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Dossier : 2017-4706(IT)I

ENTRE :

TYLER MACDONALD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 28 novembre 2018, à Ottawa (Ontario)

Devant : L’honorable juge B. Russell


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Jean-Michel Cazabon

Me Susan Tataryn

Avocat de l’intimée :

Me Montano Cabezas

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies le 1er avril 2016 en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2012 et 2013 est accueilli, et l’affaire est renvoyée à la ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs suivants :

  • a) l’appelant a droit à des déductions de 320,68 $ pour l’année d’imposition 2012 et de 2 109,42 $ pour l’année d’imposition 2013 à l’égard de frais de téléphonie cellulaire;

  • b) l’appelant a droit à des déductions de 1 091,43 $ pour l’année d’imposition 2012 et de 660,35 $ pour l’année d’imposition 2013 à l’égard de frais d’hébergement;

  • c) l’appelant a droit à des déductions de 504 $ pour l’année d’imposition 2012 et de 344 $ pour l’année d’imposition 2013 à l’égard de frais de stationnement;

  • d) le tout sans dépens en raison du succès partiel des parties.

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 15e jour d’août 2019.

« B. Russell »

Le juge Russell


Référence : 2019 CCI 169

Date : 20190815

Dossier : 2017-4706(IT)I

ENTRE :

TYLER MACDONALD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

Introduction

[1]  L’appelant, Tyler MacDonald, interjette appel suivant la procédure informelle de cette cour à l’encontre de deux nouvelles cotisations établies le 1er avril 2016 par la ministre du Revenu national (la ministre) de l’intimée en application de la Loi de l’impôt sur le revenu du gouvernement fédéral (la Loi). Les nouvelles cotisations concernent les années d’imposition 2012 et 2013 de l’appelant et refusent à celui-ci des dépenses d’emploi de 37 979 $ et de 61 888 $ qu’il a déclarées en 2012 et en 2013 respectivement; voir la réponse, au paragraphe 9.

[2]  Les dépenses refusées comprennent des frais de véhicule à moteur de 13 229 $ (2012) et de 14 316 $ (2013), des frais de repas et de divertissement de 3 500 $ (2012) et de 4 145 $ (2013), des frais d’hébergement de 9 800 $ (2012) et de 20 450 $ (2013) et des frais de téléphonie cellulaire et de transport aérien de 11 450 $ (2012) et de 18 175 $ (2013); voir la réponse, au paragraphe 7.

Résumé des faits

[3]  Pendant toute la période pertinente, l’appelant résidait à Ottawa avec sa famille, composée de sa conjointe et de quatre adolescents et jeunes adultes. Le 13 août 2012, il a commencé à travailler pour ATI Telecom International (ATI) en tant que [traduction] « directeur général, Programmes de desserte par fibre de l’abonné ». Il a signé un bref contrat d’emploi daté du 31 juillet 2012, également signé par le président et chef de l’exploitation d’ATI de l’époque. Selon ce contrat, l’appelant allait occuper son nouvel emploi [traduction] « dans nos locaux d’Ottawa, en Ontario, dont l’adresse est encore à déterminer ». Outre de brèves dispositions quant au salaire, aux primes potentielles, aux vacances et aux avantages sociaux, le contrat énonce comme suit la responsabilité des frais de déplacement et l’irrévocabilité de ses modalités (en commençant par une phrase formulée maladroitement) :

[traduction] Ce poste exigera des déplacements d’affaires et son titulaire devra se rendre fréquemment chez des clients pour accomplir vos tâches, plus précisément à Regina, en Saskatchewan [sic]. En raison d’un possible changement de contrôle de notre entreprise et aux termes de votre contrat d’emploi, vous serez tenu de payer vous-même vos frais de déplacement, pour lesquels vous ne recevrez aucune allocation non imposable. Cependant, vous serez indemnisé pour vos déplacements vers notre siège social, établi dans la région d’Atlanta, en Géorgie, et vers quelques réunions préalablement approuvées avec des clients en dehors de nos nouveaux locaux de Regina. Ce contrat constitue l’entente intégrale à l’égard de votre situation d’emploi. Il remplace toute autre déclaration ou observation et peut être modifié seulement par écrit.

[4]  L’appelant a indiqué dans son témoignage que ce nouvel emploi chez ATI supposait qu’il dirige les travaux effectués par ATI avec SaskTel, le fournisseur de services de télécommunications résidentielles en Saskatchewan, afin de [traduction] « superposer » le ou les réseaux de télécommunications de SaskTel pour fournir la nouvelle technologie de [traduction] « desserte par fibre de l’abonné » (DFA) dans cette province. L’appelant a également indiqué que cet emploi impliquait qu’il dirige aussi les premières phases des efforts d’ATI pour obtenir des contrats semblables avec de grandes sociétés de télécommunications comme Bell et Telus, qui font surtout affaire en Ontario et au Québec. Cependant, le contrat d’emploi du 31 juillet 2012 ne fait pas état de tels travaux, mais plutôt de travaux en Saskatchewan seulement. Ce contrat prévoit qu’il s’agit de [traduction] « l’entente intégrale » et qu’il [traduction] « remplace toute autre déclaration ou observation […] ».

[5]  L’appelant a travaillé chez ATI, dont le changement anticipé de propriété a eu lieu en novembre 2012, jusqu’à ce qu’il soit congédié de ce poste, en septembre 2013. Selon l’appelant, il a été congédié parce que la nouvelle direction d’ATI avait l’intention de développer la technologie DFA dans l’ouest du Canada plutôt que dans l’est du pays, comme l’appelant s’y attendait.

Article 8 concernant les dépenses d’emploi

[6]  Dans l’article 8 de la Loi, il est question des dépenses d’emploi déductibles. Le paragraphe 8(2) prévoit que seuls les montants prévus à l’article 8 sont déductibles dans le calcul d’un revenu d’emploi. Le paragraphe 8(1) énumère plusieurs dépenses d’emploi déductibles. Ces dernières sont restreintes par rapport aux dépenses afférentes à une entreprise ou à un bien, comme l’indique le libellé plus ouvert de l’alinéa 18(1)a) de la Loi.

