Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2018-2463(IT)I

ENTRE :

RICK GREENSTREET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Appel entendu le 3 septembre 2019, à Belleville (Ontario)

Devant : L’honorable juge David E. Graham


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Montano Cabezas

 

JUGEMENT

L’appel de la nouvelle cotisation de l’appelant pour l’année d’imposition 2016 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’octobre 2019.

« David E. Graham »

Le juge Graham


Référence : 2019 CCI 237

Date : 20191022

Dossier : 2018-2463(IT)I

ENTRE :

RICK GREENSTREET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Graham

[1]  Le ministre du Revenu national a examiné les feuillets T3 et T5 délivrés à Richard Greenstreet pour l’année d’imposition 2016 et il a conclu que M. Greenstreet avait déclaré des revenus de placement inférieurs à la réalité d’environ 24 000 dollars. Le ministre a établi une nouvelle cotisation pour M. Greenstreet afin d’inclure ce montant d’argent à ses revenus. Il a également imposé des pénalités pour omission répétée en application du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. M. Greenstreet conteste l’ajout de ces revenus et l’imposition des pénalités.

I. Revenus non déclarés

[2]  Les montants d’argent que M. Greenstreet n’a prétendument pas déclarés peuvent être répartis en deux catégories : des revenus provenant de la compagnie d’assurance-vie Sun Life du Canada (Sun Life), d’une part, et des revenus provenant d’autres placements, d’autre part.

A. Sun Life

[3]  Sun Life a délivré un feuillet T5 dans lequel il est indiqué que M. Greenstreet a bénéficié d’autres revenus pour un total de 22 337,52 $ provenant de sources canadiennes en 2016. M. Greenstreet a reconnu avoir reçu 27 090 $ de la part de Sun Life en 2016. Toutefois, il prétend qu’aucune part des fonds n’était imposable. Je ne suis pas d’accord.

[4]  M. Greenstreet a affirmé avoir souscrit une police d’assurance auprès de Sun Life en 1965, lorsqu’il était encore adolescent. Il a expliqué avoir compris que cette police comprenait une composante d’assurance et une composante de placement. Il pensait que la composante de placement lui donnait droit à une part des bénéfices de la compagnie d’assurance. M. Greenstreet a affirmé que le vendeur d’assurances lui a dit que la police n’était pas imposable.

[5]  M. Greenstreet a affirmé avoir téléphoné à ce qui devait être à l’époque Revenu Canada et avoir obtenu une confirmation orale selon laquelle les polices d’assurance-vie n’étaient pas imposables.

[6]  Il incombe à M. Greenstreet de démontrer que les fonds qu’il a reçus de la part de Sun Life n’étaient pas imposables. Il n’est pas en mesure de le faire. M. Greenstreet connaît peu de choses sur les clauses de la police qu’il a souscrite auprès de Sun Life, outre ce dont il déclare avoir été assuré par le représentant commercial il y a plus de 50 ans. Il ne possède aucune copie de son contrat avec Sun Life ni aucun des relevés annuels qu’il a reçus de la part de Sun Life. Il n’est pas en mesure d’expliquer ni pourquoi les fonds reçus n’étaient pas imposables ni pourquoi Sun Life estime le contraire.

[7]  L’imposition des assurances est très compliquée et elle a fait l’objet de modifications importantes au cours des 50 dernières années. Même si je ne dispose d’aucun élément de preuve quant à la nature de la police d’assurance souscrite auprès de Sun Life, selon la description de M. Greenstreet, il pourrait s’agir d’une police à prime viagère. À l’époque où M. Greenstreet a souscrit cette police d’assurance, la composante de placement des polices à prime viagère n’était pas imposée. Si M. Greenstreet a bien acheté ce type de police d’assurance, les conseils du vendeur dont il se souvient auraient été exacts. Néanmoins, des règles nouvelles en matière d’imposition des polices à prime viagère sont entrées en vigueur en 1970 [1] . En termes simples, selon ces nouvelles règles, un titulaire rachetant sa police d’assurance est considéré comme ayant disposé de la police. On retrouve l’équivalent moderne de ces règles à l’alinéa 56(1)j) et au paragraphe 148(1) de la Loi. Ces règles obligent le titulaire d’une police d’assurance à déclarer dans ses revenus la différence entre le produit reçu et le prix de base rajusté de la police (c’est-à-dire le montant excédentaire des primes qu’il ou elle a payées par rapport au coût de l’assurance pure) [2] .

