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Dossier : 2015-3149(IT)G

ENTRE :

MOOSE FACTORY RESTAURANT

PROPERTIES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 13 et 14 mai 2019, à Edmonton (Alberta)

Devant : L’honorable juge John R. Owen


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Neil T. Mather

Avocate de l’intimée :

Me Margaret McCabe

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

  1. l’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la LIR) pour les années d’imposition 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 par avis datés du 11 janvier 2013 est rejeté;

  2. l’appel interjeté à l’encontre de la détermination de la perte établie en application de la LIR pour l’année d’imposition 2010 par avis daté du 22 juillet 2013 est rejeté;

  3. l’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies en application de la LIRpour les années d’imposition 2012 et 2013, dont les avis sont datés respectivement du 4 février 2013 et du 5 février 2014, est rejeté;

  4. des dépens sont accordés à l’intimée conformément au tarif B de l’annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de juillet 2019.

« J.R. Owen »

Le juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de novembre 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2019 CCI 156

Date : 20190726

Dossier : 2015-3149(IT)G

ENTRE :

MOOSE FACTORY RESTAURANT

PROPERTIES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Owen

I. Introduction

[1]  La Cour est saisie d’un appel interjeté par Moose Factory Restaurant Properties Ltd. (l’appelante) concernant le rejet de sa déclaration relativement à son année d’imposition ayant pris fin le 31 juillet 2010 qui faisait état d’une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise s’élevant à 1 475 000 $ (la PDTPE). L’appelante interjette également appel à l’égard du rejet de sa demande de report rétrospectif et prospectif de la perte autre qu’en capital ayant découlé de la PDTPE présentée ci-dessous :

Année d’imposition

Somme

2007

82 433 $

2008

35 960 $

2009

33 352 $

2011

103 812 $

2012

261 644 $

2013

155 189 $

[2]  Trois témoins ont comparu pour l’appelante, soit M. Thomas Scott Goodchild, fondateur du groupe des restaurants Sawmill, M. Len McCullough, directeur des opérations du groupe des restaurants Sawmill, et M. Brad Berry, un associé de BDO Canada LLP, la firme comptable avec laquelle le groupe des restaurants Sawmill faisait affaire pendant la période en cause. Les trois témoins m’ont apparu crédibles, quoique le témoignage de M. McCullough m’ait semblé par moments plus crédible que celui de M. Goodchild.

II. Les faits

[3]  L’appelante fait partie d’un groupe de sociétés (que j’appellerai aux présentes le « Groupe Sawmill ») qui possède et exploite des restaurants de steak et de fruits de mer et une entreprise de banquet et de traiteur à Edmonton, en Alberta. Outre les restaurants que possède le Groupe Sawmill, il faut compter les restaurants qui sont détenus et exploités par des franchisés. Les contrats de franchise pour ces restaurants sont conclus avec Sawmill Franchise Inc. (SFI), une société mise sur pied par le Groupe Sawmill pour vendre des intérêts dans leur franchise et des parts de commanditaire.

[4]  Pendant la période en cause, l’appelante possédait un restaurant appelé The Moose Factory [1] , l’entreprise de banquet et de traiteur Sawmill et l’immeuble ayant pignon sur Calgary Trail où était exploité le restaurant Sawmill. D’après le témoignage de M. McCullough, la valeur de ces biens immeubles avoisinait 12 millions de dollars en 2009. Le restaurant The Moose Factory a été rebaptisé en 2015 pour devenir un restaurant Sawmill dans la foulée de la fusion de plusieurs sociétés du Groupe Sawmill, dont celle de l’appelante.

[5]  En 2005, M. Goodchild s’est fait offert par Robert Siffledeen de devenir un franchisé de la chaîne de restaurants Sawmill. Le 12 octobre 2006, SFI a signé un contrat de franchise d’une durée de dix ans (le contrat de franchise) [2] avec 1207330 Alberta Ltd. (la société 1207330), une société appartenant à Jeff Siffledeen, fils de Robert Siffledeen. Jeff Siffledeen possédait de l’expérience dans l’industrie hôtelière et devait prendre les rênes du restaurant Sawmill. Robert Siffledeen, Jeff Siffledeen et la société 1207330 n’avaient de liens avec aucun membre du Groupe Sawmill.

[6]  Conformément à l’article 8 du contrat de franchise, SFI et la société 1207330 avaient convenu d’implanter le restaurant dans le centre commercial Capilano, à Edmonton (je désignerai le restaurant exploité par la société 1207330 comme étant le « restaurant Sawmill de Capilano »). La société 1207330 avait pour responsabilités de louer un espace commercial à un prix raisonnable, de procéder à la construction et à l’installation du restaurant Sawmill de Capilano, de se procurer tout l’équipement et les meubles nécessaires, de le décorer et de prendre en charge l’ensemble des coûts et des dépenses, comme le stipulait l’article 3.1 du contrat de franchise.

[7]  En contrepartie de la franchise, SFI devait toucher deux paiements de 25 000 $, une redevance continue établie à 5 % des ventes brutes et payable chaque semaine ainsi qu’un versement pour frais publicitaires correspondant à 2 % des ventes brutes, lui aussi payable sur une base hebdomadaire [3] .

[8]  M. Goodchild a témoigné que SFI n’avait pas de compte bancaire et ne pouvait donc avoir qualité de franchiseur aux termes du contrat de franchise. Néanmoins, SFI est désigné dans le contrat de franchise comme étant le franchiseur, et M. McCullough a confirmé que SFI avait bel et bien signé le contrat de franchise avec la société 1207330.

[9]  À l’article 14 du contrat de franchise, il est question de la résiliation du contrat. Les dispositions pertinentes de l’article 14 sont rédigées ainsi :

[traduction]

14.1. Résiliation sans préavis et occasion de réparation

Le Franchiseur peut, à son choix, prononcer la résiliation du présent contrat sans devoir fournir d’avis préalable ou d’occasion de réparation dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

[.. .]

(d) si le Franchisé devient insolvable, fait cession au profit de créanciers ou cède ses biens pour cause de faillite, ou si une pétition est déposée à l’endroit du Franchisé, à laquelle il a consenti, ou que celle-ci n’a pas été rejetée dans les trente (30) jours;

[.. .]

14.3. Droits et obligations à la résiliation ou à l’échéance du contrat

À l’échéance ou en cas de résiliation du présent contrat :

(a) le Franchisé acquitte sans délai toutes les sommes accumulées ou impayées à la date de prise d’effet de la résiliation ou de l’échéance sous forme de paiement au Franchiseur ou de versement dans un fonds ou une coopérative mis en place par le Franchiseur aux fins de publicité et de promotion. Ces sommes englobent l’ensemble des dommages-intérêts, des coûts et des dépenses ayant dû être déboursés par le Franchiseur par suite d’un manquement de la part du Franchisé;

[.. .]

[10]  M. Goodchild, dans son témoignage, a déclaré qu’il avait fallu investir 3,9 millions de dollars pour lancer le restaurant Sawmill de Capilano, une somme que M. McCullough évaluait plutôt à approximativement 3,5 millions de dollars. Les deux s’entendaient toutefois pour dire que le montant investi excédait, et de loin, l’investissement habituel de 2,8 millions de dollars.

[11]  M. Goodchild a déclaré que la société 1207330 n’avait pas été en mesure d’acquitter les coûts et les dépenses, comme l’exigeait l’article 8.2 du contrat de franchise [4] . Avec l’aide de M. Goodchild, la société 1207330 a pu souscrire un emprunt auprès de la société 1378310 Alberta Ltd. s’élevant à 1 525 000 $ aux termes d’un contrat de prêt daté du 27 juin 2008 (le premier prêt) [5] . L’appelante, M. Goodchild et Jeff et Robert Siffledeen ont garanti le premier prêt.

[12]  Le premier prêt a été remboursé en entier en juin 2009 à même le déboursé d’un prêt de 2 950 000 $ (le deuxième prêt) consenti par la Banque de développement du Canada (la BDC). M. Goodchild a témoigné que l’intention avait toujours été d’emprunter les fonds nécessaires au lancement du restaurant Sawmill de Capilano à la BDC, mais que l’obtention de ce prêt prenant un certain temps, il leur avait fallu dans l’intervalle souscrire un premier prêt.

[13]  Les modalités du deuxième prêt sont établies dans une lettre d’offre de la BDC datée du 4 juin 2009 [6] , telle que modifiée par une lettre de la BDC datée du 8 juin 2009 (la lettre de modification) [7] . L’appelante, Sawmill Restaurant Group Ltd. (« SRGL »), SFI, la société 1207330, Sawmill Franchise Holding Inc. (« SFHI »), M. Goodchild, Jeff Siffledeen et Robert Siffledeen ont accepté les modalités de la lettre d’offre le 4 juin 2009 de même que celles de la lettre de modification à une date non précisée en juin 2009 [8] .

