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Dossiers : 2015-3425(IT)G

2016-4491(IT)G

ENTRE :

BÉTON MOBILE DU QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appels entendus sur preuve commune
les 8, 9, 10, 11 et 12 avril et les 29, 30 et 31 mai 2019,
à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Dominique Lafleur

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Maude Piché
Me Olivier Verdon

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

 

JUGEMENT

  Selon les motifs du jugement ci‑joints, les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition se terminant le 31 janvier 2010, 31 janvier 2011 et 31 janvier 2012 sont admis. Les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que les activités exercées par l’appelante dans le cadre des projets B‑10‑18, B‑11‑04, B‑11‑07, B‑12‑01, B‑12‑03 et B‑12‑07 sont des activités de recherche scientifique et de développement expérimental et que les montants suivants sont des dépenses déductibles à titre de dépenses courantes selon l’article 37 de la Loi et des dépenses admissibles pour le calcul du crédit d’impôt à l’investissement selon le paragraphe 127(5) de la Loi :

  • i) Pour l’année d’imposition se terminant le 31 janvier 2010 : 3 521 $ pour les salaires, 427 $ pour les matériaux et 360 $ pour les frais de sous‑traitants;

  • ii) Pour l’année d’imposition se terminant le 31 janvier 2011 : 37 668 $ pour les salaires, 2 520 $ pour les matériaux et 3 425 $ pour les frais de sous‑traitants;

  • iii) Pour l’année d’imposition se terminant le 31 janvier 2012 : 44 192 $ pour les salaires, 4 433 $ pour les matériaux et 9 204 $ pour les frais de sous‑traitants.

  Aucun dépens n’est accordé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de décembre 2019.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


TABLE DES MATIÈRES

A. PREUVE - CONTEXTE DES PROJETS  3

1) Entreprise exploitée par BMQ  3

2) Le béton  5

3) La recherche  6

B. QUESTIONS EN LITIGE  9

C. LA LOI ET LA JURISPRUDENCE  9

1) Activités de RS&DE selon la Loi  9

1.1 Incertitude technologique ou scientifique  13

1.2 Hypothèses  14

1.3 Méthode scientifique  15

1.4 Progrès ou avancement technologique ou scientifique  15

1.5 Compte rendu détaillé  16

2) Les dépenses pour activités de RS&DE déductibles selon l’article 37 et les dépenses admissibles au calcul du CII  17

D. LES PROJETS  20

1) Projet B-10-03 : Détermination de l’humidité dans le béton latex  20

1.1 Description du projet  20

1.2 Thèses des parties  22

1.3 Discussion  22

a) La qualification du projet  22

b) Les dépenses  24

2) Projet B-10-05 : Développement d’un béton autoplaçant Ter‑C3  25

2.1 Description du projet  25

2.2 Thèses des parties  26

2.3 Discussion  27

a) La qualification du projet  27

b) Les dépenses  29

3) Projet B-10-07 : Caractérisation du ciment Ter-C3  32

3.1 Description du projet  32

3.2 Thèses des parties  33

3.3 Discussion  34

a) La qualification du projet  34

b) Les dépenses  35

4) Projet B-10-08 : Développement d’un béton type V avec le ciment Ter‑C3  37

4.1 Description du projet  37

4.2 Thèses des parties  39

4.3 Discussion  39

a) La qualification du projet  39

b) Les dépenses  41

5) Projet B-10-09 : Caractérisation d’un plastifiant de nouvelle génération  42

5.1 Description du projet  42

5.2 Thèses des parties  43

5.3 Discussion  44

a) La qualification du projet  44

b) Les dépenses  45

6) Projet B‑10‑12 : Développement d’un béton caverneux à haute teneur en vide  46

6.1 Description du projet  46

6.2 Thèses des parties  48

6.3 Discussion  49

a) La qualification du projet  49

b) Les dépenses  51

7) Projet B-10-18 : Développer un mortier autoplaçant léger pour bétonnière mobile  54

7.1 Description du projet  54

7.2 Thèses des parties  56

7.3 Discussion  57

a) La qualification du projet  57

b) Les dépenses  58

8) Projet B-11-01 : Étude de perméabilité aux ions de chlore et durabilité avec divers ajouts pouzzolaniques et ciments  59

8.1 Description du projet  59

8.2 Thèses des parties  61

8.3 Discussion  62

a) La qualification du projet  62

b) Les dépenses  64

9) Projet B-11-04 : Analyse de l’influence des liants et des adjuvants sur les performances des bétons autoplaçants  66

9.1 Description du projet  66

9.2 Thèses des parties  67

9.3 Discussion  68

a) La qualification du projet  68

b) Les dépenses  69

10) Projet B-11-07 : Développer un mortier à prise ultrarapide pour installation dans un milieu marin  72

10.1 Description du projet  72

10.2 Thèses des parties  73

10.3 Discussion  73

a) La qualification du projet  73

b) Les dépenses  75

11) Projet B-12-01 : Développement de béton sans latex à prise rapide  77

11.1 Description du projet  77

11.2 Thèses des parties  78

11.3 Discussion  79

a) La qualification du projet  79

b) Les dépenses  80

12) Projet B-12-02 : Amélioration du béton autoplaçant à prise rapide  82

12.1 Description du projet  82

12.2 Thèses des parties  83

12.3 Discussion  84

a) La qualification du projet  84

b) Les dépenses  85

13) Projet B-12-03 : Développement de chape de béton latex à prise rapide  87

13.1 Description du projet  87

13.2 Thèses des parties  90

13.3 Discussion  90

a) La qualification du projet  90

b) Les dépenses  92

14) Projet B-12-07 : Développement de produit de réparation pour le béton compacté au rouleau  94

14.1 Description du projet  94

14.2 Thèses des parties  96

14.3 Discussion  96

a) La qualification du projet  96

b) Les dépenses  98

E. CONCLUSION  100

ANNEXE A  1

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)  1

Alinéas 37(1)a) et b), sous-alinéa 37(1)b)(i) et subdivision 37(8)a)(ii)(A)III et division 37(8)a)(ii)(B)  1

Paragraphe 127(5)  3

Paragraphe 127(9)  3

Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945  5

Paragraphe 2900(4)  5

SCHEDULE A  6

Income Tax Act, R.S.C. 1985, c. 1 (5th supp.)  6

Paragraphs 37(1)(a) and (b), subparagraph 37(1)(b)(i) and subclause 37(8)(a)(ii)(A)III and clause 37(8)(a)(ii)(B)  6

Subsection 127(5)  8

Subsection 127(9)  8

Income Tax Rules, C.R.C. c. 945  10

Rule 2900(4)  10


Référence : 2019 CCI 278

Date : 20191211

Dossiers : 2015-3425(IT)G

2016-4491(IT)G

ENTRE :

BÉTON MOBILE DU QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

[1]  Béton Mobile du Québec inc. (« BMQ » ou l’« appelante ») interjette appel des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, (L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée) (la « Loi »), pour les années d’imposition se terminant les 31 janvier 2010 (« année d’imposition 2010 »), 31 janvier 2011 (« année d’imposition 2011 ») et 31 janvier 2012 (« année d’imposition 2012 »). Les appels pour toutes les années d’imposition en litige ont été entendus sur preuve commune.

[2]  En établissant ces nouvelles cotisations, le ministre a refusé de considérer les activités exercées par BMQ dans le cadre de certains projets comme des activités de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE »), a refusé de reconnaître la déductibilité de montants déduits par BMQ à titre de dépenses pour des activités de RS&DE selon l’article 37 de la Loi et a refusé d’accorder le crédit d’impôt à l’investissement (« CII ») s’y rapportant. La déductibilité des dépenses de BMQ autrement qu’en vertu de l’article 37 de la Loi n’est pas une question en litige dans ces appels.

[3]  En ce qui concerne l’année d’imposition 2010, les parties ont convenu que la qualification à titre d’activités de RS&DE des activités exercées par BMQ dans le cadre de sept projets était en litige (soit les projets B-10-03, B-10-05, B‑10‑07, B‑10‑08, B‑10‑09, B-10-12 et B-10-18). De même, les parties ont convenu que, si je concluais que les activités exercées dans le cadre de l’un ou l’autre de ces sept projets pouvaient être qualifiées d’activités de RS&DE, la déductibilité selon l’article 37 de la Loi de dépenses pour salaires, matériaux et frais de sous‑traitants totalisant 140 614 $ et leur admissibilité pour le calcul du CII étaient en litige. L’appel portait initialement sur vingt projets, mais l’appelante a convenu de se désister de son appel en ce qui concerne tous les projets autres que ceux indiqués ci‑dessus et en ce qui concerne les dépenses s’y rapportant.

[4]  En ce qui concerne l’année d’imposition 2011, les parties ont convenu que la qualification à titre d’activités de RS&DE des activités exercées par BMQ dans le cadre de trois projets était en litige (soit les projets B‑11‑01, B‑11‑04 et B‑11‑07). De même, les parties ont convenu que, si je concluais que les activités exercées dans le cadre de l’un ou l’autre de ces trois projets pouvaient être qualifiées d’activités de RS&DE, la déductibilité selon l’article 37 de la Loi de dépenses pour salaires et frais de sous‑traitants totalisant 27 338 $ et leur admissibilité pour le calcul du CII étaient en litige. L’appel portait initialement sur sept projets, mais l’appelante a convenu de se désister de son appel en ce qui concerne tous les projets autres que ceux indiqués ci-dessus et en ce qui concerne les dépenses s’y rapportant.

[5]  En ce qui concerne l’année d’imposition 2012, les parties ont convenu que la qualification à titre d’activités de RS&DE des activités exercées par BMQ dans le cadre de quatre projets était en litige (soit les projets B‑12‑01, B‑12‑02, B‑12‑03 et B‑12‑07). De même, les parties ont convenu que, si je concluais que les activités exercées dans le cadre de l’un ou l’autre de ces quatre projets pouvaient être qualifiées d’activités de RS&DE, la déductibilité selon l’article 37 de dépenses pour salaires, matériaux et frais de sous-traitants totalisant 49 338 $ et leur admissibilité pour le calcul du CII étaient en litige. L’appel portait initialement sur sept projets, mais l’appelante a convenu de se désister de son appel en ce qui concerne tous les projets autres que ceux indiqués ci‑dessus et en ce qui concerne les dépenses s’y rapportant.

[6]  Monsieur Jacques Bertrand a témoigné à l’audience. Il est ingénieur et également l’un des fondateurs de BMQ; il était président de BMQ aux époques pertinentes. Monsieur Gérard Dubé, ingénieur chez BMQ, a également témoigné à l’audience.

[7]  Les conseillers en recherche et technologie (« CRT ») de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), soit monsieur Cédric Durban, qui a examiné les projets de l’année d’imposition 2010, et monsieur Karim Mimoune, qui a examiné les projets des années d’imposition 2011 et 2012, ont également témoigné. Monsieur Durban a obtenu un doctorat en génie mécanique en 1997. Monsieur Durban a commencé sa carrière comme consultant privé en RS&DE; en 2009, il s’est joint à l’ARC et il occupait un poste de CRT auprès de l’ARC au moment de la vérification. Monsieur Mimoune détient un doctorat en génie mécanique et travaille comme CRT à l’ARC depuis 2002.

[8]  Le vérificateur financier qui a participé aux vérifications des trois années d’imposition en litige n’a pas témoigné. De même, aucun témoin expert n’a été appelé à témoigner dans le cadre de ces appels.

[9]  Dans ces motifs, toute disposition législative à laquelle il est fait référence est une disposition de la Loi, sauf indication contraire.

A.  PREUVE - CONTEXTE DES PROJETS

1)  Entreprise exploitée par BMQ

[10]  Monsieur Bertrand est ingénieur de formation et exerce cette profession depuis 1967. Il a travaillé de nombreuses années dans le domaine du génie civil pour de grands projets tels que la Baie James et Churchill Falls, dans lesquels le béton était largement utilisé. Il a également travaillé à la construction du métro de Montréal.

[11]  Monsieur Bertrand et deux associés ont fondé BMQ en 1979. Monsieur Bertrand a témoigné qu’il manquait, à l’époque, d’entreprises capables de répondre à la demande pour des projets plus petits, ou encore pour des projets plus particuliers ou pour des réparations.

[12]  BMQ exerce ses activités, à titre de fournisseur de béton, dans le domaine du béton préparé et spécialisé. Cette entreprise est un chef de file dans ce domaine. Ses clients sont des entrepreneurs qui travaillent pour des chantiers publics ou privés. La grande partie du chiffre d’affaires de BMQ provient de contrats dans le secteur public. Habituellement, avant l’octroi d’un contrat à BMQ, et particulièrement quand un contrat est octroyé dans le secteur public, le mélange de béton à être fourni par BMQ à l’entrepreneur est préapprouvé par le donneur d’ouvrage et par l’entrepreneur, puisque le béton doit respecter les normes minimales de l’industrie.

[13]  BMQ fournit du béton frais au moyen de bétonnières mobiles et non de « bétonnières‑tambour » ou bétonnières classiques, ce qui lui permet de proposer à ses clients des solutions et produits innovateurs pour répondre aux divers besoins de ceux‑ci dans le cadre de la réalisation et de la réparation d’ouvrages en béton. Une bétonnière classique transporte un mélange de béton qui a été préparé à l’usine et qui doit être livré dans l’heure et demie suivant le départ de l’usine, autrement le béton ne peut être utilisé aux fins pour lesquelles il a été préparé. Une bétonnière mobile permet de préparer un mélange de béton directement à l’endroit où le béton doit être coulé puisque les intrants sont mélangés sur place par la bétonnière. De plus, la bétonnière mobile permet de livrer divers mélanges de béton à différents clients en une seule sortie, c’est‑à‑dire sans qu’il soit nécessaire de revenir aux locaux de l’entreprise entre les livraisons puisque la bétonnière peut être calibrée en fonction des différents besoins. Monsieur Bertrand a témoigné que 99 % du marché du béton était occupé par la bétonnière classique et 1 % par la bétonnière mobile.

[14]  Monsieur Dubé, quant à lui, a terminé une formation technique au Cégep Ahuntsic en génie civil en 1986 et a obtenu un diplôme de l’École de technologie supérieure dans le même domaine en 1990. Il a commencé son travail chez BMQ en février 1991. Au cours des années d’imposition en litige, monsieur Dubé s’occupait des projets spéciaux et était responsable du contrôle de la qualité chez BMQ. Il participait personnellement aux projets de recherche.

[15]  De plus, au cours des années d’imposition en litige, BMQ employait trois ou quatre personnes qui étaient techniciens ACI (« American Concrete Institute ») et habilitées à faire des tests sur le béton en laboratoire et sur les chantiers. BMQ employait également des opérateurs d’expérience pour les bétonnières mobiles; ces opérateurs aidaient l’ingénieur à faire les essais et préparaient les mélanges. Également, BMQ employait des stagiaires, tous étudiants en génie civil qui obtiendraient leur qualification à titre de technicien ACI dans le cadre de leur emploi chez BMQ.

2)  Le béton

[16]  Le béton est formé de plusieurs intrants : le ciment, le sable, la pierre et l’eau potable. Différents adjuvants peuvent y être ajoutés, comme l’air entraîné, les superplastifiants, les agents colloïdaux et le latex. Ces adjuvants sont ajoutés pour donner au béton certaines caractéristiques, comme une meilleure résistance ou une meilleure durabilité.

[17]  BMQ possède les recettes d’environ 300 mélanges de béton et en développe 15 à 20 par année. Selon monsieur Bertrand, les combinaisons possibles des divers intrants sont extrêmement nombreuses puisqu’il existe six ou sept ciments, 100 types de pierres, un très grand nombre de types de sable, et de 500 à 1000 adjuvants différents. Le dosage de chacun de ces intrants peut de surcroît faire l’objet de variations.

[18]  Un mélange de béton doit respecter certaines normes pour être utilisé sur des chantiers publics. Par exemple, la norme 3101 du Cahier des charges et devis généraux du ministère des Transports du Québec (« MTQ ») doit être atteinte. Selon monsieur Bertrand, même quand des intrants sont connus depuis longtemps, les besoins de l’industrie changent et BMQ cherche à faire de nouveaux mélanges en conséquence. De plus, les normes minimales évoluent. La norme 3101 est révisée à chaque année et les normes CSA (Association canadienne de normalisation) le sont aux cinq ans. Par exemple, monsieur Bertrand a expliqué que les normes de résistance à la compression sont passées de 35 mégapascals à 50 mégapascals entre les années 60 et aujourd’hui. De plus, BMQ ne se limite pas nécessairement à respecter les normes et peut chercher à améliorer des produits même quand ceux‑ci respectent déjà les normes minimales. Chaque mélange de béton doit atteindre certains seuils, et une vingtaine de tests doivent être effectués en laboratoire pour que le mélange soit approuvé pour l’utilisation sur un chantier public. Ces tests visent par exemple à vérifier la résistance à la compression, la résistance à l’écaillage et la perméabilité aux ions de chlore.

[19]  De plus, d’autres tests sont faits directement sur un chantier avant de couler un béton. Ces tests sont faits alors que le béton est encore à l’état plastique, c’est‑à‑dire alors qu’il est encore sous forme liquide. Il s’agit d’un test d’air, d’un test d’affaissement et d’un test de température, qui prennent environ une dizaine de minutes à faire, et d’un test de compression/masse volumique, soit la prise d’échantillons dans des cylindres, qui prend environ une quinzaine de minutes à faire.

3)  La recherche

[20]  Monsieur Bertrand a témoigné que BMQ fait de la recherche et du développement depuis la fin des années 80, soit pour créer de nouveaux produits ou pour améliorer les produits existants. Les nouveaux produits sont développés soit à la demande de clients, soit parce que les normes de l’industrie ont changé. Parfois, un projet peut être lancé directement par l’entreprise, car celle-ci cherche toujours à demeurer compétitive. Tant monsieur Bertrand que monsieur Dubé et aussi monsieur Fournier (le maître mécanicien de BMQ) peuvent décider de mettre en branle un projet.

[21]  En ce qui a trait à la démarche suivie par BMQ dans le cadre des divers projets, monsieur Bertrand a expliqué que l’entreprise travaille régulièrement avec le MTQ et différentes universités. Le point de départ d’un projet est généralement une recherche bibliographique et des discussions avec des collègues, des gens de l’industrie et des professeurs d’université. Toutefois, les résultats d’études réalisées à des endroits comme les États‑Unis ne sont pas nécessairement directement transférables au Québec, où l’hiver doit être pris en compte pour déterminer si un béton est durable; également, il faut tenir compte du fait que le mélange de béton est préparé dans une bétonnière mobile. Ensuite, les hypothèses sont fixées : pour monsieur Bertrand, les hypothèses sont les caractéristiques recherchées dans un mélange, ou, selon monsieur Dubé, elles sont les normes à respecter.

[22]  Par la suite, BMQ commence à faire des tests et poursuit le projet s’il semble prometteur après les premiers essais. BMQ possède un laboratoire comportant des équipements – comme une balance, des cônes d’affaissement, un air‑mètre, des cylindres, un bac de lavage, une chambre frigorifique et un petit malaxeur – pour faire certains essais. Dans le laboratoire, le béton est préparé comme dans une bétonnière classique. Si un mélange est satisfaisant, il faut ensuite vérifier si les résultats sont similaires quand le mélange est produit dans la bétonnière mobile et si le mélange respecte les normes. BMQ utilise ses propres bétonnières pour ce faire. Les essais de durabilité, comme ceux de résistance à la compression, sont effectués par des laboratoires indépendants.

[23]  La direction que prendra la recherche dépendra ensuite des caractéristiques recherchées. Par exemple, un adjuvant spécifique peut être considéré au début d’un projet pour atteindre une certaine norme. Monsieur Dubé a expliqué que, malgré son expertise, il ne trouve pas toujours la solution à un problème dès le premier essai. De plus, BMQ doit refaire les tests standard (air, affaissement, température et masse volumique/compression) pour vérifier si les normes sont toujours respectées chaque fois qu’un élément est modifié dans un mélange.

[24]  Deux étapes doivent être franchies avec succès pour qu’un mélange soit satisfaisant pour BMQ. D’abord, les tests standard d’air, d’affaissement, de température et de masse volumique/compression (cylindres) sont faits en laboratoire; si les résultats sont acceptables, ce sera suivi de tests de perméabilité aux ions de chlore, de tests d’écaillage et de tests de gel‑dégel. Si à la première étape les résultats ne sont pas satisfaisants, BMQ tentera d’en déterminer les causes et reformulera le mélange pour ensuite refaire les tests.

[25]  La deuxième étape consiste à calibrer la bétonnière mobile et à couler le mélange pour effectuer à nouveau les mêmes tests afin de s’assurer que le malaxage dans la bétonnière mobile n’a pas affecté les caractéristiques du mélange. Selon monsieur Dubé, trois personnes sont nécessaires pour faire un essai : un opérateur de bétonnière mobile, un technicien qualifié pour la prise d’échantillons et lui‑même. Monsieur Dubé a témoigné qu’il fallait environ deux à trois heures pour calibrer la bétonnière mobile.

[26]  L’analyse des résultats est en grande partie effectuée par monsieur Bertrand et monsieur Dubé. Une rencontre avec les employés impliqués dans un projet, y inclus les techniciens qui font fonctionner la bétonnière mobile et prélèvent des échantillons, est convoquée quand des résultats de tests sont reçus par l’entreprise, car ces employés peuvent avoir une idée sur les causes de l’échec d’un essai et doivent être mis au courant de l’évolution d’un projet.

[27]  Un projet se termine soit quand l’objectif est atteint, soit si l’objectif n’est pas atteint et qu’aucune solution n’est envisagée pour surmonter les difficultés.

[28]  Aucun rapport n’est rédigé à la fin de chaque projet. Toutefois, monsieur Dubé remplit le formulaire T661 Demande pour les dépenses de recherche scientifique et développement expérimental (le « formulaire T661 ») et le soumet à l’ARC. Ce formulaire contient une description des progrès que BMQ a tenté de réaliser, des obstacles ayant dû être surmontés et des démarches entreprises pour mettre en œuvre un projet.

[29]  Monsieur Bertrand a expliqué que, pendant les années en litige, il s’impliquait personnellement dans les activités de recherche pour ce qui est de la conception, du design et de l’élaboration des plans de recherche et qu’il assistait aux conférences se rapportant aux projets. Il participait personnellement aussi aux essais effectués en chantier, en laboratoire chez BMQ, ainsi qu’au sein des universités.

[30]  En ce qui a trait aux dépenses, monsieur Dubé a témoigné que, généralement, la date, l’heure et une brève description des essais effectués dans le cadre d’un projet sont notés dans un carnet. Monsieur Dubé admet que les notes conservées ne seront pas nécessairement compréhensibles pour un autre ingénieur civil, mais il est en mesure de les comprendre et de consulter ses dossiers informatiques pour déterminer ce qui a été fait dans un projet.

[31]  À chaque mois, les documents se rapportant à un projet, comme les notes manuscrites et les courriels, sont remis par les employés à monsieur Dubé, qui compile dans le système informatique de BMQ les heures de travail passées sur chaque projet. Seuls les employés payés en fonction des heures travaillées remplissent des feuilles de temps, ce qui exclut monsieur Bertrand, monsieur Dubé et monsieur Fournier. Pour le calcul des heures passées à travailler dans le cadre d’un projet de recherche, monsieur Bertrand indique le temps qu’il a consacré à un projet et le remet à monsieur Dubé, qui compile les heures. Monsieur Dubé a témoigné à l’audience qu’il arrondissait les heures indiquées sur les feuilles de temps.

[32]  Monsieur Dubé compile également les factures des sous‑traitants et les heures d’utilisation des équipements. Quand une facture contient à la fois des éléments commerciaux et des éléments de recherche, il départage lui‑même les deux types d’éléments.

[33]  Monsieur Bertrand a témoigné que BMQ ne facture pas à ses clients les tests effectués lorsqu’un mélange est modifié, même si cette modification est faite à la demande du client. Selon monsieur Bertrand, BMQ ne facture que le béton effectivement livré et non les heures de travail effectuées relativement à une livraison. Les frais des tests sont assumés par BMQ, à moins que le MTQ ne décide, par exemple, de s’impliquer dans un projet et d’assumer une partie de ces dépenses. BMQ possède aussi un système de contrôle de la qualité qu’elle exclut de ses réclamations relatives aux activités de RS&DE.

B.  QUESTIONS EN LITIGE

[34]  Il s’agit de déterminer si les activités exercées par BMQ dans le cadre des quatorze projets en litige constituent des activités de RS&DE au sens de la Loi. Si je conclus que les activités exercées par BMQ dans le cadre de l’un ou l’autre des projets peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE, il s’agit de déterminer si les dépenses engagées par BMQ dans le cadre des projets sont des dépenses déductibles pour activités de RS&DE selon l’article 37, ainsi que des dépenses admissibles pour le calcul du CII selon le paragraphe 127(5).

C.  LA LOI ET LA JURISPRUDENCE

[35]  Pour répondre aux questions en litige, la Loi prévoit un critère à deux volets. Dans un premier temps, il faut déterminer si les activités répondent à la définition d’activités de RS&DE selon le paragraphe 248(1). Si ce n’est pas le cas, l’examen se terminera à cette étape. Toutefois, s’il est établi que les activités répondent à la définition d’activités de RS&DE, il faut ensuite déterminer la déductibilité selon l’article 37 d’une dépense pour activités de RS&DE, eu égard aux faits propres à chacun des projets, et l’admissibilité de cette dépense pour le calcul du CII (Zeuter Development Corporation c. La Reine, 2006 CCI 597 au par. 20, 2007 DTC 41 (« Zeuter Development »)).

[36]  BMQ a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les activités qu’elle a exercées répondent à la définition d’activités de RS&DE. Également, BMQ a le fardeau de démontrer que les dépenses qu’elle a engagées sont des dépenses déductibles pour activités de RS&DE selon l’article 37 et des dépenses admissibles pour le calcul du CII.

1)  Activités de RS&DE selon la Loi

[37]  Les activités de RS&DE sont définies ainsi au paragraphe 248(1) :

« activités de recherche scientifique et de développement expérimental » Investigation ou recherche systéma-tique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est-à-dire :

“scientific research and experimental development” means systematic investigation or search that is carried out in a field of science or technology by means of experiment or analysis and that is

a) la recherche pure, à savoir les travaux entrepris pour l’avance-ment de la science sans aucune application pratique en vue;

a) basic research, namely, work undertaken for the advancement of scientific knowledge without a specific practical application in view,

b) la recherche appliquée, à savoir les travaux entrepris pour l’avance-ment de la science avec application pratique en vue;

(b) applied research, namely, work undertaken for the advance-ment of scientific knowledge with a specific practical application in view, or

c) le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent.

(c) experimental development, namely, work undertaken for the purpose of achieving technolo-gical advancement for the purpose of creating new, or improving existing, materials, devices, products or processes, including incremental improve-ments thereto,

Pour l’application de la présente définition à un contribuable, sont compris parmi les activités de recherche scientifique et de déve-loppement expérimental :

and, in applying this definition in respect of a taxpayer, includes

d) les travaux entrepris par le contribuable ou pour son compte relativement aux travaux de génie, à la conception, à la recherche opérationnelle, à l’analyse mathé-matique, à la programmation infor-matique, à la collecte de données, aux essais et à la recherche psychologique, lorsque ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) qui sont entrepris au Canada par le contribuable ou pour son compte et servent à les appuyer directement.

(d) work undertaken by or on behalf of the taxpayer with respect to engineering, design, operations research, mathematic-cal analysis, computer program-ming, data collection, testing or psychological research, where the work is commensurate with the needs, and directly in support, of work described in paragraph (a), (b), or (c) that is undertaken in Canada by or on behalf of the taxpayer,

Ne constituent pas des activités de recherche scientifique et de dévelop-pement expérimental les travaux relatifs aux activités suivantes :

but does not include work with respect to

e) l’étude du marché et la promotion des ventes;

(e) market research or sales promotion,

f) le contrôle de la qualité ou la mise à l’essai normale des matériaux, dispositifs, produits ou procédés;

(f) quality control or routine testing of materials, devices, products or processes,

g) la recherche dans les sciences sociales ou humaines;

(g) research in the social sciences or the humanities,

h) la prospection, l’exploration et le forage fait en vue de la découverte de minéraux, de pétrole ou de gaz naturel et leur production;

(h) prospecting, exploring or drilling for, or producing, minerals, petroleum or natural gas,

i) la production commerciale d’un matériau, d’un dispositif ou d’un produit nouveau ou amélioré, et l’utilisation commerciale d’un pro-cédé nouveau ou amélioré;

(i) the commercial production of a new or improved material, device or product or the comer-cial use of a new or improved process,

j) les modifications de style;

(j) style changes, or

k) la collecte normale de données.

