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Dossier : 2018-2958(IT)I

ENTRE :

PING ZONG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 25 octobre 2019, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Rebecca L. Louis

 

JUGEMENT

  ATTENDU QUE la Cour, à cette date, a rendu ses motifs de jugement dans cet appel; 

PAR CONSÉQUENT, l’appel de la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2016 est rejeté sans dépens.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 28e jour de novembre 2019.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


Référence : 2019 CCI 270

Date : 20191128

Dossier : 2018-2958(IT)I

ENTRE :

PING ZONG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

I. RÉSUMÉ DES FAITS

[1]  En règle générale, les contribuables au Canada peuvent déduire, à titre de crédits pour impôt étranger, les impôts payés à un gouvernement étranger lorsque les impôts sont payés sur le même revenu qui serait par ailleurs imposable au Canada. Certaines cotisations analogues à celles du Régime de pensions du Canada (RPC) et de l’assurance-emploi (AE) sont également déductibles. L’appelant, M. Zong, soutient que les sommes [traduction] « versées au gouvernement britannique » en 2016 devraient être admissibles à un crédit pour impôt étranger (CIE). Le ministre n’est pas du même avis, d’où cet appel.

[2]  M. Zong est résident du Canada et du Royaume-Uni. Il a occupé un emploi à temps plein au Royaume-Uni pendant plusieurs années. M. Zong a demandé un CIE aux termes du paragraphe 126(1) de la Loi pour son année d’imposition 2016. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de M. Zong et a réduit son CIE au motif que les cotisations obligatoires qu’il versait au régime national d’assurance du Royaume-Uni ne pouvaient être qualifiées d’« impôt » et n’étaient donc pas admissibles au CIE.

[3]  M. Zong affirme dans son appel de la définition adoptée par le ministre que les cotisations au régime national d’assurance sont équivalentes à un impôt sur le revenu et devraient donc être admissibles à une élimination de la double imposition aux termes du paragraphe 126(1) de la Loi. S’il ne s’agit pas d’un impôt, ces cotisations sont équivalentes aux cotisations au RPC. Même si ce n’est pas le cas, M. Zong devrait avoir droit à d’autres mesures d’allègement aux termes de la Convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (la Convention).

[4]  Les questions soumises à notre Cour sont les suivantes :

  1. Les cotisations obligatoires au régime national d’assurance (les cotisations) constituent-elles un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices payé à un gouvernement étranger, et, à ce titre, ouvrent-elles droit à un CIE?

  2. En tout état de cause, M. Zong est-il admissible à l’élimination de la double imposition aux termes de la Convention?

II. DISCUSSION

Les contributions constituent-elles un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices payé à un gouvernement étranger?

[5]  Le Canada impose les résidents canadiens en fonction de leur revenu global [1] . Afin d’éviter la double imposition du revenu tiré de sources étrangères, l’article 126 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) permet aux contribuables de déduire de l’impôt qu’ils seraient par ailleurs tenus de payer un montant égal à l’impôt payé à l’administration étrangère. Ce montant est plafonné au maximum qui aurait par ailleurs été payable et qui aurait été payé par le contribuable au Canada. En bref, le CIE ne dépassera pas le total de l’impôt canadien [2] .

[6]  Les sommes versées par M. Zong doivent être un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices à l’égard d’un revenu personnel, et non d’une entreprise, versé à un gouvernement étranger pour lui permettre d’obtenir une déduction de l’impôt canadien payable.

[7]  Aux termes du paragraphe 126(1) de la Loi, l’impôt est déduit de « l’impôt payable par ailleurs par lui pour l’année en vertu de la présente partie » [3] . Le revenu de source étrangère doit d’abord être inclus dans le revenu. En tant que résident canadien, M. Zong est imposé sur son revenu de toutes provenances conformément à l’article 3 de la Loi. Il est à noter que l’article 8, qui permet des déductions particulières du revenu d’emploi, ne permet pas de déduire les cotisations à des régimes de pension étrangers. Les contribuables peuvent déduire les cotisations aux régimes de pension agréés; or, le régime national d’assurance n’est pas un régime de pension agréé [4] .

[8]  De plus, l’article 118.7 prévoit un crédit particulier pour les cotisations à l’AE et au RPC, qui, par ailleurs, ne sont pas déductibles du revenu d’emploi. En ce qui concerne directement l’appel de M. Zong, la Loi ne prévoit pas de déduction ou de crédit pour les cotisations à des régimes d’assurance ou de sécurité sociale étrangers, comme elle le fait pour les cotisations au RPC national. Il n’y a aucune ambiguïté légale à cet égard. Par conséquent, M. Zong doit inclure son revenu brut d’emploi au Royaume-Uni dans son revenu imposable avant d’envisager le calcul de la déduction pour impôt étranger aux termes du paragraphe 126(1).