[7]  Le présent appel porte en grande partie sur deux dispositions du paragraphe 8(1) – l’alinéa 8(1)h), qui autorise les « frais de déplacement » non afférents à un véhicule à moteur, et l’alinéa 8(1)h.1), qui autorise les « frais afférents à un véhicule à moteur ». Ces alinéas prévoient respectivement ce qui suit :

Éléments déductibles

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

Frais de déplacement

h) lorsque le contribuable, au cours de l’année, à la fois :

(i) a été habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits,

(ii) a été tenu, en vertu de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais de déplacement qu’il a engagés pour l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

les sommes qu’il a dépensées pendant l’année (sauf les frais afférents à un véhicule à moteur) pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

(iii) reçu une allocation pour frais de déplacement qui, par l’effet des sous-alinéas 6(1)b)(v), (vi) ou (vii), n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

(iv) demandé une déduction pour l’année en application des alinéas e), f) ou g);

Frais afférents à un véhicule à moteur

h.1) dans le cas où le contribuable, au cours de l’année,

a été habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits et

a été tenu, aux termes de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu’il a engagés dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

(i) reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l’effet de l’alinéa 6(1)b), n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

(ii) demandé une déduction pour l’année en application de l’alinéa f);

[Non souligné dans l’original.]

Paragraphe 230 concernant les livres de comptes et les registres

[8]  Selon les paragraphes 230(1) et (6) de la Loi,

(1) [q]uiconque […] est obligé […] de payer […] des impôts […] doit tenir des registres et des livres de comptes […] dans la forme et renfermant les renseignements qui permettent d’établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi […].

(6) Une personne tenue par le présent article de tenir des registres et livres de comptes et qui signifie un avis d’opposition ou est partie à un appel devant la Cour canadienne de l’impôt en vertu de la présente loi doit conserver les registres, livres de comptes, comptes et pièces justificatives nécessaires à l’examen de l’opposition ou de l’appel jusqu’à […], ou, en cas d’appel, jusqu’au prononcé sur l’appel et sur tout autre appel en découlant ou jusqu’à l’expiration du délai prévu pour interjeter cet autre appel.

[Non souligné dans l’original.]

[9]  Dans son témoignage, l’appelant a indiqué qu’en 2015, il a envoyé un lot de reçus et d’autres documents à K. Nastos, vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (ARC), en appui des dépenses d’emploi qu’il avait déduites. Il a déclaré que seule une petite partie de ce lot lui a été retournée, jointe à la lettre du 21 mars 2016 du vérificateur, peu avant que la ministre délivre les deux nouvelles cotisations du 1er avril 2016 qui sont visées par l’appel. Cette lettre de l’ARC n’indique pas qu’elle retournait à l’appelant moins que l’ensemble des documents que l’appelant avait envoyés à l’ARC.

[10]  Bien que l’appelant ait indiqué que certains de ces documents lui ont été retournés, il a déposé en preuve relativement peu de reçus.

[11]  De plus, son avocat n’a appelé aucun agent de l’ARC (comme le vérificateur ou l’agent des appels) à témoigner de la déclaration de l’appelant selon laquelle l’ARC avait omis de retourner une bonne partie de ses documents. Enfin, l’unique lettre de l’ARC que l’appelant a déposée en preuve et qui fait référence aux présumés documents manquants est datée du 15 novembre 2017, soit plus d’un an et demi après la lettre du 21 mars 2016 de l’ARC. L’appelant a indiqué dans son témoignage, non corroboré, qu’il avait précédemment fait un suivi par téléphone. Or, sa lettre du 15 novembre 2017 n’y fait pas référence.

[12]  L’appelant s’est présenté comme un homme d’affaires et cadre supérieur qui traite principalement avec des cadres de sociétés de télécommunications. En gardant à l’esprit les devoirs que la Loi impose aux contribuables de conserver les documents pertinents, aux termes des paragraphes 260(1) et (6) précités, je dois souligner que l’appelant a fait preuve d’une sagacité et d’une prudence inadéquates en ne conservant pas une copie des registres de dépenses qu’il a envoyés à l’ARC.

Formulaires T2200 de l’appelant

[13]  Selon le paragraphe 8(10), une somme qui serait déductible aux termes d’une des dispositions du paragraphe 8(1) – notamment les alinéas 8(1)h) et 8(1)h.1) précités – ne peut être déduite que si l’employé a produit un formulaire prescrit (le formulaire T2200), signé par son employeur. Ce formulaire exige que l’employeur atteste que l’employé a rempli les conditions de travail énoncées à la disposition pertinente du paragraphe 8(1) – dans ce cas-ci, les alinéas 8(1)h) et 8(1)h.1) – pour l’année d’imposition pertinente.

[14]  L’appelant a soumis en preuve deux versions du formulaire T2200 pour chacune des deux années en question. La plus ancienne de ces deux versions (pièces A-1 de 2012 et A-2 de 2013) porte la date « 6/10/16 » (c.-à-d. le 10 juin ou le 6 octobre 2010) et a été signée par un [traduction] « conseiller en RH » d’ATI dont on ne peut discerner le nom. La plus récente version, datée du 1er septembre 2018 (pièces A-3, A-4, A-5 et A-6), est considérablement différente de la version de 2016. De plus, il est ressorti du contre-interrogatoire de l’appelant que le formulaire de 2018 a été rempli par l’appelant, non par un employé, ni par un dirigeant d’ATI, ni par le conseiller en RH qui avait rempli la version de 2016, deux ans plus tôt.

[15]  Aussi, le même formulaire T2200 de 2018 a été signé par deux personnes différentes d’ATI. La personne ayant signé l’une de ces versions de 2018 semble être [traduction] « Gilles Langevin, directeur du programme DFA, ATI ». Le signataire de l’autre formulaire T2200 de 2018, qui porte aussi la date du 1er septembre 2018 et qui, selon l’appelant, aurait été signé environ un jour avant l’audience de la fin novembre 2018 dans la présente affaire, était [traduction« Josh Sigmon, directeur du service de fiscalité et de trésorerie » d’ATI, établi aux États-Unis.

[16]  L’appelant n’a appelé à témoigner aucune des trois personnes ayant respectivement signé ces formulaires T2200 pour ATI. Ces personnes auraient sans doute pu indiquer ce qu’elles savaient, le cas échéant, des modalités d’emploi de l’appelant en 2012 et en 2013.

