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Dossier : 2018-2659(IT)I

ENTRE :

SCOTT MOORE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 4 juin 2019 et décision rendue de vive voix à l’audience du 5 juin 2019, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Amelia Fink

 

JUGEMENT

  Conformément aux motifs rendus à l’audience, l’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2015 est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national aux fins de réexamen et d’établissement d’une nouvelle cotisation, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 26e jour de juin 2019.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle


Dossier : 2018-2659(IT)I

ENTRE :

SCOTT MOORE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

VERSION RÉVISÉE DE LA TRANSCRIPTION

DES MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS DE VIVE VOIX

  Je requiers que soit déposée la transcription révisée ci-jointe des motifs du jugement rendu de vive voix à l’audience, le 5 juin 2019, à Montréal (Québec). J’ai révisé la transcription (certifiée par le sténographe judiciaire) sur le plan du style et de la clarté, et pour y apporter des corrections mineures seulement. Je n’y ai fait aucune modification quant au fond.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 26e jour de juin 2019.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle


Référence : 2019 CCI 141

Date : 20190626

Dossier : 2018-1109(IT)I

ENTRE :


SCOTT MOORE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

(Appel entendu le 4 juin 2019 et décision rendue de vive voix à l’audience du

5 juin 2019, à Montréal (Québec).

Le juge Boyle

[1]  Voici les motifs de la décision que j’ai rendue hier matin dans l’appel soumis à la procédure informelle par Scott Moore. Je suis navré du retard; les présents motifs devaient être communiqués après 16 h hier, toutefois, le dernier appel de la journée s’est étiré plus longtemps que prévu. M. Moore n’a pas reçu le message vocal de notre Cour lui indiquant que le tout serait remis à ce matin, je lui présente toutes mes excuses.

[2]  L’appel soumis à la procédure informelle de M. Moore porte sur l’année d’imposition 2015. Les montants en cause sont inférieurs à 3 000 $.

[3]  Le contribuable a travaillé pour GE Capital de 2003 à 2016. Il travaille toujours pour la société qui lui a succédé. Il a travaillé en Europe jusqu’à 2010, puis il a commencé à travailler pour GE Capital Canada.

[4]  Au cours de son emploi chez GE Capital Canada, le contribuable s’est prévalu du régime d’achat d’actions de l’employeur en vue d’acquérir des actions de la société mère de GE Canada, soit une société américaine cotée en bourse. Il a acquis des actions graduellement, à raison de prélèvements effectués sur sa paie bihebdomadaire à parts égales avec les fonds fournis par GE Canada. Le régime d’achat d’actions était administré par Sun Life Financial Canada pour le compte de GE Canada et de ses employés.

[5]  En mars 2016, GE Canada Capital a été achetée par Wells Fargo Canada, ce qui a mis fin à la participation du contribuable au régime d’achat d’actions de son ancien employeur. M. Moore s’est fait offrir le choix de vendre ses actions ou de les transférer à un compte de courtage canadien. Il a choisi la deuxième option.

[6]  C’est seulement une fois ce changement réalisé qu’il a appris qu’il aurait dû remplir un formulaire T1135 Bien étranger déterminé à compter de 2015 lorsque le coût total de ses actions dans le régime de GE était supérieur à 100 000 $. Il s’agit également de la première année où la juste valeur marchande totale des actions dépassait les 100 000 $; leur valeur est depuis repassée sous ce seuil.

[7]  La preuve démontre que tous les dividendes reçus jusqu’à ce moment avaient été dûment déclarés dans ses déclarations de revenus. Rien n’indique qu’un quelconque avantage d’emploi lié à l’acquisition n’ait pas été dûment déclaré.

[8]  Peu après la date d’échéance pour la production de sa déclaration de revenus de 2016, M. Moore a adressé une lettre à l’Agence du revenu du Canada pour les informer de la situation. Il a alors dûment rempli des formulaires T1135 pour 2015 et 2016. Il a continué à produire ses formulaires T1135 tous les ans depuis ce moment, tel que requis.

[9]  Le ministre lui a imposé une pénalité de 2 500 $ pour la production tardive de son formulaire de 2015. Il s’agit de la seule question à trancher dans le présent appel.

[10]  L’intimée a produit, par la voie d’une preuve d’affidavit, des copies vierges du formulaire de déclaration de revenus de 2015 de l’Agence et des sections du guide général d’impôt de 2015 qu’elle estimait pertinentes.

[11]  La question visée qui était posée aux Canadiens dans leur déclaration de revenus de 2015 était la suivante : oui ou non,

« Possédiez-vous ou déteniez-vous des biens étrangers déterminés dont le coût total, à un moment quelconque en 2015, dépassait 100 000 $CAN? »

  La question se poursuit devant les cases à cocher Oui et Non :

« Pour en savoir plus, lisez “Biens étrangers déterminés” dans le guide. »

[12]  Si l’on se tourne vers le guide de 2015 pour obtenir davantage de renseignements, comme l’indique la déclaration, la table des matières ne comporte aucun titre faisant référence à des « biens étrangers déterminés », quels qu’ils soient. Par contre, elle comporte un titre pour la « vérification du revenu étranger », et c’est à cet endroit qu’on devrait trouver davantage de renseignements sur les biens étrangers déterminés. L’emplacement de ce titre, et le titre lui-même, sont bizarres, car les exigences de déclaration de la Loi des biens étrangers déterminés ne sont pas fondées sur le revenu. Peu importe qu’ils génèrent des revenus ou non.

