question des dépens.

[17]  La Cour dispose d’un large pouvoir discrétionnaire quant à l’adjudication de dépens. La règle bien établie veut généralement que la partie ayant eu gain de cause se voie accorder des dépens. Toutefois, il faut prendre en compte une vaste gamme de facteurs, la majorité d’entre eux figurant aux alinéas 147(3)a) à j) des Règles. Il n’est pas nécessaire de reproduire ces dispositions.

[18]  En l’espèce, l’appel a été entendu sous le régime de la procédure informelle, où il est bien établi que la règle va à l’encontre de l’adjudication de dépens, sauf dans des circonstances exceptionnelles. De plus, il est important de souligner que la Cour peut uniquement accorder des dépens à la Couronne, ce qui n’est pas le cas de l’espèce, lorsqu’elle est convaincue que « les actions de l’appelant ont retardé indûment le règlement prompt et efficace de l’appel ». Par ailleurs, le paragraphe 10(2) des règles de la procédure informelle limite à 810 $ la somme des dépens entre parties. Il s’agit de la limite maximale pouvant être accordée.

[19]  En conséquence, l’adjudication de dépens de 1 000 $ contre le ministre, comme le stipulent les motifs du jugement, était exceptionnelle dans le contexte d’un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle.

[20]  De plus, en règle générale, les dépens sont uniquement accordés lorsque le justiciable est représenté par un avocat. Or, comme l’a admis l’appelant, il n’a reçu aucune formation juridique.

[21]  Par conséquent, il ne se distingue nullement de tout autre justiciable qui cherche à se présenter devant notre Cour sans être représenté par avocat. Ce contribuable, qu’il ait gain de cause ou non, devra nécessairement dépenser un temps considérable pour être en mesure d’expliquer les faits de son dossier et exposer les fondements juridiques de sa cause.

[22]  Comme je l’ai mentionné précédemment, l’appelant cherche également à obtenir des dommages pour cause de manquement allégué à ses droits en application de la Charte des droits du contribuable. Dans ses motifs, la Cour a expliqué au paragraphe 25 qu’elle n’avait pas compétence pour accorder des dommages en lien avec la conduite ou les coûts allégués en lien avec une « occasion perdue ». La Cour a compétence pour établir si la cotisation d’impôt sur le revenu était correcte eu égard aux faits et au droit.

[23]  En conclusion, la Cour n’a pas la compétence pour accorder des dommages ou imposer quelque « pénalité » que ce soit à l’encontre de l’Agence, comme le demande l’appelant en raison [traduction] « de manquements flagrants et répétés à la [...] Charte des droits du contribuable ». Toutefois, l’appelant est libre de réclamer cette réparation devant un autre tribunal.

[24]  En conséquence, la demande de l’appelant visant l’augmentation des dépens et l’adjudication de dommages ou d’une pénalité à l’encontre de l’Agence est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mai 2019.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 110

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-2709(IT)I

INTITULÉ :

SHAIBAL THEODORE ROY c.
SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 décembre 2018

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Guy R. Smith

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 9 mai 2019

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Derek Edwards

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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