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Dossier : 2018-382(IT)I

ENTRE :

FRANÇOIS MORAS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 18 janvier 2019, à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Julien Dubé-Sénécal

 

JUGEMENT

  L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et datée du 18 novembre 2016 concernant les années d’imposition 2013 et 2014 est accueilli sans dépens. Par conséquent, la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d’accorder la déduction des frais d’intérêts de 2 750 $ et de 2 555 $ pour les années d’imposition 2013 et 2014 respectivement, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Québec, Canada, ce 9e jour de mai 2019.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2019 CCI 111

Date : 20190509

Dossier : 2018-382(IT)I

ENTRE :

FRANÇOIS MORAS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  L’appelant, François Moras, interjette appel d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), par le ministre du Revenu national (le « ministre »), datée du 18 novembre 2016 concernant les années d’imposition 2013 et 2014.

[2]  En produisant ses déclarations de revenus pour 2013 et 2014, l’appelant a réclamé la déduction de frais d’intérêts à titre de dépenses d’entreprise aux montants de 2 750 $ et 2 555 $ pour les années 2013 et 2014 respectivement.

[3]  En vertu de la nouvelle cotisation, le ministre a refusé la déduction des intérêts réclamés parce qu’ils n’ont pas été générés à l’égard de dépenses en lien avec les activités commerciales de l’appelant.

[4]  Monsieur Moras a témoigné à l’audience et il a expliqué, qu’au cours des années d’imposition 2002 à 2007, il a exploité une entreprise qui offrait des services comptables dans les localités de Brossard et de Trois-Rivières. Il se rendait au bureau de Trois-Rivières au moins une fois par semaine.

[5]  Il a cessé d’exploiter personnellement son entreprise en 2007 alors qu’il a formé une société par actions pour poursuivre ses activités commerciales.

[6]  Au cours des années d’imposition 2013 et 2014, l’appelant rendait des services à titre d’employé auprès des universités suivantes :

  • - Université du Québec à Trois-Rivières;

  • - Université du Québec à Rimouski; et

  • - Université du Québec à Montréal.

[7]  L’appelant affirme que les frais d’intérêts provenaient des dépenses suivantes encourues pour son entreprise au cours des années d’imposition 2002 à 2006 :

Loyer

36 207 $

Intérêts

13 267 $

Abonnement à des logiciels

11 589 $

Télécommunication

4 180 $

Cotisation professionnelle

2 127 $

Abonnement professionnel

206 $

Versement TPS TVQ

1 256 $

Assurance

2 653 $

Fournitures

1 080 $

Frais de déplacement

20 980 $

Total

93 545 $

[8]  L’appelant a expliqué qu’il se faisait rembourser ses dépenses de bureaux par des chèques tirés sur une marge de crédit hypothécaire qui ne servait qu’à cette fin. L’appelant a ainsi utilisé cette marge de crédit hypothécaire à compter du 26 mars 2002 jusqu’au 2 décembre 2005, et ce, uniquement pour payer les sorties de fonds relatives à son entreprise de comptable agréé exploitée sous la forme d’une entreprise à propriétaire unique.

[9]  Selon l’appelant, la marge de crédit hypothécaire a été utilisé du 3 décembre 2005 jusqu’au 31 décembre 2014 uniquement pour rembourser les intérêts chargés par la banque. Des relevés de compte mensuels de la marge ont été mis en preuve.

[10]  L’appelant a expliqué que ladite marge était également au nom de sa conjointe pour la seule et bonne raison qu’elle était co-propriétaire de la résidence familiale.

[11]  Dans la réponse à l’avis d’appel, l’intimée prétend que les dépenses totalisant 93 545 $ n’avaient pas été encourues en lien avec les activités commerciales de l’appelant. Par contre, à l’audience, l’intimée a accepté des dépenses totalisant 62 280 $, comprenant  notamment le loyer de 36 207 $, l’abonnement à des logiciels au montant de 11 589 $ et les assurances au montant de 2 653$. Les dépenses acceptées représentent environ 66,5% des dépenses totales.

[12]  Le principal élément des dépenses refusées concerne les frais de déplacement au montant de 20 980 $ à l’égard desquels l’intimée allègue l’absence de pièces justificatives supportant les frais de déplacement.

[13]  L’appelant soutien que, même si l’entreprise a cessé d’être opérée, l’emprunt subsiste et les intérêts continuent d’être payés. Les pièces justificatives du paiement des intérêts ont été mises en preuve.

[14]  De plus, l’appelant allègue, qu’en vertu de l’alinéa 20.1(2)c) de la Loi, l’argent emprunté est réputé être utilisé par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise et que, par conséquent, cet alinéa permet la déduction des intérêts payés sur l’argent emprunté.