(k) routine data collection;

[Non souligné dans l’original.]

[38]  Dans la décision Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c. Canada, [1998] A.C.I. no 340 (QL) (« Northwest Hydraulic »), le juge Bowman (tel était alors son titre) a fait observer que la législation accordant des stimulants fiscaux pour la RS&DE doit s’interpréter « de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet », qui est d’encourager la recherche scientifique au Canada (par. 11).

[39]  Dans cette décision, se basant sur la circulaire d’information 86‑4R3 du 24 mai 1994 publiée par l’ARC (la « Circulaire ») et convenant que la Circulaire était un guide « utile et digne de foi » puisqu’elle découlait de longues consultations entre le gouvernement et la communauté scientifique (par. 13 et 15), le juge Bowman a formulé cinq critères pour déterminer si des travaux constituent des activités de RS&DE (par. 16). Ces critères, qui doivent tous être remplis pour que l’on conclue à des activités de RS&DE, ont été confirmés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt RIS‑Christie Ltd. c. Canada, [1998] A.C.F. no 1890 (QL) (« RIS‑Christie ») et repris dans l’arrêt C.W. Agencies Inc. c. La Reine, 2001 CAF 393, 2002 DTC 6740 (par. 17) de la façon suivante :

1.  Existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes?

2.  La personne qui prétend faire de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique?

3.  La procédure adoptée était-elle complètement conforme à la discipline de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la vérification et la modification des hypothèses?

4.  Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique?

5.  Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a‑t‑il été fait au fur et à mesure de l'avancement des travaux?

[40]  Toutes ces décisions mettaient en cause l’alinéa c) de la définition d’activités de RS&DE au paragraphe 248(1), soit le développement expérimental, à savoir des travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique. Les alinéas a) et b), qui ont trait respectivement à la recherche pure et à la recherche appliquée, se rapportent plutôt à l’avancement de la science. Ainsi, tel que l’a conclu le juge Boyle dans la décision Life Choice Ltd. c. La Reine, 2017 CCI 21 (par. 16) (« Life Choice »), dans les affaires mettant en cause les alinéas a) et b), les critères énoncés ci‑dessus, qui parlent du risque ou de l’incertitude technologique et de l’avancement de la technologie doivent se lire comme faisant référence au risque ou à l’incertitude scientifique ainsi qu’à l’avancement de la science.

1.1  Incertitude technologique ou scientifique

[41]  Dans la décision Northwest Hydraulic, précitée, le juge Bowman s’est exprimé ainsi au sujet de l’incertitude technologique (par. 16) :

[16]  […]

a) Lorsqu’on parle de « risque ou [d’] incertitude technologique » dans ce contexte, on laisse implicitement entendre qu’il doit exister une incertitude quelconque qui ne peut pas être éliminée par les études techniques courantes ou par les procédures habituelles. Je ne parle pas du fait que dès qu’un problème est décelé, il peut exister un certain doute au sujet de la façon dont il sera réglé. Si la résolution du problème est raisonnablement prévisible à l’aide de la procédure habituelle ou des études techniques courantes, il n’y a pas d’incertitude technologique telle que cette expression est utilisée dans ce contexte.

b) Qu’entend-on par « études techniques courantes »? C’est cette question (ainsi que celle qui se rapporte au progrès technologique) qui semble avoir divisé les experts plus que toute autre. En résumé, cela se rapporte aux techniques, aux procédures et aux données qui sont généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine.

[…]

[Non souligné dans l’original.]

[42]  Selon la Circulaire :

4.2 [...] La pratique courante signifie l’adaptation directe des pratiques connues d’ingénierie ou de la technologie à une situation nouvelle, lorsqu’il est assez certain que l’emploi de ces pratiques permettra d’atteindre l’objectif souhaité. […]

[43]  Ainsi, la création d’un nouveau produit par l’application de techniques, de procédures et de données généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine ne constituera pas une activité de RS&DE, même s’il existe un doute quant à la façon dont l’objectif sera atteint. Autrement dit, le simple fait qu’un produit n’existe pas ne permet pas nécessairement d’inférer que son développement comporte une incertitude technologique ou scientifique (Flavor Net Inc. c. La Reine, 2017 CCI 179 (« Flavor Net »), par. 38).

[44]  Dans la décision Zeuter Development, précitée, le juge Little a précisé que la résolution d’incertitudes associées à un projet ne constitue pas nécessairement la résolution d’incertitudes technologiques si des spécialistes compétents dans le domaine peuvent régler les problèmes de façon prévisible en utilisant des techniques courantes et établies (par. 22).

[45]  Également, dans la décision R&D Pro‑Innovation inc. c. La Reine, 2015 CCI 186 (confirmée par la Cour d’appel fédérale : 2016 CAF 152), le juge Masse a conclu qu’il n’y avait pas d’incertitude technologique au sens de la définition d’activités de RS&DE dans ce cas précis puisque l’incertitude avait pu être éliminée par les procédures habituelles ou les études techniques courantes.

[46]  Par ailleurs, dans la décision Formadrain Inc. c. La Reine, 2017 CCI 42, 2017 DTC 1022 (« Formadrain »), la juge D’Auray a conclu que la création d’un produit devant respecter des contraintes particulière (soit, la création d’un caoutchouc mince, résistant et flexible) remplissait le critère de l’incertitude technologique puisque les connaissances manquantes étaient réellement inexistantes dans la base de connaissances scientifiques ou technologiques et n’étaient pas uniquement inconnues de l’appelante Formadrain (par. 93).

1.2  Hypothèses

[47]  Le juge Bowman a formulé un processus en cinq étapes permettant de répondre au second critère : « a) l’observation de l’objet du problème; b) la formulation d’un objectif clair; c) la détermination et la formulation de l’incertitude technologique; d) la formulation d’une hypothèse ou d’hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l’incertitude; e) la vérification méthodique et systématique des hypothèses » (Northwest Hydraulic, précitée, au par. 16).

[48]  La notion d’hypothèse aux fins des activités de RS&DE a été revue par le juge Sommerfeldt dans la décision Joel Theatrical Rigging Contractors (1980) Ltd. c. La Reine, 2017 CCI 6 : « […] une hypothèse est un énoncé qui doit être vérifié au moyen d’une expérience ou d’un essai » (par. 26).

1.3  Méthode scientifique

[49]  Comme l’indique le juge Bowman dans Northwest Hydraulic, précitée, « [l]es procédures adoptées » doivent être « conformes aux principes établis et aux principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l’observation scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses » (par. 16).

[50]  Les commentaires du juge Bowman permettent de déduire que la méthode par tâtonnement ou par essai‑erreur ne relève pas de la méthode scientifique si elle est utilisée de façon exclusive. Ce principe a également été confirmé par notre cour dans la décision Flavor Net, précitée (aux par. 53 et 54).

1.4  Progrès ou avancement technologique ou scientifique

[51]  Les critères de l’incertitude technologique ou scientifique d’une part et du progrès technologique ou scientifique d’autre part sont intimement liés.

[52]  En ce qui concerne le critère du progrès ou de l’avancement technologique, le juge Bowman a écrit ce qui suit (Northwest Hydraulic, précitée, au par. 16) :

[16]  […]

4. Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique, c’est-à-dire à un progrès en ce qui concerne la compréhension générale?

a) Je veux dire par là quelque chose que les personnes qui s’y connaissent dans le domaine savent ou qu’elles peuvent de toute façon savoir. Je ne parle pas d’un élément de connaissance que quelqu’un, quelque part, peut connaître. La collectivité scientifique est étendue, et elle publie des documents dans de nombreuses langues. Un progrès technologique au Canada ne cesse pas d’être tel simplement parce qu’il existe [une] possibilité théorique qu’un chercheur, disons, en Chine, a peut-être fait le même progrès, mais que ses travaux ne sont généralement pas connus.

b) Le rejet, après l’essai d’une hypothèse, constitue néanmoins un progrès en ce sens qu’il élimine une hypothèse jusque là [sic] non vérifiée. Une bonne partie de la recherche scientifique vise justement à cela. Le fait que l’objectif initial n’est pas atteint n’invalide ni l’hypothèse qui a été émise ni les méthodes qui ont été employées. Au contraire, il est possible que l’échec même renforce le degré d’incertitude technologique.

[…]

[53]  La Circulaire indique ce qui suit :

4.1 […] Il y a progrès technologique quand, au moyen du développement expérimental, l’on incorpore dans un produit ou un procédé nouveau ou existant une caractéristique ou une capacité inconnue ou difficilement accessible jusque-là dans la pratique courante, et quand cette caractéristique ou cette capacité améliore le rendement de ce produit ou de ce procédé. La nouveauté, la singularité ou l’innovation ne révèlent pas, à elles seules, l’existence d’un progrès technologique.

[...]

4.3 L’adaptation d’une pratique ou d’une technologie connue à des situations nouvelles ne constitue pas une activité admissible lorsque les méthodes envisagées pour résoudre le problème de technologie ou de génie visé relèvent de la pratique courante. Autrement dit, si le projet consiste à adapter directement une technologie connue à une situation nouvelle dans un contexte où il est raisonnablement certain que la démarche sera couronnée de succès, il n’est pas admissible. Toutefois, s’il existe une incertitude technologique, il y a développement expérimental. […]

1.5  Compte rendu détaillé

[54]  La méthode scientifique requiert normalement qu’un compte rendu détaillé soit préparé ou du moins que des notes soient prises aux diverses étapes de la vérification des hypothèses préalablement posées. Toutefois, tel qu’il a été indiqué par notre cour dans Formadrain, précitée (par. 118) et par la Cour d’appel fédérale (RIS‑Christie, aux par. 14 et 15), il n’est pas obligatoire que la preuve soit documentaire; il est possible de procéder par voie de preuve testimoniale (voir également Les abeilles Service de conditionnement inc. c. La Reine, 2014 CCI 313 par. 94).

[55]  Ainsi, bien que des risques soient associés au fait de ne pas documenter adéquatement une démarche dans un projet de RS&DE, la preuve testimoniale pourrait être utilisée pour répondre à ce critère.

2)  Les dépenses pour activités de RS&DE déductibles selon l’article 37 et les dépenses admissibles au calcul du CII

[56]  Un contribuable qui exerce des activités de RS&DE au sens du paragraphe 248(1) peut, d’une part, déduire de son revenu d’entreprise, selon l’article 37, certaines dépenses faites par lui pour des activités de RS&DE et, d’autre part, avoir droit au CII s’y rapportant. Les dépenses qui peuvent être prises en compte vont dépendre du choix que peut faire le contribuable d’appliquer la méthode dite « méthode de remplacement » selon la division 37(8)a)(ii)(B).

[57]  En l’espèce, BMQ a fait le choix d’appliquer la méthode de remplacement pour toutes les années d’imposition en litige. Dans un tel cas, selon l’alinéa 37(1)a) et la division 37(8)a)(ii)(B) (tels qu’ils étaient libellés au cours des années d’imposition en litige – joints en annexe à ces motifs), les dépenses déductibles selon l’alinéa 37(1)a) sont les dépenses de nature courante engagées par le contribuable au cours de l’année et qui sont, notamment :

  • Des dépenses pour des activités de RS&DE exercées au Canada et entreprises directement pour le compte du contribuable;

  • La partie d’une dépense faite relativement à des frais engagés pour le traitement ou le salaire d’un employé exerçant directement des activités de RS&DE qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à ces activités;

  • Le coût des matériaux consommés ou transformés dans le cadre d’activités de RS&DE exercées au Canada.

[58]  Également, l’alinéa 37(1)b) et la division 37(8)a)(ii)(B) (tels qu’ils étaient libellés au cours des années d’imposition en litige – joints en annexe à ces motifs), prévoient que sera déductible une certaine partie des dépenses en capital pour la fourniture de locaux, d’installations ou de matériel qui répondent à l’une des deux conditions suivantes : soit qu’ils sont censés être utilisés, pendant la totalité ou presque de leur temps d’exploitation au cours de leur vie utile, dans le cadre d’activités de RS&DE exercées au Canada, soit que la totalité, ou presque, de leur valeur est censée être consommée dans le cadre d’activités de RS&DE exercées au Canada. Dans ce cas, le moins élevé du coût du bien amortissable acquis pour des activités de RS&DE (sous‑al. 37(1)b)(i)) et de la fraction non amortie du coût en capital du bien (sous‑al. 37(1)b)(ii)) sera déductible.

[59]  Le CII est fonction du « compte de dépenses admissibles de recherche et de développement », qui inclut toute « dépense admissible » engagée par le contribuable au cours de l’année, selon la définition de ces expressions au paragraphe 127(9) (joint en annexe à ces motifs).

[60]  Les dépenses admissibles incluent les dépenses de nature courante visées à l’alinéa 37(1)a), les dépenses en capital visées au sous‑alinéa 37(1)b)(i), les dépenses pour du matériel à vocations multiples (soit les immobilisations principalement utilisées pour des activités de RS&DE sans être nécessairement presque exclusivement consommées ou utilisées à ces fins) et, lorsque le contribuable a fait le choix de la méthode de remplacement, le montant de remplacement visé par règlement (paragraphe 2900(4) du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945 (le « Règlement »), joint en annexe à ces motifs).

[61]  Le montant de remplacement visé par règlement équivaut à 65 % des montants engagés au titre du traitement ou du salaire de l’employé qui participe directement à des activités de RS&DE et qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à ces activités. [1]

[62]  Ainsi, lorsque le contribuable fait le choix d’utiliser la méthode de remplacement, les frais engagés pour le traitement ou le salaire des employés exerçant directement des activités de RS&DE seront inclus dans le compte de dépenses admissibles aux fins du calcul du CII, alors que les frais pour le traitement ou le salaire des employés qui n’exercent pas directement des activités de RS&DE, de même que les frais généraux (comme les frais de téléphone ou du personnel administratif), ne seront pas inclus dans le compte de dépenses admissibles, mais seront plutôt remplacés par le montant de remplacement.

[63]  La réponse à la question de savoir si un employé exerce directement des activités de RS&DE dépendra notamment des tâches accomplies par celui-ci. Si cet employé effectue directement des expérimentations et des travaux de RS&DE, il est clair qu’il sera considéré comme exerçant directement des activités de RS&DE.

[64]  Afin de déterminer les activités pouvant être qualifiées d’activités de RS&DE, il faut également considérer l’alinéa d) de la définition d’activités de RS&DE, qui inclut dans les activités de RS&DE notamment les travaux de génie, les travaux de conception, la collecte de données et les essais, si ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) de cette même définition et qu’ils servent à les appuyer directement.

[65]  Mais qu’en est-il du superviseur, du gestionnaire ou de la personne qui analyse les résultats? Peut‑on conclure que c’est une personne « exerçant directement des activités de [RS&DE] »?

[66]  Tel qu’il est indiqué par le juge Bowman dans la décision Northwest Hydraulic, les dispositions concernant les incitatifs pour les activités de RS&DE doivent être interprétées de façon large et libérale.

[67]  La Loi ne définit pas l’expression « exerçant directement des activités de [RS&DE] ».

[68]  Les notes explicatives de février 1994 relatives aux modifications de la Loi introduisant la méthode de remplacement indiquent (pp. 5, 7 et 8) :

La nouvelle division 37(8)a)(ii)(B) de la Loi renferme la nouvelle méthode de remplacement qui permet de déterminer les dépenses pour activités de RS&DE. […]

Pour déterminer la partie du salaire d'un employé qui se rapporte aux activités de RS&DE, il faut faire une répartition raisonnable du temps consacré par l'employé à l'exécution de ces activités. Le temps qu'un employé, comme un surveillant ou un gestionnaire, consacre à la gestion des activités courantes de RS&DE sera généralement considéré, à ces fins, comme du temps consacré directement à ces activités. Ce temps peut donc être inclus dans le calcul de la partie de son traitement à prendre en compte dans le calcul du montant de remplacement. […]

[69]  Selon les diverses définitions des termes « directement », « direct » et « directly » se trouvant dans les dictionnaires, l’expression en question implique l’absence d’intermédiaire entre l’activité et la personne.

[70]  Ainsi, je conclus que le gestionnaire ou le superviseur qui gère le déroulement des activités de RS&DE de même que l’employé qui analyse les résultats seront considérés comme exerçant directement des activités de RS&DE. Il en sera de même pour un tel gestionnaire ou superviseur quant au temps qu’il consacre à différentes tâches qui ont un impact direct sur les activités de RS&DE, telle la planification de l’expérimentation, ainsi que la recherche d’informations nécessaires au bon déroulement du projet de RS&DE. Toutefois, les activités de supervision ou de gestion plus générales ainsi que la gestion ou la supervision de deuxième ou troisième niveau ne pourront généralement pas être prises en compte à cet égard.

D.  LES PROJETS

[71]  En gardant présents à l’esprit les principes décrits ci-dessus, je vais examiner les quatorze projets en litige pour décider à l’égard de chacun de ceux‑ci si les activités exercées dans le cadre des projets peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE et déterminer le montant des dépenses qui sont déductibles selon l’article 37 et des dépenses admissibles pour le calcul du CII [2] . À cet égard, les parties ont produit la pièce AI-1 qui est un tableau détaillant les dépenses engagées à l’égard de chaque projet. Les parties ont indiqué les dépenses qui sont contestées par l’intimée, de même que celles qui ne le sont pas dans le cas où je conclurais que les activités peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE.

1)  Projet B-10-03 : Détermination de l’humidité dans le béton latex

1.1  Description du projet

[72]  Un client de BMQ souhaitait utiliser un mélange de béton latex 15 % contenant du ciment à prise rapide et y installer une membrane faite à base d’huile après une durée maximale de 24 à 36 heures de séchage. Selon monsieur Bertrand, vu que le béton frais contient de l’eau et que la membrane est faite à base d’huile, il est important que le taux d’humidité du béton soit de 5 % ou moins avant d’y installer la membrane afin qu’elle adhère correctement au béton. Le ciment à prise rapide était utilisé par BMQ depuis 2001. Toutefois, selon monsieur Bertrand, des membranes n’y étaient pas installées. Il fallait donc déterminer si la membrane pouvait adhérer de manière durable à ce béton. Le projet consistait donc à mesurer le taux d’humidité du béton latex 15 % à prise rapide à différents âges afin de déterminer le moment où le béton serait suffisamment sec pour qu’on puisse y installer une membrane.

[73]  Les tests ont consisté, dans l’ordre, à faire des cylindres de béton latex 15 %, à les laisser sécher un certain nombre d’heures, à les démouler, à les peser, à les mettre au four pendant 24 heures et à les peser à nouveau. La différence de poids entre les deux pesées permettait de déterminer la perte d’eau et, par le fait même, le taux d’humidité résiduel dans le cylindre. Une seule formule de béton latex 15 % a été utilisée pour effectuer les tests. Les activités entreprises dans le cadre du projet ont eu lieu pendant une durée de six jours.

[74]  Selon les feuilles de temps soumises par BMQ, deux durées de mûrissement du béton ont été vérifiées : 36 et 60 heures.

[75]  Le projet n’a pas donné les résultats escomptés puisque les taux d’humidité résiduels des cylindres montraient que le béton n’était pas suffisamment sec après le temps de séchage maximal désiré par le client. Le projet a donc été discontinué.

[76]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, seule une partie des dépenses engagées au titre des salaires sont en litige, soit des dépenses totalisant 947 $ correspondant à 29 heures, l’intimée convenant qu’un montant de 944 $ est déductible à titre de dépense de salaires aux fins de l’article 37 et admissible pour le calcul du CII. Les heures dont l’admissibilité est contestée sont celles relatives aux discussions entre BMQ et son client ainsi que celles relatives aux recherches bibliographiques pour trouver une méthode permettant de déterminer l’humidité relative du béton. L’intimée convient que des montants de 944 $ pour les salaires et de 446 $ pour les matériaux seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

1.2  Thèses des parties

[77]  Selon l’appelante, les lacunes dans les données disponibles sur le temps de séchage du béton latex rendaient nécessaire de récolter de l’information sur le sujet. Les tests effectués ont permis d’acquérir la connaissance qu’il était impossible d’atteindre un taux d’humidité suffisamment bas en vingt-quatre heures. Les activités constituent des activités de RS&DE puisque ce sont des activités consistant en de la recherche appliquée, à savoir des travaux entrepris pour l’avancement de la science avec une application pratique en vue.

[78]  Selon l’intimée, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne sauraient être qualifiées d’activités de RS&DE. Le fait que le béton soit moins humide après un certain temps de mûrissement ne comporte pas d’incertitude technologique. Selon monsieur Durban, la méthode utilisée par BMQ pour déterminer le taux d’humidité résiduel du béton après une certaine période de temps est standard. Également, BMQ n’a pas tenté de poser une membrane sur le béton afin d’effectuer des tests d’adhérence.

1.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[79]  BMQ ne m’a pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait une incertitude scientifique ou technologique à l’égard de ce projet et que les résultats ont mené à un progrès scientifique ou technologique quelconque. Le but de BMQ dans le cadre de ce projet était de déterminer le pourcentage d’humidité dans le béton latex 15 % à différents âges en vue de l’installation d’une membrane sur ce béton.

[80]  La jurisprudence a établi qu’il y aura des activités de RS&DE si, notamment, il y a une incertitude scientifique ou technologique. Une telle incertitude est une incertitude qui ne peut être éliminée par les procédures habituelles ou les études techniques courantes. Ainsi, si la résolution du problème est raisonnablement prévisible à l’aide des études techniques courantes, il n’y aura pas d’incertitude scientifique ou technologique.

[81]  La preuve a démontré que le MTQ avait fait une étude en 2002 sur le temps minimal de séchage d’un mélange de mortier à prise rapide d’Ambex technologies de béton inc (« Ambex »), une filiale de BMQ. Un mélange de mortier et le béton sont similaires, mais le mortier ne contient pas de pierres. Des tests d’adhérence de la membrane au mortier avaient aussi été effectués. Selon cette étude, une membrane peut être installée après huit heures de mûrissement du mortier. Selon monsieur Bertrand, l’étude ne lui permettait pas de connaître la réponse à son questionnement parce que le MTQ avait effectué ses tests avec un mélange ne contenant pas de latex, et de là découlait l’incertitude, puisqu’il s’agissait d’étudier un mélange contenant du latex. Toutefois, selon la preuve documentaire, le mélange testé par le MTQ contenait du latex. Ainsi, je ne peux accepter cette partie du témoignage de monsieur Bertrand. Je conclus que des études avaient donc déjà été effectuées sur ce sujet et que les résultats de ces études étaient connus de BMQ.

[82]  Également, la preuve a démontré que des essais concernant le temps minimal de séchage du béton latex nécessaire pour y installer une membrane avaient été menés auparavant aux États‑Unis. Selon les résultats de ces essais, la membrane pouvait être installée une heure après la pose du béton. Même si monsieur Bertrand était d’avis que ces résultats n’étaient pas plausibles, il n’en demeure pas moins que des essais avaient été effectués auparavant à cet égard.

[83]  En l’espèce, je ne vois pas d’incertitude quant à savoir si le béton devient moins humide après un certain temps, puisque cela me semble acquis comme connaissance scientifique.

[84]  Je considère que, dans le cadre de ce projet, BMQ a fait une collecte normale de données sur le pourcentage d’humidité dans le béton latex 15 % à différents âges, et cela ne peut être considéré comme une activité de RS&DE puisque cette collecte de données n’était pas proportionnelle aux besoins des travaux de RS&DE, vu ma conclusion quant à l’absence de tels travaux.

[85]  BMQ n’a pas tenté de déterminer les raisons pour lesquelles le béton latex séchait de la façon constatée. BMQ n’a pas fait d’études d’adhérence de la membrane au béton à différents âges, ce qui aurait pu constituer un avancement de la science. De même, BMQ n’a effectué des tests que sur un seul mélange de béton. BMQ n’a pas tenté de déterminer les raisons pour lesquelles ce mélange ne séchait pas aussi rapidement que le voulait son client; BMQ n’a fait que constater le degré d’humidité du béton latex à différents âges tout en utilisant des méthodes ou des techniques scientifiques courantes pour ce faire.

[86]  De plus, ni la preuve soumise à l’audience ni les témoignages entendus à l’audience n’indiquent clairement qu’une hypothèse a été énoncée par BMQ. Je considère qu’aucune hypothèse n’a été posée par BMQ au début du projet. De plus, le compte rendu déposé par BMQ à l’audience est plutôt sommaire, bien que le formulaire T661 et les feuilles de temps produites en preuve démontrent les étapes du projet.

[87]  Pour toutes ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE.

b)  Les dépenses

[88]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire de répondre à la question de la déductibilité des dépenses selon l’article 37 et de l’admissibilité de celles‑ci pour le calcul du CII, vu ma conclusion que les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE, je conclus que, si elles constituaient des activités de RS&DE, la position prise par l’intimée à l’audience devrait être retenue.

[89]  En effet, je note tout d’abord que deux versions des feuilles de temps ont été soumises en preuve dans le cahier des documents de l’appelante. Ces deux feuilles de temps comportent des informations différentes quant aux heures passées à faire des recherches bibliographiques; également, des employés supplémentaires apparaissent dans l’une des versions. La preuve soumise par BMQ manque de crédibilité. De plus, les heures indiquées pour des recherches bibliographiques visant à trouver des méthodes pour déterminer l’humidité relative du béton latex totalisent 19 heures pour trois personnes. La preuve a toutefois démontré que des méthodes connues ont été utilisées pour faire cette détermination. Ces dépenses ne peuvent être considérées comme afférentes à une partie du salaire versé à un employé exerçant directement des activités de RS&DE. Si les activités exercées dans le cadre de ce projet constituaient des activités de RS&DE, les montants de 944 $ pour les salaires et de 446 $ pour les matériaux seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII, comme l’a concédé l’intimée.

2)  Projet B-10-05 : Développement d’un béton autoplaçant Ter‑C3

2.1  Description du projet

[90]  Ce projet s’inscrit dans une suite de démarches effectuées par BMQ pour améliorer ses mélanges de béton contenant du ciment ternaire, lesquels posent plusieurs problèmes, notamment en ce qui a trait à leur résistance à la compression. Selon monsieur Dubé, BMQ avait fourni du béton fabriqué avec le ciment ternaire fourni par le cimentier Lafarge afin d’effectuer une réparation sur le pont Champlain; cette réparation avait été très problématique en ce qu’il y avait ségrégation des intrants causant des problèmes d’adhérence du béton. Le client a ainsi requis que BMQ fournisse le béton pour refaire les réparations problématiques sur le pont Champlain.

[91]  Selon BMQ, ce projet a débuté par la modification d’un mélange de béton autoplaçant dans lequel le ciment ternaire du cimentier Lafarge a été remplacé par le ciment ternaire Ter‑C3 du cimentier Holcim.

[92]  Selon monsieur Dubé, l’obstacle rencontré dans ce projet résidait dans l’usage d’un ciment qui était nouveau pour BMQ et dans l’utilisation d’une pompe à béton, nécessaire pour le coulage du béton.

[93]  Cinq planches d’essai ont été effectuées sur le pont Champlain entre le 19 mars et le 14 avril 2009. La même formule de mélange a été utilisée, mais avec différents paramètres. La quantité des différents intrants a varié d’un essai à l’autre afin d’améliorer le mélange en diminuant les « variations » lors de sa mise en place.

[94]  Le mélange de béton fourni dans l’une des cinq planches d’essai a posé des problèmes quant à son adhérence à la surface sur laquelle il avait été coulé et quant à son homogénéité. Cet essai a été démoli.

[95]  BMQ a refait des tests sur le mélange préparé en laboratoire. Des échantillons pris sur le chantier ont aussi été testés par un laboratoire indépendant, qui a fait une batterie de tests permettant de vérifier le respect des normes. Cela a permis de constater que le remplacement du ciment ternaire n’avait pas réglé les problèmes rencontrés par BMQ avec ses mélanges contenant le ciment utilisé précédemment.

[96]  Par la suite, monsieur Dubé a changé la quantité d’agent colloïdal dans le mélange, car il présumait que cet agent colloïdal ayant pour effet d’augmenter la viscosité d’un mélange de béton et donc de limiter la séparation des intrants aurait également cet effet sur le mélange testé.