[17]  À plusieurs égards, le formulaire T2200 de 2016 qui a été préparé et signé par un conseiller en RH d’ATI est sensiblement différent de ceux de 2018 que l’appelant a reconnu, pendant son contre-interrogatoire, avoir préparés et avoir fait signer par des cadres supérieurs d’ATI. Le formulaire T2200 de 2016 indique : (a) que l’adresse personnelle de l’appelant est en Ontario et que la Saskatchewan est précisément sa région de déplacement lorsqu’il doit se rendre à des endroits qui ne sont pas les lieux d’affaires d’ATI ou lorsqu’il doit se déplacer entre les différents sites des lieux d’affaires d’ATI dans l’exercice de ses fonctions; (b) qu’il doit rester (en Saskatchewan) plus de 12 heures à la fois à l’extérieur de l’endroit où il se présente habituellement au travail; (c) qu’il dispose d’un véhicule de fonction, mais qu’il n’est pas responsable des frais engagés pour ce véhicule; (d) qu’il doit payer lui-même ses frais de déplacement jusqu’aux locaux d’ATI (que l’on comprend être ceux de Regina); (e) qu’il doit payer ses frais de téléphonie cellulaire, de repas et d’hébergement à Regina et que ces dépenses ne lui sont pas remboursées; et (f) que son contrat d’emploi ne l’oblige pas à consacrer un espace de sa maison au travail à domicile.

[18]  Dans le formulaire T2200 de 2018 que l’appelant a lui-même rempli, on peut lire : (a) que sa région de déplacement est beaucoup plus vaste que celle indiquée dans la version de 2016 remplie par ATI – il ne se rend pas seulement en Saskatchewan, mais aussi en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario et dans [traduction] « divers états américains »; (b) qu’il ne dispose pas d’un véhicule de fonction; (c) qu’on lui rembourse ses frais de déplacement jusqu’aux bureaux de Saskatoon et de Moose Jaw (à partir de son bureau de Regina); (d) que son contrat de travail l’oblige à consacrer un espace de sa maison au travail à domicile et qu’il accomplit au moins 50 % de ses fonctions à son bureau à domicile.

[19]  Ces déclarations de 2018 quant au bureau à domicile et à l’usage d’un véhicule de fonction contrastent avec ce qu’indique le formulaire T2200 de 2016.

[20]  J’ai conclu que de toutes ces versions du formulaire T2200, la plus ancienne – datée du 10/6/16 – est la plus crédible, alors c’est la version que j’accepterai. Ma conclusion s’explique par plusieurs motifs. D’abord, ce formulaire de 2016 a été rempli par un employé des Ressources humaines d’ATI à une période sensiblement plus rapprochée (deux ans) des années d’imposition 2012 et 2013, en cause. La mémoire ne se rafraîchit pas avec le temps. En outre, la version de 2016 concorde davantage avec les dispositions du contrat d’emploi du 31 juillet 2012, qui ne fait aucune référence à des lieux de travail à l’extérieur d’Ottawa, mis à part Regina et les nouveaux locaux d’ATI à Regina. La version de 2016 indique que la région de déplacement de l’appelant est la Saskatchewan.

[21]  De plus, rien n’indique dans les formulaires T2200 de 2016 que l’appelant devait travailler à domicile. Par contre, on peut y lire qu’il disposait d’un véhicule de fonction et, quant à la disponibilité d’un tel véhicule, l’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il avait le droit d’utiliser un véhicule de fonction. Cependant, le formulaire T2200 de 2018 qui a été préparé par l’appelant indique qu’il n’avait pas accès à un véhicule de fonction.

[22]  Enfin, la preuve démontre que l’appelant a soumis les formulaires T2200 de 2016 à l’ARC, pour les années 2012 et 2013, à l’étape de l’opposition. Il a indiqué dans son témoignage qu’il les a relus avant de les soumettre et qu’il savait que l’information fournie était erronée, mais qu’il n’en a pas parlé à l’ARC à ce moment. C’est après avoir interjeté le présent appel, le 27 novembre 2017, qu’il a lui-même rempli les formulaires T2200 de 2018 – dont le contenu, à certains égards, est substantiellement différent de celui de la version de 2016, comme je l’ai déjà mentionné. Il a demandé à des cadres supérieurs d’ATI de signer les formulaires de 2018. Je me demande si l’un ou l’autre des cadres qui les ont signés en 2018 connaissait aussi bien la situation que le conseiller en RH d’ATI devait sans doute la connaître, deux ans plus tôt, vu les responsabilités de ce dernier en matière de ressources humaines lorsqu’il a préparé et signé les formulaires T2200 de 2016. Comme je l’ai déjà mentionné, aucun des trois signataires d’ATI n’a été appelé à témoigner de ces divergences.

[23]  Finalement, à ce sujet, l’appelant a plusieurs fois réprouvé les formulaires T2200 de 2016 dans son témoignage – pour le motif que les années d’imposition concernées y sont interverties, c’est-à-dire que le formulaire de 2012 indique 2013 et vice versa. J’y vois une erreur administrative, sans plus.

[24]  Je me penche maintenant sur les déductions de diverses dépenses.

Frais de transport aérien

[25]  Pour la déduction de frais de transport aérien, l’appelant s’appuie sur l’alinéa 8(1)h) de la Loi. Il doit donc démontrer, notamment, qu’il a été habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits, qu’il a été tenu, en vertu de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais de déplacement qu’il a engagés pour l’accomplissement des fonctions de son emploi et que les dépenses ont été engagées dans l’exercice des fonctions de son emploi.

[26]  En ce qui concerne les frais de transport aérien, la preuve documentaire de l’appelant comprend une confirmation imprimée de trois [traduction] « passes de 10 vols » d’Air Canada achetées en août 2012, avril 2013 et juillet 2013 (pièce A-12). Chaque passe comportait 10 crédits de vol (un crédit par aller simple) permettant de prendre un vol entre une ville de l’Ontario et une ville de la [traduction] « région centrale » qui, selon le témoignage de l’appelant, comprend la Saskatchewan et probablement le Manitoba.

[27]  Il a aussi soumis en preuve ses relevés mensuels de carte de crédit American Express pour la période du 18 juin 2012 au 14 août 2013 (pièce A-11), qui montrent l’achat de billets d’avion et les itinéraires, notamment ces passes de vol.