[15]  Le paragraphe 20.1(2) de la Loi se lit comme suit :

Lorsque, à un moment donné après 1993, un contribuable cesse d’exploiter une entreprise et cesse, par conséquent, d’utiliser de l’argent emprunté en vue de tirer un revenu de l’entreprise, les règles suivantes s’appliquent :

a)  lorsque, à un moment coïncidant avec le moment donné ou postérieur à celui-ci (appelé « moment de la disposition » au présent alinéa), le contribuable dispose d’un bien qu’il a utilisé pour la dernière fois dans la cadre de son entreprise, il est réputé avoir utilisé, immédiatement avant le moment de la disposition, la fraction de l’argent emprunté qui correspond au moins élevé des montants suivants pour acquérir le bien :

(i)  la juste valeur marchande du bien au moment de la disposition,

(ii)  la fraction de l’argent emprunté qui reste à rembourser au moment de la disposition et qui n’est pas réputée, par le présent alinéa, avoir été utilisée avant le moment de la disposition pour acquérir un autre bien;

b)  sous réserve de l’alinéa a), l’argent emprunté est réputé, après le moment donné, ne pas avoir été utilisé pour acquérir un bien que le contribuable a utilisé dans le cadre de son entreprise;

c)  la fraction de l’argent emprunté qui reste à rembourser après le moment donné et qui n’est pas réputée, par l’alinéa a), avoir été utilisée avant ce moment ultérieur pour acquérir un bien est réputée avoir été utilisée par le contribuable à ce moment ultérieur en vue de tirer un revenu de l’entreprise;

d)  après le moment donné, les exercices de l’entreprise sont réputés coïncider avec les années d’imposition du contribuable, sauf que le premier de ces exercices est réputé commencer à la fin du dernier exercice de l’entreprise commençant avant le moment donné.

[16]  L’article 20.1 de la Loi est en vigueur depuis le 1er janvier 1994 et s’applique lorsqu’un emprunteur cesse d’utiliser l’argent emprunté dans le but de gagner un revenu par suite de la disparition de la source de revenu. L’effet de l’article 20.1 est de faire en sorte que les intérêts sur l’argent emprunté puissent continuer d’être déductibles dans le calcul du revenu du contribuable. Pour ce faire, l’alinéa 20.1(2)c) prévoit spécifiquement que la fraction de l’argent emprunté qui reste à rembourser au moment où l’entreprise a cessé d’être exploitée est réputée avoir été utilisée par le contribuable à tout moment ultérieur en vue de tirer un revenu de l’entreprise.

[17]  En concédant que les frais d’intérêts payés à l’égard des emprunts contractés pour financer des dépenses totalisant 62 280 $ encourues au cours des années d’imposition 2002 à 2006, l’intimée a reconnu une fois de plus que l’appelant exploitait une entreprise au cours de cette période et que les dépenses totalisant 62 280 $ avaient été encourues en lien avec ses activités commerciales.

[18]  À mon avis, l’appelant n’avait pas à justifier la déductibilité pour fins fiscales des dépenses puisqu’elles ont été déduites dans le calcul du revenu de l’appelant pour les années d’imposition 2002 à 2006 et ont été acceptées par l’Agence du Revenu du Canada.

[19]  La seule question en litige était de déterminer si l’appelant pouvait déduire les frais d’intérêts encourus par l’appelant après qu’il ait cessé d’exploiter personnellement son entreprise.

[20]  Au 2 décembre 2005, soit la date du dernier remboursement de dépense, le montant des emprunts sur la marge de crédit s’élevait à 91 614,93 $. Par la suite, soit de 2006 à 2014, seulement des intérêts se sont ajoutés à cette marge.

[21]  Dans les circonstances, il me semble que les conditions d’application du paragraphe 20.1(2) de la Loi sont rencontrées de sorte que l’argent emprunté qui restait à être remboursé au moment où l’entreprise de l’appelant a cessé d’être exploitée soit réputé avoir été utilisé par l’appelant en vue de tirer un revenu de son entreprise au cours des années d’imposition 2013 et 2014.

[22]  Pour ces raisons, l’appel est accueilli sans dépens. Par conséquent, la nouvelle cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et cotisation afin d’accorder la déduction des frais d’intérêts de 2 750 $ et de 2 555 $ pour les années d’imposition 2013 et 2014 respectivement.

Signé à Québec, Canada, ce 9e jour de mai 2019.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 111

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-382(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

FRANÇOIS MORAS ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 18 janvier 2019

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 9 mai 2019

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Julien Dubé-Sénécal

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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