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Dossier : 2018-3622(EI)

ENTRE :

DÉNEIGE-TOIT SERVICE-PLUS INC.,

appelante,

et

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée.

 

Appel entendu le 11 octobre 2019, à Québec (Québec)

Devant : L’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Sébastien Gobeil

Avocat de l’intimée :

Me Emmanuel Jilwan

 

JUGEMENT

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi  (la « Loi ») est rejeté et la décision que la ministre du Revenu national a rendue le 10 août 2018, selon laquelle M. Larochelle occupait auprès de l’appelante un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi pour la période du 13 février 2018 au 10 mars 2018, est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joint.

Signé à Montréal, Québec, le 20e jour de novembre 2019. 

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


Référence : 2019 CCI 257

Date : 20191120

Dossier : 2018-3622(EI)

ENTRE :

DÉNEIGE-TOIT SERVICE-PLUS INC.,

appelante,

et

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

I. CONTEXTE

[1]  Déneige-Toit Service-Plus Inc. (l’« appelante ») interjette appel de la décision de la ministre du Revenu national (la « ministre ») datée du 10 août 2018 selon laquelle M. François Larochelle était un employé de l’appelante et occupait donc auprès de cette dernière, pour la période du 13 février 2018 au 10 mars 2018 (la « période en litige ») un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la « Loi »). La décision de la ministre selon laquelle M. Larochelle n’occupait pas un emploi assurable auprès de l’appelante pour la période du 5 mars 2017 au 12 février 2018 n’est pas contestée.

[2]   Depuis plusieurs années, ainsi qu’au cours de la période en litige, l’appelante détenait le contrat de déneigement de l’immense toiture du centre commercial Place Ste-Foy situé à Québec. Lorsqu’il était nécessaire de procéder au déneigement de la toiture, l’appelante retenait les services de travailleurs, dont M. Larochelle, pour effectuer le travail.

[3]  À l’audience, M. Martin Fortier, propriétaire et président de l’appelante, a témoigné afin d’expliquer la manière dont les activités de l’entreprise de l’appelante étaient menées. L’appelante a également fait témoigner M. Maxime Racine, assistant-comptable, qui a rendu des services à l’appelante au cours de l’hiver 2019. M. Larochelle a témoigné pour l’intimée.

II. LA QUESTION EN LITIGE

[4]  La question en litige est de savoir si M. Larochelle occupait auprès de l’appelante un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi au cours de la période en litige. Pour répondre à cette question, il faut déterminer si les exigences du contrat de louage de services (ou du contrat de travail, selon le Code civil du Québec (« C.c.Q. »)), par opposition au contrat d’entreprise (ou contrat de service), ont été remplies.

III. LES FAITS

Le témoignage de M. Fortier

[5]  La saison de déneigement de l’appelante pouvait durer de trois à huit semaines, dépendamment des conditions climatiques.

[6]  Lorsque les ingénieurs chargés de la surveillance de la toiture de Place Ste-Foy avisaient l’appelante qu’il était nécessaire de procéder au déneigement de cette toiture, l’appelante retenait les services de travailleurs pour effectuer le déneigement. Une annonce était faite par la voie des réseaux sociaux (sur la page Facebook de l’appelante, en l’occurrence) indiquant que le chantier de déneigement serait ouvert à telle date et de telle heure à telle heure; les personnes intéressées à déneiger la toiture n’avaient qu’à se présenter au centre commercial et suivre les indications données par les gardes de sécurité pour se rendre sur la toiture du centre commercial. Sur la toiture, un local avait été mis à la disposition de l’appelante pour accueillir les travailleurs.

[7]  Selon M. Fortier, un représentant de l’appelante (une personne dénommée Philippe Arcand), qui était employé par cette dernière, était présent dans le local situé sur la toiture pour recevoir les travailleurs. M. Fortier n’était pas présent dans le local ni nulle part ailleurs sur la toiture.

[8]  Il pouvait y avoir de 150 à 200 travailleurs qui se présentaient sur la toiture en une journée.  Environ 75 % des travailleurs étaient des étudiants et des personnes démunies (ou sans domicile fixe).

[9]  M. Fortier a témoigné qu’avant de commencer le travail, tous les travailleurs devaient signer un contrat type et que les clauses du contrat ne pouvaient être modifiées. Ce contrat prévoyait, entre autres, que le travailleur était travailleur autonome, qu’il n’y avait aucun lien de subordination entre lui et l’appelante, qu’il devait confirmer sa disponibilité à l’appelante au plus tard 24 heures après une demande de service de la part de celle-ci, qu’il devait fournir son habillement complet et tout équipement qu’il jugeait nécessaire pour exécuter la demande de service et qu’il se chargeait de toute dépense nécessaire à l’exécution des travaux. Également, le contrat prévoyait que l’appelante paierait le taux horaire convenu, y inclus les taxes applicables, le cas échéant, et qu’elle ne garantissait aucun minimum d’heures pour une demande de service. 

