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Dossier : 2015-4583(IT)G

ENTRE :

EYEBALL NETWORKS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 16 janvier 2019, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Paul A. Hildebrand

Avocate de l’intimée :

Me Whitney Dunn

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de l’avis de nouvelle cotisation délivré en application de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu, portant le numéro 2587838 et daté du 19 mars 2014 est rejeté.

Des dépens sont adjugés de façon provisoire à l’intimée sous réserve du droit de l’une ou de l’autre partie de présenter des observations écrites dans un délai de 30 jours du présent jugement. Le cas échéant, la Cour pourra examiner ces observations et modifier les dépens adjugés, faute de quoi les dépens adjugés de façon provisoire deviendront définitifs.


Signé à Hamilton (Ontario), ce 18e jour de juillet 2019.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce  29e jour de novembre 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2019 CCI 150

Date : 20190718

Dossier : 2015-4583(IT)G

ENTRE :

EYEBALL NETWORKS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

I. INTRODUCTION ET TRANSFERT D’ACTIFS

[1]  Le 19 mars 2002, l’appelante (la nouvelle société) a acheté certains actifs d’une société affiliée avec laquelle elle avait un lien de dépendance (la société préexistante). Ces actifs comprennent certains actifs et brevets de technologie de l’information (les biens transférés). Les biens transférés comprennent un logiciel conçu par la société préexistante relativement à une technologie bidirectionnelle de vidéoconférence en ligne (la nouvelle entreprise). Certaines obligations dues aux créanciers commerciaux de la société préexistante ont été prises en charge par la nouvelle société (les obligations transférées). La société préexistante a conservé des actifs, dont des programmes logiciels vidéos unidirectionnels et les licences connexes, la majeure partie de celles-ci étant expirée, relatifs à l’industrie du jeu (l’ancienne entreprise).

[2]  L’unique directeur, actionnaire et agent de la société préexistante et de la nouvelle société, M. Piche, a déterminé qu’il était nécessaire de créer la nouvelle société et de transférer les biens pour poursuivre le développement et l’exploitation de la nouvelle technologie bidirectionnelle de vidéoconférence. La société préexistante était associée à l’industrie du jeu en ligne; ces antécédents peu nobles auraient pu avoir un effet rébarbatif pour d’éventuels clients. Ainsi, il était préférable de mettre sur pied une société distincte, libre de ces éléments. En conséquence, les biens en question devaient être transférés à la nouvelle société et celle-ci devait acquitter les obligations qu’elle allait prendre en charge. Il restait désormais à déterminer la meilleure façon de procéder.

[3]  M. Piche a retenu les services d’un cabinet spécialisé et reconnu en droit fiscal pour structurer le transfert. Un transfert libre d’impôt à la nouvelle entreprise a été utilisé dès le départ pour ces principaux motifs commerciaux. Hormis l’objectif commercial, M. Piche a déclaré que ce transfert fiscal visait généralement à établir une valeur actuelle distincte du nouveau logiciel de vidéoconférence de l’entreprise et à éviter toute contestation éventuelle quant à sa valeur dans le cadre d’un transfert à une date ultérieure. En conséquence, il a procédé à une transaction de transfert assez courante permise par l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (la Loi). Les détails de la transaction sont décrits dans les paragraphes suivants.

A. Entente de restructuration de la société préexistante

[4]  Au début, M. Piche détenait 11 000 000 d’actions de catégorie A dans la société préexistante. Dans le cadre de l’entente de restructuration initiale, M. Piche a vendu ces actions à la société préexistante en contrepartie de l’émission par cette dernière de 11 000 000 de nouvelles actions de catégorie A et de 11 000 000 de nouvelles actions de catégorie C. L’entente Piche-société préexistante comportait les dispositions suivantes :

[TRADUCTION]

  1.  En date du 19 mars 2002, le vendeur [M. Piche] vend les biens [11 000 000 d’actions de catégorie A de la société préexistante] à l’acheteur [la société préexistante] au prix égal à la juste valeur marchande des biens à la date de la présente entente, laquelle correspond à la somme de 30 000 000 $ (la « valeur estimée »), d’un commun accord entre le vendeur et l’acheteur. Le vendeur et l’acheteur reconnaissent de plus que leur meilleure estimation de la juste valeur marchande des actifs en question moins la valeur des obligations en question (la valeur nette) correspond à 30 000 000 $.

  2. En contrepartie du transfert des biens par le vendeur, l’acheteur émettra au vendeur 11 000 000 d’actions de catégorie A sans valeur nominale ainsi que 11 000 000 d’actions de catégorie C sans valeur nominale au capital de l’acheteur, comportant les restrictions et les droits spéciaux établis à l’annexe C de la présente entente. Les 11 000 000 d’actions de catégorie C sans valeur nominale auront une valeur d’échange combinée équivalente à 30 000 000 $ sous réserve d’un ajustement, conformément à la clause 5, ci-dessous.

  1. Le vendeur et l’acheteur conviennent de ce qui suit :

    • a) Le prix d’achat des biens s’établira à la juste valeur marchande desdits biens à la date de la présente entente;

    • b) La valeur estimée des biens correspond à la meilleure estimation de la juste valeur marchande de ces biens établie par les parties;

    • c) La valeur d’achat regroupée des actions de catégorie C sans valeur nominale devant être émises au vendeur en application de la clause 2 correspondra à la valeur nette des actifs;

    • d) La meilleure estimation de la valeur nette établie par les parties s’élève à 30 000 000 $.

B. Entente de restructuration de la nouvelle société

[5]  Dans le cadre de l’entente de restructuration de la nouvelle société, M. Piche a vendu ses 11 000 000 d’actions de catégorie C dans la société préexistante en contrepartie de 11 000 000 d’actions de catégorie A et de 11 000 000 d’actions de catégorie B dans la nouvelle société. L’entente de restructuration de la nouvelle société comportait les dispositions suivantes :

[TRADUCTION]

  1. En date du 19 mars 2002, le vendeur [M. Piche] vend les biens [11 000 000 d’actions de catégorie A de la société préexistante] à l’acheteur [la nouvelle société] au prix égal à la juste valeur marchande des biens à la date de la présente entente, laquelle correspond à la somme de 30 000 000 $ (la « valeur estimée »), d’un commun accord entre le vendeur et l’acheteur.

  2. En contrepartie du transfert des biens par le vendeur, l’acheteur émettra au vendeur 11 000 000 d’actions de catégorie A sans valeur nominale ainsi que 11 000 000 d’actions de catégorie B sans valeur nominale au capital de l’acheteur, comportant les restrictions et les droits spéciaux établis à l’annexe B de la présente entente.