[8]  Comme je l’ai mentionné précédemment, M. Greenstreet a reçu 27 090 $ de la part de Sun Life, mais 22 337 $ figurent uniquement sur le feuillet T5. Compte tenu de la différence entre le montant d’argent reçu et le montant d’argent déclaré, Sun Life a estimé que M. Greenstreet n’était pas imposable pour l’intégralité du produit. Cet élément renforce l’idée selon laquelle la police d’assurance de Sun Life est une police à prime viagère et que Sun Life a apporté des rajustements afin de tenir compte du prix de base rajusté de la police de M. Greenstreet. C’est également conforme aux obligations de Sun Life de déclarer seulement la partie imposable d’un produit [3] .

[9]  J’ai mentionné dans les présents motifs du jugement l’hypothèse qui précède quant à la nature de la police d’assurance de Sun Life afin d’aider M. Greenstreet à mieux comprendre pourquoi une police d’assurance qu’il estimait non imposable est considérée par Sun Life comme imposable. Néanmoins, en définitive, il n’en reste pas moins que je ne dispose d’aucun élément de preuve quant aux clauses de la police d’assurance de Sun Life. La meilleure indication sur le caractère imposable ou non des fonds que M. Greenstreet a reçus provient du fait que Sun Life a considéré comme ceux de 22 337 $ comme imposables. Il est raisonnable de présumer que Sun Life maîtrise les attributs fiscaux de ses produits et qu’elle n’aurait pas délivré de feuillet T5 selon lequel que M. Greenstreet avait un revenu imposable si elle n’avait pas été de cet avis.

[10]  M. Greenstreet affirme à titre subsidiaire qu’il aurait dû être imposé sur le produit de Sun Life en 2015, lorsqu’il a, selon lui, obtenu le droit d’en bénéficier, et non en 2016, lorsqu’il l’a effectivement reçu. Il a affirmé que la police d’assurance est arrivée à échéance en 2015, mais qu’en raison d’une erreur administrative, Sun Life ne lui a pas payé le produit de cette police avant 2016. En conséquence, Sun Life lui a versé des intérêts supplémentaires [4] .

[11]  M. Greenstreet n’a fourni aucun élément de preuve documentaire pour appuyer de sa thèse. Il a affirmé s’être appuyé sur une lettre de Sun Life, qui était jointe au chèque du produit de sa police d’assurance, pour conclure que le produit aurait dû lui être payé en 2015. Il n’a pas conservé cette lettre. Au cours de l’audience, j’ai observé que M. Greenstreet a fréquemment tiré des conclusions erronées à partir de documents qu’il avait lus. Par conséquent, je ne suis pas disposé à me fier aux souvenirs de M. Greenstreet concernant la lettre qu’il a reçue en 2016. Je conclus qu’il a obtenu le droit de recevoir le produit de sa police d’assurance au cours de l’année où il l’a effectivement reçu.

[12]  Compte tenu de tout ce qui précède, j’estime que les 22 337 $ qui figurent sur le feuillet T5 délivré par Sun Life devraient être inclus dans les revenus de M. Greenstreet.

