Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2013-225(IT)G

2013-2420(IT)G

ENTRE :

ANGELO PALETTA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus du 11 au 22 mars 2019 à Toronto (Ontario), du 28 au 31 mai 2019 à Vancouver (Colombie-Britannique), du 3 juin 2019 à San Jose (Californie), du 5 au 6 juin 2019 à Los Angeles (Californie) et du 10 au 12 juin 2019 à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me David R. Davies

Me Alexander Demner

Me Vivian Esper

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Nicole Levasseur

 

JUGEMENT MODIFIÉ

Les appels interjetés par les appelants sont accueillis en partie seulement et les cotisations sont renvoyées au ministre pour réexamen et établissement d’une nouvelle cotisation conformément aux présents motifs ci-joints.

Les parties devront s’entendre sur les dépens au plus tard le 21 octobre 2019, ou, dans le cas contraire, présenter leurs observations écrites quant aux dépens au plus tard le 21 octobre 2019. Ces observations ne doivent pas dépasser dix pages.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’octobre 2019.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d'août 2021.

François Brunet, réviseur


 

Dossier : 2013-4837(IT)G

ENTRE :

PALETTA INTERNATIONAL CORPORATION,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus du 11 au 22 mars 2019 à Toronto (Ontario), du 28 au 31 mai 2019 à Vancouver (Colombie-Britannique), du 3 juin 2019 à San Jose (Californie), du 5 au 6 juin 2019 à Los Angeles (Californie) et du 10 au 12 juin 2019 à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

Avocats de l’appelant :

Me David R. Davies

Me Alexander Demner

Me Vivian Esper

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Nicole Levasseur

 

JUGEMENT MODIFIÉ

Les appels interjetés par les appelants sont accueillis en partie seulement et les cotisations sont renvoyées au ministre pour réexamen et établissement d’une nouvelle cotisation conformément aux présents motifs ci-joints.

Les parties devront s’entendre sur les dépens au plus tard le 21 octobre 2019, ou, dans le cas contraire, présenter leurs observations écrites quant aux dépens au plus tard le 21 octobre 2019. Ces observations ne doivent pas dépasser dix pages.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d’octobre 2019.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d'août 2021.

François Brunet, réviseur


Référence : 2019 CCI 205

Date : 25 novembre 2019

Dossier : 2013-225(IT)G

2013-2420(IT)G

ENTRE :

ANGELO PALETTA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Dossier : 2013-4837(IT)G

ET ENTRE :

PALETTA INTERNATIONAL CORPORATION,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS MODIFIÉS DU JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRES

Le juge Hogan

I. Aperçu

[1] Les présents appels concernent une série complexe d’opérations prétendument destinées à financer des investissements dans des productions cinématographiques hollywoodiennes. Les appelants qualifient ces opérations d’investissements de bonne foi réalisés dans le cadre d’une stratégie globale visant à percer dans l’industrie cinématographique de manière importante. L’intimée qualifie ces mêmes opérations de simples trompe-l’œil ou abris fiscaux.

[2] Ces opérations sont expliquées plus en détail ci-dessous. Les paragraphes suivants donnent un aperçu de leur structure, en se servant de l’investissement de 2006 comme guide.

[3] En 2006, la société Paletta International a investi 8 013 895 $ US en espèces dans la société en commandite Six Iron Productions (« la société Six Iron ») pour financer l’acquisition présumée d’un film récemment produit intitulé « Night at the Museum » (Une nuit au musée) (« le film de Six Iron »). Ce film a été produit pour et au nom de Twentieth Century Fox Film Corporation (la « société Fox »), qui l’aurait vendu à la société Six Iron pour 128 310 000 $ US dans le cadre d’une série complexe d’opérations exposées ci-dessous. Dans le cadre de ces opérations, la société Six Iron a signé un accord de distribution (l’« accord de distribution ») avec la société Fox et a accepté de prendre en charge la somme de 82 millions de dollars américains pour les frais de copie et de publicité (les« frais de copie et de publicité ») relatifs au film.

[4] La société Fox, ou une société affiliée, avait le droit de racheter le film aux termes d’une série de conventions d’option (les « conventions d’option ») avant la sortie commerciale du film, ou dans les cinq jours suivant celle-ci. Le prix de l’option correspondait essentiellement au coût du film, plus les frais de copie et de publicité prétendument engagés par la société de personnes, moins 3 % de ces frais. Les options pouvaient prétendument être exercées à la seule discrétion du titulaire de l’option. La société Fox, par l’intermédiaire de sa société affiliée, a exercé les options et a racheté le film avant sa sortie commerciale. Cette série d’opérations a conduit à la dissolution de la société Six Iron.

[5] La société Six Iron a déclaré une perte autre qu’en capital de 82 763 192 $ US pour les frais de copie et de publicité, et la société Paletta International, à titre de seule commanditaire, a réclamé la part du lion de cette somme. Au total, la société Paletta International a déclaré une perte de 96 109 415 $ CA découlant de l’exploitation de la société [1] . La société Paletta International a également déclaré un gain en capital résultant de la disposition des parts qu’elle détenait dans les sociétés de personnes et a profité de la provision pour gains en capital de cinq ans. Elle a également déclaré d’autres frais et dépenses de financement en rapport avec son investissement dans la société de personnes.

[6] Quelques années plus tard, Angelo Paletta, ainsi que d’autres membres de sa famille, ont investi dans la société en commandite Swilcan Bridge Productions (la « société Swilcan »). Cette société de personnes aurait acquis un deuxième film de la société Fox intitulé « The Day the Earth Stood Still » (Le Jour où la Terre s’arrêta) (le « film de la société Swilcan »). À l’instar de la société Six Iron, la société Swilcan a également cédé le film avant sa sortie commerciale et a réalisé une perte importante en raison des frais de copie et de publicité. Angelo Paletta a déduit sa part de la perte, ainsi que d’autres dépenses qui auraient été engagées.

[7] Il n'est pas controversé entre les parties que les opérations de la société Swilcan sont, dans leur intégralité, pratiquement identiques à celles de la société Six Iron. Je renvoie donc presque exclusivement aux opérations relatives à la société Six Iron dans le présent jugement, et mes motifs doivent être considérés comme s’étendant également aux opérations relatives à la société Swilcan. Je ferai référence aux opérations relatives à la société Swilcan pour apporter les clarifications nécessaires et signaler les différences, le cas échéant.

[8] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé toutes les pertes et autres dépenses réclamées par les appelants à l’égard de leurs investissements dans les sociétés de personnes, pour les motifs suivants :

  • i) certaines des opérations conclues par les parties étaient un trompe-l’œil;

  • ii) les participations dans des sociétés de personnes acquises par les appelants constituaient des « abris fiscaux » non enregistrés;

  • iii) les sociétés de personnes n’ont pas été valablement créées;

  • iv) les acquisitions des films par les sociétés de personnes ont été inefficaces;

  • v) les appelants ont réalisé un revenu d’entreprise plutôt que des gains en capital lors de la disposition de leurs participations dans les sociétés de personnes.

[9] Je n’examinerai les questions (iii) à (v) que si je tranche les deux premières questions en faveur des appelants.

[10] Il y a deux questions subsidiaires, une par appel. Dans l’appel concernant la société Paletta International – et il s’agit d’une question sans rapport avec les opérations cinématographiques – l’appelante, la société Paletta International, conteste la qualification des gains immobiliers réalisés au cours de son année d’imposition 2007. Lors du dépôt de sa déclaration, l’appelante, la société Paletta International, a déclaré les gains au titre du revenu. Elle allègue maintenant que cela a été fait par erreur et que les biens étaient des biens en immobilisations. Dans le cas de l’appel de M. Paletta, ce dernier a reporté une partie de sa perte autre qu’en capital à son année d’imposition 2005. Le refus par le ministre d’accepter ce report s’est produit en dehors de la période normale de nouvelle cotisation et est donc prescrit à moins que la Cour ne conclue que M. Paletta a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire.

[11] Les appels ont été, pour la plupart, entendus sur preuve commune.

[12] Pour les motifs qui suivent, les appels sont rejetés relativement à la question principale. Les parties ont convenu dès le départ que la société Fox rachèterait les films avant leur sortie commerciale en exerçant son option d’acquérir tous les intérêts des sociétés de personnes. Par conséquent, les appelants et les partenaires savaient qu’ils ne pourraient jamais générer de revenus à partir des films. Je conclus que les conventions d’option dans chaque appel constituaient un trompe-l’œil.

[13] L’appel interjeté par la société Paletta International est accueilli en ce qui concerne deux des neuf cessions immobilières. Je conclus que la cession Doble/Bluffs et la cession concernant le « don de biens écosensibles » ont été effectuées au titre du capital. Les autres biens ont été cédés à titre de revenu. Les appels sont rejetés en ce qui concerne ces biens.

II. Faits

[14] La société Paletta International a été créée par Pasquale « Pat » Paletta, qui l’a contrôlée pendant les années faisant l’objet de l’appel. Pat Paletta, le patriarche de la famille Paletta, un homme d’affaires récemment décédé, était largement considéré comme un self-made man très prospère. La société Paletta International a exploité plusieurs entreprises pendant les années faisant l’objet de l’appel. Ces entreprises exerçaient leurs activités dans les domaines de l’immobilier, de l’agriculture, du cinéma et des opérations de change.

[15] Le fils de Pat Paletta, Angelo Paletta (« M. Paletta »), a commencé à travailler dans les affaires immobilières et autres de la société Paletta International à la fin des années 1980. Il a finalement pris en charge les activités quotidiennes de l’entreprise au début des années 2000.

[16] MM. Warren Nimchuk et Warren Fergus ont présenté à M. Paletta une occasion de devenir prétendument propriétaire d’un film important. Les détails de ces opérations cinématographiques sont exposés ci-dessous.

[17] Dans une affaire sans rapport avec les opérations cinématographiques, la société Paletta International affirme s’être rendu compte que ses comptables avaient déclaré de façon erronée les gains provenant de la cession de biens immobiliers à long terme à titre de revenus d’entreprise plutôt qu’à titre de gains en capital. Les faits relatifs à cet aspect de l’appel sont examinés dans la section pertinente intitulée Discussion ci-dessous.

A. Opérations cinématographiques

[18] La série d’opérations pour chaque film était complexe et de nombreuses personnes et entités étaient en cause. Voici un résumé des personnes et entités concernées par les opérations relatives à la société Six Iron :

  • i) Studio : la société Fox est un grand studio de cinéma international entièrement intégré. Elle a participé à chacune des opérations cinématographiques. La société Fox aurait eu des discussions avec M. Nimchuk concernant son intérêt à vendre ses droits d’auteur sur certains films après leur production et avant leur sortie en salle.

  • ii) Fiducie prêteuse (« Fintrust ») : La Standard Finance Trust a emprunté des fonds à la Banque Royale du Canada (la « RBC ») et l’a prêté à la société Paletta International.

  • iii) Fiduciaire constituée en société de Fintrust(« la fiduciaire de Fintrust »): 0774339 B.C. Ltd. était la fiduciaire de Fintrust dans les opérations relatives à la société Six Iron. Les parties n’ont pas cité à témoigner Adrian Ward, un chef de file du secteur du divertissement, qui était l’administrateur de 0832307 B.C. Ltd. (la fiduciaire de Fintrust pour les opérations relatives à la société Swilcan).

  • iv) Associés des sociétés de personnes :

  1. Associé en nom collectif :Six Iron Productions Inc. et Swilcan Bridge Productions Inc. étaient respectivement les associés en nom collectif en cause dans chacune des opérations. Ces deux sociétés étaient contrôlées par M. Fergus.

  2. Commanditaires : la société Paletta International était le commanditaire des opérations relatives à la société SixIron. Angelo Paletta, ainsi que ses parents Pasquale et Anita et ses frères Remigio, Paul et Michael étaient les commanditaires des opérations relatives à la société Swilcan.

  • v) Sociétés titulaires d’options : Dans les deux opérations, la société Fox a conclu des conventions d’option secondaires avec des entités apparentées, par lesquelles la société Fox a transféré l’option accordée par les associés sur leur participation dans la société de personnes. Dans les opérations relatives à la société SixIron, la deuxième convention d’option a été conclue avec WordsmithInc. (la « société Wordsmith ») [2] , qui était une filiale en propriété exclusive de la société Fox. La société Wordsmith a ensuite cédé ses intérêts dans le film en transférant l’option à sa filiale canadienne, FaultlineProductionsInc. (la « société Faultline ») [3] .

  • vi) Warren Nimchuk : M. Nimchuk était comptable agréé. Au cours des années pertinentes pour les opérations faisant l’objet de l’appel, il a été cadre supérieur puis associé chez PricewaterhouseCoopers (« PwC ») dans le domaine de l’impôt sur les divertissements. M. Nimchuk a affirmé dans son témoignage qu’il avait commencé à travailler dans l’industrie cinématographique au milieu des années 1990 et qu’il avait travaillé auprès de tous les grands studios dans le cadre de programmes de facilitation du financement et du crédit au Canada et ailleurs. D’après son témoignage, j’ai constaté que M. Nimchuk avait une grande connaissance et comptait une grande expérience de l’industrie cinématographique, en particulier dans les domaines du financement et de la planification fiscale des films. Il a participé à l’élaboration du montage fiscal et à la mise en place des sociétés de personnes. Les appelants admettent que M. Nimchuk a structuré les opérations cinématographiques en consultation avec M. Fergus. M. Nimchuk a également négocié les contrats, y compris le prix d’achat des droits d’auteur, les frais de copie et de publicité, le prix de l’option et les frais de distribution, avec la société Fox. M. Nimchuk a lui-même témoigné que son rôle dans ces opérations était d’aider le studio à vendre les droits d’auteur des films à une société de personnes.

  • vii) Warren Fergus : M. Fergus est un ancien comptable agréé. M. Fergus œuvrait dans le domaine du financement de films. Il était l’administrateur de l’associé en nom collectif dans chacune des opérations cinématographiques. M. Fergus et M. Nimchuk ont ensemble créé et commercialisé auprès des appelants la structure fiscale en cause.

  • viii) Isaac Tamssot : M. Tamssot était l’administrateur de la fiduciaire de Fintrust dans le cadre des opérations relatives à la société de Six Iron. À l’époque où ces opérations ont eu lieu, en 2006, M. Tamssot exerçait les fonctions de conseiller en placement à la CIBC, poste qu’il occupait depuis 1998. À ce titre, M. Tamssot était chargé de rencontrer des personnes fortunées et parfois très fortunées pour leur fournir des conseils en matière de planification financière et d’investissement. M. Tamssot a témoigné qu’il avait pris part aux opérations relatives à la société Six Iron grâce à son lien avec M. Fergus – le frère de M. Tamssot et M. Fergus avaient été camarades de classe et ils étaient restés des amis proches.

[19] Lorsqu’on fait le suivi du mouvement des fonds dans les opérations, il semble évident que le flux de trésorerie était circulaire. Les opérations sont expliquées plus en détail ci-dessous. Toutefois, en résumé, le mouvement des fonds s’est déroulé de la façon suivante :

i) Fintrust obtient un prêt de la RBC (le « prêt d’un jour »);

  • ii) Fintrust consent les fonds du prêt d’un jour aux associés;

  • iii) Les associés utilisent les fonds du prêt d’un jour, plus leurs propres liquidités supplémentaires, pour acheter les parts dans les sociétés de personnes;

  • iv) Les sociétés de personnes ordonnent ensuite que les fonds du prêt d’un jour soient versés à la société Fox en paiement du prix d’achat des droits d’auteur et des frais de copie et de publicité;

  • v) La société Fox reçoit une partie des recettes de l’appelante, la société Paletta International, en paiement des honoraires;

  • vi) La société Fox ordonne que les fonds du prêt d’un jour soient versés à Fintrust;

  • vii) Fintrust ordonne que les fonds du prêt d’un jour soient remboursés à la RBC;

[20] En outre, la société Fox aurait versé aux sociétés de personnes une avance sur les recettes australiennes; quant à l’investissement en espèces de l’appelante la société Paletta International dans les sociétés de personnes, il a été utilisé pour verser à la société Fox une somme égale à 3 % des frais de copie et de publicité et pour payer des honoraires aux promoteurs des opérations.

[21] Les opérations et documents essentiels relativement à la société Six Iron sont expliqués en détail ci-dessous :

1) Prêt d’un jour

[22] La fiducie Fintrust de la société Six Iron a emprunté 212 000 000 $ US à la RBC aux termes du prêt d’un jour. Cette avance initiale de la RBC était assortie d’honoraires de structuration de 0,1285 %, payables au moment de la conclusion de l’opération [4] .

[23] La RBC a suivi ses propres politiques et directives internes en accordant le prêt d’un jour. Cependant, dans le document interne de la RBC, un employé de la RBC a noté que [traduction] « [b]ien que l’opération ne soit pas qualifiée par les avocats fiscalistes d’’abri fiscal’, elle présente des avantages fiscaux importants pour l’investisseur » [5] , et que [traduction] « les autorités fiscales considéreront probablement cette opération comme une planification fiscale abusive » [6] .

[24] En garantie du prêt d’un jour, Fintrust a fourni à la RBC un billet à ordre pour le montant total du prêt. Ce billet à ordre a ensuite été annulé une fois le prêt d’un jour remboursé.

[25] Le prêt d’un jour a été remboursé par Fintrust à l’aide de fonds qu’elle a reçus sous forme de prêt consenti par la société Fox.

2) Prêt de Fintrust à la société Paletta International

[26] Fintrust a ensuite prêté les 212 000 000 $ US, qu’elle avait empruntés à la RBC, à la société Paletta International (le « prêt de Fintrust à la société Paletta International »). Sur une somme principale impayée de 175 000 000 $ US ou plus, la société Paletta International était tenue de payer un intérêt de 9,5 % par an. Dès que le principal est tombé en dessous de 175 000 000 $ US, le taux d’intérêt a été abaissé à 5 % par an.

[27] Aux termes de ce prêt, la société Paletta International a également dû payer des frais de facilité de crédit de 2 500 000 $ US et des frais de change de 3 305 753 $ US, qui ont été partiellement ou entièrement capitalisés et ajoutés aux emprunts principaux et qui portaient intérêt. En outre, si la société Paletta International souhaitait avoir la possibilité de rembourser le prêt par anticipation, elle était assujettie à des frais de remboursement anticipé uniques de 2 650 000 $ US, payables dans les 180 jours suivant l’avance des fonds du prêt. Cette somme était également capitalisée et ajoutée au principal du prêt et portait intérêt.

[28] Les intérêts du prêt devaient courir pendant 10 ans, après quoi la société Paletta International devait payer la totalité des intérêts courus et impayés.

[29] La société Paletta International était tenue de fournir à Fintrust un « accord de sûreté accessoire » ainsi que les certificats de parts originaux émis par la société de personnes à titre de garantie.

3) Sociétés de personnes

[30] La société Six Iron a été prétendument créée pour acquérir, exploiter et monnayer les droits du film de la société Six Iron. Elle a été initialement créée le 17 novembre 2006, avec Six Iron Productions Inc. comme associée en nom collectif. L’associée en nom collectif initial était une entité dont le seul actionnaire et administrateur était M. Fergus. Cette entité a été remplacée par la société Paletta International lorsqu’elle a investi dans les opérations relatives à la société Six Iron. Ainsi, la société Paletta International est devenue le seul commanditaire.

[31] Conformément à l’accord de société en commandite [7] , l’activité de la société Six Iron se limitait à l’achat du film, à la conclusion d’un accord de distribution en vertu duquel la société Fox exploiterait le film, à la promotion du film et au paiement des frais y afférents, ainsi qu’au prêt des fonds excédentaires de la société de personnes aux parties désignées par l’associé en nom collectif.

[32] Pour financer son investissement, la société Paletta International a utilisé les 212 000 000 $ US qu’elle avait empruntés à Fintrust ainsi que 6 121 475 $ US supplémentaires de ses propres ressources en espèces pour souscrire des parts de catégorie B de la société Six Iron. Ainsi, le prix de souscription total des parts de la société Paletta International dans la société Six Iron s’élevait à 218 121 475 $ US.

[33] L’investissement total en espèces de la société Paletta International dans l’opération relative à la société Six Iron s’élevait à 8 013 895 $ US. La société Paletta International a fourni ce montant à la société Six Iron pour le solde du prix d’acquisition des parts de société de personnes et pour les frais de financement payables par la société Paletta International à Fintrust.

[34] La société Six Iron a utilisé le produit de la souscription pour acheter le film et payer les frais de copie et de publicité. La société de personnes avait un solde de 7 811 475 $ US, plus l’avance australienne de 1 000 000 $ US (discutée ci-dessous). La société de personnes a demandé que ces fonds soient utilisés, en partie, pour payer Fintrust et la société Fox au moment de la conclusion de l’opération. La société Six Iron a conservé le reste des fonds pour payer d’autres dépenses de la société de personnes.

[35] La société Swilcan a été prétendument créée pour acquérir, exploiter et monnayer les droits du film de la société Swilcan. M. Paletta était l’un des commanditaires et Swilcan Bridge Productions Inc. était l’associé en nom collectif. Comme dans le cas de la société Six Iron, les associés de la société Swilcan ont utilisé leurs propres ressources financières et un prêt consenti par Fintrust pour souscrire les parts de société de personnes.

[36] Les opérations cinématographiques étaient en tout point identiques pour la société Six Iron et la société Swilcan (ensemble, les « sociétés de personnes »). Je renverrai surtout au film et aux parties qui ont pris part dans les opérations relatives à la société Six Iron. Sauf indication contraire, mes conclusions concernant la société Six Iron valent également pour la société Swilcan.

[37] Aux termes de l’accord de société en commandite, l’associé en nom collectif a droit à des honoraires raisonnables en guise de rémunération pour les services fournis et il est également chargé du paiement de tous les frais d’exploitation de la société de personnes.

4) Kagan Media Appraisals

[38] Kagan Media Appraisals (la « société Kagan ») est une société spécialisée dans les prévisions de flux de trésorerie concernant les films. La société Kagan a été retenue pour préparer des prévisions de flux de trésorerie (le « rapport Kagan ») pour les films. Selon les appelants, un rapport Kagan satisfaisant était une condition pour conclure les opérations.

[39] Selon M. Derek Baine, un employé de longue date de la société Kagan, c’est M. Nimchuk qui a commandé les rapports Kagan pour les deux opérations. Les appelants n’ont jamais été en contact avec la société Kagan.

[40] La société Kagan possède une base de données exclusive contenant des renseignements sur les films. Cette base de données comprend des éléments tels que les budgets des films, les genres et les frais de copie et de publicité.

[41] M. Baine a déclaré qu’à l’époque des rapports Kagan, son collègue, M. Wade Holden, était chargé d’extrapoler les chiffres et les renseignements nécessaires à partir de la base de données de la société Kagan. M. Baine commandait les chiffres à M. Holden et passait ensuite environ une heure à préparer le rapport Kagan. M. Baine a témoigné que, lors de la préparation du rapport Kagan, il examinait principalement le budget, les artistes et le genre du film. La société Kagan ne demandait pas à visionner le film afin de préparer le rapport.

[42] D’après le témoignage de M. Baine, il est apparu clairement que le rapport Kagan n’était qu’une prévision des flux de trésorerie possibles que pouvaient rapporter un film, selon le succès moyen de films ayant des budgets comparables. Ce rapport n’était pas du tout une évaluation du film ou une indication de son succès potentiel. M. Baine a affirmé que le rapport n’était pas une indication du taux de rendement de l’investisseur.

[43] Pour préparer une évaluation, il doit déterminer le coût du capital, créer des flux de trésorerie actualisés ainsi que des bénéfices et pertes bruts actualisés, puis ajouter la valeur finale du film. M. Baine a toutefois affirmé qu’une évaluation complète d’un film est plus élaborée.

[44] En l’espèce, les prévisions de flux de trésorerie n’ont pas été actualisées. Cependant, M. Baine a témoigné que, puisque toutes les dépenses pour le film avaient été incluses dans les calculs, même si les montants des prévisions de flux de trésorerie avaient été actualisés, les entreprises seraient toujours rentables pour les appelants.

[45] En outre, M. Baine a témoigné qu’il n’avait pas reçu le dossier d’information sur les investissements ni l’accord de distribution dans le cadre de ses documents de préparation. Essentiellement, il semble que les seuls renseignements qu’on lui ait fournis étaient le budget, les frais de copie et de publicité et le genre. La distribution n’a pas été prise en compte dans l’analyse effectuée en l’espèce.

5) Achat et vente de droits d’auteur

[46] Le 21 novembre 2006, la société Fox a transféré les droits d’auteur et tous les droits sur le film de Six Iron à sa filiale, TX Productions Inc. (la « société TXP ») [8] .

[47] Toujours le 21 novembre 2006 (la « date de clôture de Six Iron ») [9] , la société Six Iron aurait acheté auprès de la société TXP les droits d’auteur mondiaux perpétuels [10] . La société Six Iron a payé 128 310 000 $ US pour le film. Elle a payé cette somme en utilisant le produit de la souscription.

[48] Selon le contrat de vente, la société TXP a fourni des déclarations et des garanties selon lesquelles elle détenait valablement les droits d’auteur du film, libres et quittes de toute charge. La société Fox a garanti les déclarations et les garanties de la société TXP.

6) Accord de distribution

[49] Dans le cadre de la série d’opérations, les appelants et la société Fox ont conclu un accord de distribution et d’acquisition d’autres droits (l’« accord de distribution ») à chaque date de conclusion des opérations [11] . Aux termes de cet accord, les sociétés de personnes accordaient à la société Fox les droits d’exploitation du film au nom des sociétés de personnes en tant que distributeur mondial exclusif pour une durée de 15 ans. La société Fox se voyait accorder un pouvoir discrétionnaire exclusif et sans réserve quant au moment, à la manière et aux conditions de distribution, d’exposition et d’exploitation des films.