[28]  La pièce A-10 consiste en un tableau de deux pages, préparé par l’appelant, fondé sur lesdits relevés de sa carte de crédit AmEx. Le tableau montre les vols achetés entre le 18 juin 2012 et le 22 juillet 2013. On y voit neuf vols pris par sa conjointe, notamment lors d’un voyage du couple en Grèce. Le tableau indique un vol reliant Winnipeg à Winnipeg (ce qui est de toute évidence une erreur) effectué le 27 février 2013 au coût de 209 $. Le document montre six vols d’Ottawa à Regina, mais un seul vol de Regina à Ottawa. Les vols mentionnés sont présentés comme des allers simples, non des vols aller-retour. Le tableau indique l’achat des trois passes de 10 vols d’Air Canada mentionnées plus haut. On y voit quelques vols d’Ottawa à Toronto, un vol de Toronto à Denver et deux vols d’Ottawa à Atlanta (dont un pour sa conjointe), ainsi qu’un vol pour lequel il est seulement indiqué [traduction] « Saskatoon (vol ExpressAir) » sans préciser la destination ni la ville de départ.

[29]  Ce tableau (pièce A-10) se termine par les mentions [traduction] « Total des vols explicitement à destination de Regina avec Tyler à bord : 1 987,95 $ » et [traduction] « Total des vols explicitement à destination de l’Ontario avec Tyler à bord : 2 231,06 $ ». Je comprends du témoignage de l’appelant qu’au moins la plupart de ces vols [traduction] « à destination de l’Ontario » sont en fait des vols de retour à Ottawa ayant quitté Regina et qu’au moins la plupart des vols [traduction] « à destination de Regina » sont partis d’Ottawa. Je note la similarité du coût total de ces vols [traduction] « à destination de l’Ontario » et de ces vols [traduction] « à destination de Regina », ce qui laisse aussi supposer qu’il s’agissait d’allers simples en directions opposées entre les deux mêmes villes – Ottawa et Regina.

[30]  Le document indique également [traduction] « Dépense totale pour l’achat de passes de 10 vols : 12 735,10 $ ». L’appelant a indiqué dans son témoignage qu’au moins la plupart de ces passes ont été utilisées pour des vols d’Ottawa à Regina.

[31]  Le document n’indique pas clairement quels vols font l’objet des déductions. L’appelant et sa conjointe ont certainement pris leurs vols vers Athènes à titre personnel, comme l’a sans doute fait sa conjointe pour le vol du 9 juillet 2013, puisque monsieur prenait ce jour-là un vol d’Ottawa à Regina. Vu que le document (pièce A-10) ne distingue pas les vols effectués à titre personnel des vols prétendument faits par affaires, cet élément de preuve a peu d’utilité. Rien n’indique clairement quels vols effectués pendant la période pertinente de 14 ou 15 mois l’appelant déduit à titre de dépenses. On comprend qu’il prétend que les vols qu’il a pris pour faire la navette entre Ottawa et Regina sont déductibles. J’ignore pour quels autres vols il demande une déduction.

[32]  Les éléments de preuve soumis par l’appelant indiquent qu’il prenait l’avion pour faire la navette entre Ottawa et Regina chaque semaine, parfois deux fois par semaine selon ce qu’il a dit. Il a reconnu avoir utilisé sa carte de crédit AmEx pour régler des dépenses d’affaires et personnelles.

[33]  Les frais de transport aérien qu’il prétend être déductibles sont des dépenses aériennes engagées pour faire la navette entre Ottawa et Regina. Je considère que l’appelant a effectué ces déplacements à titre personnel, non dans l’exercice des fonctions de son emploi. Il est bien établi en droit que les frais engagés pour faire la navette entre son domicile et son lieu de travail sont généralement considérés comme des dépenses personnelles, donc non déductibles à titre de dépenses d’emploi. Voir l’arrêt Barry c. Canada, 2014 CAF 280, au paragraphe 15.

[34]  Par conséquent, la question préliminaire à trancher quant à l’application de l’alinéa 8(1)h) consiste à déterminer si faire la navette entre Ottawa et Regina équivaut à « se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi », comme l’indique cette disposition, ou s’il s’agit simplement de déplacements personnels qui ne sont donc pas considérés comme des déplacements effectués dans l’exercice des fonctions de son emploi.

[35]  L’appelant affirme qu’Ottawa était un lieu d’emploi pour lui et que ses déplacements entre Ottawa et Regina étaient faits dans l’exercice des fonctions de son emploi, non simplement des déplacements personnels. À cet égard, il s’appuie sur le fait qu’il a effectué une partie de son travail à son domicile d’Ottawa et fait valoir que cela fait d’Ottawa un lieu d’emploi pour lui.

[36]  L’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il a travaillé pour ATI à partir de son domicile d’Ottawa [traduction] « à plusieurs reprises », les lundis ou vendredis de 2012 et 2013, et que [traduction] « lorsqu’il pouvait trouver le moyen de le faire les deux jours [le lundi et le vendredi], il le faisait ». Par contre, rien ne prouve que ce travail intermittent à domicile – qui consistait en [traduction] « des conférences téléphoniques, des réunions de projet, des comptes rendus, des réunions par Skype et des tâches administratives » – était une condition de son emploi chez ATI plutôt qu’un simple choix de l’appelant d’organiser son horaire [traduction] « à plusieurs reprises » de façon à passer une journée de travail précédant ou suivant un week-end chez lui, à Ottawa, plutôt qu’en Saskatchewan. De plus, peu d’éléments de preuve démontrent qu’il a effectivement un bureau à domicile. Aucune photographie de ce bureau à domicile n’a été présentée et aucun témoignage ne l’a décrit. L’appelant n’a pas non plus déduit de frais de bureau à domicile.

[37]  Le fait qu’un employé ait la possibilité de [traduction] « trouver le moyen » de faire une partie de son travail à domicile (par exemple en recevant ou en faisant à domicile des appels pour le travail ou en préparant ses présentations à la maison) ne fait pas pour autant du domicile un lieu d’emploi. Dans la décision McCreath c. La Reine, 2008 CCI 595, la Cour, sous la plume de la juge Campbell, a conclu qu’un contribuable à qui l’employeur a assigné un bureau à son lieu d’emploi, situé à 55 kilomètres de son domicile, et qui choisit néanmoins d’exercer la majorité des fonctions de son emploi à son domicile n’établit pas de ce fait que son domicile est un lieu d’emploi afin de pouvoir justifier la non-déclaration d’une allocation de déplacement calculée selon le kilométrage qu’il reçoit de l’employeur lorsqu’il se déplace entre son domicile et le lieu d’emploi de l’employeur où il a un bureau, et qu’il en va de même pour les déplacements que ce contribuable effectue entre son domicile et d’autres lieux de la même région pour exercer des fonctions liées à son emploi.

