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Dossier : 2017-230(IT)G

ENTRE :

1717398 ONTARIO INC. S/N LOST FOREST PARK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 14 juin 2019, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge Guy R. Smith


Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Christine Ashton

Avocate de l'intimée :

Me Devon E. Peavoy

 

JUGEMENT

  Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 2012, 2013 et 2014 de l'appelante est rejeté avec dépens à l'intimée selon le tarif B.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'août 2019.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith


Référence : 2019 CCI 183

Date : 20190829

Dossier : 2017-230(IT)G

ENTRE :

1717398 ONTARIO INC. S/N LOST FOREST PARK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Smith

I. Introduction

[1]  L'appelante interjette appel d'un avis de nouvelle cotisation établi par le ministre du Revenu national (le ministre) le 18 novembre 2015 dans lequel il a refusé la déduction accordée aux petites entreprises (DAPE) réclamée par l'appelante pour les années d'imposition 2012, 2013 et 2014.

[2]  La DAPE décrite à l'article 125 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) prévoit un taux d'imposition des sociétés réduit sur le revenu provenant d'une entreprise exploitée activement par une société privée, mais exclut le revenu notamment d'une « entreprise de placement déterminée » (EPD), c'est‑à‑dire une entreprise « dont le but principal est de tirer un revenu de biens », à moins qu'elle emploie, directement ou indirectement, plus de cinq employés à plein temps.

[3]  En l'espèce, le ministre a refusé la DAPE au motif que l'appelante tirait son revenu principalement de la location d'aires de camping saisonnier et d'aires de camping saisonnier prolongé, ainsi que de l'entreposage d'autocaravanes, et qu'elle n'employait pas au moins cinq employés à plein temps.

[4]  L'appelante admet qu'elle n'employait pas plus de cinq employés à plein temps, tout en affirmant qu'elle exploitait une entreprise activement en offrant une gamme importante de services qui [TRADUCTION] « faisaient partie intégrante du succès de ses activités commerciales » et que son but principal n'était pas simplement de tirer un revenu de biens.

II. La question en litige

[5]  La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelante est visée par la définition du terme « entreprise de placement déterminée ». Dans l'affirmative, l'appelante n'a pas droit à la DAPE.

III. La preuve

[6]  M. Alan Nacinovic était le seul employé salarié de l'appelante et aussi le seul témoin. Ses parents étaient les principaux actionnaires de la société appelante. Il a déclaré que l'appelante avait touché des revenus provenant de trois activités principales : la location d'aires de camping, l'entreposage d'autocaravanes et les ventes d'autocaravanes.

A. Le terrain de camping

[7]  Le terrain de camping, acheté en 2007, était, selon la description de M. Nacinovic, [TRADUCTION] « délabré ». Après avoir fait des recherches sur les terrains de camping concurrents de la région, il s'est lancé dans une période d'expansion, de rénovations et d'améliorations des immobilisations qui comprenait les éléments suivants :

i.  installation de nouvelles canalisations d'eau;

ii.  ajout de 50 nouvelles aires de camping saisonnier prolongé, y compris de nouvelles canalisations d'eau, d'égout et d'électricité, et des routes nouvellement asphaltées;

iii.  ajout de tables de pique-nique et de foyers à chaque aire;

iv.  remplacement du terrain de jeux désuet par une structure moderne;

v.  installation de nouvelles barrières de sécurité et de caméras;

vi.  établissement d'une collecte privée hebdomadaire des ordures provenant du terrain;

vii.  restauration de la piscine, du pavillon de la piscine et de l'espace entourant la piscine, y compris les douches et les toilettes;

viii.  rénovation du pavillon pour les pique-niques et la salle de loisirs;

ix.  installation d'une buanderie payante;

x.  aménagement de terrains de sport extérieurs (volley‑ball de plage, basket‑ball, jeux de boules et jeux de fers à cheval).

[8]  L'appelante a ensuite commencé à promouvoir activement le parc « Lost Forest Park » amélioré sur son propre site Web et par d'autres médias.

[9]  Le terrain de camping comprenait deux types d'aires de camping offrant des services complets, soit des aires de camping saisonnier et des aires de camping saisonnier prolongé, les deux presque exclusivement utilisés par des autocaravanes. Exceptionnellement, si une aire de camping saisonnier était libre, on permettait à des campeurs d'y installer leur tente et de l'utiliser pour la nuit, moyennant des frais.