[50] La société Fox était en mesure de percevoir l’ensemble des redevances, honoraires et autres revenus que les sociétés de personnes avaient autrement le droit de percevoir. Conformément à l’accord de distribution, les sociétés de personnes n’avaient pas la possibilité de présenter des réclamations séparées ou de percevoir les revenus des droits d’auteur.

[51] Dans le cadre des opérations relatives à la société Six Iron, à la suite de l’acquisition du film, la société Fox s’est engagée à dépenser un minimum de 92 000 000 $ US pour les [traduction] « frais de distribution » relatifs à la distribution du film dans les salles de cinéma (l’« engagement en matière de copie et de publicité de la société Fox »). Les frais de distribution sont définis dans les documents comme étant l’ensemble des [traduction] « coûts de distribution » [12] , les frais de distribution pour les vidéos domestiques et les documents de reproduction sur demande, ainsi que les coûts de distribution des sous-distributeurs. La disposition relative à la distribution et à l’exploitation transférait effectivement aux titulaires des droits d’auteur (c.-à-d. les sociétés de personnes) la charge des coûts qui étaient généralement inclus dans les frais de distribution.

[52] Selon son accord de distribution, la société Six Iron acceptait d’engager 82 000 000 $ US en frais de copie et de publicité avant la sortie du film. Elle a payé cette somme en utilisant le produit de la souscription. Chaque société de personnes a réclamé l’intégralité de ses frais de copie et de publicité et a versé cette somme à ses associés à titre de perte pour son exercice initial.

[53] L’accord de distribution définit également les conditions régissant la manière dont les paiements de la société Fox doivent être versés aux sociétés de personnes. L’article 12 de l’accord stipule que la société Fox doit payer aux sociétés de personnes le montant des [traduction] « recettes brutes » [13] après déduction des [traduction] « commissions de distribution » et des [traduction] « coûts de diffusion ». Les [traduction] « commissions de distribution » sont définies comme étant divers tarifs que la société Fox aura le droit de retenir comme honoraires en vue de la distribution du film. Les [traduction] « coûts de diffusion » sont définis comme les [traduction] « frais de distribution » [14] , sauf que les frais administratifs de publicité sont calculés sur 15 % des coûts au lieu de 10 %. Il est important de noter que l’article 12 prévoit également que, bien que l’obligation de la société Fox de payer les sociétés de personnes naisse au moment où les « recettes brutes » sont réalisées, la société Fox peut en différer le paiement jusqu’au 31 mai 2007. La société Fox peut également reporter le paiement si les sociétés de personnes ne respectent pas les modalités de l’accord ou de tout autre accord conclu avec la société Fox concernant le film.

[54] L’article 12A de l’accord de distribution prévoit que les sociétés de personnes doivent gagner 1 000 000 $ US à titre d’avance non récupérable pour la part des recettes réalisées sur la vente de vidéos domestiques des sociétés de personnes en Australie. M. Nimchuk a témoigné qu’il avait négocié ces frais avec la société Fox pour s’assurer que l’Australie ne serait pas négligée en ce qui concerne les frais de distribution. M. Fergus a également témoigné qu’étant donné que les distributions s’effectuent sur une longue période, ces frais étaient destinés à garantir que la société Fox maintiendrait son engagement à distribuer le film à l’échelle mondiale.

7) Conventions d’option

[55] Comme condition aux opérations relatives à la société Six Iron, la société Fox a exigé que les associés lui accordent une option pour acquérir leurs parts dans la société Six Iron (l’« option no 1 »). Selon M. Nimchuk, la société Fox restait inflexible quant à l’intégration de l’option dans la convention.

[56] Selon la convention d’option [15] , le prix à payer pour l’option, si celle-ci était exercée, était de 218 093 121 $ US. M. Nimchuk a témoigné qu’il avait négocié cette somme avec la société Fox.

[57] L’option no 1 des opérations relatives à la société Six Iron expirait le 25 décembre 2006 ou cinq jours après la sortie du film en salle, selon la première de ces éventualités.

[58] Selon l’option no 1, les sociétés de personnes devaient accorder à la société Fox une hypothèque et une sûreté de premier rang sur leurs actifs.

[59] La société Fox a ensuite cédé son option d’acquisition des parts des sociétés de personnes. Dans le cas des opérations relatives à la société Six Iron, aux termes de la « convention de cession et d’option [16] », la société Fox a cédé l’option no 1 à la société Wordsmith. En contrepartie, la société Wordsmith a accordé une option irrévocable à la société Fox (l’« option no 2 »), qui permettait à la société Fox d’acquérir la participation de la société Six Iron dans le film lorsque la société Wordsmith exercerait l’option no 1. En contrepartie de l’option no 2, la société Fox devait verser 214 521 000 $ US à la société Wordsmith. La convention de cession prévoyait que si la société Fox exerçait l’option no 2, la société Wordsmith serait tenue d’exercer l’option no 1. La société Wordsmith a convenu que si la société Fox lui cédait l’option no 1, la société Wordsmith assumerait toutes les obligations de Fox en vertu de la convention d’option. La société Wordsmith a également accepté de remettre aux associés un contrat de sûreté de second rang contenant une sûreté sur tous ses biens actuels et acquis ultérieurement, en garantie du paiement du prix de l’option si elle exerçait l’option no 1. En outre, pour garantir leurs obligations envers la société Wordsmith (en tant que cessionnaire de la société Fox), les associés devaient faire en sorte que la société Six Iron accorde à la société Wordsmith une sûreté de deuxième rang (sous réserve de la sûreté de premier rang accordée à la société Fox) fournissant ainsi une garantie sur tous les biens personnels actuels et futurs de la société Six Iron.

[60] La société Wordsmith a ensuite cédé l’option no 1 à la société Faultline, qui a également assumé les obligations de la société Wordsmith. Par la remise d’un billet à ordre, la société Faultline a versé à la société Wordsmith 2 430 000 $ US afin d’acquérir les droits et intérêts de la société Wordsmith.

[61] L’appelante a produit des éléments de preuve et avancé des arguments dans l’espoir de démontrer que, au moment de la conclusion des opérations, Fox n’avait donné aucune garantie ou indication qu’elle exercerait son option.

8) Prêt consenti par la société de personnes à Fintrust

[62] Les sociétés de personnes et Fintrust ont conclu la convention de prêt entre les sociétés de personnes et Fintrust (le « prêt consenti par les sociétés de personnes à Fintrust ») [17] . Avec le reste du produit de leur souscription, les sociétés de personnes ont prêté 6 000 000 $ US à Fintrust. La convention indique que ce prêt a été consenti pour permettre à Fintrust de rembourser le prêt d’un jour à la RBC. M. Nimchuk a tenté de convaincre la Cour que cette structure a été créée avec une marge de manœuvre pour accumuler des fonds excédentaires, tels que ces 6 000 000 $, afin de fournir des ressources pour les coûts de marketing après la sortie du film. Il a allégué à cet égard que les sociétés de personnes avaient toujours eu l’intention de conserver la propriété des films.

[63] Le prêt a été avancé à la date de conclusion des opérations et devait être remboursé, soit au dixième anniversaire de la date de conclusion des opérations, soit à la demande des sociétés de personnes. Le taux d’intérêt du prêt était de 9,5 % par an.

9) Prêt consenti par la société Fox à Fintrust

[64] À la date de conclusion des opérations, la société Fox et Fintrust ont conclu la convention de prêt entre le distributeur et Fintrust (le « prêt consenti par la société Fox à Fintrust ») [18] . En ce qui concerne les opérations relatives à la société Six Iron dans le cadre de cette convention, la société Fox acceptait de fournir une facilité de crédit à Fintrust de 206 850 000 $ US. Selon la convention, cette facilité de crédit a été mise à disposition en partie pour permettre à Fintrust de rembourser le prêt d’un jour. Le taux d’intérêt de 5 % par an sur le prêt devait être payé à chaque anniversaire de la date de conclusion des opérations pendant 10 ans, date à laquelle tous les intérêts courus et impayés devaient être payés en totalité.

[65] Une caractéristique importante de ce prêt est que le remboursement intégral du prêt devait être effectué à la première des deux dates suivantes : le dixième anniversaire de la date de conclusion des opérations ou à la demande de la société Fox.

10) Contrats de sûreté

a) Contrat de sûreté entre la société de personnes et la société Fox [19]

[66] Ce contrat de sûreté entre la société de personnes et le distributeur (le « contrat de sûreté entre la société de personnes et la société Fox ») a été conclu entre la société Fox, en tant que partie garantie, et la société Six Iron. Aux termes de ce contrat, la société Six Iron et son associé en nom collectif ont accepté d’accorder à la société Fox une sûreté sur certains biens donnés en garantie en contrepartie de la conclusion par Fox de l’accord de distribution, de la convention d’option, de la convention de cession et d’option, et de la convention de prêt entre la société Fox et Fintrust (les « documents relatifs aux opérations »).

[67] À titre de bien donné en garantie, l’associé en nom collectif et la société Six Iron ont accordé à la société Fox une charge fixe et flottante sur tous leurs biens personnels actuels et futurs. Les biens donnés en garantie comprennent les biens de la société Six Iron (notamment tous les droits sur le film) et tous les comptes à recevoir (notamment toutes les sommes dues à la société de personnes). Les biens donnés en garantie comprennent également tous les produits de l’un ou l’autre des autres biens donnés en garantie. L’associé en nom collectif a également fourni une sûreté sur sa participation dans la société Six Iron.

[68] La sûreté accordée aux termes de ce contrat devait consister à tout moment en une charge de premier rang.

[69] Selon l’article 8 du contrat, la société Fox pouvait recouvrer les créances [traduction] « de la manière, selon les modalités et conditions et au(x) moment(s) qu’elle juge opportuns et sans préavis à la société de personnes, tant avant qu’après défaut » [20] . Aux termes de cette stipulation, toutes les sommes perçues ou reçues par la société de personnes à partir de tout compte à recevoir doivent être détenues en fiducie au nom de la société Fox et immédiatement versées à celle-ci. Il est important de noter que, également selon cette stipulation, [traduction] « toutes les sommes d’argent recueillies ou reçues par [la société Fox] en ce qui concerne les comptes à recevoir ou d’autres biens donnés en garantie peuvent être appliquées sur les parties de la dette et des obligations de la société de personnes envers [la société Fox] que [la société Fox] estime opportunes » [21] .

[70] L’article 11 du contrat énumère les événements constituant un défaut, notamment tout défaut de la part de la société Six Iron, de l’un des associés, de Fintrust, de la société Wordsmith ou de la société Faultline aux termes de l’un des documents relatifs aux opérations. Conformément à une documentation intitulée « Documents relatifs au nantissement de la cession des droits d’auteur » [22] , l’associé en nom collectif et la société Six Iron sont tenus de joindre au document de nantissement deux documents de cession non datés et d’autoriser la société Fox à remplir les documents en cas de manquement à l’article 11 du contrat de sûreté entre la société de personnes et le distributeur. Cependant, M. Nimchuk a déclaré que le document de nantissement avait été mis en place pour donner effet à la cession des droits d’auteur si la société Fox choisissait d’exercer cette option.

b) Contrat de sûreté entre les associés et la société Fox [23]

[71] Le contrat de sûreté entre les associés et le distributeur (la « sûreté consentie par les associés en faveur de la société Fox ») a été conclu entre les associés en nom collectif et les commanditaires de la société Six Iron et la société Fox. Aux termes de ce contrat, les associés accordent à la société Fox une sûreté sur les droits et intérêts de chaque associé dans la société Six Iron. La « sûreté » comprend tout intérêt dans les parts de société de personnes, le film, l’accord de distribution, les accords relatifs aux opérations [24] (ou tout accord auquel il est fait référence), et les revenus et droits revenant à chaque associé en tant que détenteur des parts de société de personnes.

[72] La sûreté prévue par ce contrat s’ajoute à toute autre sûreté accordée à la société Fox et ne la remplace pas. En outre, à l’exception des « charges autorisées » figurant à l’annexe B du contrat, la sûreté accordée aux termes du contrat doit à tout moment être de premier rang. À moins que la société Fox ne produise un consentement écrit, aucune sûreté supplémentaire ne peut être accordée dans le cas où elle a ou pourrait avoir un rang égal à toute sûreté créée par le contrat.

[73] L’article 8 stipule qu’en cas de manquement au contrat ou de violation des dispositions de la convention d’option ou de la convention de cession et d’option, toutes les distributions au titre des parts de société de personnes détenues par un associé sont appliquées aux obligations de cet associé envers la société Fox. En outre, tout produit reçu par l’associé au titre des parts de société de personnes est ajouté aux biens donnés en garantie et en fera partie.

[74] L’article 9.1 du contrat permet à la société Fox de [traduction] « recevoir toute augmentation des bénéfices découlant des biens donnés en garantie », qu’il y ait eu ou non défaut.

[75] Enfin, l’article 10 du contrat stipule que toutes les sommes perçues ou reçues par la société Fox sont affectées à l’endettement des associés de la manière que la société Fox jugera la plus appropriée ou, à la discrétion de la société Fox, ces sommes peuvent être conservées sans affectation dans un compte en garantie ou libérées au profit de la société Six Iron, le tout sous réserve de la responsabilité des associés ou des droits de la société Fox aux termes du contrat.

c) Autres contrats de sûreté

[76] Ces opérations complexes contenaient de nombreux autres contrats de sûreté, dont certains seront mentionnés en l’espèce.

[77] Le contrat de sûreté entre l’associé et Fintrust du 21 novembre 2006 (la « sûreté consentie par l’associé en faveur de Fintrust ») [25] a été fourni comme sûreté pour le prêt consenti par Fintrust à la société Paletta International. Aux termes de ce contrat, la société Paletta International a également fourni une sûreté dans les parts qu’elle détenait dans la société Six Iron. L’article 9 de ce contrat est identique à l’article 9 du contrat de sûreté entre les associés et la société Fox, sauf que la partie bénéficiant de la sûreté est Fintrust.

[78] Conformément au prêt consenti par la société de personnes en faveur de Fintrust, Fintrust a accordé une sûreté sur tous ses biens personnels actuels et futurs à la société Six Iron aux termes du contrat de sûreté entre Fintrust et la société de personnes (le « contrat de sûreté entre Fintrust et la société de personnes ») [26] .

11) Contrat de dépôt entre les mains d’un tiers

[79] Afin de permettre aux parties d’exercer leurs options après les dates de conclusions des opérations, les parties ont signé, à la date de clôture de Six Iron, des documents découlant de l’exercice des options et ont placé ces documents en main tierce (les « documents placés en main tierce ») auprès de Davis & Company, le cabinet d’avocats intervenant comme dépositaire légal. Les conditions de l’entiercement ont été définies dans un document écrit. Conformément à ce document, les documents placés en main tierce devaient être exécutés et seulement libérés de l’entiercement conformément aux « conditions postérieures à la conclusion des opérations » [27] .

12) Exercice des options

[80] Dans chacune des opérations, la société Fox a exercé son option près de la date de sortie de chaque film. La date de sortie en salle du film de Six Iron était le 22 décembre 2006. Avant cela, le 18 décembre 2006, la société Fox avait exercé l’option no 2 pour les opérations relatives à la société Six Iron [28] , ce qui a obligé la société Wordsmith à exercer l’option no 1 [29] . Le même jour, les documents placés en main tierce ont été libérés de l’entiercement. Le prix total de l’option no 1 était de 218 093 121 $ US et le prix payable à la société Paletta International pour ses parts en vertu de l’option no 1 était de 218 091 000 $ US.

[81] La société Wordsmith a ensuite cédé à la société Faultline tous ses intérêts dans les droits d’auteur sous-jacents du film, ses intérêts dans les accords connexes et son obligation de payer le prix de l’option aux anciens associés de la société Six Iron.

[82] Selon les appelants, une fois les options exercées, les sociétés de personnes ont cessé d’exister légalement. Les appelants affirment que les sociétés de personnes ont réalisé une perte à des fins fiscales en raison de la déductibilité des frais de copie et de publicité. Le ministre a nié la réalité de telles pertes.

13) Opérations d’anéantissement

[83] Comme il a été expliqué ci-dessus, aux termes du prêt consenti par la société Fox à Fintrust, la société Fox a accepté de fournir une facilité de crédit à Fintrust de 206 850 000 $ US.

[84] Après avoir exercé l’option no 1 et cédé les obligations qui en découlent à la société Faultline, la société Paletta International avait une somme à recevoir de la part de la société Faultline et une somme payable à Fintrust. Ces deux sommes portaient intérêts.

[85] Immédiatement après la conclusion des opérations, Fintrust devait 206 850 000 $ US à la société Fox [30] . Après que la société Fox eut exercé l’option no 2, elle devait 214 521 000 $ US à la société Faultline.

[86] Aux termes de la convention de prise en charge des obligations [31] , Fintrust a payé le montant impayé du prêt consenti par la société Fox à Fintrust (soit 206 850 000 $ US) en prenant en charge la dette de la société Fox envers la société Faultline (soit 214 521 000 $ US). C’est là que se produit l’« anéantissement ». Après cet anéantissement, la société Fintrust devait assumer une plus grande part de responsabilité qu’au départ.

[87] La différence entre le montant principal du prêt consenti par la société Fox à Fintrust et la dette de la société Fox envers la société Faultline était de 7 671 000 $ US. Les appelants soutiennent que cet écart peut être assimilé à une perte ou à une déduction. Les appelants soutiennent encore que ce montant compense presque entièrement les revenus de Fintrust – à savoir les commissions de montage, les commissions de facilité de crédit et les commissions de change – qui s’élèvent à 8 455 753 $ US.

[88] Les appelants soutiennent également que Fintrust n’avait pas de dette fiscale parce que le revenu qu’elle a gagné, sous forme de commissions de montage et de revenu d’intérêt, a été compensé par la perte réalisée dans le cadre de l’opération d’anéantissement.

III. Question préliminaire

[89] Dès le début du procès, il est apparu clairement que l’une des questions importantes que je devais trancher était de savoir si la société Fox avait convenu à l’avance d’exercer son option d’acquisition des parts de société de personnes de telle sorte que les films lui seraient rendus. serait une question centrale. En bref, les options étaient-elles des trompe-l’œil destinés à occulter l’accord préalable des parties selon lequel les films seraient rachetés par la société Fox avant leur sortie commerciale?

[90] Au cours des débats, l’avocat des appelants a soulevé la question de savoir si l’intimée avait omis d’alléguer correctement l'argument tiré de la notion de trompe-l’œil en ce qui concerne les conventions d’option. J’ai invité les deux avocats à discuter ce point par souci d’équité procédurale, car j’avais l’intention d’étudier cette question dans mes motifs. Après l’audience, les deux parties ont déposé des observations écrites supplémentaires exposant leurs points de vue sur la question.

[91] Dans ses réponses, l’intimée ne soutient pas explicitement que les options étaient des trompe-l’œil. Dans son exposé des faits, l’intimée admet l'observation de l’appelant selon laquelle la société Wordsmith a exercé son option. De plus, l’intimée tient pour acquis le fait que la société Fox a exercé ses options. En revanche, les hypothèses de fait de l’intimée établissent clairement le prêt d’un jour, la « convention de prêt aux associés », le contrat d’achat et de cession de droits et la convention de distribution comme des trompe-l’œil. L’intimée utilise les mots [traduction] « soi-disant » ou [traduction] « prétendument » pour qualifier les opérations qu’elle prétend être des trompe-l’œil.

[92] L’intimée soulève cependant plusieurs hypothèses concernant les conventions d’option. Elle présume que l’appelant savait que la société Fox exercerait les options et qu’aucun revenu ne serait réalisé pendant que les sociétés de personnes avaient un intérêt dans les films, que les options étaient prédestinées à être exercées et que les films étaient prédestinés à être rétrocédés à la société Fox. L’intimée présume également que [traduction] « [l]a société Fox ou toute autre partie n’a jamais eu l’intention de permettre à [la société de personnes] de posséder, de contrôler et d’exploiter réellement le film » [32] .

[93] L’appelant a d’abord convenu que l'omission d’établir que les options étaient des trompe-l’œil dans les réponses n’empêchait pas la Cour de trancher la question et que l’erreur ne soulevait qu’une question de fardeau :

[traduction]

JUGE : Dites-vous, dans votre examen des plaidoiries, que la Couronne a fait défaut d’établir que l’option constituait un trompe-l’œil?

M. DAVIES : C’est ce que je dis, votre honneur, oui.

JUGE : Et vous dites que certaines des allégations plus larges qu’elle soulève ne permettent pas à la Cour de considérer l’incidence de cette convention d’option et la question de savoir s’il s’agissait d’une façade ou non?

M. DAVIES : Eh bien, je n’irais pas aussi loin, mais certainement dans la mesure où les hypothèses faites par le ministre ont fait peser le fardeau de la preuve sur les appelants, alors nous devons nous acquitter de ce fardeau dans la mesure de ces hypothèses, mais pas au-delà.

JUGE : D’accord, mais si la Cour est préoccupée par l’option et l’incidence de celle-ci et par la question de savoir s’il s’agissait d’une véritable option ou non, vous dites simplement que le fardeau de la preuve passe à la Couronne à ce moment-là.

M. DAVIES : Oui. Et il est clair que cela fait partie des mêmes opérations qui sont en cause en l’espèce. Et je pense que cela devient une question de fardeau [33] .

[94] À ce stade, les appelants avaient présenté leurs premières observations écrites. Ces observations font référence aux options tout au long du processus et, ce faisant, elles portent également sur l’allégation de trompe-l’œil. Les appelants allèguent que [traduction] « la société Fox n’a donné aucune assurance ou indication qu’elle exercerait son option au moment de la conclusion des opérations » [34] . Dans une section intitulée [traduction] « Les faits relatifs au trompe-l’œil allégué », les appelants affirment que [traduction] « l’exercice de l’option n’avait pas été prédéterminé et n’a pas été non plus connu des autres participants à l’opération avant qu’il n’ait lieu effectivement » [35] . Les appelants soulèvent également la question de la validité des options dans la section [traduction] « Efficacité de la cession » en comparant la structure de l’opération à celle des opérations impliquant Ingenious Film Partners, qui étaient une série d’opérations similaires que la société Fox a conclues avec une autre partie :

[TRADUCTION]

En outre, les opérations impliquant Ingenious montrent que la société Fox n’hésite pas à intégrer un mécanisme de réacquisition obligatoire. Elle aurait pu structurer les opérations avec Ingenious de manière à intégrer également une option d’achat, mais elle ne l’a pas fait. Son utilisation dans les opérations relatives à la société Six Iron est donc plus remarquable, et doit être considérée comme valide [36] .

[Non souligné dans l’original.]

[95] Les appelants discutent les options dans leurs observations sur les abris fiscaux en faisant valoir que, selon le témoignage de MM. Paletta, Nimchuk et Fergus, il y avait incertitude quant au fait que les options seraient exercées [37] . Ils présentent également des observations concernant les options et la question de savoir si les parts de société de personnes étaient détenues au titre du revenu ou du capital :

[traduction]

Le fait que la société Fox exige que l’option soit accordée dans le cadre des opérations a semblé [traduction] « un élément défavorable » à Angelo, puisqu’il courait le risque de se voir retirer les droits du film (ou de sa société) après avoir fourni tout le travail et les efforts nécessaires. Cependant, cette exigence ne semblait pas inhabituelle à Angelo, qui connaissait plusieurs opérations immobilières où des options étaient accordées. Selon les appelants, il y avait une chance sur deux que la société Fox exerce l’option.

[...]

La convention d’option était entièrement sous le contrôle de la société Fox. Angelo n’aurait pas su quels facteurs qui conduiraient la société Fox à exercer l’option. Le fait que l’option ait été exercée par la société Fox dans d’autres opérations n’avait aucune incidence sur la probabilité que la société Fox agisse de la même façon pour les investissements des Paletta et de la société Paletta International Corporation car, selon Angelo, chaque opération est distincte et différente, le moment pertinent est différent, les conditions sont différentes, les gens sont différents, l’objectif et la direction de la société sont différents, etc. [...] [38]

[Renvois omis.]

[96] Ces observations tenaient compte des éléments de preuve présentés au procès et la formulation des enjeux de l’affaire par les appelants dans leur déclaration liminaire écrite. La déclaration liminaire contient de nombreuses références aux conventions d’option. Elle reprend les déclarations tirées des observations écrites des appelants selon lesquelles la société Fox n’a donné aucune garantie ou indication qu’elle exercerait son option, et que plusieurs facteurs auraient pu inciter la société Fox à ne pas exercer l’option [39] . La déclaration liminaire fournit des explications et des justifications quant à l’insistance de la société Fox sur la nécessité d’exercer l’option et les facteurs qui l’auraient influencée dans son choix d’exercer l’option [40] . La déclaration liminaire décrit également la position du ministre qui allègue [traduction] « que les opérations dans leur ensemble étaient un trompe-l’œil » [41] .

[97] Les appelants ont présenté des éléments de preuve au procès qui démontrent qu’ils comprenaient que la validité des options était en cause. L’avocat des appelants a interrogé plusieurs de ses propres témoins au cours de l’interrogatoire principal sur la probabilité que les options soient exercées. M. Paletta a longuement témoigné sur sa conviction qu’il y avait une chance sur deux que les options soient exercées. MM. Nimchuk et Fergus ont également témoigné longuement quant à leur compréhension de la probabilité que les options soient exercées et quant à toute information qu’ils ont reçue de la société Fox à cet égard.

[98] Bien que les appelants aient initialement soulevé la question des réponses au regard du fardeau de la preuve, ils ont fait valoir le lendemain que l’intimée avait admis la validité des options et qu’elle ne pouvait donc plus contester leur validité. C’est à ce moment-là que j’ai demandé des observations écrites supplémentaires sur la question.

