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Dossier : 2018-40(GST)I

ENTRE :

JULES FILION,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 9 janvier 2019, à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Michelle Picard

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 31 janvier 2017 et porte le numéro 378798, pour la période du 1er juillet 2016 au 30 septembre 2016 est accueilli à l’égard seulement du crédit de taxe sur intrants relativement à la facture de Mikhaël Ange Peinture de Toiture Inc. et est rejeté à tous autres égards. Par conséquent, la cotisation est déférée au ministre de revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d’accorder un crédit de taxe sur intrants de 150$ relativement à la facture précitée, le tout conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal (Québec), ce 27e jour d’août 2019.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2019 CCI 175

Date : 20190827

Dossier : 2018-40(GST)I

ENTRE :

JULES FILION,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  L’appelant interjette appel d’une cotisation établie en vertu de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, telle que modifiée, (la « LTA ») par le ministre du Revenu du Québec, en tant que mandataire du ministre du Revenu national, (le « ministre ») dont l’avis est daté du 31 janvier 2017 et porte le numéro 378798, pour la période du 1er juillet 2016 au 30 septembre 2016.

[2]  Les montants cotisés en vertu de la cotisation du 31 janvier 2017 sont les suivants :

Ajustements au calcul de la taxe nette déclarée

 

9 700 $

Intérêt net

 

16,79 $

Total (montant dû)

9 716,79 $

[3]  Les ajustements apportés au calcul de la taxe nette déclarée se ventilent comme suit :

Taxe sur les produits et services (TPS) perçue ou percevable en trop

(4 000 $)

 

Crédits de taxe sur les intrants (CTI) demandés et obtenus, en trop, sans droit

13 700 $

Total (montant dû)

9 700 $

[4]  La TPS perçue ou percevable en trop au montant de 4 000 $ représente un remboursement de TPS sur une automobile non admissible.

[5]  Les CTI demandés en trop, par erreur ou sans droit, au montant de 13 700 $ se ventilent comme suit :

CTI demandés et obtenus pour un véhicule récréatif utilisé à des fins personnelles et non commerciales

13 550 $

CTI demandés et obtenus sans une pièce justificative conforme (Mikhaël Ange Peinture de Toiture Inc.)

150 $

Total

13 700 $

[6]  Pour établir la cotisation en litige, le ministre s’est basé sur les faits et hypothèses suivants :

  • a) la société Jules Filion Enr. opère dans l’achat et la vente de divers véhicules usagés;

  • b) l’appelant effectue la vente de véhicules usagés et la location commerciale, il s’agit donc d’une fourniture taxable à 100%;

VR ÉCHANGÉ ET VR ACQUIS

  • c) l’appelant a vendu un véhicule de marque Gulf Stre 2008 Super Nova W6331 1HTMPAFM78H542001 (« VR échangé ») à l’extérieur du Québec en échange d’un autre véhicule récréatif de marque Entegra 2013 Anthem 4VZBU1D92CC075442 (« VR acquis »);

  • d) le 29 septembre 2016, l’appelant est devenu propriétaire du VR acquis suite à l’achat dudit véhicule au fournisseur VR St-Nicolas, au coût de 270 000 $;

  • e) comme l’appelant a acquis ledit véhicule en échange d’un autre, un phénomène de compensation s’est opéré de manière à ce que la valeur de l’échange soit la suivante :

Valeur du véhicule acquis

270 000 $

Valeur du véhicule échangé

80 000 $

Sous-total

190 000 $

TPS

9 500 $

TVQ

18 962,50 $

Total (payé par traite bancaire le 28 septembre 2016)

218 462,50 $

  • f) l’appelant a perçu la TPS sur le montant net de 190 000 $;

  • g) c’est sur la base du calcul figurant au sous-paragraphe e) que l’appelant a réclamé les CTI;

  • h) à ce sujet, le Ministre a d’une part refusé les CTI, puisque l’opposant a utilisé le VR acquis à des fins personnelles plutôt que commerciales;