[10]  Les aires de camping saisonnier accueillaient des occupants d'avril à octobre. Si un campeur payait des frais d'entreposage, qui n'étaient pas compris dans les frais pour la saison, il pouvait laisser son autocaravane sur place pendant le reste de l'année. Les campeurs saisonniers pouvaient, à leurs propres frais, installer une terrasse, faire de petites constructions et aménager le terrain de leur aire, à condition de soumettre un plan à l'appelante aux fins d'approbation. Même si les améliorations ou adaptations variaient, M. Nacinovic a affirmé que l'appelante devait approuver les plans pour assurer certaines normes esthétiques.

[11]  On pouvait utiliser les aires de camping saisonnier prolongé pendant toute l'année, à l'exception d'une période de deux mois au début de chaque année civile en raison d'un règlement municipal. Les frais payés par les campeurs saisonniers de durée prolongée comprenaient l'entreposage des autocaravanes, car elles demeuraient sur l'aire toute l'année, en supposant que les campeurs avaient payé les frais pour l'année suivante. Sous réserve d'une approbation, les campeurs saisonniers de durée prolongée étaient autorisés à installer une terrasse et de petites constructions connexes et à aménager le terrain de leur aire.

[12]  Au fil du temps, l'appelante a accru de façon considérable le nombre d'aires de camping saisonnier prolongé, de sorte qu'au cours des années visées, le parc contenait quelque 58 aires de camping saisonnier prolongé et 91 aires de camping saisonnier.

B. Les services d'entreposage d'autocaravanes

[13]  Comme il a été mentionné précédemment, l'appelante offrait des services d'entreposage d'autocaravanes aussi bien aux campeurs saisonniers qu'aux campeurs saisonniers de durée prolongée, mais les campeurs saisonniers devaient payer des frais d'entreposage en plus des frais saisonniers. Dans le cas des campeurs saisonniers de durée prolongée, les services d'entreposage étaient inclus dans les frais annuels.

[14]  Les campeurs étaient responsables de la préparation hivernale des constructions et des autocaravanes qui demeuraient sur le terrain de l'appelante au cours de la saison morte.

C. Les ventes d'autocaravanes

[15]  Initialement, l'appelante touchait une commission d'aiguillage lors de la vente d'une autocaravane. Cette commission était payée par le vendeur ou le fabricant. M. Nacinovic a expliqué que le fait d'avoir un endroit où utiliser et entreposer une autocaravane était une partie importante de la décision d'achat, de sorte que les vendeurs établissaient des relations avec les exploitants des sites de camping pour autocaravanes afin de favoriser les ventes. Autrement dit, les vendeurs devaient avoir des sites appropriés, comme Lost Forest Park, pour vendre des autocaravanes.

[16]  En 2011, l'appelante a acheté une autocaravane‑témoin et a entamé ses activités à titre de vendeuse inscrite. Les ventes nettes ont augmenté de manière considérable au fil du temps, mais on ne vendait qu'aux acheteurs qui concluaient une entente de camping saisonnier ou de camping saisonnier prolongé avec Lost Forest Park.

IV. Analyse

[17]  Le paragraphe 125(7) de la Loi définit le terme « entreprise de placement déterminée » de la façon suivante :

« entreprise de placement déterminée » Entreprise, sauf une entreprise exploitée par une caisse de crédit ou une entreprise de location de biens autres que des biens immeubles ou réels, dont le but principal est de tirer un revenu de biens, notamment des intérêts, des dividendes, des loyers et des redevances. Toutefois, sauf dans le cas où la société est une société à capital de risque de travailleurs visée par règlement au cours de l'année, l'entreprise exploitée par une société au cours d'une année d'imposition n'est pas une entreprise déterminée si, selon le cas :

a) la société emploie dans l'entreprise plus de cinq employés à plein temps tout au long de l'année;

b) une autre société associée à la société lui fournit au cours de l'année, dans le cadre de l'exploitation active d'une entreprise, des services de gestion ou d'administration, des services financiers, des services d'entretien ou d'autres services semblables et il est raisonnable de considérer que la société aurait eu besoin de plus de cinq employés à plein temps si ces services ne lui avaient pas été fournis.

[18]  Le paragraphe 125(7) définit également le terme « entreprise exploitée activement » comme suit : « Toute entreprise exploitée par une société, autre qu'une entreprise de placement déterminée [...] ». Cette définition correspond à celle du terme « entreprise exploitée activement » énoncée au paragraphe 248(1) de la Loi.

