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Dossier : 2015-4620(IT)G

ENTRE :

PROMISED LAND MINISTRIES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 14 et 15 novembre 2018, à Edmonton (Alberta)

Devant : L’honorable juge K. Lyons


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Robert Neilson

Avocate de l’intimée :

Me Wendy Bridges

 

JUGEMENT

  Je rejette l’appel interjeté à l’encontre de l’avis de suspension daté du 14 janvier 2015 délivré en application de l’alinéa 188.2(2)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

  J’adjuge les dépens à l’intimée. Chaque partie devra produire des observations écrites sur les dépens dans un délai de 30 jours suivant la date du présent jugement.


Signé à Nanaimo (Colombie-Britannique), ce 28e jour de juin 2019.

« K. Lyons »

La juge Lyons

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de décembre 2020.

Mario Lagacé, jurilinguiste


 Référence : 2019 CCI 145

Date : 20190628

Dossier : 2015-4620(IT)G

ENTRE :

PROMISED LAND MINISTRIES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lyons

[1]  Promised Land Ministries, l’appelante (« PLM »), interjette appel de la décision rendue par le ministre du Revenu national suspendant ses privilèges de délivrance de reçus et de donataire reconnu pour une période de un an en vertu de l’alinéa 188.2(2)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « suspension ») [1] . La suspension découle d’une vérification effectuée par le ministre des exercices financiers de PLM se terminant les 31 décembre 2011 et 2012 (les « périodes visées »). Le ministre a déterminé que PLM avait omis de tenir des livres de comptes et des registres adéquats, c’est-à-dire qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences énoncées à l’alinéa 230(2)a) et au paragraphe 203(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). De plus, PLM n’a pas mis en œuvre les mesures correctives énoncées dans l’entente de conformité signée en début d’année 2009 (« l’entente ») à la suite d’une vérification réalisée l’année précédente et dans laquelle PLM s’était engagée à tenir des livres de comptes et des registres adéquats. PLM réfute cette prétention.

I. EXPOSÉ DES FAITS :

[2]  PLM mène des activités de bienfaisance au Canada et est une œuvre de bienfaisance enregistrée aux fins de la LIR depuis le début des années 1990. À l’échelle locale, elle fournit de l’aide spirituelle aux particuliers durant la semaine et tient des services religieux les vendredis et les dimanches. PLM se spécialise dans la réalisation d’ateliers de trois jours pour fournir du soutien spirituel aux particuliers, incluant ceux d’autres dénominations, qui souhaitent guérir et rétablir leur foi.

[3]  Le pasteur Jozef Jasinski, fondateur et dirigeant de PLM depuis les années 1990, est allé en mission dans 25 pays en Afrique, en Indonésie et ailleurs depuis 2003 pour enseigner et prêcher le bien-être spirituel à des chefs de congrégations religieuses. Les chefs rapportaient ensuite ces enseignements dans leurs propres congrégations [2] . Les documents intitulés « Promised Land Ministries » résument les différentes missions réalisées par le pasteur Jasinski au cours des périodes pertinentes, témoignages et photos à l’appui. Ces documents sont envoyés aux donateurs de PLM pour leur démontrer que leurs fonds n’ont pas été dépensés en vain [3] . PLM ne peut pas obtenir de dons sans de tels documents.

[4]  Colin Chong, un aîné qui s’est joint à PLM en 2007, a affirmé que le pasteur Jasinski avait reçu une vision du Seigneur et qu’il cherchait constamment à obtenir du soutien pour l’église d’Edmonton et le monde. M. Chong a décrit PLM comme étant une œuvre [TRADUCTION] « axée sur les missions », fournissant du soutien spirituel aux pays les plus démunis trois à quatre fois par année.

Entente de conformité

[5]  L’Agence du revenu du Canada et le pasteur Jasinski ont conclu une entente de conformité (« l’entente ») à compter du 1er avril 2009 à la suite d’une vérification réalisée par le ministre de l’exercice financier de PLM se terminant le 31 décembre 2007 [4] . Selon le témoignage du pasteur Jasinski, l’entente a été conclue parce qu’un billet d’avion était introuvable (il a été retrouvé par la suite) et le pasteur Jasinski s’y est engagé à conserver tous ses reçus à l’avenir.

[6]  Dans l’entente, PLM s’est engagée à rectifier les livres de comptes et les registres soulignés comme étant non conformes aux paragraphes 230(2) et 230(4) en particulier. En outre, PLM s’est engagée à mettre en œuvre toutes les mesures correctives pour conserver des livres de compte et des dossiers adéquats considérant ce qui suit :

[TRADUCTION]

La vérification a permis de révéler que l’œuvre de bienfaisance ne tenait pas des documents adéquats pour justifier toutes ses dépenses. De plus, les factures et les reçus détaillés n’étaient pas toujours disponibles. En conséquence, nous avons conclu que l’œuvre de bienfaisance n’exerçait pas un contrôle adéquat des ressources produites et utilisées dans le cadre de ses activités de bienfaisance menées à l’extérieur du Canada [5] .

[7]  Le défaut de tenir des livres de comptes et des registres adéquats peut engendrer l’imposition de pénalités, la suspension du statut de « donataire reconnu » et des privilèges de délivrance de reçus ou la révocation de l’enregistrement de l’œuvre.

[8]  Peu après, PLM a été avisée par écrit que l’Agence était convaincue que PLM prendrait des mesures correctives et qu’il n’y aurait aucun changement à son statut d’œuvre de bienfaisance enregistrée. De plus, l’Agence l’a informée qu’elle effectuerait un [TRADUCTION] « examen de suivi pour confirmer que les mesures correctives ont été dûment mises en œuvre et suivies » à une date ultérieure. (« lettre d’entente ») [6] .

Audit réalisé après la conclusion de l’entente

[9]  Brian Carr est le préposé à l’audit de l’Agence qui a réalisé les audits d’œuvres de bienfaisance enregistrées en 2013 (« le vérificateur »). Il a témoigné que l’entente était uniquement fondée sur le défaut de tenir des livres de comptes et des registres appropriés pour justifier les activités de PLM à l’extérieur du Canada. Il avait examiné les déclarations, l’entente et la lettre d’entente avant d’envoyer la lettre datée du 17 décembre 2013 (« la lettre de 2013 ») à PLM [7] . Il a demandé à PLM de lui fournir des documents, des renseignements et des explications à l’égard de cinq domaines de non-conformité pour réaliser son audit (« l’audit ») [8] .

[10]   Les livres de comptes et les registres sont l’un de ces domaines; ils figurent au point 4 b de l’annexe 1 des présents motifs. Ils sont accompagnés d’autres questions aux points 4 et 5 et des réponses fournies dans le cadre de l’interrogatoire préalable du vérificateur [9] . L’intimée a souligné la question 5 b ainsi que les réponses fournies quant au fondement de l’entente, des dispositions législatives applicables et des mesures correctives utilisées afin de s’assurer de la disponibilité de factures et de reçus détaillés et de la tenue de livres de comptes et de registres adéquats.

[11]  La lettre de 2013 est rédigée ainsi :

[TRADUCTION]

La présente vise à vous informer que Promised Land Ministries (« l’organisation ») a été sélectionnée pour la tenue d’un audit dans le cadre du processus de suivi des ententes de conformité de l’Agence du revenu du Canada (Agence). Comme vous le savez, l’Agence a réalisé un audit de l’organisation en 2009. À la suite de cet audit, l’organisation a accepté de conclure une entente de conformité avec l’Agence (copie ci-jointe) laquelle l’obligeait à mettre en œuvre des mesures correctives précises afin de se conformer entièrement aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[12]  Sous la rubrique « livres de comptes et registres » de la lettre de 2013, le vérificateur a demandé à obtenir une ventilation détaillée des dépenses, incluant les reçus justificatifs, liée à la catégorie « dépenses des missions » menées en Afrique et en Europe et totalisant 16 822 $ et 6 550 $ respectivement. Ces montants figurent dans l’état des résultats de PLM produit pour l’exercice financier se terminant le 31 décembre 2011. Le vérificateur a également demandé plus de renseignements sur les catégories « voyages pour les missions » et « missions et autres dépenses » dont les totaux s’élèvent respectivement à 52 728 $ et à 30 885 $, pour l’exercice financier se terminant le 31 décembre 2012. À son retour de vacances en janvier 2014, le pasteur Jasinski a téléphoné au vérificateur afin de lui demander de lui accorder plus de temps pour obtenir de l’aide pour examiner l’audit. Le vérificateur a indiqué qu’il avait eu cinq conversations téléphoniques avec PLM jusqu’en mars 2014, lesquelles ont mené à trois prolongations de délai supplémentaires.

[13]  La lettre de PLM, signée par le pasteur Jasinski et M. Chong, adressée à l’Agence et datée du 8 mars 2014 était accompagnée de parties de déclarations pour les périodes visées (les « déclarations ») [10] . M. Chong a décrit la lettre comme étant une réponse aux renseignements demandés par l’Agence dans la lettre de 2013; or, il a admis en contre-interrogatoire que PLM n’avait pas les détails demandés et ne pouvait pas équilibrer les montants en recréant les catégories de dépenses. En conséquence, PLM avait demandé plus de temps pour recréer des renseignements financiers et soumettre des déclarations modifiées pour les périodes visées. De plus, PLM affirme dans sa lettre du 8 mars 2014 que [TRADUCTION] « nous avons du mal avec la ventilation des dépenses ». En contre-interrogatoire, le vérificateur a affirmé qu’il avait compris de la lettre du 8 mars 2014 que PLM avait du mal à rapprocher les catégories et les dépenses de 16 822 $ et de 6 550 $ figurant sur les déclarations.