  1. Le vendeur et l’acheteur conviennent de ce qui suit :

    • a) Le prix d’achat des biens s’établira à la juste valeur marchande desdits biens à la date de la présente entente;

    • b) La valeur estimée des biens correspond à la meilleure estimation de la juste valeur marchande de ces biens établie par les parties;

[6]  Dans la clause 5, les parties acceptent également de déclarer un choix selon le paragraphe 85(1) de la Loi.

[7]  Les ententes susmentionnées portaient les mêmes dates. Afin de maintenir une séquence logique des événements, l’entente de restructuration de la société préexistante devait précéder l’entente de restructuration de la nouvelle société, mais cette dernière n’avait pas à être produite dans un ordre particulier.

C. L’accord de transfert des actifs (ATA)

[8]  La société préexistante a vendu les actifs essentiels à la nouvelle société en échange de ce qui suit : a) la prise à son compte par la nouvelle société d’obligations équivalentes à 175 000 $ et b) l’obtention de 11 000 000 d’actions de catégorie C de la nouvelle société. L’accord de transfert des actifs comprenait les opérations suivantes :

  1. À compter du 19 mars 2002, la société préexistante vend les biens [logiciel, matériel, achalandage, etc.] à la nouvelle société pour un prix équivalent à la juste valeur marchande des biens à la date de la présente entente, lequel s’élève à 30 175 000 $, d’un commun accord entre le vendeur et l’acheteur (la « valeur estimée »), et plus particulièrement selon les modalités définies à l’annexe « B ».

  2. En contrepartie du transfert des biens au vendeur, l’acheteur :

    • a) assume les obligations en question énoncées à l’annexe A, lesquelles ne dépasseront pas la somme globale convenue définie à la clause 9;

    • b) émet au vendeur 11 000 000 d’actions de catégorie C du capital de l’acheteur ayant une valeur de rachat globale égale à la somme de la juste valeur marchande des biens dépassant le montant des obligations en question (la « valeur nette des actifs »). Les actions de catégorie C émises au vendeur seront assorties des restrictions et des droits spéciaux établis à l’annexe C de la présente entente. Le vendeur et l’acheteur s’entendent sur le fait que leur meilleure estimation de la valeur nette des actifs s’élève à 30 000 000 $, ce qui correspondra à la valeur globale de rachat des actions de catégorie C émises au vendeur, sous réserve de l’ajustement prévu à la clause 5.

  1. Le vendeur et l’acheteur conviennent de ce qui suit :

    • a) Le prix d’achat des biens correspondra à la juste valeur marchande desdits biens à la date de la présente entente;

    • b) La valeur estimée des biens correspond à la meilleure estimation de la juste valeur marchande qui existe présentement;

    • c) La valeur de rachat regroupée des actions de catégorie C sans valeur nominale devant être émises au vendeur en application de la clause 2 sera la valeur nette des actifs;

    • d) La meilleure estimation de la valeur nette établie par les parties s’élève à 30 000 000 $.

[9]  La clause 5 est une clause d’ajustement du prix qui serait enclenchée si une administration fiscale contestait la juste valeur marchande des biens transférés ou d’autres valeurs. Elle prévoit également un ajustement de la valeur de rachat des actions de catégorie C. Encore une fois, les parties acceptent d’exercer leur choix prévu au paragraphe 85(1).

D. Articles de la nouvelle société

[10]  Les droits et restrictions joints aux actions de catégorie C de la nouvelle société prévoient que ces actions sont rachetables au gré de l’émetteur ou du porteur et comprennent également ce qui suit :

  1. Les actions de catégorie C sont assorties des restrictions et des droits particuliers suivants :

    • a) Les actions de catégorie C seront seulement émises en contrepartie de l’acquisition des biens par la société advenant que l’auteur du transfert desdits biens et la société se soient entendus sur l’effet dudit transfert selon les articles 51, 85 et 86 de la Loi de l’impôt sur le revenu;

    • b) Le montant global de rachat des actions de catégorie C émises en lien avec la transaction d’acquisition et de vente visée par les articles 51, 85 ou 86, correspondra aux éléments suivants :

      • i) Le montant qui est égal à l’excédent de :

  • (A) La juste valeur marchande globale de tous les biens acquis par la société dans la transaction visée par les articles 51, 85 et 86 et à l’égard de laquelle des actions de catégorie C ont été émises,

sur

  • (B) la juste valeur marchande globale de toute la contrepartie (autre que les actions de catégorie C dans la société ou le droit de recevoir de telles actions) reçue de la société par l’auteur du transfert desdits biens;

le montant étant établi par les directeurs de la société au moment de l’émission des actions de catégorie C, sous réserve de la modification ponctuelle du montant global de rachat des actions de catégorie C après l’émission de celles-ci suivant les modalités de toute entente entre la société et les détenteurs d’actions de catégorie C [...]

E. Les autres actions entreprises par les sociétés et l’entente mutuelle d’annulation des dettes

[11]  Les parties ont signé une entente d’affectation et de cession générale quant à certaines demandes de brevet pour céder les actifs transférés de la société préexistante à la nouvelle société.

[12]  En date du 19 mars 2002 :

  • a) la société préexistante a racheté les 11 000 000 d’actions de catégorie C de la société préexistante appartenant à la nouvelle société, et émis un billet à ordre payable sur demande à la nouvelle société de 30 000 000 $;

  • b) la nouvelle société a racheté les 11 000 000 d’actions de catégorie B de la nouvelle société appartenant à la société préexistante, et émis un billet à ordre payable sur demande à la société préexistante de 30 000 000 $;

  • c) la société préexistante et la nouvelle société ont conclu une entente mutuelle d’annulation des dettes selon les termes de laquelle les obligations créées par les deux billets à ordre susmentionnés s’annulaient par compensation mutuelle.

[13]  Les éléments figurant dans l’entente mutuelle d’annulation des dettes (l’entente d’annulation) sont les suivants :

[traduction]
ATTENDU QUE :

  1. Eyeball a émis un billet à ordre payable sur demande de 30 000 000 $ à 398 (le billet d’Eyeball).

  2. 398 a émis un billet à ordre payable sur demande de 30 000 000 $ à Eyeball (le billet de 398).

  3. Les parties souhaitent compenser le billet d’Eyeball à l’aide du billet de 398, et vice versa, afin d’annuler à la fois le billet d’Eyeball et le billet de 398.

IL EST ENTENDU QUE, considérant les ententes et les promesses mutuelles énoncées dans les présentes, les parties acceptent ce qui suit :

1. Eyeball compense, à titre de paiement, le billet de 398 contre le billet d’Eyeball payable par Eyeball, puis le billet de 398 est annulé et 398 est libérée de toute obligation en lien avec celui-ci.

2. 398 compense, à titre de paiement, le billet d’Eyeball contre le billet de 398 payable par 398, puis le billet d’Eyeball est annulé et Eyeball est libérée de toute obligation en lien avec celui-ci.