[14]  Selon les termes de la lettre d’offre, les « emprunteurs » pour le deuxième prêt sont, solidairement, l’appelante, SFI, SRGL, la société 1207330 et SFHI, tandis que les « cautions » du deuxième prêt sont M. Goodchild, Jeff Siffledeen et Robert Siffledeen [9] . Sous le titre [traduction] « CAUTION » de la lettre d’offre, il est écrit ce qui suit :

[traduction]

Le Prêt, incluant les intérêts et toute autre somme due en application des présentes, est garanti par ce qui suit (la caution) :

1.  Sawmill Restaurant Group Ltd., Moose Factory Restaurant Properties Ltd., Sawmill Franchise Inc., 1207330 Alberta Ltd. et Sawmill Franchise Holding Inc. cautionnent solidairement ce prêt, qui est garanti par les instruments suivants :

2.  Une hypothèque de premier rang d’une valeur nominale de 3 200 000 $ grevant un bien foncier (d’une superficie avoisinant 2,55 acres) décrit au cadastre comme étant le Lot E2, Block 1, Plan 0621159, et un bâtiment (d’une superficie avoisinant 18 682 pieds carrés) situés au 3840-76 Avenue à Edmonton, en Alberta, appartenant à Moose Factory Restaurant Properties Ltd., avec certificat de localisation du bâtiment ou police d’assurance à l’appui.

3.  Un contrat de sûreté générale signé par Moose Factory Restaurant Properties Ltd. prévoyant une sûreté sur la totalité des biens meubles actuels et futurs, sous réserve seulement du droit de priorité sur l’inventaire et les créances du prêteur ayant consenti la ligne de crédit et de toutes les charges antérieures existantes.

4.  Une caution solidaire de Thomas S. Goodchild, de Jeffery Tarek Siffledeen et de Robert Casey Siffledeen correspondant à 15 % [10] de la somme restant à rembourser sur le prêt de temps à autre. Les cautions conviennent qu’elles sont, en application de la lettre d’offre, personnellement responsables du paiement des commissions d’engagement et de mobilisation et des frais juridiques.

5.  Une priorité sur une cession générale des loyers. Les loyers peuvent vous être versés jusqu’à la réception d’un avis par la BDC. Aucun paiement anticipé sans une approbation de la BDC n’est autorisé.

[15]  Le 18 juin 2009, l’appelante a signé un contrat de sûreté générale [11] et une hypothèque [12] au profit de la BDC.

[16]  Le 22 juin 2009, la société 1207330 a signé un contrat de sûreté générale et de débenture au profit de l’appelante, de SRGL, de SFI, de SFHI et de M. Goodchild. [13] La société 1207330 y est désignée comme étant la « débitrice », tandis que l’appelante, SRGL, SFI, SFHI et M. Goodchild sont, collectivement, le « créancier ». On peut lire ce qui suit dans le préambule se trouvant à la page 1 du contrat de sûreté générale et de débenture :

[traduction]

Le Débiteur conclut le présent Contrat en faveur du Créancier en guise de garantie pour le paiement et le remboursement de la Dette et concède, reconnaît, déclare, garantit et certifie les hypothèques, les charges et les dettes à verser au Créancier, le cas échéant et tel qu’il est prévu aux présentes.

[17]  Les articles 2.1 et 8.1 et le paragraphe 2.4(1) du contrat de sûreté générale et de débenture sont libellés ainsi :

[traduction]

2. 1 [.. .]

En guise de caution pour le paiement de la totalité de la Dette et de garantie pour l’exécution et le respect de l’ensemble des clauses et des engagements du Débiteur décrits aux présentes et pour toute autre obligation envers le Créancier qui doit être respectée et exécutée, le Débiteur accorde par les présentes au Créancier un droit de sûreté, une hypothèque et une charge (collectivement, le « droit de sûreté ») sur :

1)  le titre personnel donné en nantissement;

2)  l’ensemble des biens immobiliers actuels et futurs du Débiteur et chacun de ses intérêts actuels et futurs, en droit et en equity, énoncés aux présentes;

3)  le produit tiré directement ou indirectement de toute transaction mettant en cause l’un ou l’autre des biens du Débiteur décrits ou cités aux points (1) et (2) ci-dessus;

Les biens et les intérêts décrits ou cités au présent article sont collectivement appelés le « titre donné en nantissement » ou les « locaux grevés d’une hypothèque ».

[.. .]

2.4 [.. .]

(1)  Le Débiteur s’engage à :

a)  verser ou faire en sorte que soit versée au Créancier, au lieu qu’il aura désigné de temps à autre sans aucune déduction, compensation ou demande reconventionnelle ou réduction de quelque nature que ce soit et sans aucun égard aux intérêts entre le Débiteur et le Créancier, une somme correspondant à la totalité de la Dette en souffrance conformément aux modalités de remboursement convenues pour ladite Dette ou, s’il n’y a pas d’entente à ce sujet, sur demande, à laquelle vient s’ajouter les Intérêts courants sur la Dette à partir de la Date de l’avance de fonds indiquée aux présentes;

b)  acquitter les Intérêts sur les Intérêts en souffrance;

c)  verser ou faire en sorte que soient versées toutes les autres sommes auxquelles le Créancier pourrait avoir droit aux termes du présent Contrat;

d)  exécuter et respecter l’ensemble des clauses, engagements et conditions mentionnés aux présentes.

[.. .]

8.1  Sous réserve de l’article 16 de la [Personal Property Security Act (Alberta)] et des dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et sans porter atteinte au droit du Créancier de demander le paiement de la Dette malgré l’absence de Manquement, le Créancier peut, à sa seule discrétion, déclarer que la Dette (qui n’est pas encore payable sur demande en application des modalités de l’accord) est exigible et payable immédiatement, en totalité ou en partie, sans préavis ou demande de quelque nature que ce soit, en cas de Manquement ou si le Créancier, en toute bonne foi, a des raisons de douter de la capacité du Débiteur de rembourser la totalité ou une partie de la Dette ou de s’acquitter des obligations qui lui reviennent aux termes du présent Contrat ou de tout autre accord actuellement ou éventuellement conclu entre lui et le Débiteur.

[18]  Les termes [TRADUCTION] « avance de fonds » et [TRADUCTION] « dette » ainsi que l’expression [traduction] « date de l’avance de fonds » sont définis ainsi à la section 1.1 du contrat de sûreté générale et de débenture :

[TRADUCTION]

« Avance de fonds » s’entend de toute somme versée à l’avance par le Créancier au Débiteur ou à son profit qui comprend les paiements versés pour le compte du Débiteur et les paiements résultant des garanties ou des indemnités versés par le Créancier à d’autres créanciers du Débiteur, de même que tout paiement acquitté par le Créancier à la Banque de développement du Canada en guise de remboursement total ou partiel des fonds avancés par cette dernière au Débiteur, à Moose Factory Restaurant Properties Ltd., à Sawmill Restaurant Group Ltd., à Sawmill Franchise Inc. et à Sawmill Franchise Holding Inc., tous en leur qualité de coemprunteurs.

« Date de l’avance de fonds » désigne la date de la première avance de fonds qui constitue une partie ou la totalité de la Dette.

« Dette » doit être interprétée dans son sens le plus large, qu’elle ait été contractée préalablement, simultanément ou subséquemment à la conclusion du présent Contrat, et, sans en restreindre la portée générale, englobe toutes les avances de fonds (sous forme de crédits fixes, renouvelables ou autres) ou autre valorisation ou intérêt sur celles-ci en tout temps et de temps à autre faites ou accordées par le Créancier ou en son nom au Débiteur, en son nom, pour son compte ou à sa demande, en vue du paiement ou de la satisfaction de l’ensemble de ses obligations, créances ou éléments de passif et des intérêts sur ceux-ci envers le Créancier ou à son profit ou pour lesquels celui-ci pourrait devenir responsable de façon directe, indirecte, absolue, éventuelle ou autre, aujourd’hui ou à l’avenir, qu’ils aient été reconduits ou renouvelés, assurés ou non, volontaires ou involontaires, à maturité ou non, liquidés ou non, de quelque nature que ce soit et quelle qu’en soit la cause, ainsi que de tout solde final à verser sur ceux-ci, peu importe si ce solde est réduit de temps à autre pour être ensuite contracté de nouveau, si le Débiteur peut être tenu responsable individuellement ou solidairement avec d’autres, à titre de débiteur principal ou de caution, et si le recouvrement de ladite Dette est ou devient bloqué ou inexécutable. La Dette peut procéder ou découler d’un accord, de lettres de crédit (desquelles des sommes ont été retirées ou non), d’une garantie ou de transactions entre le Créancier et le Débiteur ou d’autres, ou d’un accord, de lettres de crédit (desquelles des sommes ont été retirées ou non), d’une garantie ou de transactions à l’intérieur ou en dehors du pays avec une tierce partie, ou avoir été contractée par un autre moyen, et englobe l’ensemble des intérêts, des commissions et des coûts, lesquels comprennent, notamment, les honoraires juridiques du Créancier sur une base avocat-client, les charges et les dépenses de quelque nature que ce soit (notamment ceux prévus à l’article 11 aux présentes) qui pourraient être engagés en rapport avec la Dette ou le Titre donné en nantissement par lequel le Créancier peut être ou devenir de quelque façon que ce soit un créancier du Débiteur.