Déclarations, déclarations modifiées, grand livre général et états financiers non vérifiés

[14]  Le pasteur Jasinski a identifié la « déclaration de 2011 » de PLM, préparée par Jonathan Craig, un comptable agréé chez H&R Block, ainsi que la « déclaration de 2012 » préparée par une dame, également comptable chez H&R Block (« les comptables ») [11] . M. Chong a affirmé que les comptables avaient obtenu tous les documents nécessaires à la préparation des déclarations. Il a dûment tenté de communiquer avec M. Craig dès le début de la vérification [12] .

[15]  Johan Vandenbrink, un comptable agréé chevronné et ayant obtenu sa désignation vers la fin des années 1970, a affirmé que PLM avait retenu ses services à la fin de février 2014 afin de répondre à un audit portant sur ses catégories de dépenses, ses dépenses de véhicule à moteur et la présence d’effets dans les mauvaises catégories. Il a reçu les mêmes documents que M. Craig. Or, comme il était incapable de rapprocher les montants totaux des catégories de dépenses figurant dans les déclarations, il a dit qu’il a demandé au vérificateur s’il pouvait produire des déclarations modifiées. Il n’a reçu aucune réponse claire; par conséquent, il a préparé des déclarations modifiées pour la période visée (les « déclarations modifiées »), en plus d’états financiers non vérifiés [13] .

[16]  M. Vandenbrink a examiné les relevés bancaires, les talons de chèque, les registres de dépôts, les reçus de dépenses, les reçus de dons, certains documents figurant dans une trousse (relativement aux déclarations modifiées, aux états financiers non vérifiés et au grand livre général) de PLM pour préparer les déclarations modifiées. Il a également brièvement examiné la pièce A1, onglet 15, ainsi que d’autres documents [14] . Exception faite de ces documents supplémentaires, il a examiné les mêmes documents pour préparer le grand livre général [15] . Il a été établi en contre-interrogatoire qu’il avait utilisé certains des documents figurant à la pièce A1, onglet 30, pour préparer le grand livre général pour les périodes visées en 2014. M. Chong ou le pasteur Jasinski lui a fourni ces documents. Il a reconnu qu’il n’avait aucun reçu ou aucune facture pour les activités réalisées à l’extérieur du Canada [16] .

[17]  Quant aux états financiers non vérifiés, M. Vandenbrink s’est appuyé sur les reçus, les talons de chèques, les dépôts et les documents et factures de PLM, lesquels servent de justificatifs pour les données figurant dans le grand livre général [17] . Il a confirmé en contre-interrogatoire qu’il avait consulté les relevés uniques ainsi que des copies des chèques qui accompagnaient ces relevés bancaires. Il aurait également examiné le sommaire de tous les reçus pour dons délivrés par PLM pour l’année 2012 qui a été généré par le programme [18] . Il a eu accès à certains documents, et il se rappelle les avoir vus, mais il ne s’est pas beaucoup appuyé sur ceux-ci à titre de documents de rechange [19] .

[18]  Le vérificateur ne pouvait pas se souvenir si M. Vandenbrink l’avait informé de l’intention de PLM de préparer des déclarations modifiées. Ce n’est que plus tard, et à l’insu du vérificateur, le 26 avril 2014, que PLM a produit auprès de l’Agence la déclaration modifiée pour l’année 2011. Le vérificateur a dit qu’on produit habituellement une déclaration modifiée pour effectuer des corrections; toutefois, il a demandé à PLM, dans la lettre de 2013, d’utiliser le formulaire T1240 pour toute modification. Il a expliqué que ce formulaire était moins lourd à produire que le formulaire T3010, Déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés.

Communications entre l’Agence et PLM

[19]  PLM a omis de produire quelque renseignement que ce soit sur ses dépenses en lien avec ses activités à l’extérieur du Canada. Le vérificateur a déterminé que PLM avait omis de tenir des livres de comptes et des registres adéquats et qu’elle n’avait pas respecté l’engagement pris dans l’entente relativement à la mise en œuvre de toutes les mesures correctives. Il a envoyé une « lettre d’équité administrative », datée du 27 mars 2014 (la « lettre de mars 2014 ») à PLM dans laquelle il décrit, entre autres et en détail, trois catégories de dépenses aux points 2, 3 et 5 sous le sous-titre [TRADUCTION] « Défaut de tenir des livres de comptes et des registres adéquats ». Le point 2 est rédigé comme suit :

[TRADUCTION]

2.   Dans notre correspondance datée du 17 décembre 2014 [sic 2013], nous avons demandé à votre organisme de nous fournir une ventilation du montant de 16 822 $ déclaré à titre de « Dépenses de mission — Afrique », ainsi que du montant de 6 550 $ déclaré à titre de « Dépenses de mission — Europe », figurant sur l’« état des revenus » pour l’exercice financier se terminant le 31 décembre 2011, incluant les copies des factures étayant ces montants. L’organisme ne nous a pas fourni ces renseignements.

[20]  L’Agence a également informé PLM qu’en vertu du paragraphe 149.1(2), le ministre peut révoquer son enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance en application des alinéas 168(1)b) et e), car PLM ne s’est pas conformée aux paragraphes 230(2) et (4), portant sur les livres de comptes et les registres, ou y a contrevenu. La lettre de mai 2014 visait notamment à inviter PLM à fournir des renseignements supplémentaires ou des observations écrites supplémentaires, dans un délai de 30 jours, relativement aux conclusions de la vérification portant sur les cinq domaines de non-conformité, l’un d’eux étant les livres de comptes et les registres [20] . PLM a été informée que le directeur général de la direction des organismes de bienfaisance de l’Agence déciderait de la marche à suivre appropriée après avoir reçu les renseignements ou les observations écrites supplémentaires. Il pourrait, entre autres, décider : d’envoyer une lettre de sensibilisation ou une entente de conformité; d’imposer des pénalités ou des suspensions, conformément aux articles 188.1 et 188.2; délivrer un avis d’intention de révoquer l’enregistrement en application du paragraphe 168(1).

[21]  PLM a fourni les réponses suivantes dans sa lettre du 9 juin 2014 [21]  :

[TRADUCTION]

1.  Nous sommes d’accord que les livres de comptes et les registres de l’organisme n’étaient pas adéquats pour les périodes visées par la vérification. Nous avions un comptable, mais il a démissionné peu avant le début de cette période. Les services professionnels que nous avons reçus par la suite n’étaient pas très bons. Nous avons été incapables de les joindre et d’obtenir leur aide pour faire en sorte que nos registres soient conformes aux normes. Nous avons désormais un nouveau comptable, et nous estimons que nous serons en mesure de tenir des registres dans un état approprié à compter de maintenant. De plus, nous avons produit un formulaire modifié pour l’organisme pour l’année 2011. Le formulaire modifié pour l’année 2012 est joint à la présente lettre.

Suspension

[22]  Le ministre n’était pas satisfait de la réponse de PLM, qui ne répondait pas à tous les défauts soulevés dans la lettre de mai 2014. Il a ainsi conclu que PLM ne tenait pas des livres de comptes et des registres adéquats et contrevenait aux exigences prévues aux paragraphes 230(2) et (4), car l’organisme avait omis de fournir les factures et les reçus permettant de répondre aux préoccupations de l’Agence. De plus, l’organisme avait omis de mettre en œuvre les mesures correctives prévues dans l’entente quant à l’exactitude de ses livres de comptes et de ses registres. En conséquence, le 14 janvier 2015, le ministre a délivré un avis de suspension informant PLM que ses privilèges d’établissement de reçus et son statut de donataire reconnu seraient tous deux suspendus à compter du 21 janvier 2015 pour une période d’un an en application de l’alinéa 188.2(2)a) [22] .

Opposition

[23]  Peu après, PLM a manifesté son intention de s’opposer à la suspension, renvoyant à la lettre du 9 juin 2014, décrivant son intention de [TRADUCTION] « créer et de tenir des registres appropriés à compter de maintenant » [23] . L’avis d’opposition, daté du 24 mars 2015, rédigé par le pasteur Jasinski et signé par celui-ci et M. Chong, énonce, entre autres, ce qui suit :

[TRADUCTION]

Notre appel est fondé sur notre prétention voulant que nous ayons pleinement réglé les préoccupations qui nous ont été soumises à l’origine dans la lettre datée du 27 mai 2014 de l’Agence. De plus, nous estimons qu’une lettre de Promised Land Ministries, essentielle à ces préoccupations et datée du 9 juin 2014, a été omise.

[...]

Nous avons admis avoir éprouvé des problèmes avec nos livres en 2011 et en 2012 et que ces problèmes découlaient des services professionnels insuffisants que nous avons reçus [24] .