  • i) subsidiairement, le calcul de la TPS à payer ainsi que des CTI à réclamer aurait dû être calculé sur le montant de 270 000 $ plutôt que sur celui de 190 000 $ faisant en sorte les CTI refusés aurait (sic) dû être de 13 500 $;

  • j) les faits permettant au Ministre de refuser les CTI réclamés sur la base que le VR acquis a été utilisé à des fins personnelles plutôt que dans le cadre des activités commerciales sont notamment les suivants :

  1. en septembre 2016, l’appelant a acheté le VR acquis, lequel affichait un kilométrage de 40 800;

  2. il apparaît au registre de la SAAQ que l’appelant a immatriculé le VR acquis à son nom;

  3. l’appelant a assuré personnellement le VR acquis;

  4. l’appelant a vendu le VR acquis le 22 août 2017, soit après la fermeture du dossier de vérification;

  5. au moment de la vente du VR acquis en août 2017, le kilométrage apparaissant sur le contrat de vente était de 50 718 km;

  6. entre son acquisition en septembre 2016 et sa revente en août 2017, le VR acquis avait parcouru 9 918 km;

  7. l’appelant n’a pas été en mesure de justifier le kilométrage parcouru;

  • k) quant au VR échangé que l’appelant a acheté le 29 décembre 2015 avec 81 000 km à l’odomètre, celui-ci a également était (sic) utilisé à des fins personnelles plutôt que dans le cadre d’activités commerciales notamment pour les raisons suivantes :

  1. l’appelant a immatriculé et assuré le VR échangé le 15 juin 2016;

  2. l’appelant a vendu le VR échangé le 6 octobre 2016, date à laquelle l’odomètre affichait 99 000 km;

  3. le véhicule échangé a été immatriculé au nom de l’appelant et était assuré en son nom personnel;

  4. ainsi entre le moment de l’achat et de la vente, 18 000 km ont été parcourus pendant les 10 mois de détention du véhicule par l’appelant;

  5. l’appelant a également utilisé à des fins personnelles le VR échangé;

  6. ainsi, les CTI refusés au montant de 50 $ relativement aux frais d’entretien et de réparation du fournisseur La Belle Armoire l’ont été puisque ledit véhicule a été utilisé à des fins personnelles pour les raisons mentionnées précédemment;

INTRANTS REFUSÉS SUR LA FACTURE ÉMISE PAR MIKHAËL ANGE PEINTURE DE TOITURE INC.;

  • l) Les CTI de 150 $ relativement à la facture Mikhaël Ange Peinture de Toiture inc. ont été refusés puisque cette facture ne contient aucune date;

[7]  Les questions en litige sont les suivantes :

  • a) est-ce que le VR acquis et le VR échangé ont été utilisés par l’appelant à des fins personnelles ou dans le cadre de ses activités commerciales?

  • b) si la réponse aux questions précédentes est que l’appelant a utilisé le VR acquis et le VR échangé à des fins personnelles, est-ce que l’appelant a demandé, dans le calcul de sa taxe nette pour la période visée, des CTI en trop, par erreur ou sans droit pour un montant de 13 550 $?

  • c) Est-ce que l’appelant pouvait réclamer des CTI relativement à la facture de Mikhaël Ange Peinture de Toiture Inc.?

[8]  À l’ouverture de l’audience, l’intimée a concédé les CTI relativement à la facture de Mikhaël Ange Peinture de Toiture Inc. parce qu’elle concernait la couverture métallique sur une bâtisse commerciale appartenant à l’appelant.