[14]  À des fins d’illustration, il convient de présenter les structures antérieures et postérieures des sociétés comme suit :

11 millions d’actions de catégorie A de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie A de la nouvelle société, sans valeur nominale

Schéma 1 Avant l’échange de biens;

La nouvelle société

 

La nouvelle société

11 millions d’actions de catégorie C de la société préexistante ayant une valeur de rachat de 30 millions de dollars

 

11 millions d’actions de catégorie C de la société préexistante ayant une valeur de rachat de 30 millions de dollars

La société préexistante

 

La société préexistante

Biens estimés à 30 175 000 $

 

Biens estimés à 30 175 000 $

11 millions d’actions de catégorie B de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie B de la nouvelle société, sans valeur nominale

11 millions d’actions de catégorie A de la société préexistante, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie A de la société préexistante, sans valeur nominale

M. Piche

 

M. Piche

11 millions d’actions de catégorie A de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie B de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie A de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie B de la nouvelle société, sans valeur nominale

11 millions d’actions de catégorie A de la société préexistante, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie A de la société préexistante, sans valeur nominale

Schéma 2 Après la signature de l’ATA;

La nouvelle société

 

La nouvelle société

Billet à ordre de 30 millions de  $ de la société préexistante

 

Billet à ordre de 30 millions de  $ de la société préexistante

Billet à ordre de 30 millions de $ de la nouvelle société

 

Billet à ordre de 30 millions de $ de la nouvelle société

La société préexistante

 

La société préexistante

Biens estimés à 30 175 000 $

Prise en charge d’obligations de la société préexistante ayant une valeur de 175 000 $

 

Biens estimés à 30 175 000 $

Prise en charge d’obligations de la société préexistante ayant une valeur de 175 000 $

11 millions d’actions de catégorie C de la société préexistante ayant une valeur de rachat de 30 millions de dollars

 

11 millions d’actions de catégorie C de la société préexistante ayant une valeur de rachat de 30 millions de dollars

11 millions d’actions de catégorie C de la nouvelle société ayant une valeur de rachat de 30 millions de dollars

 

11 millions d’actions de catégorie C de la nouvelle société ayant une valeur de rachat de 30 millions de dollars

M. Piche

 

M. Piche

 

11 millions d’actions de catégorie A de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie B de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie A de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie B de la nouvelle société, sans valeur nominale

11 millions d’actions de catégorie A de la société préexistante, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie A de la société préexistante, sans valeur nominale

Schéma 3 – Après la compensation et l’entente mutuelle d’annulation des dettes;

Billet à ordre de 30 millions de  $ de la société préexistante

 

Billet à ordre de 30 millions de  $ de la société préexistante

Biens estimés à 30 175 000 $

Prise en charge d’obligations de la société préexistante ayant une valeur de  175 000 $

 

Biens estimés à 30 175 000 $

Prise en charge d’obligations de la société préexistante ayant une valeur de  175 000 $

La nouvelle société

 

La nouvelle société

La société préexistante

 

La société préexistante

Annulation mutuelle des dettes

 

Annulation mutuelle des dettes

Billet à ordre de 30 millions de  $ de la nouvelle société

 

Billet à ordre de 30 millions de  $ de la nouvelle société

M. Piche

 

M. Piche

 

11 millions d’actions de catégorie A de la nouvelle société, sans valeur nominale

11 millions d’actions de catégorie B de la nouvelle société, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie A de la nouvelle société, sans valeur nominale

11 millions d’actions de catégorie B de la nouvelle société, sans valeur nominale

Schéma 4 Après la libération des documents entiercés;

Biens estimés à 30 175 000 $

Prise en charge d’obligations de la société préexistante s’élevant à 175 000 $

 

Biens estimés à 30 175 000 $

Prise en charge d’obligations de la société préexistante s’élevant à 175 000 $

La nouvelle société

 

La nouvelle société

La société préexistante

 

La société préexistante

11 millions d’actions de catégorie A de la société préexistante, sans valeur nominale

 

11 millions d’actions de catégorie A de la société préexistante, sans valeur nominale

M. Piche

 

M. Piche

 

[15]  Finalement, les parties ont conclu une entente d’entiercement (l’entente d’entiercement) prévoyant l’entiercement de différents documents pour un court nombre de jours. Ceci a permis de résoudre un accro administratif dans le dépôt des documents découlant du changement de raison sociale de la nouvelle société. Les dispositions pertinentes de cette entente prévoyaient les suivants :

[TRADUCTION]

[…]

1. Les parties reconnaissent que les ententes ainsi que tous les autres documents et opérations conclues dans le cadre des présentes seront placés en entiercement jusqu’à ce que les formalités de changement de raison sociale de la [nouvelle société] à Eyeball Networks Inc. aient été remplies

2. Les documents seront conservés en entiercement par toute personne acceptée par les parties aux présentes et seront libérés de l’entiercement lorsque les formalités de changement de raison sociale de la [nouvelle société] à Eyeball Networks Inc. auront été remplies.

  […]

[16]  Les documents ont été libérés de l’entiercement selon les termes de l’entente d’entiercement datée du 22 mars 2002 (la libération de l’entiercement). Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

[traduction]

1. Les parties s’entendent sur la libération de tous les documents placés en entiercement selon les termes de l’entente d’entiercement.

[17]  En l’absence de l’entente d’entiercement, toutes les ententes auraient autrement été délivrées et libérées dans le cadre d’une seule date de transaction, soit le 19 mars 2002 (la date de la transaction). Manifestement, lesdits documents ont été conservés en entiercement pendant environ 3 jours, puis libérés sur le plan juridique suivant une seule opération de libération selon les termes de la libération de l’entiercement.

F. Les sorts de la nouvelle entreprise et de l’ancienne entreprise

[18]  La nouvelle entreprise a connu un certain succès au départ, mais elle n’a jamais été à la hauteur des attentes de M. Piche. La nouvelle société a affiché une perte d’exploitation de 487 665 $ à la fin de l’exercice financier se terminant le 28 février 2003 ainsi qu’un profit d’exploitation de 200 604 $ pour 2004. Son revenu brut pour ces deux années ainsi que la suivante était d’environ 7 000 000 $. La perte ou le profit d’exploitation de la troisième année d’exploitation de la nouvelle société n’a pas été produit en preuve.

[19]  En fin de compte, l’ancienne entreprise n’était plus exploitée au-delà de la date de la transaction. M. Piche s’est opposé à la prétention du ministre voulant que la société préexistante et son ancienne entreprise eussent été obsolètes à compter de la date de la transaction; toutefois, rien n’indique que ce fut le cas. Les flux de rentrée attribuables à ses anciennes licences d’entreprise s’étaient taris. Durant les interrogatoires préalables, M. Piche a suggéré de façon anecdotique que la société préexistante avait une valeur. Aucun état financier n’a été produit pour étayer cette prétention. De plus, après la cessation des paiements des frais de licence, M. Piche a également admis en interrogatoire préalable que la société préexistante n’avait pas de clients payants ou de revenus issus des activités commerciales de son ancienne entreprise après la date de la transaction.