[24]  M. Chong a suggéré dans son témoignage que Wally Eng, l’agent principal des appels, avait seulement demandé à PLM, dans sa lettre datée du 6 mai 2015, si elle voulait présenter d’autres observations. Toutefois, M. Eng souligne également que [TRADUCTION] « l’opposition n’était accompagnée d’aucun autre document pour justifier ces dépenses ». Il a réitéré que PLM avait omis de fournir ses livres de comptes et ses registres et des renseignements pour justifier certaines dépenses comme l’a demandé l’Agence durant la vérification [25] .

Documents produits

[25]  À titre de gardien et de responsable des registres des dépenses, il a été établi que le pasteur Jasinski conservait ces dossiers dans son bureau à domicile ou à l’église. La lettre finale adressée par PLM à l’Agence datée du 5 juin 2015, signée et rédigée par le pasteur Jasinski indique les suivantes :

[TRADUCTION]

Nous soumettons des rapports détaillés pour répondre aux demandes liées aux livres de comptes et aux registres figurant dans la lettre de Brian Carr, datée du 17 décembre 2013.

Ces demandes portent sur les années 2011 et 2012 et visaient les dépenses encourues durant les missions dans d’autres pays. Nous tentons maintenant de répondre à la demande initiale [26] .

[26]  Le vérificateur a témoigné que les documents produits par PLM à l’étape de l’opposition pour justifier les dépenses en lien avec des activités à l’extérieur du Canada équivalaient à seulement la moitié des montants déclarés. Il s’agissait de relevés bancaires mensuels et de quelques reçus et factures [27] . L’Agence a finalement délivré un avis de confirmation daté du 13 juillet 2015 [28] .

[27]  À l’audience, le pasteur Jasinski a affirmé que la documentation produite portait sur les dépenses engagées par PLM durant les missions. Il soutient que ces documents étaient à la fois exacts et approximatifs [29] . PLM achetait des aliments (entre autres), préparait des repas et prêchait la parole de Dieu. Les classes de niveau 101 étaient menées dans des régions frappées par la pauvreté, comme en Indonésie et dans les régions avoisinantes. Des voyages dans trois écoles ont été effectués durant la mission de 2011 à la Sierra Leone. L’organisme a sollicité des dons, car on dénombrait 1 605 participants. Selon le pasteur Jasinski, dans ces régions plus pauvres, le commerce s’effectuait en argent comptant, il était ainsi difficile d’obtenir des reçus. Par ailleurs, la seule devise acceptée était le dollar américain. Le coordonnateur local de la mission a confirmé, dans une lettre, que les dépenses engagées par PLM étaient nécessaires à la mission du pasteur Jasinski [30] . M. Chung a dit que PLM s’est rendu dans les églises en milieu rural dans quatre régions éloignées en Indonésie en 2012, ainsi que dans des régions semblables aux Philippines [31] .

[28]  Le pasteur Jasinski a reconnu les billets d’avion à destination de Bali et de l’Indonésie ainsi que des documents sur les missions aux Philippines et au Myanmar en 2011 et en 2012, lesquels comportaient des cours de bien-être spirituel de trois jours et des frais d’installation, incluant des dîners, des coordonnateurs, de l’hébergement, etc. pour faciliter les voyages [32] . Pour le séjour à Bali, un courriel du coordonnateur fait référence à la recherche d’une salle, à un déplacement par autobus, à une ventilation des voyages dans cinq villes et à des besoins financiers, divisés par catégories. Le pasteur Jasinski arrivait par avion dans les plus grandes villes, puis il utilisait les lignes aériennes locales pour se déplacer entre les différentes îles avec des accompagnateurs, notamment des pasteurs qui l’accompagnaient, car certaines collectivités n’en avaient aucun en raison de leur pauvreté.

[29]  Les activités d’enseignement et de prêche se déroulaient également en Pologne. Le pasteur Jasinski a dit que les pays européens avaient également besoin d’écoles offrant des cours plus avancés. Selon M. Chung, il s’agissait plus d’une activité [TRADUCTION] « axée sur les congrégations ». Il a indiqué les reçus pour les frais de billets d’avions, d’hôtel, de taxi et de train du pasteur Jasinski [33] . Il y avait un reçu d’Airline Ticket Centre pour un voyage de Frankfort à la Pologne pour une mission en 2011. En contre-interrogatoire, le pasteur Jasinski a reconnu qu’il était originaire de la Pologne et qu’il était accompagné de son épouse et de son fils. Il a soutenu que ses voyages n’étaient pas tous à destination de la Pologne. Il a ensuite mentionné avoir fait venir M. Malangen de Toronto à Edmonton.

Reçus officiels pour dons

[30]  Les reçus officiels pour dons (« les reçus pour dons ») étaient également l’un des cinq domaines identifiés dans la lettre de 2013 comme n’étant pas conformes pendant la période de vérification. Le vérificateur a également rapproché les reçus pour dons délivrés ainsi que la liste des reçus pour dons figurant sur les déclarations (T3010) pour les années visées.

[31]  En 2011, le pasteur Jasinski avait demandé à M. Chong de l’aider, car il avait des compétences en informatique. M. Chong s’est ainsi vu confier la tâche de délivrer des reçus pour dons et la moitié des tâches administratives. Il a mis sur pied la base de données électronique des dons reçus (la « base de données »). Le pasteur Jasinski recueillait les dons dans des enveloppes de la part de membres de l’église, puis M. Chong entrait les montants des dons dans la base de données. Il s’assurait ensuite que les reçus et les totaux étaient exacts et rectifiait les erreurs, le cas échéant.

[32]  La première réponse de PLM à la lettre de 2013 était une lettre datée du 5 mars 2014 portant seulement sur les questions de l’Agence quant aux reçus pour dons. M. Chong a expliqué que les reçus pour dons, les reçus annulés et les reçus de remplacement étaient liés à deux donateurs qui avaient demandé à ce que leurs dons soient réattribués à trois entreprises, ce qui a mené PLM à surestimer ses revenus. Plus tard, PLM a fourni des renseignements tirés de la base de données dans ses lettres des 9 et 10 juin 2014 adressées à l’Agence. Le vérificateur a confirmé avoir lu ces lettres, mais a affirmé ignorer si PLM utilisait une telle base de données. Il n’a jamais demandé à PLM comment elle conservait ses renseignements, car sa vérification portait sur les dépenses [34] .

[33]  La preuve produite par M. Chong m’a semblé être parfois incomplète et inexacte et, à plus d’une occasion, être du ouï-dire et intéressée. Par exemple, il a soutenu que le pasteur Jasinski lui avait dit que les transactions dans les pays plus pauvres se faisaient le plus souvent en espèces, et ainsi, qu’il n’était pas facile d’obtenir des reçus. Il lui avait dit que le dollar américain était la seule devise reconnue, et lui avait donné d’autres détails sur les missions à l’étranger. Or, M. Chong a admis n’avoir jamais été à l’étranger. Dans l’ensemble, sa preuve n’était pas très utile.

II. QUESTIONS EN LITIGE :

[34]  Les questions en litige sont les suivantes :

  • a) La conclusion du ministre voulant que PLM n’eût pas tenu des livres de comptes et des registres adéquats, de la manière prévue à l’alinéa 230(2)a) et au paragraphe 230(4), était-elle raisonnable?

  • b) Le cas échéant, la suspension imposée en application de l’alinéa 188.2(2)a) était-elle justifiée?

III. LA LOI :

[35]  Sauf indication contraire, toutes les références aux dispositions qui suivent sont des références à la LIR.

[36]  En 2011, le paragraphe 149.1(1), soit la première disposition pertinente, était rédigé ainsi :

donataire reconnu Donataire visé aux alinéas 110.1(1)a) et b) et dans les définitions de total des dons à l’État et total des dons de bienfaisance, au paragraphe 118.1(1). (qualified donee)

[37]  La définition d’un donataire reconnu a été modifiée à compter de 2012. La partie pertinente de l’alinéa 149.1(1)b) est rédigée ainsi « donataire reconnu Sont des donataires reconnus à un moment donné : [...] tout organisme de bienfaisance enregistré ». Selon le récit des faits, PLM était un organisme de bienfaisance enregistré.

[38]  En règle générale, comme le prévoient les paragraphes 230(2) et 230(4), les livres de comptes et les registres d’un organisme de bienfaisance enregistré doivent être tenus de façon à permettre au ministre de déterminer si l’enregistrement de l’organisme devrait être révoqué. Plus particulièrement, en 2011, l’alinéa 230(2)a) était rédigé comme suit :

230(2) Chaque organisme de bienfaisance enregistré et chaque association canadienne enregistrée de sport amateur doit tenir des registres et des livres de comptes à une adresse au Canada, enregistrée auprès du ministre ou désignée par lui, qui contiennent ce qui suit :

a) des renseignements sous une forme qui permet au ministre de déterminer s’il existe des motifs d’annulation de l’enregistrement de l’organisme ou de l’association en vertu de la présente loi;

[...]

[39]  En 2012, l’alinéa 230(2)a) a été modifié comme suit :

Livres de comptes et registres

230(2) Chaque donataire reconnu visé aux alinéas a) à c) de la définition de donataire reconnu au paragraphe 149.1(1) doit tenir des registres et des livres de comptes — à une adresse au Canada enregistrée auprès du ministre ou désignée par lui, s’il s’agit d’un donataire reconnu visé aux sous-alinéas a)(i) ou (iii) ou aux alinéas b) ou c) de cette définition — qui contiennent ce qui suit :

a) des renseignements sous une forme qui permet au ministre de déterminer s’il existe des motifs d’annulation de l’enregistrement de l’organisme ou de l’association en vertu de la présente loi;

[...]