B.   Revenus provenant d’autres placements

[13]  Le ministre affirme qu’en 2016, M. Greenstreet n’a pas déclaré des revenus d’intérêt de 545 $, des revenus étrangers ne provenant pas d’une entreprise de 6 $, des gains en capital imposables de 9 $, des dividendes de 1 144 $ et d’autres revenus de 138 $. Les feuillets T3 et T5 confirmant ces revenus ont été déposés en preuve. M. Greenstreet affirme que la grande majorité de ces sommes n’aurait pas dû être prise en compte dans ses revenus [5] . Je ne suis pas d’accord.

[14]  M. Greenstreet présente quatre arguments distincts. Premièrement, il affirme ne pas avoir reçu les feuillets de renseignements fiscaux en question. Deuxièmement, il affirme que les feuillets de renseignements fiscaux ont été délivrés après l’échéance prévue par la loi. Troisièmement, il affirme que les montants d’argent déclarés sur plusieurs feuillets de renseignements fiscaux figuraient déjà sur d’autres feuillets de renseignements fiscaux. Quatrièmement, il affirme qu’un grand nombre de feuillets concerne des placements qu’il n’a pas réalisés. J’examinerai chacun de ces arguments séparément.

Réception des feuillets de renseignements fiscaux

[15]  M. Greenstreet nie avoir reçu les feuillets T3 et T5. La réception des feuillets de renseignements fiscaux par M. Greenstreet est pertinente pour décider si M. Greenstreet devrait ou non payer des pénalités, mais elle ne l’est pas pour déterminer si M. Greenstreet a touché ou non le revenu. Un contribuable doit payer de l’impôt sur ses revenus, qu’il ait reçu ou non un feuillet de renseignements fiscaux.

Moment de délivrance

[16]  M. Greenstreet estime que les feuillets T3 et T5 ont été délivrés après l’échéance prévue par la loi quant à la délivrance de feuillets. Il formule cette conclusion en tenant compte du fait que les feuillets en question n’avaient pas été téléchargés automatiquement dans sa déclaration d’impôt lorsqu’il a connecté son logiciel de dépôt électronique au système de l’Agence du Revenu du Canada. Bien que cet élément soit pertinent pour l’examen des pénalités, il ne l’est pas pour décider si M. Greenstreet a touché ou non les revenus. Un contribuable doit payer de l’impôt sur ses revenus, que les feuillets de renseignements fiscaux aient été délivrés à temps ou non.

Dédoublement des montants d’argent

[17]  M. Greenstreet a réalisé un grand nombre de ses placements par l’intermédiaire de la société RBC Dominion valeurs mobilières (RBC Dominion). Il a affirmé avoir donné à son courtier autorité sur son compte et que ce courtier a réalisé les placements pour lui.

[18]  M. Greenstreet estime qu’en conférant à son courtier le pouvoir d’investir en son nom, il a acheté un fonds commun de placement exploité par RBC Dominion. À ce titre, il estime que les placements en cause ont été réalisés par le fonds commun de placement. Par conséquent, M. Greenstreet estime que les feuillets de renseignements fiscaux découlant de placements réalisés en son nom auraient dû être délivrés à son fonds commun de placement et non à lui. En raison de cette conviction, M. Greenstreet conclut que le seul feuillet de renseignements fiscaux qu’il aurait dû recevoir à l’égard de ces placements est un feuillet T5 unique délivré par RBC Dominion et que les autres feuillets ont simplement pour effet de comptabiliser en double les montants déjà pris en compte dans ce feuillet T5. J’estime que M. Greenstreet se trompe à la fois dans ses convictions et dans ses conclusions.