[97]  Des essais ont subséquemment été effectués sur des échantillons du mélange pour tester l’effet des vibrations et l’impact du procédé de coulée (par gravité ou par pilonnage) sur l’homogénéité du mélange. Pour recréer les conditions de pose du béton sur le chantier, la pompe à béton du client de BMQ a été utilisée pour couler le béton puisque BMQ n’en possédait pas. L’appelante a dû payer pour cet usage. De la ségrégation est demeurée présente dans le béton des échantillons testés, ce qui a fait conclure à monsieur Dubé que l’usage d’une pompe pour mettre en place le béton affectait l’efficacité des adjuvants contenus dans le mélange, ce qui causait la ségrégation. Il a aussi constaté que la résistance en compression du béton diminuait avec l’usage du nouveau ciment. Au final, BMQ a réussi à diminuer la ségrégation des intrants du mélange, sans toutefois parfaitement stabiliser le nouveau mélange. Toutefois, ce mélange a tout de même été utilisé pour faire les réparations sur le pont Champlain. Selon monsieur Dubé, le progrès technologique réalisé dans le cadre de ce projet est l’amélioration d’un produit qui était défaillant quant à la ségrégation.

[98]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, toutes les dépenses réclamées par BMQ en vertu de l’article 37 et prises en compte pour le calcul du CII relativement aux salaires, aux matériaux et aux sous‑traitants sont contestées par l’intimée. Ces dépenses totalisent 18 991 $, soit 7 705 $ pour les salaires, 1 569 $ pour les matériaux et 9 717 $ pour les frais de sous-traitants.

2.2  Thèses des parties

[99]  Selon l’appelante, une incertitude a été engendrée par la défaillance inattendue d’un produit combinée à la difficulté de recréer la réalité d’un chantier dans un laboratoire. Les travaux ont permis d’améliorer le produit défaillant et d’étudier l’impact de l’usage d’une pompe et des vibrations sur le mélange. Les activités constituent des activités de RS&DE puisqu’elles peuvent être qualifiées de travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[100]  De surcroît, l’appelante a expliqué que ce projet doit être analysé de manière globale avec les projets B-10-07, B-10-08 et B-10-09 ayant pour objectif commun de régler les problèmes posés par le ciment ternaire. Le progrès global dans le cas de ces projets consiste dans la compréhension, après les années en litige, que la quantité de cendres volantes présentes dans le ciment ternaire de ses fournisseurs était trop élevée, et dans la modification subséquente par le cimentier Holcim de son ciment pour refléter cette information.

[101]  Selon l’intimée, aucune incertitude technologique n’était présente puisque BMQ livrait le béton à des chantiers le même jour qu’elle échantillonnait, ce qui indique que le produit respectait les normes. Au surplus, la première planche d’essai a été réalisée à peine dix jours après le début de discussions concernant la reformulation du mélange. Aucune trace des modifications des dosages dans les mélanges ne se trouve ailleurs que dans le témoignage de monsieur Dubé, et il est impossible de déterminer si une telle activité a eu lieu quand le même numéro de mélange apparaît à des dates différentes. Selon monsieur Durban, dans le cadre de ce projet, BMQ a travaillé à trouver une solution au problème d’un mélange défaillant. Pour ces raisons, les activités exercées par BMQ ne sauraient être qualifiées d’activités de RS&DE.

2.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[102]  BMQ ne m’a pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE.

[103]  La preuve soumise par BMQ ne permet pas de constater une incertitude technologique spécifique ne pouvant être résolue par des procédures habituelles ou des études techniques courantes. La preuve a révélé qu’un problème était survenu lors de réparations antérieures effectuées sur le pont Champlain avec le béton fourni par BMQ. Toutefois, la preuve ne me permet pas de conclure que ce problème n’a pu être réglé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes.

[104]  En l’espèce, BMQ a tenté, en changeant de fournisseur et en ajoutant au mélange de béton des intrants conçus pour diminuer la ségrégation, plus particulièrement un agent colloïdal ayant pour effet d’augmenter la suspension des intrants dans le béton, d’améliorer un mélange qui se ségréguait. Les travaux portaient sur l’utilisation de procédés et d’ingrédients existants pour améliorer le mélange de béton. Il me semble que la résolution du problème était prévisible à l’aide des procédures habituelles et des études techniques courantes. Une activité de mise au point ne sera pas considérée comme une activité de RS&DE si elle ne vise pas à faire progresser les connaissances technologiques. En l’espèce, BMQ ne m’a pas convaincue qu’elle a fait progresser les connaissances technologiques dans le cadre de ce projet.

[105]  Également, BMQ ne m’a pas convaincue que les tests de vibration et les tests effectués avec la pompe s’écartaient de la pratique courante. La preuve est silencieuse quant à savoir si ces tests visaient simplement à éliminer une cause d’erreur.

[106]  De plus, la pose commerciale du béton le même jour que la prise d’échantillon soulève des doutes quant à savoir si BMQ était vraiment incertaine quant à l’atteinte des objectifs visés ou des résultats souhaités. En effet, le mélange a dû être qualifié préalablement par le MTQ. Conséquemment, il est difficile de prétendre qu’il y avait incertitude technologique à cet égard.

[107]  On ne peut toutefois nier que BMQ a acquis de nouvelles connaissances quant à l’interaction entre la pompe et les adjuvants et a éliminé une hypothèse quant à la cause de la mauvaise performance de ses bétons à base de ciment ternaire. Toutefois, l’acquisition de connaissances nouvelles ne suffit pas pour qualifier des activités d’activités de RS&DE lorsque des techniques et pratiques courantes sont utilisées, comme c’est le cas en l’espèce.

[108]  Les hypothèses n’ont pas été expressément formulées par BMQ, mais on pourrait déduire les suivantes : (1) l’ajout d’un agent colloïdal diminuera la ségrégation du mélange; et (2) une pompe et des vibrations créent de la ségrégation dans un mélange. De manière plus globale, en ce qui concerne le ciment ternaire, une hypothèse selon laquelle un ciment ternaire d’un fournisseur particulier améliorerait le mélange a été posée. BMQ ne m’a pas convaincue qu’elle avait utilisé la méthode scientifique dans le cadre de ce projet, vu l’utilisation d’une certaine forme de méthodologie basée sur l’essai-erreur pour trouver les causes de la défaillance sur les planches d’essai.

[109]  Tout comme dans les autres projets, aucun rapport détaillé n’a été préparé par BMQ, sauf le formulaire T661. Je peux toutefois inférer de la lecture des feuilles de temps, des notes manuscrites et des factures soumises en preuve que BMQ a tout de même présenté un genre de compte rendu.

[110]  Pour toutes ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE. J’en viens à la même conclusion en analysant ce projet de manière globale avec les projets B‑10‑07 et B‑10‑08. Toutefois, je ne vois pas en quoi le projet B‑10‑09 ferait partie de ce groupe de projets. J’y reviendrai ci-dessous.

b)  Les dépenses

[111]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire que je réponde à la question de la déductibilité des dépenses selon l’article 37 et de l’admissibilité de celles-ci aux fins du calcul du CII, vu ma conclusion que les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE, je conclus que, si les activités pouvaient être ainsi qualifiées, les dépenses indiquées ci‑dessous seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[112]  En ce qui concerne les matériaux, le montant de 1 569 $ de matériaux consommés dans le cadre d’activités de RS&DE serait une dépense déductible selon l’article 37 et admissible pour le calcul du CII.

[113]  En ce qui concerne les frais de sous-traitants, la facture de 7 500 $ établie par le client de BMQ pour l’usage de la pompe à béton contient la mention « travaux en date du 1er décembre 2009 », ce qui impliquerait qu’il aurait fallu plusieurs mois au client pour remettre la facture à BMQ, puisque les travaux dans le cadre de ce projet se sont terminés le 27 août 2009. Selon monsieur Dubé, l’entreprise avait attendu la fin de ses propres travaux sur le pont Champlain avant de lui envoyer la facture, même si le travail de BMQ avait cessé quelques mois auparavant. Cette explication de monsieur Dubé me semble peu plausible. Les seuls frais de sous‑traitants qui seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII sont les frais de laboratoire totalisant 2 216,80 $.

[114]  En ce qui concerne les montants pour dépenses de salaires, la Loi prévoit que la partie du traitement ou salaire des employés exerçant directement des activités de RS&DE qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant est déductible selon l’article 37 et admissible pour le calcul du CII.

[115]  Tout d’abord, monsieur Dubé, qui avait la responsabilité de compléter et de colliger toutes les informations pour les feuilles de temps, a témoigné qu’il arrondissait les heures. En effet, sur les feuilles de temps soumises en preuve par l’appelante on ne trouve aucune fraction d’heure.

[116]  L’intimée met en doute l’exactitude d’un grand nombre d’inscriptions sur les feuilles de temps et prend la position que BMQ a estimé le temps plutôt que d’indiquer le temps réellement passé à effectuer les activités en tant que telles. Plusieurs heures consacrées à l’analyse des résultats des tests et pour lesquelles la déduction d’un montant de salaire a été demandée sont contestées par l’intimée. Également, l’intimée soutient qu’il est curieux que les heures passées pour faire les planches d’essai varient d’un essai à l’autre, ce à quoi monsieur Dubé a répondu que l’accès au chantier était parfois restreint et pouvait être retardé. De même, l’intimée met en doute le fait que le 19 mars 2009 trois personnes aient passé huit heures à faire des essais sur le chantier, alors qu’une coulée avait été effectuée de manière commerciale le même jour à 13 h.

[117]  Dans le cadre de ce projet, 293 heures ont été comptabilisées et, à l’audience, l’appelante a convenu de réduire sa réclamation à 276 heures, ce qui correspond à des dépenses de salaire totalisant 7 705 $.

[118]  Sur ce nombre d’heures, 58 ont été comptabilisées pour des recherches bibliographiques et des discussions avec le client ainsi qu’avec le fournisseur de ciment. Je considère que les dépenses de salaire pour les heures passées par monsieur Bertrand et monsieur Dubé à faire des recherches bibliographiques et à discuter avec le client ainsi qu’avec le fournisseur de ciment seraient considérées comme des dépenses pour le salaire d’employés exerçant directement des activités de RS&DE.

[119]  En effet, ces discussions et ces recherches bibliographiques ont un impact direct sur les activités de RS&DE, dictant la conduite des essais et la formulation des mélanges testés. Les heures consacrées aux discussions avec les clients et les fournisseurs seraient considérées comme de la gestion du déroulement de la RS&DE, et donc comme se rapportant directement à des activités de RS&DE. Monsieur Bertrand a témoigné qu’il commençait souvent un projet par une discussion avec l’un de ses clients ou l’un de ses fournisseurs. Monsieur Bertrand et monsieur Dubé ont indiqué également que les heures consacrées à l’aspect commercial n’étaient pas incluses dans les réclamations en matière de RS&DE de BMQ. Puisque ces heures se rapportent directement au déroulement des activités de RS&DE, les dépenses de salaire y afférentes seraient donc déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[120]  En ce qui concerne les 96 heures passées à faire les planches d’essai, je considère qu’il est douteux que les heures consacrées aux planches d’essai varient d’un jour à l’autre. L’explication fournie par monsieur Dubé me semble peu plausible. De même, il est douteux que trois personnes aient passé huit heures à effectuer des essais le 19 mars 2009 sur un chantier où une coulée avait été faite de manière commerciale le même jour à partir de 13 h. Ainsi, il est raisonnable d’attribuer un total de 70 heures, soit 14 heures par essai, à cet élément, et les montants de salaire pour ces heures seraient donc déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII. La réclamation devrait être réduite d’un montant de 597,06 $.

[121]  Pour ce qui est des heures passées par les stagiaires (qui obtiendront leur certification ACI au cours de leur stage) et les techniciens ACI à participer à l’analyse de résultats, lesquelles, selon l’intimée, ne devraient pas être considérées relativement à la question des montants qui sont déductibles en vertu de l’article 37, monsieur Dubé a témoigné que, quand des résultats sont reçus, une réunion est convoquée avec les employés impliqués dans un projet, y compris les techniciens ACI, pour qu’on discute des causes possibles d’un échec; si les résultats sont satisfaisants, une réunion est également convoquée afin de tenir à jour les employés impliqués dans le projet. Je considère que les stagiaires et les techniciens ACI sont des employés exerçant directement des activités de RS&DE lorsqu’ils participent à l’analyse des différents résultats. Toutefois, la question se pose également de savoir si monsieur Dubé a effectivement consigné leurs heures réelles ou a plutôt fait une estimation de celles‑ci. Je considère que, vu le témoignage de monsieur Dubé selon lequel il arrondissait les heures, il est plus probable que le nombre d’heures indiqué a été surestimé.

[122]  Compte tenu de ma conclusion quant aux heures consacrées aux planches d’essai, le montant des dépenses déductibles pour salaires selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII totaliserait donc 7 108 $. Toutefois, je suis d’avis qu’il est raisonnable de conclure que 10 % des heures restantes consignées relativement au projet sont excessives vu que monsieur Dubé a reconnu qu’il arrondissait les heures sur les feuilles de temps. Je conclus qu’il faut en conséquence réduire les dépenses de salaire de 10 %. Ainsi, des dépenses pour salaires totalisant 6 397 $ seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

3)  Projet B-10-07 : Caractérisation du ciment Ter-C3

3.1  Description du projet

[123]  Ce projet a débuté en mars 2009, parallèlement au projet B‑10‑05. Tel qu’il est mentionné ci‑dessus, BMQ a décidé de changer de fournisseur de ciment ternaire pour utiliser le ciment Ter-C3 du cimentier Holcim, ce changement ayant été motivé par des problèmes de résistance à la compression constatés dans le cas du ciment ternaire utilisé auparavant par BMQ. Ce changement de fournisseur a fait en sorte que BMQ a dû tester ses mélanges contenant du ciment ternaire (autres que ceux testés dans le cadre du projet B‑10‑05) pour déterminer s’ils respectaient les normes de l’industrie et pour vérifier leur compatibilité avec la bétonnière mobile. BMQ a également reformulé ses mélanges de béton à l’aide de nombreuses discussions avec le fournisseur du ciment Ter-C3. Ce dernier a d’ailleurs effectué ses propres tests sur des mélanges de béton qui contenaient des intrants fournis par BMQ et qui ont été coulés en utilisant une bétonnière mobile de BMQ.

[124]  L’objectif de BMQ était donc de redévelopper de nouveaux mélanges avec le ciment Ter-C3 et de tester différentes formulations afin de vérifier si elles satisfaisaient aux normes applicables.

[125]  Des essais ont été effectués par BMQ à deux reprises sur les chantiers de deux clients différents. Le premier essai a eu lieu le 2 juin 2009 avec un mélange de mortier autoplaçant et le second a eu lieu le 18 juin 2009 avec un béton latex 5 %.

[126]  Les mélanges testés à ces dates ont aussi été installés sur les chantiers des clients le jour même, puisque les clients avaient demandé à BMQ de fournir du béton pour faire une réparation sur les chantiers. Monsieur Dubé a témoigné que les clients ignoraient que BMQ faisait des tests sur les mélanges. BMQ a profité du fait que l’équipement (la pompe fournie par les clients) était sur place pour effectuer les tests. Monsieur Dubé a admis que le béton à installer avait été préapprouvé quelques mois auparavant pour faire la réparation. Monsieur Dubé a également indiqué que l’usage d’une pompe était un paramètre que BMQ voulait tester sur ses mélanges de béton projetés – soit les mélanges qui sont mis en place avec une pompe –, mais que l’entreprise ne possédait pas de pompe; étant donné que la pompe des clients se trouvait déjà sur les chantiers, BMQ avait l’occasion de faire des tests en ce sens.

[127]  Les tests effectués ont permis de constater que la résistance des bétons était affectée par l’utilisation de ce nouveau ciment, comme dans le cas du ciment ternaire utilisé antérieurement au changement de fournisseur. Les tests ont aussi démontré que l’adjuvant superplastifiant utilisé par BMQ n’était plus aussi performant que par le passé.

[128]  Le formulaire T661 produit par BMQ indique que la reformulation de ses mélanges avec du ciment binaire est une solution envisageable, mais BMQ n’a pas fait de tests en ce sens. La description modifiée des projets de BMQ explique que le progrès dans ce projet se rapporte à l’hypothèse selon laquelle les ajouts cimentaires contenus dans le ciment affectent la stabilité des mélanges et que la modification de ces ajouts pourrait permettre de corriger le problème.

[129]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, l’intimée conteste l’admissibilité d’une partie des dépenses de salaire (2 573 $) et du coût des matériaux (344 $) dont la déduction est réclamée à titre de dépenses pour des activités de RS&DE. L’appelante, de son côté, n’a fait aucune admission quant à ces dépenses. L’intimée convient que des montants de 9 692 $ pour les salaires, de 1 079 $ pour les matériaux et de 3 844 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

3.2  Thèses des parties

[130]  Selon l’appelante, le projet a permis de mettre à l’épreuve plusieurs hypothèses concernant les résultats insatisfaisants d’un mélange et de déterminer que la substitution d’un ciment ternaire par un autre n’améliorait pas nécessairement les résultats. L’incertitude consistait en l’identification du ciment comme source potentielle des défaillances du béton. Le progrès réalisé par BMQ consiste en le fait que le nouveau ciment ternaire a une meilleure performance en laboratoire que celui utilisé précédemment. De plus, tel qu’il est indiqué ci‑dessus, l’appelante considère que les activités de caractérisation du ciment ternaire doivent être examinées en conjonction avec les projets B-10-05, B‑10‑08 et B‑10‑09. Les activités constituent des activités des RS&DE puisqu’elles sont des travaux de développement expérimental ayant été entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[131]  Selon le rapport de monsieur Durban, les travaux effectués sont standard et ne consistent qu’en une évaluation de la performance de produits existants. Aucun progrès n’aurait été réalisé puisque l’effet des ajouts cimentaires sur les propriétés du béton est une connaissance relevant du domaine public. Selon l’intimée, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet consistent en des essais de caractérisation en vue d’atteindre les normes, et de tels essais ne constituent pas des activités de RS&DE. Il est de pratique courante que des ajustements soient faits sur les mélanges lorsqu’il y a changement de fournisseur.

3.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[132]  Le fait de changer de fournisseur pour un intrant pourrait créer une incertitude quant à la performance des mélanges ainsi modifiés, mais les activités exercées par BMQ en l’espèce sont limitées à des tests standard et à quelques ajustements, ce qui me semble être un procédé courant dans l’industrie; ainsi, cette incertitude n’est pas une incertitude technologique aux fins de la Loi. De plus, BMQ ne m’a pas convaincue qu’il y avait incertitude technologique dans ce cas précis puisque BMQ a installé les mélanges testés sur les chantiers de ses clients avant même d’avoir reçu les résultats complets des tests de laboratoire; de même, monsieur Dubé a convenu que les mélanges ainsi testés avaient été préapprouvés pour l’installation sur les chantiers quelques mois auparavant.

[133]  Je suis d’avis que les travaux effectués dans le cadre de ce projet constituent des mises au point de divers mélanges. Selon la Circulaire, les travaux de mise au point ne sont pas admissibles à titre d’activités de RS&DE si ces travaux ne visent pas à faire progresser les connaissances technologiques (par. 2.13). Selon la jurisprudence, il doit y avoir progrès technologique pour qu’une activité soit qualifiée d’activité de RS&DE. Dans le cadre de ce projet, BMQ a appris que l’utilisation du nouveau ciment ternaire dans ses mélanges a eu pour résultat une diminution des résistances de ses mélanges, mais cette connaissance ne fait pas progresser la technologie. BMQ n’a pas déterminé la cause exacte de la baisse des résistances de ses mélanges de béton. L’entreprise a bien posé une hypothèse relativement à la composition du ciment, mais poser une hypothèse sans faire de tests en conséquence ne constitue pas un avancement technologique (Life Choice, précitée, par. 49).

[134]  Également, on ne peut conclure à un progrès technologique puisque BMQ n’a pas incorporé dans ses mélanges un intrant ayant une caractéristique nouvelle ou inconnue selon la pratique courante. Le ciment ternaire était un produit connu, dont les caractéristiques n’étaient pas nouvelles ou inconnues des experts dans ce domaine.

[135]  Dans le cadre de ce projet, des tests ont été effectués de manière scientifique par des laboratoires indépendants, mais la preuve ne m’a pas convaincue que les activités de reformulation subséquentes des mélanges ont consisté en une investigation systématique; ces activités semblent plutôt avoir été entreprises par la méthode d’essai‑erreur. BMQ a toutefois fourni les résultats des tests ainsi qu’une description de la chronologie des activités.

[136]  Pour toutes ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne constituent pas des activités de RS&DE. J’en viens à la même conclusion en analysant ce projet de manière globale avec les projets B‑10‑05 et B‑10‑08. J’y reviendrai ci-dessous.

b)  Les dépenses

[137]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire que je réponde à la question de la déductibilité des dépenses selon l’article 37 et de l’admissibilité de celles‑ci aux fins du calcul du CII vu ma conclusion que les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE, je conclus que, si les activités pouvaient être ainsi qualifiées, les dépenses indiquées ci‑dessous seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[138]  Tout d’abord, en ce qui concerne le coût des matériaux (344 $) pour les essais sur les chantiers des clients, contesté par l’intimée, je suis d’avis que ce montant représenterait des matériaux consommés dans le cadre d’activités de RS&DE et qu’il serait donc déductible selon l’article 37 et admissible pour le calcul du CII. En effet, monsieur Bertrand et monsieur Dubé ont témoigné que le coût des matériaux indiqué pour la réclamation de la déduction de dépenses de RS&DE ne comprenait pas celui des matériaux livrés aux clients. Également, ils ont indiqué qu’on avait profité des installations de leurs clients pour faire des essais. Leurs témoignages étaient crédibles à cet égard.

[139]  En ce qui concerne les dépenses de salaire (planification des travaux, essais, prises d’échantillons et analyses des résultats) engagées relativement aux essais effectués sur les chantiers des clients, de même que les salaires payés aux stagiaires et aux techniciens ACI relativement à l’analyse des résultats, ces dépenses seraient considérées comme des dépenses pour le traitement ou le salaire d’employés exerçant directement des activités de RS&DE. En effet, la planification des essais, les essais eux-mêmes, les prises d’échantillons et les analyses de résultats font partie intégrante de toute démarche de RS&DE. L’exécution d’un projet de RS&DE ne pourrait se faire sans la planification des essais. Ces activités ne concernent pas l’aspect non technologique des activités puisque c’est l’essence même des activités de RS&DE que de faire des essais et, au préalable, de planifier ces essais. De même, la participation des stagiaires et des techniciens ACI à ces activités, ainsi qu’à l’analyse des résultats, semble raisonnable. Par conséquent, les montants dont il s’agit seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[140]  Toutefois, la question se pose également de savoir si monsieur Dubé a effectivement consigné les heures réelles ou a plutôt fait une estimation des heures. Je considère que, vu le témoignage de monsieur Dubé selon lequel il arrondissait les heures, il est plus probable que le nombre d’heures (446 heures), correspondant à un total de 12 265 $, a effectivement été surestimé. Je conclus qu’il serait raisonnable de réduire de 10 % le montant de la déduction demandée.

[141]  Ainsi, des dépenses pour salaires totalisant 11 039 $ seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII, de même que des dépenses totalisant 1 423 $ pour les matériaux. Également, vu la concession faite par l’intimée, un montant de 3 844 $ pour les frais de sous-traitants représenterait des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

4)  Projet B-10-08 : Développement d’un béton type V avec le ciment Ter‑C3

4.1  Description du projet

[142]  Le projet B-10-08 a été lancé par BMQ après le début des projets B‑10‑05 et B‑10‑07, soit en avril 2009. BMQ a tenté de redévelopper son mélange de béton de type V visé par la norme 3101 du MTQ – soit un béton d’une résistance de 35 mégapascals contenant du ciment ternaire pour la réparation de structures – en remplaçant le ciment ternaire de son mélange existant par le ciment ternaire Ter‑C3 du cimentier Holcim. Le but du projet était de faire valider les mélanges pour atteindre les normes CSA.

[143]  Tout d’abord, BMQ a remplacé le ciment de son mélange existant par le ciment Ter-C3, sans changer les dosages, afin de déterminer s'il y aurait similarité quant à la performance des mélanges. En laboratoire, les résultats des tests étaient satisfaisants. BMQ a procédé à des tests à grande échelle sur des chantiers du pont Champlain lors de livraisons pour son client Aecon, et sur le chantier des routes à Berthier pour son client Chagnon, afin de déterminer si le mélange préparé dans la bétonnière mobile se comporterait comme celui fait au malaxeur en laboratoire. Ainsi, des échantillons ont été prélevés le même jour que celui où BMQ livrait le béton à ses clients. Des problèmes de faible résistance en compression sont apparus sur ces chantiers.

[144]  BMQ a voulu étudier les causes de la faible résistance. La pierre contenue dans le mélange a fait l’objet d’un test granulométrique afin de déterminer si la pierre était la cause, ce qui paraît ne pas avoir été le cas. Un carottage a été fait sur le chantier de Berthier pour confirmer les résultats et afin d’étudier les causes des faibles résistances. Huit carottes du béton installé ont été analysées par un laboratoire indépendant. À la suite de ces tests, monsieur Dubé a reformulé le mélange en augmentant le dosage de ciment puisqu’une plus grande quantité de ciment augmente généralement la résistance d’un béton. Cependant, même avec ces modifications, selon le témoignage de monsieur Dubé, les résistances du béton en compression demeuraient faibles ou encore le mélange devenait trop coûteux à produire.

[145]  Monsieur Dubé a témoigné avoir fait des tests en laboratoire avant de faire les tests à grande échelle. Après la tentative de modifier le dosage du ciment, monsieur Dubé a modifié un autre aspect de son mélange : les adjuvants. Il a décidé de faire des tests en remplaçant son adjuvant plastifiant par un plastifiant de nouvelle génération, ce qui a mené à une certaine amélioration du mélange sans toutefois permettre d’atteindre les résultats escomptés.

[146]  Monsieur Dubé a aussi mentionné avoir essayé de comparer l’effet du ciment ternaire dans son mélange de type V avec son effet dans des mélanges de béton latex et de béton autoplaçant. La déduction d’aucune dépense de salaire ou de matériel n’est réclamée en lien avec ces tests.

[147]  De son côté, le cimentier Holcim a fait ses propres tests sur trois mélanges pour observer l’évolution de la résistance à la compression au fil du temps. Les mélanges comportaient des variations du dosage de plusieurs éléments, notamment le ciment, l’adjuvant entraîneur d’air et l’adjuvant superplastifiant. L’adjuvant superplastifiant a aussi été remplacé par celui de nouvelle génération dans ces essais.

[148]  Monsieur Dubé a expliqué que BMQ a travaillé en collaboration avec Holcim dans le cadre de ce projet puisque le fournisseur avait lui-même un intérêt à développer des produits cimentaires performants. Les travaux de Holcim n’ont toutefois pas été faits pour le compte de BMQ, (il n’y a aucune facture de matériaux ou d’essais liée à ce projet), donc ils ne s’inscrivent pas dans le cadre du projet de BMQ.

[149]  BMQ n’a pas été en mesure de déterminer si les performances de son béton de type V étaient affectées par le ciment ou par les adjuvants utilisés. Cependant, les tests lui ont permis de constater que la teneur en air du béton était normale à l’état plastique, mais augmentait pendant son durcissement. Une haute teneur en air affecte négativement la résistance à la compression d’un béton.

[150]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, l’intimée conteste la très grande majorité des dépenses engagées par l’appelante pour les salaires, pour les matériaux et pour les sous‑traitants. L’intimée est d’avis que ces dépenses ne sont pas des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles dans le calcul du CII. Quelques dépenses ont été retirées par l’appelante, de sorte que les sommes en litige sont les suivantes : 11 741 $ en salaires, 1 425 $ en matériaux et 5 876 $ versés à des sous‑traitants. L’intimée convient que des montants de 1 417 $ pour les salaires, de 101 $ pour les matériaux et de 755 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

4.2  Thèses des parties

[151]  Selon l’appelante, les travaux effectués dans le cadre de ce projet, soit les tests en chantier des mélanges performants en laboratoire, ont permis d’éliminer plusieurs hypothèses pouvant expliquer les mauvaises performances des mélanges contenant du ciment ternaire, telles que l’influence du dosage du ciment et l’effet du plastifiant sur le mélange, bien que les travaux n’aient pas immédiatement porté fruit. L’appelante prétend que le progrès est la connaissance qu’elle a acquise que l’augmentation de la concentration de ciment et l’utilisation d’un plastifiant de nouvelle génération n’a pas permis d’augmenter la résistance des mélanges.