[40]  Au cours de la période visée, le paragraphe 230(4) se lisait comme suit :

Durée de conservation

230(4) Quiconque est requis, sous le régime du présent article, de tenir des registres et livres de comptes doit conserver :

a) les registres et livres de comptes, de même que les comptes et pièces justificatives nécessaires à la vérification des renseignements contenus dans ces registres et livres de comptes, dont les règlements prévoient la conservation pour une période déterminée;

b) tous les autres registres et livres de comptes mentionnés au présent article de même que les comptes et pièces justificatives nécessaires à la vérification des renseignements contenus dans ces registres et livres de comptes pendant les six ans qui suivent la fin de la dernière année d’imposition à laquelle les documents se rapportent.

IV. LA THÈSE DES PARTIES

[41]  PLM soutient qu’elle a agi de bonne foi en fournissant au ministre ce qu’elle croyait être l’objet de sa demande. Le ministre ne peut pas simplement affirmer que les livres de comptes et les registres sont inadéquats. En outre, il doit préciser la nature des défauts et justifier la suspension. PLM a reconnu qu’il y avait eu des problèmes dans les catégories de dépenses des déclarations, ce qui a mené à la production de déclarations modifiées, et qu’elle s’était engagée à améliorer la situation dans le cadre de l’entente. Toutefois, PLM soutient que les lacunes ont été comblées lorsqu’elle a confié le système de délivrance de reçus à M. Chong et qu’elle a embauché des comptables pour préparer ses déclarations afin de s’acquitter de ses obligations. En conséquence, les livres de comptes et les registres étaient adéquats, et ne contrevenaient pas aux paragraphes 230(2) ou 230(4). Même s’ils eussent été inadéquats, PLM soutient que les lacunes n’étaient pas suffisantes pour justifier la suspension, qui était déraisonnable.

[42]  L’intimée soutient que, malgré son engagement dans le cadre de l’entente à mettre en œuvre toutes les mesures correctives pour tenir des livres de comptes et des registres adéquats, ce que le pasteur Jasinski avait clairement compris, notamment la conservation de tous les reçus, PLM n’est pas parvenue durant les années pertinentes à produire les reçus, les factures et les justificatifs de ses dépenses liées à ses activités à l’étranger, et ce, malgré les demandes répétées de l’Agence durant l’audit. PLM a éventuellement produit en 2015, après la demande formulée en 2013 par l’Agence, certains documents justifiant environ la moitié des dépenses déclarées. L’intimée soutient que le ministre a ainsi dûment utilisé son pouvoir discrétionnaire découlant du paragraphe 188.2(2) en imposant une suspension, car PLM avait omis de tenir des livres de comptes et des registres contenant les renseignements nécessaires permettant au ministre de déterminer s’il y avait, ou non, des motifs de révoquer l’enregistrement de PLM à titre d’organisme de bienfaisance.

V. ANALYSE

[43]   Un donataire reconnu, c’est-à-dire un organisme de bienfaisance enregistré au sens du paragraphe 149.1(1) au Canada, profite d’un statut particulier et d’avantages exclusifs, contrairement aux organismes non enregistrés. Parmi ceux-ci, nommons des exemptions d’impôt sur certaines activités et la capacité de délivrer des reçus pour dons officiels aux donateurs qui font des dons à un organisme de bienfaisance enregistré. Ainsi, afin de conserver un tel statut, les organismes de bienfaisance enregistrés doivent respecter certaines exigences pour permettre au ministre de déterminer s’il y a des motifs de révoquer son enregistrement en application de la LIR. En cas de contravention à l’un des articles 230 à 231.5, le ministre peut suspendre les privilèges de délivrance de reçus pour dons en application de l’alinéa 188.2(2)a) pour un an ou transmettre un avis d’intention de révocation d’enregistrement à l’organisme, en application du paragraphe 168(1) [35] .

  • a) La conclusion du ministre voulant que PLM n’eût pas tenu des livres de comptes et des registres adéquats, de la manière prévue à l’alinéa 230(2)a) et au paragraphe 230(4), était-elle raisonnable?

[44]  Dans l’arrêt Prescient Foundation c. Canada (Ministre du Revenu national), 2013 CAF 120, 2013 DTC 5101 (CAF) [arrêt Prescient], la Cour d’appel fédérale a conclu que la révocation de l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance pour défaut de tenir des livres de comptes et des registres adéquats sera seulement raisonnable si le ministre peut « clairement préciser les renseignements que l’organisme de bienfaisance enregistré n’a pas consignés » et « expliquer la raison pour laquelle ce manquement justifie la révocation de l’enregistrement de l’organisme de bienfaisance. Il ne suffit pas de simplement déclarer que l’organisme de bienfaisance n’a pas tenu des registres appropriés » [36] . Les principes de justice naturelle exigent que l’organisme de bienfaisance enregistré soit clairement et adéquatement informé des détails du manquement allégué de façon à pouvoir répondre aux allégations [37] . PLM s’est appuyée sur ces principes pour soutenir son argument principal voulant que le ministre n’ait pas dûment identifié les défauts ou les manquements quant à ses livres de comptes et ses registres, qu’il n’ait pas examiné les livres de comptes et les registres et qu’il n’ait pas fourni de conseils [38] .

[45]  La Cour d’appel fédérale a ensuite indiqué, dans l’arrêt Prescient, qu’il fallait prouver qu’il était raisonnable, dans les circonstances, de la part du ministre d’exiger les registres ou les renseignements en cause, et que « [c]ela n’empêche cependant pas le ministre de renvoyer plus tard la Cour à une correspondance antérieure dans laquelle la question des registres inadéquats a été soulevée auprès de l’organisme de bienfaisance, dans la mesure où cette correspondance antérieure est pertinente pour expliquer les détails des manquements dont fait état l’avis d’intention de révocation » [39] . Manifestement, le premier volet a été rempli par la voie de l’entente.

[46]  PLM a soutenu qu’elle conservait tous les renseignements concernant les reçus pour dons, ainsi que tous les renseignements exigés dans ses livres de comptes et ses registres dans un format qui permettrait au ministre de vérifier les dons reçus et les reçus délivrés. PLM affirme que la prétention de l’intimée voulant qu’elle eût enfreint les paragraphes 230(2) et 230(4), au motif qu’elle n’a pas déclaré tous les reçus annulés ou présenté les reçus délivrés en remplacement des reçus annulés, n’est pas fondée. Elle soutient qu’elle a conservé tous les renseignements dans une base de données conçue par M. Chong; que le ministre aurait pu la consulter s’il s’était donné la peine de le demander.

[47]  La question des reçus a été présentée par l’Agence comme étant l’un des domaines de non-conformité; PLM a toutefois rapidement fourni une explication satisfaisante à l’Agence, puis la question a été réglée. La preuve produite, à la fois dans les documents et les témoignages à l’audience, sur le système de délivrance de reçus pour dons, incluant la base de données et les reçus, m’a semblé dans l’ensemble non pertinente quant à la question dont je suis saisie, sauf pour démontrer que la base de données était l’une des mesures mises en œuvre par PLM après l’entente. Or, bien que j’accepte ce fait, la base de données n’aurait pas été mise en œuvre avant que deux années se soient écoulées après la date d’entrée en vigueur de l’entente. Dans l’ensemble, cette preuve m’a semblé être plutôt une diversion de l’autre domaine plus pertinent présenté par l’Agence comme n’étant pas conforme : soit la justification des dépenses liées à des activités menées à l’étranger et qui étaient liées à l’entente.

[48]  PLM a ensuite soutenu qu’elle avait réexaminé les documents en lien avec la mission en Afrique ainsi que les documents d’origine dans ses livres de comptes et ses registres et qu’elle ne parvenait pas à rapprocher les catégories de dépenses aux montants déclarés dans les déclarations préparées par ses anciens comptables. PLM a mentionné ce problème au vérificateur, qui a simplement réitéré sa demande initiale, soit une ventilation correspondant aux montants déclarés. Le vérificateur n’a pas relevé les manquements et n’a pas demandé précisément les documents en lien avec la mission en Afrique.

[49]  La lecture des extraits des questions et des réponses issues de l’interrogatoire préalable de M. Carr démontre, selon PLM, qu’il était seulement préoccupé par les montants des catégories de dépenses dans les déclarations, et non par les livres de comptes et les registres. En outre, elle soutient n’avoir nullement contrevenu aux dispositions de la LIR, car elles ne comprennent aucune exigence relative à un format ou à une méthode de tenue des livres de comptes et des registres. On exige la tenue adéquate de livres de comptes et de registres, et non de reçus, dont elle disposait pourtant, car la majeure partie des dépenses étaient les billets d’avion, qu’elle avait conservés. Du point de vue de la justice naturelle, PLM soutient que le ministre ne peut pas simplement dire que les livres de comptes et les registres étaient inadéquats, et qu’il doit préciser en quoi les livres de comptes et les registres étaient inadéquats.