[19]  Le 19 novembre 2009, une ordonnance de faillite a été rendue à l’endroit de la société 1207330, et BDO Dunwoody Limited a été désigné à titre de syndic de faillite [14] . Messieurs Goodchild et McCullough ont expliqué qu’en dépit du bilan satisfaisant du restaurant Sawmill de Capilano, la société 1207330 éprouvait des difficultés financières, en grande partie causées par des dépenses qu’elle avait dû engager qui n’avaient rien à voir avec l’exploitation du restaurant. Après la faillite de la société 1207330, le restaurant Sawmill de Capilano a été racheté par 1501062 Alberta Ltd. (la « société 1501062 »), une société du Groupe Sawmill constituée à cette fin le 11 novembre 2009.

[20]  La copie d’un Bilan pour la société 1207330 (Formulaire 78) signé sous serment par Jeff Siffledeen le 26 novembre 2009 [15] fait état d’un passif totalisant 1 022 105,90 $; de cette somme, 760 598,90 $ ne sont pas garantis et 261 507 $ sont garantis. On peut voir dans les listes des créanciers garantis et non garantis jointes au Bilan une créance non garantie et une créance garantie par l’appelante, de 1 $ chacune. On peut également voir des créances non garanties et garanties par SFI de 1 000 $ et de 59 000 $, des créances non garanties et garanties par SFHI de 1 $ chacune et des créances non garanties et garanties par SRGL de 1 $ et de 46 895,05 $. Dans aucune de ces listes la BDC ne figure au nombre des créanciers de la société 1207330.

[21]  M. Goodchild a témoigné que le Formulaire 78 avait été signé sous serment par Jeff Siffledeen et qu’il ne fallait pas s’y fier. M. McCullough n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi le passif de 2 950 000 $ à rembourser à la BDC ne figurait pas dans la liste figurant au Formulaire 78.

[22]  Une preuve de réclamation modifiée par SFI et datée du 21 juin 2011 [16] fait état de créances non garanties et garanties par SFI de l’ordre de 25 258,63 $ et de 800 825,41 $. Un affidavit de M. Goodchild assermenté le 21 juin 2011 est joint à la preuve de réclamation modifiée [17] . Le corps de l’affidavit est rédigé ainsi :

[TRADUCTION]

1.  Je suis le président de Sawmill Franchise Inc. (Sawmill), un créancier de la débitrice, 1207330 Alberta Ltd. (la société 1207330). Je connais donc personnellement les faits et les circonstances exposés aux présentes, sauf lorsqu’il est indiqué qu’ils reposent sur des renseignements et des convictions, auxquels cas je suis sincèrement convaincu qu’ils sont véridiques.

2.  Le présent affidavit a été signé sous serment pour venir confirmer une preuve de réclamation modifiée détaillant les sommes que doit la société 1207330 à Sawmill et modifier la preuve de réclamation de Sawmill datée du 8 décembre 2009. Les définitions figurant dans mon affidavit du 18 novembre 2009 sont les mêmes que celles contenues aux présentes. Voici, en détail, les sommes qui constituent la dette de la débitrice :

a.  La société 1207330 a, au regard de la loi et conformément au contrat de franchise, contracté une dette auprès de Sawmill s’élevant à 70 258,63 $ au 31 octobre 2009.

b.  En ce qui se rapporte à la faillite de la société 1207330, Sawmill a acquitté les frais juridiques et les honoraires du syndic de faillite s’élevant à 88 317,27 $ et ayant découlé de la violation et de l’application du contrat de franchise.

c.  Sawmill Franchise Holdings Inc., Moose Factory Restaurant Properties Ltd., Sawmill Restaurant Group, Sawmill Franchise Inc. (les «sociétés du groupe Sawmill) et la société 1207330 ont emprunté le 22 juin 2009 à la Banque de développement du Canada (la BDC) la somme de 2 950 000 $ qui a servi à financer la construction du restaurant Sawmill de Capilano (le «prêt de la BDC).

d.  Conformément à un accord conclu entre les sociétés Sawmill, dont fait partie Sawmill, et la société 1207330, cette dernière devait rembourser en totalité le prêt de la BDC.

e.  La société 1207330 a signé un contrat de sûreté générale avec Sawmill et lui a offert d’autres garanties en vue d’assurer le remboursement de toutes les sommes dues au titre du prêt de la BDC. Ci-jointe se trouve la pièce A, qui constitue une copie fidèle du contrat de sûreté générale consenti par la société 1207330 au profit de Sawmill.

f.  La société 1207330 a manqué à son obligation de rembourser les sommes empruntées à la BDC, ce qui a contraint Sawmill à effectuer les paiements d’intérêts pour la période comprise entre novembre 2009 et mai 2011, lesquels s’élevaient à 287 791,16 $. Sawmill, l’une des sociétés du groupe Sawmill, est responsable du capital non remboursé du prêt de 2 950 000,00 $.

g.  Sawmill a acquitté le loyer rattaché à l’exploitation du restaurant Sawmill de Capilano qui s’élevait à 379 716,98 $.

3.  Le passif garanti totalise 800 825,41 $, auquel s’ajoute le capital non remboursé du prêt de 2 950 000 $ consenti par la BDC.

4.  Il reste donc une créance non garantie de 25 258,63 $, tel que l’indique la preuve de réclamation originale.

5.  Cet affidavit vient corroborer une preuve de réclamation modifiée dans le cadre de la faillite de la société 1207330.

[23]  M. Goodchild a témoigné qu’il avait présumé que ses avocats connaissaient les faits, précisant ne pas avoir lu l’affidavit avant d’en confirmer solennellement la teneur. Il a affirmé ignorer à quoi faisaient référence les sommes indiquées aux alinéas 2a) et 2b) et a attiré notre attention sur une erreur à l’alinéa 2f), puisque SFI n’avait pas de compte bancaire et que la société 1501062 aurait effectué les paiements d’intérêts.

[24]  M. McCullough a témoigné quant à lui qu’il ignorait à quoi faisait référence la créance garantie de 800 825,41 $, que la société 1501062 avait effectué les paiements relatifs au deuxième prêt en puisant dans le flux de trésorerie du restaurant, pour ensuite les réclamer à l’appelante, et que l’avocat qui avait établi l’affidavit ne travaillait pas habituellement pour le Groupe Sawmill. M. McCullough n’a pas non plus été en mesure de dire pourquoi l’appelante n’avait déposé aucune réclamation à l’encontre de la société 1207330.

[25]  En contre-interrogatoire, M. McCullough s’est reporté à une copie des écritures de journal de régularisation de la société 1501062 pour ses exercices budgétaires se terminant les 31 juillet 2010 et 31 juillet 2011 [18] . Les entrées de journal font état de rajustements de l’ordre de 128 991,50 $ pour l’exercice budgétaire prenant fin le 31 juillet 2010 et de rajustements totalisant 190 765,26 $ pour l’exercice budgétaire prenant fin le 31 juillet 2011 au regard des paiements d’intérêts effectués par la société 1501062 relativement au deuxième prêt, ces rajustements ayant pour but [traduction] « [d]’annuler les frais en intérêts imputés à la dette remboursée par MFP ».

[26]  La note no 5 jointe aux états financiers de l’appelante pour les exercices budgétaires prenant fin les 31 juillet 2010 et 31 juillet 2011 [19] fait état d’une dette s’élevant à 2 950 000 $ à la BDC à la fin des exercices budgétaires de 2009 et de 2010 de l’appelante et d’une dette s’élevant à 2 926 700 $ à la BDC à la fin de l’exercice budgétaire de 2011 de l’appelante. La note no 7 jointe aux états financiers de l’appelante pour les exercices budgétaires prenant fin le 31 juillet 2012 [20] fait état d’une dette s’élevant à 2 771 300 $ à la BDC à la fin de l’exercice budgétaire de 2012 de l’appelante.

[27]  La note no 1 jointe aux états financiers de l’appelante pour les exercices se terminant les 31 juillet 2009 et 31 juillet 2010 fait état de « pertes sur prêts » de 2 750 000 $ en date du 31 juillet 2009 et de 2 950 000 $ en date du 31 juillet 2010 [21] . M. Berry a déclaré que ces sommes représentent la dépréciation indiquée au bilan de la dette de la société 1207330 envers l’appelante, causée par la faillite de la société 1207330 en novembre 2009.