G. Nouvelles cotisations

[20]  Le 16 septembre 2003, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’encontre de la société préexistante pour ses années d’imposition se terminant le 31 juillet 2000 et le 31 juillet 2001. Le montant total des nouvelles cotisations s’établissait à 13 368,48 $, incluant 972,48 $ d’intérêts.

[21]  Le 9 août 2004, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’encontre de la société préexistante pour l’année d’imposition se terminant le 31 juillet 2002. Le montant total de la nouvelle cotisation s’établissait à 113 366,10 $, incluant 13 491,39 $ en intérêts et une pénalité pour production tardive de 14 511,71 $.

[22]  Personne ne conteste le fait que les deux nouvelles cotisations sous-jacentes ont été délivrées longtemps après le passage de la date de transfert. De plus, personne ne conteste le fait que M. Piche ignorait l’existence de toute dette fiscale non réglée à la date de la transaction. La nouvelle société a fait l’objet d’une nouvelle cotisation le 19 mars 2014 après que le principal débiteur fiscal eut omis de régler la dette.

II. LA LOI

[23]  L’article 160 de la Loi, sur lequel ont porté de nombreux litiges, est celui qui s’applique à la responsabilité de l’appelante dans le présent appel. Voici des extraits des dispositions pertinentes au présent appel :

Paragraphe 160(1) de la Loi

Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance

(1) Lorsqu’une personne a [...] transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen [...] de toute autre façon à l’une des personnes suivantes :

[…]

c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance;

les règles suivantes s’appliquent :

d) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d’une partie de l’impôt de l’auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d’imposition [...];

e) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d’un montant égal au moins élevé des montants suivants :

(i) l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

(ii) le total des montants représentant chacun un montant que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi [...].

  [...]

[24]  La Cour d’appel fédérale a défini dans l’arrêt Livingston c. R [1] les quatre exigences devant être remplies pour entraîner l’application de l’article 160 :

1) L’auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment de ce transfert.

2) Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon.

3) Le bénéficiaire du transfert doit être :

i. soit l’époux ou conjoint de fait de l’auteur du transfert au moment de celui-ci, ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

ii. soit une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment du transfert; ou

iii. soit une personne avec laquelle l’auteur du transfert avait un lien de dépendance.

4) La juste valeur marchande des biens transférés doit excéder la juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert.

III. SOMMAIRE DES THÈSES DES PARTIES ET QUESTIONS EN LITIGE

[25]  Il n’y a essentiellement aucun fait contesté dans l’instance. Le nœud du litige devant notre Cour porte sur la question de l’application de l’article 160 dans ce type de transaction de transfert fiscal neutre selon les termes du paragraphe 85(1). Dans le présent appel, la seule question en litige porte sur l’existence ou la valeur de la contrepartie accordée pour les biens transférés. L’appelante reconnaît qu’il y a eu un transfert de biens; la cession des actifs relatifs à la nouvelle entreprise à la nouvelle société était la raison d’être et l’objet de la transaction. L’auteur du transfert et le bénéficiaire étaient des parties ayant un lien de dépendance en raison du fait qu’elles avaient toutes deux le même actionnaire unique, M. Piche. De plus, bien que l’obligation fiscale de la société préexistante eut été quantifiée longtemps après la conclusion de la transaction, elle subsistait sur le plan juridique aux fins de l’application de l’article 160, car l’obligation fiscale était, au moment de la transaction, exigible en vertu de la Loi [2] . De plus, la cotisation sous-jacente n’a pas été contestée par l’appelante à l’audience. En conséquence, la seule question en litige restante porte sur l’existence et la valeur de la contrepartie offerte en échange de biens transférés.

A. La thèse de l’appelante

[26]  L’avocat de M. Piche reconnaît l’existence d’une obligation fiscale non remplie ainsi qu’un transfert de biens entre la société préexistante et la nouvelle société. Toutefois, ledit transfert de biens, qui étaient liés à la nouvelle entreprise, s’est fait en contrepartie de l’émission d’actions de la nouvelle société à la société préexistante. Ces actions avaient une valeur égale à la valeur estimée des biens transférés. Advenant que la juste valeur marchande (« JVM »), à la suite de l’ajustement du prix, eût été mal estimée, la valeur des actions émises en contrepartie serait ajustée en conséquence. De plus, la valeur fixée par l’Agence du revenu du Canada (l’Agence) serait adoptée, sans soulever de questions. Aucun écart entre la JVM de la contrepartie offerte et des biens transférés ne pourrait se produire. Les actions de la nouvelle société émises en contrepartie des actifs liés à la nouvelle entreprise (c.-à-d. les biens transférés) seraient de valeur équivalente à la date du transfert. Dans le cas contraire, la valeur serait ajustée afin d’éviter tout écart. En conséquence, aucune insuffisance entre la valeur des biens transférés et la contrepartie ne pourrait être calculée. Pour ce motif et par définition, l’article 160 ne s’appliquerait pas.

B. La thèse de l’intimée

[27]  L’intimée accepte que la première étape de la transaction, nommément, l’émission des actions offertes à la société préexistante, représentait une contrepartie suffisante. Toutefois, le rachat des actions et l’annulation croisée des dettes à titre d’étape finale à la date de la transaction annulaient la contrepartie. En résumé, le jour précédent cette annulation, la société préexistante, à titre d’auteur du transfert, ne disposait d’aucune contrepartie de valeur réelle en échange des actifs transférés qu’elle avait cédés à la nouvelle société. Dans l’ensemble, toutes les étapes mises ensemble ont mené à la cession de biens sans aucune valeur durant une période où la société préexistante, à titre d’auteur du transfert, avait une obligation fiscale existante en vertu de la loi. Une telle réalité économique fondée sur les résultats déclenche l’objet véritable de l’article 160, nommément, qui est de servir d’outil de recouvrement destiné à prévenir la dissipation des biens d’un débiteur fiscal offerts à un bénéficiaire avec qui il a un lien de dépendance et conservés par celui-ci sans contrepartie ou en échange d’une contrepartie insuffisante par l’auteur du transfert, soit le débiteur fiscal, en lien avec les biens transférés.

C. Les questions soumises à notre Cour

  • (i) La nouvelle société a-t-elle donné une contrepartie en échange des actifs transférés?