[38]  Au paragraphe 12 de la décision McCreath, la Cour a écrit que certaines décisions judiciaires ayant établi comme exception que la résidence d’un contribuable constitue une base d’emploi ne peuvent pas être appliquées à des affaires où

… le contribuable décide de travailler à partir de chez lui alors que l’employeur lui fournit déjà un bureau.

[et en outre]

Le bureau à domicile de l’appelant ne peut pas être considéré comme un prolongement du bureau situé au siège social de l’employeur, et, par conséquent, on ne peut pas considérer que les frais de déplacement ont été engagés pour voyager d’un lieu de travail à l’autre. Les déplacements de l’appelant étaient faits entre son domicile, où il avait choisi, par souci de commodité, d’accomplir la majorité de ses fonctions de président de la NSLC, et son lieu de travail situé au siège social de la NSLC [à 55 kilomètres de son domicile].

[39]  Je considère que la situation est la même dans le présent appel, sans tenir compte de la distance entre le domicile de l’employé et le bureau que l’employeur lui a assigné. Les deux endroits pourraient être situés dans la même municipalité régionale, comme c’est le cas dans l’affaire McCreath, ou dans des provinces différentes, très distancées l’une de l’autre.

[40]  Je considère que la précision contenue dans le contrat d’emploi du 31 juillet 2012, selon laquelle l’appelant allait occuper son nouvel emploi [traduction] « dans nos locaux d’Ottawa, en Ontario [les locaux d’ATI], dont l’adresse est encore à déterminer », ne modifie pas la conclusion tirée plus haut. Celle-ci est justifiée par deux faits jumelés, à savoir que rien ne prouve qu’ATI a fait l’effort de trouver des locaux à Ottawa pendant la période pertinente et qu’il n’y a absolument aucune référence dans le contrat d’emploi ni aucun élément de preuve, en général, qui démontre que le nouvel emploi supposait des fonctions pertinentes à exercer à Ottawa plutôt qu’à Regina et en Saskatchewan.

[41]  Les frais de transport aérien engagés par l’appelant pour faire la navette entre Ottawa et Regina sont des dépenses personnelles, tout comme le seraient les frais afférents à son véhicule à moteur s’il avait habité la banlieue de Regina et qu’il avait utilisé chaque jour son véhicule personnel pour faire la navette entre cette résidence et le lieu d’emploi de son employeur, au centre-ville de Regina. Le lieu de résidence d’un contribuable découle d’une décision personnelle, et les frais engagés pour faire la navette entre ce lieu de résidence et le lieu d’affaires de son employeur sont des dépenses personnelles; ils ne sont donc pas déductibles à titre de dépenses d’emploi.

[42]  La preuve montre que l’appelant se rendait essentiellement chaque semaine à Regina, où se situait le bureau que lui fournissait ATI (il avait aussi un bureau fourni par ATI à Moose Jaw). Cela est conforme au contrat d’emploi du 31 juillet 2012, qui fait spécifiquement référence à Regina pour l’exercice des fonctions de son emploi. En ce qui concerne les déplacements aériens à des fins d’emploi entre Ottawa et d’autres destinations, le tableau de la pièce A-10 montre plusieurs vols entre Ottawa et Toronto, ainsi qu’un vol vers Atlanta et vers Denver. J’ai entendu peu de choses au sujet de ces déplacements.

[43]  En outre, je note que le contrat d’emploi du 31 juillet 2012 mentionne ceci : [traduction] « Vous serez indemnisé pour vos déplacements vers notre siège social, établi dans la région d’Atlanta, en Géorgie, et vers quelques réunions préalablement approuvées avec des clients en dehors de nos nouveaux locaux de Regina ».

[44]  Cependant, l’appelant a fourni peu d’éléments de preuve, voire aucun, quant aux déplacements pour lesquels il a été indemnisé. Peut-être a-t-il été indemnisé pour les vols vers Toronto et peut-être aussi, pour celui vers Denver. Selon ce qu’indique le contrat d’emploi, il semble qu’il aurait été indemnisé pour le vol à destination d’Atlanta. Il paraîtrait extrême qu’un employeur exige qu’un employé paie personnellement les vols qu’il effectue de toute évidence à des fins d’emploi – d’autant plus lorsque le coût de ces vols est élevé, par exemple pour le vol Ottawa-Toronto du 7 mars 2013 qui a soi-disant coûté 1 318 $ selon la pièce A-10. Je pense qu’un employé ne paierait probablement pas un prix si élevé pour cet itinéraire s’il savait que c’est lui-même – plutôt que l’employeur – qui devra le payer, même s’il est déductible.

[45]  Aussi, j’ai entendu de nombreux témoignages de l’appelant quant aux déplacements vers d’autres régions du Canada et des États-Unis, non seulement quant aux déplacements à partir ou à destination de Regina, mais le tableau (pièce A-10) qu’il a lui-même préparé en fonction de ses relevés AmEx montre relativement peu de vols à partir ou à destination d’endroits autres que Regina.

[46]  En outre, je renvoie à la nature des documents soumis par l’appelant pour prouver les frais de transport aérien qu’il a déduits. J’ai déjà décrit ces éléments de preuve. Essentiellement, il s’agit de tous les relevés de sa carte de crédit AmEx, qui couvrent une bonne partie des deux années, et il a indiqué avoir utilisé cette carte à la fois par affaires et pour ses loisirs. Aucune documentation organisée n’explique lesquels de ces vols ont été déduits à des fins d’emploi, ni leur itinéraire, ni leur prix, ni pourquoi ils n’ont pas été remboursés par l’employeur qui, dans le contrat d’emploi, mentionnait qu’il y aurait indemnisation pour certains déplacements préalablement organisés vers des endroits autres que Regina. Par conséquent, je conclus que ces documents ne respectent pas les exigences prescrites par le paragraphe 230(1) de la Loi, selon lequel cette documentation doit être tenue par le contribuable…

dans la forme et renfermant les renseignements qui permettent d’établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi, ou des impôts ou autres sommes qui auraient dû être déduites, retenues ou perçues.