[152]  Tel qu’il est mentionné ci-dessus, l’appelante considère que les activités de développement de béton de type V avec du ciment Ter‑C3 doivent être examinées en conjonction avec les projets B‑10‑05, B‑10‑07 et B‑10‑09. Les activités constituent des activités des RS&DE puisqu’elles constituent des travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[153]  Selon l’intimée, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne constituent pas des activités de RS&DE. Puisque les produits installés sur un chantier doivent être approuvés à l’avance, BMQ doit être assez certaine qu’un mélange est conforme avant de le fournir pour que des réparations soient effectuées. De plus, l’installation du béton avant qu’il ne soit testé en laboratoire démontre qu’il s’agit de travaux ordinaires. BMQ ne fait qu’adapter ses mélanges et effectuer des essais. Les essais sont une suite de travaux de réparation sur des chantiers faits en fonction de contrats et non dans l’optique d’une investigation systématique.

4.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[154]  Dans le cadre de ce projet, la formule du mélange a été développée le 22 avril 2009; des tests à grande échelle ont été effectués sur le pont Champlain le 13 mai 2009 et les essais en laboratoire ont été effectués le 22 mai 2009. Entre le 13 et le 22 mai 2009, le béton installé sur le pont Champlain a été analysé. La preuve indique que le béton a été installé par BMQ avant que les résultats des tests en laboratoire ne soient connus. Selon les feuilles de temps déposées en preuve par l’appelante et selon le formulaire T661, les premiers tests effectués sur le chantier se sont déroulés avant les tests en laboratoire. Pour expliquer l’installation du béton avant la confirmation de sa performance par les résultats obtenus en laboratoire, monsieur Dubé a expliqué que BMQ voulait développer le nouveau mélange rapidement vu la problématique de ses mélanges à l’époque. Toutefois, monsieur Dubé a témoigné avoir fait des tests en laboratoire avant de faire les tests à grande échelle. Le témoignage de monsieur Dubé n’est pas clair et n’est pas conforme à la preuve documentaire produite à l’audience; donc, je n’y accorde aucune crédibilité.

[155]  Ainsi, je ne suis pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, une incertitude technologique qui ne pouvait être résolue par les procédures habituelles ou les études techniques courantes existait dans le cas de ce projet. En effet, BMQ a modifié l’un des intrants de son béton, soit le ciment ternaire, et a procédé à des essais à grande échelle avant d’avoir les résultats des tests de laboratoire. Cette façon de procéder indique l’absence d’incertitude technologique dans ce cas précis. Les modifications apportées au mélange semblent également avoir été faites selon des méthodes connues, soit : augmenter la quantité de ciment pour accroître la résistance en compression, discuter avec le fournisseur de béton pour faire état des problèmes rencontrés et des solutions envisagées, et modifier un plastifiant. Les essais ont démontré qu’un phénomène d’augmentation de la teneur en air du béton se produisait pendant le durcissement, mais BMQ n’en a pas établi la cause et, surtout, BMQ n’a pas cherché à en établir la cause. Je conclus donc qu’aucun progrès technologique n’a résulté de ce projet.

[156]  Pour ces motifs ainsi que ceux énoncés relativement au projet B‑10‑07, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne constituent pas des activités de RS&DE. J’en viens à la même conclusion en analysant ce projet de manière globale avec les projets B‑10‑05 et B‑10‑07.

[157]  Globalement, les activités exercées par BMQ dans le cadre des projets B‑10‑05, B‑10‑07 et B‑10‑08 sont la conséquence d’un changement de fournisseur de ciment ternaire. Même si j’examine globalement les trois projets, la présence d’une incertitude allant au‑delà de ce qui est résoluble par les études techniques courantes ou les procédures habituelles n’a pas été démontrée par BMQ selon la prépondérance des probabilités. En effet, je conclus qu’il s’agit de la mise à jour ou de la mise au point de produits effectuée par le truchement de tests standardisés et d’essais en chantier. Selon la Circulaire, une activité de mise au point sera admissible si elle vise à faire progresser les connaissances technologiques du contribuable (par. 2.13). En l’espèce, BMQ ne m’a pas convaincue que les activités ont fait progresser ses connaissances technologiques. BMQ a utilisé des techniques ou procédés courants généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine du béton pour mettre au point ses mélanges. Également, le progrès décrit par BMQ, soit la modification du ciment ternaire fourni par Holcim, n’a pas été démontré de manière suffisamment convaincante pour que l’on puisse déterminer s’il s’agit d’un avancement réalisé par BMQ ou bien par Holcim.

[158]  En ce qui concerne le projet B‑10‑09, que je vais examiner ci-dessous, je conclus qu’il n’y a pas de lien avec les projets B‑10‑05, B‑10‑07 et B‑10‑08, puisque le ciment utilisé dans les mélanges testés dans le cadre du projet B‑10‑09 n’est pas le ciment ternaire.

b)  Les dépenses

[159]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire que je réponde à la question de la déductibilité des dépenses selon l’article 37 et de l’admissibilité de celles‑ci aux fins du calcul du CII vu ma conclusion que les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE, je conclus que, si les activités pouvaient être ainsi qualifiées, les dépenses indiquées ci‑dessous seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[160]  Les seules dépenses admises par l’intimée sont une partie de celles engagées dans le cadre de la collaboration avec le fournisseur de ciment Holcim pour développer le mélange, faire des essais et prélever des échantillons en laboratoire et analyser les résultats. Selon l’intimée, l’ensemble des dépenses en lien avec des essais à grande échelle sur le pont Champlain et sur les routes à Berthier (y compris celles pour les salaires, les matériaux et les frais de sous‑traitants) ne sont donc pas considérées comme déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[161]  Compte tenu du fait que la preuve a démontré que les essais à grande échelle ont été effectués avant que les résultats des tests en laboratoire ne soient connus, je conclus que les dépenses refusées par l’intimée le sont à juste titre. Les activités sont plutôt des activités commerciales pour BMQ et ne devraient pas être incluses dans la réclamation de RS&DE. Également, je considère que, dans le cas de ce projet, les heures sont également surestimées à certains égards. Par exemple, le 13 mai 2009, trois personnes ont indiqué avoir passé huit heures chacune à faire des tests en matinée alors que la coulée commerciale a eu lieu à 13 h.

[162]  Pour ces raisons, vu la concession faite par l’intimée, des dépenses totalisant 1 417 $ pour les salaires, 101 $ pour les matériaux et 755 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

5)  Projet B-10-09 : Caractérisation d’un plastifiant de nouvelle génération

5.1  Description du projet

[163]  Ayant constaté dans le cadre du projet B‑10‑08, que l’adjuvant superplastifiant de nouvelle génération augmentait la résistance d’un mélange de béton défaillant, BMQ a décidé de modifier certains de ses mélanges de béton standard (c.‑à‑d. ne contenant pas de ciment ternaire) en remplaçant l’adjuvant superplastifiant s’y trouvant par celui de nouvelle génération. La décision a aussi été motivée par le fait que BMQ avait remarqué une baisse des résistances à la compression de ses bétons standard, quoique cela n’affecte pas sa capacité de fournir du béton respectant les normes.

[164]  Des tests ont été effectués sur trois mélanges au cours de cinq essais pour vérifier si ces mélanges respectaient toujours les normes après la modification de l’adjuvant superplastifiant. Un mélange a été ajusté une fois, mais testé trois fois avant qu’on atteigne des résultats satisfaisants. Les deux autres mélanges n’ont fait l’objet que d’un seul test puisqu’ils ont immédiatement répondu aux normes de l’industrie.

[165]  Un premier test a été effectué en laboratoire sur un mélange le 30 juin 2009. Les résultats du test ont été insatisfaisants et une modification du dosage des intrants a été effectuée. Un échantillon de ce mélange modifié a été prélevé le 31 juillet 2009 lors d’une coulée de béton chez un client de BMQ. Ce mélange a aussi été testé le 6 octobre 2009 chez un autre client puisque les températures plus fraîches de l’automne permettent généralement d’obtenir de meilleurs résultats, étant donné que le béton prend plus de temps à s’hydrater selon monsieur Dubé. Les tests ont effectivement donné de meilleurs résultats lors de ce troisième essai.

[166]  Deux autres mélanges ont été échantillonnés une fois chacun lors leur pose chez des clients le 20 août 2009 et le 6 octobre 2009 et ont immédiatement donné des résultats satisfaisants.

[167]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, l’intimée ne conteste aucune des dépenses dont la déduction est réclamée par BMQ, soit les dépenses de salaire (3 002 $), les dépenses de matériaux (494 $) et les frais de sous‑traitants (1 115 $). Ces dépenses seraient donc déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

5.2  Thèses des parties

[168]  Selon l’appelante, les tests effectués dans le cadre de ce projet ont permis de documenter l’impact positif du superplastifiant de nouvelle génération par rapport au produit alors utilisé par BMQ et d’améliorer les mélanges existants. L’absence d’amélioration dans le cas du béton à base de ciment ternaire a mené BMQ à revenir à l’hypothèse selon laquelle les problèmes découlaient de la composition de ce ciment.

[169]  Tel qu’il est mentionné dans l’analyse du projet B‑10‑05, l’appelante considère que les activités de caractérisation d’un adjuvant superplastifiant de nouvelle génération doivent être examinées en conjonction avec les projets B‑10‑05, B‑10‑07 et B‑10‑08. Ces activités constituent, selon elle, des activités de RS&DE puisqu’elles constituent des travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[170]  Selon l’intimée, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne visent qu’à caractériser des produits et ne démontrent aucune incertitude ni aucun progrès technologique. Les travaux entrepris par BMQ dans le cadre de ce projet sont des travaux de formulation standard et des travaux d’évaluation de la performance de produits commerciaux existants, et il n’y a eu dans le cas de ces travaux ni obstacle ni progrès technologique. Ainsi, les activités ne sauraient être qualifiées d’activités de RS&DE.

5.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[171]  La preuve a démontré que BMQ n’était pas certaine de l’effet qu’aurait le remplacement de l’adjuvant superplastifiant par l’adjuvant superplastifiant de nouvelle génération sur les mélanges de béton standard. Ce nouvel adjuvant superplastifiant n’avait jamais été utilisé par BMQ, sauf dans le cadre du projet B‑10‑08. Le but recherché par BMQ était d’optimiser ses formulations de béton standard pour que, dans les divers tests, celles-ci présentent les caractéristiques et atteignent les performances requises par les normes de l’industrie. BMQ devait donc rechercher le bon dosage d’intrants, y compris les adjuvants dans ses mélanges.

[172]  Toutefois, BMQ ne m’a pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, une incertitude technologique existait quant à l’effet de l’utilisation de l’adjuvant superplastifiant de nouvelle génération sur ses mélanges de béton standard. Auparavant, BMQ utilisait un adjuvant superplastifiant dont l’effet commençait à laisser à désirer. BMQ s’est donc tournée vers un adjuvant superplastifiant de nouvelle génération, dont l’effet était connu et documenté dans l’industrie, sauf que les dosages requis de cet intrant dans les divers mélanges devaient être vérifiés. Ainsi, je conclus que la résolution des problèmes de dosage était raisonnablement prévisible à l’aide des procédures habituelles ou des études techniques courantes.

[173]  L’appelante prétend également qu’il n’y avait pas de données disponibles quant à la compatibilité du nouvel adjuvant superplastifiant avec les différents types de ciment. Toutefois, je conclus que, dans le cadre de ce projet, BMQ a fait une collecte de données qui ne peut être qualifiée d’activité de RS&DE puisqu’elle n’a pas été faite à l’appui d’activités constituant par ailleurs des activités de RS&DE (paragraphe 248(1) – alinéa d) de la définition d’activités de RS&DE). BMQ a reformulé ses divers mélanges de béton standard en remplaçant l’adjuvant superplastifiant de vieille génération par un adjuvant superplastifiant de nouvelle génération dont l’effet chimique était connu. Je suis convaincue que BMQ était assez certaine que l’emploi de l’adjuvant superplastifiant de nouvelle génération allait permettre d’atteindre les objectifs visés. BMQ n’a pas cherché à comprendre pourquoi l’ancien adjuvant superplastifiant n’avait plus l’effet désiré, ou encore à connaître les causes de la différence de performance entre les deux produits. Je ne suis pas convaincue qu’un progrès technologique a été réalisé dans le cadre de ce projet.

[174]  L’alinéa f) de la définition d’activités de RS&DE au paragraphe 248(1) prévoit explicitement que les activités consistant à faire du contrôle de qualité ou la mise à l’essai normal des matériaux ou produits ne constituent pas des activités de RS&DE. La preuve a démontré que ce projet consistait à faire valider les bétons standard par l’utilisation d’un nouvel adjuvant superplastifiant. Je ne vois pas de progrès technologique qui a été réalisé dans le cadre de ce projet, vu que BMQ n’a fait que changer dans son béton un intrant dont l’effet était connu et documenté. BMQ ne devait que déterminer la quantité requise de cet intrant dans ses divers mélanges de béton.

[175]  Toutefois, je reconnais que BMQ a posé une hypothèse, à savoir que l’adjuvant superplastifiant de nouvelle génération permettrait d’obtenir une meilleure performance des mélanges de béton de BMQ, et que, par l’utilisation de tests effectués de manière scientifique par des laboratoires indépendants, la méthode scientifique a été suivie. De même, certaines variables des mélanges ont été modifiées selon les résultats obtenus, bien que la preuve ne soit pas claire quant à la quantité des divers intrants utilisés. Également, la preuve a démontré que divers essais avaient été effectués.

[176]  Les activités exercées par BMQ consistaient donc à valider ses mélanges aux fins des normes de l’industrie et à les mettre au point, ce qui en l’espèce ne constitue pas des activités de RS&DE.

b)  Les dépenses

[177]  Puisque l’intimée ne conteste pas le montant des dépenses réclamées par l’appelante, si j’avais conclu que les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet pouvaient être qualifiées d’activités de RS&DE, les dépenses de salaire totalisant 3 002 $ et de matériaux totalisant 494 $ ainsi que les frais de sous‑traitants totalisant 1 115 $ seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

6)  Projet B‑10‑12 : Développement d’un béton caverneux à haute teneur en vide

6.1  Description du projet

[178]  Les activités de ce projet se sont déroulées conjointement avec les activités de deux autres projets, soit le projet B‑10‑11 (béton drainant), accepté en partie dans le cadre de la vérification, et le projet B‑10‑10 (béton compacté au rouleau ou BCR), rejeté au stade de la vérification. L’appelante s’est désistée de son appel à l’égard de ce projet au cours de l’audience.

[179]  La Ville de Laval, où les locaux de BMQ sont situés, demandait depuis plusieurs années que le stationnement de l’entreprise soit pavé. Également, selon les demandes de la ville, le rejet des eaux pluviales dans les égouts devait être limité.

[180]  BMQ a donc entrepris de faire paver une partie de son terrain situé à l’avant de son commerce avec deux types de béton, soit le BCR et le béton drainant, en dessous desquels BMQ avait fait installer une couche de béton caverneux comportant une teneur en vide de 35 %. Le béton caverneux renferme également un système de drainage des eaux conçu par BMQ, soit un réseau de drains perforés permettant de capter les eaux pluviales. La sous-couche de béton caverneux installé sur toute la superficie du stationnement agit ainsi comme un bassin de rétention des eaux.

[181]  Un béton caverneux est un béton qu’on appelle aussi « béton popcorn » vu son apparence très poreuse. Plus le pourcentage de vide du béton caverneux est élevé, plus il est en mesure de retenir une grande quantité d’eau. Selon monsieur Bertrand, le béton caverneux est un produit qui existait dans la littérature, mais il n’était visé par aucune norme. Toutefois, le pourcentage de vide d’un tel béton était limité et se situait à entre 12 % et 30 %. BMQ a choisi d’utiliser un béton caverneux ayant un pourcentage de vide de 35 % afin de pouvoir installer une couche moins épaisse et donc plus économique, et afin de pouvoir retenir une quantité d’eau équivalente.

[182]  Selon monsieur Bertrand, le système de drainage installé dans le béton caverneux est innovateur puisqu’il permet de retenir les eaux et non seulement de faire écouler les eaux; le système permet également de faire retourner l’eau au sol au lieu de l’envoyer dans les égouts de la municipalité. Ce système ne pouvait être testé en laboratoire et demandait que des tests soient faits sous des conditions climatiques réelles. Il s’est avéré que ce système fonctionnait, selon monsieur Bertrand.

[183]  Tel qu’il est mentionné ci-dessus, ce type de béton, bien qu’il soit connu, n’était visé par aucune norme. Des tests auraient tout de même été effectués sur le béton vers le 15 juillet 2009, selon monsieur Bertrand, afin d’obtenir un mélange comportant 35 % de vide, bien qu’aucune mention de ces tests ne soit faite sur les feuilles de temps.

[184]  Dans le cadre du projet B‑10‑11 (béton drainant), l’Université de Waterloo a fait installer des sondes qui mesuraient l’humidité dans le béton drainant; ces sondes étaient installées dans le béton de surface (béton drainant), dans le béton caverneux sous le béton drainant et dans le sol meuble sous le béton caverneux. Les sondes permettaient de mesurer la percolation de l’eau dans ces trois couches. Selon monsieur Bertrand, la surface du stationnement utilisé aux fins de l’expérience du béton drainant était d’environ 3 000 à 4 000 pieds carrés (sur environ 20 000 pieds carrés).

[185]  L’excavation du terrain de BMQ précédant l’installation du béton a été faite par des sous‑traitants. BMQ a fourni le béton caverneux, mais la pose du béton et du système de drains a été effectuée par un sous‑traitant, Demix Construction. Ces travaux se sont déroulés en deux phases pour ne pas entraver les activités de BMQ. La première phase a eu lieu les 22 et 23 juillet 2009 et la deuxième phase, le 13 août 2009.

[186]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, l’intimée ne fait aucune admission quant à l’admissibilité des dépenses de salaire et de matériaux et des frais de sous‑traitants engagés dans le cadre de ce projet. L’appelante a diminué le montant de sa réclamation en retirant notamment les salaires versés à ses employés à l’égard des discussions avec des représentants de la ville de Laval. L’appelante réclame, en vertu de l’article 37 et pour le calcul du CII, une déduction pour des dépenses totalisant 97 007 $ se détaillant comme suit : 20 340 $ pour les salaires, 18 159 $ pour les matériaux et 58 508 $ pour les frais de sous‑traitants.

6.2  Thèses des parties

[187]  Selon l’appelante, le projet a permis de développer un béton caverneux ayant une teneur en vide de 35 %, ce qui n’existait pas auparavant. Ce produit a été créé dans l’optique de retenir l’eau au lieu de simplement la laisser s’écouler comme c’était habituellement le cas. Ce projet est une partie intégrante du projet de béton drainant.

[188]  L’appelante a fait référence à un rapport préparé par une candidate au doctorat à l’Université de Waterloo (Vimy Henderson), qui a entrepris le projet sur le béton drainant (pièce I‑1, onglet 8). Selon ce rapport, maintenir une teneur en vide de 35 % dans le béton caverneux était essentiel à ce projet.

[189]  Pour l’appelante, les activités constituent des activités de RS&DE puisqu’elles constituent des travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique, de même que des travaux de recherche appliquée entrepris dans l’intérêt de l’avancement de la science.

[190]  Selon l’intimée, le béton caverneux n’est pas un béton qui peut être installé à l’aide d’une bétonnière mobile. Ainsi, BMQ n’avait pas d’intérêt à développer un tel produit. Le pourcentage de vide de 35 % au lieu de 30 % aurait été choisi simplement pour pouvoir installer une couche plus mince et ainsi diminuer les coûts. De plus, il n’y a pas véritablement de progrès ou d’avancement du seul fait de l’augmentation du pourcentage de la teneur en vide dans un produit existant. Également, il n’est pas raisonnable de considérer l’ensemble du stationnement de BMQ comme étant une planche d’essai. Seule une petite partie du béton caverneux a été instrumenté, c’est-à-dire celle installée sous le béton drainant, qui ne couvre qu’une petite partie du stationnement (15 % à 20 % de la superficie). Selon monsieur Durban, l’instrumentation posée dans le cadre du projet portant sur le béton drainant avait pour but de vérifier l’efficacité et le comportement du béton drainant et non pas celui du béton caverneux. L’instrumentation du béton caverneux n’était nécessaire que pour s’assurer de mesurer correctement le passage de l’eau dans le béton drainant. Finalement, l’absence d’incertitude technologique est aussi démontrée par le fait que la ville de Laval a accepté les plans fournis par un ingénieur qui indiquaient avant même que les travaux ne soient effectués, que les travaux respecteraient les exigences de rétention d’eau de la ville, et cet ingénieur a également confirmé la conformité des travaux après la réfection du stationnement. Ainsi, les activités ne sauraient être qualifiées d’activités de RS&DE.

6.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[191]  BMQ ne m’a pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il y avait une incertitude technologique ou scientifique dans le cas de ce projet, puisque les connaissances scientifiques ou technologiques existantes ont permis à BMQ d’atteindre les objectifs du projet. De même, BMQ ne m’a pas convaincue qu’il y avait eu progrès scientifique ou technologique.

[192]  L’absence d’incertitude technologique ou scientifique est démontrée par le fait que le plan du stationnement proposé par BMQ a été approuvé par un ingénieur et par la ville de Laval avant même que les travaux ne soient entrepris et sans autres démarches de la part de BMQ. Ainsi, BMQ a dû être convaincue que les objectifs seraient atteints et que la solution du béton caverneux était viable. Également, je conclus que la probabilité que les objectifs visés par BMQ seraient atteints était prévisible en l’espèce compte tenu des pratiques courantes de l’industrie.

[193]  De plus, je conclus que la création d’un béton caverneux à teneur en vide de 35 % était le résultat de pratiques courantes dans l’industrie. Monsieur Bertrand a témoigné que des tests avaient été effectués pour créer le béton caverneux à 35 %. Toutefois, la preuve documentaire produite à l’audience ne fait référence à aucun test ou analyse. Également, sur le formulaire T661 il est question d’un béton caverneux à 30 %. Questionné à ce sujet à l’audience, monsieur Bertrand a indiqué que le projet avait évolué dans le temps. Toutefois, cette réponse est peu plausible puisque le formulaire T661 est déposé auprès de l’ARC après la fin des travaux. De plus, dans le rapport préparé par la candidate au doctorat de l’Université de Waterloo (Vimy Henderson), qui a entrepris le projet sur le béton drainant (pièce I‑1, onglet 8), il est indiqué que, de façon usuelle, le béton caverneux a une porosité de 30 à 40 %. La preuve n’a pas démontré qu’il y a eu amélioration des caractéristiques du béton caverneux dans le cadre de ce projet. En effet, ce produit existait déjà dans l’industrie.

[194]  Dans son argumentation, l’appelante s’est référée au rapport préparé par Vimy Henderson, selon lequel maintenir un vide de 35 % dans le béton caverneux était essentiel à ce projet, pour faire valoir que les activités constituaient des activités de RS&DE. Toutefois, le passage en question du rapport me semble parler plutôt du fait que les données sur le béton drainant auraient pu être faussées par un mauvais fonctionnement du béton caverneux et il ne vient donc pas appuyer l’argument de l’appelante.

[195]  Selon BMQ, le progrès ou l’avancement dans le cadre de ce projet consistait en la compréhension de la performance du béton caverneux lorsqu’il est accompagné d’autres bétons et utilisé selon différentes configurations. Sur le formulaire T661, on mentionne l’amélioration du taux d’infiltration des eaux pluviales dans le sol d’origine, la réduction du taux maximum et du volume des eaux pluviales envoyées au réseau municipal ou, par ruissellement, aux rivières, l’installation d’une fondation par « paveuse » de manière à permettre l’installation de béton caverneux contenant 30 % de vide, et l’installation de béton drainant, également par « paveuse ». Toutefois, l’instrumentation installée par l’Université de Waterloo était destinée à mesurer la perméabilité du béton drainant et cette instrumentation n’a été installée que dans la partie du stationnement dont la surface était faite de béton drainant, soit de 15 % à 20 % de la superficie totale. BMQ ne m’a pas convaincue qu’elle a pu accroître ses connaissances relatives au béton caverneux dans le cadre de ce projet.

[196]  BMQ devait aussi être convaincue que les objectifs seraient atteints puisque le béton caverneux a été installé en sous-couche du béton drainant et du BCR, sans possibilité d’y avoir accès.

[197]  Je ne suis pas convaincue que la méthode scientifique ait été suivie dans le cadre de ce projet. En effet, un essai à grande échelle a été effectué directement sans qu’aucun test préalable de la moindre envergure n’ait été fait. Des observations ont été effectuées à l’aide de l’instrumentation installée par l’Université de Waterloo, mais seulement sur la partie du stationnement couverte par le béton drainant. Pour le reste, les observations semblent surtout avoir été réalisées visuellement. De même, la documentation produite par BMQ concerne surtout l’approbation des travaux par la ville et les étapes de l’installation du béton. BMQ a accepté de retirer sa demande de déduction pour l’ensemble des dépenses relatives aux heures consacrées à l’analyse de résultats, ce qui semble indiquer que l’analyse de la performance du système de drainage était principalement visuelle.

[198]  Ainsi, pour ces raisons, les activités exercées par BMQ ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE puisque, notamment, on n’a pas satisfait aux critères de l’incertitude technologique ou scientifique et du progrès technologique ou scientifique.

[199]  L’argument de l’appelante selon lequel je devrais considérer ce projet comme faisant partie du projet portant sur le béton drainant ne vient pas modifier ma conclusion. BMQ n’a pas réussi à démontrer selon la prépondérance des probabilités en quoi la combinaison du béton drainant et du béton caverneux créait une incertitude technologique ou scientifique et en quoi il y aurait eu progrès technologique ou scientifique à cet égard. En effet, les connaissances nouvelles décrites dans le rapport de Vimy Henderson se rapportent presque exclusivement au béton drainant.

b)  Les dépenses

[200]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire que je réponde à la question de la déductibilité des dépenses selon l’article 37 et de l’admissibilité de celles‑ci aux fins du calcul du CII vu ma conclusion que les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE, je conclus que, si les activités pouvaient être ainsi qualifiées, les dépenses indiquées ci‑dessous seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[201]  Les dépenses en litige comprennent des salaires totalisant 20 340 $ pour les heures des employés consacrées à la conception du système de drainage, à la préparation des plans, à l’excavation et au nivellement du terrain, à l’inspection et à la surveillance des travaux, ainsi qu’à l’installation du béton caverneux et du reste du système de drainage. Les dépenses pour matériaux dont la déduction a été réclamée totalisent 18 159 $ et les frais payés aux sous‑traitants totalisent 58 508 $.

[202]  Selon l’intimée, le montant de 97 007 $ dont la déduction a été réclamée par BMQ ne constitue ni une dépense courante de RS&DE selon l’alinéa 37(1)a) ni une dépense en capital de RS&DE selon l’alinéa 37(1)b). Le béton caverneux servait quotidiennement à BMQ à des fins autres que des activités de RS&DE en ce qu’il lui permettait de bénéficier d’une aire de circulation et de stationnement pavée respectant les exigences de la municipalité. Également, cette dépense n’est pas une dépense courante mais plutôt une dépense en capital procurant un avantage durable à BMQ. Selon l’intimée, les conditions permettant la déduction de dépenses en capital de RS&DE ne sont pas remplies en l’espèce.

[203]  Les dépenses de 20 340 $ en lien avec les salaires des employés pour la conception du système de drainage, la préparation des plans, l’excavation et le nivellement du terrain, l’inspection et la surveillance des travaux ainsi que l’installation du béton caverneux et du système de drainage pourraient être qualifiées de dépenses courantes visées à l’alinéa 37(1)a) et à la subdivision 37(8)a)(ii)(B)(IV) puisque ces travaux seraient considérés comme des activités de RS&DE proportionnelles au projet de RS&DE et servant à les appuyer directement, selon l’alinéa d) de la définition d’activités de RS&DE au paragraphe 248(1). Ces dépenses de salaires pourraient également être admissibles pour le calcul du CII. Toutefois, je considère que, vu le témoignage de monsieur Dubé selon lequel il arrondissait les heures, il est plus probable que le nombre d’heures a effectivement été surestimé. Je conclus qu’il serait donc raisonnable de réduire de 10 % la réclamation pour les salaires. Ainsi, des dépenses pour salaires totalisant 18 306 $ seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[204]  Le coût des matériaux, totalisant 18 159 $, inclut le béton caverneux (11 061 $), le béton pour la réparation de la dalle existante (1 578 $), des agrégats (3 865 $), le béton pour le rehaussement du mur de soutènement (405 $), de l’acier d’armature (170 $) et d’autres montants totalisant 1 080 $. Je suis d’accord avec l’intimée pour dire qu’il ne s’agirait pas de dépenses courantes pour du matériel consommé dans le cadre d’activités de RS&DE (subdivision 37(8)a)(ii)(B)(V)). En effet, ce matériel ne peut être considéré comme ayant été consommé dans le cadre d’activités de RS&DE, et les dépenses s’y rapportant ne peuvent être déduites en vertu de l’alinéa 37(1)a).