[10]  Les travailleurs ne pouvaient négocier le prix payé par l’appelante pour les services, qui avait été fixé par cette dernière à un montant de 17 $ l’heure au cours de la période en litige. L’appelante n’offrait aucun avantage social ni aucune assurance de quelque nature que ce soit aux travailleurs.

[11]  Après avoir signé les contrats, les travailleurs fournissaient leur numéro d’assurance sociale afin que l’appelante puisse procéder à une vérification. Un travailleur pouvait être accompagné d’une autre personne; dans ce cas, l’appelante ne notait qu’un seul numéro d’assurance sociale et tous les paiements étaient faits au nom de la personne ayant fourni son numéro d’assurance sociale.  Certains travailleurs remettaient des factures à l’appelante. À la fin de la saison de déneigement, l’appelante délivrait des feuillets T4A aux divers travailleurs.

[12]  Une carte de temps était remplie pour chaque personne qui se présentait sur la toiture pour effectuer le déneigement. Les heures d’arrivée et de sortie du travailleur étaient notées sur ces cartes. Les cartes de temps étaient nécessaires pour déterminer les heures travaillées, ainsi que pour des raisons de sécurité puisqu’elles permettaient de faire le compte des personnes présentes sur la toiture à un moment donné.

[13]  Selon M. Fortier, certains travailleurs ne venaient travailler qu’une heure, alors que d’autres travaillaient beaucoup plus longtemps. L’appelante n’exigeait pas un nombre d’heures minimal ou maximal. Toutefois, dans le cas où une personne envoyait un travailleur à l’appelante et que ce dernier déneigeait pendant au moins 4 heures, cette personne recevait une prime de 25 $ pour avoir envoyé le travailleur. Les sommes dues aux travailleurs n’étaient pas versées à intervalles réguliers : parfois, l’appelante payait le lendemain de la prestation de services, parfois, après quelques jours.

[14]  Le seul instrument de travail fourni par l’appelante aux travailleurs était une pelle. Le type de pelle utilisée pour déneiger la toiture faisait l’objet d’une exigence particulière des assureurs de Place Ste-Foy. Quelque 450 pelles étaient entreposées sur le toit.

[15]  Selon M. Fortier, M. Arcand demeurait dans le local sur le toit afin de prendre les présences, et il ne sortait pas vérifier la prestation de travail effectuée par les travailleurs. M. Fortier a convenu que le représentant pouvait se promener sur la toiture pour voir ce qui se passait. Toutefois, selon M. Fortier, M. Arcand n’était pas un contremaître. Aucun représentant de l’appelante n’expliquait aux travailleurs comment faire leur travail, le déneigement n’étant pas une tâche compliquée : les travailleurs devaient se suivre l’un derrière l’autre. Également, selon M. Fortier, l’appelante n’a jamais donné d’avertissement à l’un ou l’autre des travailleurs.

Le témoignage de M. Larochelle

[16]  M. Larochelle a remarqué l’annonce de l’appelante sur Facebook et a décidé de se présenter au centre commercial. Selon M. Larochelle, la secrétaire de l’appelante de même que M. Arcand se trouvaient dans le local sur le toit du centre commercial.

[17]  M. Larochelle a témoigné avoir, au cours de l’hiver 2018, beaucoup travaillé pour l’appelante et avoir travaillé également dans l’industrie de la construction. Il appelait ou écrivait à M. Arcand pour savoir si l’appelante avait besoin de ses services. M. Larochelle faisait les heures qui lui convenaient, mais a indiqué qu’il ne pouvait toutefois pas arriver sur le chantier de déneigement à n’importe quelle heure puisqu’il fallait une autorisation préalable de M. Arcand. Ce dernier l’avait avisé qu’il devait rester au moins 4 heures et qu’il ne pouvait faire plus de 8 heures de travail quotidien, sauf sur autorisation de l’appelante. Il a travaillé de jour comme de soir.

[18]  Selon M. Larochelle, tous les travailleurs prenaient la pause dîner au même moment, bien qu’elle ne fût pas rémunérée. Toutefois, les autres pauses étaient payées. Selon M. Larochelle, M. Arcand ou un autre représentant de l’appelante surveillait le chantier afin d’indiquer, entre autres, l’endroit où mettre la neige et où et comment épandre le sel à déglacer, et afin de surveiller le comportement des travailleurs. Les travailleurs devaient suivre certaines règles, comme ne pas prendre de la drogue, ne pas laisser traîner des choses et ne pas faire de bêtises. M. Larochelle a témoigné qu’à une occasion le représentant de l’appelante a expulsé un travailleur qui ne respectait pas les règles, après l’avoir averti trois fois.