[19]  Même si le mot « activement » peut laisser entendre qu'il doit y avoir un niveau minimal d'activité, la Cour d'appel fédérale a indiqué qu'une entreprise n'a pas besoin d'être réellement « active » : Ollenberger c. La Reine, 2013 CAF 74, [2013] 2 R.C.F. F‑14 (paragraphe 28). En conséquence, le législateur a cherché à exclure certaines entreprises. La Cour a expliqué ce qui suit :

[29]  C'est la raison pour laquelle le législateur a changé de cap en 1984. À l'époque, la définition de l'expression « entreprise exploitée activement » a été introduite pour la première fois (1984, ch. 45, par. 92(1) et 40(1)), et elle n'a pas été modifiée depuis. Cette définition reconnaît effectivement que toute entreprise qui est exploitée est une entreprise exploitée activement, tout en prévoyant des cas particuliers et notamment des entreprises qui tirent leur revenu de biens sans avoir à employer un nombre précis d'employés (voir la définition d'« entreprise de placement déterminée » au paragraphe 125(7)).

[Non souligné dans l'original.]

[20]  Dans l'arrêt Weaver c. La Reine, 2008 CAF 238, la Cour d'appel fédérale a examiné la thèse selon laquelle le paragraphe 125(7) exclut les entreprises qui « tirent leur revenu de biens », sauf si elles ont un certain nombre d'employés. Dans cette affaire, le contribuable avait commencé l'aménagement d'un terrain « pour former un village de retraités constitué de maisons préfabriquées sur des terrains loués » (paragraphe 2). La Cour a expliqué ce qui suit :

[25]  La définition d'« entreprise de placement déterminée » ne porte pas sur la nature générale de l'entreprise d'une société, ni sur le niveau de l'activité ou de la passivité effectivement requise par cette entreprise. Elle porte plutôt sur la qualification juridique du revenu que l'entreprise est supposée tirer principalement. Si, à la date pertinente, ce revenu est qualifié juridiquement « de location », par exemple, alors l'entreprise répond à la définition, à moins que l'une des exceptions prévues par la loi ne s'applique (aucune de ces exceptions n'est pertinente en l'espèce).

[Non souligné dans l'original.]

[21]  La Cour doit donc tenir compte de la « qualification juridique du revenu » plutôt que du niveau de l'activité. Comme il est précisé dans l'arrêt Weaver (paragraphe 26), « il s'agit essentiellement de savoir si [...] le but principal de cette entreprise était de tirer un revenu de biens (tel qu'un revenu de location) ».

[22]  La Cour canadienne de l'impôt en est arrivée à une conclusion semblable dans la décision antérieure Lee c. La Reine, 1999 CanLII 445 (Lee), dans laquelle le contribuable exploitait un parc de maisons mobiles. La Cour a rejeté les arguments qui portaient sur le niveau d'activité, notamment « l'excellence du service et de l'entretien », en constatant que le but exclusif de l'entreprise était de « tirer un revenu de biens sous la forme de loyers », et que l'entreprise était, par conséquent, une EPD (paragraphe 10).

[23]  Dans la décision 0742443 B.C. Ltd. c. La Reine, 2014 CCI 301, conf. par 2015 CAF 231, invoquée par l'appelante, la contribuable exploitait une entreprise d'entreposage et offrait des services supplémentaires. La Cour a pris en compte les documents publicitaires et les factures de l'appelante pour déterminer la qualification juridique du revenu. Après avoir conclu que le revenu tiré de l'entreposage avait la qualification juridique d'un revenu de location, la Cour a examiné si les services supplémentaires avaient changé la nature de ce revenu en quelque chose autre qu'un loyer.

[24]  Le juge Miller a conclu qu'en fait, tous les clients « achetaient de l'espace pour entreposage » et que :

[29]  Il existe un seuil où la fourniture de services l'emporte sur la fourniture de biens. L'ARC a pris une décision administrative selon laquelle l'hébergement à l'hôtel ou au motel franchit ce seuil. Je conclus que la société RXtra ne franchit pas ce seuil : quelques services offerts à quelques clients ne changent pas le caractère intrinsèque d'un revenu tiré de biens.

[Non souligné dans l'original.]

[25]  En l'espèce, les publicités de l'appelante, ses états financiers et les ententes sur les frais avec les campeurs saisonniers ont été déposés en preuve. J'ai pris en compte chacun de ces éléments, ainsi que le témoignage de M. Nacinovic à l'égard des trois activités principales de l'appelante.