[47]  Enfin, relativement aux dépenses aériennes, peut-on dire que l’alinéa 8(1)h) permet la déduction des frais de déplacement de l’appelant entre Ottawa et Regina qui ne lui ont pas été remboursés pour le motif qu’aux termes du sous-alinéa 8(1)h)(i), l’appelant était habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi « ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits »?

[48]  Au paragraphe 17 de la décision Royer v. Canada, 99 DTC 683 (CCI), la Cour a déterminé que ce libellé signifie que lorsqu’un employé doit travailler, à la discrétion de l’employeur, à plusieurs endroits différents, notamment à son lieu d’emploi habituel (en l’espèce, à Regina), les frais engagés par l’employé pour se déplacer entre son lieu d’emploi habituel et son domicile demeurent des dépenses personnelles et ne sont donc pas déductibles. La preuve démontre que les déplacements vers des localités de la Saskatchewan ont été effectués en passant par Regina, où ATI et l’appelant avaient des bureaux, non en passant par Ottawa.

[49]  En résumé, je conclus que les frais de transport aérien déduits par l’appelant concernent en majeure partie des déplacements aériens personnels effectués pour faire la navette entre Ottawa et Regina, et qu’ils ne pouvaient donc pas être déduits à titre de dépenses d’emploi. Quant aux autres frais de transport aérien déclarés à titre de dépenses d’emploi déductibles en application de l’alinéa 8(1)h) de la Loi, je conclus que la preuve est insuffisante quant à la détermination précise de ces vols (par opposition aux vols effectués à titre personnel, dont aucune distinction n’est faite dans la pièce A-10), quant aux fins d’emploi précises de chacun de ces vols et quant à la raison pour laquelle ATI, l’employeur, n’a sans doute pas indemnisé l’appelant pour le coût de ces vols, comme le contrat d’emploi du 31 juillet 2012 indiquait que cela serait fait pour les déplacements vers [traduction] « quelques réunions préalablement approuvées […] en dehors de nos nouveaux locaux de Regina ».

[50]  À cet égard, il aurait pu être utile d’obtenir des éléments de preuve d’un représentant d’ATI au courant de la situation. L’appelant a affirmé ne pas être en bons termes avec ATI parce que son employeur actuel est un concurrent d’ATI, mais ce n’est pas une raison de ne pas avoir remis à un ou à plusieurs employés d’ATI une citation à comparaître duces tecum. Je n’ai aucune raison de penser que ces personnes n’auraient pas offert, sous la foi du serment ou d’une affirmation solennelle, un témoignage véridique du contenu des documents pertinents d’ATI.

Frais d’hébergement et de repas à Regina

[51]  Il s’ensuit que les frais payés pour se loger à Regina – dans une chambre d’hôtel ou un appartement loué – ne sont pas déductibles à titre de frais de déplacement. Comme il a été déterminé plus haut, le principal bureau d’emploi de l’appelant était situé à Regina. Le fait qu’il n’habitait pas suffisamment près pour être en mesure de retourner chez lui chaque soir après une journée de travail à son bureau de Regina est un aspect du choix personnel que l’appelant a fait de conserver sa lointaine résidence d’Ottawa au lieu de déménager à Regina. Par conséquent, je n’accepte pas à titre de dépenses non personnelles, donc déductibles, les frais d’hébergement, de location d’appartement et de services publics connexes qu’il a déduits.

[52]  La même conclusion s’appliquerait aux repas personnels pris à Regina, c’est-à-dire aux repas autres qu’à des fins liées à l’emploi – de telles fins étant, par exemple, d’offrir un repas ou un divertissement à un client potentiel ou à un membre du personnel d’ATI, à l’occasion. Les repas personnels seraient des dépenses personnelles, donc non déductibles. L’appelant a dit qu’il a seulement déduit des repas [traduction] « personnels » et je retiens de ce terme qu’il parlait de repas qu’il a lui-même pris et qui n’avaient pas pour but de divertir un client ni d’exercer des fonctions propres à son emploi.

[53]  Les éléments de preuve ne sont pas du tout détaillés ni spécifiques à l’égard des repas déduits. En outre, le témoignage de l’appelant – selon lequel il était loin de chez lui et devait manger, n’ayant pas apporté de sandwich – ne bénéficie pas à sa cause. Il était loin de chez lui parce qu’il a lui-même choisi de conserver sa lointaine résidence d’Ottawa, ce qui est correct en soi, mais la décision qu’il a prise d’accepter un emploi situé à Regina – très loin de son domicile – ne l’autorise aucunement à prendre les repas qu’il a pris à Regina, son lieu d’emploi, et de les faire subventionner aux termes de la Loi à titre de dépenses déductibles.

Frais de véhicule à moteur

[54]  Je crois comprendre que les frais de véhicule à moteur qui ont été déduits se rapportent à l’usage que l’appelant a fait de son propre véhicule en Saskatchewan et aux environs. Le formulaire T2200 de 2016 indique que l’appelant disposait d’un véhicule de fonction et que les frais liés à l’usage qu’en ferait l’appelant seraient payés par l’employeur, ATI. L’appelant a reconnu qu’il avait accès à divers véhicules d’ATI en Saskatchewan. Cependant, il a dit qu’il n’aimait aucun des véhicules qui étaient mis à sa disposition parce qu’il s’agissait de véhicules de [traduction] « construction », indiquant qu’ils étaient donc inappropriés pour se déplacer en Saskatchewan et aux environs afin de rencontrer des cadres.

[55]  La preuve n’indique pas si cela signifie que l’employeur s’attendait à ce que l’appelant conduise une camionnette, par exemple. Dans le formulaire T2200 de 2018 que l’appelant a lui-même rempli, ce dernier a indiqué qu’aucun véhicule de fonction n’était mis à sa disposition. Pourtant, le formulaire de 2016 préparé par le conseiller en RH, que l’appelant a aussi envoyé à l’ARC, mentionnait qu’il avait accès à un véhicule de fonction et que l’entreprise en paierait les frais. Je suppose que si ce n’était pas vrai, l’appelant en aurait dit quelque chose à l’ARC, mais il a indiqué dans son témoignage qu’il n’avait soulevé auprès de l’ARC aucune erreur dans les formulaires T2200 de 2016. Cela a été fait seulement en 2018, après que l’appelant ait retenu les services d’un avocat et que le présent appel ait été interjeté.