[19]  M. Larochelle a signé au cours de la période en litige quatre contrats semblables au contrat type décrit ci-dessus. Il a signé les quatre contrats lorsqu’il est allé chercher ses chèques en paiement des sommes qui lui étaient dues. Selon M. Larochelle, seule la carte de temps était remplie à chaque jour de travail, et ce, afin de noter les entrées et les sorties des travailleurs qui faisaient le déneigement sur le toit.

[20]  M. Larochelle n’a pas remis de facture à l’appelante et n’était pas inscrit aux fichiers des taxes de vente au cours de la période en litige.

[21]  Selon M. Larochelle, à quelques reprises M. Arcand a offert, à lui ainsi qu’à certains autres travailleurs, de les ramener à la maison, soit dans son propre camion ou dans celui de l’appelante, lorsqu’ils finissaient très tard dans la nuit.

[22]  Dans le cadre de ses autres emplois, M. Larochelle a toujours été considéré comme un employé.

Le témoignage de M. Racine

[23]  M. Racine se considérait comme un travailleur autonome pour la prestation de ses services à l’appelante au cours de l’hiver 2019, tout comme tous les travailleurs qu’il a rencontrés dans le cadre de ce travail. Il a signé un contrat semblable au contrat type et a fourni son numéro d’assurance sociale à l’appelante. Il a témoigné avoir rempli les cartes de temps. Selon M. Racine, il pouvait prendre sa pause dîner à l’heure qui lui convenait, il s’habillait comme il voulait, et seule la pelle lui était fournie par l’appelante. M. Racine a également témoigné que M. Arcand se présentait sur le toit pour compter le nombre de travailleurs présents.

IV. LA THÈSE DES PARTIES

Selon l’appelante

[24]  Au cours de la période en litige, M. Larochelle n’était pas un employé de l’appelante lié à celle-ci par un contrat de travail, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les parties avaient signé un contrat établissant une relation dans laquelle le travailleur était un « travailleur autonome ». L’intention mutuelle des parties à la relation était d’établir une telle relation. Également, aucun représentant de l’appelante n’exerçait sur M. Larochelle un contrôle répondant au critère du lien de subordination, lien qui est essentiel à l’existence d’un contrat de travail en vertu du droit québécois applicable. En effet, l’appelante n’avait établi aucune règle quant aux heures d’arrivée et de départ sur le chantier de déneigement, quant à l’habillement requis et quand à la manière de faire le travail. Les cartes de temps n’étaient remplies que pour permettre la compilation des heures travaillées et pour respecter les normes de sécurité conformément aux exigences de Place Ste-Foy.

Selon l’intimée

[25]  Au cours de la période en litige, M. Larochelle était un employé de l’appelante lié à celle-ci par un contrat de travail.  M. Larochelle n’a pu négocier l’entente ni négocier le prix payé par l’appelante pour les services rendus. Le contrat entre les parties est plutôt de la nature d’un contrat d’adhésion. M. Larochelle n’agissait pas à titre de personne qui était dans les affaires lorsqu’il offrait ses services à l’appelante et il n’avait aucune possibilité de faire un profit ou de subir des pertes dans le cadre des activités de déneigement de la toiture.

[26]  De plus, le lien de subordination essentiel à l’existence d’un contrat de travail a été clairement démontré. En effet, M. Larochelle avait l’impression qu’il devait faire un minimum de 4 heures de travail et un maximum de 8 heures de travail, sauf autorisation de l’appelante. Également, des règles avaient été édictées par l’appelante à l’égard de l’organisation du travail. Un représentant de l’appelante était présent sur la toiture lors des opérations de déneigement pour s’assurer que les règles étaient respectées. Des directives étaient données par l’appelante pour l’épandage du sel à déglacer. La pelle était fournie par l’appelante. Des avertissements avaient été donnés par l’appelante lorsqu’il y avait eu inconduite de certains travailleurs.

V. La Loi et la jurisprudence

[27]  L’article 5 de la Loi prévoit expressément ce qu’est un emploi assurable en incluant dans la  définition de cette expression un emploi exercé aux termes  d’un


contrat de louage de services ou d’apprentissage :

5(1) Sens de emploi assurable — Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[…]

5(1) Types of insurable employment — Subject to subsection (2), insurable employment is

(a) employment in Canada by one or more employers, under any express or implied contract of service or apprenticeship, written or oral, whether the earnings of the employed person are received from the employer or some other person and whether the earnings are calculated by time or by the piece, or partly by time and partly by the piece, or otherwise;

. . . 

[Non souligné dans l’original.]

[28]  Rien dans la Loi ne définit ce que constitue un « contrat de louage de services ».