[205]  Je dois toutefois déterminer si le coût des matériaux pourrait être considéré comme une dépense en capital visée à l’alinéa 37(1)b) qui est admissible pour le calcul du CII si elle est visée au sous-alinéa 37(1)b)(i). J’y reviendrai ci‑dessous.

[206]  Les frais de sous‑traitants totalisant 58 508 $ comprennent les frais de Dessau pour le design (6 361 $), les frais de Demix pour l’excavation et l’installation du béton et des drains (48 398 $), les frais de laboratoire de Construction 2000 (630 $), les frais de Paramount pour le rehaussement du mur de soutènement (2 304 $) et les frais de consultation de Filiatrault McNeil (815 $). L’intimée prend la position qu’il ne s’agirait pas de dépenses courantes pour des activités de RS&DE. Je suis d’accord avec l’intimée puisque l’aménagement du stationnement procure un avantage durable à BMQ et ne peut donc être considéré comme ayant entraîné des dépenses de nature courante. Je dois toutefois déterminer si les frais de sous-traitants pourraient être considérés comme des dépenses en capital visées à l’alinéa 37(1)b) et admissibles pour le calcul du CII.

[207]  Tout d’abord, l’alinéa 37(1)b) prévoit que les montants déductibles à titre de dépense en capital sont ceux qui constituent « une dépense en capital […] faite […] quant à des biens […] qui seraient […] des biens amortissables du contribuable ». La qualification d’une dépense selon l’article 37 se fait selon les principes généraux servant à distinguer les dépenses courantes des dépenses en capital.

[208]  En l’espèce, la preuve a démontré que le stationnement de BMQ n’était pas pavé lors de la pose de la sous‑couche de béton caverneux. L’amélioration durable d’un bien est normalement considérée comme entraînant une dépense en capital. Ainsi, je suis d’avis que les frais de sous‑traitants de même que les coûts des matériaux peuvent être qualifiés de dépenses en capital selon les principes généraux applicables.

[209]  Puisque BMQ a fait le choix de la méthode de remplacement, la dépense en capital visée à l’alinéa 37(1)b) est limitée à une dépense en capital décrite à la subdivision 37(8)a)(ii)(B)(III). Cette subdivision prévoit qu’une dépense en capital est une dépense en capital pour la fourniture de locaux, d’installations ou de matériel qui, au moment où la dépense est engagée, répond à l’une des conditions suivantes :

  1. Ils sont censés être utilisés, pendant la totalité ou presque de leur temps d’exploitation au cours de leur vie utile, dans le cadre d’activités de RS&DE;

  2. La totalité ou presque de leur valeur est censée être consommée dans le cadre d’activités de RS&DE.

[210]  Selon l’intimée, puisque le béton caverneux est utilisé quotidiennement par BMQ, dans le cadre de l’exploitation de son entreprise, comme sous-couche d’une aire de stationnement et d’une allée de circulation et que le béton caverneux n’aurait pas été rendu inutilisable par les activités de RS&DE, ces conditions ne sont pas remplies. Je suis d’accord avec l’intimée. Ces dépenses ne peuvent donc pas être déduites par BMQ à titre de dépenses en capital de RS&DE selon l’alinéa 37(1)b).

[211]  Également, l’intimée est d’avis que ces montants ne peuvent être inclus dans le compte de dépenses admissibles de recherche et de développement (par. 127(9)) aux fins du calcul du CII. Je suis d’accord avec l’intimée. Tout d’abord, tel qu’il a été conclu ci-dessus, ces montants ne sont pas déductibles selon l’alinéa 37(1)b). Également, ce sont des dépenses qui ne peuvent être qualifiées de dépenses relatives à des activités de RS&DE et de dépenses affectées à du matériel à vocations multiples, puisque le stationnement n’est pas un bien amortissable utilisé principalement dans un contexte d’activités de RS&DE. En effet, tel qu’il a été mentionné précédemment, le béton caverneux sert quotidiennement à titre de sous-couche de l’aire de stationnement de BMQ.

[212]  Pour ces raisons, seules des dépenses pour des salaires totalisant 18 306 $ seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

7)  Projet B-10-18 : Développer un mortier autoplaçant léger pour bétonnière mobile

7.1  Description du projet

[213]  Ce projet est une tentative par BMQ de développer un mortier autoplaçant léger pour bétonnière mobile. Ce produit était déjà existant pour les bétonnières classiques. Toutefois, vu la plus grande flexibilité de la bétonnière mobile, un client de BMQ a demandé que l’entreprise développe un tel produit pour bétonnière mobile. Ainsi, BMQ devait développer un mortier qui pouvait être coulé entre des conduites d’égouts pluviaux déjà en place et de nouvelles conduites, et ce, sans les déformer.

[214]  Un mortier diffère d’un béton en ce qu’il ne contient pas de pierres. Le terme « autoplaçant » implique une grande fluidité – c’est-à-dire la capacité de se répandre par le seul effet de la gravité – alors que le terme « léger » signifie une faible masse volumique, soit une teneur élevée en air dans le mélange. La teneur en air recherchée pour le mélange dans le cadre de ce projet était de 20 %, mais il était aussi nécessaire que la résistance du mortier à la compression soit d’au moins 20 mégapascals.

[215]  Ce projet a débuté le 2 novembre et s’est terminé le 7 décembre 2009. Dans le cadre de ce projet, BMQ n’a pas fait de tests de laboratoire avant de faire les tests à la bétonnière mobile puisque, comme l’a expliqué monsieur Dubé, le malaxeur utilisé en laboratoire chez BMQ fonctionne selon le même principe que celui de la bétonnière classique. Il était donc clair pour monsieur Dubé que, pour ce qui est des tests de laboratoire, le mélange respecterait les exigences fixées par le client puisque ce produit existait déjà pour les bétonnières classiques.

[216]  BMQ a testé plusieurs mélanges en tentant de modifier successivement les adjuvants (entraîneur d’air et agent moussant existant sur le marché) et la teneur en ciment d’un mélange de mortier standard. Des tests de teneur en air, de température, d’étalement et de résistance à la compression ont été faits sur les mélanges dans le cadre de ce projet. Les résultats des tests démontraient une teneur en air variant de 12 % à 15 %; ces résultats étaient donc inférieurs aux critères exigés par le client.

[217]  Devant ces essais infructueux, des employés de BMQ ont travaillé à la conception d’un équipement pour faire mousser d’avantage le mélange par l’injection d’air comprimé. Ils se sont inspirés d’un équipement conçu pour les bétonnières classiques mais qui ne pouvait être installé sur une bétonnière mobile. BMQ a refait les tests, mais sans plus de succès.

[218]  Le projet a été infructueux puisque BMQ n’a pas réussi à obtenir une teneur en air de 20 % pour le mélange. En effet, malgré les ajustements au mélange et l’usage de l’équipement conçu par les deux employés de BMQ, il n’était pas possible d’augmenter la teneur en air du mélange.

[219]  À ce jour, le produit que BMQ a tenté de concevoir n’existe toujours pas. Ce projet n’a pas été repris depuis ce temps.

[220]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, le désaccord des parties ne subsisterait qu’en ce qui concerne les salaires dont la déduction est réclamée par BMQ, lesquels totalisent 1 710 $ et se rapportent essentiellement aux 34 heures consacrées à des recherches bibliographiques pour trouver des produits et des équipements moussants ainsi qu’à certaines discussions entre monsieur Bertrand et monsieur Dubé pour le développement des mélanges, qui ont eu lieu entre le 7 novembre et le 20 novembre 2009. L’intimée convient que des montants totalisant 2 202 $ pour les salaires, 427 $ pour les matériaux et 360 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

7.2  Thèses des parties

[221]  Selon l’appelante, les produits et les équipements existants n’étaient pas conçus pour la bétonnière mobile. L’incertitude consistait en l’absence de données existantes quant à la capacité de la bétonnière mobile de produire le mortier en question et en l’absence d’équipement moussant qui serait adapté à la bétonnière mobile. Les travaux ont permis à BMQ d’acquérir de nouvelles connaissances sur les limites quant à la capacité des adjuvants moussants et d’une bétonnière mobile de produire des mélanges à haute teneur en air. Le projet a aussi permis de déterminer que la source de ces limites était le procédé de malaxage de la bétonnière mobile. Ces activités constituent donc des activités de RS&DE puisqu’elles peuvent être qualifiées de travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[222]  Selon l’intimée, les activités exercées par BMQ ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE vu que le tout ne semble pas compliqué. En effet, en moins de trois semaines, l’équipement a été conçu et le mélange a été produit. Selon monsieur Durban, BMQ ne s’est pas écartée des méthodes standard en utilisant un adjuvant moussant et un adjuvant entraîneur d’air dont les caractéristiques consistent justement à générer de l’air dans un mélange. L’ajout d’air au moyen de cet équipement conçu pour ajouter de l’air avait aussi un résultat prévisible, soit l’augmentation de la teneur en air.

7.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[223]  En l’espèce, la preuve a démontré que les activités exercées par BMQ n’étaient pas des travaux courants de mise au point, puisque ce que demandait son client ne pouvait pas être produit dans le cadre des bétonnières mobiles, mais seulement dans le cadre des bétonnières classiques.

[224]  La preuve a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’une incertitude technologique était présente dans le cas de ce projet. BMQ était dans l’impossibilité de prévoir si l’expérience ou les connaissances généralement disponibles ou les pratiques courantes permettraient de répondre aux critères exigés par son client. Les objectifs fixés par le client étaient atteignables par l’utilisation d’une bétonnière classique, mais il était impossible à BMQ de prévoir s’ils seraient atteints au moyen de la bétonnière mobile. L’incertitude existait relativement à la fabrication d’un produit de mortier très léger ayant 20 % d’air et pouvant être installé dans les conduites d’égouts pluviaux sans déformer les anciennes conduites. La preuve a démontré qu’aucune donnée n’existait quant à la capacité de la bétonnière mobile de produire un tel mortier. La preuve a également démontré qu’une bétonnière mobile mélange les intrants moins longtemps et avec une force moindre que les bétonnières classiques, ce qui fait en sorte qu’il est plus difficile d’obtenir une haute teneur en air dans un mélange.

[225]  BMQ cherchait également à réaliser un progrès technologique, bien qu’elle n’ait pas été capable de répondre aux critères exigés par son client. En effet, le progrès aurait consisté en l’incorporation dans un mélange de mortier produit au moyen d’une bétonnière mobile d’une caractéristique, soit la teneur en air de 20 %, difficile, voire impossible, jusque-là, à atteindre dans la pratique courante. Le fait que ce projet n’ait pas apporté le produit désiré ne vient pas exclure les activités de la définition d’activités de RS&DE. Tel que l’a indiqué monsieur Dubé, BMQ a acquis certaines connaissances en ce qui concerne la limite de l’énergie de malaxage de la bétonnière mobile et les effets du temps limité de malaxage de celle‑ci sur les mélanges de béton/mortier.

[226]  Selon l’intimée, vu que les employés de BMQ n’ont mis que quelques heures à adapter pour la bétonnière mobile un équipement conçu pour les bétonnières classiques, ce ne pouvait être si compliqué, et que cela indique que les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE. Je ne vois pas comment le critère de la difficulté ou de la facilité à faire quelque chose peut être pertinent aux fins de la qualification d’une activité de RS&DE. La preuve a démontré que les deux employés de BMQ ont conçu un équipement pour la bétonnière mobile en s’inspirant d’un équipement conçu pour les bétonnières classiques. Ces employés n’ont pu adapter l’équipement conçu pour la bétonnière classique directement à la bétonnière mobile; ainsi, je conclus que ces activités ne relèvent pas de la pratique courante.

[227]  La preuve a également démontré que monsieur Dubé a étudié de façon systématique le problème soulevé par le pourcentage peu élevé d’air dans les mélanges testés et a fait de l’expérimentation pour déterminer les causes de ces résultats. Des tests ont été effectués par un laboratoire indépendant. L’hypothèse posée était celle selon laquelle l’ajout d’un adjuvant moussant et d’un adjuvant entraîneur d’air et l’injection d’air augmenteraient la teneur en air du mélange de mortier. Je considère que la méthode scientifique a été suivie par BMQ. Bien qu’il n’y ait pas eu de compte rendu détaillé contemporain des essais, la documentation produite à l’audience et la preuve testimoniale, particulièrement le témoignage de monsieur Dubé, ont permis de détailler les activités entreprises dans le cadre de ce projet.

[228]  Pour ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet constituent des activités de RS&DE.

b)  Les dépenses

[229]  Je vais maintenant examiner la nature des dépenses de salaire qui sont contestées. Celles‑ci se rapportent aux 34 heures consacrées par monsieur Bertrand et monsieur Dubé à des recherches bibliographiques afin de trouver des produits moussants ainsi que des équipements permettant de faire mousser les mélanges. Elles se rapportent aussi aux discussions entre monsieur Bertrand et monsieur Dubé en vue du développement du mélange.

[230]  Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, les heures consacrées par monsieur Bertrand et monsieur Dubé à des recherches bibliographiques et des discussions sur la formulation du mélange ont eu un impact direct sur les activités de RS&DE dans ce projet en ce sens que ces activités déterminaient la conduite des essais et la formulation des mélanges testés. Ainsi, messieurs Bertrand et Dubé exerçaient directement des activités de RS&DE. Je considère donc que ces heures avaient un lien direct avec le déroulement des activités de RS&DE et sont donc déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[231]  Toutefois, je considère que, vu le témoignage de monsieur Dubé selon lequel il arrondissait les heures, il est plus probable que le nombre d’heures a effectivement été surestimé. Je conclus qu’il serait donc raisonnable de réduire de 10 % la réclamation pour les salaires. Ainsi, des dépenses pour salaires totalisant 3 521 $ sont déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[232]  Également, vu la concession faite par l’intimée, des montants totalisant 427 $ pour les matériaux et 360 $ pour les frais de sous-traitants sont des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

8)  Projet B-11-01 : Étude de perméabilité aux ions de chlore et durabilité avec divers ajouts pouzzolaniques et ciments

8.1  Description du projet

[233]  En 2009‑2010, le MTQ et l’Association canadienne de normalisation (« CSA ») ont ajouté une nouvelle exigence aux normes applicables aux bétons, soit un seuil de perméabilité aux ions de chlore (conductivité maximale de 1000 coulombs à 56 jours). Cette norme a été mise en place puisque les ions de chlore passant au travers du béton peuvent faire rouiller les armatures d’acier des structures bétonnées, ce que l’on cherche à éviter. Monsieur Bertrand a témoigné qu’afin de faire répondre un béton aux normes, vingt-deux tests doivent être effectués, auxquels s’ajoute maintenant le nouveau test pour la perméabilité aux ions de chlore.

[234]  Une période de grâce de quelques mois a été accordée aux entreprises pour leur laisser le temps de faire les tests nécessaires pour démontrer que leurs mélanges de béton se conformaient à la nouvelle norme.

[235]  Selon monsieur Bertrand, la nouvelle norme a pris tous les gens de l’industrie au dépourvu. BMQ ne mesurait pas le taux de pénétration d’ions de chlore dans ses mélanges avant la modification des normes, puisque cela n’était pas requis. Toutefois, un test standardisé existait dans l’industrie pour ce faire.

[236]  Ce projet a débuté le 8 février 2010 pour se terminer le 21 décembre 2010. BMQ a donc entrepris de vérifier si ses mélanges de béton respectaient la nouvelle norme. L’objectif du projet était de reformuler et d’optimiser les mélanges de béton selon la nouvelle norme. Des mélanges avec cinq types différents de ciment ont été testés. Selon monsieur Bertrand, les informations disponibles sur chaque type de ciment – par exemple, leurs fiches techniques – ne permettaient pas de déterminer à l’avance la perméabilité aux ions de chlore. Par exemple, le béton GU (béton commun) avait une perméabilité aux ions de chlore de 3500 coulombs, ce qui excédait la nouvelle norme.

[237]  Les hypothèses posées par BMQ incluaient les questions de savoir si les différents ciments respectaient la norme, si les mélanges de BMQ étaient en mesure de respecter la norme et, dans le cas où la nouvelle norme ne serait pas respectée, quelles modifications devaient être apportées aux mélanges. Selon monsieur Bertrand, l’incertitude tenait à ce que BMQ ne savait pas si les mélanges de béton seraient conformes à la nouvelle norme.

[238]  BMQ a effectué des tests sur quinze mélanges. Cinq mélanges ont fait l’objet de plus d’un test. Selon monsieur Bertrand, quand un mélange ne répondait pas aux attentes, il était soit laissé de côté, soit reformulé. De plus, quand un mélange était modifié pour atteindre la nouvelle norme, il devenait alors nécessaire de vérifier si les autres normes étaient toujours respectées. Ainsi, des tests pour vérifier la résistance à la compression, à l’écaillage et au cycle gel/dégel et pour vérifier la stabilité de la distribution du réseau de bulles d’air ont dû être effectués.

[239]  Après une première série d’essais ayant mené à la conclusion qu’aucun mélange ne respectait la nouvelle norme, BMQ a modifié la quantité de ciment et modifié la séquence de malaxage et la méthode d’introduction des adjuvants; cette deuxième série d’essais a été concluante pour certains mélanges. Par la suite, BMQ a décidé de substituer à une certaine quantité de ciment des ajouts minéraux pouzzolaniques afin d’améliorer les résultats en compression. Pour six mélanges, ces modifications ont permis de respecter la nouvelle norme et l’ensemble des normes applicables.

[240]  Monsieur Bertrand a aussi indiqué que l’ajout de latex dans un mélange contenant un ciment à usage général avait augmenté la perméabilité aux ions de chlore.

[241]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, le désaccord des parties ne subsisterait qu’en ce qui concerne des salaires totalisant 6 885 $ dont la déduction est réclamée par BMQ, soit essentiellement les salaires versés pour les heures consacrées par les stagiaires et les techniciens ACI aux discussions et aux analyses de résultats. L’intimée convient que des montants de 28 876 $ pour salaires, de 3 432 $ pour les matériaux et de 26 270 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

8.2  Thèses des parties

[242]  L’appelante a expliqué que des données étaient manquantes et qu’elles ont été récoltées par elle, à la suite de la modification des normes, dans le cadre de ce projet. L’information a ensuite permis à BMQ de reformuler ses mélanges et d’améliorer ceux-ci quant à la perméabilité aux ions de chlore. Selon l’appelante, la définition d’activités de RS&DE n’oblige en rien les entreprises à rendre leurs données publiques et le fait que seulement les produits de BMQ soient améliorés grâce aux projets de recherche n’empêche pas que BMQ réponde aux critères développés par la jurisprudence. Ces activités constituent donc des activités de RS&DE puisqu’elles représentent des travaux de recherche appliquée entrepris dans l’intérêt de l’avancement scientifique.

[243]  Selon l’intimée, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne sont qu’une tentative de valider des produits existants eu égard aux normes applicables de l’industrie, et donc, ces activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE. Selon monsieur Mimoune, des mélanges existants comportant des ingrédients connus ont fait l’objet des tests. Les techniques utilisées par BMQ pour adapter les mélanges relèvent aussi de techniques d’ingénierie standard. La méthode scientifique n’aurait pas non plus été respectée puisqu’il n’existe pas de liens entre les mélanges testés, c’est-à-dire qu’ils ne s’inscrivent pas dans une suite logique et qu’on en a simplement abandonné certains quand ils ne répondaient pas à la norme, au lieu de chercher à comprendre les causes de l’échec. Dans les cas où le mélange n’a pas été abandonné, il a été ajusté par la méthode de l’essai‑erreur.

8.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[244]  Je ne suis pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, BMQ a tenté de résoudre des incertitudes scientifiques par l’utilisation d’une investigation systématique afin de réaliser un avancement ou un progrès scientifique. La preuve démontre plutôt que BMQ a effectué une collecte de données concernant les mélanges utilisés dans l’exploitation de son entreprise. BMQ a essentiellement entrepris des activités permettant de contrôler la conformité de ses produits à la nouvelle norme relative à la perméabilité aux ions de chlore. Ces activités consistaient en des collectes de données qui ne sont pas des activités pouvant être qualifiées d’activités de RS&DE, puisque la preuve n’a pas démontré que la collecte de données se faisait pour appuyer des activités de RS&DE. BMQ a fait l’inventaire de ses produits, a vérifié lesquels satisfaisaient aux normes, a modifié la séquence de malaxage et la façon d’introduire les adjuvants, a équilibré la teneur en ciment et en minéraux comme la pouzzolane afin de reformuler des produits et, après avoir reçu les résultats des tests de laboratoire, a sélectionné les mélanges qui étaient conformes aux normes. BMQ n’a pas cherché à connaître les raisons pour lesquelles certains de ces mélanges ne satisfaisaient pas aux normes.

[245]  Même si BMQ prétend qu’elle n’était pas certaine d’être capable de faire en sorte que ses mélanges respectent les normes, BMQ a indiqué dans la réponse au rapport d’examen que les travaux étaient des travaux de collecte d’information sur les produits de BMQ (pièce I‑3, onglet 10, p. 5). Cette mention a également été faite lors des plaidoiries. Ces données ont été recueillies par des méthodes connues dans l’industrie. De plus, BMQ a modifié certains de ses mélanges par le recours aux pratiques standard dans l’industrie. Je considère que BMQ était assez certaine de pouvoir respecter les normes.

[246]  BMQ a essentiellement procédé à la validation de ses produits eu égard à la nouvelle norme de perméabilité aux ions de chlore, ce qui ne constitue pas des activités de RS&DE.

[247]  Dans un premier temps, BMQ a fait des essais pour caractériser ses divers mélanges existants de béton faits avec différents types de ciment. Les feuilles de temps produites en preuve décrivent des activités de validation de mélanges par rapport aux différents tests permettant de déterminer si les bétons respectaient les normes. Les feuilles de temps ne font état d’aucun temps consacré à la reformulation de mélanges, mais on y trouve beaucoup d’heures consacrées à la discussion et à des analyses de résultats, de même que des heures pour la validation de mélanges. Je note également que les mélanges ont été testés directement, sans qu’ils aient été reformulés d’une façon quelconque. Ceci démontre donc que les activités consistaient en une collecte de données normale effectuée dans le cadre de l’entreprise de BMQ afin de valider les mélanges par rapport aux normes, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’activités de RS&DE.

[248]  Également, BMQ a fait des tests pour vérifier l’effet de la pouzzolane sur les ciments de même que l’effet de la modification de la méthode de malaxage. Selon monsieur Mimoune, la pouzzolane est un matériau connu et ses effets sur la porosité sont également bien connus et documentés dans la littérature scientifique depuis de nombreuses années. Dans la réponse au rapport d’examen (pièce I‑3, onglet 10, p. 5), BMQ a admis que l’ajout de pouzzolane et la modification de la méthode de malaxage sont des techniques connues dans l’industrie, en précisant toutefois que l’usage d’une bétonnière mobile rend les résultats imprévisibles. BMQ ne m’a toutefois pas convaincue que l’usage de la bétonnière mobile apporte un degré d’incertitude scientifique qui justifierait que les activités soient qualifiées d’activités de RS&DE.

[249]  Bien que j’accepte que la norme de perméabilité aux ions de chlore ait été reçue avec surprise par les gens de l’industrie, je ne vois pas comment le MTQ pourrait avoir mis en place une telle norme en sachant que les entreprises soumises à cette norme ne pourraient la respecter. Ceci démontre donc également une absence d’incertitude scientifique ou technologique à cet égard.

[250]  Également, BMQ ne m’a pas convaincue qu’elle a suivi la méthode scientifique dans le cadre de ce projet. En effet, bien que des essais aient été faits de manière scientifique par un laboratoire indépendant, une certaine part d’essai et erreur est perceptible vu le passage d’un mélange à un autre sans analyse spécialement poussée des raisons pour lesquelles un mélange respecte les normes ou ne les respecte pas.

[251]  Finalement, en ce qui concerne l’existence d’un compte rendu détaillé, les essais effectués par BMQ peuvent partiellement être reconstitués à l’aide de la documentation produite à l’audience et des témoignages des représentants de BMQ.

[252]  Ainsi, pour ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne sauraient être qualifiées d’activités de RS&DE puisqu’elles consistent en des tests normaux de caractérisation de produits n’ayant pas engendré d’incertitude scientifique.

b)  Les dépenses

[253]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire que je réponde à la question de la déductibilité des dépenses selon l’article 37 et de l’admissibilité de celles‑ci aux fins du calcul du CII vu ma conclusion que les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE, je conclus que, si les activités pouvaient être ainsi qualifiées, les dépenses indiquées ci‑dessous seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles au calcul du CII.

[254]  Tel qu’il est mentionné ci-dessus, en ce qui concerne les dépenses, le désaccord des parties ne subsiste qu’en ce qui concerne une partie des salaires dont la déduction est réclamée par BMQ. Le montant en question est de 6 885 $ et se rapporte essentiellement aux salaires pour des heures consacrées par les stagiaires et les techniciens ACI aux discussions et aux analyses de résultats. Quelques heures passées par les opérateurs de bétonnières mobiles, également techniciens ACI, à analyser des résultats sont aussi remises en question. Les salaires en lien avec des discussions et avec la prise d’échantillons dans le cadre d’un essai à grande échelle du 27 juillet 2010 sont contestés. Enfin, quatre heures passées par monsieur Bertrand et monsieur Dubé le 25 mars 2010 à analyser des résultats, ainsi que la trentaine d’heures passées par eux et des techniciens à discuter avec le cimentier Holcim et des clients, ne seraient pas admissibles selon l’intimée.

[255]  En ce qui concerne les heures consacrées aux discussions et à l’analyse de résultats par les stagiaires et les techniciens ACI, monsieur Dubé a témoigné que les techniciens ACI peuvent être utiles pour l’analyse de résultats et que les techniciens et les stagiaires sont convoqués à des réunions à cet effet quand les résultats sont disponibles. Monsieur Dubé a indiqué que, dans le cadre de ce projet, il y avait un plus grand nombre de personnes requises pour faire des tests et des analyses puisqu’un plus grand nombre d’échantillons devaient être prélevés. Monsieur Bertrand a également témoigné que les techniciens ACI sont habilités à faire des prises d’échantillons et à effectuer certains tests. Tel qu’il est mentionné ci‑dessus, je considère que les stagiaires et les techniciens ACI sont des employés exerçant directement des activités de RS&DE lorsqu’ils participent à des discussions et analysent différents résultats de tests, de même que lorsqu’ils effectuent des tests.

[256]  Il est toutefois difficile de concilier ces témoignages avec le grand nombre d’heures de discussion et d’analyse de résultats indiquées sur les feuilles de temps produites en preuve. Par exemple, on y trouve régulièrement deux heures consacrées par trois personnes, le même jour, à l’analyse de rapports de quelques pages. Également, dans plusieurs cas, le temps inscrit pour des stagiaires et des techniciens ACI relativement à des discussions et à des analyses de résultats excède le temps consacré par monsieur Bertrand et monsieur Dubé à ces mêmes tâches. Je conclus que les heures des stagiaires et des techniciens ont été surestimées. Les heures consacrées aux tâches en question par les stagiaires et les techniciens devraient donc être réduites de 90 heures (soit 28 heures dans le cas de A. Labbé‑Thibault, 28 heures dans le cas de monsieur Lauzon et 34 heures dans le cas de monsieur Lettre), ce qui représente un montant total de 1 392,86 $.

[257]  Pour ce qui est des quatre heures d’analyse de résultats de monsieur Dubé et de monsieur Bertrand, il n’est pas clair en quoi ces heures se distinguent des autres décrites exactement de la même manière qui ne sont pas remises en question par l’intimée. Ainsi, je considère que ces heures représentent des dépenses engagées pour le salaire de personnes exerçant directement des activités de RS&DE, puisque effectuer des analyses de résultats de tests faits sur les mélanges fait partie intégrante des démarches à faire dans le cadre d’activités de RS&DE.