[56]  Cette déduction serait conforme à l’alinéa 8(1)h.1), qui traite des frais de déplacement afférents à un véhicule à moteur, dont j’ai déjà parlé. Comme je l’ai aussi mentionné plus haut, le paragraphe 8(10) exige que la déduction de frais aux termes de cet alinéa soit étayée par une déclaration dans le formulaire T2200 applicable. En l’espèce, dans le formulaire T2200 applicable, soit la version de 2016, rien n’indique que l’appelant était tenu d’utiliser son propre véhicule. La phrase pertinente indique plutôt qu’ATI, en tant qu’employeur, mettrait un véhicule à la disposition de l’appelant et en paierait tous les frais. C’est par choix que l’appelant a utilisé son propre véhicule.

[57]  Par conséquent, je refuserais cette déduction.

[58]  Je vais cependant poursuivre. L’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il avait tenu un registre des déplacements qu’il a effectués pour son emploi avec son propre véhicule à moteur, mais que l’ARC l’a perdu. Encore une fois, l’appelant a fait l’erreur de ne pas se prémunir contre une telle éventualité par la conservation d’une copie de ce registre. De plus, l’appelant n’a cité aucun agent de l’ARC à comparaître pour corroborer qu’il avait vu le registre des déplacements en véhicule à moteur que l’appelant dit avoir envoyé à l’ARC et qu’elle aurait prétendument perdu par la suite.

[59]  En l’absence de ce registre, l’appelant a présenté un élément de preuve documentaire faisant l’estimation du kilométrage moyen parcouru quotidiennement en Saskatchewan. On n’a déposé en preuve aucun journal personnel (en l’absence d’un registre) qui aurait pu montrer ses réels déplacements en véhicule à moteur, essentiellement en Saskatchewan. Par exemple, dans la pièce A-24, qui consiste en deux déclarations dactylographiées de l’appelant, seule la première déclaration aborde les frais afférents au véhicule à moteur. Elle se lit comme suit : [traduction] « Je suppose 2 allers-retours par semaine à Saskatoon à raison de 500 kilomètres chacun x 4 semaines = [sic] 52 000 km x 0,455 $/km = 23 600 $ ». Il s’agit manifestement d’une estimation.

[60]  En outre, il n’est pas clairement indiqué si le montant de la déduction inclut les dépenses engagées pour l’utilisation du véhicule entre Ottawa et Regina. La preuve démontre qu’il a utilisé son véhicule personnel entre Ottawa et la Saskatchewan à deux reprises – lors du premier et dernier déplacement effectué avec son véhicule dans le cadre de son emploi chez ATI et en décembre 2012, pendant la période des Fêtes, où il a roulé de la Saskatchewan jusqu’à Ottawa pour ensuite retourner en Saskatchewan. À mes yeux, ce sont là des déplacements personnels au même titre que l’aller-retour aérien effectué à titre personnel entre Ottawa et Regina. J’ignore si l’appelant a inclus les frais de ce voyage dans sa déduction. Je suppose qu’il l’a fait, car cela suivrait la logique de sa déduction des frais engagés pour ses vols entre Ottawa et Regina. En supposant qu’il ait inclus la distance parcourue pour un aller simple (qui est trop élevée de 2 500 kilomètres) à quatre reprises, le kilométrage total de sa déduction serait sensiblement différent.

[61]  Alors, aussi pour le motif d’une documentation inadéquate, qui va à l’encontre des paragraphes 230(1) et (6) de la Loi, je ne puis autoriser l’appelant à déduire des frais de déplacement afférents à un véhicule à moteur pour les années d’imposition 2012 et 2013. À cet égard, le contrat d’emploi du 31 juillet 2012 indique qu’au moins une partie de ces déplacements serait couverte par ATI. Je n’ai aucune information quant à la mesure dans laquelle cela a été fait ou ne l’a pas été, le cas échéant, ni pourquoi.

Frais de repas et de divertissement

[62]  Les éléments de preuve déposés relativement aux aliments, aux boissons et aux divertissements sont également inadéquats. Je fais de nouveau référence à la pièce A-24, dans laquelle la seconde déclaration dactylographiée de l’appelant se lit comme suit : [traduction] « Je suppose 10 repas par semaine x 4 semaines par mois sur une période de 13 mois = 520 repas x 15,15 $ par repas = 7 878 $ ». Ce montant de 7 878 $ est proche du total de 7 645 $ indiqué pour les deux déductions au paragraphe 2 en l’espèce (c.-à-d. le montant particulièrement rond de 3 500 $ en 2012 et les 4 145 $ en 2013). Ici encore, la somme déduite est basée sur des suppositions, non sur des sommes précises et prouvées et des déplacements consignés dans un journal. Cela ne respecte pas les exigences des paragraphes 230(1) et (6) précités. S’ils avaient été documentés correctement, quelques-uns ou un bon nombre des repas pris sur les routes de la Saskatchewan, à l’extérieur de Regina, auraient peut-être pu être déductibles. Cependant, sans une preuve dans la forme de documents précis, comme la Loi le spécifie, une déduction ne peut être permise. J’ai abordé plus haut la prétention selon laquelle des documents ont été envoyés à l’ARC et n’ont pas été retournés.

Téléphone cellulaire

[63]  L’appelant a déduit des frais de téléphonie cellulaire Fido de 400,85 $ pour l’année d’imposition 2012 et de 2 636,77 $ pour l’année d’imposition 2013, soit un total de 3 036,77 $. L’ensemble des frais qui lui ont été facturés par Fido pour cette période est légèrement plus élevé, soit 3 257,42 $. L’appelant avait également un compte de téléphonie cellulaire avec Rogers pour sa résidence d’Ottawa. Dans son témoignage, il a indiqué que le téléphone Fido était utilisé pour le travail et que les prix étaient élevés à cette époque, notamment en ce qui concerne les données. Aucun élément de preuve n’indique dans quelle mesure, s’il y a lieu, le téléphone Fido a été utilisé pour faire des appels personnels plutôt que professionnels. L’appelant a déduit un peu plus de 93 % de la facture totale de Fido. Les frais sont indiqués dans la pièce A-27 et documentés dans les relevés AmEx (pièce A-11).