[50]  Je ne suis pas d’accord avec les arguments de PLM. L’Agence a fait bien plus qu’une simple référence au caractère inadéquat des livres de comptes et des registres de PLM. Elle a clairement décrit, en détail, le manquement allégué dans sa lettre de 2013, laquelle comprend une première demande d’une ventilation du montant de 16 822 $ de dépenses pour les « dépenses de mission — Afrique » rapportées dans la déclaration. Le premier paragraphe de la lettre énonce clairement que l’audit constituait un suivi de l’entente et que l’Agence exigeait des factures et des reçus pour justifier les dépenses liées aux activités réalisées à l’étranger. La deuxième demande, dans cette même lettre, portait sur l’obtention de factures pour justifier les dépenses déclarées dans la déclaration de 2011 pour la mission en Afrique ainsi que pour la mission en Europe, ainsi que d’autres dépenses figurant dans la déclaration de 2012, comme en témoigne une lecture de l’interrogatoire préalable (la première et la deuxième demande sont collectivement appelées « les demandes »). Les antécédents de PLM attestent de sa connaissance de ses obligations en application de l’entente. Le pasteur Jasinski a reconnu que la lettre de 2013 faisait référence à l’entente. Les demandes ainsi que leur réitération dans la lettre de mai 2014 démontrent, à mon sens, que PLM était adéquatement informée des détails du manquement allégué et qu’elle a eu l’occasion de répondre non seulement à ces occasions, mais également un an plus tard lorsque l’agent principal des appels a communiqué avec elle.

[51]  De plus, PLM déforme ou omet de reconnaître la définition générale d’un « registre », telle qu’on la retrouve au paragraphe 248(1), dans ses observations. Cette définition est ainsi rédigée :

registre Sont compris parmi les registres les comptes, conventions, livres, graphiques et tableaux, diagrammes, formulaires, images, factures, lettres, cartes, notes, plans, déclarations, états, télégrammes, pièces justificatives et toute autre chose renfermant des renseignements, qu’ils soient par écrit ou sous toute autre forme. (record)

[52]  La définition d’un registre comprend non seulement une « déclaration », mais également des factures, des pièces justificatives et « toute autre chose renfermant des renseignements, qu’ils soient par écrit ou sous toute autre forme », ce qui comprend un reçu d’une dépense. La preuve démontre clairement que le vérificateur a examiné les déclarations. En conséquence, cela signifie que l’Agence a examiné les registres de PLM, du moins en partie, dans la mesure où il lui était possible de le faire. L’Agence a ensuite effectué un suivi dans le cadre de l’audit et demandé d’autres documents à la lumière des montants rapportés dans les déclarations; PLM a omis de fournir des reçus, des factures et des justificatifs pour corroborer les montants des dépenses des catégories portant sur les activités réalisées à l’étranger. Cette omission a effectivement entravé la capacité du vérificateur à examiner les livres de comptes et les registres de PLM. Ceci contredit les observations de PLM voulant que l’Agence n’eût pas examiné ses registres et que ses représentants n’eussent jamais demandé ou examiné ses registres.

[53]  PLM soutient que le ministre a assimilé les catégories de dépenses au défaut de tenir des livres de comptes et des registres adéquats; or, de ce fait, PLM omet non seulement de reconnaître le caractère général de la définition d’un registre, qui comprendrait les catégories de dépenses au chapitre des livres de comptes et des registres, mais elle ignore complètement le degré de précision de l’Agence dans ses questions sur les catégories de dépense. En outre, l’Agence a identifié les montants en question et a demandé à obtenir les justificatifs de ceux-ci, se déchargeant ainsi de son obligation eu égard aux principes énoncés dans l’arrêt Prescient, invoqué par PLM. À mon sens, les demandes formulées à PLM par l’Agence, identifiant les éléments à titre de domaines de défaut de conformité et les détaillant comme elle l’a fait, satisfont à l’élément de justice naturelle : PLM aurait pu répondre aux allégations, si elle avait décidé de le faire. La preuve démontre que PLM a eu de nombreuses occasions sur une longue période de temps, et 18 mois plus tard, elle avait seulement fourni une partie des renseignements demandés, et ce, malgré son engagement clair dans l’entente de conserver tous les reçus.

[54]  Selon PLM, les problèmes décelés dans les déclarations n’équivalent pas à un manquement selon les termes de l’alinéa 230(2)a) ou du paragraphe 230(4), car il y a eu un « malentendu » durant l’audit quant aux renseignements que cherchait à obtenir l’Agence. PLM affirme s’être adressée à l’Agence, mais, n’ayant reçu aucune réponse, elle n’a pas pu rectifier la situation. M. Chong a dit que lui et M. Vandenbrink avaient compris qu’ils devaient rectifier et fournir des renseignements à l’Agence au sujet des catégories de dépenses. Or, lorsqu’ils ont réexaminé leurs livres de comptes et registres, ils n’ont pas pu rapprocher les catégories, ce qui a mené à la production de déclarations modifiées. Ce malentendu découlait de la demande de ventilation des dépenses totalisant 16 822 $, comme en témoigne la lettre de mars 2014 adressée par PLM à l’Agence, et laquelle indique que le vérificateur demande à PLM de faire quelque chose dont elle était incapable, soit de fournir une preuve du montant des dépenses. Cette lettre et la lettre de 2013 confirment, selon elle, l’existence d’un malentendu, et que les chiffres ne concordaient pas. La lettre de mai 2014 de l’Agence fait de nouveau référence à ce montant de dépenses [40] . PLM soutient que c’est seulement à compter du 5 juin 2015, à la suite de la lettre du 6 mai 2015 de la Division d’appels de l’Agence, qu’elle a vraiment compris ce qu’on lui demandait de produire.

[55]  PLM soutient que la demande de l’Agence n’était pas claire; j’estime que la preuve indique le contraire : Par exemple, la correspondance détaillée de l’Agence, à commencer par la lettre de 2013 dans laquelle elle indique que PLM avait été sélectionnée pour la tenue d’un audit dans le cadre de son processus de suivi de l’entente conclue à la suite de la vérification de PLM en 2009 afin de s’assurer que l’organisme conservait les pièces justificatives et les reçus comme convenu. C’est limpide. L’Agence expliquait que l’entente obligeait PLM à mettre en œuvre certaines mesures correctives particulières afin de se conformer entièrement aux dispositions de la LIR [41] . Le vérificateur avait examiné les déclarations, puis demandé les reçus pour dons, demandé certains renseignements (ventilation des catégories de dépense et reçus), puis formulé des commentaires sur des erreurs mineures figurant dans les déclarations. C’est limpide. La lettre de mai 2014 de l’Agence a été envoyée par la suite.

[56]  Le pasteur Jasinski était tout à fait conscient dès le début de l’exercice que l’Agence était intéressée aux dépenses liées aux activités réalisées à l’étranger et que PLM avait le devoir de conserver les documents qui se rapportaient à ces activités. M. Chong a affirmé qu’il savait que PLM devait améliorer sa tenue de livres de comptes et de registres, conserver les documents d’origine et faire preuve de plus de rigueur quant aux dépenses engagées à l’étranger, particulièrement dans les pays africains. PLM a indiqué dès le départ : [TRADUCTION] « nous avons du mal avec la ventilation des dépenses », et ce, sans même mentionner les reçus demandés par l’Agence et le fait que plusieurs éléments avaient été réglés. Le vérificateur a recommandé à PLM de produire un autre formulaire, plus simple, pour rectifier les erreurs. Or, PLM a tout de même produit des déclarations modifiées. Je ne suis pas convaincue que l’Agence eut manqué de clarté dans ses demandes. S’il y a eu un malentendu, c’était du fait de PLM.

[57]  M. Chong affirme que, malgré ses explications sur la catégorie de dépenses au vérificateur et à l’agent principal des appels, il n’était pas parvenu à les convaincre quant aux corrections. Or, le vérificateur a témoigné que cette différence entre les montants sur les déclarations ne le préoccupait pas; il s’agissait d’erreurs mineures selon lui, qu’il avait acceptées. Il avait également accepté les explications concernant les reçus annulés, puis remplacés, le tout s’étant produit avant l’étape de l’appel. Je préfère la preuve du vérificateur et je l’accepte. Tout au long de l’audit, il s’est concentré sur l’absence de pièces justificatives pour les dépenses liées aux activités réalisées à l’extérieur du Canada, ce qui correspond aux demandes formulées dans la lettre de 2013 et réitérées aux points 2, 3 et 5 sous le sous-titre [TRADUCTION] « Défaut de tenir des livres de comptes et des registres adéquats » dans la lettre de mai 2014. PLM a ensuite eu l’occasion de fournir des renseignements supplémentaires dans un délai de 30 jours, si telle était sa volonté. À l’étape de l’opposition, on a rappelé à PLM qu’aucun renseignement supplémentaire n’avait été produit.

[58]  Je n’accepte pas les prétentions de PLM voulant que son commentaire dans sa correspondance à l’Agence, soit [TRADUCTION] « Nous sommes d’accord que les livres de comptes et les registres de l’organisme n’étaient pas adéquats pour les périodes visées par la vérification », soit une tentative déguisée de M. Chong d’apaiser le vérificateur et de rectifier les erreurs. Je conclus que cette correspondance, ainsi que la correspondance subséquente à ce sujet, constitue une admission du caractère inadéquat de ses registres, ce qui explique la nécessité de produire des déclarations modifiées, car les renseignements ne pouvaient pas être rapprochés (malgré le fait qu’il s’agisse d’erreurs mineures) du fait que PLM ne conservait ni les pièces justificatives ni les reçus des dépenses [42] .