[99] Les appelants formulent la question de manière très restrictive dans leurs observations. Selon eux, l’intimée n'a pas plaidé que les options étaient des trompe-l’œil ou qu’il était certain qu’elles seraient exercées et que l’intimée a en fait admis la validité des options. Les seules solutions, selon les appelants, consistent à retirer l’admission ou à modifier les actes de procédure de l’intimée, des solutions qui ne sont pas appropriées à ce stade.

[100] Je rejette les arguments des appelants sur cette question.

[101] L’intimée n’a pas admis que les options étaient valides. Même si tel avait été le cas, dans les circonstances, un tel aveu ne lierait pas la Cour. En outre, il n’y a pas d’injustice pour les appelants si la Cour se prononce sur ces appels au motif que les options sont des trompe-l’œil.

A. Il n’y a pas d’aveu formel qui lie la Cour.

[102] Un aveu formel (également connu sous le nom d’aveu judiciaire ou exprès) est une concession par une partie qu’un certain fait ou une certaine question n’est pas controversé [42] . Dans les affaires civiles, un aveu formel est normalement concluant et lie la Cour, même s’il est contredit par la preuve. Toutefois, il n’en va pas nécessairement de même dans le domaine fiscal.

[103] L’admission par l’intimée de la déclaration des appelants selon laquelle l’option a été exercée ne constitue pas une admission de la validité de l’option. Il s’agit d’une admission que les exigences documentaires relatives à l’option se sont produites au moment et de la manière exposés par les appelants. L’essence même du trompe-l’œil est que les droits et les relations juridiques établis dans les documents ne sont pas les droits et les relations juridiques que les parties avaient l’intention de créer et qu’elles ont créés. À première vue, l’option a été exercée. Il y aurait toutefois trompe-l’œil si cet exercice était prédéterminé et si les parties avaient convenu dès le départ que la société Fox rachèterait les films avant leur sortie commerciale.

[104] Il ressort clairement des hypothèses soulevées par le ministre que l’exercice des options avait été prédéterminé. Les appelants soutiennent que ces hypothèses sont erronées parce qu’elles décrivent de façon inexacte les parties à l’option comme étant la société Six Iron et la société Fox, alors que les parties étaient en fait la société Paletta International et l’associé en nom collectif. L’appelant soutient que cette description erronée a conduit à l’affirmation erronée que l’option avait été prédéterminée. Premièrement, la description erronée n’est pas aussi claire que l’affirment les appelants. Deuxièmement, je ne vois pas en quoi cela influence l’hypothèse selon laquelle l’exercice de l’option avait été prédéterminée. Dans la mesure où le ministre a fait des déclarations erronées sur les parties à l’option, il lui incombe de prouver qui étaient ces parties. De plus, les appelants n’ont pas discuté la dernière phrase du paragraphe pertinent de la réponse, dans laquelle il est dit que [traduction] « le film lui-même était prédestiné à être rétrocédé à la société Fox » [43] . La réponse indique également que [traduction] « l’appelant savait que la société Fox exercerait son option pour racheter le film » [44] . Il est donc clair que l’intimée a supposé qu’il n’y avait aucun doute que les options seraient exercées.

[105] Même si je fais erreur et que l’intimée a admis que les conventions d’option étaient valides et non des trompe-l’œil, je ne pense pas que la Cour soit liée par cet aveu dans les circonstances. Dans l’arrêt Hammill c. Canada [45] , la Cour d’appel fédérale a conclu que la Cour de l’impôt n’est pas liée par un aveu qui s’avère contraire aux faits lorsque la partie qui bénéficie de cet aveu a présenté des éléments de preuve allant au-delà de l’aveu [46] . Cette jurisprudence a été suivie à l'occasion des affaires Fiducie Alex Trust c. Canada [47] et Canada c. Doiron [48] .

[106] La Cour d’appel fédérale enseigne qu’en raison de la nature publique d’un appel en matière fiscale, la règle normale applicable aux aveux dans le contexte civil ne s’applique pas lorsqu’une partie verse elle-même au dossier des éléments de preuve qui vont au-delà des faits convenus :

[29] Plus précisément, l’appelant fait valoir que le juge de la CCI était lié par les faits tels qu’ils avaient été admis, même si une preuve contraire a été produite au procès. Il invoque à l’appui de cette thèse : Sopinka, The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Butterworths, 2004, à la page 1051; Urquhart c. Butterfield (1887), 37 Ch.D. 357, aux pages 369 et 374; et Copp c. Clancy (1957), 16 D.L.R. (2d) 415, à la page 425.

[30] À mon avis, ces textes, qui s’appliquent à des litiges civils entre particuliers, ne sont d’aucune aide pour l’appelant dans le contexte de la présente espèce. S’il est vrai que le fait admis dans l’exposé conjoint des faits était favorable à l’appelant, ce dernier ne s’est pas contenté d’essayer de faire trancher son appel sur ce fondement. Il a plutôt choisi de produire devant la Cour une quantité considérable d’éléments de preuve - qui va au-delà des faits convenus - touchant la nature et l’ampleur de l’escroquerie.

[31] L’issue d’un appel interjeté contre une cotisation établie sous le régime de la Loi ne dépend pas de la volonté des parties. Les deniers publics sont en jeu, et la législation donne à la Cour canadienne de l’impôt le mandat de confirmer ou modifier une telle cotisation en première instance sur la base des faits, prouvés ou admis. C’est pourquoi, si la Cour, placée devant un fait formellement admis, ne cherchera pas en général plus loin, les parties ne peuvent par convention dicter l’issue d’un appel en matière fiscale. La Cour canadienne de l’impôt n’est pas liée par la reconnaissance d’une allégation que des éléments de preuve régulièrement produits révèlent être contraire aux faits.

[32] Dans la présente espèce, la preuve pertinente a été produite par l’appelant lui-même, et le juge de la CCI a conclu de cette preuve qu’il avait été la victime d’une fraude du début à la fin, conclusion qui exclut l’existence d’une entreprise. À mon avis, le juge de la CCI ne pouvait statuer sur la validité des nouvelles cotisations tout en fermant les yeux sur la preuve qui lui avait été présentée.

[33] En outre, l’appelant n’est pas fondé à soutenir (comme il l’a fait pendant l’audience de l’appel) que cette conclusion était interdite au juge de la CCI au motif que le délai prévu par la loi pour les nouvelles cotisations était expiré quand il l’a prononcée [Pedwell c. La Reine, 2000 DTC 6405 (C.A.F.)]. La décision du juge de la CCI sur ce point confirme les nouvelles cotisations sur le même fondement principal que celui sur lequel elles avaient été établies [soit l’alinéa 18(1)a)] et ne donnent pas lieu à une dette fiscale supérieure à celle qui avait été établie à l’origine [cf. La Reine c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 DTC 5512 (C.A.F.), aux paragraphes 39 et 40] [49] .

[Non souligné dans l’original.]

[107] Comme il a été signalé ci-dessus, les appelants ont discuté la question de la validité des options dès le début du procès. Ils ont produit une quantité considérable d’éléments de preuve à ce sujet. Même si je concluais que l’intimée avait admis la validité des options, il s’agit d’un cas où la Cour ne serait pas liée par l’aveu, vu la preuve au dossier.

B. Il n’y a pas d’injustice procédurale pour les appelants.

[108] Bien que je constate que l’intimée n’a pas admis que les options étaient valides, je reconnais qu’il ressort clairement des réponses que l’intimée a fondé sa thèse sur l’idée que les moyens de transférer les films de la société Fox aux sociétés de personnes étaient des trompe-l’œil dès le départ. Selon cette thèse, il n’est pas nécessaire de conclure que les options étaient des trompe-l’œil dans la mesure où les films n’avaient pas été effectivement cédés. Compte tenu de ce qui précède, je ne pense pas qu’il soit injuste pour les appelants de décider que les options étaient des trompe-l’œil.

[109] Il existe une abondante jurisprudence concernant l’interaction entre la réponse de l’intimée, des arguments nouveaux ou subsidiaires et les droits des contribuables. Dans l’arrêt Banque continentale du Canada c. Canada, la Cour suprême du Canada a conclu que le ministre ne peut pas soulever un nouvel argument qui a pour effet de créer une nouvelle cotisation établie sur une base différente après l’expiration du délai de prescription [50] . Le problème que voyait la Cour était le fait que les éléments de preuve nécessaires pour étayer le nouvel argument n’ont pas été produits au procès et que le nouvel argument revenait à établir une cotisation au-delà du délai de prescription [51] . Cette jurisprudence a incité le législateur à adopter le paragraphe 152(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) qui permet clairement au ministre de présenter de nouveaux arguments à n’importe quelle étape d’une procédure, sous réserve d’une disposition concernant le préjudice que le contribuable subit sur le plan de la preuve.

[110] Dans les présents appels, l’intimée a établi une cotisation à l’égard des appelants, entre autres, aux termes de l’alinéa 18(1)a) de la Loi, refusant la déduction des pertes de société de personnes au motif que les sommes d’argent n’avaient pas été engagées dans le but de tirer un revenu d’une entreprise. Comme il a été signalé, la thèse de l’intimée est que les opérations antérieures à l’option étaient des trompe-l’œil ou n’étaient pas valables sur le plan juridique. L’intimée a néanmoins supposé que les options avaient été prédéterminées et que les appelants savaient qu’elles seraient exercées. À la lumière des éléments de preuve présentés au procès, statuer sur l’affaire comme si c’était l’option plutôt que la ou les opérations précédentes qui constituait le trompe-l’œil ne change pas le fondement des nouvelles cotisations. Statuer sur une affaire ne consiste pas à s’appuyer sur des hypothèses non plaidées. Cela ne résulte pas non plus en une augmentation de l’impôt à payer par les appelants. Il s’agit d’une décision selon laquelle les sommes réclamées par les appelants ne sont pas déductibles aux termes de l’alinéa 18(1)a), car elles ne constituent pas des dépenses engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise. Par conséquent, il n’y a pas de nouvelle base de cotisation.

[111] J'examinerai maintenant examiner la question du préjudice subi par les appelants. Je le fais non seulement dans l’éventualité où je me ferais erreur sur la question de savoir si décider que les options étaient des trompe-l’œil constituerait une nouvelle base de cotisation, mais aussi parce que les contentieux fondés sur le paragraphe 152(9) peuvent s’enliser dans ce que le juge Rothstein (tel était alors son titre), a appelé une « argumentation sémantique » [52] . Je ne souhaite pas trancher la question sur des questions de pure forme : le cœur de la question est l’équité envers les appelants.

[112] En l'espèce, l’équité signifie que la partie doit connaître les moyens qui lui sont opposés et avoir la possibilité de présenter les éléments de preuve pertinents [53] .

[113] Les appelants soutiennent qu’ils ont avancé leurs arguments en partant du principe qu'il n'avait pas été soutenu que les options étaient des trompe-l’œil et que, par conséquent, la Cour ne dispose pas d’un dossier factuel complet pour trancher la question. Ils allèguent qu’ils auraient cité des témoins supplémentaires, en particulier ceux de la société Fox, et que les témoins qui ont été en effet cités auraient été interrogés différemment ou sur d’autres sujets. Par conséquent, les appelants soutiennent qu’ils ont subi un préjudice.

[114] Je rejette l'idée que les appelants ont subi un préjudice sur le plan de la présentation des éléments de preuve.

[115] Récemment, dans l’arrêt Bakorp Management Ltd. c. Canada, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument du contribuable puisé dans l’équité procédurale et la justice naturelle dans des circonstances où l’intimée n’avait pas indiqué, dans sa réponse, qu’elle s’appuyait sur la disposition selon laquelle le contribuable ne peut déclarer des pertes autres qu’en capital qu’une seule fois [54] . Le contribuable a soutenu que la Cour canadienne de l’impôt ne pouvait pas se fonder sur cette disposition pour refuser la déduction du contribuable pour pertes autres qu’en capital pour une année d’imposition au motif qu’elles avaient été déclarées pour une autre année d’imposition. La Cour d’appel fédérale a noté qu’il « ne fait aucun doute », à la lecture de l’avis d’appel du contribuable, que celui-ci avait compris que les pertes ne pouvaient être déclarées qu’une seule fois. Le contribuable avait également invoqué l’article pertinent, mais pas l’alinéa précis. De plus, le ministre s’était fondé sur l’hypothèse que le montant maximal des pertes autres qu’en capital disponible était un montant précis. La Cour d’appel fédérale a jugé que le renvoi à l’alinéa par le juge de la Cour canadienne de l’impôt « n’a pas introduit de nouveau principe de droit qui était inconnu de Bakorp » et que l’« allégation de manquement à l’équité procédurale [était] sans fondement » [55] .

[116] En l’espèce, les appelants ne peuvent prétendre être pris par surprise par la thèse de l’intimée. La validité des options a été un point central du procès dès le début. Les appelants ont présenté de nombreux éléments de preuve sur cette question. Lorsqu’ils ont soulevé cette question au cours de leur plaidoirie, ils ont initialement défendu la position selon laquelle toute question relative aux options n’empêcherait pas la Cour de statuer sur les options, mais ne serait prise en compte qu’en ce qui concerne la question du fardeau de preuve.

[117] Ce n’est que le lendemain que l’avocat a défendu la position selon laquelle l’intimée ne pouvait pas faire valoir que les options étaient des trompe-l’œil. Cela indique également à la Cour que les appelants n’avaient pas remarqué la prétendue lacune de l’acte de procédure du ministre jusqu’à récemment.

[118] Il s’ensuit que je ne puis retenir l’argument des appelants selon lequel ils ont subi un préjudice sur le plan de la présentation des éléments de preuve. Les appelants soutiennent qu’ils auraient cité des témoins supplémentaires ou différents s’ils avaient su que les options étaient en cause. Cependant, j’ai constaté que les appelants ont clairement considéré les options comme une question en litige dès le départ et ont présenté des éléments de preuve sur cette question dans leurs interrogatoires principaux de plusieurs témoins. Les témoins concernant les commissions ont été identifiés et cités après les deux premières semaines du procès, au cours desquelles les options ont été au centre de la preuve produite par les appelants et ont retenu l’attention de la Cour. Lorsque la Cour a observé qu’une personne du service des affaires commerciales de la société Fox aurait été un bon témoin, l’avocat des appelants a répondu que cette personne n’était plus au service de celle-ci :

[traduction]

JUGE : Mais elle n’en savait très peu au sujet de l’opération commerciale, voire rien du tout.

M. DAVIES : En effet, elle n’était pas très au courant de l’opération, mais...

JUGE : Mais l’objectif de la société Fox était de conclure l’opération, le responsable des affaires commerciales aurait été un bon témoin à cet égard.

M. DAVIES : Qui n’est plus au service de la société Fox.

JUGE : Je comprends [56] .

[119] En tout respect, l’argument des appelants selon lequel ils auraient cité d’autres témoins ou interrogé ceux qu’ils ont assignés d’une manière différente est une tentative d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Les appelants ont présenté des éléments de preuve sur les options par l’intermédiaire de leurs propres témoins parce qu’ils pensaient que ces éléments leur étaient favorables. Ils ont choisi de ne pas poursuivre la stratégie plus risquée consistant à citer des témoins de la société Fox spécialisés dans les affaires commerciales, qui auraient alors fait l’objet d’un contre-interrogatoire. Ils ont également choisi de ne pas poursuivre cet interrogatoire risqué avec les témoins qu’ils ont cités et qui n’avaient pas nécessairement intérêt à dépeindre les opérations comme les appelants auraient voulu qu’elles soient dépeintes. Il s’agissait d’une décision stratégique et je n’en tire pas de conclusion défavorable. Cependant, je ne pense pas qu’il soit juste de permettre aux appelants de tirer uniquement les avantages découlant de leur stratégie et d’en éviter les inconvénients.

[120] Je conclus qu’il n’y a rien dans les actes de procédure qui m’empêchent d’examiner la question de savoir si les options étaient des trompe-l’œil destinés à masquer l’accord des parties selon lequel les films seraient rachetés par la société Fox avant leur sortie commerciale.

IV. Trompe-l’œil

A. Le régime législatif

[121] Il semble qu'il n'y a pas controverse entre les parties quant au sens du mot « trompe-l’œil ». Elles ont toutes les deux cité l’arrêt Snook v. London & West Riding Investments, Ltd [57] . Dans l’arrêt Snook, le lord juge Diplock a observé que l’expression « trompe-l’œil » :

[...] signifie des actes faits ou des documents signés par les parties à la « frime », dans l’intention de faire croire à des tiers ou à la cour qu’ils créent entre les parties des obligations et droits légaux différents des obligations et droits légaux réels (s’il en est) que les parties ont l’intention de créer. Je crois qu’il y a cependant une chose qui est claire sur le plan des principes juridiques, de la moralité et de la jurisprudence [...] pour qu’un acte ou un document constitue un « trompe-l’œil » – avec les conséquences juridiques qui peuvent en découler – toutes les parties à cet acte ou à ce document doivent avoir l’intention commune de ne pas créer les droits et les obligations qu’ils font croire qu’ils créent. Aucune intention non exprimée de l’auteur d’un « trompe-l’œil » n’a d’effet sur les droits du tiers qu’il a dupé [...] [58]

[122] La jurisprudence canadienne a retenu la définition de trompe-l’œil consacrée par l’arrêt Snook en 1972 [59] . La Cour suprême du Canada a réaffirmé et suivi cette définition de l’expression « trompe-l’œil » dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine [60] . Dans l’arrêt Stubart, le juge Estey a défini le trompe-l’œil de la façon suivante :

[...] une opération assortie d’un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu’elle sert à masquer [...] [61]

[123] Deux décisions plus récentes du juge Noël de la Cour d’appel fédérale discutent le mot « trompe-l’œil ». Dans l’arrêt Antle c. Canada, il a observé, en opinion incidente :

[...] L’intention ou l’état d’esprit requis n’équivaut pas à une intention coupable et ne saurait aller jusqu’à constituer ce qui, en common law, est le délit de dol [...] Il suffit que les parties à une opération la présentent comme différente de la réalité qu’elles connaissent [...] [62]

[124] Dans l’arrêt 2529-1915 Québec Inc. c. Canada, il a observé :

[59] L’existence d’une frime en droit canadien exige donc en vue des définitions qui précèdent un élément de déception qui se manifeste règle générale par une fausse représentation par les parties de la transaction réelle intervenue entre elles. Dans ces circonstances, les tribunaux retiendront la transaction réelle et mettront de côté celle qui fut représentée comme étant la vraie [63] .

[125] En matière fiscale, le juge fera un constat de trompe-l’œil lorsque les éléments de preuve montrent que les parties ont fait une présentation erronée de leurs accords dans l’espoir d’obtenir un avantage fiscal qui serait refusé si la nature de leurs accords était dûment divulguée. En matière fiscale, la partie trompée est l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »).

[126] Dans le cas du trompe-l’œil, le juge doit examiner la réalité objective qui entoure les accords afin de déterminer si les documents relatifs aux opérations reflètent vraiment l’intention des parties. La preuve directe de l’existence d’un trompe-l’œil est rare lorsqu’une affaire est entendue par le juge. En l’absence de la reconnaissance de l’existence d’un trompe-l’œil, le juge doit apprécier la preuve indirecte.

[127] En l’espèce, la preuve se compose principalement des documents relatifs aux opérations eux-mêmes et des témoignages – en particulier le témoignage de MM. Fergus et Nimchuk (les « promoteurs ») et de M. Paletta. Les critères qui sont indicatifs de la réalité objective des accords sont notamment les suivants :

i) les circonstances qui entourent la création de la structure de l’opération;

ii) la diligence raisonnable, l’engagement et le contrôle exercés par les appelants ou l’absence de ceux-ci, lors de l’évaluation des opérations et de la participation à celles-ci;

iii) les pratiques ordinaires commerciales et de placement des appelants;

iv) les objectifs et motifs de conclusion des opérations déclarés par les parties;

  • v) les obligations et droits légaux tels qu’ils sont définis dans les documents relatifs aux opérations.

[128] Cette liste n’est pas exhaustive. Considérés de concert, ces critères éclairent l’analyse du juge visant à déterminer si les obligations et droits légaux, qui sont exposés dans les documents relatifs aux opérations, sont conformes à l’intention exprimée par les parties.

[129] Je souligne une chose : la recherche de la réalité objective d’une opération n’amalgame pas un trompe-l’œil (c.-à-d. une présentation erronée et une tromperie) et les notions de « réalité économique » ou d’« objectif commercial ». Le droit est bien fixé : une opération ne constitue pas un trompe-l’œil au motif qu'elle est dépourvue d’une réalité économique, d’un objectif commercial ou qu’elle sert un objectif d’évitement fiscal. Je rechercherai plutôt si les parties ont fait une présentation erronée à l’ARC de la nature de leurs accords.

[130] Un dernier point : il convient d'opérer une distinction entre le trompe-l’œil et l'abus. Le trompe-l’œil n’est pas un stratagème global qui est abusif; il est question de parties qui ont fait une présentation erronée de l’effet juridique d’une opération. Par conséquent, je dois indiquer certaines opérations qui font l’objet d’une présentation erronée. La structure de ces appels est complexe, et elle comprend de nombreuses opérations différentes et il est important de ne pas combiner toutes les opérations et les étapes en une seule, de ne pas dépeindre chaque étape comme un trompe-l’œil. Cela reviendrait à faire une interprétation erronée de ce qu’est un trompe-l’œil. Par exemple, l’intimée allègue que le prêt d’un jour consenti à Fintrust est un trompe-l’œil. Je ne suis pas de cet avis. Rien ne tend à prouver que les parties au prêt, dont la RBC, avaient l’intention de faire autre chose que ce qui est indiqué dans les documents – rembourser un prêt de 212 000 000 $ US (dans l’appel concernant la société Six Iron) dans les 24 heures. La circularité du flux de trésorerie n’équivaut pas à un trompe-l’œil dans le cas de ce prêt.

[131] Cependant, une fois qu'il est constaté qu’une opération est un trompe-l’œil, lorsque celle-ci fait partie d’une série d’opérations, il n’est pas toujours facile de déterminer les effets d’une opération fictive sur les opérations qui suivent, ou peut-être qui la précèdent. Je constate en l’espèce que les conventions d’option sont des trompe-l’œil – cela suffit pour trancher les présents appels. Je conclus également que les opérations d’anéantissement (définies ci-dessous) qui ont suivi les conventions d’option sont des trompe-l’œil.

B. Thèses des parties

[132] Les appelants soutiennent que le dossier montre que les parties avaient l’intention de respecter les ententes qu’elles ont conclues. Ils relatent un historique de relations familiales et commerciales dans le secteur des médias et des communications. Leur thèse est que M. Paletta a encouragé la famille à investir, d’abord par l’intermédiaire de la société Paletta International dans la société Six Iron, puis à titre individuel dans la société Swilcan, afin d’acquérir et de détenir de grands films nouvellement produits en vue de les exploiter et de réaliser un profit à long terme. Ils nient que l’exercice des options avait été prédéterminé, et sont catégoriques sur le fait que cet exercice a eu des retombées défavorables sur eux.

[133] Selon les appelants, la société Fox était disposée à conclure ces accords afin d'atténuer son risque pendant la période de postproduction et celle précédant la sortie des films. Pour la société Fox, les conventions d’option étaient essentielles pour atteindre cet objectif d’atténuation des risques. Si la société Fox pensait que les films seraient un succès commercial, elle exerçait les options avant la sortie commerciale des films pour les racheter. La société Fox recevait alors tous les revenus découlant des films. La société Fox conservait également une somme d’argent égale à 3 % des frais de copie et de publicité engagés par les sociétés de personnes. D’autre part, si la société Fox estimait que les films ne seraient pas des succès commerciaux, elle pouvait s’abstenir d’exercer les options. Dans ce cas, elle tirerait un profit en fonction des droits qui lui étaient conférés aux termes des accords de distribution.

[134] Bien entendu, l’intimée soutient le contraire. Selon l’intimée, les films n’ont jamais été véritablement transférés aux sociétés de personnes, dont le seul but était de permettre aux appelants de bénéficier d’économies d’impôts, et à la société Fox de bénéficier de la commission de 3 %. Les économies d’impôt des appelants découlaient de ce que les frais de copie et de publicité étaient déductibles alors que seulement la moitié des gains en capital réalisés sur la vente des parts de société de personnes étaient inclus dans le revenu.

[135] L’intimée affirme que la conduite des parties lors de la structuration, de l’examen et de la mise en œuvre des ententes n’est pas du tout conforme à leur intention déclarée de réaliser un investissement à long terme dans les films. Selon l’intimée, les ententes étaient structurées de manière à permettre à la société Fox de récupérer la pleine propriété des films avant leur sortie commerciale et de recevoir une commission égale à 3 % des frais de copie et de publicité déduits par les sociétés de personnes. En concluant les opérations, l’intention des appelants était de bénéficier des économies d’impôt substantielles associées à la déduction de ces frais.

[136] J'examinerai maintenant examiner les preuves afin de déterminer laquelle de ces deux évaluations contraires de ces preuves est correcte.

C. Historique de la structure d’investissement

[137] Les appelants ont cité à témoigner les promoteurs qui ont conçu la structure, MM. Warren Nimchuk et Warren Fergus. Tous deux sont des comptables agréés comptant des années d’expérience au sein de cabinets comptables. Au moment des opérations, M. Nimchuk était soit administrateur fiscal principal, soit associé chez PwC et comptait une vaste expérience dans le secteur du financement des films canadiens [64] . M. Fergus avait quitté la pratique libérale quelques années auparavant pour commercialiser des produits fiscaux et d’assurance avec un ex-client, qui l’a présenté à M. Nimchuk. M. Fergus a quitté cette entreprise pour rejoindre Grosvenor Park, une société servant d’abri fiscal pour des services de production, dont il est finalement devenu le directeur national des ventes. Lorsque le législateur a promulgué les règles sur les dépenses à rattacher (examinées ci-dessous), Grosvenor Park a plié bagage. À ce moment-là, M. Fergus s’est concentré de nouveau sur les produits d’investissement fiscal qu’il vendait avant d’entrer au service de Grosvenor Park. C’est à ce moment-là que MM. Nimchuk et Fergus ont entamé les discussions qui ont mené à la création de la structure dont la Cour est saisie aujourd’hui.