[258]  En ce qui concerne les dépenses de salaire pour les heures passées par monsieur Bertrand et monsieur Dubé à discuter des essais et des résultats ou à planifier les essais à grande échelle avec le cimentier Holcim, les clients et le laboratoire indépendant, elles devraient également être considérées comme ayant été engagées pour le salaire de personnes exerçant directement des activités de RS&DE, puisque la méthode scientifique n’empêche pas le travail d’équipe, et la planification d’un essai influe sur le déroulement des activités de BMQ et a donc une influence directe sur le déroulement des activités de RS&DE.

[259]  Pour ces raisons, je conclus qu’un montant totalisant 34 368 $ pourrait être admis à titre de dépenses pour les salaires. Toutefois, je considère que, vu le témoignage de monsieur Dubé selon lequel il arrondissait les heures, il est plus probable que le nombre d’heures a effectivement été surestimé. Je conclus qu’il serait donc raisonnable de réduire de 10 % la réclamation pour les salaires. Ainsi, des dépenses pour salaires totalisant 30 931 $ seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[260]  Également, vu la concession faite par l’intimée, des montants de 3 432 $ pour les matériaux et de 26 270 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

9)  Projet B-11-04 : Analyse de l’influence des liants et des adjuvants sur les performances des bétons autoplaçants

9.1  Description du projet

[261]  Ce projet a été mis sur pied par BMQ à la suite d’une demande formulée par Hydro‑Québec. Hydro‑Québec avait besoin d’un béton comportant certaines caractéristiques afin d’être utilisé pour la réparation des glissières des vannes du barrage de la centrale hydroélectrique de Paugan. Il était important que les vannes ne bougent pas pendant que le béton était coulé; ainsi, le béton devait sécher très rapidement sans déformer les glissières. Ce béton devait aussi respecter des normes très précises de résistance à la compression, soit une résistance de 10 mégapascals 24 heures après la pose et de 50 mégapascals sept jours après la pose. Selon monsieur Dubé, ce type de béton n’existait pas à l’époque; ce qui existait était un béton qui atteignait 10 mégapascals 48 heures après la pose et 50 mégapascals 28 jours après la pose. De même, les entreprises utilisant la bétonnière classique ne produisaient pas ce type de béton.

[262]  Monsieur Dubé a commencé par faire des tests visuels portant sur le temps de prise d’un mélange de béton standard de BMQ fait à base de ciment ternaire. Il a ensuite tenté d’augmenter la quantité d’adjuvant accélérateur de prise dans le mélange. Cette modification a permis une prise plus rapide, mais ne suffisait pas pour atteindre de grandes résistances à la compression après peu de temps. Pour améliorer les résultats, le fournisseur de BMQ, le cimentier Holcim, a modifié plusieurs fois la formulation de son ciment ternaire.

[263]  Monsieur Dubé a aussi fait des essais sur des mélanges contenant du ciment « HE » et du ciment à usage général pour comparer leur résistance en bas âge à celle du mélange utilisé dans les premiers tests. Il a par la suite tenté d’augmenter le dosage de ciment dans le mélange pour augmenter la résistance à la compression.

[264]  Monsieur Dubé a fini par changer de cap et a opté pour un ciment binaire qui n’était plus utilisé depuis une dizaine d’années, au lieu du ciment ternaire initialement utilisé. Monsieur Dubé a également remplacé l’adjuvant superplastifiant contenu dans le mélange par un autre qu’il savait moins performant, mais qui retarderait moins la prise, augmentant ainsi la résistance du béton en bas âge.

[265]  Selon les feuilles de temps produites en preuve, des essais avec la bétonnière mobile et avec une pompe et des essais à grande échelle auraient aussi été effectués pour valider le mélange. Les essais se sont échelonnés sur une dizaine de mois.

[266]  Les résultats des essais effectués n’étaient pas tout à fait conformes à ce qui était recherché par Hydro-Québec puisque le mélange n’a atteint que 43 mégapascals de résistance au lieu de 50 après sept jours de temps de prise. Toutefois, le mélange a tout de même été accepté et utilisé par Hydro‑Québec.

[267]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, le désaccord des parties ne subsisterait qu’en ce qui concerne des dépenses pour salaires totalisant 17 146 $ dont la déduction est réclamée par BMQ. L’intimée convient que des montants de 26 743 $ pour salaires, de 2 126 $ pour les matériaux et de 3 425 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

9.2  Thèses des parties

[268]  Selon l’appelante, ce projet répond à la définition d’activités de RS&DE puisqu’il s’agissait de la création d’un produit qui n’existait pas auparavant et qui devait présenter des caractéristiques hors normes. Le succès de la formulation d’un mélange atteignant les objectifs visés constitue donc un progrès technologique. Par conséquent, ces activités constituent des activités de RS&DE puisqu’elles peuvent être qualifiées de travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[269]  Selon l’intimée, les activités ne sauraient être qualifiées d’activités de RS&DE. Selon monsieur Mimoune, il est connu que l’ajout d’adjuvant accélérateur sert à obtenir de meilleures résistances plus rapidement. De plus, aucune recherche systématique n’a été effectuée dans le cadre de ce projet, puisque BMQ a utilisé une méthode reposant sur l’essai et l’erreur et les connaissances disponibles.

9.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[270]  Dans le cas de ce projet, BMQ a réussi à démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, les incertitudes technologiques liées aux demandes d’Hydro-Québec ne pouvaient être éliminées par les procédures habituelles ou les études techniques courantes. En effet, la preuve a démontré que ce type de béton n’existait pas. Les industries utilisant la bétonnière classique ne fabriquaient pas un tel type de béton. La preuve a démontré que BMQ a été le premier acteur dans l’industrie du béton à créer un tel mélange. L’objectif était d’obtenir un mélange offrant une résistance en compression supérieure à 10 mégapascals après 24 heures, tout en conservant les autres propriétés du béton autoplaçant. L’incertitude technologique concernait la création d’un tel béton, qui n’avait jamais été créé auparavant.

[271]  Également, en réponse au rapport d’examen (pièce I‑3, onglet 10, p. 6), Monsieur Bertrand dit : « Nous sommes bien conscients que les liants et les adjuvants qui intègrent les formulations ont fait l’objet d’études de leurs caractéristiques et de leur[s] effet[s] éventuels. Toutefois, ce qui n’est pas documenté et n’a pas fait l’objet d’études particulières est la combinaison de tous ces composants dans le cadre de béton autoplaçant et de bétonnière mobile avec son énergie de malaxage. D’où la présence d’incertitudes technologiques reliées à l’intégration et à la combinaison de ces éléments. »

[272]  Je constate également qu’il y a un progrès technologique tel qu’il est requis pour que des activités soient qualifiées d’activités de RS&DE. En effet, BMQ a incorporé dans un produit – le béton autoplaçant – une caractéristique, soit la prise rapide, qui n’était pas facilement accessible dans la pratique courante, améliorant ainsi le produit en question. On peut supposer d’ailleurs que, s’il y avait eu certitude d’obtenir les caractéristiques demandées par Hydro‑Québec, BMQ n’aurait pas été la seule entreprise à fournir un tel produit. Dans ce projet, BMQ a acquis de nouvelles connaissances sur les effets du ciment ternaire et du ciment HE sur la résistance à la compression du béton en bas âge.

[273]  Je ne suis pas d’avis que BMQ a simplement fait une qualification de produits dans le cadre de ce projet, tel que l’a conclu monsieur Mimoune. Au contraire, BMQ a créé un béton autoplaçant à prise rapide, soit un béton qui n’existait pas auparavant. Monsieur Dubé ne pouvait savoir qu’il atteindrait les caractéristiques exigées puisqu’il ne pouvait se fier à une étude technique courante quelconque à cet égard.

[274]  La preuve a démontré que la méthode scientifique a été suivie par BMQ. De nombreux tests ont été faits par des laboratoires indépendants, et de nombreux rapports de laboratoires ont été produits en preuve. Des hypothèses ont également été posées. Même si BMQ n’a pas dressé de compte rendu détaillé de façon contemporaine aux essais, la documentation produite à l’audience et la preuve testimoniale, particulièrement le témoignage de monsieur Dubé, ont démontré le déroulement des activités.

[275]  Ainsi, pour ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet constituent des activités de RS&DE.

b)  Les dépenses

[276]  L’intimée conteste l’admissibilité de certaines heures consacrées à des discussions entre BMQ et un représentant du cimentier Holcim, entre BMQ et un représentant du laboratoire indépendant Qualitas à la suite de tests faits sur des échantillons, et entre BMQ et une représentante du MTQ au sujet de la modification d’une norme empêchant l’utilisation du ciment binaire dans le béton autoplaçant de réparation. De même, les heures consacrées aux discussions des employés au sein même de BMQ en vue de planifier des essais sont contestées par l’intimée. Les autres dépenses de salaire en litige se rapportent à des heures passées à analyser les résultats de certains essais, aux heures de travail occasionnées par une erreur de fourniture de ciment commise par Holcim, à certaines heures de préparation pour des essais à grande échelle ainsi qu’à des heures consacrées à la reformulation à la suite de ces essais, et à certaines activités d’amélioration d’un mortier autoplaçant pour un autre client de BMQ. Finalement, l’intimée soulève un doute général quant à la fiabilité de la comptabilisation des heures indiquées par BMQ sur les feuilles de temps établies dans le cadre de ce projet.

[277]  Je considère que le temps consacré aux discussions au sein de BMQ ou aux discussions entre BMQ et le cimentier Holcim ou le laboratoire indépendant a un rapport direct avec la création de formules de mélanges, la planification d’essais et les analyses des résultats et devrait également être considéré comme représentant des dépenses engagées par des personnes effectuant directement de la RS&DE, puisque la méthode scientifique n’empêche pas le travail d’équipe et que la planification directe d’un essai influe sur les activités effectuées par BMQ et a donc une influence directe sur le déroulement des activités de RS&DE.

[278]  Les heures indiquées pour ces activités apparaissent cependant élevées dans quelques cas et se rapportent parfois à des tests qui n’ont pas eu lieu. Par exemple, le 6 février 2010, trois personnes discutent pendant deux heures de la possibilité de faire un essai en mélangeant des ciments, mais cet essai n’a pas lieu par la suite. Également, deux inscriptions de temps identiques ont été faites le 20 octobre 2010 et le 27 octobre 2010. De plus, les heures d’analyse de résultats sont parfois difficilement justifiables : par exemple, un total de 11 heures consacrées à l’analyse des résultats par six personnes le 20 août 2010 ou les heures pour des analyses faites par cinq ou six personnes en juin 2010. Il est aussi à noter que les heures d’analyse varient grandement d’un échantillon à l’autre, ce qui soulève un doute quant à la fiabilité des heures indiquées sur les feuilles de temps. De plus, à plusieurs reprises le temps des stagiaires et des techniciens ACI qui est indiqué pour les discussions et les analyses de résultats excède le temps consacré par monsieur Bertrand et monsieur Dubé à ces mêmes tâches. Je conclus en conséquence que les heures des stagiaires et des techniciens ACI ont été surestimées.

[279]  Je considère que les salaires pour les heures passées à discuter avec une représentante du MTQ pour faire changer les normes ne peuvent être inclus dans les dépenses de salaire déductibles selon l’article 37 ni ne sont admissibles pour le calcul du CII, BMQ ne m’ayant pas convaincue du lien entre ces salaires et les activités de RS&DE.

[280]  Pour ce qui est de l’erreur dans la fourniture de ciment (les 12 et 14 mai 2010), BMQ a indiqué avoir passé six heures à faire corriger l’erreur, ce qui ne me semble pas raisonnable. La dépense de salaire pour ces heures n’est pas déductible selon l’article 37 ni admissible dans le calcul du CII.

[281]  En ce qui a trait aux heures consacrées, du 6 au 8 juillet 2010, à des essais dans lesquels il fallait maintenir le béton à une basse température après sa pose, BMQ n’a pas expliqué les raisons de ces essais et le rapport de ceux‑ci avec le projet. Ainsi, les dépenses de salaire pour ces heures ne sont pas déductibles selon l’article 37 ni admissibles dans le calcul du CII. La même conclusion s’applique quant aux heures relatives aux essais sur le mortier autoplaçant faits pour un autre client de BMQ, BMQ n’ayant pas démontré un lien quelconque entre ces essais et le projet.

[282]  La réclamation pour salaires doit être réduite en tenant compte des éléments décrits ci-dessus. Ainsi, il faut retrancher 37 heures dans le cas de monsieur Bertrand, 33 heures dans le cas de monsieur Dubé, 26 heures dans le cas de S. Fournier, quatre heures dans le cas de C. Lockhead, 26 heures dans le cas de A. Labbé‑Thibault, 15 heures dans le cas de monsieur Lauzon et 36 heures dans le cas de monsieur Lettre, ce qui représente au total une somme de 5 346 $.

[283]  Également, compte tenu du témoignage de monsieur Dubé selon lequel les heures indiquées sur les feuilles de temps sont arrondies, il est raisonnable de conclure que 10 % des heures consignées relativement au projet sont excessives.

[284]  Ainsi, les dépenses de salaire dont la déduction est réclamée par BMQ doivent être réduites d’un montant total de 9 200 $, représentant les salaires pour les activités non admissibles (5 346 $) et la réduction de 10 % des dépenses (3 854 $). Le total des dépenses de salaire déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII est donc de 34 689 $.

[285]  Également, vu la concession faite par l’intimée, des dépenses totalisant 2 126 $ pour les matériaux et 3 425 $ pour les frais de sous‑traitants sont des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

10)  Projet B-11-07 : Développer un mortier à prise ultrarapide pour installation dans un milieu marin

10.1  Description du projet

[286]  Ce projet a débuté quand BMQ a reçu une demande d’un client pour un mélange de mortier à base de ciment à prise ultrarapide devant servir à colmater du roc situé sous l’eau et utilisé comme pilier de pont. Un mélange de mortier destiné à être installé sous l’eau a pour caractéristique de contenir un adjuvant anti-lessivage afin qu’il tienne en place sans se délayer. Le client exigeait que la prise du mortier soit très rapide afin de pouvoir commencer les travaux dès le lendemain de la pose du mortier, alors qu’une période d’attente de 21 jours après la pose est normalement nécessaire.

[287]  Le volet des activités précédant le 8 septembre 2010 ne fait plus l’objet d’une réclamation de déduction pour dépenses relatives à des activités de RS&DE. Ces activités avaient pour objectif d’améliorer la teneur en air de certains mélanges, sans affecter les propriétés du mélange. Toutefois, à l’audience, BMQ a convenu que la demande de déduction pour dépenses de RS&DE ne viserait que les activités qui ont débuté le 8 septembre 2010 par la formulation d’un nouveau mélange de mortier anti-lessivage à prise rapide, et qui se sont terminées le 27 octobre 2010.

[288]  Afin que la prise du mortier soit rapide, BMQ devait ajouter un adjuvant accélérateur à son mélange. Selon les feuilles de temps produites en preuve, l’adjuvant superplastifiant a aussi été modifié pour améliorer la teneur en air du mélange. Cette formulation a été testée chez BMQ afin de vérifier si le mortier pouvait être coulé à l’aide d’une bétonnière mobile et s’étalerait bien dans les cavités du roc. Des échantillons prélevés lors de ce test ont permis de constater que l’ajout de l’adjuvant superplastifiant affectait négativement la résistance à la compression du mélange en bas âge.

[289]  Plusieurs reformulations ont eu lieu à la suite de l’essai afin d’optimiser la teneur en air ainsi que la résistance du mélange à la compression. BMQ a réussi à créer le mélange recherché et le client a ainsi pu réaliser son projet avec la recette de mortier créée par BMQ.

[290]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, le désaccord des parties ne subsisterait qu’en ce qui concerne des dépenses pour salaires totalisant 1 390 $ dont la déduction est réclamée par BMQ et des frais de sous‑traitant totalisant 1 917 $. L’intimée convient que des montants de 1 920 $ pour salaires et de 394 $ pour les matériaux seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

10.2  Thèses des parties

[291]  Selon l’appelante, le projet a permis à BMQ de créer un nouveau produit, qui n’existait pas auparavant. Ce produit étant inexistant, il n’y avait aucune donnée à ce sujet. Dans son analyse, monsieur Mimoune a omis de considérer la nécessité de poser le mortier sous l’eau. Ces activités consistent donc en des activités de RS&DE puisqu’elles constituent des travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[292]  Selon l’intimée, les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE puisque ce projet ne révèle aucune incertitude technologique. Selon monsieur Mimoune, les travaux ont été effectués en usant de connaissances de base dans le domaine. Ainsi, si on utilise un accélérateur de prise (comme pour les mortiers à prise rapide), il est clair que la teneur en air du mélange sera moindre et qu’il faudra donc compenser avec un adjuvant qui favorise la création de bulles d’air. Également, des essais à grande échelle ont été effectués la semaine suivant le développement du mélange, ce qui démontre l’absence d’incertitude technologique.

10.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[293]  Dans le cas de ce projet, BMQ a réussi à démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, il existait une incertitude technologique soulevée par les demandes de son client.

[294]  En l’espèce, la preuve a démontré que ce projet a eu pour résultat la création d’un nouveau produit (le mélange 907), soit le mortier à prise rapide anti‑lessivage; ce produit n’existait pas sur le marché auparavant.

[295]  La preuve a toutefois également démontré que BMQ savait que l’ajout d’un accélérateur aurait un impact négatif sur la teneur en air d’un mélange. C’est ce qui ressort de l’introduction du projet, que l’on trouve sur le formulaire T661 : « Les objectifs de ce projet sont d’optimiser et d’obtenir une robustesse de la teneur en air des mélanges de béton à prise rapide. La présence d’accélérateur de prise dans une formulation de béton à air entraîné influence significativement la teneur en air ainsi que le réseau de bulles d’air. » Également, selon ce formulaire, afin d’optimiser certains mélanges, certains adjuvants ont dû être remplacés par d’autres adjuvants; ce remplacement d’adjuvants superplastifiants par d’autres adjuvants superplastifiants comportait certains facteurs d’incertitude qui ont fait en sorte que certains dosages devaient être réévalués. De même, monsieur Bertrand a indiqué que BMQ utilisait le ciment à prise rapide depuis 2001 et qu’il était utilisé aux États‑Unis depuis les années 90.

[296]  Mais bien que BMQ ait utilisé dans le cadre de ce projet les connaissances technologiques courantes ou les pratiques courantes pour créer le nouveau produit, BMQ ne pouvait prévoir si les objectifs pouvaient être atteints, ou du moins, BMQ pouvait être assez convaincue d’y parvenir, mais sans savoir avec certitude quelle solution serait applicable. L’incertitude concernait la création d’un produit permettant l’installation sous l’eau et contenant un adjuvant anti‑lessivage afin que le produit tienne en place sans se délayer, et qui serait à prise ultrarapide. Ce projet n’est pas une mise au point d’un produit puisque la preuve a démontré qu’un tel produit n’existait pas, et il ne s’agit pas de la collecte de données, puisque l’on ne tient compte que des activités qui ont débuté le 8 septembre 2010.

[297]  Également, le progrès scientifique en l’espèce consiste en l’avancement des connaissances de BMQ quant aux divers dosages et propriétés des intrants utilisés. Plus particulièrement, BMQ a appris que le nouvel adjuvant superplastifiant affectait la résistance en compression en bas âge de son mélange et BMQ a éliminé quelques possibilités de dosage pour les adjuvants testés pour parvenir à une solution.

[298]  Le fait qu’une semaine seulement se soit écoulée entre la formulation du mélange et le début des essais ne démontre aucunement l’absence d’incertitude technologique.

[299]  BMQ a démontré que, dans le cadre de ce projet, elle avait posé l’hypothèse selon laquelle la teneur en air de son mélange serait améliorée par la modification de l’adjuvant superplastifiant et que la résistance en bas âge serait généralement améliorée par d’autres modifications dans le dosage des adjuvants. En ce qui concerne l’utilisation de la méthode scientifique, je conclus que, vu que des tests ont été effectués de manière scientifique et que les modifications faites pour ajuster les dosages l’ont été en réaction aux résultats obtenus, la méthode scientifique a été suivie.

[300]  Comme dans le cas des autres projets, les essais de BMQ peuvent partiellement être reconstitués à l’aide de sa documentation, mais un rapport compilant les essais et permettant de suivre la réflexion de BMQ tout au long du projet n’a pas été fait. Toutefois, même si BMQ n’a pas dressé de compte rendu détaillé de façon contemporaine aux essais, la documentation produite à l’audience et la preuve testimoniale, particulièrement le témoignage de monsieur Bertrand, ont démontré le déroulement des activités.

[301]  Ainsi, pour ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet constituent des activités de RS&DE.

b)  Les dépenses

[302]  Tel qu’il est indiqué ci-dessus, l’intimée conteste certaines dépenses de salaire totalisant 1 390 $ de même que la totalité des dépenses relatives aux frais de sous‑traitants, s’élevant à 1 917 $.

[303]  Les dépenses de salaire contestées sont celles se rapportent à des discussions avec un représentant du client de BMQ (Simard Beaudry), avec Joseph Viola d’Ambex et avec Jean Paquette, de même que celles relatives aux heures consacrées à la compilation de résultats. Également, les heures pendant lesquelles un des stagiaires et technicien ACI a participé à la formulation d’un nouveau mélange sont contestées.

[304]  Je considère que les heures passées à discuter avec un client ou un fournisseur en vue de procéder à des essais ou encore pour tenter de formuler un mélange se rapportent à l’organisation des essais ou à la modification des mélanges; il s’agit là d’activités affectant directement le déroulement des activités de RS&DE. Ainsi, ces dépenses seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[305]  Pour ce qui est de la compilation de résultats et la participation à la reformulation des mélanges par un stagiaire, tel qu’il est mentionné précédemment, monsieur Dubé a témoigné que les stagiaires obtiendront leur certification ACI dans le cadre de leur stage chez BMQ. Tel qu’il est également mentionné ci‑dessus, monsieur Dubé a aussi témoigné que les techniciens ACI peuvent être utiles pour l’analyse de résultats et que les stagiaires et techniciens sont convoqués à des réunions dans ce but quand des résultats sont reçus. Monsieur Bertrand a témoigné que les techniciens ACI sont habilités à faire des prises d’échantillons et à faire certains tests. Ainsi, les activités exercées par les stagiaires et les techniciens ACI ont une influence directe sur le déroulement des activités de RS&DE et, conséquemment, les dépenses engagées pour le salaire de ces personnes seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles dans le calcul du CII.

[306]  Toutefois, tel qu’il est mentionné ci-dessus, je considère, vu le témoignage de monsieur Dubé selon lequel il arrondissait les heures, qu’il est plus probable que le nombre d’heures a effectivement été surestimé. Je conclus qu’il serait raisonnable de réduire de 10 % la réclamation pour les salaires. Ainsi, les dépenses de salaire dont la déduction est réclamée par BMQ relativement à ce projet doivent être réduites d’un montant de 331 $. Le total des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII pour les salaires est donc de 2 979 $.

[307]  En ce qui a trait aux dépenses engagées par BMQ pour les frais de sous‑traitants, la preuve a démontré que l’ensemble de ces dépenses se rapportent à des activités antérieures au 8 septembre 2010, activités qui ne font plus l’objet d’une demande par BMQ en ce qui concerne la RS&DE. Ainsi, ces dépenses ne sont pas déductibles selon l’article 37 ni admissibles pour le calcul du CII.

[308]  Également, vu la concession faite par l’intimée, des dépenses totalisant 394 $ pour les matériaux sont des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

11)  Projet B-12-01 : Développement de béton sans latex à prise rapide

11.1  Description du projet

[309]  Ce projet a débuté après que BMQ eut reçu une demande de la part de Transport Canada pour la fourniture d’un béton à être utilisé pour la réparation de voies de circulation à l’Aéroport Montréal‑Trudeau.

[310]  Ces réparations nécessitaient l’usage de béton à prise rapide pour que les voies de circulation soient opérationnelles le plus rapidement possible. De même, il fallait enlever le latex du mélange utilisé par BMQ. Le mélange modifié devait permettre l’atteinte rapide de bonnes résistances en compression, mais il devait aussi être durable et respecter les normes de l’industrie. Les bétons utilisés pour les voies de circulation des avions doivent aussi respecter certaines normes de résistance à la flexion.

[311]  Quelques années auparavant, BMQ avait tenté de développer un mélange de béton à prise rapide sans latex sans toutefois avoir pu atteindre les normes de résistance à l’écaillage tout en obtenant suffisamment rapidement une bonne résistance à la compression. Selon monsieur Bertrand, la difficulté résidait dans le besoin de trouver des adjuvants compatibles avec le ciment à prise rapide (ciment CSA) et ayant des effets permettant qu’ils soient utilisés au remplacement du latex.

[312]  Malgré les échecs antérieurs, BMQ a trouvé des adjuvants superplastifiants pouvant potentiellement améliorer les performances du béton à prise rapide sans latex. Le projet a débuté par des discussions ayant mené à la formulation de deux mélanges, lesquels ont fait l’objet de tests en laboratoire, notamment pour déterminer leur résistance à la compression en bas âge.

[313]  Monsieur Bertrand a expliqué que BMQ a fait ses premiers tests avec un mélange contenant des adjuvants en poudre et a par la suite essayé des mélanges auxquels avaient été incorporés des adjuvants sous forme liquide. Selon monsieur Bertrand, les adjuvants liquides sont plus pratiques et sécuritaires pour les employés que les adjuvants en poudre. Le premier test effectué avec un adjuvant en poudre fournissait une référence utile pour l’usage d’adjuvants sous forme liquide. Également, selon BMQ, l’adjuvant identifié comme pouvant améliorer les performances n’existait que sous forme solide au Canada et n’était pas compatible avec l’usage de la bétonnière mobile vu les conditions de malaxage particulières de celle‑ci, d’où la tentative de développer un mélange avec des adjuvants liquides (lettre datée du 12 novembre 2013, pièce I‑3, onglet 10).

[314]  Monsieur Bertrand a aussi expliqué qu’une planche d’essai a été faite chez BMQ avant qu’un premier essai à grande échelle ne soit effectué chez l’un de ses clients. Un deuxième essai à grande échelle a ensuite été entrepris à l’aéroport.

[315]  La liste des matériaux sur les feuilles de temps indique que BMQ a fait des tests sur deux mélanges. Le premier mélange a fait l’objet de trois tests et le deuxième mélange a été testé à quatre reprises.

[316]  Sur le formulaire T661, BMQ explique que dans ses derniers essais la résistance à l’écaillage et le réseau de bulles d’air étaient toujours insuffisants, bien qu’il ait été satisfait aux autres normes. BMQ estime donc avoir acquis de nouvelles connaissances sur les effets de certains adjuvants dans un mélange de béton à base de ciment à prise rapide. BMQ cherche toujours à comprendre l’interaction des adjuvants afin de définir leur compatibilité avec le ciment à prise rapide, et la preuve a démontré que la documentation sur le sujet est quasi inexistante (pièce I‑3, onglet 23). BMQ expliquait qu’en 2015 le comportement de la planche d’essai à l’aéroport Montréal-Trudeau était toujours en observation.

[317]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, le désaccord des parties ne subsisterait qu’en ce qui concerne des dépenses pour salaires totalisant 10 370 $ dont la déduction est réclamée par BMQ et des frais payés à des sous‑traitants totalisant 3 116 $ (le laboratoire Qualitas). L’intimée convient que des montants de 11 629 $ pour salaires, de 1 964 $ pour les matériaux et de 3 128 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

11.2  Thèses des parties

[318]  Selon l’appelante, le projet est conforme à la définition d’activités de RS&DE puisqu’il a permis à BMQ d’étudier la possibilité d’utiliser des adjuvants sous forme liquide dans une bétonnière mobile, alors que ce sont des intrants solides qui s’emploient normalement dans la bétonnière mobile. De plus, elle considère que la modification d’un mélange en fonction de l’analyse de résultats obtenus ne constitue pas de l’essai‑erreur. Ces activités constituent donc des activités de RS&DE puisqu’elles peuvent être qualifiées de travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[319]  Selon l’intimée, le but de ce projet était d’effectuer une réparation d’urgence avec un mélange ayant été approuvé avant d’être installé. Il s’agit donc d’un projet commercial et non d’activités de RS&DE. La majorité des démarches entreprises dans le cadre ce projet étaient des discussions avec des experts et des partenaires de BMQ, ce qui démontre que l’information étaient accessible. Le rapport de monsieur Mimoune souligne aussi que cette approche constitue une méthode ordinaire et que les tests effectués par BMQ constituent de l’essai‑erreur basé sur les connaissances disponibles et sur l’expérience de BMQ. Les difficultés rencontrées sont normales et résolubles par la pratique courante dans le domaine.