[59]  PLM a également soutenu que l’Agence n’avait pas réalisé d’audit ou qu’il n’y avait aucun véritable audit, et qu’elle demandait seulement des justifications des montants dans les catégories de dépenses figurant dans ses déclarations, avant de déterminer que ses livres de comptes et ses registres étaient inadéquats. PLM ignore ainsi, à mon sens, la nature et la fonction d’un audit, la façon dont l’exercice se déroule et le fait qu’il était loisible à l’Agence de déterminer le type et la portée de l’audit [43] . Il appartenait alors à PLM de trouver les renseignements et les documents demandés et de les fournir à l’Agence.

[60]  Le préambule de la lettre de 2013 indique que l’Agence communiquait avec PLM dans le but de réaliser un audit et qu’elle cherchait à obtenir des reçus pour les dépenses rapportées dans les déclarations. Les audits, comme l’a expliqué le vérificateur, sont généralement moins complexes que les vérifications sur le terrain. Ils sont réalisés dans les bureaux de l’Agence où un vérificateur examinera tous les renseignements et les documents disponibles et figurant dans le dossier de l’organisme de bienfaisance [44] . Le vérificateur peut communiquer avec l’organisme de bienfaisance par téléphone s’il a besoin de renseignements supplémentaires ou par courrier recommandé, comme en l’espèce. Il a dit que l’audit avait, à l’instar de la plupart des audits, pour objectif de s’assurer que PLM respectait les modalités de l’entente. Il a examiné les renseignements fournis par PLM. Manifestement, il s’agissait d’un suivi de l’entente. Je conclus que l’audit a bel et bien eu lieu.

[61]  PLM a soutenu que les défauts allégués n’étaient pas fondés, car il s’agissait d’erreurs commises par d’anciens comptables dont elle avait perdu la trace. Cet argument va à l’encontre de la conclusion rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canadian Committee for the Tel Aviv Foundation c. Canada, 2002 CAF 72, 2002 DTC 6843 (CAF), concernant une révocation. Dans cet arrêt, la Cour a rejeté l’explication de l’organisme de bienfaisance voulant qu’il soit incapable de produire des reçus en raison d’un changement de direction et a conclu qu’un tiers ne pouvait être tenu responsable d’une responsabilité revenant à l’organisme de bienfaisance [45] . De façon similaire, je conclus que la tentative de PLM d’attribuer le blâme à M. Craig ou à un autre ancien comptable est insuffisante. Par ailleurs, ses actions n’ont aucune incidence sur le défaut de PLM de tenir des livres de comptes et des registres adéquats. En somme, l’organisme a la responsabilité ultime de conserver les registres nécessaires, incluant les factures, les pièces justificatives et les reçus des dépenses. Le pasteur Jasinski était le gestionnaire et le seul employé responsable des dépôts et gardien des registres de PLM qui étaient conservés à l’église ou à son domicile.

[62]  En résumé, je conclus que le ministre avait clairement précisé les renseignements que PLM avait omis de conserver, soit les montants figurant dans les catégories de dépenses rapportées sur les déclarations, lorsque le vérificateur a demandé une ventilation de ces catégories ainsi que des copies des factures justifiant ces montants. Les renseignements et les documents demandés par l’Agence dans la lettre de 2013 au sujet des catégories de dépenses formaient une partie des livres de comptes et des registres de PLM présentés par l’Agence comme étant non conformes, à défaut de la production, par PLM, de justificatifs démontrant le contraire. PLM a eu de nombreuses occasions de répondre aux demandes de l’Agence. Hormis les demandes, le tout a été souligné de nouveau à PLM six mois plus tard dans la lettre de mai 2014. Or, PLM n’a produit aucun document au cours de l’audit pour justifier les montants rapportés dans les déclarations, et ce, bien que cette préoccupation ait été l’objet de l’entente, que le pasteur Jasinski ait été conscient de cette même préoccupation, et que M. Chong ait été informé du fait que PLM devait s’améliorer. La lettre envoyée à PLM par l’agent principal des appels, quelque 18 mois après l’envoi de la lettre de 2013, mentionne de nouveau cette préoccupation. C’est à ce moment que PLM a fourni des documents et quelques reçus. Or, même à ce moment, ces documents permettaient d’étayer seulement environ la moitié des montants rapportés dans les déclarations.

[63]  Je conclus que PLM a omis de fournir les renseignements demandés concernant ses registres et donc, qu’elle se trouvait en défaut et en contravention de l’exigence de tenir des livres de comptes et des registres adéquats quant à certains volets de ses opérations au cours de la période visée. En conséquence, la conclusion du ministre voulant que PLM n’eût pas tenu des livres de comptes et des registres adéquats, de la manière prévue à l’alinéa 230(2)a) et au paragraphe 230(4) de la LIR était raisonnable.

  • b) La suspension imposée en application de l’alinéa 188.2(2)a) était-elle raisonnable eu égard aux circonstances?

[64]  Considérant ma conclusion voulant que PLM soit en contravention des dispositions pertinentes, l’Agence a-t-elle dûment justifié la suspension et établi qu’il s’agissait d’une mesure raisonnable?

[65]  PLM soutient avoir fait de son mieux pour se conformer et satisfaire à ses obligations. Elle avait certains reçus (pour des billets d’avion et de train, des chambres d’hôtel), mais elle n’avait pas tous les reçus nécessaires, car ceux-ci n’étaient souvent pas remis et étaient difficiles à obtenir selon le pasteur Jasinski, étant donné la prévalence des échanges en argent comptant dans les pays plus pauvres et dans les régions éloignées où il n’y avait aucune machine de paiement par carte de débit ou de crédit et où les coordonnateurs locaux qui prenaient les arrangements acceptaient seulement les dollars américains (billets de 100 dollars américains). Des comptables ont été embauchés pour préparer les déclarations, puis ultérieurement M. Vandenbrink a été embauché pour aider à répondre à l’audit. La suspension étant une sanction moins sévère que celle de la révocation, toutefois, PLM soutient qu’elle était néanmoins sérieuse pour un petit organisme de bienfaisance et qu’elle avait une incidence financière sérieuse.

[66]  Je rejette l’explication du pasteur Jasinski quant à son incapacité ou à la difficulté d’obtenir et d’effectuer le suivi des reçus dans le cadre de transactions réglées en espèces et ce au motif que cette explication est intéressée. Comme il le reconnaît dans son témoignage, il savait que l’Agence était préoccupée par les dépenses et les reçus de PLM et qu’il devait conserver tous ces derniers. C’est pour cette raison que PLM avait été averti dans le cadre de l’entente des préoccupations quant à la justification des dépenses engagées à l’étranger et du fait qu’un suivi serait effectué. Il incombait à PLM de trouver des moyens de répondre à ces préoccupations de façon à satisfaire aux demandes de renseignements de l’Agence quant auxdites dépenses. Par exemple, l’intimée a suggéré que le pasteur Jasinski aurait pu se procurer un carnet et obtenir la signature ou d’autres détails de la personne avec qui PLM a interagi de façon à savoir comment les fonds de l’organisme avaient été dépensés.

[67]  Selon l’alinéa 188.2(2)a), le ministre peut suspendre la capacité d’un organisme de bienfaisance enregistré de délivrer des reçus officiels pour un an ainsi que son statut de donataire reconnu. En 2011, cet alinéa était rédigé ainsi :

Avis de suspension — application générale

188.2(2) Le ministre peut, par avis envoyé en recommandé, informer tout organisme de bienfaisance enregistré que son pouvoir de délivrer des reçus officiels, au sens de la partie XXXV du Règlement de l’impôt sur le revenu, est suspendu pour un an à compter du jour qui suit de sept jours l’envoi de l’avis si, selon le cas :

a) l’organisme a contrevenu à l’un des articles 230 à 231.5;

[...]

[68]  À compter de 2012, l’alinéa a été modifié comme suit de façon à inclure la liste de tous les donataires reconnus  [46]  :

Avis de suspension — application générale

188.2(2) Le ministre peut, par avis envoyé en recommandé, informer toute personne visée à l’un des alinéas a) à c) de la définition de donataire reconnu au paragraphe 149.1(1) que son pouvoir de délivrer des reçus officiels, au sens de la partie XXXV du Règlement de l’impôt sur le revenu, est suspendu pour un an à compter du jour qui suit de sept jours l’envoi de l’avis si, selon le cas :

a) la personne contrevient à l’un des articles 230 à 231.5;

[69]  Dans l’arrêt Prescient, la Cour d’appel fédérale a conclu que, bien qu’un défaut de produire des renseignements à l’égard des registres n’est pas un motif suffisant pour procéder à la révocation du statut d’un organisme, la combinaison de celui-ci au défaut de produire rapidement des renseignements après l’audit rendait la révocation ordonnée par le ministre raisonnable. La suspension des privilèges de délivrance de reçus à des fins fiscales et d’autres sanctions moins graves sont décrites dans les termes suivants :

51 En fait, le ministre dispose de mesures correctives administratives ou de sanctions intermédiaires moins draconiennes, telles que des avis formels, des accords d’observation ou la suspension des privilèges fiscaux pendant un an en application de l’alinéa 188.2(2)a) de la Loi. L’enregistrement d’un organisme de bienfaisance qui ne tient pas des registres appropriés doit donc être uniquement révoqué pour ce motif dans un cas d’inobservation substantielle ou répétée. [...]