Les cotisations au régime national d’assurance constituent-elles un « impôt »?

[9]  Le paragraphe 126(1) prévoit un allègement d’impôt à l’égard de certains revenus de résidents canadiens déjà imposés dans un autre pays. M. Zong fait valoir que les cotisations sont équivalentes à un impôt sur le revenu et sont donc déductibles du revenu.

[10]  Il y a près de 90 ans, dans l’arrêt Lawson, la Cour suprême du Canada a énuméré les quatre caractéristiques suivantes d’un « impôt » [5] , à savoir que le prélèvement est :

  • a) exigible en vertu d’une loi;

  • b) imposé sous l’autorité du Parlement;

  • c) perçu par un organisme public;

  • d) effectué pour une fin d’intérêt public.

[11]  Même si les cotisations obligatoires déduites du revenu d’emploi de M. Zong au Royaume-Uni remplissent trois conditions du critère Lawson, elles ne satisfont pas, à première vue, à la quatrième, à savoir si elles sont versées à une fin d’intérêt public. Comme le payeur reçoit un avantage personnel et financier direct de ses cotisations futures, le ministre [6] et la Cour ont conclu que ces cotisations ne constituent pas un impôt à des fins publiques. Dans l’affaire Yates, la Cour canadienne de l’impôt a clairement affirmé que la Loi ne comprend aucune disposition permettant la déduction des cotisations versées à un régime d’assurance étranger [7] . La Cour a également comparé les cotisations d’assurance nationale aux cotisations au RPC ou au régime d’épargne-retraite (RER), qui ne sont pas considérées comme un « impôt » au Canada. Ces cotisations sont uniquement déductibles du revenu en raison de l’existence de dispositions particulières et précises à cette fin dans la Loi. En l’absence d’une exemption plus large, les particuliers « n’ont pas droit à une déduction similaire au titre des cotisations versées à un régime d’assurance étranger » [8] .

[12]  Quant à l’exigence relative à une dépense d’intérêt public, rien n’indique que les contributions sont utilisées pour les postes de [traduction] « dépenses publiques » indiqués dans l’avis d’appel de M. Zong. Une somme n’est pas un impôt simplement parce qu’elle est déduite d’une source de revenus : elle doit remplir les quatre conditions énoncées dans l’arrêt Lawson.

[13]  Les cotisations au régime national d’assurance par M. Zong servent à financer un régime de retraite dont il pourrait ultimement tirer un avantage économique direct. Elles ne répondent pas à la définition d’un « impôt » et ne sont donc pas admissibles à la déduction pour impôt étranger prévue au paragraphe 126(1).

M. Zong est-il admissible à l’élimination de la double imposition aux termes de la Convention?

[14]   M. Zong a fait grand cas d’une lettre qu’il a obtenue du service des finances du régime national des pensions du Royaume-Uni. La lettre explique que les cotisations sont déduites du revenu brut d’emploi avant de calculer l’impôt sur le revenu. Selon lui, cette explication soutient la thèse selon laquelle le paragraphe 27(5) de la Convention exige que la somme soit traitée de la même façon au Canada et soit déductible du revenu. La Convention a pour objet général d’éviter la double imposition [9] . Or, comme le montant n’a pas encore été assujetti à l’impôt au Royaume-Uni (parce qu’il a été déduit du revenu avant le calcul de l’impôt sur le revenu), ni la Convention ni l’article 126 de la Loi ne prévoient d’allègement à ce titre au Canada. La pension que recevra ultimement M. Zong au Royaume-Uni pourrait être assujettie à l’impôt sur le revenu du Royaume-Uni, ce qui pourrait alors ouvrir droit à un allègement au Canada par l’intermédiaire du CIE, mais pas maintenant. Une déduction actuelle procurerait un allègement fiscal en prévision d’un impôt étranger futur qui n’a pas encore été prélevé. De plus, M. Zong pourrait recevoir une déduction au Canada dépassant de beaucoup le montant d’impôt qu’il pourrait ultimement payer au Royaume-Uni s’il obtenait une déduction complète aujourd’hui, car l’impôt sur le revenu du Royaume-Uni sera imposé sur son revenu de retraite, et non sur son revenu d’emploi actuel.

[15]  Enfin, la question de la fiscalité prospective a été examinée. Il y a de nombreuses années, la Commission d’appel de l’impôt a tenu les propos suivants dans la décision Ledwidge [10]  :

[TRADUCTION]

Aucune disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada ne permet de déduire un impôt in futuro. Ce qui peut être déduit, c’est l’impôt payé au cours ou à l’égard de l’année d’imposition en cause. Une cotisation à un régime de retraite ne peut être assimilée à un impôt. Il se peut qu’au cours des années à venir, elle donne lieu à un prélèvement parce qu’au moment où le contribuable touchera la pension, il recevra un revenu imposable. Attendons jusque-là. Aux fins de l’impôt sur le revenu, la possibilité qu’un événement se produise ne crée aucun droit à une mesure de redressement [11] .