[138] Il est apparu clairement au procès que M. Nimchuk était l’expert technique tandis que M. Fergus avait pris en charge le service du marketing et le service à la clientèle. Lors de son interrogatoire principal, M. Nimchuk a reconnu qu’il connaissait très bien les « règles sur les dépenses à rattacher » énoncées à l’article 18.1 de la Loi et leur incidence sur la production cinématographique au Canada.

[139] Avant l’entrée en vigueur des règles sur les dépenses à rattacher, les grands studios américains pouvaient bénéficier d’un financement donnant droit à une aide fiscale en concluant des accords de services de production avec des sociétés de personnes canadiennes organisées pour financer des services de production en échange d’un droit futur à des revenus. La société de personnes réalisait une perte au cours des premières années parce qu’elle déduisait les dépenses courantes d’un éventuel droit futur à des revenus. Les associés parties à ces arrangements pouvaient déclarer des pertes au cours des premières années et bénéficier d’un important report d’impôt.

[140] M. Nimchuk a reconnu que la promulgation de l’article 18.1 a mis fin aux arrangements exposés ci-dessus. Le nouveau régime offrait des crédits d’impôt remboursables aux producteurs étrangers pour les activités de production cinématographique admissibles réalisées au Canada. M. Nimchuk est rapidement devenu un expert reconnu, fréquemment appelé à démystifier les rouages de ce nouveau régime. Il a témoigné qu’il avait développé un large éventail de contacts avec les principaux studios de cinéma, dont la société Fox.

[141] Après la promulgation des règles sur les dépenses à rattacher, M. Nimchuk a eu une conversation préliminaire avec deux des responsables des affaires commerciales de la société Fox, qu’il connaissait vu qu'il avait fait affaire avec celle-ci par le passé. Il a témoigné qu’il avait proposé un nouvel arrangement selon lequel la société Fox transférerait un film nouvellement produit à une société de personnes canadienne. La société de personnes accorderait des droits de distribution à la société Fox et, afin de maximiser les revenus de la société de personnes, s’engagerait à assumer une partie importante des frais de copie et de publicité jusqu’à la sortie commerciale du film. M. Nimchuk a expliqué que la société Fox était intéressée par la proposition à la condition qu’on lui accorde une option qui, si elle était exercée, lui permettrait de racheter le film.

[142] Selon les promoteurs, cet arrangement présentait deux avantages potentiels importants pour les investisseurs. Si la société Fox n’exerçait pas son option, les investisseurs pouvaient obtenir un rendement intéressant de l’exploitation commerciale du film. En revanche, si la société Fox exerçait son option et rachetait le film, les investisseurs bénéficiaient d’importantes économies d’impôt. Les économies d’impôt des appelants découlaient de ce que les frais de copie et de publicité étaient entièrement déductibles, tandis que seule la moitié des gains en capital réalisés par les investisseurs lors de la cession des parts de société de personnes (qui se produirait automatiquement lorsque la société Fox exercerait son option) était incluse dans le revenu.

[143] Ce nouvel arrangement offrait des avantages fiscaux similaires à ceux des arrangements concernant les « services de production » exposés plus haut, mais n’était pas visé par les règles sur les dépenses à rattacher, car les sociétés de personnes étaient propriétaires des films.

[144] Selon M. Nimchuk, la société Fox a bénéficié du meilleur de deux mondes dans le cadre de ces arrangements. Si la société Fox estimait qu’un film aurait du succès, elle exerçait l’option et conservait la totalité des revenus de distribution. Si la société Fox estimait que le film ne connaîtrait pas le succès escompté, elle laissait l’option expirer. Dans ce cas, la société Fox percevait les revenus prévus par les accords de distribution tandis que les appelants supportaient le risque que leur part des revenus de distribution ne soit pas suffisante pour leur permettre de récupérer leurs investissements dans le film.

[145] M. Nimchuk a effectué la majeure partie du travail technique de préparation de la structure. Une fois la structure en place, le moment était venu de la commercialiser. C’était le domaine d’expertise de M. Fergus, et il a réussi. Divers investisseurs ont utilisé cette structure pour déclarer des pertes fiscales relativement à huit films de la société Fox. Les Paletta, personnellement ou par l’intermédiaire de leurs sociétés, l’ont utilisée à trois reprises. La Cour est saisie de deux de ces investissements.

[146] Les promoteurs ont témoigné que lors de leurs négociations et discussions avec la société Fox, celle-ci n’a jamais donné d’indication quant à sa décision d’exercer ou non les options. Les promoteurs ont également reconnu que la société Fox a exercé les options chaque fois. Les appelants et les promoteurs voudraient faire croire à la Cour que c’est une simple coïncidence que la société Fox ait fait en sorte que les options soient exercées dans le cadre des huit opérations distinctes réalisées avec l’aide des promoteurs. Pour les raisons qui suivent, ceci dépasse tout à fait l’entendement.

D. Crédibilité des promoteurs

[147] Je constate qu’aucun promoteur n’est un témoin crédible ou digne de foi.

[148] M. Nimchuk a été le premier à témoigner. Dans la déclaration liminaire des appelants, M. Nimchuk est qualifié d'associé de PwC qui a aidé M. Fergus à négocier avec la société Fox, à créer les sociétés de personnes et à mettre en place la structure [65] . Son interrogatoire principal a été mené d’une manière en grande partie conforme à la façon dont il a été présenté au début du procès.

[149] L’intimée a rapidement établi que cette présentation était trompeuse. Au début du contre-interrogatoire, l’intimée a posé à M. Nimchuk une série de questions visant à déterminer s’il avait un intérêt personnel dans l’issue des structures. Le dossier illustre la mesure dans laquelle M. Nimchuk a tenté d'occulter l’entente secrète particulière qu’il avait conclue avec M. Fergus au début de leur relation :

[traduction]

Q. Dans le cadre de cette opération, vous n’avez été impliqué qu’en tant qu’employé de Price Waterhouse Cooper? Ou avez-vous été impliqué à un autre titre dans ces opérations?

R. Non, juste par l’intermédiaire de Price Waterhouse.

Q. D’accord. Si nous examinons les documents qui font partie des relieurs à feuilles mobiles concernant la conclusion des opérations, il y a de nombreuses opérations. Nous y avons fait largement référence. Y a-t-il des ententes supplémentaires, à votre connaissance, qui ne figurent pas dans ces relieurs à feuilles mobiles?

R. Avec le studio? Entre les sociétés de personnes?

Q. En ce qui a trait à l’opération?

R. Pas que je sache.

Q. D’accord. Y a-t-il des ententes secrètes?

R. Qu’est-ce qu’une entente secrète?

Q. Une entente qui n’était pas censée être divulguée dans les relieurs à feuilles mobiles. Dont vous avez connaissance?

R. À ma connaissance, il n’y a pas eu d’autres ententes relatives à l’opération entre l’une ou l’autre des parties.

Q. Il n’y a pas eu d’ententes écrites qui ne figurent pas dans ces relieurs à feuilles mobiles?

R. Il n’y a pas eu d’entente dont j’ai été mis au courant, qu’elle soit écrite ou autre.

Q. Sinon, vous voulez dire des ententes verbales ou n’importe lequel genre d’entente qui ne se trouve pas dans les relieurs à feuilles mobiles?

R. C’est cela, aucune entente.

Q. Peut-on dire la même chose de l’autre opération, l’opération Swilken [sic]? Vous avez été impliqué en tant qu’employé de Price Waterhouse Cooper?

R. Oui.

Q. Seulement à ce titre?

R. Oui.

Q. Et il n’y a pas non plus d’ententes supplémentaires concernant l’opération Swilken [sic]?

R. Non.

Q. Pas d’entente verbale?

R. Non.

Q. Pas d’entente écrite?

R. Non. [66]

[Non souligné dans l’original.]

[150] En fait, tout cela était faux. L’avocat de l’intimée a confronté M. Nimchuk avec des éléments de preuve documentaires de son intérêt financier dans les opérations au-delà de son implication en tant qu’employé ou associé de PwC. Au fur et à mesure que les éléments de preuve s’accumulaient, M. Nimchuk a tenté à chaque étape d’induire la Cour en erreur, n’admettant que ce qu’il avait sous les yeux et niant le reste jusqu’à ce que tout finisse par sortir.

[151] Les promoteurs ont reçu leurs honoraires en deux étapes : d’abord à partir des liquidités mises en place par les appelants et ensuite de la part de Fintrust à l’étape de l’anéantissement. Les deux paiements ont été versés à des sociétés contrôlées par M. Fergus ou son épouse (les « sociétés Fergus »), dont une appelée Puppy Productions Inc. et une autre appelée Savage Beagle Productions Inc. Lorsqu’il a été interrogé sur la preuve du premier paiement, M. Nimchuk a déclaré qu’il ne savait pas pourquoi l’argent avait été versé aux sociétés Fergus et a nié qu’il s’agissait de sa part des profits :

[traduction]

Q. – Et la somme qui a été versée à cette société était une part de ce profit... de cette somme, 2 243 457 $ entre – elle a été partagée entre Savage Beagle et Puppy Productions. Vous savez pourquoi?

R. Non.

Q. La somme a été répartie également. Il y avait 75 000 $ qui étaient déjà en possession de Warren Fergus. Et le reste a été réparti également?

R. Magnolia Lane?

Q. Oui.

R. Oui.

Q. Donc ce n’était pas votre part des profits?

R. Non [67] .

[Non souligné dans l’original.]

[152] Le deuxième paiement a eu lieu au stade de l’anéantissement de la structure. À ce stade, Fintrust a versé 1 170 021,35 $ US à Puppy Productions et à Savage Beagle Productions. Lorsqu’il a été interrogé sur ces paiements, M. Nimchuk est resté vague ou n’a pas pu se rappeler quelle en était la raison :

[traduction]

Q. Exact. Avant de passer à autre chose, j’aimerais que vous vous penchiez sur ces deux entrées à la page deux. À parts égales entre Puppy Productions et Savage Beagle. 1,17 million de dollars chacune.

R. Oui.

Q. Savez-vous pourquoi ces paiements ont été effectués?

R. Je crois qu’il s’agissait soit d’une redevance, soit d’un prêt entre ces entreprises et Wordsmith.

Q. Vous avez dit qu’il n’y avait pas d’autre entente... pas d’autres ententes supplémentaires hier?

R. Oui, je ne crois pas qu’il s’agissait d’une entente supplémentaire. C’était après l’opération. Wordsmith avait ces commissions qu’elle avait réalisées sur cette opération.

Q. Vous savez donc qu’il y a une entente concernant Puppy Productions et une entente concernant Savage Beagle?

R. Je sais qu’elles ont reçu de l’argent. Je ne me souviens plus si c’était un prêt ou une commission.

Q. Et vous ne savez pas... vous ne vous souvenez pas pourquoi cette somme a été payée?

R. Non [68] .

[Non souligné dans l’original.]

[153] La majeure partie du premier paiement, effectué à partir de l’investissement en espèces des appelants, a été versée à Puppy Productions. Puppy Productions a ensuite versé la moitié de cette somme [69] à Savage Beagle Productions. Une fois de plus, M. Nimchuk a tergiversé jusqu’à ce qu’il soit porté à son attention des éléments de preuve documentaires :

Q. Cette somme que j’aurais – cette somme versée à Puppy Productions, il y avait une somme de 1 084 229 $ qui a été déposée dans le compte bancaire de Savage Beagle. Est-ce que c’est juste d’affirmer cela?

R. Je ne m’en souviens pas.

[...]

Q. D’accord, dans ce document, si vous regardez la première ligne de la colonne, il y a 1 084 229 $?

R. Oui.

Q. C’est donc un paiement qui est effectué? Une note de débit. C’est écrit payé... vous écrivez « payé » à Savage Beagle selon ses instructions à Hedgehog.

R. Suivant les instructions de Hedgehog.

Q. Et donc c’est la somme qui est payée à la société de Warren Fergus?

R. Oui.

Q. Warren Fergus avait déjà 75 000 $, non?

JUGE HOGAN : Désolé, Puppy Productions – savons-nous qui en est le propriétaire – il a déclaré que Puppy Productions appartenait à Warren Fergus ou à son épouse, est-ce exact?

LE TÉMOIN : Oui.

JUGE HOGAN : Et savons-nous à qui appartient Savage Beagle?

LE TÉMOIN : Soit à Warren Fergus, soit à son épouse.

PAR Me CAMIRAND :

Q. Donc, si nous ajoutons les 75 000 $, nous obtenons la part de 50 % qui va à – qui revient à Puppy Productions sur les 2 243 455 $ qui sont versés à Puppy Productions?

R. Oui.

Q. Vous savez pourquoi? Pourquoi à parts égales?

R. Je crois que la somme devait être partagée entre les deux entreprises.

Q. C’était donc à parts égales pour les 1 170 000 $ qui ont été versés à chacune des sociétés. Et c’était aussi vrai pour le paiement à Puppy Productions? Il a été restitué aux promoteurs?

R. Oui [70] .

[Non souligné dans l’original.]

[154] M. Nimchuk a admis qu’il était devenu propriétaire de Puppy Productions plusieurs années après les opérations concernant la société Six Iron. Malgré les éléments de preuve qui sont ressortis, il a continué à essayer d’induire la Cour en erreur quant aux raisons pour lesquelles il est devenu propriétaire et quant à la rémunération qu’il a reçue pour ce faire. Il a tenté de présenter sa propriété de Puppy Productions comme un acte de bienveillance pour aider son ami, M. Fergus. Il a également tenté de nier la valeur de la société :

[traduction]

Q. D’accord. Mais nous savons que vous avez fini par devenir propriétaire de Puppy Productions, n’est-ce pas?

R. Oui.

JUGE HOGAN : Pourquoi acheter une société fictive, essentiellement, si elle n’a pas d’actifs?

LE TÉMOIN : Ce n’est pas ce que j’ai fait. On me l’a donnée.

JUGE HOGAN : L’entreprise vous a été donnée en cadeau?

LE TÉMOIN : Oui.

JUGE HOGAN : Par qui au juste?

LE TÉMOIN : Il s’agissait soit de Warren Fergus, soit de son épouse.

JUGE HOGAN : Et avait-elle de la valeur à l’époque où elle vous a été donnée?

LE TÉMOIN : Elle n’avait pas d’actifs à ce moment-là.

JUGE HOGAN : Puis-je vous poser la question suivante : quel serait alors votre intérêt à acquérir la société, si elle n’est qu’une coquille vide?

LE TÉMOIN : Elle avait, je suppose... elle avait des obligations de dépôt de prospectus. Elle était considérée comme faisant partie de la structure globale. Au moment où elle m’a été offerte, nous savions pertinemment que les opérations étaient en cours d’examen.

JUGE HOGAN : Pourquoi voudriez-vous vous en mêler?

LE TÉMOIN : Je ne pensais pas que cela m’exposait à une quelconque responsabilité.

JUGE HOGAN : Quel est l’avantage pour vous d’assumer cette responsabilité?

LE TÉMOIN : J’avais une relation de longue date avec Warren Fergus et je l’ai simplement aidé à mettre de l’ordre dans ces entreprises [71] .

[Non souligné dans l’original.]

[155] Il ne s’agissait pas, en fait, d’un acte de bienveillance. Avant que Puppy Productions Inc. ne fasse l’objet d’un don à M. Nimchuk, ce dernier et M. Fergus avaient demandé que des paiements ou des prêts soient faits à M. Nimchuk. M. Nimchuk a pu ordonner que les paiements soient effectués à son nom parce qu’il avait le pouvoir de signer sur le compte :

[traduction]

Q. Donc ils vous l’ont redonnée après que vous vous fûtes retiré de PwC, est-ce exact?

R. Oui.

Q. Mais pendant ce temps, vous aviez accès à ces fonds?

R. Non, les fonds appartenaient à la société.

Q. D’accord. Vous dites que les fonds appartenaient à la société, mais les fonds ont été retirés de la société avant qu’on vous fasse don de la société, n’est-ce pas?

R. Oui.

Q. Et ils ont été retirés à votre demande?

R. Dans certains cas, oui.

Q. D’accord. Et ces paiements étaient des dons pour vous de la part de Warren Fergus ou de son épouse. Est-ce que c’est juste d’affirmer cela?

R. S’ils avaient des paiements qui m’étaient destinés, alors tout paiement qui m’était destiné aurait été un prêt.

JUGE HOGAN : Mais les paiements effectués selon vos instructions semblent indiquer que vous décidiez qui obtenait le bénéfice de l’argent.

LE TÉMOIN : Seulement parce que lorsque ce compte a été créé, ils m’ont également désigné comme signataire autorisé sur le compte [72] .

[Non souligné dans l’original.]

[156] M. Nimchuk a fait preuve d’une compréhension malléable des questions que l’intimée lui a posées concernant sa rémunération provenant de l’opération ainsi que de ses obligations d’un point de vue éthique :

Q. Vous avez dit que votre implication était exclusivement en tant qu’employé de PwC. Nous découvrons maintenant que vous étiez aussi impliqué comme... ou que vous receviez de l’argent par l’intermédiaire de Puppy Productions. Est-ce juste d’affirmer cela?

R. Non. Vous m’avez demandé si j’avais reçu des fonds de l’opération. Ce n’est pas le cas. Lorsque Warren Fergus a reçu les fonds de l’opération, il les a mis à ma disposition. Les fonds qu’il a mis à ma disposition et qui provenaient de Puppy Productions étaient destinés à l’acquisition d’une maison et à des rénovations. Et donc ils ont été fournis...

JUGE HOGAN : Je dois dire que je suis assis ici et que je suis un peu choqué. Je suis choqué parce que normalement, vous êtes censé fournir, je suppose, des conseils en matière d’abri fiscal ou des conseils à la société de personnes et indirectement aux associés, n’est-ce pas?

LE TÉMOIN : Je donnais des conseils à la société de personnes.

JUGE HOGAN : Cela ne vous place-t-il pas dans une situation de conflit d’intérêts vu vos obligations de fournir des conseils objectifs une fois que vous êtes économiquement – vous avez le pouvoir de signer sur un compte et vous bénéficiez de fonds?

LE TÉMOIN : Je n’avais aucun contrôle sur la réception des fonds dans Puppy Productions. Et une fois que les fonds étaient là...

JUGE HOGAN : On dirait que vous avez passé un accord avec Warren Fergus.

LE TÉMOIN : Seulement une fois que les fonds se trouvaient dans les comptes et lorsque j’avais besoin de les utiliser pour un prêt.

JUGE HOGAN : Est-ce que PwC a été mis au courant de ces arrangements?

LE TÉMOIN : Non.

JUGE HOGAN : Ils ne sont pas au courant?

LE TÉMOIN : Non.

PAR Me CAMIRAND :

Q. N’avez-vous pas un devoir de loyauté envers PwC?

R. J’ai toujours été loyal envers PwC, mais je n’avais aucune obligation, légale ou autre, de révéler que j’avais souscrit un emprunt auprès d’un client.

Q. Pourtant, vous pensiez qu’il était idéal de partager à parts égales avec Warren Fergus les bénéfices de cet arrangement?

R. À titre de prêt d’une société appartenant à un client.

Q. Pour payer votre maison personnelle?

R. Pour acquérir une maison et la rénover [73] .

[157] Pour boucler la boucle, le témoignage trompeur de M. Nimchuk concernant la valeur de Puppy Productions lorsqu’il a reçu cette société de M. Fergus a occulté la façon dont M. Nimchuk avait reçu sa part. M. Nimchuk a déclaré que Puppy Productions n’avait aucun actif – en fait, la société avait un actif, à savoir la valeur du prêt consenti à M. Nimchuk :

JUGE HOGAN : Nous allons continuer. Je veux dire, je ne vais pas aller beaucoup plus loin que 12 h 30. Je veux simplement vous poser une dernière question. Vous avez dit que les fonds provenaient d’un prêt. Le prêt a-t-il été remboursé?

LE TÉMOIN : Il est toujours en cours de remboursement. J’ai encore un petit solde à payer.

JUGE HOGAN : Mais à une entreprise qui vous appartient?

LE TÉMOIN : Oui.

JUGE HOGAN : Donc, en substance, vous avez bel et bien obtenu l’argent de l’opération... 50 % des commissions parce qu’à la fin de l’opération, vous avez retiré l’argent de la société au moyen d’un emprunt, créant ainsi un actif dans la société. Ainsi, lorsque les actions vous ont été données, leur valeur était vraisemblablement la valeur du prêt en cours.

LE TÉMOIN : Oui [74] .

[Non souligné dans l’original.]

[158] Ce partage des bénéfices s’est produit de la même manière dans les opérations relatives à la société Swilcan, bien que les sommes soient différentes. Je comprends également que M. Nimchuk a bénéficié d’arrangements similaires en ce qui concerne les six autres opérations mises en œuvre avec la société Fox.

[159] M. Fergus a témoigné quelques semaines après M. Nimchuk et a donné une image différente du témoignage de M. Nimchuk concernant les commissions. Il a témoigné que les promoteurs n’avaient jamais eu de [traduction] « conversations particulières » [75] au sujet de la rémunération, mais qu’il avait toujours eu pour pratique de travailler dans le cadre d’un partenariat égalitaire. Il a ajouté que la nature de leur relation (c.-à-d. en tant qu’associés) aurait été évidente pour quiconque les voyait collaborer et qu’ils formaient très clairement un [traduction] « duo » et étaient traités comme interchangeables [76] .

[160] Je ne puis retenir l'idée que deux comptables compétents, expérimentés en matière d’investissements fiscaux et de marketing, se soient associés sans jamais discuter des modalités de leur relation d’affaires et de leur rémunération. Plus précisément, les commissions ne sont pas apparues spontanément dans la structure de l’opération – les promoteurs les ont intégrées. L’idée que les promoteurs aient intégré une structure de commissions en deux étapes, s’élevant à des millions de dollars par opération, mais qu’ils n’aient pas discuté de la question de savoir si et comment l’argent serait partagé, pousse la crédulité à son paroxysme.

[161] Il n’y a qu’une seule explication plausible du manque de transparence concernant les commissions : M. Nimchuk et M. Fergus avaient beaucoup à gagner en dissimulant leur entente particulière à PwC et peut-être aux autres professionnels appelés à fournir des conseils dans le cadre des opérations.

[162] Il est de notoriété publique que les cabinets comptables adhèrent à des directives strictes en matière de conflits d’intérêts. Sans aucun doute, M. Nimchuk et M. Fergus craignaient que PwC refuse de s’impliquer si leur entente particulière lucrative lui était révélée. Ils avaient tous deux quelque chose à gagner en tenant secrètes leurs relations commerciales.

[163] L’épouse de M. Fergus est intervenue à titre de prête-nom pour M. Nimchuk. Je suppose que M. Fergus a joué un rôle en convainquant son épouse d’intervenir en cette qualité. Ce n’est certainement pas une coïncidence si l’entente sur les prête-noms a pris fin et que M. Nimchuk est devenu l’actionnaire inscrit de Puppy Productions seulement après avoir pris sa retraite de PwC.

[164] En dissimulant leur relation, M. Nimchuk n’a pas eu à choisir entre démissionner de PwC ou demeurer chez PwC et abandonner ses relations personnelles avec M. Fergus. En procédant de la sorte, les deux personnes ont profité de la réputation de PwC en tant que cabinet de conseil comptable et fiscal de premier plan, expérimenté dans le domaine du divertissement. Je n’ai aucun doute que M. Nimchuk a laissé croire aux parties qu’il intervenait en tant que conseiller professionnel indépendant lorsqu’il a négocié les modalités des opérations relatives à la société Fox.

[165] Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas exagéré de croire que M. Nimchuk et M. Fergus ont pu encourager les parties à conclure des arrangements qui ne reflétaient pas entièrement leur véritable intention. De plus, je ne peux pas accorder de poids à leur témoignage et je ne peux pas croire qu’ils n’ont pas discuté de la probabilité que les options soient exercées avec les dirigeants de la société Fox et qu’ils ne savaient pas si les options seraient exercées.

E. Comportement des appelants

[166] M. Paletta a témoigné pour le compte des appelants. Il a été catégorique sur leur intention en concluant ces opération, qui était d’acquérir les films et de les exploiter à long terme dans le cadre des accords de distribution. Il était conscient que les options pourraient mettre fin rapidement à la propriété des films par les sociétés de personnes, mais il avait espoir qu’elles ne seraient pas exercées. M. Paletta a affirmé à plusieurs reprises qu’il croyait qu’il y avait une chance sur deux que la société Fox exerce les options. Il a reconnu qu’il savait que la société Fox avait exercé les options dans toutes les opérations précédentes. Il a également déclaré qu’il était confiant que si la société Fox n’exerçait pas ses options, les appelants pourraient obtenir un taux de rendement substantiel aux termes des accords de distribution.

[167] M. Paletta a mis en contexte les choix des appelants, vu l’historique familial, de son profil d’affaires et d’investissement et de son propre intérêt pour le secteur des médias et du divertissement.

[168] La société Paletta International est une entreprise familiale. Elle a été créée par Pat Paletta, qui l’a fait passer d’un abattoir de bovins à une entreprise multidivisionnelle ayant des intérêts dans l’agriculture et l’élevage, ainsi que dans l’immobilier et le développement. Fils de Pat, M. Paletta a rejoint l’entreprise familiale à plein temps à l’âge de 18 ans. Il s’est particulièrement intéressé à l’aspect immobilier de l'entreprise, obtenant un permis de courtier et créant sa propre société immobilière pour représenter les sociétés Paletta dans leurs opérations immobilières.

[169] M. Paletta a reconnu que lui et sa famille étaient des investisseurs très conservateurs. La philosophie de Pat était de ne prendre des risques importants qu’au début de sa vie, quand on n’a rien à perdre. La famille a suivi cette philosophie de placement, investissant dans des domaines qu’elle comprenait bien et qui présentaient un risque moyen ou inférieur à la moyenne. Un investissement important exigeait que toute la famille pèse prudemment le pour et le contre avant de donner le feu vert.