[70]  Dans l’arrêt International Pentecostal Ministry c. Canada (Ministre du Revenu national), 2010 CAF 51, 2010 DTC 5045 (CAF), portant également sur une révocation de statut, la Cour a conclu que la révocation du statut d’organisme de bienfaisance enregistré de l’organisme était raisonnable considérant son défaut de tenir des livres de comptes et des registres concernant ses activités, les cadeaux reçus et ses dépenses effectuées à l’extérieur du Canada.

[71]  PLM a demandé et obtenu plusieurs prolongations de délai après la réception de la lettre de 2013 afin de lui permettre d’obtenir de l’aide. Elle a ensuite embauché M. Vandenbrink. Dans la lettre de mai 2014, le vérificateur a donné une autre occasion à PLM de répondre à ses demandes et de fournir des renseignements. PLM a répondu par la voie d’une lettre comprenant des explications en réponse à certains domaines identifiés par l’Agence comme étant non conformes. Toutefois, à aucun moment durant l’audit PLM n’a produit de reçus, de factures, de pièces justificatives ou d’autres documents pour étayer les montants des dépenses engagées pour ses activités à l’étranger. L’organisme a finalement produit des documents ainsi que certains reçus à l’étape de l’appel en juin 2015, mais les documents produits permettaient seulement de justifier la moitié des dépenses rapportées dans les déclarations. Il s’agissait principalement de relevés bancaires.

[72]  Il convient de mentionner qu’il ne s’agissait pas de la première expérience de PLM et que l’organisme s’était engagé, dans l’entente, à conserver tous les reçus à l’avenir. Une fois encore, le pasteur Jasinski savait tout ceci et il savait que l’entente découlait de l’absence de reçus justifiant les dépenses engagées pour des activités réalisées à l’étranger.

[73]  Considérant l’application des principes à la preuve produite ainsi que le statut spécial dont profite un organisme de bienfaisance, je conclus que ce défaut justifie la sanction moindre qu’est la suspension, particulièrement étant donné la répétition du défaut de conformité concernant les reçus pour les activités réalisées à l’étranger, qui permettaient seulement d’étayer la moitié desdites dépenses, la production tardive desdits reçus et des documents, et le fait qu’à ce jour, PLM n’a toujours pas produit tous les reçus, comme le prévoit l’entente, pour ses activités menées à l’extérieur du Canada au cours de la période visée.

[74]  En conséquence, la réaction du ministre au défaut de tenir des livres de comptes et des registres adéquats était raisonnable eu égard aux circonstances. Je conclus que la décision du ministre, en application de l’alinéa 188.2(2)a), de suspendre le pouvoir de PLM de délivrer des reçus pour dons à un organisme de bienfaisance ainsi que son statut de donataire reconnu était raisonnable et justifiée dans les circonstances.

[75]  L’appel est rejeté.

[76]  Les dépens sont adjugés à l’intimée. Chaque partie devra produire des observations écrites sur les dépens dans un délai de 30 jours à compter de la date du présent jugement.

   Signé à Nanaimo (Colombie-Britannique), ce 28e jour de juin 2019.

« K. Lyons »

La juge Lyons

Traduction certifiée conforme,

ce 22e jour de décembre 2020.

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

Annexe I

Extraits de la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Carr

[TRADUCTION]

Question 4 :

4. Le paragraphe 8 de la réponse de l’intimée indique que l’avis de suspension a été délivré à l’appelante au motif qu’elle avait omis de tenir des livres de comptes et des registres comme l’exigent les paragraphes 230(2) et 230(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »);

  1. Est-ce bien ça?

Réponse : Oui.

  1. De quelles façons l’intimée affirme-t-elle que les livres de comptes et les registres de l’appelante n’étaient pas conformes à l’objet des paragraphes 230(2) et 230(4) de la Loi?

Réponse :

  • La liste des reçus officiels pour dons délivrés durant la période de l’audit ne comprenait pas tous les reçus pour dons annuels officiels ou n’identifiait pas les reçus délivrés en remplacement des reçus annulés.

  • L’appelante a omis de nous fournir une ventilation du montant de 16 822 $ déclaré à titre de « Dépenses de mission — Afrique », ainsi que du montant de 6 550 $ déclaré à titre de « Dépenses de mission — Europe », figurant sur l’« état des revenus » de l’appelante pour l’exercice financier se terminant le 31 décembre 2011 ainsi que des copies des factures étayant ces montants.

  • L’appelante a omis de nous fournir une ventilation du montant de 52 728 $ déclaré à titre de « Voyages en mission », ainsi que du montant de 30 885 $ déclaré à titre de « Mission et autres dépenses », figurant sur le document « État des opérations et modifications au solde des fonds » de l’appelante pour l’exercice financier se terminant le 31 décembre 2012 ainsi que des copies des factures étayant ces montants.

  • L’appelante a omis de nous fournir une ventilation du montant de 2 475 $ déclaré à titre de « Dons » figurant sur le document « État des opérations et modifications au solde des fonds », ainsi que les noms des organismes ayant reçu les dons, le numéro d’entreprise ou d’enregistrement des organismes et les sommes remises à chaque organisme, ou de fournir quelque renseignement que ce soit en lien avec cette dépense.

  • L’appelante a omis de nous fournir une ventilation du montant de 8 392 $ déclaré à titre de « Dépenses de véhicule », figurant sur le document « État des opérations et modifications au solde des fonds » pour l’exercice financier se terminant le 31 décembre 2012, ou de fournir quelque renseignement que ce soit en lien avec cette dépense.

  1. Est-ce que quelqu’un à l’Agence a examiné les livres de comptes et les registres tenus par l’appelante pour les périodes visées pour parvenir à cette conclusion?

Réponse : J’ai examiné les documents fournis par l’appelante.

Question 5 :

5. Veuillez examiner les sous-paragraphes 12a) à m) de la réponse de l’intimée :

  1. Veuillez nous indiquer les suivantes par rapport à chaque sous-paragraphe :

  1. Qui, le cas échéant, au sein de l’Agence a présumé que les faits étaient exacts?

Réponse : Moi-même et le gestionnaire de la Section des audits, l’agent chargé des sanctions pour défaut de conformité, le directeur de la conformité, ainsi que le directeur général ont également pu présumer de l’exactitude des faits.

  1. L’allégation a-t-elle été consignée dans un document? Le cas échéant, dans quel document se trouve-t-elle?

Réponse : Certaines des hypothèses du ministre, ou toutes celles-ci, figurent dans le rapport d’audit, AFL daté du 27 mai 2014, dans la note à l’intention du directeur général datée du 8 décembre 2014 ainsi que dans l’avis de suspension des privilèges de délivrance de reçus daté du 14 janvier 2015.

  1. Quels sont les faits que vous savez ou dont vous auriez dû vous enquérir au sujet de cette allégation?

Réponse : Les faits tels qu’ils sont rapportés par l’appelante dans ses feuillets d’information pour la période visée par l’audit; les faits figurant dans l’entente de conformité datée du 26 février 2009; et les faits figurant dans les documents reçus de l’appelante.

  1. Quant au sous-paragraphe b) :

  1. Quel était le motif à l’origine de la conclusion de l’entente de conformité mentionnée dans les présentes?

Réponse : L’appelante avait omis de tenir des livres de comptes et des registres adéquats.

  1. S’agit-il de l’entente de conformité identifiée par l’intimée dans son recueil, à l’onglet 19?

Réponse : Oui.

  1. Quelles mesures correctives, le cas échéant, l’Agence a-t-elle suggérées à l’appelante dans le cadre de l’entente de conformité?

Réponse : L’appelante devait prendre des mesures pour s’assurer de conserver des factures et des pièces justificatives détaillées et de tenir des livres de comptes et des registres adéquats à compter du 4 mars 2009.

  1. Le vérificateur qui a délivré l’entente de conformité a-t-il informé l’appelante de ce qui constituait des livres de comptes et des registres adéquats et, le cas échéant, quelle a été l’explication fournie?

Réponse : Oui, l’appelante a été informée dans l’entente de conformité qu’elle était tenue, selon les termes du paragraphe 230(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, de tenir des livres de comptes et des registres, nommément :

  • a) les registres et livres de comptes, de même que les comptes et pièces justificatives nécessaires à la vérification des renseignements contenus dans ces registres et livres de comptes, dont les règlements prévoient la conservation pour une période déterminée;

  • b) tous les autres registres et livres de comptes mentionnés au présent article, de même que les comptes et pièces justificatives nécessaires à la vérification des renseignements contenus dans ces registres et livres de comptes pendant les six ans qui suivent la fin de la dernière année d’imposition à laquelle les documents se rapportent.

c.   En ce qui a trait au sous-paragraphe d), quelles mesures correctives l’appelante a-t-elle omis de mettre en œuvre?