11.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[320]  La preuve a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’une incertitude technologique était présente dans le cas de ce projet puisque BMQ ne pouvait prévoir si les objectifs de Transport Canada pouvaient être atteints en utilisant la procédure habituelle ou les études techniques courantes. L’objectif de BMQ dans le cadre de ce projet était de développer un nouveau produit : un béton à prise rapide sans latex qui serait aussi durable et performant que le béton à prise rapide avec latex. Le but était de trouver en remplacement du latex un adjuvant réagissant avec le ciment CSA. BMQ cherche toujours à comprendre l’interaction des adjuvants afin de définir leur compatibilité avec le ciment à prise rapide, et la documentation sur le sujet est quasi inexistante (pièce I‑3, onglet 23). La preuve est donc claire que les activités entreprises par BMQ n’étaient pas basées sur les pratiques courantes de l’industrie, vu l’absence de documentation sur le sujet.

[321]  Le progrès technologique réalisé par BMQ dans le cadre de ce projet consiste en l’acquisition de nouvelles connaissances sur la performance de certains adjuvants superplastifiants dans ses mélanges. BMQ a posé l’hypothèse selon laquelle certains adjuvants superplastifiants peuvent donner à un mélange de béton la même propriété que lui donne le latex.

[322]  En ce qui concerne l’utilisation de la méthode scientifique, je conclus que, vu que des tests ont été effectués de manière scientifique et que les modifications pour ajuster les dosages ont été faites en réaction aux résultats obtenus, la méthode scientifique a été suivie. La méthode de l’essai‑erreur, contrairement à ce que prétend l’intimée, n’a pas été suivie dans le cadre de ce projet.

[323]  Comme dans le cas des autres projets, les essais de BMQ peuvent partiellement être reconstitués avec sa documentation, mais un rapport compilant les essais et permettant de suivre la réflexion de BMQ tout au long du projet n’a pas été fait. Toutefois, même si BMQ n’a pas dressé de compte rendu détaillé de façon contemporaine aux essais, la documentation produite à l’audience et la preuve testimoniale, particulièrement le témoignage de monsieur Bertrand, ont démontré le déroulement des activités.

[324]  Selon l’intimée, le but de ce projet était d’effectuer une réparation d’urgence sur le site de l’aéroport avec un mélange ayant été préapprouvé avant d’être installé. Il s’agit donc d’un projet commercial et non d’activités de RS&DE, selon l’intimée. Toutefois, ce n’est pas ce que la preuve a démontré. En effet, la preuve a démontré que les activités entreprises par BMQ dans le cadre de ce projet consistaient en des essais qui ont été suivis d’essais à grande échelle et non pas d’une réparation. Je ne peux retenir cet argument de l’intimée.

[325]  Ainsi, pour ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet constituent des activités de RS&DE.

b)  Les dépenses

[326]  La plupart des dépenses de salaire pour les heures passées à discuter avec les partenaires et les clients de BMQ pour développer le mélange et pour planifier des essais sont notamment contestées par l’intimée. Il en est de même pour le temps passé en formation afin que l’on puisse circuler de manière sécuritaire dans les installations de l’aéroport. Selon l’intimée, ces salaires seraient pris en compte par le biais de la méthode de remplacement. Également, l’intimée prend la position que les heures passées à faire des recherches bibliographiques ne sont pas admissibles, ni les heures durant lesquelles les stagiaires et les techniciens ACI ont participé aux discussions et à l’analyse des résultats. L’intimée évoque également le fait que les heures semblent avoir été surestimées dans le cas de ce projet, vu le grand nombre d’heures comptabilisées parfois pour une seule journée de travail.

[327]  Les dépenses en lien avec les heures de discussion avec les partenaires et les clients de BMQ relativement à l’organisation des essais ou à la modification des mélanges sont des dépenses pour les salaires d’employés exerçant directement des activités de RS&DE, puisque ces activités affectent le déroulement des activités de RS&DE. Il en est de même pour les dépenses se rapportant aux heures passées à faire des recherches bibliographiques qui ont servi à soutenir le développement du mélange par BMQ et, par le fait même, à soutenir les activités de RS&DE. Ces dépenses seraient donc déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[328]  Tel qu’il est mentionné ci-dessus, je considère que les heures passées par les stagiaires et les techniciens ACI à discuter et à analyser les résultats ont une influence directe sur le déroulement des activités de RS&DE et, conséquemment, les dépenses de salaire s’y rapportant seraient donc des dépenses engagées pour le salaire d’employés exerçant directement des activités de RS&DE et elles seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles dans le calcul du CII.

[329]  Toutefois, je ne considère pas que les 24 heures consacrées par six personnes ayant suivi une formation pour circuler de façon sécuritaire à l’aéroport doivent être considérées comme des heures consacrées directement à des activités de RS&DE. Ainsi, ces dépenses ne sont pas déductibles selon l’article 37 ni admissibles dans le calcul du CII. Il doit donc être retranché du montant de 21 999 $ dont la déduction est réclamée par BMQ à l’égard des dépenses de salaire un montant de 924 $.

[330]  Également, je considère que, vu le témoignage de monsieur Dubé selon lequel il arrondissait les heures, il est plus probable que le nombre d’heures a effectivement été surestimé. Je conclus qu’il serait raisonnable de réduire de 10 % la déduction réclamée pour les dépenses de salaire. Ainsi, les dépenses de salaire dont la déduction est réclamée par BMQ devraient être réduites d’un montant de 2 108 $. Le total des dépenses pour les salaires qui sont déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII est donc de 18 968 $.

[331]  Finalement, en ce qui concerne le montant admis comme dépenses pour les frais de sous‑traitants, ce montant correspond à l’ensemble des dépenses engagées dans le cadre de ce projet, à l’exception d’un montant de 3 116 $ relatif à des tests effectués le 18 mai par le laboratoire Qualitas. Puisque BMQ n’a produit en preuve aucune facture relativement à ces frais, la position prise par l’intimée est justifiée. Ce montant ne pourra être déduit selon l’article 37 ni être considéré pour le calcul du CII.

[332]  Également, vu la concession faite par l’intimée, des dépenses totalisant 1 964 $ pour les matériaux et 3 128 $ pour les frais de sous‑traitants sont des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

12)  Projet B-12-02 : Amélioration du béton autoplaçant à prise rapide

12.1  Description du projet

[333]  Selon monsieur Dubé, un entrepreneur travaillant pour Hydro‑Québec a utilisé le mélange développé dans le cadre du projet B‑11‑04 pour faire des réparations au barrage de la Manouane C. Toutefois, les intrants contenus dans le mélange se ségréguaient.

[334]  Selon BMQ, le projet B‑12‑02 est une continuation du projet B‑11‑04. BMQ a testé son mélange à nouveau, ce qui lui a permis de constater que les résultats des tests demeuraient satisfaisants et ne concordaient pas avec les problèmes rencontrés par son client.

[335]  Monsieur Dubé a tenté d’augmenter la dose de l’agent colloïdal dans le mélange, augmentant ainsi la viscosité du mélange afin que les divers intrants demeurent en suspension et ne se séparent pas. Cet ajout a cependant rendu le mélange trop fluide. On a donc reformulé le mélange et procédé à d’autres essais, avec plus ou moins de succès.

[336]  Après l’analyse de divers facteurs pouvant engendrer la ségrégation d’un mélange, tels que la météo ou la présence de vibrations, monsieur Dubé a conclu que le seul facteur de variation était l’eau locale utilisée pour préparer le mélange. En principe, le béton se fait avec une eau potable; la littérature indique que l’eau ne devrait pas avoir d’impact sur un mélange, sauf si des matières organiques y sont présentes. Cependant, après avoir refait les tests avec un échantillon de l’eau du chantier, monsieur Dubé a découvert que l’eau utilisée sur le chantier en cause était problématique, même si cette eau était potable. Monsieur Dubé n’est cependant pas en mesure de préciser l’élément présent dans l’eau qui aurait pu avoir cet effet.

[337]  Selon le témoignage de monsieur Dubé, de l’eau a donc été livrée sur le chantier afin de permettre de compléter les travaux. Dorénavant, lorsqu’un projet est fait en région éloignée, BMQ demande que l’eau à être utilisée dans le mélange lui soit envoyée préalablement pour qu’elle fasse des tests afin de s’assurer que le mélange ne sera pas affecté.

[338]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, le désaccord des parties ne subsisterait qu’en ce qui concerne des dépenses pour salaires totalisant 17 105 $ dont la déduction est réclamée par BMQ. L’intimée convient que des montants de 16 325 $ pour salaires, de 1 270 $ pour les matériaux et de 1 921 $ pour les frais de sous‑traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

12.2  Thèses des parties

[339]  Selon l’appelante, les activités entreprises par BMQ dans le cadre de ce projet constituent des activités de RS&DE, puisque celles-ci visent à déterminer les facteurs pouvant affecter en chantier un mélange, qui répondait aux normes lorsqu’il était testé en laboratoire. De nouvelles connaissances sur l’impact de l’eau sur le béton ont été acquises au cours de ce projet. Les activités constituent donc des activités de RS&DE puisqu’elles peuvent être qualifiées de travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[340]  Selon l’intimée, les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE. Selon monsieur Mimoune, le mélange utilisé était déjà connu de BMQ, bien que des ajustements en ce qui concerne le dosage des intrants aient été effectués. Les démarches entreprises par BMQ visaient à résoudre un problème technique, ce qui a été fait par la méthode de l’essai‑erreur puisque BMQ s’est servie de données publiques et de l’expérience de son personnel et de ses collaborateurs pour résoudre le problème. De plus, les problèmes rencontrés dans le développement du mélange sont des difficultés normales dont les solutions font partie de la pratique courante. En l’espèce, BMQ a agencé des technologies existantes, ce qui était faisable moyennant un certain effort et des compétences raisonnables.

12.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[341]  La preuve ne m’a pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait une incertitude technologique ne pouvant être résolue par les études techniques ou pratiques courantes et que le processus a mené à un progrès technologique.

[342]  En effet, BMQ a utilisé les connaissances technologiques courantes pour améliorer le produit développé dans le cadre du projet B‑11‑04, ce qui ne démontre pas nécessairement une incertitude technologique. Il y aurait eu incertitude technologique si BMQ m’avait convaincue que la probabilité d’atteindre les objectifs ou la façon d’y parvenir ne pouvaient être connues ou déterminées d’avance d’après l’expérience ou les connaissances technologiques habituellement disponibles. BMQ a été confrontée à une incertitude en ce qui concerne les causes des résultats insatisfaisants d’un mélange dont la performance avait été éprouvée antérieurement. À mon avis, l’ajout d’un agent colloïdal pour diminuer la ségrégation d’un mélange et l’analyse de la météo ainsi que des vibrations sont des techniques courantes dans l’industrie.

[343]  Également, la preuve documentaire n’appuie pas l’explication du projet donnée par monsieur Dubé à l’audience. Dans son témoignage, monsieur Dubé a indiqué que l’avancement dans ce projet consiste en le fait que BMQ a acquis la connaissance que l’eau, même potable, peut affecter les résultats d’un mélange. Toutefois, la seule mention de l’eau sur le formulaire T661 est celle indiquant que l’on avait procédé à l’analyse de l’eau puisque la seule variable en chantier par rapport aux tests faits en laboratoire est le rapport eau‑liant. Le formulaire T661 indique que le progrès technologique réside dans l’acquisition de connaissances liées à l’effet de certains adjuvants, soit l’agent colloïdal VMA‑362, le plastifiant Glenium 7500 et l’accélérateur de prise Pozzutec 20+, dans la formulation du mélange et dans l’acquisition de connaissances sur l’impact de ces éléments sur la fluidité. On ne fait pas mention de l’eau comme élément qui pourrait avoir un impact sur le mélange. De même, dans la lettre de BMQ en date du 12 novembre 2013 adressée à l’ARC (pièce I‑3, onglet 10), BMQ a indiqué que l’avancement technologique de ce projet consiste dans la compréhension des causes de l’instabilité du mélange et dans l’élaboration d’une solution en ce qui concerne la formulation ou le malaxage; l’incertitude technologique tenait à la question de savoir quelle serait la synergie des adjuvants utilisés (agent colloïdal, plastifiant et accélérateur de prise) en réaction avec le ciment. Selon cette lettre, les essais ont montré que l’effet produit par un adjuvant pouvait affecter l’effet que l’on cherchait à obtenir au moyen d’un autre adjuvant présent dans la formulation. Nulle part dans cette lettre il n’est fait mention de l’effet de l’eau sur le mélange.

[344]  Je conclus que le témoignage de monsieur Dubé n’est pas cohérent avec le contenu du formulaire T661 et ce que prétend BMQ dans la lettre du 12 novembre 2013. De même, les feuilles de temps produites en preuve indiquent que l’eau utilisée dans ce projet a été testée et a été jugée conforme. On n’y trouve aucune mention des tests effectués avec de l’eau différente dont monsieur Dubé a parlé.

[345]  Plusieurs essais en laboratoire ont été effectués, mais, dans l’ensemble, BMQ a procédé par la méthode de l’essai‑erreur pour déterminer la cause des problèmes de son mélange et non pas par l’application de la méthode scientifique, et ce, même si plusieurs hypothèses ont été posées par BMQ, bien qu’elles n’aient pas été explicitement énoncées lors de l’audience.

[346]  Finalement, comme dans le cas des autres projets, les essais de BMQ peuvent être partiellement reconstitués à l’aide de sa documentation, mais un rapport compilant les essais et permettant de suivre la réflexion de BMQ tout au long du projet n’a pas été préparé. De plus, tel qu’il est mentionné ci‑dessus, le témoignage de monsieur Dubé n’est pas en accord avec le formulaire T661 et la lettre de BMQ datée du 12 novembre 2013.

[347]  Ainsi, pour ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE puisque, notamment, on n’a pas répondu aux critères de l’incertitude technologique et du progrès technologique.

b)  Les dépenses

[348]  Bien qu’il ne soit pas nécessaire que je réponde à la question de la déductibilité des dépenses selon l’article 37 et de l’admissibilité de celles-ci aux fins du calcul du CII vu ma conclusion que les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE, je conclus que, si les activités pouvaient être ainsi qualifiées, les dépenses indiquées ci‑dessous seraient déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[349]  L’intimée conteste l’admissibilité de toutes les dépenses qui ont trait à des discussions entre BMQ et ses clients et à des discussions entre BMQ et des employés de Qualitas concernant les résultats des tests. Les discussions sont en lien avec la reformulation du mélange, la préparation des essais et le suivi des résultats. Également, l’intimée conteste certaines heures des stagiaires et des techniciens ACI consacrées à des discussions et aux analyses de résultats.

[350]  La preuve démontre que les heures de discussion sont liées au projet lui‑même, et il ne semble pas s’agir de discussions commerciales ni d’activités de gestion générale. Les heures de discussion avec les partenaires et les clients de BMQ se rapportent à l’organisation des essais ou à la modification des mélanges. Les dépenses en lien avec les heures de discussion avec les partenaires et les clients de BMQ pour l’organisation des essais ou la modification des mélanges, sont donc des dépenses pour le salaire d’employés exerçant directement des activités de RS&DE, puisque ces activités affectent le déroulement des activités de RS&DE. Il en est de même pour les dépenses en rapport avec les heures passées par les stagiaires et les techniciens ACI à participer aux discussions et à l’analyse des résultats. Ces dépenses seraient donc déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[351]  Toutefois, l’examen des diverses inscriptions de temps démontre dans certains cas l’inscription en double du temps, c’est-à-dire qu’une même tâche se répète en partie à des dates différentes : par exemple, les 8 et 12 juillet 2011; les 18, 19, 20 et 21 juillet 2011; les 16 et 17 août 2011; et les 19 décembre 2011 et 23 janvier 2012. De plus, je considère que, parfois, trop d’heures sont consignées pour des activités similaires : par exemple, les 12 et 13 septembre 2011 et les 19, 21 et 23 septembre 2011.

[352]  La déduction réclamée pour salaires doit être réduite en tenant compte des éléments décrits ci-dessus. Ainsi, il faut retrancher deux heures dans le cas de monsieur Bertrand, 29 heures dans le cas de monsieur Dubé, 27 heures dans le cas de A. Labbé‑Thibault et 17 heures dans le cas de J. Moreau, ce qui représente au total une somme de 2 302 $.

[353]  Également, compte tenu du témoignage de monsieur Dubé selon lequel les heures indiquées sur les feuilles de temps sont arrondies, il est raisonnable de conclure que 10 % des heures consignées pour le projet sont excessives.

[354]  Ainsi, les dépenses de salaire dont la déduction est réclamée par BMQ devraient être réduites d’un montant total de 5 415 $, représentant les salaires pour les activités non admissibles (2 302 $) et la réduction de 10 % des dépenses (3 113 $). Le total des dépenses de salaire déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII serait donc de 28 015 $.

[355]  Vu la concession faite par l’intimée, les montants totalisant 1 270 $ pour les matériaux et 1 921 $ pour les frais de sous-traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

13)  Projet B-12-03 : Développement de chape de béton latex à prise rapide

13.1  Description du projet

[356]  Le projet a débuté lorsque le MTQ s’est intéressé à la possibilité d’utiliser le béton latex à prise rapide comme surface de roulement alors que ce produit est normalement utilisé comme produit de réparation. Le MTQ voulait étudier la question de savoir si les surfaces de roulement composées d’asphalte en surface et de béton classique en sous-couche sur le pont Pierre‑Laporte, qui doivent être réparées à tous les trois à cinq ans, pouvaient être remplacées par le béton latex à prise rapide compte tenu de la plus grande durabilité de ce béton. Ce type de béton réduit également la pénétration aux ions de chlore parce qu’il est plus étanche que le béton classique, ce qui devrait contribuer au développement durable des ouvrages en béton. Cela impliquait que le béton adhère bien à la structure de béton déjà en place malgré les vibrations et les mouvements du pont. Le MTQ y voyait des avantages certains, notamment la plus longue durabilité de ce béton par rapport au béton classique et sa meilleure perméabilité aux ions de chlore.

[357]  Le mélange utilisé dans le cadre de ce projet a été développé dans un projet de l’année d’imposition 2011 (projet B-11-06). Il s’agissait d’un projet visant à développer un béton latex à prise rapide possédant une durabilité de surface de roulement, lequel projet avait été considéré comme partiellement admissible lors de la vérification effectuée par l’ARC. Selon monsieur Bertrand, BMQ connaissait ce type de produit; toutefois, BMQ ne savait pas comment ce béton réagirait en tant que dalle de roulement. Le MTQ était très intéressé par le produit et a voulu en faire « un prototype ».

[358]  Monsieur Bertrand a expliqué qu’une étude sur la pose de dalles de béton latex sur des structures de béton existantes avait donné des résultats positifs aux États‑Unis, mais aucune information n’était disponible pour un mélange comprenant du ciment à prise rapide. Également, selon un chercheur américain contacté par monsieur Bertrand, du béton latex n’avait jamais été installé sur un pont suspendu.

[359]  Le 17 juin 2011, BMQ a donc entrepris d’effectuer une première planche d’essai (essai de convenance) sous le pont où des échantillons ont été prélevés. Selon le formulaire T661, le mélange coulé contenait un retardateur de prise pour laisser plus de temps pour la mise en place et la finition. Un adjuvant entraîneur d’air a aussi été ajouté pour respecter les normes de teneur en air du MTQ. Cet essai a permis de tester une méthode de mise en place du béton. Puisqu’il s’agissait d’un béton à prise rapide, certains résultats de résistance en compression ont pu être obtenus rapidement.

[360]  Le lendemain, un essai sur le pont lui-même a eu lieu sur une vingtaine de mètres. Des échantillons ont été prélevés à nouveau. Les résultats étaient satisfaisants sauf en ce qui concerne le réseau de bulles d’air du béton, ce qui affectait l’étanchéité du béton ainsi que sa perméabilité aux ions de chlore.

[361]  À la suite de l’ajustement de l’adjuvant entraîneur d’air dans le mélange pour améliorer le réseau de bulles d’air, un essai a été fait sur le pont Dubuc au Saguenay le 28 août 2011. BMQ avait des doutes quant à la préparation de la surface, qui n’était pas adéquate et risquait de nuire aux essais. Toutefois, le MTQ a convenu de faire les essais afin de vérifier l’adhérence dans des conditions extrêmes. La dalle s’est fissurée après quelques jours. BMQ a cru qu’il y avait eu des problèmes de mûrissement du béton et de préparation de la surface sur laquelle il avait été coulé. Les échantillons prélevés ont aussi montré que le réseau de bulles d’air du béton demeurait insatisfaisant.

[362]  L’adjuvant entraîneur d’air a donc été ajusté une deuxième fois pour corriger le réseau de bulles d’air avant que soit entrepris un nouvel essai sur une autre section du pont Dubuc.

[363]  Les deux planches du pont Dubuc ont montré d’importantes fissurations, quoique le réseau de bulles ait finalement répondu aux normes. BMQ a vérifié le taux d’évaporation de son mélange pour mettre cette variable hors de cause. Le MTQ a ensuite procédé à un carottage des planches d’essai, et les tests effectués sur les carottes ont confirmé qu’il y a eu un problème d’adhérence du béton à la surface en place. Monsieur Dubé a témoigné qu’il avait constaté les mauvais résultats dans la première phase des essais sur le pont Dubuc et avait soupçonné un problème d’adhérence, mais avait tout de même procédé au deuxième essai.

[364]  L’analyse des résultats a mené à la conclusion que la surface avait été mal préparée avant que le béton soit coulé. Les deux planches ont dû être démolies.

[365]  La planche d’essai installée sur le pont Pierre‑Laporte a aussi été retirée quelques mois après son installation en raison de la mauvaise adhérence à la surface existante. Selon monsieur Bertrand, les contraintes thermiques du pont ont généré ce problème.

[366]  Les essais à grande échelle ayant été infructueux, le projet de conception d’une surface de roulement sur les ponts qui serait fabriquée avec du béton latex à prise rapide a été abandonné par BMQ pour le moment.

[367]  Selon monsieur Bertrand, BMQ n’a pas fait de réparation sur les ponts dans le cadre de ce projet. BMQ a fourni du matériel pour faire des planches d’essai parce que le MTQ cherchait des solutions novatrices aux problèmes récurrents de réparation des surfaces de roulement des ponts. Ainsi, BMQ a tout d’abord procédé par voie d’essai de convenance sous le pont avant de faire l’essai sur la dalle du pont.

[368]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, le désaccord des parties ne subsisterait qu’en ce qui concerne des dépenses pour salaires totalisant 4 340 $ dont la déduction est réclamée par BMQ. L’intimée convient que des montants de 13 731 $ pour salaires, de 1 975 $ pour les matériaux et de 4 159 $ pour les frais de sous-traitants seraient des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

13.2  Thèses des parties

[369]  L’appelante a fait valoir que ce projet était une suite du projet B‑11‑06, qui a été considéré comme partiellement admissible lors de la vérification. Les activités entreprises par BMQ dans le cadre de ce projet sont des activités de RS&DE puisque BMQ cherchait à développer une nouvelle manière d’utiliser le béton latex. Ces activités représentent donc des activités de RS&DE puisqu’elles constituent des travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[370]  Selon l’intimée, les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE vu l’absence d’incertitude technologique dans le cadre ce projet. Selon monsieur Mimoune, le projet n’a finalement mené qu’au diagnostic d’un problème qui s’est manifesté dans le cadre d’une opération ordinaire d’installation entreprise à la suite des discussions et consultations. Selon lui, le projet n’est pas une continuation du projet B‑11‑06 puisque les difficultés rencontrées ne tenaient pas au mélange fourni, mais à la manière de préparer la surface sur laquelle il allait être coulé, ce qui est un problème technique relevant de la pratique courante. De plus, selon l’intimée, le mélange avait déjà été testé.

13.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[371]  Le travail consistait à faire des essais à grande échelle d’un produit développé antérieurement par BMQ. Il s’agissait de tester la tenue du béton latex à prise rapide comme matériau pour surface de roulement, et non pas comme matériau pour réparation. En effet, le béton latex à prise rapide était un matériau connu et utilisé dans l’industrie comme matériau de réparation.

[372]  Également, la preuve a démontré que BMQ n’a pas fourni de béton pour effectuer des réparations sur les ponts, mais bien pour effectuer des essais sur ceux‑ci.

[373]  Monsieur Bertrand a témoigné qu’il connaissait les caractéristiques du béton latex à prise rapide pour avoir fait des analyses de laboratoire sur ce béton, mais ce matériau n’avait jamais été testé pour être utilisé comme surface de roulement. Ainsi, l’objectif de ce projet était de faire progresser la technologie relativement au béton latex à prise rapide. En effet, selon le témoignage de monsieur Bertrand, ce béton n’avait jamais été utilisé comme surface de roulement sur un pont suspendu. L’expert américain consulté par monsieur Bertrand a confirmé qu’à sa connaissance le béton latex n’avait jamais été installé sur un pont suspendu. Sur la foi de la preuve, je conclus que les caractéristiques du projet n’étaient pas fixées sur le plan technologique. Ce projet déborde donc de la pratique courante, vu que l’expérimentation de ce béton sur un tel type de pont n’a jamais été faite.

[374]  Sur le pont Pierre‑Laporte, après avoir enlevé la chape de béton, BMQ a constaté que l’adhérence n’était pas bonne et a conclu que c’était dû aux contraintes thermiques du pont. En ce qui concerne les essais sur le pont Dubuc, vu la mauvaise préparation de la surface, le béton n’a pas adhéré de façon correcte. Tel qu’il est mentionné ci-dessus, le MTQ voulait tester le béton dans des conditions extrêmes.

[375]  Selon l’intimée, puisque le produit créé dans le cadre du projet B‑11‑06 avait déjà été testé sur d’autres chantiers, il n’est pas clair qu’une incertitude technologique ait existé en l’espèce. Je ne partage pas cet avis. La preuve a démontré qu’il y avait incertitude technologique due au fait que le béton latex à prise rapide n’avait jamais été utilisé comme matériau pour surface de roulement et incertitude quant à la manière dont la surface devait être préparée afin de favoriser l’adhérence du béton, de même que quant à la méthode de murissement du béton afin d’éviter la fissuration. Les solutions ne pouvaient donc être fondées uniquement sur la pratique courante.

[376]  En ce qui concerne l’utilisation de la méthode scientifique, je conclus que, vu que des tests ont été effectués de manière scientifique et que les modifications faites pour ajuster les dosages l’ont été en réaction aux résultats obtenus, la méthode scientifique a été suivie. La méthode de l’essai‑erreur, contrairement à ce que prétend l’intimée, n’a pas été suivie dans le cadre de ce projet. Des hypothèses ont également été posées et vérifiées.

[377]  Comme dans le cas des autres projets, les essais de BMQ peuvent partiellement être reconstitués à l’aide de sa documentation, mais un rapport compilant les essais et permettant de suivre la réflexion de BMQ tout au long du projet n’a pas été fait. Toutefois, même si BMQ n’a pas dressé de compte rendu détaillé de façon contemporaine aux essais, la documentation produite à l’audience et la preuve testimoniale, particulièrement le témoignage de monsieur Bertrand, ont démontré le déroulement des activités.

[378]  Ainsi, pour ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet constituent des activités de RS&DE.

b)  Les dépenses

[379]  Dans le cas de monsieur Bertrand et de monsieur Dubé, les dépenses de salaire en litige se rapportent à des heures passées pour effectuer des recherches bibliographiques et pour discuter avec un expert américain ainsi qu’avec des représentants du MTQ. Les dépenses de salaire contestées comprennent également des heures consacrées par les stagiaires et les techniciens ACI aux discussions avec les clients de BMQ ou avec des représentants du MTQ, à la planification du projet et à l’analyse des résultats.

[380]  Les dépenses de salaire pour les heures indiquées pour les mois de mars à mai 2011, dont la déduction est réclamée, ne peuvent être considérées comme des dépenses pour le salaire d’employés exerçant directement des activités de RS&DE. Ces heures représentent plutôt des heures pour des activités précédant le commencement du projet plutôt que des heures consacrées à une tentative d’investigation sur une incertitude technologique. En effet, ces activités avaient pour but de vérifier les informations disponibles et de faire des présentations au MTQ concernant le produit. Vingt-sept heures doivent donc être retranchées (soit neuf heures pour monsieur Bertrand et 18 heures pour monsieur Dubé).