[170] L’activité immobilière de la famille Paletta illustre concrètement cette stratégie. Pour compléter les activités de leurs entreprises de transformation de la viande, de parcs d’engraissement et d’agriculture et pour bénéficier des avantages de l’intégration verticale, la famille Paletta a acquis des terrains vacants à long terme. La famille Paletta les utilisait pour engraisser le bétail ou cultiver des plantes pour leurs parcs d’engraissement ou pour la consommation humaine. Ces activités ont permis de supporter les coûts de possession de ces terrains vacants. La famille Paletta pouvait donc se permettre d’être patiente, de prendre le temps de faire lever les restrictions de zonage afin d’augmenter la valeur de son important portefeuille bancaire foncier, puis d’aménager les terrains ou, comme le montrent les éléments de preuve, de les vendre à des promoteurs en réalisant un bénéfice appréciable.

[171] Je vais maintenant comparer cette approche avec le comportement des appelants dans la période précédant leurs investissements dans les sociétés de personnes.

[172] Ces opérations, si elles sont mises en œuvre comme les appelants disent l’avoir voulu, ne correspondent pas à la stratégie d’investissement conservatrice des appelants. Ils soutiennent que la société Fox était disposée à conclure les opérations afin d’atténuer les risques avant la sortie des films. Les appelants ont assumé ce risque pour avoir la possibilité de pouvoir tirer des bénéfices si les films avaient du succès et n’étaient pas rachetés par la société Fox.

[173] Prévoir les futures recettes brutes d’un film est toujours une affaire délicate. Il existe de nombreux cas où des films à gros budget n’ont tout simplement pas engrangé de fortes recettes. À l’inverse, des films produits de façon indépendante avec de petits budgets ont connu un grand succès commercial. Les grands studios comme la société Fox peuvent absorber les risques d’un film à gros budget aux résultats médiocres, car ils possèdent une vaste cinémathèque ou contrôlent les droits de distribution de nombreux films. En bref, leur stratégie d’atténuation des risques repose sur le concept séculaire de la diversification. Les studios peuvent également co-investir dans des projets aux côtés, par exemple, de fonds d’investissement privés qui diversifient également les risques en investissant dans plusieurs projets. Les studios profitent également des subventions fiscales ou cinématographiques offertes par la plupart des pays pour attirer les activités de production cinématographique.

[174] Les appelants n’ont ni l’expérience de l’industrie, ni l’avantage d’une cinémathèque et des droits de distribution pour les protéger si un film est un fiasco. Il ne fait aucun doute que les appelants étaient novices dans l’industrie cinématographique lorsqu’ils se sont lancés dans ces investissements. Cependant, M. Paletta a tenté de dépeindre une histoire familiale d’investissement dans les médias, les communications et l’industrie cinématographique. Pourtant, aucune de ces entreprises n’était similaire aux opérations en cause, car elles ne nécessitaient pas un investissement de centaines de millions de dollars. Je conclus donc que ces opérations cinématographiques constituaient la première participation des Paletta à des opérations de cette ampleur. En outre, M. Paletta a admis qu’il n’avait aucune formation en matière de prévision des recettes de films ni même, d’ailleurs, en matière d’évaluation des prévisions confiée à des tiers indépendants. Les montants en jeu représentent, comme il est indiqué ci-dessus, des pourcentages importants de la valeur nette familiale. Le risque prétendument assumé dans ces opérations est tout à fait inhabituel pour la famille Paletta.

[175] Le dossier montre que M. Paletta est un homme d’affaires très avisé qui adopte une approche pratique pour traiter toutes les facettes des opérations commerciales traditionnelles de la famille. Ce côté de M. Paletta n’a pas été mis en évidence lorsqu’il s’est agi d’investir dans ces structures.

[176] M. Paletta n’a eu aucune discussion ni aucun contact avec la société Fox dans le cadre de ces opérations. Il a témoigné que la famille était satisfaite de permettre aux promoteurs de régler les détails en son nom, y compris le prix d’achat de 128 310 000 $ US dans les opérations relatives à la société Six Iron et de 97 430 000 $ US dans les opérations relatives à la société Swilcan, plus, dans chaque cas, les frais de copie et de publicité de plusieurs dizaines de millions de dollars. Les négociations avec la société Fox ont été menées par M. Nimchuk, que M. Paletta a rencontré pour la première fois lors de la conclusion de la première opération. M. Paletta a reconnu que l’investissement dans la société Six Iron constituait environ 10 % de la valeur nette de la famille Paletta. M. Paletta a établi que sa famille est à la fois impliquée dans l’entreprise et conservatrice dans ses investissements. Il n’est tout simplement pas crédible que les Paletta aient permis que la négociation d’une acquisition d’actifs constituant un pourcentage important de leur patrimoine soit menée, sans aucune surveillance ou supervision, par une personne qu’ils ne connaissaient pas.

[177] La non-participation de M. Paletta mine également l’explication qu’il a donnée de l’importance de l’investissement. Il a déclaré que la raison pour laquelle il a risqué une telle somme était de s’établir dans l’industrie – pour faire [traduction] « un coup d’éclat ». Mais si tel était le cas, il aurait sûrement insisté pour s’inclure dans les négociations avec la société Fox afin de rencontrer les joueurs et d’établir des relations avec eux.

[178] M. Paletta a fait valoir qu’il croyait que MM. Fergus et Nimchuk connaissaient très bien l’industrie et qu’il pouvait se fier à leur évaluation des perspectives à long terme des propositions faites. Il a allégué qu’il croyait pouvoir compter sur M. Nimchuk pour négocier des conditions favorables avec la société Fox au profit des appelants. Compte tenu de la confiance que M. Paletta accordait aux promoteurs, je trouve curieux qu’il ait été si peu préoccupé par la possibilité que les promoteurs aient un conflit d’intérêts en tant que parties intéressées dans les opérations. M. Paletta a allégué qu’il ne pensait pas que les promoteurs avaient un tel conflit quant à la prestation de conseils objectifs et indépendants; il les a comparés à des agents immobiliers, qui ne sont payés que si l’affaire se conclut. La différence cruciale entre un agent immobilier et les promoteurs en l’espèce est que les honoraires ou les commissions de l’agent immobilier sont entièrement divulgués dans le contrat d’inscription, et font souvent l’objet de négociations. Je soupçonne que M. Paletta, avec sa grande expérience de l’achat et de la vente de biens immobiliers, a souvent négocié et renégocié la commission de courtage d’un agent immobilier.

[179] Le témoignage de M. Paletta selon lequel les commissions des promoteurs lui sont indifférentes n’est pas crédible. Il a allégué non seulement qu’il ne s’est pas préoccupé de savoir si les promoteurs avaient un intérêt financier dans l’arrangement, mais qu’il n’a pas cherché à savoir combien ils pouvaient gagner dans les opérations, ni même à se soucier de cet élément :

JUGE HOGAN : Mais vous n’avez pas... vous n’étiez pas... vous n’avez jamais demandé à M. Fergus combien d’argent il gagnait avec cette affaire quand il est venu vous rencontrer pour la première fois?

LE TÉMOIN : Je ne pense pas qu’il me l’ait dit, premièrement, votre honneur, mais dans le – le total de huit millions de dollars et plus, je savais très bien qu’il entrait en contact avec des entreprises et des personnes. Comment cela a été divisé, je n’en ai aucune idée. Et vraiment, vous savez, au bout du compte, cela n’avait pas d’importance pour moi, parce que l’injection de huit millions de dollars en espèces, c’est toujours huit millions de dollars, peu importe comment ce montant est séparé [77] .

[180] M. Paletta a donné de nombreux exemples de la manière dont sa famille a cherché à réduire les coûts et à maximiser les profits dans le cadre des opérations immobilières de la famille. Je pense qu’il serait très inhabituel pour les Paletta d’autoriser une sortie de fonds de huit millions de dollars sans exiger au moins une comptabilité rigoureuse.

[181] Les appelants invoquent le rapport Kagan comme preuve qu’ils ont fait preuve de diligence raisonnable, qu’ils ont demandé l’avis d’un tiers indépendant en matière d’évaluation et que les recettes prévues des films justifiaient l’investissement élevé. À mon avis, le rapport Kagan est de la poudre aux yeux.

[182] Premièrement, je note que les appelants ont reçu le rapport Kagan très peu de temps avant la conclusion de l’opération et seulement après que les appelants eurent transféré des fonds importants en fiducie à Davis & Company LLP (conseiller juridique des sociétés de personnes). Les appelants ont également engagé, bien avant de recevoir le rapport Kagan, des coûts importants sous forme d’honoraires professionnels pour faire examiner les avantages comptables et fiscaux des opérations et préparer la documentation juridique. Si les appelants étaient vraiment intéressés par la viabilité à long terme des opérations, je crois qu’ils auraient insisté pour obtenir le rapport Kagan beaucoup plus tôt.

[183] Je note également que M. Paletta n’a pas été impliqué dans la commande du rapport Kagan. En fait, il a témoigné qu’il ne savait pas qui avait commandé le rapport, mais qu’il supposait que c’était M. Fergus. Mais comme il a été signalé ci-dessus, c’est M. Nimchuk qui a commandé le rapport Kagan. M. Paletta a également reconnu qu’il n’avait pas vérifié les références des auteurs du rapport Kagan avant que celui-ci ne soit commandé. En plus d’être un élément de preuve supplémentaire qui démontre un surprenant manque d’intérêt pour les détails des opérations, l’attitude blasée de M. Paletta à l’égard du rapport Kagan soulève des problèmes particuliers.

[184] M. Paletta est bien conscient que l’estimation est plus un art qu’une science. Il a reconnu que dans le domaine de l’immobilier, la conclusion d’un évaluateur est souvent influencée par le client qui l’a engagé. En fait, M. Paletta a invoqué l’importance de comprendre les estimations dans le domaine de l’immobilier comme l’une des raisons pour lesquelles il a obtenu son permis de courtier immobilier [78] . Il m’a fait découvrir le concept d’[traduction] « ÉCDC », ou d’« estimation conformément aux directives du client » :

[traduction]

JUGE HOGAN : Mais souvent, la personne qui embauche l’évaluateur est celle qui... J’ai entendu des chiffres dans cette salle d’audience dans de nombreux cas où deux évaluateurs très compétents, dans des cas de fixation des prix de transfert, je veux dire, l’écart est énorme. Deux évaluateurs très compétents. Souvent, la Cour doit trouver un équilibre entre le fait qu’ils interviennent en tant que défenseurs des droits d’une personne ou qu’ils ont fait quelque chose et la Cour doit prendre une décision à ce sujet en fonction des présentations. Et il semble que la personne qui engage l’évaluateur ait une influence sur la façon dont les choses se passent au bout du compte.

LE TÉMOIN : Donc je connais très bien, votre honneur, l’ÉCDC et bien sûr, je suppose que faire une estimation conformément aux directives du client équivaut, vous savez, à faire preuve de désinvolture. Mais pour être honnête, je veux dire, mais ils ont des paramètres qu’ils doivent suivre [79] .

[185] À titre d’exemple, M. Paletta a noté que le rapport d’évaluation d’une partie expropriée appelle souvent une estimation beaucoup plus élevée que celle défendue par un évaluateur engagé par la partie expropriante. Étant donné la grande expérience de M. Paletta en matière de variabilité des valeurs d’estimation, il ressort nettement de son absence totale de participation au processus découlant du rapport Kagan qu’il n’avait pas besoin d’une estimation précise ou fiable des films parce qu’il n’avait pas l’intention d’en rester propriétaire.

[186] Cette conclusion est renforcée par le témoignage de M. Derek Baine, un dirigeant de Kagan Media. M. Baine a témoigné que les deux rapports ont été commandés par M. Nimchuk et préparés uniquement selon ses directives. Kagan Media dispose d’une banque de données exclusive qui rassemble des renseignements financiers détaillés sur tous les films sortis en salle au cours des dernières décennies. Pour achever les rapports, les évaluateurs de la société Kagan n’avaient qu’à sélectionner des films comparables aux films en cause. La comparabilité des films se fondait uniquement sur des facteurs tels que le budget et le coût du film, ainsi que, le cas échéant, la large diffusion du film. Le revenu moyen a ensuite été déterminé par la division du revenu total des films comparables obtenu sur chaque marché par le revenu total obtenu pour tous les films sur le marché. En l’espèce, il s’agissait d’une mission simple, car une estimation complète des films n’était pas requise; la société Kagan était simplement chargée de produire une prévision raisonnable des revenus que les appelants pouvaient s’attendre à recevoir aux termes des accords de distribution conclus avec la société Fox. On a ensuite supposé que les films acquis par les sociétés de personnes atteindraient ce rendement moyen.

[187] M. Baine ne savait pas pourquoi M. Nimchuk avait commandé ces rapports. Il a supposé que c’était en rapport avec les subventions fiscales du gouvernement :

[traduction]

LE TÉMOIN : Il ne me l’a pas dit. J’ai soulevé l’hypothèse que – et je vous l’ai dit au téléphone. Nous appelons ces rapports des rapports d’attente raisonnable de bénéfices. Nous en avons produits probablement plus d’une centaine depuis que je suis ici, il y a 25 ans.

L’objectif principal de ces rapports était de montrer que lorsqu’un pays bénéficie d’une subvention à caractère fiscal, celle-ci a tendance à circuler d’un pays à l’autre, car les pays se font concurrence pour réaliser des films chez eux. Nous en avons donc produits en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et au Canada.

Ce que le gouvernement exige généralement lorsqu’il accorde une subvention à caractère fiscal à un film, c’est un rapport indiquant que même si aucun crédit d’impôt n’est accordé, le film devrait avoir un flux de trésorerie positif, afin de s’assurer que le gouvernement ne subventionne pas un film qui va perdre de l’argent de toute façon.

Et c’est pour ça que je pensais que tel était le but de ce rapport. J’ai découvert depuis que ce n’était pas pour ça, mais c’est ce que je pensais à l’époque [80] .

[188] À la fin du contre-interrogatoire de M. Baine, je lui ai demandé dans quelle mesure un investisseur devrait se fier à son rapport :

[traduction]

JUGE HOGAN : Laissez-moi vous poser une question difficile. Si vous investissiez 200 millions de dollars dans un film, quels éléments mettriez-vous dans votre rapport si vous étiez l’investisseur? Vous êtes avisé, vous connaissez les questions financières, vous connaissez les risques de l’industrie cinématographique, etc. Ce document vous inciterait-il à investir ou à ne pas investir? [81]

[189] Il a répondu ainsi :

[traduction]

LE TÉMOIN : Si j’investissais 200 millions de dollars dans un film, je voudrais avoir une conversation avec la personne qui a rédigé ce rapport et lui demander, vous savez, quelle est la probabilité que cela se produise. Parce qu’il y a beaucoup d’avertissements ici, que n’importe quel film peut faire n’importe quoi, et je pense que quiconque investit ce genre d’argent devrait pouvoir compter sur de bons conseillers financiers, des conseillers juridiques, et vouloir parler aux personnes qui rédigent les rapports et dire quelle est la probabilité que nous atteignions ces chiffres [82] .

[Non souligné dans l’original.]

[190] En bref, même la personne qui a préparé le rapport Kagan pensait qu’il serait imprudent de voir dans le rapport l’élément clé d’une décision d’investissement.

[191] La seule explication plausible que je puisse trouver en ce qui concerne la non-prise en compte des signaux d'alarme détaillés ci-dessus est que les appelants savaient que les films seraient rachetés par la société Fox avant leur sortie commerciale et que leur seul rendement serait les économies d’impôt décrites par les promoteurs. En d’autres termes, le comportement des appelants n’était pas conforme à celui d’un investisseur effectuant un véritable investissement à long terme dans ces films. Au lieu de cela, ce comportement était conforme à la conduite d’un investisseur passif dans un abri fiscal classique.

F. Société Fox

[192] Il n’y a pas d’élément de preuve direct de la part de la société Fox sur les raisons pour lesquelles elle a conclu ces opérations. Comme il a été signalé précédemment, les dirigeants du secteur des affaires commerciales qui ont élaboré les conditions des opérations n’ont pas été cités à témoigner. Les appelants ont expliqué qu’ils n’étaient plus employés par la société Fox et qu’ils étaient difficiles à joindre. Au lieu de cela, deux avocats principaux de la société Fox ont été cités, mais aucun n’avait connaissance de ce que la société Fox cherchait à obtenir des opérations. Ceci étant dit, des éléments de preuve indirects dans le dossier m’amènent à croire que la société Fox a accepté de participer à un arrangement servant d’abri fiscal en échange d’une commission égale à 3 % des frais de copie et de publicité déduits par les sociétés de personnes.

[193] La société Fox a reçu à la date de conclusion de chaque opération un montant de liquidités nettes égal, dans chaque cas, à 3 % des frais de copie et de publicité assumés par les sociétés de personnes. Juliet Smith, une avocate canadienne de la société Fox dans le cadre des présentes opérations, a candidement qualifié ce montant de [traduction] « commissions » dans un courriel envoyé à Davis & Company contenant les instructions de virement électronique de la société Fox. Le courriel indiquait également que le montant équivalait à 3 % de 85 000 000 $ US, soit les frais de copie et de publicité des opérations relatives à la société Swilcan. Devant la Cour, Me Smith a tenté de clarifier le sens de son courriel en disant qu’elle avait fait une erreur en qualifiant les sommes de commissions et en indiquant qu’elles équivalaient à 3 % des frais de copie et de publicité. Je ne suis pas convaincu que sa compréhension initiale telle qu’elle est exprimée dans le courriel était incorrecte.

[194] D’autres éléments semblent indiquer que la société Fox n’avait pas l’intention de céder la propriété des films.

[195] Je note deux faits qui, à eux seuls, sont purement indicatifs. Premièrement, dans les deux appels, la société Fox a présigné les conventions d’option à la conclusion des opérations et les a placées en main tierce. Deuxièmement, la société Fox a exercé les options dans les huit structures auxquelles elle a participé avec les promoteurs. Je ne considère pas que l’un ou l’autre de ces faits soit déterminant; ils s’ajoutent simplement au poids de la preuve tendant à établir que l’exercice de l’option était intégré à la structure.

[196] Plus concrètement, la société Fox a vendu les films aux sociétés de personnes à un prix approximativement égal au coût de production. La vente par Fox des films au prix coûtant est incompatible avec la thèse des appelants selon laquelle la société Fox a conclu les opérations afin d’en atténuer les risques qui pourraient en découler pendant la période précédant leur sortie commerciale. S’il y avait une chance réelle que les films demeurent la propriété des sociétés de personnes, je pense que la société Fox aurait pris des mesures pour maximiser le prix de vente des films. La société Fox aurait pu le faire en communiquant aux appelants ses renseignements concernant les perspectives commerciales des films – par exemple, les projections préalables et les prévisions internes. C’est ce que font les acheteurs et les vendeurs lorsqu’ils vendent des biens de grande valeur. Cependant, aucune personne impliquée dans les sociétés de personnes ou auprès de Kagan n’a tenté d’accéder à ces données ou même de poser des questions à leur sujet.

[197] Enfin, la commission de distribution est une autre indication que la société Fox en conserverait la propriété. M. Baine a noté que les accords de distribution donnaient à la société Fox une faible commission de distribution. La société Fox a accepté des commissions de l’ordre de 10 à 15 %, alors que la fourchette générale des commissions demandées par les grands studios à l’époque était de 25 à 35 %.

[198] Pourquoi la société Fox a-t-elle accepté une faible structure de commission? Une structure de commission faible permet aux appelants de faire valoir qu’ils pouvaient raisonnablement s’attendre à recevoir des revenus élevés des accords de distribution et que, par conséquent, il n’était pas dans leur intérêt que la société Fox exerce ses options. Elle aide les appelants à contester une cotisation qui indique qu’ils avaient investi dans un abri fiscal non enregistré. Si les parties ont convenu à l’avance que les options seraient exercées, alors le taux n’aurait aucune importance pour la société Fox, puisqu’elle ne le recevrait jamais. C’est la seule explication que je puisse trouver à la faible structure des commissions. Je pense que cette caractéristique a été ajoutée aux opérations parce que les deux parties avaient convenu que la société Fox rachèterait les films avant leur sortie commerciale.

[199] Dans le même ordre d’idées, il y a le 1 000 000 $ US que les sociétés de personnes ont reçus de la société Fox, prétendument à titre d’avance sur les recettes des vidéos domestiques produits en Australie. Cette somme a été présentée comme étant le bénéfice brut des sociétés de personnes et les appelants, en tant que commanditaires, ont déclaré leur part proportionnelle de ce revenu dans leurs déclarations de revenus. Je conclus que cette somme n’est que de la poudre aux yeux. Elle a été prévue pour défendre la légitimité des sociétés de personnes, en cas de contestation, en démontrant que celles-ci avaient gagné des revenus. Cette somme n’a pas non plus eu d’incidence sur le flux de trésorerie global et a été prise en compte dans le calcul de la commission de 3 % payable à la société Fox. Par conséquent, elle somme n’a pas dû être incluse dans son revenu.

[200] Une autre considération importante concernant la société Fox est sa participation à un type d’opération similaire avec un investisseur différent. Avant les opérations avec la société Paletta International, la société Fox avait également conclu une opération de financement pour le film Six Iron avec Ingenious Film Partners 2 LLP (la « société Ingenious »), une société de personnes britannique. Dans cette opération, la société Ingenious investissait dans la production du film.

[201] À l’époque, la société Fox ne possédait que le scénario du film Six Iron, mais pas les droits d’auteur du film une fois terminé, car celui-ci n’avait pas encore été entièrement produit et achevé.

[202] Une partie de l’investissement de la société Ingenious était constituée de fonds qui lui étaient propres et le reste a été obtenu par un prêt consenti par la société Fox. Le prêt consenti par la société Fox a été remboursé au fil du temps par la part des recettes de la société Ingenious. La société Fox a accordé à la société Ingenious un permis d’exploitation unique du scénario pour faciliter la production du film. La société Ingenious a également obtenu un droit sur les « droits de suite » du film.

[203] En 2006, une fois la production du film terminée, la société Ingenious a cédé et transféré à la société Fox tous les droits, titres et intérêts relatifs au film.

[204] Les appelants soutiennent que cette opération montre la motivation de la société Fox à se décharger des risques partout où elle le pouvait [83] . Ils soutiennent également que le fait que ces opérations ne comportaient pas d’option démontre que la société Fox n’hésite pas à intégrer des mécanismes de rachat obligatoire lorsqu’elle le souhaite [84] . Cependant, à mon avis, il ressort simplement de la rétrocession du film à la société Fox que celle-ci avait toujours prévu de tirer tous les revenus de distribution du film.

[205] En bref, l’opération de la société Ingenious présentait de nombreuses caractéristiques propres aux opérations canadiennes de services de production. Les investisseurs bénéficieraient des déductions associées aux coûts de production en contrepartie d’un droit futur au revenu. La société Fox a prêté aux investisseurs la plupart des fonds par un chemin détourné. L’argent des investisseurs a ensuite été versé à la société Fox, et vraisemblablement aux promoteurs.

[206] Le droit au revenu des investisseurs a été fixé à une faible somme pour éviter la récupération de l’avantage fiscal. Toutes les sommes reçues par les sociétés de personnes ont été remboursées à la société Fox. Le dossier montre qu’après toutes ces années de distribution commerciale du film Six Iron, la société Ingenious (ou les investisseurs) doit de l’argent à la société Fox.

[207] En l’espèce, les éléments de preuve montrent que la société Fox voulait partager l’avantage fiscal que les appelants avaient reçu afin de réduire les frais de copie et de publicité. Ils ont racheté le film et ont reçu une commission égale à 3 % de ces frais. Les appelants voulaient faire croire à la Cour que c’est simplement par hasard que la société Fox a racheté les films dans le cadre des huit opérations distinctes organisées et promues par MM. Nimchuk et Fergus. C’est tout simplement trop beau pour être vrai.

[208] Les opérations en cause démontrent que la société Fox cherchait des moyens de réduire ses coûts de distribution. Les opérations étaient des abris fiscaux auxquels la société Fox a participé. Cela étant, je suis en mesure de considérer cela comme une preuve indirecte de la volonté de la société Fox de conclure des opérations servant d’abris fiscaux et de son appétit à le faire.

G. Documents relatifs aux opérations

[209] En examinant les documents relatifs aux opérations, j’ai été frappé par le fait que certaines caractéristiques des opérations semblent avoir été conçues uniquement dans une optique à court terme, en ce sens qu’elles facilitent le dénouement des opérations et la rétrocession des films à la société Fox. J’ai fait part de mes réserves à cet égard afin de donner aux avocats l’occasion d’y répondre lors des débats. Ces caractéristiques sont, à mon avis, incompatibles avec la prétendue intention des appelants de détenir les films à long terme.

[210] Les documents relatifs aux opérations étaient entaché d'une rédaction bâclée et d'incohérences; ce n'est généralement pas le cas avec les opérations commerciales créées à long terme.

[211] Par exemple, l’article 4 de l’accord de distribution permet à la société Fox de résilier l’accord si la société de personnes ne se conforme pas aux dispositions importantes précisées; cependant, l’accord ne prévoit pas de disposition équivalente permettant à la société de personnes de résilier l’accord de la même manière que la société Fox pourrait le faire. Dans une opération de ce type, c’est le titulaire du droit d’auteur qui détient le plus grand pouvoir de négociation, car il peut choisir parmi d’innombrables distributeurs pour distribuer le film. Par conséquent, selon une pratique commerciale raisonnable, l’accord de distribution devrait permettre au titulaire du droit d’auteur de le résilier si le distributeur ne remplit pas ses obligations de manière satisfaisante.

[212] Un autre exemple est celui des incohérences dans les contrats de sûreté, qui sont discutées en détail ci-dessous.