[64]  J’accorderai 80 % des frais déduits, c’est-à-dire 320,68 $ pour l’année d’imposition 2012 et 2 109,42 $ pour l’année d’imposition 2013. Dans son témoignage, l’appelant n’a pas indiqué clairement que ces frais étaient tous liés à son emploi ni qu’il n’a pas utilisé le téléphone Fido pour des appels personnels; mais l’avocate de l’intimée n’a pas non plus creusé ce point habituel pendant son contre-interrogatoire. J’ai également des réserves quant au montant étonnamment élevé et rond de 700 $ qu’indique la pièce A-27 comme étant les frais facturés par Fido pour la transaction du 21 janvier 2013. Aucune explication n’a été fournie à ce sujet. Je note qu’aucuns frais mensuels n’ont été facturés en décembre 2012, mais malgré cela, les 700 $ semblent excessifs, arbitraires et sans explication. Cela fait partie de la raison pour laquelle j’ai réduit à 80 % la déduction totale (qui inclut ces frais de 700 $).

[65]  Les deux formulaires T2200 de 2016 (relatifs à 2012 et à 2013) indiquent que l’appelant, comme condition d’emploi, devait [traduction] « payer pour l’utilisation d’un téléphone cellulaire ».

Logement (Saskatoon, Whitby, Toronto)

[66]  La pièce A-13 de l’appelant présente la ventilation de frais de [traduction] « logement » tirés de ses relevés AmEx. L’appelant y déclare un séjour à Regina, 15 séjours dans des hôtels de Saskatoon, un séjour dans un hôtel de Whitby et un séjour dans un hôtel de Toronto; tous des séjours d’une nuit, à l’exception d’un séjour de deux nuits à Saskatoon. Aussi, la ventilation montre que deux des séjours à Saskatoon ont été effectués du [traduction] « 24-sept-12 » au [traduction] « 25-sept-12 », au même hôtel, et que les frais sont à peu près identiques – « 234,5 $ » et « 254,5 $ ».

[67]  J’ai en tête une phrase du contrat d’emploi du 31 juillet 2012 qui dit que l’appelant sera [traduction] « indemnisé pour [ses] déplacements vers […] quelques réunions préalablement approuvées avec des clients en dehors de nos nouveaux locaux de Regina ». La preuve est totalement inadéquate quant aux déplacements vers Saskatoon pour lesquels l’appelant a été [traduction« indemnisé » par l’employeur, à savoir s’il a reçu une indemnité pour chacun, pour quelques-uns ou pour aucun de ses déplacements. Plutôt que de refuser la totalité de la déduction (notant que dans ce cas, les sommes pertinentes sont précisées, non seulement estimées), je tiendrai compte de tous les éléments de preuve et du comportement de l’appelant, je donnerai à ce dernier le bénéfice du doute et j’accorderai la moitié de tous les frais engagés à Saskatoon (moins les trois factures pour une seconde chambre, la même nuit, c’est-à-dire 235,4 $ (24-25 sept. 2012), 178,40 $ (4-5 nov. 2012) et 189,62 $ (19-20 nov. 2012)) pour un total de 3 005,48 $ divisé par deux, soit 1 502,74 $. De plus, j’accorderai la moitié des 189,83 $ facturés pour l’unique séjour à Whitby, c’est-à-dire 94,92 $, ainsi que la moitié des 308,23 $ pour le séjour à Toronto, c’est-à-dire 154,12 $. Pour les motifs énoncés plus haut à l’égard de la déduction de frais d’hébergement à Regina, je n’accorderai pas les 651,41 $ facturés pour le séjour du [traduction« 17-août-12 » à Regina qui figurent sur la pièce, ni aucune des trois factures de location d’un appartement à Regina dont les montants sont inscrits au bas de la pièce, à savoir 976,64 $, 16 200 $ et 4 940 $. Par conséquent, le montant total accordé à cet égard est de 1 502,74 $ + 94,92 $ + 154,12 $ = 1 751,78 $. De ce total, les montants de 1 091,43 $ et de 660,35 $ sont attribuables aux années d’imposition 2012 et 2013 respectivement.

Stationnement

[68]  Les frais de stationnement n’ont pas été plaidés comme une dépense à déduire, mais lors de l’audience, l’intimée ne s’est pas spécialement opposée à l’inclusion des frais de stationnement dans la déduction. La pièce A-21 est une liste dressée par l’appelant des frais de stationnement tirés de ses relevés AmEx, bien que cette liste ne fasse pas référence à l’emplacement des stationnements, ce qui aurait été commode. Après avoir examiné les relevés AmEx (pièce A-11), je suis disposé à accorder la déduction de tous les frais de stationnement en application de l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi, ces frais, si je comprends bien, se rapportant au stationnement d’un véhicule à proximité du bureau que lui a assigné son employeur, au centre-ville de Regina. Cependant, je n’inclus pas les divers frais de stationnement à l’aéroport de Regina qui, d’après mon examen de la pièce A-11, ont aussi été inclus. J’estime que ces frais auraient fait partie de son déplacement personnel entre Regina et Ottawa, comme je l’ai mentionné plus haut.

[69]  Par conséquent, du total des frais de stationnement de 719,50 $ indiqué dans la pièce A-21 pour l’année 2012, je refuse les frais de stationnement à la RAA (l’administration aéroportuaire de Regina) de 44 $, 41 $, 44 $, 53,50 $ et 33 $, ce qui laisse un montant déductible de 504 $. De même, un montant de 460,50 $ a été déduit pour l’année d’imposition 2013. Je refuserai les frais de stationnement à la RAA de 61,50 $ et 55 $, ce qui laisse un montant déductible de 344 $.

Conclusion

[70]  En conclusion, le présent appel sera accueilli dans la mesure des sommes dont il est question aux paragraphes 65, 68 et 70. Les nouvelles cotisations visées par l’appel sont renvoyées à la ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en conséquence. Vu le succès partagé de la présente procédure informelle, aucuns dépens ne seront adjugés.

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 15e jour d’août 2019.

« B. Russell »

Le juge Russell


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 169

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-4706(IT)I

INTITULÉ :

TYLER MACDONALD c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 novembre 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 août 2019

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Jean-Michel Cazabon

Me Susan Tataryn

Avocat de l’intimée :

Me Montano Cabezas

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Jean-Michel Cazabon

Me Susan Tataryn

 

Cabinet :

Tataryn Law

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 

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