[28]  Considérant les positions contraires des parties, l’apparence de contrepartie dans les documents de clôture a donné naissance à deux points de vue contraires. Hormis la JVM de la contrepartie offerte selon toute vraisemblance en échange des actifs transférés, si les actions et le billet à ordre (les biens offerts) ne constituent pas une contrepartie donnée (la contrepartie offerte) en échange des actifs transférés, alors il est inutile d’effectuer une analyse comparative de la JVM. Bien qu’il puisse sembler évident que les biens offerts avaient, à première vue, une valeur au moment où ils ont été offerts, l’intimée semble soutenir implicitement le contraire, du moins en ce qui concerne la fin de la journée de la date de clôture officielle de la transaction.

  • (ii) Il faut établir la JVM des biens offerts au [traduction] « moment du transfert des biens ».

[29]  Si l’on présume que des biens ont été offerts en échange des actifs transférés, la Cour doit, selon l’article 160, se poser quelques questions supplémentaires :

a)  Quelle est la période visée par l’expression « au moment du transfert [des biens] et « à ce moment de la contrepartie donnée » (collectivement, le « moment du transfert ») »; à quel moment ces concepts naissent-ils et prennent-ils fin en vertu de l’article 160?

b)  Si les biens offerts représentaient une contrepartie offerte, à quel montant devrait-on fixer la JVM à un moment donné ou, le cas échéant, à différents moments?

c)  La JVM des actifs transférés était-elle supérieure à celle de la contrepartie offerte au « moment du transfert » et, le cas échéant, de combien?

IV. ANALYSE DES QUESTIONS

  • (i) La nouvelle société a-t-elle donné une contrepartie en échange des actifs de la nouvelle entreprise?

[30]  Il y a une différence entre les positions apparente et implicite de l’intimée quant au coeur d’un concept, soit celui du moment du transfert. L’intimée soutient simplement qu’une contrepartie a, en premier lieu, été offerte sous forme d’actions de catégorie C et d’un billet à ordre offerts par la nouvelle société à la société préexistante. Toutefois, la compensation et l’annulation subséquentes et conséquentes du billet à ordre sont venues annuler la valeur de la contrepartie offerte. De façon logique et implicite, l’intimée soutient ainsi qu’au « moment du transfert », aucune contrepartie globale n’avait été véritablement offerte en échange des biens transférés. La contrepartie s’est évaporée avant même que les lumières ne s’éteignent. La Cour rejette ce premier argument implicite. Les documents ne permettent pas d’étayer une telle thèse considérant le contexte dans lequel ils ont été prévus, préparés et mis en œuvre. L’objectif de toute cette transaction est décrit adéquatement et de manière exhaustive étape par étape dans les documents.

[31]  Personne ne s’est davantage appuyé sur ces documents que les représentants du ministre. Rien dans la nouvelle cotisation ne remet en question l’objectif particulier du transfert effectué en application de l’article 85. De plus, le ministre n’a pas réalisé une cotisation fondée sur la RGAÉ qui lui aurait permis d’affirmer que l’article 85 avait été utilisé de manière abusive afin de faire échec au recouvrement d’impôt. La Cour remarque qu’il y a certainement eu un avantage fiscal découlant de l’article 85, qui était le principal objet de son application en l’espèce. Cela étant dit, notre Cour n’a pas pour rôle, à ce titre, de remettre en question la décision du ministre de ne pas réaliser une cotisation fondée sur la RGAÉ. Nous énonçons simplement ce fait pour établir que, en premier lieu du moins, les biens offerts à la phase initiale de l’opération de transfert constituaient sans aucun doute une contrepartie de valeur. En outre, selon les modalités de l’entente, cette contrepartie était équivalente à la valeur des biens transférés. La question qui reste est de savoir si la valeur à l’origine a changé, et, le cas échéant, à quel moment ce changement a eu lieu.  S’il s’est produit lors du « moment du transfert », l’article 160 s’applique.

(ii)  Sans aucun doute, il faut établir la JVM des biens offerts au « moment du transfert ».

[32]  La contrepartie offerte, soit les actions et le billet à ordre, au début du moment du transfert avait une juste valeur marchande réputée équivalente à 30 000 000 $. Si cette JVM a changé, comme le soutient le ministre, qu’elle était alors sa valeur et à quel moment a-t-elle changé? En outre, si la JVM de la contrepartie offerte a changé de sorte qu’elle avait une valeur inférieure à la JVM des biens transférés hors de la période établie comme étant le moment du transfert, l’article 160 ne s’appliquera pas. Il faut ainsi déterminer le point de départ et de fin du « moment du transfert ».

a)  Quel est le « moment du transfert » et quels sont ses points de départ et de fin en application de l’article 160?

[33]  L’expression « moment du transfert » est utilisée car cette expression et une expression qui y fait référence figurent à deux endroits dans le même paragraphe : « l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien [3]  ». Les expressions « au moment du » et « à ce moment » ne sont ni définies dans la Loi ni nécessairement très limpides à la lecture du libellé choisi. Même dans le cas d’un texte relativement non ambigu, la Cour a l’obligation d’analyser les dispositions de la Loi selon une seule méthode unifiée d’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique dans le cadre d’une analyse non régie par la RGAÉ [4] .

ANALYSE TEXTUELLE

[34]  Aucune observation ne porte sur les dispositions subséquentes au préambule ou à la disposition d’assujettissement de l’article 160. Le sous-alinéa 160(1)e)(i) décrit le champ d’application de l’article 160. Il se lit comme suit « l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien » (caractères gras et soulignement ajoutés). L’expression « à ce moment » suggère une analyse du moment en question; le sous-alinéa 160(1)e)(i) prend un instantané de la « valeur » du transfert des biens au moment de ce transfert.

[35]  Dans la décision Kiperchuk, la juge en chef adjointe Lamarre a conclu que :

29. Rien dans le libellé de cet alinéa ne rattache la relation qui unit l’auteur et le bénéficiaire du transfert à un autre moment que le moment du transfert du bien [...] L’alinéa fait référence à l’acte et au moment du transfert, sans préciser qu’on pourrait tenir compte d’autres moments, antérieurs au transfert, pour que cette disposition s’applique au bénéficiaire du transfert [5] .

[36]  Dans la décision Kvas, la Cour a souscrit à la conclusion de la juge en chef adjointe Lamarre dans la décision Kiperchuk et déterminé que le moment du transfert était un critère crucial à une cotisation établie en vertu de l’article 160 [6] . En conséquence, on peut affirmer que le sous-alinéa 160(1)e)(i) établit le moment de l’assujettissement à l’impôt au moment du transfert.

ANALYSE CONTEXTUELLE

[37]  Il devrait y avoir une certaine uniformité dans l’ensemble d’un article. Le fait que le sous-alinéa 160(1)e)(i) fonde l’assujettissement à l’impôt sur le transfert à un moment donné suggère que la disposition d’assujettissement et plus particulièrement l’expression « de toute autre façon » devrait être appliquée de la même façon. Cette thèse est particulièrement avérée lorsqu’on examine l’existence d’un transfert dans les dossiers Kiperchuk et Kvas, et dans l’évaluation de la valeur de la contrepartie, plutôt que la méthodologie du transfert, cette dernière étant sans doute assujettie à l’expression modificative « au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon ».