[213] De tels facteurs, bien que non déterminants en soi, démontrent un manque de prévoyance à long terme dans la rédaction des documents relatifs aux opérations.

H. Ententes financières de Fintrust

[214] Les ententes financières de Fintrust se distinguent à cet égard. Dans le cas des opérations relatives à la société Six Iron, Fintrust a emprunté 206 850 000 $ US à la société Fox. Cet emprunt était remboursable sur demande et comportait une clause d’extinction de 10 ans. Ce prêt a indirectement financé un prêt de taille à peu près similaire à celui de consenti à la société Paletta International par Fintrust (le « prêt consenti à la société Paletta International »). Le prêt consenti à la société Paletta International était un prêt à terme : sauf en cas de défaut, Fintrust ne pouvait pas exiger de la société Paletta International qu’elle rembourse le montant principal pendant 10 ans. Il s’agit d’un décalage classique, un prêt à vue par rapport à un prêt à terme. Par conséquent, Fintrust était exposée à un risque plus élevé de défaut de paiement, car la société Fox pouvait exiger le remboursement intégral à tout moment. Si la société Fox demandait d’être remboursée avant que la société Paletta International ait remboursé son obligation envers Fintrust, Fintrust se retrouvait dans la position difficile de devoir trouver une nouvelle source de financement.

[215] Je doute sérieusement que Fintrust aurait pu trouver un nouveau prêteur pour prendre ce risque. Fintrust était lourdement endettée. Elle n’avait aucun capital. Bien que les appelants soutiennent que la société Paletta International était extrêmement bien capitalisée, le prêt qui lui a été consenti n’était garanti que par ses parts dans les sociétés de personnes. Ce prêt n’était par ailleurs nullement garanti par rapport aux autres actifs de la société Paletta International. Il est bien connu que les établissements de crédit exigent des clauses comportant obligation de ne pas faire afin d’empêcher les emprunteurs de restructurer leurs ententes financières de manière à accorder aux nouveaux prêteurs des garanties de rang supérieur sur leurs autres actifs. Les prêteurs n’aiment pas les ententes dos à dos : ils préfèrent prêter directement à l’emprunteur final afin de bénéficier du même rang que les autres créanciers en cas de faillite.

[216] L’administrateur unique de la fiduciaire de Fintrust, M. Tamssot, a témoigné lors de l’audience. M. Tamssot compte une longue expérience des services bancaires personnels et commerciaux. Il a également des liens personnels et professionnels avec M. Fergus. Il est intervenu à titre de fiduciaire dans cinq ou six des opérations de MM. Nimchuk et Fergus, mais il n’a pas participé aux opérations relatives à la société Swilcan. Lorsque la poussière est retombée, l’épouse de M. Tamssot a reçu des honoraires de 20 000 $ US pour le rôle de M. Tamssot dans les opérations relatives à la société Six Iron.

[217] M. Tamssot sait très bien que les établissements de crédit, à l’exception peut-être des établissements de dépôt, s’efforcent de faire correspondre la durée de leurs prêts à celle de leur source de financement. Il a reconnu que Fintrust aurait eu des difficultés à trouver un nouveau financement dans les circonstances décrites ci-dessus.

[218] M. Tamssot a également admis qu’il ne se serait pas engagé dans des ententes financières similaires s’il avait eu sa propre fiducie familiale pour laquelle il intervient en tant que fiduciaire. Cela en dit long sur la manière dont M. Tamssot a exercé son rôle d’administrateur unique de la fiduciaire. Il n’a pas tenu compte des obligations en matière de déclaration de la fiducie. Il ignorait le revenu net de la fiducie. Lorsqu’on lui a demandé des détails sur les ententes financières de Fintrust, il s’est tourné à plusieurs reprises vers les promoteurs pour obtenir des réponses. Je conclus que M. Tamssot a simplement suivi les instructions des promoteurs en ce qui concerne les conditions de financement. Il n’a exercé aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard.

[219] Il existe une situation dans laquelle les conditions de financement de Fintrust seraient logiques, et c’est celle où on garantit que l’option sera exercée.

[220] Comme il a été détaillé ci-dessus, les promoteurs ont préparé une analyse des économies d’impôts pour les appelants si la société Fox exerçait les options. Dans chaque cas, le taux de rendement des appelants a été amélioré par l’utilisation de la réserve pour gains en capital de cinq ans à l’égard des gains découlant de la disposition des parts de société de personnes.

[221] L’accès des appelants à la réserve pour gains en capital était lié à la façon dont les conventions d’option seraient exécutées. Les parties ont désigné les opérations aux termes desquelles les appelants auraient accès à leur réserve pour gains en capital comme étant les opérations d’anéantissement (les « opérations d’anéantissement »). Les principaux aspects des opérations d’anéantissement en ce qui concerne Fintrust sont les suivants :

  1. La société Fox a fait en sorte que la société Wordsmith acquière toutes les parts de la société SixIron pour 218 091 000 $ US.

  2. La société Wordsmith a cédé ses droits d’auteur sur le film à la société Faultline, qui a assumé l’obligation de payer le montant dû à la société Paletta International.

  3. Le montant dû à la société Paletta International était payable en cinq versements. Cela permettait à la société Paletta International de réclamer la réserve pour gains en capital.

  4. Par conséquent, la société Paletta International avait un montant à recevoir de la part de la société Faultline et un montant payable à Fintrust.

  5. La société Faultline a cédé les droits d’auteurs à la société Fox; à l’issue de cette opération, la société Fox devait à la société Faultline 214 521 000 $ US.

  6. Fintrust a remboursé le montant qu’elle devait à la société Fox (206 850 000 $ US) en assumant l’obligation de la société Fox envers la société Faultline (214 521 000 $ US).

[222] Par conséquent, la dette de Fintrust est passée de 206 850 000 $ US à 214 501 000 $ US. Pourquoi Fintrust a-t-elle accepté d’assumer une plus grande responsabilité aux termes des opérations d’anéantissement? M. Tamssot a donné l’explication suivante :

[traduction]

Q. Alors pourquoi Fintrust a accepté cette entente?

R. Pour le montant le plus élevé pour être précis?

Q. Oui.

R. Elle passait d’un prêt à vue à un prêt à terme fixe remboursé. Ainsi, pour ce qui est de la possibilité d’être appelé à tout moment sur demande et de ne pas être en mesure de s’acquitter de ses obligations ou de les remplir potentiellement, cela élimine un tel risque dans une certaine mesure. Cela réduit également la durée de remboursement du prêt de dix ans à cinq ans [85] .

[223] Beaucoup de choses n’ont pas été dites par M. Tamssot. Plus précisément, pourquoi Fintrust a-t-elle accepté en premier lieu d’emprunter 206 850 000 $ US payables sur demande? La seule raison que je puisse trouver est que Fintrust a accepté un prêt à vue pour justifier qu’elle assume une plus grande part de responsabilité envers la société Faultline dans le cadre des opérations d’anéantissement. En fait, M. Tamssot lui-même a rendu le témoignage suivant :

[traduction]

Q. Donc, en contrepartie de l’annulation d’une dette de 206 millions, Fintrust accepte une dette de 214 millions et quelques?

R. Exact.

Q. Et dans votre esprit, là encore, la raison pour laquelle il ferait ça, c’est parce que?

R. En raison d’une importante diminution du risque potentiel d’être appelé sur demande et d’une réduction du niveau... de la durée de l’encours du prêt, de dix à cinq ans [86] .

[224] Bien qu’il n’ait pas été logique, d’un point de vue commercial, que Fintrust assume ce risque au départ, cela lui offrait la possibilité de défendre les opérations d’anéantissement si les conséquences fiscales, qui étaient nécessaires pour garantir que les appelants aient accès à la réserve pour gains en capital, étaient contestées par l’ARC. Autrement dit, les ententes financières de Fintrust avaient été dans leur intégralité structurées en sachant qu’il avait été convenu à l’avance que les options seraient exercées.

I. Prêt consenti à la société Paletta International

[225] J’ai les mêmes doutes concernant le prêt consenti à la société Paletta International. Sur papier, il s’agit d’un prêt de 10 ans, ce qui le différencie du prêt consenti à Fintrust. La société Paletta International semble avoir financé un actif à long terme – la participation dans la société en commandite – par un prêt à long terme. Dans les faits, cependant, tel n’était pas le cas. Selon les contrats de sûreté des sociétés de personnes, la société Paletta International devait supporter un risque presque équivalent à celui de Fintrust si la société Fox demandait le remboursement anticipé de son prêt (c.-à-d. le prêt consenti par la société Fox à Fintrust).

[226] En vertu des contrats de sûreté, les sociétés de personnes ont mis en gage leur participation dans le film pour garantir le remboursement du prêt consenti par la société Fox. Si la société Fox avait exigé le remboursement et que Fintrust ne pouvait pas trouver de prêteur substitut, la société Paletta International devait rembourser le prêt ou restructurer son propre emprunt, ou encore permettre à Fintrust de ne pas rembourser son emprunt à la société Fox. Un manquement de la part de Fintrust aurait eu pour conséquence que la société Paletta International aurait perdu sa participation indirecte dans le film.

[227] Comme il est détaillé ci-dessus, M. Paletta m’a impressionné par son sens des affaires. Une telle prise de risque me paraît tout à fait contraire à son caractère et à celui de sa famille. Ça m’en dit long sur ce que M. Paletta savait de l’issue des opérations.

J. Contrats de sûreté

[228] Une autre caractéristique surprenante des contrats de sûreté m’indique en outre que les appelants savaient qu’ils ne détiendraient pas les films à long terme.

[229] M. Paletta a déclaré qu’il s’était appuyé sur les prévisions financières préparées par les promoteurs pour décider d’investir dans les opérations. Ces prévisions comportaient plusieurs scénarios où la société Fox n’exerçait pas son option, et un autre où elle l’exerçait. Pour les scénarios dans lesquels les sociétés de personnes conservaient les films, les prévisions analysaient les revenus nécessaires pour que les appelants atteignent le seuil de rentabilité de leur investissement ou obtiennent un taux de rendement de 15 %. Une troisième prévision, fondée sur les revenus prévus dans le rapport Kagan, était sous-entendue, mais n’a pas été présentée en preuve. Dans le cas des opérations relatives à la société Six Iron, la prévision qui supposait que la société Fox rachèterait le film prévoyait un rendement du capital investi de 125 %.

[230] Les prévisions selon lesquelles les appelants conservaient les films reposaient toutes sur une hypothèse cruciale, à savoir que les appelants recevraient leur part du flux de trésorerie sur une base continue au fur et à mesure que la société de personnes gagnerait des revenus selon les accords de distribution conclus avec la société Fox. Pour cette raison, tout ce qui a une influence sur le moment où les appelants auraient le droit de recevoir des distributions de la part des sociétés de personnes est particulièrement pertinent pour l’exactitude des prévisions financières.

[231] J’ai donc été surpris de découvrir qu’en vertu de l’article 9.1 du contrat de sûreté entre les associés et la société Fox, celle-ci pouvait, à sa seule discrétion, choisir d’ajouter les bénéfices ou les distributions qui étaient payables aux appelants à son compte en garantie de la société Fox au lieu de les distribuer aux associés. La société Fox pourrait alors conserver ces montants jusqu’à l’expiration des accords de distribution.

[232] Il est difficile d’imaginer pourquoi un investisseur accepterait une telle clause, et M. Paletta abonde dans ce sens; il affirme de façon catégorique qu’il n’aurait pas approuvé ces opérations, si mon interprétation est correcte, et en outre, qu’il poursuivrait la société Fox si elle tentait de retenir les liquidités que les appelants devaient recevoir.

[233] Les dispositions pertinentes du contrat de sûreté entre les associés et la société Fox sont les suivantes :

[traduction]

2. OBLIGATIONS GARANTIES

La sûreté accordée par les présentes s’ajoute et ne se substitue pas à toute autre sûreté détenue actuellement ou ultérieurement par le Distributeur auprès de tout Associé ou de toute autre personne, et garantit et constitue et constituera à tout moment une sûreté générale et continue pour le paiement, l’exécution et la satisfaction des obligations suivantes :

a) les obligations de la Société de personnes aux termes de l’accord de distribution;

b) les obligations de chaque Associé aux termes de la Convention d’option et du présent Contrat de sûreté;

c) les obligations d’Optionco et celles de ses successeurs et ayants droit aux termes de la Convention de cession et d’option; et

d) sans limiter la généralité de ce qui précède, les obligations de la Société de personnes et de chaque Associé en vertu des Accords relatifs aux opérations et de tous les autres accords qui y sont mentionnés ou envisagés;

(dont les dettes, les responsabilités et les obligations sont collectivement appelées la « Dette » ou les « Obligations »).

[...]

8. REVENUS ET INTÉRÊTS SUR LES GARANTIES

Après la survenance d’un défaut (tel que défini à l’article 11.1) ou d’une violation par un Associé aux termes de la Convention d’option ou de la Convention de cession et d’option :

  • a) toutes les distributions au titre des parts détenues par un Associé seront appliquées aux obligations de cet Associé envers le Distributeur et chaque Associé, par le présent accord, autorise et enjoint à l’Associé directeur général, agissant à ce titre pour la Société de personnes, dans un tel cas, de payer directement au Distributeur ces distributions et l’Associé directeur général reconnaît cette instruction et convient avec le Distributeur dans un tel cas de payer ces distributions directement au Distributeur;

  • b) En outre, tout produit reçu par l’Associé au titre de ses parts sera ajouté aux Biens donnés en garantie et en fera partie.

9. AUGMENTATIONS, BÉNÉFICES, PAIEMENTS OU DISTRIBUTIONS

9.1 Peu importe qu’il y ait défaut ou non, chaque Associé autorise le Distributeur à faire ce qui suit :

  • a) recevoir toute augmentation ou tout bénéfice sur les Biens donnés en garantie et de les détenir comme faisant partie des Biens donnés en garantie, l’argent ainsi reçu étant considéré comme un revenu aux fins de l’article 8 et traité en conséquence;

  • b) recevoir tout paiement ou toute distribution lors du rachat ou du remboursement ou lors de la dissolution et de la liquidation de l’émetteur du Bien donné en garantie, de remettre ce Bien donné en garantie en échange de ceux-ci et de détenir ce paiement ou cette distribution comme faisant partie du Bien donné en garantie.

9.2 Si un Associé reçoit de tels augmentation, bénéfices, paiements ou distributions, le destinataire les remettra rapidement au Distributeur pour qu’ils soient détenus par le Distributeur de la manière prévue par les présentes.

10. DISPOSITION DES FONDS

Sous réserve de toute exigence applicable de la LSM, toutes les sommes perçues ou reçues par le Distributeur en vertu ou dans l’exercice de tout droit qu’il possède à l’égard des Biens donnés en garantie seront appliquées au titre de la Dette de la manière que le Distributeur juge la plus appropriée ou, au choix du Distributeur, peuvent être détenues sans affectation dans un compte en garantie ou remises à la Société de personnes, le tout sous réserve de la responsabilité des Associés ou des droits du Distributeur en vertu des présentes, et tout excédent sera comptabilisé comme l’exige la loi [87] .

[234] Les appelants soutiennent que mon interprétation de l’alinéa 9.1a), selon laquelle la société Fox est autorisée à conserver les revenus, est incorrecte, car elle ne tient pas compte du contexte et des dispositions environnantes. Ils soutiennent qu’il faut tenir pleinement compte de l’alinéa 8a), qui prévoit que [traduction] « toutes les distributions au titre des parts détenues par un Associé » peuvent être saisies en cas de défaut en vertu de l’accord de distribution. L’alinéa 8a) ne s’applique qu’en cas de défaut. Par conséquent, selon les appelants, [traduction] « il serait insensé que l’article 9.1 prévoie exactement la même solution avant tout défaut » [88] .

[235] Je conviens qu’une analyse contextuelle complète est nécessaire. À mon avis, l’interprétation des appelants ne tient pas compte de l’article 10.

[236] L’article 10 stipule que [traduction] « toutes les sommes perçues ou reçues par le Distributeur [...] seront appliquées au titre de la Dette [...] ou, au choix du Distributeur, peuvent être détenues sans affectation dans un compte en garantie ou remises à la société de personnes [...] » [89] Aux termes de cette disposition, la société Fox pouvait à tout moment choisir de libérer les bénéfices qu’elle avait précédemment retenus. Un défaut de paiement pouvait survenir après que la société Fox eut choisi de remettre les bénéfices aux sociétés de personnes. Dans ce cas, le paragraphe 8.1 permettait à la société Fox de saisir ces bénéfices.

[237] Selon cette interprétation, les alinéas 8a) et 9.1a) ne se chevauchent pas nécessairement.

[238] M. Fergus a témoigné qu’il croyait que la société Fox était tenue de distribuer les fonds aux sociétés de personnes :

[traduction]

JUGE : Saviez-vous que la société Fox pouvait verser l’argent dans un compte en garantie et le conserver à titre de sûreté dans le cadre de l’accord de distribution?

R. Si j’ai bien compris, l’accord de distribution oblige la société Fox à distribuer l’argent à la société de personnes [90] .

[239] M. Fergus a alors soutenu qu’il n’y avait aucune raison pour la société Fox de conserver l’argent, puisqu’il était nécessaire de le distribuer aux associés pour que le propre prêt consenti par la société Fox à Fintrust soit finalement remboursé :

[traduction]

JUGE : Savez-vous... Je connais les studios et je présume que vous les connaissez. Si vous pouvez garder l’argent vous-même au lieu de le donner à quelqu’un d’autre alors que ce quelqu’un d’autre doit encore vous payer, allez-vous le lui donner ou allez-vous le garder?

R. Je ne suis pas en désaccord avec le principe, ce que je voulais dire c’est que l’argent que le studio verse à la société de personnes, elle est ensuite tenue de le distribuer aux investisseurs qui sont ensuite obligés de rembourser Fintrust qui est ensuite obligée de rembourser le studio. Je pense donc que les studios préfèrent avoir de l’argent dans leurs poches et sous leur contrôle plutôt que de se retrouver coincés à un certain moment alors que l’argent leur revient de toute façon. J’ai du mal à comprendre le raisonnement [91] .

[240] M. Fergus semble avoir oublié que les appelants n’ont aucune obligation de rembourser le prêt à Fintrust avant l’expiration de sa durée de 10 ans. Entre-temps, il est incontestable que la valeur d’un film diminue considérablement pendant cette période. Si les appelants détournaient à d’autres fins le revenu nécessaire au remboursement de leur prêt à Fintrust, la société Fox ne pouvait pas intervenir. Pendant ce temps, le flux de rentrées de la société Fox aurait disparu et la valeur de ses biens donnés en garantie aurait diminué. Voilà un fort incitatif à maintenir un large pouvoir discrétionnaire pour conserver la part d’un associé dans les bénéfices des sociétés de personnes.

[241] Comme il a été signalé, M. Paletta a témoigné qu’il ne pensait pas que la société Fox pouvait retenir les bénéfices aux termes des accords de distribution et qu’il n’aurait pas conclu les opérations si tel avait été le cas. Je pense qu’il s’agit là d’une preuve supplémentaire qu’il n’était pas au courant des conditions des contrats de sûreté parce qu’il savait que les appelants ne seraient pas assujettis à leur application, peu importe les circonstances. Les films reviendraient à la société Fox avant que la question des revenus aux termes des accords de distribution ne se pose. Dans ce contexte, l’explication la plus probable de l’inclusion de l’article 9.1 est qu’il s’agissait d’une clause de style incluse dans le contrat de sûreté sans aucun but précis. De même, il n’y avait aucune raison pour l’avocat des appelants de s’opposer à l’inclusion de la clause dans le contrat si les appelants savaient qu’elle ne s’appliquerait jamais.

[242] Les appelants soutiennent également que le contrat de sûreté entre les associés et la société Fox ne crée pas une situation dans laquelle celle-ci pourrait saisir et conserver des espèces ou des biens donnés en garantie auxquels elle n’a pas droit. L’appelant a attiré l’attention de la Cour sur le fait que l’article 12 de l’accord de distribution stipule que [traduction] « La société Fox doit payer [...] le montant des recettes brutes [moins ses] commissions de distribution et ses coûts de diffusion ». Cependant, les contrats de sûreté permettent à la société Fox de conserver ce montant comme faisant partie du bien donné en garantie. À tout le moins, les contradictions dans les accords démontrent un manque d’attention dans la rédaction des documents relatifs aux opérations. Dans une opération portant sur des centaines de millions de dollars, la raison commerciale appellerait une attention particulière aux détails dans la rédaction de ces documents. Le manque d’attention aux détails m’indique que les parties savaient que les options seraient exercées.

K. Conclusion

[243] À la lumière de ce qui précède, je conclus que les appelants ont investi dans les sociétés Six Iron et Swilcan uniquement pour profiter des économies d’impôt que les promoteurs leur ont fait croire qu’ils pouvaient espérer et qu’ils se sentaient en sécurité en sachant que la société Fox avait accepté de racheter les films avant leur sortie commerciale.

[244] Par conséquent, je conclus que les options étaient des trompe-l’œil destinés à occulter l’accord des parties selon lequel les films seraient rachetés par la société Fox avant leur sortie commerciale.

[245] Ainsi, les frais de copie et de publicité prétendument supportés par les sociétés de personnes n’ont pas été engagés dans le but de gagner un revenu. De même, les frais de financement et autres frais engagés par les appelants à l’égard de leurs participations dans les sociétés de personnes ne sont pas déductibles.

[246] En conséquence, je conclus que les appelants n’ont pas réalisé de gain de quelque nature que ce soit dans le cadre de la disposition de leurs parts de société de personnes, car le produit de cette disposition était inférieur à leur prix de base rajusté. Je note que l’intimée a concédé ce point dans l’éventualité où je retiendrais la thèse du trompe-l’œil.

[247] Je conclus que les opérations d’anéantissement font partie de la supercherie décrite ci-dessus. Par conséquent, les appelants n’ont aucun revenu d’intérêt et aucuns intérêts débiteurs à prendre en compte.

L. Année frappée de prescription

[248] M. Paletta a reporté une partie d’une perte découlant de son investissement dans la société Swilcan à son année d’imposition 2005. La nouvelle cotisation qui a refusé ce report a été établie au-delà de la période normale de cotisation.

[249] Je conclus que M. Paletta a fait une fausse déclaration attribuable à l’imprudence, à la négligence, à l’inattention ou à l’omission volontaire à l’égard de cette perte; il a déclaré une perte qui n’existait pas. Je conclus que M. Paletta savait que ce geste était incorrect, car il savait qu’il avait été convenu que la société Fox rachèterait le film avant sa sortie commerciale. Par conséquent, la nouvelle cotisation de 2005 n’est pas prescrite.

V. Abri fiscal

A. Observations générales

[250] L’article 237.1 de la Loi exige que le « promoteur » d’un « abri fiscal » obtienne un numéro d’inscription de l’ARC en enregistrant cet « abri fiscal » dans le formulaire prescrit. L’objectif de cet enregistrement, comme cela a été admis dans les observations écrites des appelants, est de porter à l’attention de l’ARC certains types d’investissements qui peuvent bénéficier d’une aide fiscale substantielle dans les circonstances décrites ci-dessous. À cet égard, le fait d’enregistrer l’abri fiscal permet à celui-ci d’être détecté de façon précoce par un auditeur.

[251] L'investisseur dans un abri fiscal non enregistré n’a pas le droit de déduire ou de déclarer des pertes ou des dépenses en rapport avec l’abri fiscal. En l’espèce, les investissements des appelants dans les sociétés de personnes n’ont pas été enregistrés en tant qu’abris fiscaux, car il n'est pas controversé entre les parties qu’aucun numéro d’inscription d’abri fiscal n’a été obtenu pour les opérations relatives aux sociétés Six Iron ou Swilcan. Cela a incité l’intimée à soulever cette question comme argument subsidiaire. Par conséquent, au cas où ma conclusion quant à la présence d’un « trompe-l’œil » serait incorrecte, et par souci d’exhaustivité, j'examinerai maintenant les arguments subsidiaires des parties sur ce point.

B. Le régime législatif

[252] En ce qui concerne les années d’imposition en cause, les parties pertinentes de l’article 237.1 étaient ainsi rédigées :

Définitions

(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« promoteur » Personne qui, quant à un abri fiscal et dans le cours des activités d’une entreprise :

a) émet ou vend l’abri fiscal ou fait la promotion de son émission, de sa vente ou de son acquisition;

b) agit, à titre de mandataire ou de conseiller, en ce qui concerne l’émission ou la vente de l’abri fiscal ou la promotion de son émission, de sa vente ou de son acquisition;

c) accepte, à titre de principal ou de mandataire, une contrepartie relativement à l’abri fiscal.

Au même abri fiscal peuvent correspondre plus d’un promoteur d’abris fiscaux.

abri fiscal

[...]

b) [...] bien (y compris le droit à un revenu) [...] pour lequel il est raisonnable de considérer, compte tenu de déclarations ou d’annonces faites ou envisagées relativement [...] au bien, que, si une personne devait conclure [...] acquérir une part dans le bien [...] à la fin d’une année d’imposition qui se termine dans les quatre ans suivant le jour où [...] la part [est] acquise,

(i) le total des montants représentant chacun :

(A) un montant ou, dans le cas d’une participation dans une société de personnes, une perte qui est annoncé comme étant déductible dans le calcul du revenu de la personne pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure au titre de [...] de la part dans le bien (y compris, si le bien est un droit à un revenu, un montant ou une perte afférent à ce droit qui est déclaré ou annoncé comme étant ainsi déductible),

(B) un autre montant qui est déclaré ou annoncé comme étant réputé, en vertu de la présente loi, être payé au titre de l’impôt payable par la personne, ou comme étant déductible dans le calcul de ses revenu, revenu imposable ou impôt payable en vertu de la présente loi, pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure au titre de [...] de la part dans le bien, à l’exclusion d’un montant ainsi déclaré ou annoncé qui est inclus dans le calcul d’une perte visée à la division (A),

would equal or exceed

(ii) l’excédent éventuel du montant visé à la division (A) sur le total visé à la division (B) :

(A) le coût, pour la personne [...] de la part dans le bien à la fin de l’année, déterminé compte non tenu de l’article 143.2,

would exceed

(B) la valeur totale des avantages visés par règlement que la personne ou toute personne avec laquelle elle a un lien de dépendance pourrait recevoir, directement ou indirectement, au titre du bien acquis [...] au titre de la part dans le bien.