[19]  M. Greenstreet n’a pas indiqué le nom du prétendu fonds commun de placement. Il n’a conservé aucune copie des relevés fournis par RBC Dominion, de sorte qu’il n’est pas en mesure de confirmer les investissements qu’il détenait en 2016. Il n’a fourni aucun élément de preuve documentaire confirmant l’acquisition d’unités dans le prétendu fonds commun de placement. Il ne m’a indiqué aucun des feuillets de renseignements fiscaux délivrés par le prétendu fonds commun de placement. Il n’a pas expliqué pourquoi les feuillets de renseignements fiscaux concernant ses placements prétendument réalisés par le fonds commun de placement lui auraient été délivrés plutôt que d’être délivrés au fonds, et il n’a pas expliqué non plus pourquoi RBC Dominion (contrairement au prétendu fonds commun de placement) lui aurait délivré un feuillet T5. Je conclus qu’un tel fonds commun de placement n’a pas existé et que les placements indiqués sur les feuillets T3 et T5 délivrés à M. Greenstreet ont été réalisés par ce dernier, par l’intermédiaire de son compte à RBC Dominion. Je conclus également que les revenus indiqués sur ces feuillets ne sont pas en double sur les feuillets T5 que RBC Dominion a délivrés à M. Greenstreet.

Placements non détenus par M. Greenstreet

[20]  Les cases 18 (T3) et 23 (T5) des feuillets de renseignements fiscaux qui ont été délivrés à M. Greenstreet comprennent soit un code de bénéficiaire ou type de destinataire soit un autre. Les cases sont « individuel » ou « compte joint ». Les feuillets de renseignements fiscaux sur lesquels est indiqué « compte joint » concernent le compte qui est également inscrit au nom de la fille de M. Greenstreet. M. Greenstreet affirme que son compte à RBC Dominion est un compte joint qu’il partage avec sa fille, mais qu’il en est le seul propriétaire bénéficiaire. Il affirme ne posséder aucun compte à RBC Dominion, mis à part ce compte joint et que, par conséquent, les feuillets de renseignements fiscaux sur lesquels est précisé « individuel » ne peuvent pas être les siens. Je ne peux retenir l’argument de M. Greenstreet.

[21]  En définitive, M. Greenstreet me demande d’admettre un trop grand nombre de coïncidences. Il me demande d’admettre qu’il a reçu des feuillets de renseignements fiscaux erronés à l’égard de quatre investissements en 2016, que les mêmes erreurs ont été répétées trois fois en 2015 et quatre fois en 2014, et qu’il n’a rien fait pour corriger le problème. En outre, il me demande d’admettre non seulement que ces feuillets de renseignements fiscaux ont été délivrés par erreur et séparément, mais aussi que les placements qui y figurent concernent en réalité un prétendu fonds commun de placement auquel il a souscrit par l’intermédiaire de son compte joint. Il veut que j’admette que les feuillets concernant des placements qu’il n’a jamais réalisés ou qui ont été réalisés par l’intermédiaire du prétendu fonds commun de placement ont tous été délivrés après l’échéance prévue par la loi à cet égard et qu’il n’en a reçu aucun. Il me demande essentiellement de présumer qu’il a été victime de la pire combinaison possible d’événements malchanceux, et ce, pas seulement une fois, mais à plusieurs reprises, concernant différents placements distincts et au cours de trois années distinctes. M. Greenstreet en demande tout simplement trop. Même si je ne sais pas pourquoi la mention « individuel » figure sur certains feuillets de renseignements fiscaux, je n’admets pas son explication. Je conclus qu’il est plus probable que ces feuillets concernent des placements réalisés par M. Greenstreet.

Conclusion

[22]  Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que les revenus en question devraient être inclus dans les revenus de M. Greenstreet.

II. Pénalités pour omission répétée

[23]  Le paragraphe 163(1) permet d’imposer des pénalités pour responsabilité stricte lorsqu’un contribuable omet à plusieurs reprises de déclarer des revenus. Le paragraphe a été sensiblement modifié en 2016 en ce qui concerne les omissions pour les années d’imposition après 2014. Les résultats sévères qui ont parfois découlé de l’application de la version précédente du paragraphe 163(1) se sont dissipés.