[28]  L’état des résultats et du déficit (c.-à-d. l’état des revenus) de l’appelante pour l’exercice budgétaire se terminant le 31 juillet 2010 indique que l’appelante a demandé une déduction des revenus à hauteur de 200 000 $ au titre d’une « perte sur prêt ».

[29]  On peut voir à l’annexe 1 de la déclaration de revenus T2 de l’appelante pour l’année d’imposition se terminant le 31 juillet 2010 [22] l’ajout d’une créance irrécouvrable de l’ordre de 200 000 $ à l’état des revenus ainsi qu’une perte déductible au titre d’un placement d’entreprise de 1 475 000 $.

[30]  Selon les explications fournies par M. Berry, l’ajout de la créance de 200 000 $ aux revenus a eu pour effet d’annuler les « pertes sur prêts » déclarées dans le but de réduire les revenus indiqués dans l’état des résultats et du déficit de l’appelante. M. Berry a ajouté que l’appelante s’était prévalue du choix qui lui était offert au paragraphe 50(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») dans l’éventualité où la faillite de la société 1207330 ne se solde pas par une disposition de la créance. Une copie non signée du choix de l’appelante comporte une erreur puisqu’elle désigne la société 1501062 comme étant la débitrice. M. Berry a témoigné que BDO Dunwoody avait en sa possession une copie du formulaire signé, qui n’a cependant pas été produite à l’audience.

[31]  Au moyen d’une lettre datée du 11 janvier 2012 envoyée par la BDC à l’appelante, à SRGL, à SFI, à la société 1501062 et à SFHI [23] , les modalités du deuxième prêt ont été modifiées afin de supprimer la société 1207330 à titre d’emprunteur et Robert Siffledeen à titre de caution, d’augmenter la caution de M. Goodchild de 5 % à 10 % et d’ajouter une caution par la société 1501062 garantie par un contrat de sûreté générale.

[32]  Un document imprimé par la BDC indique, relativement au deuxième prêt, que seuls les intérêts ont été payés entre le 23 juillet 2009 et le 24 mai 2011, que le capital et les intérêts ont été payés entre le 23 juin 2011 et le 24 juin 2013, que seuls les intérêts ont été payés entre le 23 juillet 2013 et le 25 novembre 2013, que le capital et les intérêts ont été payés entre le 23 décembre 2013 et le 23 juin 2015, que seuls les intérêts ont été payés entre le 23 juillet 2015 et le 23 décembre 2015, et que le capital et les intérêts ont été payés entre le 25 janvier 2016 et le 25 avril 2016 [24] .

[33]  Le 5 mai 2016, le capital impayé de 2 331 000 $ a été payé, à l’instar d’un petit montant en intérêts. Un dernier paiement d’intérêts a été effectué le 6 mai 2016 [25] .

A. La thèse de l’appelante

[34]  L’appelante soutient que la décision de la société 1207330 d’exécuter le contrat de sûreté générale et de débenture au profit de l’appelante en juin 2009 s’est traduite par une dette de 2 950 000 $ de la société 1207330 envers elle. L’appelante fait valoir que l’article 8.1 du contrat de sûreté générale et de débenture, conjugué à la définition générale du terme « dette » se trouvant à l’alinéa 1.1(2)(l) du même document, fait en sorte que la société 1207330, en déclarant faillite, était tenue de lui rembourser en totalité le capital du deuxième prêt.

[35]  L’appelante affirme que, contrairement au paragraphe 39(12) de la LIR qui traite des garanties, l’alinéa 39(1)c) de la LIR n’exige pas qu’un paiement soit effectué par l’appelante pour qu’il y ait dette de la société 1207330 envers elle. L’appelante n’avait pas qualité de caution pour le deuxième prêt, mais bien d’emprunteuse, solidairement avec d’autres, et le contrat de sûreté générale et de débenture a eu pour effet de causer une dette équivalente au montant du capital du deuxième prêt que devait lui rembourser la société 1207330. Cette dette avait été assimilée aux actifs dans les états financiers de l’appelante, pour ensuite être ramenée à zéro à la fin de son exercice budgétaire de 2010 dans la foulée de la faillite de la société 1207330 en novembre 2009.

[36]  L’appelante s’est portée acquéresse de la dette que lui devait la société 1207330 en vue d’en tirer un revenu au sens du sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la LIR. La débitrice – la société 1207330 – était une société exploitant une petite entreprise dont la faillite a eu pour effet de rendre la dette irrécouvrable. En raison du choix effectué par l’appelante en application du paragraphe 50(1) de la LIR, il y a eu disposition de la dette dans l’année d’imposition 2010 de l’appelante.

B. La thèse de l’intimée

[37]  L’intimée cite, pour corroborer sa position, l’arrêt Rich c. Canada, 2003 CAF 38, [2003] 3 C.F. 493, dans lequel la Cour d’appel fédérale énonce quatre conditions devant être satisfaites pour que l’appelante puisse déduire une PDTPE de 1 475 000 $ :

1.  Il devait y avoir une dette de 2 950 000 $ de la société 1207330 envers l’appelante.

2.  La dette devait avoir été acquise par l’appelante en vue d’en tirer un gain ou un revenu.

3.  La société 1207330 devait être une société exploitant une petite entreprise ou l’être devenue au moment où elle a déclaré faillite.

4.  La dette devait être devenue irrécouvrable pendant l’année d’imposition 2010 de l’appelante.

[38]  L’intimée soutient que la société 1207330 n’avait aucune dette envers l’appelante et que le contrat de sûreté générale et de débenture n’avait fait que répartir la responsabilité solidaire envers la BDC aux termes du deuxième prêt entre les emprunteurs de celui-ci. Du reste, si dette il y avait, celle-ci avait un prix de base rajusté nul pour l’appelante en date du 31 juillet 2010.

C. Les règles législatives

[39]  L’alinéa 3d) de la LIR autorise un contribuable à déduire une PDTPE dans le calcul de son revenu. Cette disposition est libellée ainsi :

3. Revenu pour l’année d’imposition — Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

[...]

d) le calcul de l’excédent éventuel de l’excédent calculé selon l’alinéa c) sur le total des pertes subies par le contribuable pour l’année qui résultent d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise ou d’un bien et des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise subies par le contribuable pour l’année;

[40]  Aux termes de l’alinéa 38c) de la LIR, la PDTPE d’un contribuable équivaut à la moitié de la perte au titre d’un placement d’entreprise qu’il a subie pour l’année :

38. Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible — Pour l’application de la présente loi :

[...]

c) [perte déductible au titre d’un placement d’entreprise] — la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise d’un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien est égale à la moitié de la perte au titre d’un placement d’entreprise que ce contribuable a subie, pour l’année, à la disposition du bien.

[41]  Une perte en capital subie par un contribuable et une perte au titre d’un placement d’entreprise sont définies aux alinéas 39(1)b) et c) de la LIR de la manière suivante :

b) une perte en capital subie par un contribuable, pour une année d’imposition, du fait de la disposition d’un bien quelconque est la perte qu’il a subie au cours de l’année, déterminée conformément à la présente sous-section (jusqu’à concurrence du montant de cette perte qui ne serait pas déductible, si l’article 3 était lu de la manière indiquée à l’alinéa a) du présent paragraphe et compte non tenu du passage « et des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise subies par le contribuable pour l’année » à l’alinéa 3d), dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition) du fait de la disposition d’un bien quelconque de ce contribuable, à l’exception :

(i) d’un bien amortissable,

(ii) d’un bien visé à l’un des sous-alinéas a)(ii) à (iii) et (v);

c) une perte au titre d’un placement d’entreprise subie par un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien quelconque s’entend de l’excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l’année résultant d’une disposition, après 1977 :

(i) soit à laquelle le paragraphe 50(1) s’applique,

(ii) soit en faveur d’une personne avec laquelle il n’avait aucun lien de dépendance,

d’un bien qui est :

(iii) soit une action du capital-actions d’une société exploitant une petite entreprise,

(iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

(A) une société exploitant une petite entreprise,

(B) un failli qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois [26] ,

(C) une personne morale visée à l’article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi,

sur le total des montants suivants :

(v) dans le cas d’une action visée au sous-alinéa (iii), le montant de l’augmentation, après 1977, en vertu de l’application du paragraphe 85(4), du prix de base rajusté, pour le contribuable, de l’action ou de toute action (appelée une « action de rechange » au présent sous-alinéa) pour laquelle l’action ou une action de rechange a été remplacée ou échangée,