Indication du numéro par l’acquéreur

(6) Une personne ne peut demander ou déduire un montant au titre d’un abri fiscal que si elle présente au ministre un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits, incluant le numéro d’inscription attribué à l’abri fiscal [92] .

[Non souligné dans l’original.]

[253] Au cours de la même période, le paragraphe 231(6) du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») définissait ainsi l'« avantage à recevoir au titre d’une part » :

(6) Pour l’application de l’alinéa b) de la définition de abri fiscal au paragraphe 237.1(1) de la Loi, l’avantage à recevoir au titre d’une part dans un bien est un montant que, compte tenu des déclarations ou annonces faites au sujet de la part, la personne qui acquiert celle-ci (appelée « acheteur » au présent paragraphe) ou une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance peut raisonnablement s’attendre à recevoir, ou dont elle peut raisonnablement s’attendre à jouir, ce qui aurait pour conséquence de réduire l’effet d’une perte que l’acheteur pourrait subir relativement à la part. Sont notamment des avantages :

a) le montant que l’acheteur ou une personne avec laquelle il a un lien de dépendance doit ou devra à une autre personne dans la mesure où, selon le cas :

(i) l’obligation de rembourser ce montant est conditionnelle,

(ii) le remboursement de ce montant est ou sera garanti, une sûreté est ou sera fournie ou une convention en vue d’indemniser l’autre personne est ou sera conclue, par l’une des personnes suivantes :

(A) un promoteur quant à la part,

(B) une personne avec laquelle celui-ci a un lien de dépendance,

(C) toute personne qui doit recevoir un paiement (à l’exception d’un paiement fait par l’acheteur) au titre de la garantie, de la sûreté ou de la convention,

(iii) les droits que cette autre personne peut exercer à l’encontre de l’acheteur ou de la personne avec laquelle celui-ci a un lien de dépendance, à l’égard du recouvrement de tout ou partie du prix d’achat, sont limités à un montant maximum, ne peuvent être exercés que sur certains biens ou sont autrement limités par convention,

(iv) le montant doit être payé en devises étrangères ou d’après sa valeur en devises étrangères et il est raisonnable de croire, compte tenu de l’historique des taux de change entre ces devises étrangères et la monnaie canadienne, que le montant total du remboursement, une fois converti en monnaie canadienne au taux de change en vigueur au moment de chaque paiement, sera considérablement inférieur au montant total qui serait payé s’il était converti en monnaie canadienne au moment où chaque paiement est devenu exigible;

b) le montant que l’acheteur ou une personne avec laquelle il a un lien de dépendance a à un moment donné le droit de recevoir ou d’avoir à sa disposition, directement ou indirectement :

(i) soit à titre d’aide fournie par un gouvernement, une municipalité ou un autre organisme public, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction d’impôt ou d’allocation de placement ou sous toute autre forme,

(ii) soit à cause d’une garantie de recettes ou d’une autre convention selon laquelle l’acheteur ou une personne avec laquelle il a un lien de dépendance peut gagner des recettes, dans la mesure où il est raisonnable de croire que la garantie de recettes ou cette convention assurera à cet acheteur ou à cette personne un rendement sur la totalité ou une partie des dépenses de l’acheteur relatives à la part;

c) le produit de disposition auquel l’acheteur peut avoir droit aux termes d’une convention ou d’un arrangement qui lui confère le droit, conditionnel ou non, de disposer de la part — autrement que par suite de son décès —, y compris la juste valeur marchande d’un bien dont l’acquisition est prévue dans la convention ou l’arrangement, en échange de tout ou partie de la part;

d) le montant que doit l’acheteur ou une personne avec laquelle il a un lien de dépendance au promoteur ou à une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, au titre de la part.

Sauf disposition contraire du sous-alinéa b)(ii), ne sont toutefois pas des avantages les bénéfices gagnés relativement à la part.

C. Discussion

[254] Selon une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de l’article 237.1 de la Loi, les conditions suivantes doivent être remplies pour qu’un bien constitue un abri fiscal :

  • i. il doit y avoir un bien pour lequel des déclarations et des annonces sont faites ou proposées;

  • ii. ces déclarations et annonces doivent être faites par un « promoteur »;

  • iii. il doit être raisonnable de considérer, compte tenu des déclarations ou des annonces, qu’il existe une somme qui est présentée comme étant déductible à l’égard du bien;

  • iv. la somme déclarée comme étant déductible doit être supérieure ou égale au coût de l’investisseur dans le bien moins les « avantages à recevoir ».

[255] Dans leurs observations écrites, les appelants concèdent que les conditions (i) à (iii) sont remplies. À cet égard, ils reconnaissent que MM. Nimchuk et Fergus sont intervenus en tant que promoteurs et que des déclarations et des annonces ont été faites par M. Fergus aux appelants selon lesquelles, notamment, les frais de copie et de publicité engagés au cours de la courte période précédant l’exposition commerciale des films seraient déductibles par les appelants. Ce ne sont pas de grandes concessions. Le dossier contient de nombreux éléments de preuve qui démontrent que chacune des conditions (i) à (iii) est satisfaite.

[256] Les appelants font valoir que seul M. Fergus a fait des déclarations et des annonces à la famille Paletta. Les appelants signalent que M. Paletta a témoigné qu’il n’avait rencontré M. Nimchuk que lors de la conclusion de l’un des précédents contrats de film et qu’il n’aurait donc pas fait de déclarations ou d’annonces à la famille Paletta. Je ne puis retenir cette thèse. M. Fergus n’était pas un témoin crédible et digne de confiance. M. Fergus a reconnu que lui et M. Nimchuk étaient associés dans l’entreprise et que leurs rôles étaient interchangeables.

[257] Il y a controverse entre les appelants et l’intimée en ce qui concerne la condition (iv) énoncée ci-dessus. Selon les appelants, la somme présentée aux appelants comme étant déductible était considérablement inférieure au coût de leur investissement. Sur ce point, les appelants affirment que leur coût est égal à la totalité du prix de souscription payé pour les parts qu’ils détiennent dans les sociétés de personnes. Plus précisément, les appelants font valoir que les options ne devaient être exercées que dans des circonstances qui auraient profité à la société Fox. Dans tous les cas, cela se serait fait au détriment des appelants. Par conséquent, les appelants n’avaient pas droit à un « avantage à recevoir » au sens du préambule du paragraphe 231(6) du Règlement.

[258] Les appelants soutiennent que les seules sommes présentées comme étant déductibles sont les pertes brutes potentielles, qui étaient incluses dans le dossier d’investissement fourni aux appelants et qui ne ramènent pas le coût des investissements des appelants dans les sociétés de personnes en dessous des pertes présentées comme devant être attribuées à ces investissements.

[259] Pour les motifs qui suivent, je rejette fermement cette affirmation des appelants.

[260] Comme il est signalé ci-dessus, le préambule du paragraphe 231(6) du Règlement dispose :

Pour l’application de l’alinéa b) de la définition de abri fiscal au paragraphe 237.1(1) de la Loi [...] l’avantage à recevoir au titre d’une part dans un bien est

un montant

que [(i)] compte tenu des déclarations ou annonces faites au sujet de la part, la personne qui acquiert celle-ci (appelée « acheteur » au présent paragraphe) ou une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance peut raisonnablement s’attendre [(ii)] à recevoir, ou dont elle peut raisonnablement s’attendre à jouir [...]

[(iii)] ce qui aurait pour conséquence de réduire l’effet d’une perte que l’acheteur [qui acquiert la part] [(iv)] pourrait subir relativement à la part [...]

[Non souligné dans l’original.]

[261] Pour faciliter la lecture du texte, je me suis permets de surligner et de mettre sous forme de liste les principales conditions qui donnent ouverture à l’application du préambule.

[262] Les appelants soutiennent que le prix de l’option ne relève pas de la portée du préambule du paragraphe 231(6) du Règlement parce que seule la société Fox pouvait décider d’exercer les options. Selon les appelants, aucun élément du dossier ne permet de penser que ce résultat était raisonnablement prévisible.

[263] En toute déférence, je ne puis retenir l’appréciation de la preuve des appelants sur ce point. En supposant pour l’instant que mon analyse de la notion de « trompe-l’œil » est erronée [93] , je crois à tout le moins que les éléments de preuve discutés précédemment démontrent que les appelants s’attendaient à ce que les options soient exercées. Les opérations ont été structurées dans le but précis de faciliter ce résultat.

[264] Par conséquent, à mon avis, les conditions (i) et (ii) sont remplies. Il reste donc à analyser les conditions (iii) et (iv).

[265] Comme il a été signalé précédemment, la structure financière était très instable. En supposant, pour les besoins de la présente discussion, que la société Fox aurait pu choisir de ne pas exercer l’option, la société Fox aurait quand même pu exiger le remboursement anticipé du prêt consenti à Fintrust et, comme résultat indirect, le remboursement anticipé du prêt consenti à la société Paletta International. De plus, la société Fox pouvait faire en sorte que toutes les distributions payables par les sociétés de personnes aux appelants soient détenues dans un compte de dépôt en garantie, maintenu par la société Fox, jusqu’à ce que les accords de distribution prennent fin. Dans ce cas, les appelants subiraient une perte parce qu’ils supporteraient les coûts de financement ou de renonciation de leurs investissements sans en tirer de revenus pendant une très longue période.

[266] Dans ce contexte, je crois qu’il y a amplement d’éléments de preuve qui démontrent que l’exercice des options et la réception par les appelants du prix de l’option auraient pour effet de réduire l’incidence d’une perte que les appelants auraient pu subir si les options n’avaient pas été exercées. À mon avis, il s’agit d’un « avantage » important pour les appelants.

[267] Les appelants ont également soutenu que le préambule du paragraphe 231(6) du Règlement doit être interprété de façon restrictive en raison du mot « would » (aurait) qui est utilisé dans la version anglaise. À cet égard, les appelants soutiennent que le mot « would » signifie « shall » (doit).

[268] À mon avis, l’interprétation de ce mot par les appelants ne tient pas compte d’autres mots importants figurant dans le préambule, tels que l’expression « peut raisonnablement s’attendre à recevoir » et « réduire l’effet d’une perte que l’acheteur pourrait subir ». Les appelants affirment que le mot « would » signifie que [traduction] « le prix d’exercice de l’option doit avoir pour conséquence de réduire l’effet d’une perte que l’acheteur pourrait subir ». [94] Ils affirment qu’il n’y a pas de conséquence de ce type en l’espèce parce que la [traduction] « faible possibilité de réduction d’une perte est insuffisante ». [95] Cependant, je rejette cet argument. La caractéristique obligatoire dérivée du mot « would » n’a rien à voir avec la probabilité que l’avantage soit reçu. Cette probabilité est plutôt déterminée par renvoi aux mots « peut raisonnablement s’attendre à recevoir ». Le mot « would » indique simplement que, si l’avantage était reçu, il réduirait l’effet de la perte. Par conséquent, le préambule du paragraphe 231(6) du Règlement a une portée plus large que celle défendue par les appelants.

[269] En guise de dernière observation, je crois que mon interprétation du paragraphe 231(6) est conforme à la logique sous-jacente des « dispositions relatives aux abris fiscaux ». Comme il a été signalé précédemment, ces dispositions sont conçues pour signaler à l’ARC un investissement donnant droit à une aide fiscale, de manière à ce qu’il soit détecté et qu’il fasse l’objet d’un audit de manière appropriée. Les investissements réalisés par les appelants étaient présentés par les promoteurs comme donnant droit à une aide fiscale importante. Le taux de rendement de M. Paletta, fondé sur le montant des liquidités qu’il a investies, a été calculé à 257 %.

[270] De même, le rendement de la société Paletta International, fondé sur le montant des liquidités investies et pouvant atteindre 289 %, a été estimé à 125 % si, comme la société Paletta International l’a finalement fait, elle a versé un dividende en capital à ses actionnaires.

[271] Par conséquent, pour toutes les raisons indiquées ci-dessus, en raison de l’application du paragraphe 237.1(6) de la Loi, je conclus que les appelants n’ont pas le droit de déduire les pertes ou les dépenses qu’ils ont déclarées relativement à leurs investissements dans les sociétés de personnes.

VI. Biens immeubles

A. Droit applicable

[272] La dernière question en litige dans les présents appels concerne la qualification des sommes reçues lors de la cession de neuf biens et la question de savoir si ces sommes étaient au titre du revenu ou du capital. La société Paletta International a cédé huit biens au cours de son année d’imposition 2007 et un en 2006, pour laquelle une réserve a été déclarée en 2007. L’appelante, la société Paletta International, a déclaré les gains ou les pertes résultant de ces cessions en tant que revenus ou pertes d’inventaire dans sa déclaration de 2007. La société Paletta International conteste maintenant la production de celle-ci, comme elle en a le droit, en affirmant que les cessions ont toutes été faites au titre du capital. La société Paletta International allègue que la faute et l’inexpérience d’Angelo Paletta et la négligence de son contrôleur et de son comptable externe ont été les causes de l’erreur commise.

B. Distinction entre capital et revenu

[273] Le droit sur cette question est bien fixé. Cette détermination est une question de fait. Les facteurs à prendre en considération ont été construits, notamment, par les décisions Friesen c. Canada [96] , Canada Safeway Ltd. c. Canada [97] , Happy Valley Farms Ltd. c. The Queen [98] , et Hazeldean Farm Co. Ltd. c. M.N.R. [99]

[274] Il existe de multiples expressions des facteurs à prendre en compte. Je reproduis le rappel de la Cour suprême dans l’arrêt Friesen (au paragraphe 17) :

(i) L’intention du contribuable relativement au bien immeuble au moment de l’achat, ses possibilités de réalisation et la mesure dans laquelle cette intention est réalisée. L’intention de revendre la propriété avec bénéfice la rendra plus susceptible d’être qualifiée de projet comportant un risque de caractère commercial.

(ii) La nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation du contribuable et des associés. Plus l’entreprise ou la profession d’un contribuable est liée aux transactions immobilières, plus il est probable que le revenu réalisé sera considéré comme un revenu tiré d’une entreprise plutôt que comme un gain en capital.

(iii) La nature du bien et l’usage qu’en fait le contribuable.

(Iv) La mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition du bien immeuble et la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable. Les opérations impliquant emprunt et revente rapide sont plus susceptibles d’être des projets comportant un risque de caractère commercial.

[275] L’élément le plus déterminant est l’intention du contribuable au moment de l’acquisition. Un « plan visant la réalisation d’un bénéfice » [100] indique que l’opération est un risque de caractère commercial, et non une opération en capital. Une intention secondaire de réaliser des bénéfices au moment de l’acquisition est suffisante pour qualifier une opération comme étant au titre du revenu. Il faut apprécier l’ensemble du comportement du contribuable et en tirer des conclusions.

[276] On peut dégager de la jurisprudence précitée plusieurs principes qui peuvent, à mon avis, être résumés comme suit :

  • i) Il n’est pas facile de tracer une ligne de démarcation entre les revenus et les gains en capital et il est donc nécessaire, pour bien les distinguer, de tenir compte d’une foule de facteurs, et notamment de l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien.

  • v) Le témoignage du contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant et doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances [102] .

ii) Pour que l’opération soit considérée comme un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut qu’au moment de l’acquisition, le contribuable ait eu à l’esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition. La conclusion qu’une telle motivation existe doit être fondée sur des inférences découlant de toutes les circonstances qui entourent la transaction. Autrement dit, c’est toute la conduite du contribuable qu’il faut apprécier.

iii) En ce qui concerne l’intention secondaire, elle doit aussi avoir existé au moment de l’acquisition du bien et le contribuable doit avoir été motivé par l’intention secondaire de le revendre avec bénéfice au cas où une occasion intéressante se présenterait.

iv) Le fait que le contribuable envisageait la possibilité de revendre son bien ne suffit pas, en soit, pour conclure à l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial. Une doctrine, Principles of Canadian Income Tax Law, opine, en ce qui concerne l’existence d’une « intention secondaire », que [traduction] « les critères de la doctrine de l’intention secondaire ne sont respectés que si la perspective de revente avec bénéfices a joué un rôle important dans la décision d’acquérir le bien » [101] . Je souscris entièrement à cet enseignement.

C. Don de biens écosensibles

[277] L’une des dispositions en question était un « don de biens écosensibles ». Un don de biens écosensibles donne droit à un crédit aux termes de l’alinéa 110.1(1)d) de la Loi et à un gain en capital réputé nul aux termes de l’alinéa 38a.2) :

38. Pour l’application de la présente loi :

[...]

a.2) le gain en capital imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, tiré de la disposition d’un bien, est égal à zéro si, selon le cas :

(i) la disposition consiste à faire don à un donataire reconnu (à l’exception d’une fondation privée) d’un bien visé, en ce qui concerne le contribuable, à l’alinéa 110.1(1)d) ou à la définition de total des dons de biens écosensibles au paragraphe 118.1(1),

 

110.1 (1) Les montants suivants peuvent être déduits par une société dans le calcul de son revenu imposable pour une année d’imposition :

[...]

Dons de biens écosensibles

d) le total des montants représentant chacun le montant admissible d’un don de fonds de terre, y compris un covenant ou une servitude, visant un fonds de terre (la servitude devant être, si le fonds de terre est situé au Québec, une servitude personnelle d’une durée d’au moins 100 ans ou une servitude réelle) si, à la fois :

(i) la juste valeur marchande du don est attestée par le ministre de l’Environnement,

(ii) selon l’attestation de ce ministre ou d’une personne qu’il désigne, le fonds de terre est sensible sur le plan écologique, et sa préservation et sa conservation sont, de l’avis de ce ministre ou de cette personne, importantes pour la protection du patrimoine environnemental du Canada,

(iii) le don a été fait par la société au cours de l’année ou des dix années d’imposition précédentes à l’un des donataires reconnus suivants :

(A) Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province,

(B) une municipalité du Canada qui est approuvée par ce ministre ou par la personne désignée pour ce qui est du don,

(C) un organisme municipal ou public remplissant une fonction gouvernementale au Canada qui est approuvé par ce ministre ou par la personne désignée pour ce qui est du don,

(D) un organisme de bienfaisance enregistré (sauf une fondation privée) qui est approuvé par ce ministre ou par la personne désignée pour ce qui est du don et dont l’une des principales missions, de l’avis de ce ministre, est de conserver et de protéger le patrimoine environnemental du Canada.

[278] Le gain en capital réputé nul est important car, normalement, la Loi considère qu’un donateur reçoit une contrepartie par suite d’une disposition égale à la juste valeur marchande du don :

Contreparties insuffisantes

69. (1) Sauf disposition contraire expresse de la présente loi :

[...]

b) le contribuable qui a disposé d’un bien en faveur :

[...]

(ii) soit d’une personne au moyen d’un don,

[...]

est réputé avoir reçu par suite de la disposition une contrepartie égale à cette juste valeur marchande [...]

[279] Si le don de biens écosensibles est un don en capital, l’alinéa 38a.2) l'emporte sur l’alinéa 69(1)b) et le gain en capital est égal à zéro. Cette mesure, qui s’ajoute au crédit d’impôt prévu au paragraphe 118.1(3), constitue une mesure incitative à faire don de terres écologiquement vulnérables.

D. Discussion

[280] La jurisprudence enseigne clairement que je dois tenir compte de l’ensemble de la conduite du contribuable et tirer les déductions des circonstances environnantes; je note par conséquent en l’espèce certains facteurs contextuels qui éclairent mon analyse de chaque disposition individuelle.

[281] L’immobilier constitue une part importante des activités de la famille Paletta. Pat Paletta a commencé, il y a plusieurs années, à acquérir des terrains vacants dans les régions de Burlington et d’Hamilton et la famille a poursuivi cette activité. Les états financiers de la société Paletta International indiquent une valeur comptable d’environ 112 000 000 $ pour l’ensemble des biens immobiliers de la société en 2006, la juste valeur marchande étant estimée à 10 à 20 fois plus élevée. Les témoignages ont établi que la famille Paletta a la réputation d’être un grand promoteur dans la région du Golden Horseshoe. M. Paletta a obtenu son permis de courtier immobilier et a créé une société immobilière dans le seul but de gérer les opérations immobilières de la société Paletta International.

[282] L’appelante, la société Paletta International, soutient que tous les biens ont été acquis, soit pour être exploités, soit pour être développés en vue d’en tirer des revenus locatifs. M. Paletta a témoigné que la philosophie familiale en matière immobilière était de transformer, à terme, tous les biens acquis en sources de revenus locatifs. Il a témoigné que la famille ne fait pas de développement résidentiel et ne s’y intéresse pas, mais il reconnaît que le développement résidentiel est souvent important sur les sites afin de soutenir le marché de détail. Je note en faveur de l’appelante, la société Paletta International, qu’il n’y a eu que peu ou pas de financement pour l’acquisition de ces terrains.

[283] J’ai du mal à accepter l’idée que les Paletta avaient rarement l’intention secondaire de profiter de la vente de leurs terrains si des occasions commerciales ou industrielles ne se présentaient pas. Cela n’est pas conforme aux instincts financiers avisés des Paleta. M. Paletta a témoigné de la capacité de son père et de la sienne à trouver des occasions de tirer des profits supplémentaires de leurs terrains, par exemple en louant des enseignes sur poteau et en réduisant des bâtiments en miettes pour produire du gravier à utiliser sur place. Il a également démontré que l’entreprise familiale a grandi et évolué pour inclure de nouveaux domaines d’activité, comme les médias et le cinéma. Compte tenu de la croissance et de la diversité des activités commerciales des Paletta, l’insistance sur ce que l’entreprise ne supposait pas de spéculation foncière est difficile à accepter. Je note que tous les biens, sauf deux, ont été vendus comme terrains vacants. Les deux biens avec bâtiments ont été séparés afin de permettre aux Paletta de conserver le terrain vacant.

[284] En l’espèce, je dois faire une remarque sur la crédibilité, le poids et le fardeau de la preuve. L’appelante, la société Paletta International, a le fardeau de démolir l’hypothèse du ministre selon laquelle elle avait l’intention secondaire de revendre les terrains à profit. L’essentiel de la preuve de la société Paletta International concernant les biens immobiliers provient du témoignage de M. Paletta. J’ai déjà conclu que, en ce qui concerne la principale question dans les présents appels, il a présenté de manière inexacte à l’ARC la nature des ententes qu’il a conclues, ce qui nuit naturellement à sa crédibilité. J’ai également conclu que certains de ses témoignages sur la question des biens n’étaient pas totalement fiables, peut-être simplement en raison d’une mémoire défaillante [103] . En outre, les appelants n’ont pas produit d’éléments de preuve à l’appui de plusieurs des affirmations de M. Paletta [104] . Collectivement, ces facteurs ont une incidence sur le poids que je peux accorder au témoignage de M. Paletta.

[285] Par conséquent, j’accorde plus d’importance aux éléments de preuve indirects réunis par l’intimée en ce qui concerne les modes d’utilisation des terrains des appelants.

[286] L’intimée a démontré un modèle de développement de biens immobiliers dans les sociétés Paletta selon lequel les Paletta accumulent des biens à l'extérieur des limites urbaines et les détiennent pendant de longues périodes. Ils entreprennent des activités telles que l’agriculture, la location de stationnements et la location d’enseignes pour payer les coûts de possession des terrains, puis les vendent à profit lorsque les limites urbaines sont étendues. L’intimée a également démontré que les appelants font activement pression pour que ces limites soient étendues pour inclure leurs terrains. La thèse de l’intimée est qu'il ressort de cette preuve indirecte que l’appelante, la société Paletta International, a toujours à l’esprit la possibilité de revendre ces terrains à profit.

[287] L’intimée a également démontré que les états financiers indiquent que les revenus des appelants provenant de l’agriculture constituaient une part marginale de leurs activités commerciales. Ces activités ont permis de supporter les coûts de possession du terrain vacant. J’admets également qu’à un moment donné, la composante agricole était plus importante pour l’ensemble de l’entreprise.

[288] En gardant ces facteurs à l’esprit, j’examinerai maintenant chaque bien individuellement.

1) 1963 Appleby Line

[289] Une société remplacée de la société Paletta International a acheté environ 75 acres à Cadillac Fairview et Ivanhoe en 1986 et 1987. Le bien en cause est une parcelle d’environ 1,4 acre zonée pour des bâtiments résidentiels de hauteur moyenne. L’appelante, la société Paletta International, a vendu ce bien en 2006 pour un gain de 980 615 $. La société Paletta International a déclaré une réserve de 783 211 $ en 2007 aux termes de l’alinéa 20(1)n) de la Loi, mais voudrait maintenant requalifier cette somme comme une réserve aux termes de l’article 40 (c.-à-d. comme une réserve de capital).

[290] M. Paletta a témoigné que le terrain était vacant lorsqu’il a été acheté et qu’il a immédiatement été cultivé pour l’exploitation du parc d’engraissement. Finalement, environ 25 acres ont été zonés en prévision de la construction de bureaux et de commerces de détail, car l’objectif final ultime était de générer des revenus locatifs. Les quelque 50 acres restants étaient destinés à un usage résidentiel. M. Paletta a témoigné qu’en raison du marché, le bien ne pouvait pas être consacré en totalité aux commerces de détail et que la partie résidentielle soutiendrait le marché de détail en tant que source d’employés et de consommateurs.