A. Les publicités

[26]  L'appelante a fait de la publicité dans divers médias, mais la publicité la plus précise déposée en preuve consistait en une publicité pleine page dont chaque moitié présentait un des deux types d'aires de camping. La publicité affirmait que les aires de camping saisonnier prolongé étaient [TRADUCTION] « une communauté de villégiature tranquille, fermée et privée idéale pour les adultes à la recherche d'un milieu de vie abordable, sur le point de prendre leur retraite ou de s'évader à la campagne », et que les aires de camping saisonnier fournissaient des [TRADUCTION] « services complets » dans un [TRADUCTION] « parc propre et bien entretenu » comprenant de nombreux attraits (piscine, terrains de sport, terrain de jeux, buanderie, et ainsi de suite). La publicité indiquait qu'on pouvait rapidement aller en voiture du parc à des épiceries, des centres commerciaux, des restaurants et des autoroutes.

[27]  La publicité pour les aires de camping saisonnier prolongé pour retraités migrateurs n'insistait pas sur la fourniture d'un ensemble de services, mais plutôt sur le fait que le parc de l'appelante convenait aux retraités migrateurs et offrait un [TRADUCTION] « milieu de vie » luxueux dans un [TRADUCTION] « parc d'autocaravanes ». La publicité annonçait un [TRADUCTION] « accès à tous les attraits du parc ».

[28]  La publicité pour le camping familial saisonnier insistait également sur les attraits et les services offerts par l'appelante en les énumérant et en affirmant que les aires offraient des [TRADUCTION] « services complets ».

B. Les états financiers et les ententes sur les frais

[29]  Selon les états des résultats pour les années visées, l'appelante a tiré la plus grande partie de ses revenus des [TRADUCTION] « frais pour les aires de camping saisonnier », des [TRADUCTION] « revenus de location », des [TRADUCTION] « revenus d'entreposage » et des [TRADUCTION] « revenus d'électricité », soit des frais facturés aux campeurs saisonniers et aux campeurs saisonniers de durée prolongée.

[30]  M. Nacinovic a déclaré que l'élément « revenus de location » se rapportait aux frais facturés pour les aires de camping saisonnier prolongé, tandis que les « frais pour les aires de camping saisonnier » se rapportaient aux campeurs saisonniers. Les « frais d'entreposage » s'appliquaient uniquement aux campeurs saisonniers et les « frais d'électricité » étaient facturés à toutes les aires en fonction de l'usage. Les ententes pour les aires de camping saisonnier prévoyaient le versement d'un dépôt pour les frais d'électricité, et on exigeait ensuite un paiement supplémentaire ou on remboursait, selon l'usage réel.

[31]  Même si aucune entente pour les aires de camping saisonnier prolongé n'a été déposée en preuve, M. Nacinovic a déclaré que ces campeurs payaient des frais mensuels pour les 12 mois de l'année selon l'entente. L'entente prévoyait des [TRADUCTION] « frais pour les aires de camping saisonnier », ce qui est le terme utilisé dans les états des résultats.

[32]  Même si la publicité de l'appelante utilisait les expressions [TRADUCTION] « camping familial saisonnier » ou [TRADUCTION] « terrain de camping saisonnier », le témoignage révélait clairement que l'appelante exploitait un parc d'autocaravanes, dont la plupart étaient installées en semi‑permanence, malgré le fait qu'elles étaient sur roues. Il est difficile d'établir une distinction entre la présente affaire et les conclusions tirées dans les jugements Weaver et Lee, précités.

[33]  Pour ces motifs, je n'ai aucune difficulté à conclure que la qualification juridique du revenu tiré des aires de camping saisonnier prolongé est celle d'un revenu de location. Pour ce qui est des aires saisonnières, les autocaravanes pouvaient demeurer sur le site toute l'année, sous réserve du paiement de « frais d'entreposage », et ces ententes pouvaient être renouvelées pendant plusieurs années de suite. Le droit d'adapter l'aire selon les préférences personnelles à l'aide de petites constructions et d'aménagement, tout comme la possibilité de demeurer sur le site pendant plusieurs années de suite, me portent à croire que la qualification juridique des revenus tirés du camping saisonnier et du camping saisonnier prolongé était celle de revenu de location. Les campeurs payaient en fait des frais pour occuper une aire précise pendant cinq ou dix mois de l'année, et les autocaravanes étaient entreposées (c.‑à‑d. inoccupées) sur le site pendant le reste de l'année dans de nombreux cas.

[34]  Pour répondre à un argument soulevé par l'appelante, je vais maintenant déterminer si le fait d'offrir certains services a changé la nature du revenu tiré de la location à quelque chose d'autre.

[35]  Une analyse du but principal d'une entreprise s'impose.