[9]  Monsieur Filion a témoigné à l’audience. Il a d’abord expliqué et démontré qu’il était membre de l’association des marchands de véhicules d’occasion du Québec Inc. (« AMVOQ ») en mettant en preuve (a) le certificat de membre portant le numéro 15704, émis à son nom personnel et en vigueur pour la période de mai 2016 à avril 2017, (b) le chèque daté du 7 avril 2016 de 631 21 $ fait à l’ordre de l’AMVOQ pour payer sa cotisation de membre pour la période de mai 2016 à avril 2017 et (c) le certificat de membre aux fins du cautionnement de l’AMVOQ (montant de 100 000 $) émis en date du 9 décembre 2016. L’appelant a de plus démontré qu’il était personnellement détenteur d’un permis de commerçant de véhicules routiers émis par la Société de l’assurance-automobile du Québec (la « SAAQ » ) pour la période du 10 décembre 2016 au 30 novembre 2018 (la date de facturation pour le coût du permis était le 31 août 2016, soit durant la période en litige).

[10]  Monsieur Filion a par la suite expliqué les circonstances entourant l’acquisition et la vente de son premier motorisé, le VR échangé. Le véhicule a été acquis par l’appelant en son nom personnel en vertu d’un contrat conclu avec Les Roulottes Rive Sud Inc. Le contrat de vente du véhicule est daté du 5 novembre 2015 et la date de livraison du véhicule prévue au contrat était également le 5 novembre 2015. Le prix du véhicule était de 67 000 $ avant les taxes. Selon le contrat, l’odomètre du véhicule indiquait 81 000 kilomètres.

[11]  Monsieur Filion a immatriculé le véhicule auprès de la SAAQ le 10 juin 2016 en indiquant une lecture de l’odomètre à 81 000 kilomètres.

[12]  Le 16 septembre 2016, monsieur Filion a cédé son véhicule récréatif en échange d’un autre véhicule récréatif, le VR acquis. Le contrat de vente a été conclu avec VR St-Nicolas et la valeur attribuée au VR échangé était de 80 000 $. Le contrat de vente indiquait que l’odomètre du VR échangé était de 99 000 kilomètres.

[13]  Lors de son témoignage, monsieur Filion a indiqué qu’il avait acquis son premier véhicule récréatif dans le but de la revendre. Il a affirmé l’avoir remisé chez lui pendant l’hiver 2015/2016 dans un endroit clôturé après avoir enlevé la batterie. Au cours de cette période, le véhicule n’était pas immatriculé, ni assuré.

[14]  Monsieur Filion a de plus indiqué qu’il a passé l’hiver 2015/2016 en Floride où il possédait une résidence. Ce n’est qu’à son retour de la Floride, qu’il a décidé d’immatriculer et d’assurer son véhicule récréatif dans le but de parcourir les festivals afin de le vendre. Ledit véhicule a été effectivement vendu le 16 septembre 2016 au festival de Saint-Tite.

[15]  Monsieur Filion a également précisé que le kilométrage indiqué au contrat d’achat et lors de l’immatriculation du véhicule auprès de la SAAQ de 81 000 kilomètres était erroné et aurait dû plutôt indiquer 94 179 kilomètres. Monsieur Filion a mis en preuve un document d’offre de vente du véhicule de Monaco Montréal (au prix de 82 500 $ et avec une lecture d’odomètre à 94 179 kilomètres).

[16]  Le VR acquis a été payé 270,000 $ et les taxes ont été calculées sur la base de 190 000 $, soit la différence entre le prix du VR acquis et la valeur du VR échangé. L’odomètre du VR acquis était de 40 800 kilomètres selon le contrat de vente. Monsieur Filion a mis en preuve une offre de vente du véhicule sur lespac.com au prix de 289 995 $ alors que l’odomètre du véhicule indiquait 19,899 milles (sont approximativement 32 024 kilomètres).