(vi) dans le cas d’une action visée au sous-alinéa (iii) et émise avant 1972 ou d’une action (appelée « action de remplacement » au présent sous-alinéa et au sous-alinéa (vii)) qui a remplacé cette action ou une action de remplacement ou qui a été échangée contre l’une ou l’autre, l’ensemble des montants dont chacun représente un montant reçu après 1971, mais avant la disposition de l’action ou lors de cette disposition, ou un montant à recevoir au moment de cette disposition, à titre de dividende imposable sur l’action ou sur toute autre action pour laquelle l’action est une action de remplacement, par :

(A) le contribuable,

(B) son époux ou conjoint de fait si le contribuable est un particulier,

(C) une fiducie dont le contribuable ou son époux ou conjoint de fait était bénéficiaire;

toutefois le présent sous-alinéa ne s’applique pas à une action ou action de remplacement acquise après 1971 auprès d’une personne avec qui le contribuable n’avait aucun lien de dépendance,

(vii) dans le cas d’une action à laquelle le sous-alinéa (vi) s’applique et lorsque le contribuable est une fiducie visée à l’alinéa 104(4)a), le total des montants dont chacun est un montant reçu après 1971 ou recevable au moment de la disposition par l’auteur (au sens du paragraphe 108(1)) ou par l’époux ou conjoint de fait de l’auteur à titre de dividende imposable sur l’action ou sur toute autre action à l’égard de laquelle elle est une action de remplacement,

(viii) le montant calculé à l’égard du contribuable en vertu du paragraphe (9) ou (10), selon le cas.

[42]  Le paragraphe 40(1) de la LIR décrit la manière de calculer le gain ou la perte d’un contribuable à la disposition de tout bien :

40.(1) Règles générales — Sauf indication contraire expresse de la présente partie :

a) le gain d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est l’excédent éventuel :

(i) en cas de disposition du bien au cours de l’année, de l’excédent éventuel du produit de disposition sur le total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, calculé immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition,

(ii) en cas de disposition du bien avant l’année, du montant éventuel dont le contribuable a demandé la déduction en vertu du sous-alinéa (iii) dans le calcul de son gain pour l’année précédente, tiré de la disposition de ce bien,

sur :

(iii) sous réserve du paragraphe (1.1), le montant dont il peut demander la déduction, dans le cas d’un particulier — à l’exclusion d’une fiducie —, sur le formulaire prescrit présenté avec la déclaration de revenu prévue à la présente partie pour l’année et, dans les autres cas, dans la déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l’année,

jusqu’à concurrence du moins élevé des montants suivants :

(A) un montant raisonnable à titre de provision à l’égard de toute partie du produit de disposition du bien qui lui est payable après la fin de l’année et qu’il est raisonnable de considérer comme une partie du montant déterminé en vertu du sous-alinéa (i) pour ce bien,

(B) le produit de 1/5 de l’excédent déterminé en vertu du sous-alinéa (i) pour ce bien et de l’excédent éventuel de 4 sur le nombre d’années d’imposition antérieures du contribuable qui se terminent après la disposition du bien;

b) la perte d’un contribuable résultant, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est :

(i) en cas de disposition du bien au cours de l’année, l’excédent éventuel du total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition sur le produit de disposition du bien qu’il en a tiré,

(ii) dans les autres cas, nulle.

[43]  Le sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la LIR tient pour nulle la perte résultant de la disposition d’une créance si la dette n’a pas été acquise d’une entreprise ou d’un bien en vue de réaliser un gain ou d’en tirer un revenu, ou en contrepartie de la disposition d’une immobilisation en faveur d’une personne avec qui le contribuable n’avait aucun lien de dépendance :

g) est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d’un bien (à l’exclusion, pour ce qui est du calcul du surplus exonéré ou du déficit exonéré, du surplus hybride ou du déficit hybride et du surplus imposable ou du déficit imposable du contribuable relativement à un autre contribuable, dans le cas où le contribuable ou, si celui-ci est une société de personnes, son associé est une société étrangère affiliée de l’autre contribuable, d’un bien qui est un bien exclu, au sens du paragraphe 95(1), du contribuable ou le serait si celui-ci était une société étrangère affiliée de l’autre contribuable), dans la mesure où elle est :

[.. .]

(ii) une perte résultant de la disposition d’une créance ou d’un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n’est pas un revenu exonéré) d’une entreprise ou d’un bien, ou en contrepartie de la disposition d’une immobilisation en faveur d’une personne avec qui le contribuable n’avait aucun lien de dépendance.

[44]  Le paragraphe 50(1) de la LIR est une disposition d’application facultative qui tient pour nuls les produits de la disposition d’une créance dans certaines circonstances :

50.(1) Créances reconnues comme irrécouvrables et actions d’une société en faillite

— Pour l’application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas,

a) un contribuable établit qu’une créance qui lui est due à la fin d’une année d’imposition (autre qu’une créance qui lui serait due du fait de la disposition d’un bien à usage personnel) s’est révélée être au cours de l’année une créance irrécouvrable;

[.. .]

le contribuable est réputé avoir disposé de la créance ou de l’action à la fin de l’année pour un produit nul et l’avoir acquise de nouveau immédiatement après la fin de l’année à un coût nul, à condition qu’il fasse un choix, dans sa déclaration de revenu pour l’année, pour que le présent paragraphe s’applique à la créance ou à l’action.

[45]  L’article 54 définit les termes « prix de base rajusté » et « immobilisations » de la manière suivante :

54. Définitions — Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous-section.

« prix de base rajusté » S’agissant du prix de base d’un bien quelconque pour un contribuable à un moment donné s’entend, sauf dispositions contraires :

a) lorsque le bien entre dans la catégorie des biens amortissables du contribuable, du coût en capital du bien, supporté par lui, à ce moment;

b) dans les autres cas, du coût du bien, pour le contribuable, rajusté à ce moment, conformément à l’article 53;

toutefois :

c) il demeure entendu que, lorsqu’un bien du contribuable (sauf une participation dans une entité intermédiaire, au sens du paragraphe 39.1(1), ou une action du capital-actions d’une telle entité, que le contribuable a acquise de nouveau pour la dernière fois par suite d’un choix fait selon le paragraphe 110.6(19)) est un bien qu’il a acquis de nouveau après en avoir disposé, le coût du bien pour lui, tel qu’il a été acquis de nouveau, ne peut faire l’objet du rajustement qui devait être fait à son égard en vertu de l’article 53 avant qu’il ne l’acquière de nouveau;

d) le prix de base rajusté d’un bien pour le contribuable à un moment donné ne peut, en aucun cas, être inférieur à zéro.

« immobilisations » S’agissant des immobilisations d’un contribuable :

a) disposition de biens tous biens amortissables du contribuable;

b) tous biens (autres que des biens amortissables) dont la disposition se traduirait pour le contribuable par un gain ou une perte en capital.

[46]  Le paragraphe 248(1) définit les termes « entreprise exploitée activement », « prix de base rajusté », « perte en capital » et « société exploitant une petite entreprise », pour les besoins de la LIR, de la manière suivante :

248(1) Définitions — Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« entreprise exploitée activement » Relativement à toute entreprise exploitée par un contribuable résidant au Canada, toute entreprise exploitée par le contribuable autre qu’une entreprise de placement déterminée ou une entreprise de prestation de services personnels;

[.. .]

« prix de base rajusté » S’entend au sens de l’article 54.

[.. .]

« perte en capital » S’agissant de la perte en capital, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien, s’entend au sens de l’article 39.

[.. .]

« société exploitant une petite entreprise » Sous réserve du paragraphe 110.6(15), société privée sous contrôle canadien et dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d’actif est attribuable, à un moment donné, à des éléments qui sont :

a) soit utilisés principalement dans une entreprise que la société ou une société qui lui est liée exploite activement principalement au Canada;

b) soit constitués d’actions du capital-actions ou de dettes d’une ou de plusieurs sociétés exploitant une petite entreprise rattachées à la société au moment donné, au sens du paragraphe 186(4) selon l’hypothèse que les sociétés exploitant une petite entreprise sont, à ce moment, des sociétés payantes au sens de ce paragraphe;

c) soit visés aux alinéas a) et b).

Pour l’application de l’alinéa 39(1)c), est une société exploitant une petite entreprise la société qui était une telle société à un moment de la période de douze mois précédant le moment donné; par ailleurs, pour l’application de la présente définition, la juste valeur marchande d’un compte de stabilisation du revenu net est réputée nulle.

III. Discussion

[47]  Il est question des gains et des pertes en capital à la sous-section c de la section B de la partie I de la LIR. De manière générale, si l’on applique le libellé figurant entre parenthèses aux alinéas 39(1)a) et b) de la LIR, un gain ou une perte résultant de la disposition d’un bien est un gain ou une perte en capital (ce qui confère au bien qualité d’immobilisations [27] ) si le gain ou la perte n’est pas pris en compte ou déduit dans le calcul du revenu en application de l’article 3 autre qu’en application de l’alinéa 3b) ou parce qu’il est réputé être une PDTPE. La question de savoir si un gain ou une perte donné est un gain ou une perte en capital est tranchée en appliquant les principes jurisprudentiels permettant de faire la distinction entre les revenus et le capital [28] .