[13]  Les renseignements supplémentaires sur les biens étrangers déterminés se trouvent sous le sous-titre « biens étrangers déterminés » sous le titre « revenu étranger ». La section comporte très peu de renseignements, hormis la référence au formulaire, puis l’identification de plusieurs biens qui ne sont pas des biens étrangers déterminés.

[14]  Ensuite, sous le sous-titre « biens étrangers déterminés », on trouve un autre sous-sous-titre intitulé « actions de sociétés non résidentes », lequel indique que vous devez remplir un formulaire T1134 si vous détenez dix pour cent ou plus d’actions d’une société non résidente. Le formulaire T1135 n’est simplement pas mentionné.

[15]  Un avocat fiscaliste ou un autre professionnel de la fiscalité serait en mesure de reconnaître ce sous-sous-titre; toutefois, il semble clairement avoir été mis au mauvais endroit dans le guide. Je ne crois pas qu’on puisse s’attendre raisonnablement à ce que tout autre Canadien moyen soit en mesure de le reconnaître. Je ne suis pas certain que la plupart des contribuables canadiens raisonnables trouveraient nécessairement davantage de renseignements sur les biens étrangers sous la partie du guide intitulée « revenu étranger ». Il aurait été certainement plus approprié de faire référence aux « placements étrangers » s’il était question de regrouper à la fois le revenu étranger et les biens situés à l’étranger.

[16]  Le juge Favreau a conclu, dans la décision Leclerc c. La Reine, 2010 CCI 99, un dossier sur l’imposition d’une pénalité pour production tardive d’un formulaire T1135, qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que les Canadiens sachent que les pénalités imposées pour production tardive d’un formulaire T1135 seraient seulement annulées par l’Agence s’ils présentaient une demande formelle dans le cadre de son Programme des divulgations volontaires, car ces feuillets de renseignements ne portent pas sur des fraudes ou des revenus non déclarés. Le juge Favreau a estimé que la défense fondée sur la diligence raisonnable ne s’appliquait pas aux faits de ce dossier. Je crois que ses commentaires sont tout aussi applicables aux Canadiens raisonnables qui ne sauraient pas nécessairement trouver les renseignements exacts sur les actions étrangères dans le Guide et le renvoi de la déclaration à celui-ci, ou comprendre les renseignements qu’ils y trouveraient.

[17]  Les commentaires du juge Favreau sont également pertinents, voire éloquents, dans le cas de M. Moore. En effet, le contribuable a volontairement divulgué sa production tardive à l’Agence, mais il ignorait qu’il aurait dû le faire par l’entremise du Programme des divulgations volontaires s’il voulait éviter d’avoir à se présenter devant notre Cour.

[18]  En l’occurrence, je suis la démarche analytique adoptée par la juge Woods, de notre Cour, aux paragraphes 13 à 17 de sa décision Douglas c. La Reine, 2012 CCI 73, un dossier portant sur l’imposition de pénalités en lien avec le formulaire T1135. La juge Woods suivait la démarche adoptée par le juge Miller de notre Cour dans la décision Home Depot Canada c. La Reine, 2009 CCI 281, en ce qui a trait aux pénalités qui ne prévoient pas une défense du type de celle de la diligence raisonnable dans leurs modalités.

[19]  Dans le dossier d’hier matin, M. Moore n’a pas démontré d’attitude cavalière quant à ses obligations fiscales. Tous avantages et revenus reçus en lien avec les actions ont été dûment déclarés. L’impôt exigé a été versé. Aucun montant n’a été présenté de façon erronée, mal qualifié ou omis de sa déclaration de revenus de 2015. Dès qu’il a su qu’il devait remplir un formulaire d’information T1135 pour l’année 2015, M. Moore a avisé l’Agence par écrit quant à la situation de 2015 et a produit son formulaire pour l’année 2015. Depuis, il continue à produire son formulaire tous les ans.

[20]  Comme l’a dit la juge Woods au paragraphe 17 de sa décision Douglas, « Je suis d’avis que le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable [...] doit être appliqué avec modération. Cependant, il y a lieu de l’appliquer en l’espèce. »

[21]  Je souscris à cette conclusion dans l’espèce. Pour les motifs qui précèdent, j’accueille l’appel.

[22]  À titre de commentaire final, je poserai la question rhétorique suivante : « la divulgation volontaire par M. Moore à l’Agence quant à son omission de produire un feuillet d’information pour l’année 2015 n’est-elle pas le type d’effort de conformité que l’Agence souhaite encourager les Canadiens à adopter »?

[23]  Je crois que nous pouvons tous nous imaginer quelles auraient été les probabilités que le présent appel se trouve devant notre Cour s’il avait simplement produit son formulaire T1135 en retard et n’avait pas alerté l’Agence quant au fait qu’il avait franchi le seuil des 100 000 $ en 2015, puis produit le formulaire de 2015.

[24]  Je ne peux pas comprendre pourquoi, dans des cas comme l’espèce, l’Agence préférerait que M. Moore interjette appel devant notre Cour, perde, puis qu’il s’adresse au programme d’examen de l’équité de l’Agence muni de mes commentaires.

[25]  L’appel est accueilli. Nous ajournons le présent dossier. Merci, Me Fink. Merci, M. Moore.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 26e jour de juin 2019.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 141

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-2659(IT)I

INTITULÉ :

SCOTT MOORE c. LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 juin 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Patrick Boyle

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 juin 2019

COMPARUTIONS :

[EN BLANC]

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Amelia Fink

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

[EN BLANC]

Pour l’appelant :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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