[17]  Monsieur Filion a pris possession du VR acquis le 29 septembre 2016 et il a aussitôt contracté un contrat d’assistance routière auprès de la société Corner Stone United, Ltd dans le but de faciliter la revente du véhicule. Le coût de ce contrat de service d’une durée d’une année était de 3 451,55 $ (taxes incluses). Monsieur Filion a, de plus, contracté une police d’assurance personnelle de la société Economical pour la période du 23 décembre 2016 au 23 décembre 2017. Le montant de la prime était de 2 760 $ et la police comportait les garanties suivantes :

  • - Responsabilité civile = 2 000 000 $

  • - Dommages au véhicule par des accidents sans collision, ni versement = 125 000 $

[18]  Lors de son témoignage, monsieur Filion a expliqué qu’il a immatriculé le VR acquis le 7 octobre 2016 et qu’il s’est rendu en Floride dans le but de le revendre en participant à des super rassemblements comme le « Florida RV SuperShow » à Tampa. Puisque le VR acquis n’a pas trouvé preneurs aux États-Unis, monsieur Filion l’a ramené à sa résidence au Québec et il a annulé l’immatriculation du véhicule le 30 avril 2017. Le véhicule a été vendu le 22 août 2017 alors qu’il avait 50 718 kilomètres à l’odomètre.

[19]  Pour démontrer qu’il habitait bel et bien l’unité de logement sis au 3161E Golf Boulevard, Pompano Beach, Floride, lorsqu’il a fait l’acquisition des deux véhicules récréatifs, monsieur Filion a mis en preuve son compte de taxe municipale pour l’année 2016, un compte de la société AT&T pour la période du 6 janvier 2016 au 5 février 2016 et un compte de la société Comcast daté du 21 mars 2014.

[20]  Madame Julie Paquet, technicienne en vérification auprès de l’Agence du revenu du Québec (l’« ARQ »), a témoigné à l’audience et son rapport de vérification a été mis en preuve. Elle a expliqué que le dossier de l’appelant avait été retenu pour vérification parce que le montant des crédits pour taxe sur intrants réclamé était plus élevé que pour les périodes de déclaration antérieures. Elle a effectué la vérification à l’automne de 2016 et son rapport est daté du 25 janvier 2017. Elle a indiqué que les activités de l’entreprise de l’appelant comprenait l’achat et la vente de divers véhicules usagés et la location commerciale de bâtiments. Elle a par contre souligné que ses recherches auprès de la SAAQ ont révélé que, de 1993 à 2016, les deux véhicules récréatifs dont il est ici question sont les seuls véhicules récréatifs qui ont été acquis et vendus par l’appelant.

[21]  Madame Paquet a expliqué qu’elle a apporté des ajustements à la taxe sur les produits et services et aux crédits de taxe sur intrants relativement aux deux véhicules récréatifs de l’appelant parce que ces derniers n’ont pas été acquis dans le but d’être revendus dans le cadre des activités commerciales de l’appelant.

[22]  La vérificatrice a indiqué dans son rapport que, selon le registre de la SAAQ, le kilométrage à l’odomètre du VR échangé était de 81 000 kilomètres lors de l’acquisition au 29 décembre 2015. Le véhicule n’a pas été immatriculé de la date d’acquisition jusqu’au 15 juin 2016 mails il l’a été du 15 juin 2016 jusqu’à la date de l’échange au 6 octobre 2016. Le kilométrage affiché à la SAAQ dans le dossier du nouveau propriétaire était de 99 000 kilomètres au 6 octobre 2016. Sur la base du kilométrage indiqué à la SAAQ, 18 000 kilomètres ont été parcourus pendant les 10 mois de détention par l’appelant.

[23]  La vérificatrice a mentionné dans son rapport que monsieur Filion lui a indiqué que le kilométrage inscrit à la SAAQ lors de l’acquisition du véhicule en 2015 était erroné et qu’il s’était trompé en fournissant l’information à la SAAQ. Selon monsieur Filion, le kilométrage réel à l’acquisition du véhicule était de 94 179 kilomètres. Pour appuyer ses dires, monsieur Filion a transmis à la vérificatrice des documents de tiers, lesquels n’étaient pas signés.