[24]  À mon avis, pour les années d’imposition après 2014, des pénalités pour omission répétée peuvent s’appliquer si les conditions qui suivent sont remplies :

  • a) l’intimée prouve qu’il y a eu une omission de déclarer un revenu d’au moins 500 $ pour l’année visée par les pénalités [6] ;

  • b) aucune pénalité pour faute lourde n’est imposée au contribuable en application du paragraphe 163(2) pour le revenu non déclaré;

  • c) l’intimée prouve qu’il y a eu une omission de déclarer des revenus d’au moins 500 $ pour l’une des trois années d’imposition antérieures [7] ;

  • d) le contribuable ne prouve pas qu’il a fait preuve de diligence raisonnable en produisant sa déclaration d’impôt pour l’année visée par les pénalités [8] ;

  • e) le contribuable ne prouve pas qu’il a fait preuve de diligence raisonnable en produisant sa déclaration d’impôt pour chacune des années pour lesquelles l’intimée prouve qu’il existait un revenu non déclaré [9] ;

[25]  Je reconnais que le cinquième critère n’est pas admis par tous les juges de la Cour canadienne de l’impôt [10] . Pour les motifs que j’ai indiqué dans ma décision dans Galachuik c. La Reine, je suis d’avis que le moyen de défense que constitue le cinquième critère est à la disposition du contribuable. À ma connaissance, Galachiuk est la seule affaire régie sous le régime de la procédure générale à traiter de cette question. Le ministre du Revenu national n’ayant pas interjeté appel de Galachiuk, j’en déduis qu’il admet l’application de ce critère. Je souligne que Galachiuk a été rendu avant les modifications apportées en 2016 au paragraphe 163(1). Si le législateur avait voulu clarifier l’application du moyen de défense de la diligence raisonnable au paragraphe 163(1), il aurait pu le faire à l’occasion de ces modifications. L’avocat de l’intimée n’a aucunement mis en doute la capacité de M. Greenstreet d’utiliser le moyen de défense de la diligence raisonnable à l’égard des omissions pour les années d’imposition 2014 et 2015.

[26]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que chacun de ces critères est satisfait et que, par conséquent, les pénalités ont été imposées à juste titre.

A.  Revenu non déclaré pour l’année visée

[27]  Comme je l’ai mentionné précédemment, je conclus que M. Greenstreet a omis de déclarer des revenus supérieurs à 500 $ pour l’année d’imposition 2016.

B.  Aucune pénalité pour faute lourde

[28]  Aucune pénalité pour faute lourde en application du paragraphe 163(2) n’a été imposée à M. Greenstreet pour ses revenus non déclarés en 2016.

C.  Revenus non déclarés pour une année antérieure

[29]  Ce n’est pas la première fois que M. Greenstreet omet de déclarer des revenus de placement. Le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de M. Greenstreet pour les années d’imposition 2014 et 2015, afin d’inclure un revenu de placement non déclaré pour ces années également. Le ministre a augmenté le revenu de M. Greenstreet de 1 858 $ en 2014 et de 1 629 $ en 2015. M. Greenstreet n’a pas contesté ces nouvelles cotisations, mais il affirme aujourd’hui que la majeure partie de ce revenu n’était pas non plus imposable. Encore une fois, il affirme ne pas avoir reçu les feuillets de renseignements fiscaux, que ces feuillets de renseignements fiscaux ont été délivrés après l’échéance prévue par la loi et qu’ils présentent des revenus comptabilisés deux fois qui ne correspondent pas à son revenu. Je conclus que ces arguments ne sont pas fondés, pour les mêmes motifs que ceux évoqués pour l’année 2016. Par conséquent, je conclus que M. Greenstreet a omis de déclarer un revenu de plus de 500 $ en 2014 et en 2015.

D.  Diligence raisonnable pour une année antérieure

[30]  J’estime que M. Greenstreet n’a pas fait preuve de diligence raisonnable pour produire ses déclarations d’impôt de 2014 et de 2015.