[48]  Le paragraphe 40(1) de la LIR explique comment calculer un gain ou une perte résultant de la disposition d’un bien de quelque nature que ce soit. Un gain est enregistré si le produit de la disposition du bien excède la somme du prix de base rajusté du bien immédiatement avant sa disposition et des dépenses engagées en vue de réaliser la disposition. À l’inverse, une perte est enregistrée si la somme du prix de base rajusté du bien immédiatement avant sa disposition et des dépenses engagées en vue de réaliser la disposition excède le produit de la disposition du bien.

[49]  Cela signifie que, pour que l’appelante subisse une perte de 2 950 000 $ à la suite de la disposition d’une créance, il doit y avoir eu disposition de ladite créance pour un produit nul et la créance devait avoir, au moment de la disposition, un prix de base rajusté de 2 950 000 $ pour l’appelante (ou la somme du prix de base rajusté et de toutes les dépenses engagées en vue de réaliser la disposition devait correspondre à 2 950 000 $).

[50]  Si le gain ou la perte résultant de la disposition d’un bien est un gain ou une perte en capital conformément aux principes pertinents de la jurisprudence, la moitié du gain en capital (appelée le « gain en capital imposable ») est prise en compte dans le revenu et la moitié de la perte en capital (appelée la « perte en capital déductible ») est déductible des gains en capital imposables [29] .

[51]  Une perte au titre d’un placement d’entreprise représente une catégorie de perte en capital assujettie à des règles particulières quant aux déductions autorisées [30] . Contrairement à la règle générale voulant qu’une perte en capital déductible puisse être retranchée uniquement des gains en capital imposables, un contribuable est autorisé à déduire la moitié de la perte réalisée sur un placement d’entreprise, qui est appelée « perte déductible au titre d’un placement d’entreprise » ou « PDTPE », dans le calcul de ses revenus de toutes provenances [31] . Si une PDTPE n’est pas appliquée en entier dans l’année où elle a été subie, la portion inutilisée de la perte peut être reportée rétrospectivement aux trois années antérieures et ultérieurement aux dix années à venir et être appliquée pour réduire les revenus gagnés pendant ces années, conformément aux règles énoncées à l’article 111 de la LIR [32] .

[52]  L’alinéa 39(1)c) de la LIR est la disposition à laquelle il faut se reporter pour déterminer si une perte en capital est une perte au titre d’un placement d’entreprise. La partie de cette disposition qui est pertinente dans le cadre du présent appel est rédigée en ces termes :

c) une perte au titre d’un placement d’entreprise subie par un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien quelconque s’entend de l’excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l’année résultant d’une disposition, après 1977 :

(i) soit à laquelle le paragraphe 50(1) s’applique,

(ii) soit en faveur d’une personne avec laquelle il n’avait aucun lien de dépendance,

d’un bien qui est :

[.. .]

(iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

(A) une société exploitant une petite entreprise,

(B) un failli qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois [33] ,

(C) une personne morale visée à l’article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi,

[Caractères gras ajoutés.]

[53]  La principale thèse de l’intimée est que l’appelante n’a pas disposé d’une dette qui lui était due au cours de l’année d’imposition 2010 parce que cette dette n’existait pas. L’intimée fait en effet valoir que l’appelante avait qualité d’emprunteuse pour le deuxième prêt et que le contrat de sûreté générale et de débenture n’avait fait que répartir la responsabilité solidaire des emprunteurs entre eux.

[54]  À l’inverse, l’appelante soutient que l’exécution du contrat de sûreté générale et de débenture a engendré, pour la société 1207330, une créance de 2 950 000 $ au profit de l’appelante lorsque la société 1207330 a déclaré faillite et que la disposition de cette créance a donné lieu à une perte d’un montant équivalent, que ce soit par suite de la faillite de la société 1207330 ou du choix qu’a fait l’appelante aux termes du paragraphe 50(1) de la LIR dans sa déclaration de revenus T2 pour 2010.

[55]  Pour déterminer si la société 1207330 avait bel et bien une dette s’élevant à 2 950 000 $ envers l’appelante et trancher la question connexe du prix de base rajusté de la dette envers l’appelante, il faut prendre en compte les conventions conclues entre la société 1207330 et l’appelante et toute autre personne, de même que les circonstances entourant ces conventions. Les principes de l’interprétation des contrats à prendre en considération ont été établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633 (arrêt Sattva) [34] , où elle explique l’importance qu’il convient d’accorder aux circonstances dans l’interprétation d’un contrat de la manière suivante :

Bien que les circonstances soient prises en considération dans l’interprétation des termes d’un contrat, elles ne doivent jamais les supplanter (Hayes Forest Services, par. 14; Hall, p. 30). Le décideur examine cette preuve dans le but de mieux saisir les intentions réciproques et objectives des parties exprimées dans les mots du contrat. Une disposition contractuelle doit toujours être interprétée sur le fondement de son libellé et de l’ensemble du contrat (Hall, p. 15 et 30-32). Les circonstances sous-tendent l’interprétation du contrat, mais le tribunal ne saurait fonder sur elles une lecture du texte qui s’écarte de ce dernier au point de créer dans les faits une nouvelle entente (Glaswegian Enterprises Inc. c. B.C. Tel Mobility Cellular Inc. (1997), 101 B.C.A.C. 62) [35] .

[56]  La société 1207330 a conclu un contrat de franchise avec SFI le 12 octobre 2006. Selon l’article 8.1 du contrat de franchise, il appartenait à la société 1207330 de louer un espace commercial à un prix raisonnable et, selon l’alinéa 8.2a), de construire et d’installer le restaurant Sawmill de Capilano, de se procurer tout l’équipement et les meubles nécessaires et de le décorer, conformément à la description donnée à l’article 8.2. Toujours aux termes de l’article 8.2 du contrat de franchise, la société 1207330 devait prendre à sa charge l’ensemble des coûts et des dépenses, tel que l’indiquait l’article 3.1 du contrat de franchise.

[57]  Les alinéas 14.1d) et e) du contrat de franchise énoncent qu’il est loisible à SFI de résilier le contrat si la société 1207330 fait cession de ses biens ou déclare faillite. L’alinéa 14.3a) du contrat de franchise énonce que la société 1207330 est tenue de rembourser à SFI tous les soldes accumulés ou impayés avant la date de prise d’effet de la résiliation.

[58]  L’appelante n’étant pas partie au contrat de franchise, elle n’avait aucun droit en application de celui-ci et n’a donc fait aucune réclamation après l’ordonnance de faillite délivrée à la société 1207330. S’il est vrai que l’appelante figurait au nombre des créanciers de la société 1207330 énumérés dans son Bilan (Formulaire 78) signé sous serment par Jeff Siffledeen le 26 novembre 2009, le montant des créances non garanties et garanties totalisait 2 $. En juin 2011, SFI a déposé une preuve de réclamation modifiée à l’encontre de la société 1207330 [36] .

[59]  À la suite de la faillite de la société 1207330, la société 1501062 s’est substituée à celle-ci et a acquitté tous les soldes rattachés au restaurant Sawmill de Capilano. En janvier 2012, la société 1501062 est devenue caution du deuxième prêt [37] .

[60]  La société 1207330, l’appelante, SRGL, SFI et SFHI étaient quant à elles emprunteuses solidaires du deuxième prêt [38] .

[61]  Le dictionnaire The Canadian Law Dictionary (7e éd.) définit le concept « joint and several » (« responsabilité solidaire ») ainsi :

[traduction]

On entend par « responsabilité solidaire » le partage des droits et des responsabilités entre un groupe de personnes, individuellement et collectivement. Ainsi, les intimés dans une poursuite pour négligence qui sont responsables solidairement peuvent être poursuivis collectivement ou individuellement aux fins de réparation pleine et entière de la partie lésée.

[62]  Au vu de ce qui précède, la BDC pourrait, aux termes de la lettre d’offre, demander le remboursement du deuxième prêt à l’un ou l’autre des emprunteurs, parmi lesquels figure l’appelante. La responsabilité solidaire n’a pas pour effet en soi de générer une dette envers l’appelante pour la société 1207330, d’autant plus qu’aucune partie du principal du deuxième prêt n’avait encore été remboursée au 31 juillet 2010 [39] .

[63]  Il est indiqué dans le préambule qui se trouve à la page 1 du contrat de sûreté générale et de débenture que la société 1207330 y est partie au profit de l’appelante, de SRGL, de SFI, de SFHI et de M. Goodchild. À la section 2.4 du contrat de sûreté générale et de débenture, la société 1207330 s’engage à rembourser le solde en souffrance de la dette au créancier, qui y est défini comme étant, solidairement, l’appelante, SRGL, SFI, SFHI et M. Goodchild.