[291] L’intimée a démontré que les appelants avaient l’habitude d’accumuler des biens autour du 1963 Appleby Line, de les morceler et de les vendre comme terrains vacants.

[292] M. Paletta a témoigné que ses plans de vente au détail pour le site ont été contrariés par l’arrivée d’un Walmart sur un site situé à environ un mile au nord du 1963 Appleby Line dans les années 1990. Le marché de détail s’est alors éloigné du site des Paletta et la famille a constaté qu’elle ne pouvait pas développer de commerces de détail sur le site. Les Paletta ont fait les démarches afin que les terrains soient rezonés pour usage résidentiel, ont suivi la procédure de lotissement, ont viabilisé les terrains et les ont vendus en lots résidentiels.

[293] M. Paletta n’a pas su dire exactement quand Walmart est arrivé; à plusieurs reprises, il a témoigné que c’était au début des années 1990, au début ou au milieu des années 1990, au milieu ou à la fin des années 1990 et, lors de l’interrogatoire préalable, vers l’année 2000. Aucun document relatif à la date exacte ne figure dans le dossier.

[294] M. Paletta a reconnu que seuls 25 acres avaient été utilisés pour le commerce de détail et que les 50 acres restants avaient été résidentiels. Même si leurs intentions ont été contrariées par l’arrivée de Walmart, les appelants n’ont pas démontré que le 1,4 acre en question faisait partie de la zone destinée au commerce de détail et non de la principale zone destinée à un usage résidentiel. Je retiens en outre l’affirmation de l’intimée selon laquelle des parties avisées telles que les appelants auraient envisagé la possibilité que leurs plans soient contrariés et se seraient donné la possibilité de revendre le terrain à profit.

[295] Le gain auquel cette cession a donné lieu est considéré comme un revenu.

2) 1215 Appleby Line (deux cessions)

[296] Une société remplacée de l’appelante, la société Paletta International, a acheté ce terrain – environ huit acres de terrain vacant – en 1997 pour 446 352 $. La société Paletta International a divisé le terrain en quatre lots vacants et les a vendus entre 2004 et 2007. Deux de ces cessions sont en cause en l’espèce, l’une pour un gain de 1 936 631 $ et l’autre pour un gain de 1 991 520 $. Le premier acquéreur y a construit des installations d’entreposage. Le résultat de la deuxième vente n’a pas été produit en preuve; il a été décrit comme une parcelle résiduelle.

[297] M. Paletta a témoigné qu’au moment de son acquisition par la société, le terrain était zoné pour un usage mixte, soit pour des commerces de détail et industriels, mais il était zoné pour un usage plus industriel que commercial. Il a témoigné qu’il a essayé pendant de nombreuses années d’obtenir un usage plus commercial sur le terrain, mais sans succès, et que ce bien a également été touché par le déplacement du marché de détail vers le nord par Walmart. M. Paletta n’a renvoyé à aucune preuve documentaire de ses tentatives pour faire rezoner le terrain ou trouver des locataires. Dans l’intervalle, il a utilisé le terrain pour louer des espaces pour des enseignes sur poteau à des entreprises médiatiques. Il a également déclaré qu’à partir du moment de l’acquisition, la société Paletta International a exploité le site tout en essayant de développer le marché de détail.

[298] L’intimée a dirigé M. Paletta vers les demandes de morcellement du terrain qu’il avait commandées en 2004, 2005 et 2006 et qui indiquaient qu’aucune exploitation agricole n’existait sur le terrain.

[299] L’appelante, la société Paletta International, ne m’a pas convaincu qu’elle n’avait pas l’intention secondaire de vendre ce terrain à des fins lucratives. Le gain auquel cette cession donne lieu est considéré comme un revenu.

3) 2330 Guyatt Road et 2141 Woodburn Road

[300] Ces deux cessions de 2007 concernent chacune une résidence unifamiliale séparée d’un bien agricole plus important dans la région de Binbrook et Glanbrook. La société Paletta International a acquis le bien sis sur Guyatt en 2005 et le bien sis sur Woodburn en 2004. Les sommes en cause sont peu élevées, soit une perte de 1 132 $ pour le bien sis sur Guyatt Road et un gain de 42 463 $ pour le bien sis sur Woodburn Road. M. Paletta a témoigné que les terrains (environ 200 acres pour le terrain sis sur Guyatt Road et 90 à 100 acres pour le terrain sis sur Woodburn Road) ont été acquis pour être exploités par la division des services agricoles de la société. Le bien sis sur Woodburn Road comporte également un bâtiment industriel qui a généré des revenus locatifs jusqu’au départ des locataires. Les maisons ont été séparées et vendues, car les Paletta ne souhaitent pas être des propriétaires ruraux.

[301] L’intimée a établi un système d’acquisition de terrains par les Paletta dans cette zone à peu près à la même période. Ces terrains se trouvent tous dans la zone de la ceinture verte, également appelée « campagne protégée ». L’objectif du plan de gestion de la ceinture verte est de protéger à long terme les terres agricoles et le patrimoine naturel. Les zones urbaines ne sont pas autorisées à s’étendre sur les terrains se trouvant dans la ceinture verte. L’intimée a établi que les Paletta ont cherché à retirer le reste des biens sis sur Guyatt Road et sur Woodburn Road (après le morcellement), ainsi que leurs autres biens voisins, du projet de ceinture verte en 2015. L’intimée a également établi que les Paletta font partie d’un groupe de propriétaires fonciers qui contestent une loi provinciale qui interdit aux municipalités, en l’espèce Hamilton, d’étendre leurs limites urbaines pour inclure une zone particulière près de la région de Binbrook et de Glanbrook.

[302] Je conclus que l’appelant avait l’intention secondaire, sinon principale, de spéculer sur la valeur des terrains en ce qui concerne ces biens. Le gain auquel ces cessions donnent lieu est considéré comme un revenu.

4) 55 Queen Street/Market Street

[303] Les Paletta ont acheté ce terrain du centre-ville de Hamilton où se trouvait déjà un immeuble de bureaux et industriel pour 1 175 000 $ en 1987. Ils l’ont vendu comme terrain vacant en 2007 pour 2,4 millions de dollars. Le gain total a été de 1 897 882 $.

[304] Après cette acquisition, les Paletta ont loué le bâtiment et l’entrepôt à divers locataires jusqu’à ce qu’ils finissent tous par quitter le bien. M. Paletta a témoigné que le bâtiment était vieux et ne convenait pas à la plupart des usages prévus. Il l’a donc démoli et a utilisé l’espace pour y construire un stationnement et louer des enseignes sur poteau. Il a témoigné que le plan final était de construire des bureaux et des espaces de vente au détail pour générer des revenus locatifs. Les documents établissent que le stationnement était destiné à être une activité temporaire pendant que le site était commercialisé auprès d’un utilisateur final.

[305] La société Paletta International a demandé un permis de démolition pour le bâtiment en juillet 1991, un peu moins de quatre ans après son achat. À peu près à la même époque, la société Paletta International a également demandé à changer le zonage d’« industrie légère et lourde limitée » à « immeubles d’habitation à forte densité » pour une grande partie du site. La demande a été approuvée et un règlement a été adopté pour permettre la construction de bâtiments résidentiels de 3, 6 et 15 étages. Aucun plan de construction n’a été présenté à la ville. M. Paletta a déclaré que le développement résidentiel était nécessaire pour soutenir le commerce de détail. Il a également témoigné que ses efforts pour trouver un locataire pour le commerce de détail n’étaient pas allés au-delà de la pose d’un panneau annonçant des espaces de vente au détail et de bureaux à louer.

[306] L’intimée m’a convaincu que les Paletta n’ont pris aucune mesure concrète pour développer le bien aux fins de vente au détail ou commerciales et que le but secondaire de l’appelante, la société Paletta International, si ce n’est son but principal, était de vendre le terrain à profit au moment opportun.

5) 101 Masonry Court

[307] Les Paletta ont acheté ce bien d’environ 40 acres en 2002 pour 1,6 million de dollars. Au moment de l’achat, le terrain comptait plusieurs bâtiments et un locataire industriel. Le bien a été vendu par parcelles comme terrain vacant entre 2005 et 2013. La parcelle en cause a été vendue en 2007 à la Greater Toronto Transit Authority (maintenant Metrolinx) pour six millions de dollars.

[308] M. Paletta a témoigné que le terrain était zoné pour un usage industriel et commercial et que l’intention des Paletta était de développer un centre commercial. Il a conclu que les bâtiments existants ne pouvaient pas être loués. Il les a donc démolis pour créer du gravier à répandre sur le site pour d’éventuels stationnements et pour être utilisé comme couches de fondation. Les Paletta ont loué le site à un mandataire de Chrysler comme lieu de stockage et de stationnement de voitures. M. Paletta a témoigné que le terrain avait un zonage à usage mixte qui permettait en fait certaines utilisations résidentielles, mais qu’il n’y avait pas pensé au moment de l’achat.

[309] En 2005, les Paletta ont vendu environ 15 acres du site à la Greater Toronto Transit Authority (Metrolinx) afin d’éviter une expropriation. Il a témoigné que cette vente augmentait en fait la valeur de la composante commerciale restante, car elle créerait une clientèle captive de navetteurs. M. Paletta a vendu une deuxième partie d’environ 10 acres à Metrolinx en 2007, soit la parcelle en cause, et a conservé environ 14 acres.

[310] M. Paletta a engagé un architecte pour réaliser des plans conceptuels préliminaires en 2009 et a installé un panneau annonçant un espace commercial à louer sur le site. Il a témoigné qu’il avait entamé des discussions avec les grands supermarchés afin de trouver un locataire principal pour le site, mais que rien n’avait abouti. L’un de leurs problèmes était le manque de densité résidentielle pour soutenir le commerce de détail. M. Paletta a témoigné que les modifications apportées aux règles de l’Office de protection de la nature en matière de gestion des eaux pluviales ont eu une incidence supplémentaire sur le site, le rendant moins commercialisable pour la vente au détail. Il a vendu la dernière parcelle en 2014 pour un ensemble résidentiel.

[311] Dans ses réponses concernant les entreprises qu’il a exploitées en 2016, M. Paletta a déclaré à tort que [traduction] « l’appelant reste propriétaire du solde de ce terrain et a l’intention de développer un centre commercial sur ce site ».

[312] L’intimée a établi que la société Paletta International a accumulé d’importantes parcelles de terrain à proximité de ce bien. Pour certains, elle a demandé un plan de lotissement pour créer des lots commerciaux, et détient toujours les autres. L’intimée a également établi que la société Paletta International a demandé que 75 hectares de terres agricoles vacantes situées à proximité soient inclus dans le prolongement des limites urbaines.

[313] L’appelant n’a pas réussi à me convaincre qu’il n’avait pas l’intention secondaire de tirer profit de la vente de ce bien. Le comportement des Paletta à l’égard de cette parcelle dans son intégralité va au moins dans le sens d'une intention secondaire de spéculer sur les ventes de terrains.

6) Doble/Bluffs et Don de biens écosensibles

[314] Cette section concerne deux cessions effectuées au cours de l’année 2007, qui sont toutes deux des parcelles d’un bien d’environ 150 acres acheté par Pat Paletta en 1979. Le terrain comprenait plusieurs boisés, qui forment la cession du don de biens écosensibles dont il est question en l’espèce. Les Paletta ont fait ce don de biens écosensibles à l’Office de protection de la nature de la région de Halton, dont la valeur estimée est de 3 952 500 $. La deuxième disposition est un lot d’environ deux acres vendu au couple Doble pour un gain total de 1 128 946 $.

[315] M. Paletta a témoigné que les Paletta ont utilisé le bien pour faire paître du bétail et faire pousser des cultures en vue d’une exploitation agricole. Ils ont également récolté du bois dans ces parcelles boisées pour en faire du bois d’œuvre. Lorsque la ville de Burlington a entamé en 1987 un processus de prolongement des limites urbaines du hameau de Mount Nemo, M. Paletta a fait pression pour que ces terres soient incluses. La ville de Burlington a refusé et les Paletta ont interjeté appel avec succès auprès de la Commission des affaires municipales de l’Ontario. Les terrains ont été subdivisés en 34 lots en deux étapes, la première en 2003 et la seconde en 2006. L’un de ces lots est la vente au couple Doble.

[316] Je conclus que les gains auxquels donnent droit ces deux cessions sont considérés comme un capital. Je retiens l’affirmation selon laquelle Pat Paletta a acheté ces terrains pour les utiliser dans le cadre d’un parc d’engraissement et de services agricoles. Le moment de l’acquisition, en 1979, est important – je reconnais qu’à cette époque, l’agriculture était plus importante pour l’entreprise familiale qu’elle ne l’est actuellement. Je reconnais également qu’à l’époque, le développement immobilier était un aspect plus mineur des activités des Paletta qu’il ne l’est actuellement. Je conclus donc que les deux cessions sont des cessions en capital et que l’appelante, la société Paletta International, a droit au bénéfice de l’alinéa 38a.2) de la Loi en ce qui concerne le don de biens écosensibles.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2019.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour d'août 2021.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 205

NOS DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-225(IT)G, 2013-4837(IT)G,

2013-2420(IT)G

INTITULÉ :

ANGELO PALETTA et PALETTA INTERNATIONAL CORPORATION c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario), Vancouver (Colombie-Britannique), San Jose (Californie) et Los Angeles (Californie)

DATES DE L’AUDIENCE :

Du 11 au 22 mars 2019, du 28 au 31 mai 2019, les 3, 5 et 6 juin 2019 et du 10 au 12 juin 2019

MOTIFS MODIFIÉS DU JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRES :

L’honorable juge Robert J. Hogan

DATE DES MOTIFS MODIFIÉS DU JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRES :

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 novembre 2019

Le 7 octobre 2019

COMPARUTIONS :

Avocats des appelants :

Me Andrew Boyd

Me Al Meghji

 

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Nicole Levasseur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Noms :

Me Andrew Boyd

Me Al Meghji

 

Cabinet :

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats fiscalistes

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Pièce A1, volume 8, onglet 160, p. 11; voir aussi la pièce A1, volume 5, onglet 75, p. 105.

[2] La société Wordsmith est également désignée sous le nom d’Optionco dans les documents relatifs aux opérations.

[3] La société Faultline est également désignée sous le nom d’OptioncoCda dans les documents relatifs aux opérations.

[4] Pièce A1, volume 6, onglet 84, p. 47.

[5] Pièce A1, volume 6, onglet 84, p. 40.

[6] Pièce A1, volume 6, onglet 84, p. 41.

[7] Pièce A1, volume 2, onglet G01, accord de société en commandite.

[8] Pièce A1, volume 1, onglet A01a, cession de droits.

[9] 25 août 2008 pour les opérations relatives à la société Swilcan (« date de clôture de Swilcan »).

[10] Pièce A1, volume 1, onglet A01, contrat d’achat et de cession des droits.

[11] Pièce A1, volume 1, onglet A03, accord de distribution et d’acquisition d’autres droits.

[12] Définis comme étant les coûts de la société Fox engagés relativement aux [traduction] « recettes brutes définies », y compris les coûts suivants : conversion/transmission d’argent; taxes; [traduction] « coûts de vérification » (vérification de la fréquentation, rapports de billetterie et états comptables); coûts de collecte associés à la collecte de l’argent inclus dans les recettes brutes définies (y compris les honoraires d’avocats ou d’auditeurs); frais d’association commerciale; paiements versés à la guilde (avantages sociaux de l’employeur) et frais de publicité.

[13] Les « recettes brutes » sont définies comme étant toutes les sommes (à l’exclusion des taxes sur les ventes, les entrées et la valeur ajoutée) qui sont effectivement perçues par la société Fox ou ses filiales en vue de la distribution du film.

[14] Pièce A1, volume 1, onglet A03, al. 12b).

[15] Pièce A1, volume 1, onglet A05, convention d’option.

[16] Pièce A1, volume 1, onglet A14, convention de cession et d’option.

[17] Pièce A1, volume 2, onglet D01, prêt consenti par les sociétés de personnes à Fintrust.

[18] Pièce A1, volume 1, onglet C01, convention de prêt entre le distributeur et Fintrust.

[19] Pièce A1, volume 1, onglet A06, contrat de sûreté entre la société de personnes et le distributeur.

[20] Pièce A1, volume 1, onglet A06, contrat de sûreté entre la société de personnes et le distributeur, article 8, [non souligné dans l’original].

[21] Pièce A1, volume 1, onglet A06, contrat de sûreté entre la société de personnes et le distributeur, article 8, [non souligné dans l’original].

[22] Pièce A1, volume 1, onglet A09, Documents relatifs au nantissement de la cession des droits d’auteur.

[23] Pièce A1, volume 1, onglet A10, contrat de sûreté entre les associés et le distributeur.

[24] Définis comme étant l’accord de distribution, la convention d’option et la convention de cession et d’option.

[25] Pièce A1, volume 1, onglet B02, contrat de sûreté entre l’associé et Fintrust.

[26] Pièce A1, volume 2, onglet D02, contrat de sûreté entre Fintrust et la société de personnes.

[27] Pièce A1, volume 1, onglet 2, engagement de dépôt entre les mains d’un tiers).

[28] Pièce A1, volume 2, onglet Y01, avis d’exercice de l’option.

[29] Pièce A1, volume 2, onglet X01, avis d’exercice de l’option.

[30] Pièce A1, volume 1, onglet C01, convention de prêt entre le distributeur et Fintrust.

[31] Pièce A1, volume 2, onglet Y05, convention de prise en charge des obligations.

[32] 2013-4837(IT)G, réponse, al. 16ddd).

[33] Transcription, volume 6, 11 juin 2019, p. 13, lignes 6 à 25.

[34] Observations écrites des appelants, p. 9, par. 35, p. 11, par. 54.

[35] Observations écrites des appelants, p. 33, par. 51.

[36] Observations écrites des appelants, p. 42, al. 26i).

[37] Observations écrites des appelants, p. 82, al. 53a).

[38] Observations écrites des appelants, p. 99 et 100, par. 4 et 6.

[39] Déclaration liminaire des appelants, par. 36.

[40] Déclaration liminaire des appelants, par. 55 et 56.

[41] Déclaration liminaire des appelants, al. 12a).

[42] Sydney N. Lederman, Alan W. Bryant et Michelle K. Fuerst, art. §19.1., The Law of Evidence in Canada, 5e éd. ( Toronto : LexisNexis, 2018)

[43] 2013-4837(IT)G, réponse, al. 16ttt).

[44] 2013-4837(IT)G, réponse, al. 16rrr).

[45] 2005 CAF 252 [arrêt Hammill].

[46] En ce qui concerne l’affaire Hammill, le contribuable voulait déduire des dépenses liées à la vente de pierres précieuses. Dans un exposé conjoint des faits, les parties ont déclaré que le contribuable exploitait une entreprise en raison du fait qu’il participait à une affaire de caractère commercial. Le juge de la Cour de l’impôt a plutôt conclu que le contribuable avait été victime d’une fraude importante à partir du moment où il avait été contacté au sujet des pierres précieuses et que, par conséquent, les dépenses n’avaient pas été engagées dans le but de tirer un revenu d’une entreprise.

[47] 2014 CAF 123.

[48] 2012 CAF 71.

[49] Arrêt Hammill, par. 29 à 33.

[50] [1998] 2 R.C.S. 358, [1998] 4 C.T.C. 77 [Banque continentale du Canada].

[51] Banque Continentale du Canada, par. 13 et 16.

[52] Canada c. Anchor Pointe Energy Ltée, 2003 CAF 294, par. 38.

[53] Par exemple, dans l’arrêt Canada c. Global Equity Fund Ltd., 2012 CAF 272, la Cour d’appel fédérale a permis à la Couronne de présenter de nouveaux arguments qui n’avaient été ni invoqués par le ministre dans la cotisation qu’il avait établie ni soulevés par la Couronne au procès. La Cour d’appel fédérale a infirmé la décision du tribunal de première instance concernant la règle générale anti-évitement et a tranché en faveur de la Couronne. S’appuyant sur le paragraphe 152(9), la Cour d’appel fédérale a rejeté deux nouveaux arguments soulevant des questions mélangées de fait et de droit « au sujet desquelles la Couronne n’a pas produit d’élément de preuve devant la Cour canadienne de l’impôt » (par. 37), mais a autorisé d’autres arguments juridiques fondés sur le dossier de preuve existant.

[54] 2019 CAF 195 [arrêt Bakorp].

[55] Arrêt Bakorp, par. 47.

[56] Transcription, volume 6, daté du 11 juin 2019, p. 35, lignes 7 à 17.

[57] [1967] 1 All ER 518 [arrêt Snook].

[58] Snook, p. 528.

[59] Ministre du Revenu National c. Cameron, [1974] R.C.S. 1062.

[60] [1984] 1 R.C.S. 536 [arrêt Stubart]

[61] Stubart, p. 545 et 546.

[62] 2010 CAF 280, par. 20.

[63] 2008 CAF 398, par. 59.

[64] À un moment donné, M. Nimchuk est devenu associé chez PwC, mais la chronologie des événements n’est pas claire. Il a depuis quitté cette entreprise.

[65] Comme il a été signalé, la question de savoir à quel moment M. Nimchuk est devenu associé n’a pas été clairement établie devant la Cour.

[66] Transcription, volume 2, datée du 12 mars 2019, de la page 229, ligne 18 à la page 231, ligne 2.

[67] Transcription, volume 3, datée du 13 mars 2019, p. 306, lignes 3 à 16.

[68] Transcription, volume 3, datée du 13 mars 2019, de la page 310, ligne 9 à la page 311, ligne 1.

[69] Moins 75 000 $, qui avaient déjà été versés dans une autre des sociétés Fergus.

[70] Transcription, volume 3, datée du 13 mars 2019, de la page 311, ligne 27 à la page 314, ligne 21.

[71] Transcription, volume 3, datée du 13 mars 2019, de la page 315, ligne 1 à la page 316, ligne 3.

[72] Transcription, volume 3, datée du 13 mars 2019, de la page 316, ligne 28 à la page 317, ligne 24.

[73] Transcription, volume 3, datée du 13 mars 2019, de la page 318, ligne 14 à la page 320, ligne 2.

[74] Transcription, volume 3, datée du 13 mars 2019, de la page 320, ligne 23 à la page 321, ligne 8.

[75] Transcription, volume 1, datée du 28 mai 2019, p. 19, lignes 20 à 24.

[76] Transcription, volume 1, datée du 28 mai 2019, p. 34, lignes 19 à 22.

[77] Transcription, volume 5, datée du 15 mars 2019, à la page 672, lignes 12 à 21.

[78] Transcription, volume 4, datée du 14 mars 2019, p. 499, lignes 9 à 13.

[79] Transcription, volume 8, datée du 20 mars 2019, de la page 1132, ligne 24 à la page 1133, ligne 11.

[80] Transcription, volume 1, datée du 3 juin 2019, de la page 31, ligne 19 à la page 32, ligne 14.

[81] Transcription, volume 1, datée du 3 juin 2019, p. 107, lignes 6 à 12.

[82] Transcription, volume 1, datée du 3 juin 2019, p. 107, lignes 13 à 22.

[83] Observations écrites des appelants, à la page 42, à l’alinéa 26h).

[84] Observations écrites des appelants, p. 42, al. 26i).

[85] Transcription, volume 7, datée du 19 mars 2019, à la page 987, lignes 4 à 14.

[86] Transcription, volume 7, datée du 19 mars 2019, de la page 987, ligne 27 à la page 988, ligne 8.

 

[87] Contrat de sûreté entre les associés et les distributeurs, pièce A1, volume 1, onglet A10. Il convient de signaler que les « accords relatifs aux opérations » sont définis comme signifiant l’accord de distribution, la convention d’option et la convention de cession et d’option.

[88] Observations écrites des appelants, à la page 46, à l’alinéa 41b). [Souligné dans l’original.]

[89] Pièce A1, volume 1, onglet A10, article 10 [non souligné dans l’original].

[90] Transcription, volume 1, datée du 28 mai 2019, à la page 39, lignes 9 à 14.

[91] Transcription, volume 1, datée du 28 mai 2019, à la page 55, lignes 12 à 26.

[92] Loi, article 237.1.

[93] Si ma conclusion quant à la présence d’un « trompe-l’œil » se révèle correcte, il est incontestable que le prix de l’option est visé par le paragraphe 231(6) du Règlement car, dans ce cas, les appelants auraient eu le droit de recevoir cette somme dès le tout début des opérations.

 

[94] Observations écrites des appelants, p. 82, al. 53a).

[95] Observations écrites des appelants, p. 82, al. 53a).

[96] [1995] 3 R.C.S. 103 [Friesen].

[97] 2008 CAF 24 [ Canada Safeway].

[98] 86 DTC 6421, (1986), 7 F.T.R. 3 (C.F. 1re inst.).

[99] [1967] 1 R.C. de l’É. 245.

[100] Friesen, au paragraphe 16.

[101] Jinyan Li, Joanne Magee et J. Scott Wilkie, Principles of Canadian Income Tax Law (Toronto : Thomson Reuters, 2017), à la page 300.

[102] Canada Safeway, au paragraphe 61.

[103] Voir ci-dessous, par exemple, en ce qui concerne l’arrivée de Walmart en Ontario, qui a changé les perspectives pour le bien sis au 1963 Appleby Line; le témoignage de M. Paletta selon lequel il y avait de l’exploitation agricole sur les terrains sis au 1215 Appleby Line alors qu’il avait commandé des documents indiquant que ce n’était pas le cas; les réponses de M. Paletta lors de l’interrogatoire préalable en 2016, en ce qui concerne le bien sis au 101 Masonry Court, selon lesquelles les Paletta continuaient de posséder le reste de ce terrain alors qu’il avait en fait été vendu.

[104] Par exemple, les documents relatifs à ses négociations avec les détaillants ou à d’autres tentatives de trouver des locataires, les éléments de preuve concernant l’arrivée de Walmart et les éléments de preuve concernant la modification des règles de gestion de l’eau.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.