[38]  L’avocate de l’intimée a examiné la réalité économique du résultat net des transactions du 19 mars 2002. Il est reconnu que la société préexistante a ensuite perdu la majeure partie de sa valeur à un moment subséquent au transfert de ses actifs à la nouvelle société. De plus, à la fin des transactions du 19 mars 2002, l’appelante avait obtenu la majeure partie des actifs de grande valeur de la société préexistante; celle-ci avait ainsi perdu la capacité de rembourser son billet à ordre et, ultimement, ses dettes fiscales latentes. Si l’on peut examiner le résultat net de la série de transactions du 19 mars 2002, alors la preuve fournie par l’intimée soutient sa prétention voulant que la contrepartie offerte en échange des actifs transférés fût insuffisante.

[39]  L’intimée soutient que la simple lecture de l’expression « de toute autre façon » permet d’examiner le résultat net issu de la série d’opérations du 19 mars 2002. Toutefois, la jurisprudence citée n’étaye pas cette interprétation. La Cour d’appel fédérale a conclu dans l’arrêt Livingston que c’était « les biens [reçus] au moment du transfert, qui est le moment pertinent pour l’application du paragraphe 160(1) » [7] . Dans cet arrêt qui fait jurisprudence, la Cour d’appel fédérale n’a pas examiné le résultat net d’une série de transactions, car elle a conclu que le fait pour l’auteur du transfert de prendre possession des sommes transférées n’était pas pertinent pour l’application de l’article 160.

[40]  Dans l’arrêt MacDonald, la Cour d’appel fédérale a conclu, en application du paragraphe 84(2), que la Cour canadienne de l’impôt n’aurait pas dû se concentrer exclusivement sur le caractère juridique des transactions faisant partie de la série [8] ; toutefois, les libellés des paragraphes 160(1) et 84(2) sont différents. Plus particulièrement, le paragraphe 84(2) fait référence à « des fonds ou des biens [...] distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit [...] au profit des actionnaires [...] » [9] L’expression « au profit » suggère une analyse de l’intention sous-jacente à la transaction. Or, contrairement à l’article 160, le paragraphe 84(2) permet un examen du rôle de cette transaction dans une série de transactions. Dans l’arrêt 594710 British Columbia Ltd c. SMR [10] , la Cour d’appel fédérale a également examiné le sens d’une expression semblable à l’expression « de quelque façon que ce soit », soit l’expression « de toute autre façon », sous l’angle d’une analyse selon la RGAÉ en vue de déterminer s’il y avait un avantage fiscal. Le libellé de l’article 245 (portant sur la RGAÉ) prévoit précisément l’analyse d’une série de transactions, ce qui n’est pas le cas de l’article 160.

[41]  D’autre part, on pourrait effectuer une comparaison valable entre l’article 160 et l’alinéa 20(1)c). Le texte de l’article 160 ne fait pas référence à une série de transactions ou à l’intention sous-jacente au transfert, à l’instar de l’alinéa 20(1)c). La jurisprudence citée et confirmée dans l’arrêt TDL Group Co, relativement au caractère déductible des intérêts, confirme que l’analyse du ministre à l’égard de l’alinéa 20(1)c) se limite au moment où les fonds ont été utilisés [11] .

[42]  Dans la décision Louie [12] , la juge en chef adjointe Lamarre a discuté de l’application de l’expression « de quelque manière que ce soit » aux sous-alinéas 94(1)b) et 207.01(1)b) de la Loi. Plus particulièrement, la Cour a reconnu les approches divergentes adoptées par la Cour de l’impôt et par la Cour d’appel fédérale dans la décision Fiducie familiale Garron c. Canada relativement à l’application de l’alinéa 94(1)b) [13] . La juge Woods, alors juge de notre Cour, avait déterminé qu’il fallait procéder à une application restrictive respectant la nature distincte d’un transfert identifiable. D’autre part, la juge Sharlow, de la Cour d’appel fédérale, avait conclu que l’expression « de quelque manière que ce soit » avait été choisie par le Parlement pour permettre un examen élargi de toutes les transactions pertinentes. Ultimement, la juge en chef adjointe Lamarre a conclu que l’absence de l’expression « de quelque manière que ce soit » de l’alinéa 207.01(1)b) lui permettait d’appliquer l’analyse restrictive de la juge Woods. Elle a alors tenu les propos suivants :

81 […] Un transfert de biens a un point final défini, bien qu’on puisse emprunter une voie détournée pour y arriver. En l’espèce, il n’y a pas de point final facile à définir ou à délimiter aux fins de l’analyse concernant la durée pendant laquelle une augmentation peut encore être attribuée à une transaction controversée.

82 Une interprétation plus restrictive de l’alinéa b) de la définition [de l’alinéa 207.01(1)b)] évite ces difficultés tout en respectant l’objectif d’anti-évitement de la disposition.

ANALYSE TÉLÉOLOGIQUE

[43]  L’objet de l’article 160 est encore une fois clairement décrit dans l’arrêt Medland [14] dans son ensemble ainsi qu’à titre contextuel.

Il n’est pas contesté que la politique fiscale qui sous-tend le paragraphe 160(1), ou son objet et son esprit consistent à empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l’argent qui lui est dû.

[44]  De façon similaire, dans les arrêts 9101-2310 Quebec Inc et Heavyside [15] , la Cour d’appel fédérale précise que la valeur des biens transférés ainsi que des obligations fiscales du débiteur doit être établie au « moment » du transfert.

[45]  Le ministre ne peut pas faire fi de la nature distincte de l’entente entre la société préexistante et la nouvelle société en appliquant l’expression « de toute autre façon » tirée de l’article 160. En outre, cette expression ne permet pas au ministre de faire fi de la nature distincte de chaque événement menant à la création d’un transfert identifiable. Plus particulièrement, les faits de l’affaire McClarty Family Trust [16] et les faits présentés devant notre Cour découlant des transactions du 19 mars 2002 sont très semblables.

[46]  L’objet de l’article 160 n’entre pas en conflit avec le point de vue voulant que l’application de cet article interdise l’examen du résultat net d’une série de transactions. Le fait de s’appuyer sur le résultat final qui ne présente que les dettes fiscales irrécupérables de la société préexistante pour justifier une analyse de la série complète de transactions du 19 mars 2002 s’approche de l’analyse du raisonnement fondé sur les motifs. Ce pourrait être une justification convaincante pour apporter une modification législative, mais elle ne permet pas au ministre d’utiliser le résultat net d’une série de transactions pour justifier l’examen de cette même série de transactions. Comme l’a énoncé la juge Dawson de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt TDL Group Co :

22. Dans Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, la Cour suprême a conclu, au paragraphe 47, que la « préoccupation première   de la Cour d’appel fédérale en ce qui concerne l’évitement fiscal a non seulement influé sur sa démarche générale en l’espèce, mais elle a aussi pu l’amener à interpréter incorrectement le libellé même du sous-alinéa 20(1)c)(i), bien qu’il soit clair et non équivoque ». À mon avis, la même erreur a conduit la Cour de l’impôt à sa conclusion quant à l’objectif pour lequel les sommes empruntées ont été utilisées [17] .