[16]  M. Zong a confondu une autre exemption qui ne s’applique pas à lui. Le paragraphe 27(5) de la Convention prévoit un certain allègement pour des employés temporaires travaillant dans un État contractant, mais cotisant à un régime de pension établi dans l’autre État contractant [12] . Le paragraphe 27(5) est rédigé ainsi :

5. Les contributions versées au cours d’une année par une personne physique, ou pour le compte d’une personne physique, qui exerce une profession dépendante dans un État contractant au cours de l’année à un régime de pension qui est établi dans l’autre État contractant (y compris un régime créé en vertu de la législation sur la sécurité sociale de cet État) et auquel la personne participe en vue d’obtenir des bénéfices à la retraite payables à l’égard de cette profession sont traitées, pendant une période n’excédant pas au total 60 mois, à supposer que les contributions au régime donneraient droit à un allègement d’impôt si elles avaient été versées dans l’autre État, de la même manière aux fins d’imposition dans le premier État que les contributions versées à un régime de pension qui est reconnu aux fins d’imposition dans ce premier État, pourvu que :

a) immédiatement avant que la personne ne commence à exercer son emploi dans le premier État, elle n’ait pas été un résident de cet État et des contributions aient été versées par elle ou pour son compte au régime de pension; et

b) le régime de pension soit accepté par l’autorité compétente du premier État comme correspondant de façon générale à un régime de pension reconnu aux fins d’imposition par cet État [13] .

[17]  Le présent appel porte sur les cotisations effectuées par M. Zong au régime de pension du Royaume-Uni dans le cadre de son emploi permanent à temps plein au Royaume-Uni. Par conséquent, et en premier lieu, les cotisations n’enclenchent pas l’application du paragraphe 27(5). En deuxième lieu, cette disposition vise à servir les intérêts des travailleurs intérimaires. Elle ne peut être invoquée que pendant une période de 60 mois. M. Zong reconnaît avoir travaillé à temps plein au Royaume-Uni pendant plus de 60 mois. Les faits ne correspondent pas au cadre d’application de cette disposition. M. Zong n’est pas admissible à l’allègement prévu au paragraphe 27(5).

[18]  En conclusion, les cotisations de M. Zong ne constituent pas un impôt. Elles n’ouvrent pas droit à un CIE. En outre, si les cotisations ne constituent pas un impôt, par définition, il ne peut y avoir double imposition. Quant à l’exemption prévue au paragraphe 27(5), M. Zong a été employé au Royaume-Uni pendant plus de 60 mois et a versé des cotisations à cet État et non à un autre État.

[19]  Pour ces motifs, l’appel est rejeté sans dépens.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 28e jour de novembre 2019.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 270

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-2958(IT)I

INTITULÉ :

PING ZONG c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 octobre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 28 novembre 2019

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Rebecca L. Louis

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Me Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 



[1] LIR, précitée, note 1, articles 2 et 3.

[2] Dagenais v. R, [2000] 2 CTC 2022, 1999 CarswellNat 401 (CCI), au paragraphe 7.

[3] LIR, précitée, note 1, paragraphe 126(1).

[4] LIR, précitée, note 1, paragraphe 248(1) (Régime de pension, sauf un régime de pension collectif, que le ministre a agréé pour l’application de la présente loi et dont l’agrément n’a pas été retiré).

[5] Lawson v. Interior Tree Fruit & Vegetable Committee of Direction, [1931] SCR 357, 1930 CanLII 91 (CSC).

[6] Agence du revenu du Canada, Impôt sur le revenu – Nouvelles techniques No 30, « Impôt sur les charges sociales et crédit pour impôt étranger » (21 mai 2004), en ligne : <https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/formulaires-publications/publications/itnews-30/archivee-impot-revenu-nouvelles-techniques-no-30.html>.

[7] Yates c. La Reine, [2001] 3 CTC 2565, 2001 DTC 761 (CCI).

[8]   Ibid, au paragraphe 46.

[9] Vern Krishna et Pamela Cross, The Canada-UK Tax Treaty: Text and Commentary, (Toronto : LexisNexis Canada Inc, 2005).

[10] Ledwidge v MRN, (1971) 71 DTC 188 (Commission d’appel de l’impôt).

[11] Ibid, au paragraphe 5.

[12] Vern Krishna et Pamela Cross, précités, note 19.

[13] Convention, précitée, note 2, au paragraphe 27(5).

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