[64]  Je conviens avec l’appelante que la définition du terme « dette » est vaste et que l’article 8.1 du contrat de sûreté générale et de débenture autorise le créancier à déclarer que la dette est exigible et payable immédiatement, en totalité ou en partie. Il s’agit toutefois de savoir si le montant du principal du deuxième prêt de 2 950 000 $ était assimilé à la dette le ou avant le 31 juillet 2010.

[65]  La définition du terme « dette » exige d’entrée de jeu que le terme soit [TRADUCTION] « interprété dans son sens le plus large, qu’elle ait été contractée préalablement, simultanément ou subséquemment à la conclusion du présent Contrat ». Une simple lecture de ces mots m’incite à croire que seules les créances contractées avant et après la conclusion du contrat de sûreté générale et de débenture doivent être assimilées à la dette.

[66]  Une dette est contractée lorsqu’il y a obligation d’en rembourser le montant. Il s’agit du moins du sens que l’on attribue le plus couramment au terme « dette », qui est [TRADUCTION] « l’obligation de payer une somme certaine ou une somme qui peut être rendue certaine » [40] . La société 1207330 n’était pas tenue de payer à l’appelante le montant du principal du deuxième prêt ni le 31 juillet 2010 ni avant cette date. La BDC est celle à qui la société 1207330, à l’instar de l’appelante, devait payer le principal du deuxième prêt.

[67]  La définition du terme « dette » n’a pas pour effet de créer une dette entre le débiteur et le créancier, mais plutôt de préciser les dettes qui sont visées par la définition, pour qu’ensuite il soit possible de déterminer les dettes qui sont garanties par le contrat de sûreté générale et de débenture et les dettes que la société 1207330 était tenue de payer au créancier en application du contrat.

[68]  À mon avis, la faillite de la société 1207330 n’a pas en soi créé une dette envers l’appelante puisqu’aucune somme faisant partie du principal du deuxième prêt ne pouvait être assimilée à une dette tant que la BDC ne recevait pas de la part du créancier un paiement en acquittement de la somme restant à rembourser sur le principal.

[69]  Cette conclusion est corroborée par le principe en common law de contribution qui s’applique au paiement d’une dette par un codébiteur et par la mention d’avances de fonds dans la définition du terme « dette ».

[70]  En ce qui a trait au principe de contribution, la Cour, dans la décision Lafrentz v. M & L Leasing Ltd Partnership, 2000 ABQB 714, a déclaré ce qui suit au paragraphe 29 :

[Traduction]

[29] Il existe cependant un droit en equity de contribution entre codébiteurs. Comme l’a mentionné Glanville Williams dans l’ouvrage intitulé Joint Obligations, les débiteurs solidaires disposent, sauf convention contraire, d’un droit de contribution réparti équitablement entre eux. Le débiteur qui paie une somme supérieure à la part qui lui revient équitablement a droit à une contribution quant à la somme excédentaire qu’il a versée.

[Caractères gras ajoutés.]

[71]  Dans la décision Sandhu v. MEG Place LP Investment Corp., 2015 ABQB 297, la Cour a appliqué ce principe de la manière suivante aux paragraphes 162 à 164 :

[Traduction]

[162] Les demandeurs n’ont cité aucune jurisprudence pour étayer leur argument selon lequel LP V est devenue débitrice des commettants dès lors que ceux-ci ont payé une de ses dettes. À mon avis, le simple fait d’acquitter l’obligation d’une autre personne n’ouvre pas droit à une action en paiement d’une dette (voir la décision Cleadon Trust Ltd., [1939] 1 Ch. 286 (C.A.).

[163] Cela dit, un autre moyen, mais reposant sur les mêmes faits, a un certain fondement. Glanville Williams énonce ce qui, à son avis, constitue les obligations de contribution des débiteurs solidaires dans son ouvrage classique intitulé Joint Obligations (Londres Butterworth, 1949) :

Les débiteurs conjoints et solidaires [...] disposent, sauf convention contraire, d’un droit de contribution entre eux. Il est entendu par là que le débiteur qui paie plus que sa portion équitable de la dette a droit de recevoir de la part de ses codébiteurs une contribution relativement à l’excédent versé, à parts égales [...] [paragraphe 83].

Ce même principe a été réitéré à maintes reprises, dont tout récemment dans l’ouvrage intitulé Chitty on Contracts, 29e éd. (Londres : Sweet & Maxwell, 2004), au paragraphe 17-027. La décision Lafrentz v M & L Leasing, 2000 ABQB 714 constitue un exemple de son application.

[164] Je conclus que LP V, Aurora et Humeniuk ont contracté une dette auprès de P3 pour le prêt de 5 millions de dollars ayant servi à faire l’acquisition de MEG Place et qu’Aurora, Humeniuk et De Palma ont personnellement emprunté de l’argent aux demandeurs pour s’acquitter de cette obligation. Rien dans la preuve n’indique que les codébiteurs du prêt contracté auprès de P3 se seraient entendus sur un partage de la responsabilité autre qu’à parts égales. Par conséquent, Aurora et Humeniuk, en remboursant le prêt dans son intégralité, ont payé plus que leurs parts du prêt et ont droit à une contribution pour l’excédent qu’ils ont versé.

[Caractères gras ajoutés.]

[72]  Pour ce qui est de la référence faite aux avances de fonds, la définition de cette expression englobe dans la dette tout paiement effectué par le créancier au profit de la société 1207330, y compris les paiements versés par le créancier à la BDC. Cet aspect de la définition du terme « dette » a de toute évidence pour but de s’assurer que le créancier (dont l’appelante) puisse recouvrer auprès de la société 1207330 toute somme acquittée par le créancier pour le compte de la débitrice, y compris toute somme relative à tout montant du principal du deuxième prêt. Cette dette est contractée par la débitrice lorsque le créancier verse un paiement en son nom. C’est l’acte de verser un paiement qui crée la dette, et non la définition du terme « dette » qui figure dans le résumé [41] . Le contrat de sûreté générale et de débenture ne fait que modifier la quote-part de la contribution exigée en common law.

[73]  D’après la liste des paiements imprimée fournie par la BDC [42] , les seuls paiements qu’elle avait reçus au 31 juillet 2010 relativement au deuxième prêt étaient des paiements d’intérêts. La preuve démontre que ces paiements ont été versés par la société 1207330 (avant l’ordonnance de faillite) et la société 1501062 (après l’ordonnance de faillite). Aucun paiement n’avait été fait au titre du montant du principal du deuxième prêt jusqu’au premier paiement du principal de l’ordre de 10 350 $ effectué le 23 juin 2011. Cela étant, aucune portion du montant du principal du deuxième prêt ne peut être incluse dans la dette à titre d’avance de fonds avant cette date. Le deuxième prêt est demeuré en souffrance jusqu’au 5 mai 2016, et ce n’est que le 11 janvier 2012 que la société 1207330 a cessé d’avoir qualité d’emprunteuse pour le deuxième prêt.

[74]  Même si le contrat de sûreté générale et de débenture était interprété de façon à ce que la société 1207330 doive rembourser à l’appelante une dette de 2 950 000 $ qui existait le ou avant le 31 juillet 2010, dette qui, pour les raisons exposées précédemment, n’existait pas en réalité, il aurait fallu que le prix de base rajusté de cette dette soit établi. Le « prix de base rajusté », lorsqu’il s’agit d’une immobilisation non amortissable comme une créance, désigne le coût du bien, pour le contribuable, rajusté à ce moment, conformément à l’article 53 de la LIR.

[75]  La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt La Reine c. Stirling, [1985] 1 C.F. 342, a déclaré que le terme « coût » signifie le prix que le contribuable a accepté de payer pour obtenir le bien en question [43] . Dans le cas d’une dette ayant qualité d’immobilisation pour le créancier, le coût de la dette qu’il lui faut assumer serait généralement soit la somme qu’il avance au débiteur ou pour son compte, soit le prix d’achat de la dette, auxquels viennent s’ajouter les autres coûts engagés pour en faire l’acquisition, si la dette est acquise d’une personne autre que le débiteur.

[76]  En faisant abstraction du fait qu’il n’est pas précisé dans le contrat de sûreté générale et de débenture la façon de répartir la dette entre les entités qui constituent le créancier, il y aurait eu dette au profit du créancier en application de ce contrat si l’appelante avait fait des paiements à la BDC ou à une autre entité pour le compte de la société 1207330. Dans un tel cas de figure, l’appelante, en faisant l’acquisition de la dette moyennant un certain coût, aurait un prix de base rajusté équivalant à ce coût.