[24]  Concernant le VR acquis, la vérificatrice a indiqué dans son rapport que le véhicule a été immatriculé peu de temps après son acquisition et il a été assuré sur la police d’assurance personnelle de l’appelant. La vérificatrice fait état dans son rapport au fait qu’elle a demandé à monsieur Filion s’il prévoyait partir avec son véhicule récréatif lors de son voyage en Floride et que ce dernier ne lui avait pas fourni une réponse claire à ce sujet après que ce dernier lui ait laissé entrevoir la possibilité qu’il vende le véhicule aux États-Unis si l’occasion se présentait.

Les dispositions législatives applicables

[25]  Les dispositions de la LTA qui sont applicables au présent litige sont les suivantes : les notions d’« activité commerciale » et d’« entreprise » qui sont définies au paragraphe 123, le paragraphe 169(1) qui énonce la règle générale pour le calcul du crédit de taxe sur les intrants et le paragraphe 199(2) qui traite des conditions particulières pour que la taxe payable lors de l’acquisition d’un bien meuble à utiliser comme immobilisation puisse être incluse dans le calcul du crédit de taxe sur les intrants d’un inscrit. Ces dispositions se lisent comme suit :

123(1)  « activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l’exception de quelque projet ou affaire qu’entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures. (commercial activity)

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les commerces, les industries, les professions et toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif, ainsi que les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable. En sont exclus les charges et les emplois. (business)

169(1)  Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

A × B

où :

A  représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

B  :

a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

199(2)  Les règles suivantes s’appliquent à l’inscrit qui acquiert, importe ou transfère dans une province participante un bien meuble à utiliser comme immobilisation :

a) la taxe payable par lui relativement à l’acquisition, à l’importation ou au transfert du bien n’est incluse dans le calcul de son crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration que si le bien est acquis, importé ou transféré, selon le cas, en vue d’être utilisé principalement dans le cadre de ses activités commerciales;

b) pour l’application de la présente partie, il est réputé avoir acquis, importé ou transféré le bien pour l’utiliser exclusivement dans le cadre de ses activités commerciales s’il l’a acquis, importé ou transféré, selon le cas, pour l’utiliser principalement dans ce cadre.

Analyse

[26]  Les documents soumis par monsieur Filion, lesquels sont énumérés au paragraphe 9 ci-dessus, démontrent clairement que ce dernier était au cours de la période en litige un commerçant aux fins de la LTA et que son entreprise consistait à acheter et à vendre au Canada et aux États-Unis des véhicules d’occasion de diverses catégories dont des véhicules récréatifs. À mon avis, l’achat et la vente des deux véhicules récréatifs dont il est ici question constituait le prolongement ou une extension de son entreprise d’achat et de vente de véhicules d’occasion et non pas une nouvelle entreprise. D’ailleurs, selon les informations au dossier, l’appelant a utilisé les mêmes numéros de taxes pour rapporter les transactions relatives aux véhicules récréatifs que ceux qu’il utilisait auparavant pour les autres types de véhicules d’occasion.

[27]  L’acquisition des deux véhicules récréatifs en moins d’une année et leur courte période de détention respective de 10 et 11 mois confirment à toutes fins pratiques qu’ils ont été acquis par l’appelant dans le but d’être revendus, donc dans le cadre de ses activités commerciales.

[28]  Par contre, l’exercice ne s’arrête pas là. Comme l’exige le paragraphe 169(1)(c) de la LTA, il faut déterminer dans quelle mesure, exprimé en termes de pourcentage, l’appelant a-t-il acquis les véhicules récréatifs pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales? La réponse à cette question sert à déterminer le pourcentage de la taxe payée lors de l’acquisition des véhicules récréatifs que l’appelant peut réclamer à titre de crédit de taxe sur les intrants.