[29]  Puisque les faits dans la présente affaire se sont déroulés au Québec, nous devons faire l’analyse de la relation entre M. Larochelle et l’appelante au regard du droit privé applicable au Québec.

[30]  Ainsi, il faut appliquer les critères énoncés au C.c.Q. pour déterminer si l’on est en présence d’un contrat de louage de services (ou contrat de travail) ou d’un contrat d’entreprise ou de service. La juge Desjardins s’exprime ainsi dans l’arrêt NCJ Educational Services Limited c. M.R.N., 2009 CAF 131 :

[49]  Comme l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi ne contient aucune définition du contrat de louage de services, on doit se référer au principe de complémentarité consacré à l’article 8.1 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-2, qui indique qu’il faut appliquer les critères prévus par le Code civil du Québec pour décider si un ensemble de faits déterminé crée un contrat de travail. […]

[31]  Les dispositions pertinentes du C.c.Q. sont les articles 2085 et 2086 pour ce qui est du contrat  de  travail  et les articles 2098, 2099 et 2101 pour ce qui est


du contrat d’entreprise ou de service :

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

2086. Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée.

[…]

2098. Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

2099. L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

[…]

2101. À moins que le contrat n’ait été conclu en considération de ses qualités personnelles ou que cela ne soit incompatible avec la nature même du contrat, l’entrepreneur ou le prestataire de services peut s’adjoindre un tiers pour l’exécuter; il conserve néanmoins la direction et la responsabilité de l’exécution.

2085. A contract of employment is a contract by which a person, the employee, undertakes, for a limited time and for remuneration, to do work under the direction or control of another person, the employer.

2086. A contract of employment is for a fixed term or an indeterminate term.

. . . 

2098. A contract of enterprise or for services is a contract by which a person, the contractor or the provider of services, as the case may be, undertakes to another person, the client, to carry out physical or intellectual work or to supply a service, for a price which the client binds himself to pay to him.

2099. The contractor or the provider of services is free to choose the means of performing the contract and, with respect to such performance, no relationship of subordination exists between the contractor or the provider of services and the client.

. . . 

2101. Unless a contract has been entered into in view of his personal qualities or unless the very nature of the contract prevents it, the contractor or the provider of services may obtain the assistance of a third person to perform the contract, but its performance remains under his supervision and responsibility.

[Non souligné dans l’original.]

[32]  Ainsi, pour qu’il y ait contrat de louage de services au sens de la Loi (ou contrat de travail au sens du C.c.Q.), les trois éléments suivants doivent être réunis (9041-6868 Québec Inc. c. M.R.N., 2005 CAF 334, paragraphe 11), soit :

  1. Une prestation de travail;

  2. Une rémunération;

  3. Un lien de subordination.

[33]  Le lien de subordination (ou le critère de direction ou contrôle) est l’élément déterminant qui distingue un contrat de travail d’un contrat de service en droit québécois. Tel que le précise le juge Archambault, un tribunal n’a pas d’autre choix « que de conclure à l’existence ou à l’absence d’un lien de subordination pour pouvoir conclure qu’un contrat constitue un contrat de travail ou bien un contrat de service » (Beaucaire c. M.R.N., 2009 CCI 142, paragraphe 24).

[34]  Dans l’analyse qui doit être faite, il faut également considérer les articles 1425 et 1426 du C.c.Q., qui prévoient que l’intention commune des parties doit être recherchée :

1425. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

1426. On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

1425. The common intention of the parties rather than adherence to the literal meaning of the words shall be sought in interpreting a contract.

1426. In interpreting a contract, the nature of the contract, the circumstances in which it was formed, the interpretation which has already been given to it by the parties or which it may have received, and usage, are all taken into account.

[35]  Dans l’arrêt Grimard c. Canada, 2009 CAF 47, [2009] 4 R.C.F. 592 [Grimard ], la Cour d’appel fédérale a précisé qu’il n’est pas erroné de s’inspirer des critères établis par la common law dans l’analyse de la nature juridique de la relation de travail, et ce, afin de déterminer l’existence d’un lien de subordination,  indépendamment du fait que l’on doive statuer sous le régime du droit civil québécois :

[43]  En somme, il n’y a pas, à mon avis, d’antinomie entre les principes du droit civil québécois et les soi-disant critères de common law utilisés pour qualifier la nature juridique de la relation de travail entre deux parties. Dans la recherche d’un lien de subordination juridique, c’est-à-dire de ce contrôle du travail, exigé par le droit civil du Québec pour l’existence d’un contrat de travail, aucune erreur ne résulte du fait que le tribunal prenne en compte, comme indices d’encadrement, les autres critères mis de l’avant par la common law, soit la propriété des outils, l’expectative de profits et les risques de pertes, ainsi que l’intégration dans l’entreprise.

[Non souligné dans l’original.]