[77]  Malheureusement pour l’appelante, la preuve démontre qu’elle n’avait, au 31 juillet 2010, effectué aucun paiement pour acquitter le principal du deuxième prêt à la BDC ou à toute autre entité au profit de la société 1207330. S’il se peut que d’autres sociétés du Groupe Sawmill aient effectué des paiements relativement aux éléments de passif de la société 1207330, par exemple pour acquitter les coûts et les dépenses aux termes du contrat de franchise qui n’avaient pas été payés par la société 1207330 et pour payer les intérêts courant sur le deuxième prêt, et s’il se peut aussi que des rajustements aient été effectués dans les comptes réciproques des sociétés du Groupe relativement à ces paiements, il n’en demeure pas moins que la preuve ne fait état d’aucun paiement versé par l’appelante à quiconque au regard de la somme restant à rembourser sur le principal du deuxième prêt le ou avant le 31 juillet 2010. Aux termes de la lettre d’offre, l’obligation qu’avait l’appelante de rembourser le principal du deuxième prêt était envers la BDC et ne peut être tenue pour le coût d’une dette que lui devait la société 1207330.

[78]  Il va sans dire que la BDC, le Groupe Sawmill et la société 1207330 auraient pu convenir de dispositions structurées de façon à ce que la société 1207330 contracte une dette de 2 950 000 $ auprès de l’appelante, par exemple en faisant en sorte que l’appelante emprunte des fonds à la BDC, pour ensuite les prêter à la société 1207330. Malheureusement, ce n’est pas ainsi qu’ils ont procédé. Il ressort clairement de la jurisprudence canadienne en matière d’impôt sur le revenu que, pour obtenir un résultat donné quant à l’impôt sur le revenu à l’égard d’une opération, la forme de l’opération a de l’importance. Dans l’arrêt La Reine c. Friedberg, [1991] A.C.F. no 1255 (QL), 135 N.R. 61 [44] , la Cour d’appel fédérale a formulé les observations suivantes :

En droit fiscal, la forme a de l’importance. Une simple intention subjective, en l’espèce comme dans d’autres instances en matière fiscale, ne suffit pas en soi à modifier la caractérisation d’une opération aux fins de l’impôt. Lorsqu’un contribuable prend certaines dispositions formelles à l’égard de ses affaires, il peut s’ensuivre d’importants avantages fiscaux, quand bien même ces dispositions seraient prises principalement dans le but d’éviter des impôts (voir La Reine c. Irving Oil, (1991), 126 N.R. 47; 91 DTC 5106, le juge Mahoney, J.C.A.). [...] [S]i un contribuable omet de prendre les mesures formelles appropriées, peut-être que des impôts devront être payés. S’il n’en était pas ainsi, Revenu Canada et les tribunaux se livreraient à des exercices interminables pour établir les intentions véritables derrière certaines opérations. Les contribuables et la Couronne chercheraient à restructurer des opérations après coup afin de profiter de la législation fiscale ou d’amener les contribuables à payer des impôts qu’ils pourraient autrement ne pas avoir à payer. Bien que la preuve de l’intention puisse parfois aider les tribunaux à clarifier des marchés, elle est rarement déterminante. En résumé, la preuve d’une intention subjective ne peut servir à « rectifier » des documents qui s’orientent clairement vers une direction précise.

[79]  Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de juillet 2019.

« J.R. Owen »

Le juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 14e  jour de novembre 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 156

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-3149(IT)G

INTITULÉ :

MOOSE FACTORY RESTAURANT PROPERTIES LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 13 et 14 mai 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge John R. Owen

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 juillet 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Neil T. Mather

Avocate de l’intimée :

Me Margaret McCabe

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Neil T. Mather

 

Cabinet :

Neil T. Mather Professional Corporation

Edmonton (Alberta)

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 



[1] Le restaurant The Moose Factory était le seul restaurant du Groupe Sawmill à ne pas être exploité sous la bannière Sawmill.

[2] Pièce A-7.

[3] Article 9 du contrat de franchise.

[4] Le restaurant Sawmill de Capilano est entré en exploitation en septembre 2008 et aurait puisé dans le flux de trésorerie pour financer en partie les coûts et les dépenses.

[5] Pièce A-8.

[6] Pièce A-13.

[7] Pièce A-14.

[9] Voir la page 2 de la pièce A-13.

[10] Selon les modifications manuscrites, il ne s’agit pas de 15 %, mais bien de 5 %, comme l’indique la pièce A-14.

[11] Pièce A-15.

[12] Pièce A-17.

[13] Pièce A-16.

[14] Pièce A-22. La pièce comprend une copie du Formulaire 67 (Avis de la faillite et de la première assemblée des créanciers) et du Formulaire 78 (Bilan).

[15] Pièce A-22.

[16] Pièce A-23.

[17] Pièce A-24.

[18] Pièces R-1 et R-2.

[19] Pièces A-30 et A-31.

[20] Pièce A-32.

[21] Pièces A-29 et A-30.

[22] Pièce A-36.

[23] Pièce A-25.

[24] Pièce A-28.

[25] Pièce A-28.

[26] La division 39(1)c)(iv)(B) a été modifiée par la Loi no 2 d’exécution du budget de 2017, L.C. 2017, ch. 33, par. 9(1), qui s’applique relativement aux faillites qui surviennent après le 26 avril 1995. La version modifiée est reproduite aux présentes.

[27] Alinéa b) de la définition du terme « immobilisations » à l’article 54 de la LIR.

[28] Peter W. Hogg, Joanne E. Magee et Jinyan Li, Principles of Canadian Income Tax Law, 5e éd. (Toronto : Thomson Carswell, 2005, pages 80-81).

[29] Alinéa 3b) de la LIR.

[30] L’alinéa 39(1)c) traite d’une perte en capital résultant de certaines dispositions de biens donnés.

[31] Alinéa 3d) de la LIR.

[32] Le report prospectif de dix ans pour une PDTPE (qui est inférieur au report prospectif de 20 ans autorisé pour une perte autre qu’une perte en capital) découle de l’application de l’élément Ec) dans la définition du terme « perte autre qu’une perte en capital » figurant au paragraphe 111(8) de la LIR. Si une PDTPE n’est pas appliquée à ces dix années, elle devient une « perte en capital nette » déductible des gains en capital imposables : voir la définition de « perte en capital nette » qui se trouve au paragraphe 111(8) de la LIR.

[33] La division 39(1)c)(iv)(B) a été modifiée par la Loi no 2 d’exécution du budget de 2017, L.C. 2017, ch. 33, par. 9(1), qui s’applique relativement aux faillites qui surviennent après le 26 avril 1995. La version modifiée est reproduite aux présentes.

[34] Aux paragraphes 42 à 61. Les contrats en cause dans cette affaire ne sont pas des contrats types : Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37, [2016] 2 R.C.S. 23, aux paragraphes 19 à 48.

[35] Arrêt Sattva, précité, au paragraphe 57.

[36] Pièces A-23 et A-24.

[37] Pièce A-25.

[38] Pièces A-13 et A-14.

[39] Pièce A-28.

[40] C.R.B. Dunlop, Creditor-Debtor Law in Canada, 2e éd. (Toronto : Carswell, 1995) à la page 16. On trouve dans l’ouvrage Halsbury’s Laws of Canada une définition plus complète dans le même sens (Halsbury’s Laws of Canada – Debtor and Creditor, [traduction] I. INTRODUCTION 2. Remboursement d’une dette (1) Définition du terme « dette », ce que constitue une dette) :

On entend par « dette » tout droit, en droit ou en equity, d’origine contractuelle, explicite ou implicite ou en application d’une loi, sur une somme d’argent donnée autre que des dommages-intérêts non liquidés qui est à échéance et payable et dont le montant exact peut nécessiter des vérifications d’usage. Il s’agit d’une somme payable en tant que somme déterminée, recouvrable par une action. Une dette n’a pas à être fondée sur une promesse de paiement, et peut être imposée unilatéralement, notamment sous l’effet d’une obligation légale d’acquitter des droits ou des frais.

[41] Je remarque que le contrat de sûreté générale et de débenture ne précise pas la manière de déterminer le droit d’un créancier en particulier à tout ou partie de la dette en cause.

[42] Pièce A-28.

[43] À la page 343; voir également l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 74, dans lequel la Cour suprême du Canada déclare ce qui suit concernant les dispositions de la LIR régissant les déductions pour amortissement :

Sur le plan textuel, les dispositions relatives aux DPA emploient le mot « coût » dans le sens bien établi de somme payée pour acquérir les biens. Sur le plan contextuel, d’autres dispositions de la Loi appuient cette interprétation. [.. .]

[44] Un appel de la Couronne devant la Cour suprême du Canada a été rejeté à l’audience sans que ce point soit abordé : [1993] 4 R.C.S. 285.

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