[31]  Un contribuable peut satisfaire au critère de diligence raisonnable du paragraphe 163(1) de deux manières [11] . Premièrement, le contribuable peut démontrer qu’il a pris des précautions raisonnables pour éviter l’événement à l’origine de l’imposition des pénalités. Deuxièmement, le contribuable peut démontrer qu’il s’est mépris quant à une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait éliminé le caractère fautif de son erreur. Toutefois, avec cette deuxième solution, le contribuable doit également démontrer qu’il s’agit d’une méprise qu’une personne raisonnable aurait commise dans les mêmes circonstances. Je conclus que M. Greenstreet ne satisfait à aucun de ces deux critères pour les années d’imposition 2014 et 2015.

[32]  Je ne crois pas que M. Greenstreet n’a pas reçu les feuillets de renseignements fiscaux pour le revenu de placement qu’il n’a pas déclaré en 2014 et en 2015. Il n’a pas été en mesure d’expliquer de manière plausible pourquoi aucun des très nombreux feuillets liés à divers investissements n’aurait été délivré d’année en année. Même en admettant que M. Greenstreet n’a pas reçu les feuillets de renseignements fiscaux pour l’année 2014, il était déjà au courant de ce fait lorsqu’il a rempli sa déclaration d’impôt de 2015. Il avait déjà reçu une nouvelle cotisation à l’égard de ces feuillets et, par conséquent, il savait déjà que la réception des feuillets posait problème. Dans cette situation, un contribuable diligent aurait assuré le suivi de ses placements, vérifié les feuillets de renseignements fiscaux qu’il aurait dû recevoir et pris des précautions pour veiller à les avoir tous en sa possession avant de produire sa déclaration d’impôt. M. Greenstreet n’a pris aucune de ces mesures.

[33]  Aucun élément de preuve documentaire ne confirme l’argument de M. Greenstreet selon lequel tous les feuillets de renseignements fiscaux qu’il a omis de déclarer ont été délivrés en retard. Il me semble très improbable que tous les feuillets de renseignements fiscaux que M. Greenstreet affirme ne pas avoir reçus aient, de surcroît, été délivrés en retard.

[34]  Dans la mesure où les méprises de M. Greenstreet, quant à son investissement dans un fonds commun de placement et quant au fait que le revenu a été comptabilisé deux fois sur les feuillets de renseignements fiscaux délivrés pour les placements réalisés par RBC Dominion, pourraient être considérées comme des erreurs de fait, je conclus qu’il ne s’agit pas d’erreurs qu’une personne raisonnable aurait commises. Une personne raisonnable aurait posé des questions dès la réception de feuillets de renseignements fiscaux qui, selon elle, comprenaient des revenus déjà déclarés dans d’autres feuillets. Elle aurait douté que tant de sociétés distinctes puissent commettre la même erreur au même moment. Une personne raisonnable aurait demandé des conseils en matière d’imposition. Le ministre a établi une nouvelle cotisation pour la déclaration d’impôt de 2014 de M. Greenstreet, afin de tenir compte du revenu de placement non déclaré avant que M. Greenstreet produise sa déclaration d’impôt de 2015. Face à une telle nouvelle cotisation, une personne raisonnable n’aurait pas continué de faire fi des feuillets de renseignements fiscaux qui, selon elle, comprenaient des revenus comptabilisés deux fois.

E.  Diligence raisonnable pour l’année visée

[35]  Je conclus que M. Greenstreet n’a pas non plus fait preuve de diligence raisonnable pour l’année 2016.

[36]  Je n’admets pas l’explication de M. Greenstreet selon laquelle il n’a pas reçu les 13 feuillets de renseignements fiscaux en cause. Même si je l’admettais, M. Greenstreet avait déjà reçu une nouvelle cotisation et payé des pénalités à l’égard des feuillets de renseignements fiscaux manquants de 2014 et de 2015 lorsqu’il a produit sa déclaration d’impôt de 2016. Un contribuable faisant preuve de diligence raisonnable aurait certainement pris des précautions supplémentaires dans cette situation.