[36]  Toutefois, je suis d’avis que les propos tenus par le juge Décary dans l’arrêt 9041-6868 Québec Inc. c. M.R.N., précité (paragraphe 12), sont toujours d’actualité en ce sens que les facteurs autres que la direction ou le contrôle, qui, en droit québécois, est l’élément déterminant, ne seront que des indices à considérer pour faire la détermination quant à l’existence d’un contrat de travail.

[37]  Également, tel que l’a précisé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Grimard (paragraphe 67), le juge qui doit répondre à la question du statut d’un travailleur doit « […] rechercher et déterminer la nature juridique de la relation globale que les parties entretenaient entre elles dans un monde du travail en pleine évolution […] ».

[38]  La Cour suprême du Canada a récemment indiqué, dans l’arrêt Modern Concept d’entretien inc. c. Comité paritaire de l’entretien d’édifices publics de la région de Québec, 2019 CSC 28 (paragraphes 36, 37, 44 et 57), que pour qu’une personne ait la qualité d’entrepreneur indépendant, elle doit avoir assumé les risques d’entreprise, c’est-à-dire qu’elle doit être capable d’organiser son entreprise en vue de réaliser un profit. Une analyse factuelle et contextuelle de chaque cas doit être faite; il faut aller au-delà du contrat liant les parties pour déterminer la nature véritable de la relation entre elles.

[39]  Dans l’arrêt 1392644 Ontario Inc., s/n Connor Homes c. M.R.N., 2013 CAF 85 [Connor Homes] aux paragraphes 39 et 40, le juge Mainville décrit une méthode en deux étapes à utiliser pour répondre à la question centrale qui se pose quand on doit déterminer le statut d’une personne à titre d’employé ou d’entrepreneur indépendant. Cette question est celle de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte (671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983, paragraphe 47). Cette méthode en deux étapes peut également s’appliquer au Québec.

[40]  Il faut dans un premier temps déterminer l’intention subjective de chacune des parties à la relation; par la suite, il faut déterminer si la réalité objective confirme cette intention subjective, le cas échéant. C’est à la deuxième étape que l’on détermine s’il existe un lien de subordination entre les parties.

VI. ANALYSE

[41]  En l’espèce, les parties ne contestent pas le fait que M. Larochelle a fourni une prestation de travail et a reçu une rémunération. Ces deux premiers éléments constitutifs d’un contrat de travail ne sont donc pas en litige. C’est plutôt le troisième et dernier des éléments constitutifs d’un contrat de travail, soit l’existence d’un lien de subordination (critère de la direction et du contrôle), qui est en litige.

[42]  Employant la méthode en deux étapes décrite dans l’arrêt Connor Homes, je dois déterminer si un tel lien de subordination existait entre M. Larochelle et l’appelante dans le cadre de leur relation au cours de la période en litige.

[43]  Pour les motifs énoncés ci-dessous, je conclus qu’il existait un tel lien de subordination entre M. Larochelle et l’appelante au cours de la période en litige. Ainsi, M. Larochelle était lié à l’appelante par un contrat de travail et il occupait donc auprès de l’appelante un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi pendant la période en litige. Je conclus que M. Larochelle n’était pas un entrepreneur indépendant dans le contexte de sa relation avec l’appelante au cours de la période en litige.

[44]  Dans ces motifs, j’emploierai l’expression « travailleur autonome » ou  « entrepreneur indépendant » pour désigner la même réalité.

Première étape : intention subjective des parties

[45]  Dans l’interprétation du contrat liant M. Larochelle et l’appelante, il faut rechercher la commune intention des parties, le cas échéant, et, pour ce faire, il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu ainsi que des usages. En droit québécois, cette première étape est essentielle compte tenu des articles 1425 et 1426 C.c.Q. De plus, à cette première étape, il faut examiner le comportement effectif des parties. Ainsi, je dois vérifier si M. Larochelle a remis des factures, s’il était inscrit aux fins des taxes de vente et s’il a produit sa déclaration de revenus en tant qu’entrepreneur indépendant.

[46]  La jurisprudence a toutefois indiqué à maintes reprises que la caractérisation de la relation entre les parties n’est pas nécessairement déterminante quant à la nature du contrat les liant (D&J Driveway Inc. c. M.R.N., 2003 CAF 453, paragraphe 2, Grimard, paragraphe 33). Ainsi, par exemple, si le comportement des parties n’est pas conforme au contrat se voulant créateur d’une relation d’entrepreneur indépendant, ou encore, si la preuve démontre l’existence d’un lien de subordination entre les parties, la relation serait plutôt une relation d’employeur-employé.

[47]  En l’espèce, selon la prépondérance de la preuve, cette première étape ne permet pas d’établir une intention commune des parties quant à la qualification de leur relation. Ce sera donc la conclusion à la deuxième étape qui sera déterminante.