[36]  L'appelante a renvoyé à l'affirmation suivante du juge Bowman (tel était alors son titre) citée dans la décision Barrette c. La Reine, 2004 CCI 437 (paragraphe 28), au sujet de la détermination du but principal d'une entreprise :

En déterminant le « but principal » d'une entreprise exploitée par une corporation, l'objectif déclaré de la personne qui l'exploite n'est pas nécessairement le seul ni même le plus important critère. Sont d'importance cruciale ce que la corporation fait effectivement et ce qui constitue ses sources de revenu.

[37]  Dans la décision Lee, précitée, la Cour canadienne de l'impôt a également eu à établir le but principal. En déterminant que « le but quasi unique de l'entreprise [...] était de tirer un revenu de biens sous la forme de loyers », la Cour a indiqué ce qui suit :

[...] Il ne fait aucun doute [...] que les locataires étaient attirés par l'excellence du service et de l'entretien, qui les incitait ensuite à rester. Néanmoins, le but de l'activité productrice de revenu de Cassidy était manifestement d'obtenir un revenu locatif des personnes qui occupaient les emplacements en vertu de baux de la nature de ceux qui ont été produits en preuve. Les montants que les locataires payaient et que Cassidy touchait étaient qualifiés à juste titre de « loyer » dans les baux. Cassidy n'avait aucune autre source de revenu importante.

[Non souligné dans l'original.]

[38]  Me fondant sur la preuve testimoniale et documentaire, je conclus de même que les campeurs de l'appelante étaient attirés par l'excellence du service et de l'entretien, ainsi que par les attraits offerts par Lost Forest Park, qui faisaient tous partie de [TRADUCTION] l'« expérience de camping » dont a fait mention M. Nacinovic. Ces caractéristiques ont servi à convaincre les propriétaires d'autocaravanes d'occuper les diverses aires de camping saisonnier et de camping saisonnier prolongé, de sorte que l'entreprise puisse atteindre son but principal : tirer des revenus de location.

[39]  La Cour admet que l'appelante a apporté des améliorations importantes aux immobilisations et a mis en place divers attraits, comme il est précisé précédemment. L'appelante a également planifié et organisé certains événements, comme des feux d'artifice ou des spectacles de magie (qui avaient lieu si le nombre de participants était suffisant), mais les campeurs étaient responsables de tout le reste.

[40]  La preuve établit que certains campeurs ont considérablement entretenu leur aire (selon les photographies déposées) en aménageant le terrain, entretenant le gazon, installant des terrasses et des remises, et ainsi de suite. À l'arrivée de l'hiver, ils devaient préparer leurs autocaravanes pour l'hiver. Les campeurs faisaient leur propre lessive, nettoyaient leurs autocaravanes et entretenaient les éléments personnalisés qu'ils avaient ajoutés à leur aire. M. Nacinovic a déclaré qu'on le consultait au sujet des personnalisations, mais que c'était dans le but de permettre au parc de conserver certaines normes « esthétiques ».

V. Conclusion

[41]  En fin de compte, je conclus que les services et attraits offerts par l'appelante n'étaient pas suffisants pour atteindre « un seuil où la fourniture de services l'emporte sur la fourniture de biens » (voir la décision 0742443 B.C. Ltd., précitée).

[42]  Je ne peux conclure que les services offerts par l'appelante, y compris l'organisation limitée d'événements, la collecte des ordures, les heures de bureau et la disponibilité « sur appel », aient changé la qualification juridique du revenu en quelque chose d'autre que le revenu tiré de biens selon la définition du terme « entreprise de placement déterminée » au paragraphe 125(7).

[43]  En particulier, la durée des ententes de location (camping saisonnier et saisonnier prolongé plutôt que quotidien ou hebdomadaire) indique clairement que le but principal de l'entreprise était d'obtenir un revenu de biens. Comme il est mentionné précédemment, il est difficile d'établir de distinction entre les faits en l'espèce et ceux des jugements Weaver et Lee.

[44]  Puisque j'ai conclu que le but principal de l'appelante consistait à tirer un revenu de biens, soit des loyers, l'entreprise est une entreprise de placement déterminée, et l'appelante n'a pas droit à la déduction accordée aux petites entreprises.

[45]  L'appel est par conséquent rejeté, avec dépens à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'août 2019.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 183

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-230(IT)G

INTITULÉ :

1717398 ONTARIO INC. S/N LOST FOREST PARK ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 14 juin 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 août 2019

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelante :

Me Christine Ashton

 

Avocate de l'intimée :

Me Devon E. Peavoy

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me Christine Ashton

 

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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