Réponse :

  • L’appelante a omis de nous fournir des copies de ses factures justifiant ses « Dépenses de mission — Afrique » et ses « Dépenses de mission — Europe » pour l’exercice fiscal se terminant le 31 décembre 2011.

  • L’appelante a omis de nous fournir des copies de ses factures justifiant les dépenses rapportées pour les « voyages pour les missions » et les « missions et autres dépenses » pour l’exercice fiscal se terminant le 31 décembre 2012.

  • L’appelante a omis de nous fournir une ventilation de ses « Dépenses de véhicule ».

  • L’appelante a omis de tenir des livres de comptes et des registres adéquats lui permettant de déclarer adéquatement ses dépenses.

  1. En ce qui a trait au sous-paragraphe f), dans quelle mesure les réponses de l’appelante étaient-elles insuffisantes ou grevées de défauts graves?

Réponse : L’appelante a omis de fournir quelques renseignement ou facture que ce soit sur les dépenses énoncées en réponse à la question 4 b) précédente.

  1. En ce qui a trait au sous-paragraphe g), de quel volet des activités de l’appelante est-il question dans l’espèce?

Réponse : L’organisme a omis de conserver les factures et les pièces justificatives nécessaires à la vérification des dépenses déclarées.

f.   En ce qui a trait aux sous-paragraphes h) à m), inclusivement, de quelles façons l’intimée soutient-elle que les livres de comptes et les registres de l’appelante sont inadéquats?

Réponse : L’appelante a omis de fournir quelques facture ou pièce justificative nécessaire pour vérifier les dépenses déclarées ou pour les déclarer avec exactitude.


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 145

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-4620(IT)G

INTITULÉ :

PROMISED LAND MINISTRIES c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 14 et 15 novembre 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge K. Lyons

DATE DU JUGEMENT :

Le 28 juin 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Robert Neilson

Avocate de l’intimée :

Me Wendy Bridges

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Robert Neilson

 

Cabinet :

Felesky Flynn LLP

Edmonton (Alberta)

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]   Avis de suspension des privilèges de délivrance de reçus daté du 14 janvier 2015.

[2]   Il détient un baccalauréat en construction et en automatisation industrielle.

[3]   Pièce A1, onglet 2, se rapporte aux activités de 2012 et de 2013. D’autres exemples se trouvent à la pièce A1 à l’onglet 30.

[4]   Pièce A3, onglet 19. Entente signée par Jozef Jasinski le 26 février 2009 et par Erin Carroll, de la division de la vérification et de l’application de la loi de l’Agence le 4 mars 2009.

[5]   Entente, paragraphe 2.

[6]   Pièce A5, onglet 19 — Lettre d’entente datée du 26 mars 2009.

[7]   Pièce A1, onglet 1.

[8]   Pièce A1, onglet 1, page 3. Les autres domaines comprennent des entrées omises sur des feuillets T3010, des annexes non remplies et des copies de T4 qui ont été demandées.

[9]   Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), paragraphes 100(1.1), (3.1) et (3).

[10]   Pièce A1, onglet 2. Demandes d’ajustements et page 4 de 9 de la déclaration de 2011 signée par le pasteur Jasinski et datée du 3 août 2012. La page 4 de la déclaration de 2011 estampillée par l’Agence comme ayant été reçue le 26 novembre 2012, signée par le pasteur Jasinski le 3 août 2012, est différente de la page 4 figurant dans la boîte F2. Par ailleurs, le nom de M. Craig ne figure pas sur ce premier document.

[11]   Pièce A5, onglets 1 et 2.

[12]   Il s’agit de relevés bancaires, de talons de chèques, de reçus et de tous les documents et renseignements comptables nécessaires.

[13]   Déclaration modifiée de 2011 et déclaration modifiée de 2012, datées du 26 avril 2014 et du 2 juin 2014, respectivement. Pièce A1, onglet 12, et pièce A2, onglet 36, respectivement.

[14]   Pièce A1, onglets 14, 15 et 16 à 27, composé de relevés bancaires, onglets 28, 29 et 30, respectivement. Les autres documents figurent à la pièce A1, onglets 31(g) et 32(h).

[15]   Pièce A1, onglet 11; pièce A2, onglet 34.

[16]   Résumé des dépenses pour les missions de 2011 à la Sierra Leone et en Pologne (mêmes renseignements, mais présentés dans deux formats différents), les relevés bancaires de février et de mars 2011, les copies du recto de chèques en lien avec les relevés bancaires, les reçus de transferts de fonds du pasteur Jasinski au pasteur Tamba Howard Job Sessie, un résumé de PLM sur les missions réalisées en 2011 par le pasteur Jasinski, ainsi que des factures d’Airline Ticket Centre pour la Sierra Leone pour le pasteur Jasinski et Timothy Gardiner. Pièce A1, onglet 12. Le livre général comprend un dossier qui résume les dépenses, les relevés bancaires et les chèques annulés. Il a été utilisé pour résumer les transactions du programme pour la période visée. Autres documents figurant à la pièce A2, onglet 33.

[17]   Pièce A1, onglet 13, pièce A2, onglet 35 et pièce A3, onglets 53 à 58.

[18]   Pièce A2, onglets 40 à 52.

[19]   Pièce A4, onglets 59, 60 et 61.

[20]   Pièce A1, onglet 3. Les quatre autres domaines comprenaient les reçus officiels pour dons, des erreurs et des omissions dans le formulaire T3010, la production tardive de ce dernier, et le défaut d’établir des feuillets T4 pour la rémunération et les avantages.

[21]   Pièce A1, onglet 4, est la version non signée, tandis que la pièce R2 est la version signée de la lettre du 9 juin 2014.

[22]   Pièce A1, onglet 6. Le pasteur Jasinski a accusé réception de l’avis de suspension. Conformément au paragraphe 188.2(4), PLM a demandé et obtenu une ordonnance de notre Cour datée du 14 septembre 2015 retardant la suspension jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans son appel.

[23]   Pièce R1 — lettre de PLM datée du 28 janvier 2015.

[24]   Pièce A1, onglet 7.

[25]   Pièce A1, onglet 8. Section de recours en matière de bienfaisance de l’Agence.

[26]   Pièce A1, onglet 9. Direction des appels en matière fiscale et de bienfaisance de l’Agence.

[27]   Les documents incluaient le grand livre, des relevés bancaires et un recueil de dépôts.

[28]   Pièce A1, onglet 10.

[29]   Pièce A1, onglet 30. PLM a payé toutes les dépenses pour ces missions, incluant l’impression de manuels et de diplômes, le transport, etc.

[30]   Pièce A1, onglet 30. Il se chargeait de l’hébergement, de l’impression des diplômes, et de tout ce dont le pasteur Jasinski avait besoin sur le terrain.

[31]   Pièce A3, onglet 56.

[32]   Pièce A3, onglet 57; pièce A4, onglet 59.

[33]   Pièce A3, onglet 58, pièce A1, onglet 31 et pièce A4, onglets 59.

[34]   Pièce A1, onglets 1 à 32.

[35]   Le paragraphe 168(1) énonce les motifs que peut invoquer le ministre pour révoquer l’enregistrement d’un donataire reconnu (ce qui comprend plusieurs définitions figurant au paragraphe 149.1(1)), ce qui inclut un organisme de bienfaisance enregistré.

[36]   Arrêt Prescient, précité, au paragraphe 47.

[37]   Au paragraphe 48b), la Cour d’appel fédérale a également mentionné que ce principe l’aidait également à comprendre les motifs de la sanction imposée par le ministre, ce qui facilitera ensuite la décision de la Cour à savoir si la sanction imposée était raisonnable eu égard aux circonstances.

[38]   Aucune décision n’a été rendue relativement à une suspension en application de l’article 188.2.

[39]   Arrêt Prescient, précité, aux paragraphes 49 et 50.

[40]   Pièce A1, onglet 3, page 3, paragraphe 2.

[41]   Pièce A1, onglet 1.

[42]   Lettres de PLM datées du 9 juin 2014 et du 24 mars 2015.

[43]   Contrairement à un audit, une vérification sur le terrain s’effectue dans les bureaux de l’organisme de bienfaisance; un ou plusieurs vérificateurs examinent alors les livres de comptes et les registres de l’organisme. Le guide T4118 Vérification des organismes de bienfaisance (le « guide ») mentionne plusieurs facteurs et décrit les étapes suivies lors de la réalisation d’une vérification sur le terrain. Le vérificateur communique avec l’organisme pour l’aviser de l’audit, puis il organise une rencontre et avise l’organisme des éléments qui seront examinés durant l’audit afin de lui permettre de rassembler les documents nécessaires. Document sur les organismes de bienfaisance enregistrés de l’Agence 2015-07-14B.

[44]   Il peut s’agir de documents constitutifs, de descriptions de programmes et d’activités, de feuillets d’information annuels, d’états financiers et d’autres sources de renseignements, le cas échéant.

[45]   L’organisme de bienfaisance avait déjà fait l’objet d’une vérification. Le ministre n’était pas satisfait des documents produits par l’organisme de bienfaisance pour justifier ses dépenses à l’étranger.

[46]   Une modification subséquente, entrant en vigueur le 29 juin 2012, ajoutait les alinéas 188.2(2)e), f) et g).

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