[48]  Tout d’abord, M. Larochelle semblait plutôt indifférent quant à la qualification du type de relation avec l’appelante. Ce qui ressort de la preuve, c’est qu’il était content de travailler et de recevoir sa rémunération. M. Larochelle a témoigné qu’il savait que l’appelante le considérait comme un travailleur autonome, et que, pour cette raison, il n’avait pas demandé de relevé d’emploi à la fin de la saison de déneigement.

[49]  En ce qui concerne l’appelante, la preuve a démontré que son intention était que tous les travailleurs déneigeant la toiture de Place Ste-Foy, y compris M. Larochelle, soient considérés comme des travailleurs autonomes et non pas comme des employés de l’appelante.

[50]  En plus du témoignage de M. Fortier, l’appelante a produit les quatre contrats intervenus avec M. Larochelle pour étayer sa position. Tel qu’il est indiqué ci-dessus, ces contrats prévoyaient que les travailleurs étaient des travailleurs autonomes qui fournissaient leurs services à l’appelante, qu’ils prenaient en charge toutes les dépenses nécessaires à la prestation des services, et qu’ils devaient fournir tout habillement et tout équipement qu’ils jugeaient nécessaires. Ces contrats prévoyaient également que l’appelante ne garantissait aucun nombre minimum d’heures et qu’elle s’engageait à payer, sur présentation d’un relevé d’heures, le taux horaire convenu (y compris les taxes applicables, le cas échéant). La dernière clause prévoyait que les travailleurs n’avaient aucun lien de subordination avec l’appelante. De même, les cartes de temps indiquant les heures d’arrivée et de sortie de M. Larochelle, les chèques émis par l’appelante à l’ordre de M. Larochelle et les autres preuves de paiement des sommes versées à M. Larochelle ont été produits en preuve.

[51]  Selon la prépondérance de la preuve, les contrats intervenus entre l’appelante et M. Larochelle ont été signés après que les services eurent été rendus par celui-ci, soit lorsque M. Larochelle prenait, au cours de la semaine suivant la fin des travaux, les chèques émis par l’appelante en paiement des services rendus. Ces contrats n’étaient pas signés à l’arrivée de M. Larochelle sur la toiture. Ceux-ci ne peuvent donc pas démontrer l’existence d’une intention commune des deux parties à la relation au moment où M. Larochelle convenait avec l’appelante d’exécuter les travaux de déneigement.

[52]  M. Fortier a témoigné que le contrat type - soit le même que les quatre contrats signés par M. Larochelle - était signé par tous les travailleurs avant qu’ils ne commencent à déneiger la toiture le premier jour de l’ouverture du chantier de déneigement. M. Larochelle, par contre, a témoigné avoir signé les quatre contrats au cours de la semaine suivant la fin des travaux lorsqu’il est allé chercher les chèques en paiement des sommes qui lui étaient dues et non pas le premier jour de l’ouverture du chantier de déneigement. Selon M. Larochelle, on remplissait simplement la carte de temps à chaque jour de travail pour que soient notées les entrées et les sorties des travailleurs sur le toit.

[53]  Fait concordant avec le témoignage de M. Larochelle, les quatre contrats signés par celui-ci ne sont pas datés de la première journée de travail apparaissant sur les cartes de temps correspondantes. Les contrats sont plutôt datés de quelques jours suivant la dernière journée de travail apparaissant sur ces cartes de temps. Cet élément apporte de la crédibilité au témoignage de M. Larochelle quant au moment où les contrats étaient signés par les travailleurs et, du même coup, jette un doute sur la crédibilité du témoignage de M. Fortier à cet égard.

[54]  De plus, les quatre contrats entre M. Larochelle et l’appelante ne peuvent en aucune façon établir la commune intention des parties puisque la preuve a démontré que M. Larochelle n’a pu en négocier les conditions. Ces contrats peuvent être qualifiés de contrats d’adhésion. En effet, M. Fortier a admis que les conditions du contrat type n’étaient pas négociables. M. Fortier a également témoigné que le taux horaire de 17 $ avait été fixé par l’appelante et n’était pas négociable avec l’un ou l’autre des travailleurs.

[55]  Finalement, le comportement effectif des parties ne vient pas modifier cette conclusion. En effet, la preuve a démontré que M. Larochelle n’était pas inscrit aux fins des taxes de vente et qu’il n’avait pas établi de factures pour les services rendus à l’appelante. Toutefois, la preuve est muette quant à savoir si M. Larochelle a produit sa déclaration de revenus en indiquant qu’il était travailleur autonome, bien qu’il ait remis le feuillet T4A au comptable de son père, qui s’occupait de préparer ses déclarations. De même, aucun montant n’était prélevé à la source sur les sommes versées par l’appelante à M. Larochelle, et ce dernier ne bénéficiait d’aucune protection d’assurance-maladie ou autre ni d’aucun régime de retraite.