[47]  En conséquence, le point de vue voulant que le ministre soit tout aussi limité et qu’il ne puisse pas évaluer le résultat net d’une série de transactions lorsqu’il applique l’article 160 est plus soutenable que le contraire, considérant la jurisprudence.

b)  Quelle était la JVM de la contrepartie offerte en échange des biens transférés aux différentes étapes des transactions?

[48]  Initialement, la JVM de la contrepartie offerte était symétrique, par définition, à celle des actifs transférés. Le terme « symétrique » est utilisé à bon escient, plutôt que le mot « égale ». L’égalité suggère un point statique à un moment donné. L’inclusion de la clause d’ajustement des prix allait plus loin que ce point. Cette clause introduisait un facteur dynamique. Non seulement les actifs transférés seraient égaux à la JVM de la contrepartie offerte initialement, mais le tout serait ajusté s’il advenait que la valeur des actifs soit contestée, notamment, on le présume, par les représentants du ministre.

[49]  Alors, à quel moment la valeur a-t-elle changé? Selon la réponse, le ministre soutient logiquement que ceci s’est produit par l’introduction et l’entrée en vigueur de l’entente d’annulation. Cette thèse n’a pas été véritablement contestée par l’appelante dans sa preuve ou sa plaidoirie, du moins quant à la portée de l’incidence des documents sur le caractère recouvrable et exécutable de la dette représentée et établie par le billet à ordre en circulation et non périmé de la société préexistante. C’est-à-dire que la contrepartie offerte en échange des actifs transférés est disparue au moment de l’entrée en vigueur de l’entente d’annulation. Selon les documents, lesquels n’ont pas été contestés, ce moment s’est concrétisé en un seul jour, soit le 19 mai 2002, mais l’exécution des engagements a été retardée jusqu’au 22 mai 2002, soit la date de la libération des actifs entiercés. L’entente d’entiercement et la libération d’entiercement n’ont pas eu pour effet de modifier la séquence des événements de la journée; toutefois, il est certain qu’elles ont grandement compressé la durée des transactions.

[50]  Notre Cour a déterminé, dans les précédentes, que le ministre ne pouvait pas examiner le résultat de la série de transactions dans son ensemble tout en appliquant l’article 160 en bloc. C’est ce que la nouvelle société a soutenu. L’appelante doit obtenir gain de cause sur ce point.

[51]  Toutefois, aucune restriction de ce type ne s’applique, par définition, à une transaction unique, distincte et indépendante, à condition qu’elle respecte les éléments définissant un transfert. Une transaction distincte s’est produite en toute fin d’acte : l’entente d’annulation. La nature distincte de cette transaction est clairement documentée de manière distincte, le ministre et l’appelante doivent ainsi composer avec ses modalités. Dans cette entente, la société préexistante renonce au billet à ordre de 30 millions de dollars de la nouvelle société qu’elle détient, annule celui-ci et en libère cette dernière (le billet à ordre de la nouvelle société) en contrepartie des mêmes faveurs et de l’annulation de son obligation de payer à la nouvelle société 30 millions de dollars selon le billet à ordre qu’elle a émis (le billet à ordre de la société préexistante). Cette transaction a pour effet de déployer une compensation contractuelle abrégeant une séquence plus longue et duplicative de présentations et de transferts de paiements à l’égard de chaque billet à ordre. Les deux obligations sont des dettes mutuelles, il s’agit « d’obligations croisées » [18] . Personne ne conteste le fait que chacune devait à l’autre une somme découlant d’un billet à ordre [19] .

[52]  De façon logique et empirique, une compensation contractuelle est une notion ou un instrument juridique qui permet à des créanciers et des débiteurs mutuels de déroger à certaines règles [20] . Certains transferts sont évités : d’abord, le transfert ou la cession par le premier débiteur d’une somme d’argent, d’une valeur en argent ou d’un bien permettant de satisfaire son créancier, et ensuite, le transfert ou la cession par le deuxième débiteur (le créancier du premier) d’un même montant, ou d’un autre montant, d’une valeur en argent ou d’un bien à son créancier (le débiteur dans le premier scénario). On ne peut déroger à ces règles que lorsque chacune des parties est à la fois débitrice et créancière de l’autre. Les débiteurs et les créanciers mutuels qui acceptent d’être parties à une compensation contractuelle acceptent ainsi des valeurs identiques ou différentes en contrepartie d’une exécution complète de leurs obligations respectives [21] .

[53]  Il n’y a également aucun doute quant au fait que la société préexistante et la nouvelle société, réciproquement, avaient entièrement établi par la voie d’un contrat que la somme due et la JVM des billets à ordre de la nouvelle société et de la société préexistante avaient la même valeur. L’entente d’annulation le prévoyait. Par la suite, les parties ont traité les obligations et les droits comme étant entièrement ou partiellement conférés et honorés, soit une exigence essentielle d’une compensation [22] . Les parties ont explicitement utilisé le terme « compensation »; elles s’attendaient toutes deux à ce que les dettes et les droits mutuels soient expurgés sans autre paiement, report ou différence de valeur. Une telle entente de coextinction des obligations lie les parties à celle-ci [23] .

[54]  Toutefois, le ministre est-il lui aussi lié par cette entente? Les biens expurgés comprenant le billet à ordre de la nouvelle société détenu par la société préexistante et lui appartenant constituent des biens. En droit, un tel instrument négociable comporte une valeur. La valeur que serait prêt à payer un acheteur consentant sans lien dépendance, advenant que la société préexistante tente de vendre (négocier) cet instrument à une personne qui ne lui est pas liée, serait indéniablement sa JVM. Il en serait de même pour le billet à ordre de la société préexistante, advenant que la nouvelle société tente de le vendre ou de le négocier; sa JVM serait le prix qu’un acheteur sans lien de dépendance serait prêt à débourser pour un billet à ordre de la société préexistante au moment de son transfert, c’est-à-dire de sa négociation. L’appréciation de la contrepartie se produit exactement au moment de l’étape illustrée au schéma 3 ci-dessus. Cette transaction, prenant la forme d’une compensation contractuelle constitue l’acte de transférer « directement ou indirectement, au moyen [...] de toute autre façon ». Les étapes précédentes et subséquentes sont distinctes les unes des autres. La renonciation à la dette par la voie d’une annulation ou d’une compensation est une opération distincte. La question importante demeure donc : la JVM relative des billets à ordre mutuellement annulés de la nouvelle société et de la société préexistante est-elle inégale?

c)  La JVM des biens transférés ou échangés était-elle supérieure à celle de la contrepartie offerte au « moment du transfert », et, le cas échéant, de combien?