[29]  L’alinéa 199(2)(a) de la LTA impose comme condition pour que la taxe payable par l’appelant lors de l’acquisition des véhicules récréatifs puisse être incluse dans le calcul de son crédit de taxe sur intrants, que les biens aient été acquis en vue d’être utilisés principalement dans le cadre de ses activités commerciales. L’alinéa 199(2)(b) de la LTA précise que si les véhicules récréatifs ont été utilisés par un inscrit principalement dans le cadre de ses activités commerciales, ces biens sont alors réputés avoir été acquis exclusivement dans le cadre de ses activités commerciales (i.e. à 100%).

[30]  Dans ce contexte, le mot « principalement » signifie plus de 50% de l’utilisation totale du bien et les mots « en vue d’être utilisé » présuppose une intention au jour de l’acquisition. À cet effet, les tribunaux ont analysé l’utilisation réelle du bien afin de valider l’intention initiale de l’inscrit (voir à ce sujet les décisions Foote c. La Reine, 2007 CCI 46, Coburn Realty Ltd. c. R., 2006 CCI 245 et 9180-2801 Québec Inc. c. R., 2011 CCI 129).


[31]  Dans la présente instance, la preuve ne démontre pas que, selon l’utilisation réelle des véhicules récréatifs, l’intention de l’appelant était au départ de les utiliser principalement pour des fins commerciales. L’appelant n’a pas soumis de preuve suffisante établissant qu’au moment de l’acquisition des deux véhicules récréatifs, le but premier de ces achats était de les utiliser principalement dans le cadre de ses activités commerciales. Si on regarde l’utilisation réelle des véhicules dans les mois suivants leur acquisition, on constate que ceux-ci n’ont été utilisés à toutes fins pratiques qu’à des fins personnelles.

[32]  Dans le cas du VR échangé, l’appelant l’a laissé dans sa cour à sa résidence pendant l’hiver de 2015/2016 et ce n’est qu’à son retour de la Floride qu’il l’a immatriculé pour parcourir les festivals. Dans le cas du VR acquis, l’appelant l’a aussitôt immatriculé pour se rendre en Floride où il a passé l’hiver 2016/2017 alors qu’il était en processus de séparation avec sa conjointe. Ce n’est qu’à son retour de la Floride que l’appelant a entrepris des démarches pour vendre le VR acquis. L’appelant n’a fourni aucune preuve à l’effet qu’il s’était inscrit à des évènements en Floride pour vendre son véhicule récréatif.

[33]  De plus, l’appelant n’a fourni à l’ARQ aucun registre justifiant l’utilisation commerciale de ses véhicules récréatifs. Son témoignage à cet égard était vague et imprécis. L’appelant a été incapable de justifier les déplacements à des fins commerciales de 18 000 kilomètres dans le cas du VR échangé et de 9 918 kilomètres dans le cas du VR acquis. Même en acceptant le fait que l’appelant a fait une erreur en rapportant à la SAAQ le kilométrage de 81 000 kilomètres plutôt que 94 179 kilomètres, ce dernier n’a tout de même pas justifié une utilisation commerciale de 4 821 kilomètres pour le VR échangé.

[34]  Compte tenu de ce qui précède, je suis d’accord avec la position de l’intimée à l’effet que l’appelant n’a pas droit au crédit de taxe sur intrants à l’égard de la taxe payée lors de l’acquisition du VR échangé parce que ce dernier n’a été acquis principalement dans le cadre de ses activités commerciales et parce que le pourcentage d’utilisation à des fins commerciales de ce véhicule récréatif n’a pu être déterminé avec suffisamment de précisions.

[35]  Pour ces raisons, l’appel est accueilli à l’égard seulement des crédits de taxe sur intrants relativement à la facture de Mikhaël Ange Peinture de Toiture Inc. et est rejeté à tous autres égards. Par conséquent, la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d’accorder un crédit de taxe sur intrants de 150 $ relativement à la facture précitée.

Signé à Montréal (Québec), ce 27e jour d’août 2019.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 175

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-40(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

JULES FILION ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 9 janvier 2019

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 27 août 2019

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Michelle Picard

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

n/a

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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