Deuxième étape : intention objective ou lien de subordination juridique

[56]  Puisque je dois statuer en vertu du droit civil québécois, je dois déterminer s’il y avait un lien de subordination entre M. Larochelle et l’appelante dans le cadre du travail de déneigement entrepris par M. Larochelle, en ayant présent à l’esprit que le C.c.Q. requiert, pour que l’on puisse conclure à l’existence d’un contrat de travail, qu’il y ait direction ou contrôle exercé par une personne qui est l’employeur. Pour le contrat d’entreprise, au contraire, il ne doit y avoir aucun lien de subordination quant à l’exécution du contrat. Les autres critères, soit la propriété des instruments de travail, les possibilités de profit et les risques de perte, et l’intégration dans l’entreprise de l’appelante ne seront que des indices à prendre en compte pour déterminer s’il existait un tel lien de subordination entre M. Larochelle et l’appelante.

[57]  Pour les raisons énoncées ci-dessous, je conclus qu’un tel lien de subordination existait entre M. Larochelle et l’appelante au cours de la période en litige, puisque la preuve a démontré que l’appelante a exercé une direction et un contrôle sur la manière dont les travaux de déneigement étaient effectués par M. Larochelle.

[58]  Le témoignage de M. Larochelle était crédible et plausible. Selon M. Larochelle, M. Arcand supervisait les travaux, coordonnait ceux-ci et enregistrait les heures. M. Larochelle a indiqué, entre autres, que des directives étaient données aux travailleurs par un représentant de l’appelante (M. Arcand) relativement à l’épandage du sel de déglaçage et au déneigement des compresseurs. De plus, certaines règles édictées par l’appelante – comme ne pas prendre de la drogue, ne pas laisser traîner des choses, ne pas faire de bêtise -  devaient être respectées sur le toit. Également, M. Larochelle a témoigné avoir vu un travailleur se faire expulser de la toiture après avoir reçu trois avertissements.

[59]  M. Larochelle a témoigné qu’il communiquait avec M. Arcand pour savoir si ce dernier avait besoin de lui, qu’il ne pouvait arriver avant une certaine heure sur le chantier de déneigement et qu’il devait effectuer un minimum de 4 heures de travail et un maximum de 8 heures par jour, sauf sur autorisation de l’appelante. Les cartes de temps de M. Larochelle déposées en preuve établissent effectivement que M. Larochelle a toujours travaillé un minimum de 4 heures chaque jour de travail. Les cartes de temps remplies par les travailleurs sont typiques d’une relation résultant d’un contrat de travail permettant l’exercice d’un contrôle par l’appelante sur les heures effectuées par les travailleurs.

[60]  Tous ces faits démontrent que l’appelante contrôlait la façon d’exécuter le travail et non pas simplement la qualité et le résultat du travail (Grimard, paragraphe 31).

[61]  Même si d’autres cartes de temps établies pour d’autres travailleurs indiquent moins de 4 heures de travail quotidien, cette preuve n’est pas pertinente pour déterminer le statut de M. Larochelle. De même, le fait que la preuve a démontré que certains travailleurs s’adjoignaient un aide ou encore remettaient des factures à l’appelante n’est pas pertinent en ce qui concerne la question de savoir si M. Larochelle était lié à l’appelante par un contrat de travail ou par un contrat d’entreprise. Ce que je dois déterminer, c’est le statut de M. Larochelle auprès de l’appelante et non pas le statut des autres travailleurs engagés par l’appelante pour effectuer le déneigement de la toiture du centre commercial.

[62]  Je ne retiens pas le témoignage de M. Fortier quant à la façon dont les choses se déroulaient sur la toiture, soit que seul M. Arcand se trouvait dans le local sur la toiture pour recevoir les travailleurs et que M. Arcand n’allait pas sur la toiture, sauf pour aller voir ce qui s’y passait. Tout d’abord, M. Fortier a admis qu’il n’était pas lui-même présent dans le local ni sur la toiture. Or, je trouve improbable que seul M. Arcand fût présent dans le local sur la toiture pour recevoir tous les travailleurs à l’ouverture du chantier de déneigement. La preuve a démontré que la toiture était immense. M. Fortier a témoigné qu’en une journée typique de travail les travailleurs marchaient 5,5 kilomètres.