[55]  La contrepartie offerte devrait être mesurée « au moment » du transfert ou des transferts. Dans le cadre de l’ATA, la société préexistante et la nouvelle société ont établi la valeur des actifs transférés à partir de rapports de vérification, ont décrit leurs obligations légales mutuelles en détail dans le contrat, et ont inclus une clause d’ajustement des prix afin de s’assurer de la JVM de la contrepartie. Ce premier transfert est exhaustif.

[56]  La coordination de la compensation et de l’annulation de la dette en vertu de l’entente d’annulation, qui s’est produite immédiatement après la réception de la contrepartie à sa JVM, constituait une transaction et un transfert de biens distincts. Il n’était pas nécessaire qu’elle se produise au moment de la conclusion de l’ATA. Cette compensation aurait pu se produire des années plus tard. Quel que soit le moment où elle s’est produite, la compensation a permis d’éviter et de court-circuiter les formalités d’échange ou de transfert de biens entre la société préexistante et la nouvelle société, soit par l’entremise de billets à ordre. À n’importe quel moment précis subséquent, la nouvelle société et la société préexistante auraient fait face au même problème : l’écart entre la valeur apparente des billets à ordre et de leurs JVM respectives. L’instantané de la valeur doit être pris au moment du transfert, et non avant ou après celui-ci. Cette règle s’applique tout autant au ministre qu’au contribuable.

[57]  La JVM du billet à ordre de la société préexistante détenu par la nouvelle société et lui appartenant était symbolique dans tout marché équitable pour de tels billets à ordre négociables. La JVM du billet à ordre de la nouvelle société détenu par la société préexistante et lui appartenant avait une valeur considérable comme titre négociable; ce billet à ordre était adossé à 30 millions de dollars (ou à une quelconque valeur) d’actifs appartenant désormais à la nouvelle société. On ne peut pas en dire autant du billet à ordre de la société préexistante offert en contrepartie de l’annulation de l’obligation. Ainsi, la contrepartie en échange de la résiliation du billet à ordre de grande valeur de la nouvelle société ou du renoncement à celui-ci était la résiliation d’un billet à ordre de la société préexistante de valeur symbolique ou le renoncement à celui-ci. La société préexistante a transféré un bien de grande valeur (le billet à ordre de la nouvelle société) en échange d’un élément de peu de valeur (le renoncement au billet à ordre sans valeur de la société préexistante). C’est précisément « au moment » du transfert que la contrepartie offerte « à ce moment » était insuffisante; peut-être était-elle bien dissimulée, mais elle était néanmoins insuffisante.

V. SOMMAIRE ET DÉPENS

[58]  L’application de l’article 160 n’est pas injuste; elle aboutit à un résultat équilibré. Tout comme la nouvelle société a libéré la société préexistante ou assumé les obligations des créanciers commerciaux de la société préexistante, elle aurait également pu assumer les obligations fiscales de la société préexistante envers le ministre, lesquelles ne peuvent plus être satisfaites par la société préexistante en raison du transfert non compensé de tous ses actifs au profit de la nouvelle société. Les efforts de recouvrement du ministre n’ont pas été mis en échec par l’annulation mutuelle de billets à ordre par deux parties ayant un lien de dépendance dans un cas où un billet avait une valeur considérable et l’autre, une valeur moindre, voire nulle. En conséquence, les contreparties payées ou échangées dans le cadre de l’entente d’annulation, laquelle annulait la nécessité de procéder à la présentation d’un document et au transfert par l’entremise d’un paiement, étaient grandement différentes l’une de l’autre, et n’étaient nullement équivalentes. La comparaison des JVM exigée par le sous-alinéa 160(1)e)(i) de la Loi a révélé l’insuffisance expliquant cet écart. 


[59]  Pour ces motifs, l’appel est rejeté. Des dépens sont adjugés de façon provisoire à l’intimée sous réserve du droit de l’une ou de l’autre partie de présenter des observations écrites dans un délai de 30 jours du présent jugement. Le cas échéant, la Cour pourra examiner ces observations et modifier les dépens adjugés, faute de quoi les dépens adjugés de façon provisoire deviendront définitifs.

Signé à Hamilton (Ontario), ce 18e jour de juillet 2019.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de novembre 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 150

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-4583(IT)G

INTITULÉ :

EYEBALL NETWORKS INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 janvier 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 juillet 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Paul A. Hildebrand

Avocate de l’intimée :

Me Whitney Dunn

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Paul A. Hildebrand

Cabinet :

Paul A. Hildebrand Law Corporation

Avocate de l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Livingston c. R, 2008 CAF 89, au paragraphe 17.

[2] R. c. Simard-Beaudry Inc, [1971] C.F. p. 396, au paragraphe 20.

[3] Sous-alinéa 160(1)e)(i) de la Loi.

[4] Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, au paragraphe 43.

[5] 2013 CCI 60, au paragraphe 29.

[6] 2016 CCI 199, au paragraphe 41.

[7] Précité, note 1, au paragraphe 24.

[8] 2013 CAF 110, au paragraphe 28.

[9] Précitée, note 3.

[10] 2018 CAF 166, au paragraphe 112.

[11] 2016 CAF 67, au paragraphe 26.

[12] 2018 CCI 225.

[13] 2009 CCI 450 et 2010 CAF 309.

[14] A-18-97, au paragraphe 14.

[15] 9101-2310 Quebec Inc c. Canada, 2013 CAF 241, aux paragraphes 60 et 61 et Heavyside c. Canada, [1996] ACF no 1608, au paragraphe 9.

[16] McClarty Family Trust c. R, 2012 CCI 80.

[17] Précité, note 11, au paragraphe 22.

[18] Telford c. Holt, [1987] 2 R.C.S. 193, au paragraphe 24.

[19] Wolf c. Ministre du Revenu national, 1992 CarswellNat 376, 92 DTC 1858, au paragraphe 16.

[20] Black’s Law Dictionary, 10e édition, page 1581; [traduction] « compensation » : 2. [...] « le droit d’un débiteur de réduire de sa dette quelque somme que lui doit son créancier, la somme restante étant due par le débiteur ».

[21] Ministre du Revenu national c. Caisse Populaire du bon Conseil, 2009 CSC 29, au paragraphe 26.

[22] Fisher c. La Reine, 2000 CanLII 430 (CCI), au paragraphe 9.

[23] Bank of Montreal v. Tudhope, 1911 CarswellMan 40, confirmée par la Cour d’appel du Manitoba en 1911 CarswellMan 127.

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