[37]  Je n’admets pas non plus l’explication de M. Greenstreet selon laquelle les 13 feuillets de renseignements fiscaux qu’il affirme ne jamais avoir reçus ont tous été délivrés en retard.

[38]  Pour les motifs déjà énoncés précédemment, je n’admets pas qu’une personne raisonnable puisse continuer de croire qu’elle n’est pas obligée de déclarer le revenu qui, selon elle, est comptabilisé deux fois sur des feuillets de renseignements fiscaux distincts, alors que le ministre lui a déjà affirmé le contraire deux fois.

[39]  Enfin, concernant tout particulièrement le produit de Sun Life, je n’admets pas l’affirmation de M. Greenstreet selon laquelle il n’a pas reçu le feuillet T5 envoyé par Sun Life. Il n’a pas expliqué pourquoi il a reçu un chèque de paiement et les relevés annuels de la part de Sun Life, mais pas le feuillet T5. La méprise de M. Greenstreet quant au caractère non imposable de la composante de placement de sa police d’assurance-vie constitue une erreur de droit, et non une erreur de fait, qui ne peut, par conséquent, servir de fondement à un moyen de défense de la diligence raisonnable. Même s’il s’agissait d’une erreur de fait, face à un feuillet T5 où il est indiqué qu’il est nécessaire de déclarer 22 337 $ de revenus, une personne raisonnable ne se serait pas appuyée sur un conseil en matière d’imposition reçu en 1965 pour décider de déclarer ou non ces revenus en 2016.

III. Conclusion

[40]  Compte tenu de tout ce qui précède, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’octobre 2019.

« David E. Graham »

Le juge Graham

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de novembre 2019

Lionbridge


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 237

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-2463(IT)I

INTITULÉ :

RICK GREENSTREET c.
SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Belleville (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 septembre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Graham

DATE DU JUGEMENT :

Le 22 octobre 2019

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Montano Cabezas

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

s.o.

Cabinet :

s.o.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]   Alinéa 6(1)oa) et article 79D de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1952, ch. 148 (dans sa version modifiée)

[2]   M. Greenstreet a fait valoir que la police d’assurance de Sun Life n’est pas visée par le paragraphe 148(1), car il s’agit d’un régime de participation différée aux bénéfices qui est, par conséquent, exclu aux termes de l’alinéa 148(1)d). Il n’a fourni aucun élément de preuve qui étayerait une telle conclusion. J’estime que la police d’assurance de Sun Life n’est pas un régime de participation différée aux bénéfices. Une chose est sûre, rien dans les éléments de preuve ne permet de conclure que M. Greenstreet est un employé de Sun Life.

[3]   Paragraphe 217(2) du Règlement de l’impôt sur le revenu.

[4]   Je souligne que M. Greenstreet n’a pas déclaré ces prétendus intérêts dans sa déclaration de 2016.

[5]   Il admet qu’un revenu d’intérêt de 2,07 $ et des dividendes imposables de 479,76 $ auraient dû être pris en compte dans ses revenus.

[6]   Paragraphe 163(3).

[7]   Paragraphe 163(3).

[8]   Arrêt Symonds c. La Reine, 2011 CCI 274.

[9]   Arrêt Galachiuk c. La Reine, 2014 CCI 188. Voir également l’arrêt Franck c. La Reine, 2011 CCI 179; Symonds c. La Reine, précité; l’arrêt Chan c. La Reine, 2012 CCI 168 et l’arrêt Norlock c. La Reine, 2012 CCI 121.

[10]   Voir les arrêts Chendrean c. La Reine, 2012 CCI 205; Chiasson c. La Reine, 2014 CCI 158; et Dhanoa c. La Reine, 2015 CCI 164.

[11]   Les Résidences Majeau Inc. c. La Reine, 2010 CAF 28.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.