[63]  Je trouve également improbable que les travailleurs aient été envoyés sur la toiture avec une pelle sans qu’un représentant de l’appelante ait donné de directives quant à l’endroit où déneiger et quant à la façon de faire le déneigement et sans qu’il ait établi des règles pour l’exécution du travail de déneigement. Je trouve improbable qu’un groupe si nombreux de travailleurs se trouvant sur la toiture du centre commercial (parfois de 100 à 150 travailleurs) ne soit pas soumis à la direction ou au contrôle d’un représentant de l’appelante quant à la façon de faire le travail, tel que le prétend M. Fortier. Puisque l’appelante payait les travailleurs à l’heure, il est plus probable qu’elle ait mis en place des systèmes de contrôle pour que les travailleurs effectuent leur travail de façon efficace : elle devait déterminer les endroits à déneiger et les endroits à déglacer, et établir les règles à suivre pour effectuer le travail, les règles à suivre sur le toit, etc.

[64]  Compte tenu du nombre important de travailleurs sur la toiture, je conclus qu’un représentant de l’appelante devait superviser le travail sur le toit ainsi que la façon d’exécuter le travail. De plus, compte tenu du nombre de travailleurs, il est plausible que la secrétaire de l’appelante se trouvât également dans le local sur la toiture, tel que l’a indiqué M. Larochelle dans son témoignage, en plus de M. Arcand, de manière à ce que ce dernier pût superviser les travailleurs.

[65]  Le témoignage de M. Arcand aurait été profitable à la Cour. M. Arcand aurait pu expliquer comment les activités de l’appelante se déroulaient dans le local, de même que sur la toiture, vu l’absence de M. Fortier à ces endroits. M. Arcand aurait pu indiquer à la Cour s’il donnait des directives quant aux tâches qui devaient être faites et surtout s’il en donnait sur la manière d’effectuer ces tâches. Je tire donc une inférence négative du fait que M. Arcand n’ait pas témoigné.

[66]  Selon la prépondérance de la preuve, M. Larochelle n’était pas dans les affaires au cours de la période en litige. M. Larochelle n’a pas négocié le prix payé par l’appelante en contrepartie des services rendus. Le montant était fixé à 17 $ l’heure, et aucune négociation n’était possible avec l’appelante. Dans le cadre des activités de déneigement, M. Larochelle ne pouvait faire de profit ni subir de perte comme ce serait le cas d’une personne qui était dans les affaires. Même si l’appelante a mis en place un système de référencement, ceci n’est pas suffisant pour faire en sorte que M. Larochelle soit considéré comme un entrepreneur indépendant.

[67]  Je suis d’accord avec la Juge D’Auray qui, dans la décision AE Hospitality Ltd. c. Ministre du Revenu national, 2019 CCI 116, a conclu que le critère de la chance de profit ou du risque de perte doit être interprété dans le sens entrepreneurial :

[149] À mon avis, travailler plus d’heures ou moins d’heures n’équivaut pas à une possibilité de profit ou à un risque de perte. Dans la décision 6627148 Ontario Ltd. (Daily Care Health Services) v. M.R.N., Daily Care Health Services avançait le même argument qu’AE en l’espèce, soit que les travailleurs avaient une possibilité de profit s’ils travaillaient davantage d’heures et un risque de perte s’ils travaillaient moins d’heures. La juge V. Miller n’a pas retenu l’argument avancé par Daily Care Health Services. Elle a affirmé que l’expression « chances de profit/risque de perte » devait être comprise dans le sens entrepreneurial.

[68]  Les autres indices d’encadrement, soit la propriété des outils (les pelles fournies par l’appelante) et le degré d’intégration de M. Larochelle, ne font qu’appuyer ma conclusion à l’existence d’un lien de subordination.

[69]  Finalement, le témoignage de M. Racine n’a pas aidé la Cour à déterminer le statut de M. Larochelle auprès de l’appelante. M. Racine a témoigné concernant, entre autres, son intention subjective dans sa relation avec l’appelante, ce qui n’est pas pertinent en l’espèce. M. Racine a également témoigné que M. Arcand se présentait sur la toiture afin de compter les travailleurs s’y trouvant. Pour les raisons exposées ci-dessus, et vu l’étendue de la toiture du centre commercial et le nombre de travailleurs, je ne trouve pas plausible que la seule fonction de M. Arcand lorsqu’il était présent sur le toit ait été de compter les travailleurs s’y trouvant. 

VII. CONCLUSION

[70]  Selon la prépondérance des probabilités, au cours de la période en litige, M. Larochelle occupait auprès de l’appelante un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi. Vu le contrôle et la direction exercés par l’appelante sur le travail de M. Larochelle, il y avait un lien de subordination juridique entre eux, de sorte que les exigences du contrat de louage de services ont été remplies.

[71]  Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté et la décision de la ministre est confirmée.

Signé à Montréal, Québec, le 20e jour de novembre 2019.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 257

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-3622(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

DÉNEIGE-TOIT SERVICE-PLUS INC. c. LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 octobre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 novembre 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Sébastien Gobeil

Avocat de l’intimée :

Me Emmanuel Jilwan

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Sébastien Gobeil

Cabinet :

Fasken Martineau DuMoulin

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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