[381]  En ce qui concerne les 10 heures consignées pour la journée du 20 juin 2011, celles‑ci semblent être un redoublement de celles consignées pour la journée du 18 juin 2011 et doivent donc être retranchées. J’en arrive à la même conclusion pour six heures consignées pour les journées du 11 juillet et du 6 juillet 2011.

[382]  En ce qui concerne les heures pour l’analyse des résultats d’un essai, cette activité est une partie intégrante de la méthode scientifique et rien n’empêche qu’on l’exerce de concert avec un partenaire de l’industrie. Pour ce qui est des heures consacrées à ce projet par les techniciens ACI et les stagiaires, la preuve a démontré qu’ils participaient à l’analyse des résultats, notamment en assistant aux réunions de mise à jour et d’échange d’idées, et qu’ils étaient en plus autorisés à faire les manipulations et les différents tests. Ainsi, les dépenses en lien avec ces heures représentent des dépenses pour le salaire d’employés exerçant directement des activités de RS&DE, puisque ces activités affectent le déroulement des travaux de RS&DE. Ces dépenses seraient donc déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

[383]  La déduction réclamée pour salaires doit être réduite en tenant compte des éléments décrits ci‑dessus. Ainsi, il faut retrancher 12 heures dans le cas de monsieur Bertrand, 24 heures dans le cas de monsieur Dubé, six heures dans le cas de A. Labbé‑Thibault et une heure dans le cas de J. Moreau, ce qui représente au total une somme de 1 964 $.

[384]  Également, compte tenu du témoignage de monsieur Dubé selon lequel les heures indiquées sur les feuilles de temps sont arrondies, il est raisonnable de conclure que 10 % des heures consignées pour le projet sont excessives.

[385]  Ainsi, les dépenses de salaire dont la déduction est réclamée par BMQ devraient être réduites d’un montant total de 3 575 $, représentant les salaires pour les activités non admissibles (1 964 $) et la réduction de 10 % des dépenses (1 611 $). Le total des dépenses de salaire déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII est donc de 14 496 $.

[386]  Vu la concession faite par l’intimée, les montants totalisant 1 975 $ pour les matériaux et 4 159 $ pour les frais de sous-traitants sont des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

14)  Projet B-12-07 : Développement de produit de réparation pour le béton compacté au rouleau

14.1  Description du projet

[387]  Ce projet s’inscrit dans la continuité du projet de revêtement du stationnement de BMQ. Le béton compacté au rouleau ou BCR est un produit ayant connu des ratés à la suite de son arrivée sur le marché il y a une quinzaine d’années. Un produit de réparation du BCR était disponible mais il était très coûteux. Selon monsieur Bertrand, BMQ a décidé de développer un produit de réparation pour ce type de béton qui pouvait être utilisé pour des réparations en couche mince ainsi qu’en profondeur.

[388]  Selon monsieur Bertrand, il est difficile de valider la durabilité d'un tel produit sans le mettre à l’épreuve dans des conditions réelles, lesquelles comprennent, par exemple, le passage de véhicules lourds, car les tests en laboratoire ne suffisent pas toujours pour obtenir une représentation fidèle d’un produit.

[389]  BMQ a donc entrepris de tester des produits de réparation sur sa propre dalle faite de BCR située dans son stationnement. Deux bandes ont été creusées dans la dalle de BCR du stationnement de BMQ pour tester les produits, c’est‑à‑dire que deux petites sections de la dalle du stationnement ont été démolies (deux pieds de largeur, une vingtaine de pieds de longueur et différentes profondeurs, soit 25 et 125 millimètres respectivement). L’une a été démolie par scarification et l’autre à l’aide d’un marteau‑piqueur. Toutes deux sont situées dans une partie du stationnement de BMQ où des camions lourds passent régulièrement pour se ravitailler.

[390]  Plus particulièrement, trois mélanges de béton de réparation ont été mis en place sur les lisières. Selon monsieur Bertrand, les mélanges testés n’étaient pas des mélanges « tablettes ». Les mélanges étaient tous composés de ciment à prise rapide, mais comportaient des variations dans le type de ciment et les adjuvants utilisés.

[391]  Le premier mélange mis en place était un mélange développé par BMQ dans les années 2000. Il devait servir de point de comparaison pour les deux autres mélanges. Le deuxième mélange était un béton autoplaçant contenant un type de ciment que BMQ n’utilisait que depuis deux ans ainsi qu’un adjuvant superplastifiant et un adjuvant colloïdal qui donnaient au mélange sa propriété autoplaçante. Enfin, le troisième mélange était de nature expérimentale et avait pour particularité de contenir du latex acrylique en poudre. Ce mélange avait été testé aux États-Unis et utilisé pour la réparation d’ouvrages de béton dans ce pays. Toutefois, l’expert consulté par monsieur Bertrand avait confirmé qu’il ne croyait pas que ce béton soit performant dans les réparations envisagées. Monsieur Bertrand ne savait pas si ce troisième mélange donnerait des résultats satisfaisants dans les tests d’écaillage et s’il satisferait à la norme d’adhérence, puisque ce mélange n’avait jamais été testé au Québec dans nos conditions climatiques difficiles.

[392]  Les ciments utilisés dans le deuxième et le troisième mélange provenaient du même fournisseur, CTS Cement, avec qui BMQ a planifié la mise en œuvre de ce projet.

[393]  Des échantillons ont été prélevés lors de la mise en place des produits de réparation pour vérifier l’adhérence par cisaillement oblique, le réseau de bulles d’air, ainsi que la résistance à la compression. Selon monsieur Bertrand, deux des trois mélanges peuvent être utilisés pour faire des réparations au BCR; toutefois, le mélange expérimental provenant des États‑Unis ne peut être utilisé qu’à l’intérieur puisqu’il n’a pas atteint les normes des tests de durabilité.

[394]  BMQ a continué à observer au cours des années suivantes l’évolution des réparations effectuées. Trois ans après la fin de l’année d’imposition en litige, BMQ a fait des tests de résistance à la traction sur des carottes prélevées dans les lisières pour vérifier l’adhérence des mélanges à la dalle de béton sur laquelle ils ont été posés. L’essai d’autres produits de réparation combiné à différentes techniques de démolition de la dalle de BCR a aussi été fait dans les années d’imposition postérieures à l’année d’imposition 2012.

[395]  Dans l’éventualité où les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet seraient qualifiées d’activités de RS&DE, le désaccord des parties concernerait des dépenses totalisant 11 523 $ pour les salaires, 967 $ pour les matériaux et 1 917 $ pour les frais de sous‑traitant, dont la déduction est réclamée par BMQ. L’intimée prétend que seulement des montants de 1 920 $ pour salaires et de 394 $ pour les matériaux sont des dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII.

14.2  Thèses des parties

[396]  Selon l’appelante, une incertitude technologique existait du fait que les seules données disponibles sur ce type de béton provenaient de la Californie, où les conditions climatiques sont différentes et que les mélanges développés devaient être compatibles avec la bétonnière mobile. Monsieur Mimoune a mal compris le projet puisqu’il ne distingue pas le BCR en tant que tel des produits de réparation pour ce béton. Le projet a permis de développer de nouveaux produits prometteurs dont on a continué à faire le suivi dans les années subséquentes à l’année en litige. Ces activités constituent donc des activités de RS&DE puisqu’elles peuvent être qualifiées de travaux de développement expérimental entrepris dans l’intérêt du progrès technologique.

[397]  Selon l’intimée, les activités ne peuvent être qualifiées d’activités de RS&DE. Selon monsieur Mimoune, les mélanges avaient été développés en collaboration avec l’entreprise ayant créé les ciments introduits dans les mélanges mis à l’épreuve, soit CTS Cement. BMQ n’a ni modifié les mélanges ni développé de nouvelles techniques de mise en place du béton. Des produits de réparation étaient disponibles, et bien qu’il ait fallu les adapter à l’usage dans la bétonnière mobile, il s’agit d’un obstacle normal dans l’industrie. BMQ ne s’est pas servie de la méthode scientifique, selon lui, puisque les démarches consistaient principalement à consulter des experts. Également, l’intimée a soutenu que des discussions ont mené directement à des tests à grande échelle et que la méthode scientifique n’a donc pas été suivie par BMQ. De surcroît, le fait que les premiers essais aient donné des résultats satisfaisants appuie la position selon laquelle aucune incertitude technologique ne devait être surmontée dans le cadre de ce projet.

14.3  Discussion

a)  La qualification du projet

[398]  En l’espèce, la preuve a démontré que des ciments relativement nouveaux ont été introduits dans les mélanges testés et que la performance des mélanges en tant que produits de réparation du BCR était inconnue dans les techniques ou pratiques courantes de l’industrie. Un mélange avait été effectivement créé par BMQ en 2009 et utilisé pour effectuer des réparations sur le pont Champlain ; un autre mélange, contenant un latex acrylique, était un béton expérimental qui avait été testé aux États‑Unis et utilisé dans la réparation de certains ouvrages aux États‑Unis; et un autre mélange était utilisé par BMQ depuis le début des années 2000. Je considère que l’objectif de BMQ dans ce projet était de faire progresser les procédés permettant de réparer les dalles de BCR. La preuve a démontré que les caractéristiques du béton de réparation n’étaient pas fixées au départ; l’objectif était justement de développer un béton pouvant être utilisé pour des réparations en couches minces ainsi qu’en profondeur. On a donc répondu au critère du progrès technologique.

[399]  En l’espèce, BMQ m’a convaincue de l’existence d’une incertitude technologique dans ce projet, laquelle ne pouvait être dissipée par les études techniques ou les procédures habituelles, puisque BMQ a démontré que la probabilité d’atteindre les objectifs recherchés n’était pas connue ou déterminée d’avance d’après les connaissances technologiques habituellement disponibles. En effet, aucun test à grande échelle n’avait été fait pour tester les nouveaux matériaux de réparation du BCR. BMQ ne pouvait donc se fier à des études techniques ou aux pratiques courantes pour dissiper cette incertitude technologique. Plus particulièrement, un des mélanges n’avait jamais été testé ni utilisé au Québec.

[400]  Également, BMQ s’est servie de la méthode scientifique dans le cadre de ce projet, ayant procédé par la comparaison des résultats des différents mélanges placés dans des conditions semblables; elle a également posé des hypothèses.

[401]  Comme dans le cas des autres projets, les essais de BMQ peuvent partiellement être reconstitués à l’aide de sa documentation, mais un rapport compilant les essais et permettant de suivre la réflexion de BMQ tout au long du projet n’a pas été fait. Toutefois, même si BMQ n’a pas dressé de compte rendu détaillé de façon contemporaine aux essais, la documentation produite à l’audience et la preuve testimoniale, particulièrement le témoignage de monsieur Bertrand, ont démontré le déroulement des activités.

[402]  Ainsi, pour ces raisons, les activités exercées par BMQ dans le cadre de ce projet constituent des activités de RS&DE.

b)  Les dépenses

[403]  L’intimée conteste l’admissibilité des dépenses de salaire, de matériaux et de sous‑traitants engagées par BMQ dans le cadre de ce projet, bien que l’appelante ait réduit sa réclamation par rapport à chacun de ces postes de dépenses.

[404]  L’intimée conteste l’admissibilité de 11 523 $ de dépenses de salaire versés aux employés pour certaines activités en lien avec le projet. Il s’agit d’abord de la rémunération pour certaines heures passées par monsieur Bertrand et monsieur Dubé à discuter avec le fournisseur de ciment CTS Cement pour développer des mélanges et planifier des essais et avec des représentants du MTQ pour établir les objectifs du projet (12 heures pour monsieur Bertrand et 22 heures pour monsieur Dubé). Il s’agit aussi de la rémunération pour les heures consacrées par les stagiaires et les techniciens ACI aux mêmes tâches ainsi qu’à l’analyse des résultats de certains projets américains (34 heures dans le cas de A. Labbé‑Thibault et six heures dans le cas de J. Pierre). L’intimée considère comme inadmissibles les salaires versés aux stagiaires et aux techniciens ACI pour leur participation à des discussions, à la formulation des mélanges, à la démolition de la dalle de béton déjà en place et à la préparation de la surface de même qu’à l’analyse des résultats. L’intimée ne considère donc comme admissibles que les salaires pour leur participation à la mise en place des mélanges et à la prise d’échantillons. Deux heures d’analyse de résultats indiquées pour le 4 janvier 2012 sont aussi remises en question dans le cas de monsieur Dubé.

[405]  En ce qui a trait aux dépenses de matériaux, l’intimée considère qu’elles devraient être réduites à 394 $.

[406]  Enfin, BMQ a engagé des dépenses de sous‑traitants pour que des sous‑traitants préparent la surface du béton BCR où les produits devaient être testés et pour que des laboratoires indépendants effectuent des tests permettant de vérifier le respect des normes. Pour l’intimée, l'ensemble de ces dépenses sont inadmissibles.

[407]  Tel qu’il a été mentionné auparavant, les salaires relatifs aux activités de gestion affectant le déroulement des travaux de RS&DE sont des salaires versés directement pour l’exercice des activités de RS&DE, et les dépenses se rapportant à ces activités sont déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII. Cependant, les discussions avec un client qui n’affectent pas le déroulement des travaux de RS&DE ne peuvent être prises en compte. En l’espèce, les feuilles de temps ne mentionnent que des discussions se rapportant à la formulation de mélanges, à la planification d’essais et aux analyses des résultats obtenus pour certains mélanges, soit des activités affectant directement le déroulement des activités de RS&DE. Les dépenses au titre des salaires de monsieur Bertrand et de monsieur Dubé pour les heures consacrées à ces activités sont donc admissibles.

[408]  Également, les dépenses pour les heures consacrées par les techniciens ACI et les stagiaires aux mêmes tâches seraient admissibles, puisque, selon la preuve, leur rôle dans BMQ est de participer à l’analyse des résultats – participation qui comprend les réunions de mise à jour et d’échanges d’idées – et ils sont en plus autorisés à faire les manipulations et les différents tests. En ce qui concerne les deux heures passées par monsieur Dubé à faire des analyses de résultats, elles seraient aussi admissibles puisque ce sont aussi des heures directement en lien avec des activités de RS&DE. Tel qu’il a été mentionné auparavant, l’analyse des résultats est une partie intégrante de la méthode scientifique. Les heures consignées pour les stagiaires et les techniciens ACI à cet égard devraient également être admissibles.

[409]  Toutefois, je considère que les dépenses de salaire pour les heures consignées pour les stagiaires et les techniciens ACI à l’égard de la démolition et de l’excavation de la dalle de béton ne sont pas admissibles aux fins de l’article 37 ni aux fins du calcul du CII. Ces employés, lorsqu’ils procèdent à la démolition de la dalle de béton, n’exercent pas directement des activités de RS&DE. Ces dépenses ne sont donc pas admissibles.

[410]  La déduction réclamée pour salaires doit être réduite en tenant compte des éléments décrits ci‑dessus. Ainsi, il faut retrancher 18 heures dans le cas de S. Fournier, neuf heures dans le cas de A. Labbé‑Thibault et 33 heures dans le cas de J. Pierre, ce qui représente au total une somme de 1 524 $.

[411]  Également, compte tenu du témoignage de monsieur Dubé selon lequel les heures indiquées sur les feuilles de temps sont arrondies, il est raisonnable de conclure que 10 % des heures consignées pour le projet sont excessives.

[412]  Ainsi, les dépenses de salaire dont la déduction est réclamée par BMQ devraient être réduites d’un montant total de 2 715 $, représentant les salaires pour les activités non admissibles (1 524 $) et la réduction de 10 % des dépenses (1 191 $). Le total des dépenses de salaire déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII est donc de 10 728 $.

[413]  Selon la preuve documentaire déposée à l’audience, les dépenses pour les matériaux totalisent 494 $, représentant le coût des divers mélanges testés dans le cadre de ce projet. Or, selon la pièce AR‑1, l’appelante a renoncé à demander la déduction des coûts relatifs aux bétonnières mobiles (soit les 32 heures au cours de laquelle elles ont été utilisées). Compte tenu des concessions faites par les parties, le total des dépenses pour les matériaux qui sont déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII est donc de 494 $.

[414]  Les dépenses relatives aux sous‑traitants dont on a retenu les services pour faire les tests en laboratoire sont considérées comme des dépenses pour des activités des RS&DE, étant des dépenses engagées en soutien du projet et directement liées aux travaux de RS&DE. Toutefois, les dépenses engagées pour l’excavation de la dalle de BCR ne devraient pas être incluses comme dépenses déductibles selon l’article 37 et admissibles pour le calcul du CII, celles‑ci étant plutôt remplacées par le montant de remplacement, puisque je considère que ces dépenses ne représentent pas des dépenses directement liées aux travaux de RS&DE. Ainsi, compte tenu des concessions faites par l’appelante et des pièces produites en preuve, la dépense de 1 917 $ pour les sous‑traitants est déductible selon l’article 37 et admissible pour le calcul du CII.

E.  CONCLUSION

[415]  Pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus que les activités exercées par BMQ dans le cadre des projets B‑10‑18, B‑11‑04, B‑11‑07, B‑12‑01, B‑12‑03 et B‑12‑07 sont des activités de RS&DE. Également les montants suivants sont des dépenses déductibles à titre de dépenses courantes selon l’article 37 de la Loi et des dépenses admissibles pour le calcul du CII :

  • i) Pour l’année d’imposition 2010 : 3 521 $ pour les salaires, 427 $ pour les matériaux et 360 $ pour les frais de sous‑traitants;

  • ii) Pour l’année d’imposition 2011 : 37 668 $ pour les salaires, 2 520 $ pour les matériaux et 3 425 $ pour les frais de sous‑traitants;

  • iii) Pour l’année d’imposition 2012 : 44 192 $ pour les salaires, 4 433 $ pour les matériaux et 9 204 $ pour les frais de sous‑traitants.

[416]  Par conséquent et selon ces motifs, les appels pour l’année d’imposition 2010, l’année d’imposition 2011 et l’année d’imposition 2012 sont admis, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de décembre 2019.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur

 


ANNEXE A

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)

Alinéas 37(1)a) et b), sous-alinéa 37(1)b)(i) et subdivision 37(8)a)(ii)(A)III et division 37(8)a)(ii)(B)

Activités de recherche scientifique et de développement expérimental

37 (1) Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d’une année d’imposition peut déduire dans le calcul du revenu qu’il tire de cette entreprise pour l’année un montant qui ne dépasse pas l’excédent éventuel du total des montants suivants :

a) le total des montants dont chacun représente une dépense de nature courante qu’il a faite au cours de l’année ou d’une année d’imposition antérieure se terminant après 1973 :

(i) soit pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada directement par le contribuable ou pour son compte, en rapport avec une entreprise du contribuable,

[…]

b) le moins élevé des montants suivants :

(i) le total des montants dont chacun représente une dépense en capital que le contribuable a faite au cours de l’année ou d’une année d’imposition antérieure se terminant après 1958 quant à des biens acquis qui seraient, sans le présent article, des biens amortissables du contribuable – autres que des fonds de terre ou des droits de tenure à bail dans ces fonds –, pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada directement par le contribuable ou pour son compte, en rapport avec une entreprise du contribuable,

ii) la fraction non amortie du coût en capital des biens ainsi acquis, pour le contribuable, à la fin de l’année (avant toute déduction, prévue par le présent alinéa, dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année);

[…]

Interprétation

(8) Dans le cadre du présent article :


a) les mentions des dépenses afférentes aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental :

[…]

(ii) lorsqu’elles figurent ailleurs qu’au paragraphe (2), se limitent :

(A) aux dépenses engagées par un contribuable au cours d’une année d’imposition, sauf une année d’imposition pour laquelle le contribuable a fait le choix prévu à la division (B), représentant chacune :

[…]

(III) soit une dépense en capital pour la fourniture de locaux, d’installations ou de matériel qui, au moment où la dépense est engagée, répondent à l’une des conditions suivantes :

1. ils sont censés être utilisés, pendant la totalité, ou presque, de leur temps d’exploitation au cours de leur vie utile prévue, dans le cadre d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada,

2. la totalité, ou presque, de leur valeur est censée être consommée dans le cadre d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada,

(B) si un contribuable en fait le choix sur formulaire prescrit et en conformité avec le paragraphe (10) pour une année d’imposition, aux dépenses engagées par lui au cours de l’année, représentant chacune :

(I) soit une dépense courante pour la location de locaux, d’installations ou de matériel servant à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada et qui y est attribuable en totalité, ou presque, à l’exception d’une dépense pour du mobilier ou de l’équipement de bureau de nature générale,

(II) soit une dépense pour des activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada et entreprises directement pour le compte du contribuable,

(III) soit une dépense visée à la subdivision (A)(III), à l’exception d’une dépense pour du mobilier ou de l’équipement de bureau de nature générale,


(IV) soit la partie d’une dépense faite relativement à des frais engagés au cours de l’année pour le traitement ou le salaire d’un employé exerçant directement des activités de recherche scientifique et de développement expérimental au Canada, qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à ce travail compte tenu du temps que l’employé y consacre; à cette fin, la partie de dépense est réputée correspondre au montant de la dépense si elle en constitue la totalité, ou presque,

(V) soit le coût du matériel consommé dans le cadre d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada,

(VI) soit la moitié de toute autre dépense courante pour la location de locaux, d’installations ou de matériel utilisés principalement dans le cadre d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada, à l’exception d’une dépense pour du mobilier ou de l’équipement de bureau de nature générale,

Paragraphe 127(5)

Crédit d’impôt à l’investissement

(5) Est déductible de l’impôt payable par ailleurs par un contribuable en vertu de la présente partie pour une année d’imposition un montant qui ne dépasse pas le moins élevé des montants suivants :

a) le total des sommes suivantes :

(i) tout crédit d’impôt à l’investissement du contribuable à la fin de l’année […] ou de son compte de dépenses admissibles de recherche et de développement à la fin de l’année ou d’une année d’imposition antérieure,

[…]

Paragraphe 127(9)

[…]

compte de dépenses admissibles de recherche et de développement Quant à un contribuable à la fin d’une année d’imposition, le résultat du calcul suivant :

A + B – C

où :

A  représente le total des montants représentant chacun une dépense admissible que le contribuable a engagée au cours de l’année;

B  le total des montants représentant chacun un montant déterminé selon l’alinéa (13)e) pour l’année quant au contribuable, relativement auquel il présente au ministre un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits au plus tard douze mois après la date d’échéance de production qui lui est applicable pour l’année;

C  le total des montants représentant chacun un montant déterminé selon l’alinéa (13)d) pour l’année quant au contribuable.

[…]

dépense admissible Dépense engagée par un contribuable au cours d’une année d’imposition qui représente :

a) soit une dépense relative à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental qui, selon le cas :

(i) est affectée à du matériel à vocations multiples de première période ou à du matériel à vocations multiples de deuxième période,

(ii) est visée à l’alinéa 37(1)a),

(iii) est visée au sous-alinéa 37(1)b)(i),

b) soit un montant de remplacement visé par règlement applicable au contribuable pour l’année (qui, pour l’application de l’alinéa e), est réputé être un montant engagé au cours de l’année).

[…]

Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945

Paragraphe 2900(4)

[…]

2900(4) Pour l’application de la définition de dépense admissible, au paragraphe 127(9) de la Loi, le montant de remplacement applicable à un contribuable quant à une entreprise pour une année d’imposition à l’égard de laquelle il fait le choix prévu à la division 37(8)a)(ii)(B) de la Loi est égal à 65 % du total des montants représentant chacun la partie du montant qu’il a engagé au cours de l’année, au titre du traitement ou du salaire de son employé qui participe directement à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental exercées au Canada, qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à ces activités compte tenu du temps que l’employé y consacre.


SCHEDULE A

Income Tax Act, R.S.C. 1985, c. 1 (5th supp.)

Paragraphs 37(1)(a) and (b), subparagraph 37(1)(b)(i) and subclause 37(8)(a)(ii)(A)III and clause 37(8)(a)(ii)(B)

Scientific research and experimental development

37 (1) Where a taxpayer carried on a business in Canada in a taxation year, there may be deducted in computing the taxpayer’s income from the business for the year such amount as the taxpayer claims not exceeding the amount, if any, by which the total of

(a) the total of all amounts each of which is an expenditure of a current nature made by the taxpayer in the year or in a preceding taxation year ending after 1973

(i) on scientific research and experimental development carried on in Canada, directly undertaken by or on behalf of the taxpayer, and related to a business of the taxpayer,

[…]

(b) the lesser of

(i) the total of all amounts each of which is an expenditure of a capital nature made by the taxpayer (in respect of property acquired that would be depreciable property of the taxpayer if this section were not applicable in respect of the property, other than land or a leasehold interest in land) in the year or in a preceding taxation year ending after 1958 on scientific research and experimental development carried on in Canada, directly undertaken by or on behalf of the taxpayer, and related to a business of the taxpayer, and

(ii) the undepreciated capital cost to the taxpayer of the property so acquired as of the end of the taxation year (before making any deduction under this paragraph in computing the income of the taxpayer for the taxation year),

[…]

Interpretation

(8) In this section,


(a) references to expenditures on or in respect of scientific research and experimental development

[…]

(ii) where the references occur other than in subsection 37(2), include only

(A) expenditures incurred by a taxpayer in a taxation year (other than a taxation year for which the taxpayer has elected under clause (B)), each of which is

[…]

(III) an expenditure of a capital nature that at the time it was incurred was for the provision of premises, facilities or equipment, where at that time it was intended

1. that it would be used during all or substantially all of its operating time in its expected useful life for, or

2. that all or substantially all of its value would be consumed in,

the prosecution of scientific research and experimental development in Canada, and

(B) where a taxpayer has elected in prescribed form and in accordance with subsection 37(10) for a taxation year, expenditures incurred by the taxpayer in the year each of which is

(I) an expenditure of a current nature for, and all or substantially all of which was attributable to, the lease of premises, facilities or equipment for the prosecution of scientific research and experimental development in Canada, other than an expenditure in respect of general purpose office equipment or furniture,

(II) an expenditure in respect of the prosecution of scientific research and experimental development in Canada directly undertaken on behalf of the taxpayer,

(III) an expenditure described in subclause (A)(III), other than an expenditure in respect of general purpose office equipment or furniture,


(IV) that portion of an expenditure made in respect of an expense incurred in the year for salary or wages of an employee who is directly engaged in scientific research and experimental development in Canada that can reasonably be considered to relate to such work having regard to the time spent by the employee thereon, and, for this purpose, where that portion is all or substantially all of the expenditure, that portion shall be deemed to be the amount of the expenditure,

(V) the cost of materials consumed in the prosecution of scientific research and experimental development in Canada, or

(VI) ½ of any other expenditure of a current nature in respect of the lease of premises, facilities or equipment used primarily for the prosecution of scientific research and experimental development in Canada, other than an expenditure in respect of general purpose office equipment or furniture;

Subsection 127(5)

Investment tax credit

(5) There may be deducted from the tax otherwise payable by a taxpayer under this Part for a taxation year an amount not exceeding the lesser of

(a) the total of

(i) the taxpayer’s investment tax credit at the end of the year […] or of the taxpayer’s SR&ED qualified expenditure pool at the end of the year or at the end of a preceding taxation year, and

[…]

Subsection 127(9)

[…]

SR&ED qualified expenditure pool of a taxpayer at the end of a taxation year means the amount determined by the formula

A + B - C

where

A  is the total of all amounts each of which is a qualified expenditure incurred by the taxpayer in the year,

B  is the total of all amounts each of which is an amount determined under paragraph 127(13)(e) for the year in respect of the taxpayer, and in respect of which the taxpayer files with the Minister a prescribed form containing prescribed information by the day that is 12 months after the taxpayer’s filing-due date for the year, and

C  is the total of all amounts each of which is an amount determined under paragraph 127(13)(d) for the year in respect of the taxpayer

[…]

qualified expenditure incurred by a taxpayer in a taxation year means

(a) an amount that is an expenditure incurred in the year by the taxpayer in respect of scientific research and experimental development that is an expenditure

(i) for first term shared‑use‑equipment or second term shared‑use‑equipment,

(ii) described in paragraph 37(1)(a), or

(iii) described in subparagraph 37(1)(b)(i), or

(b) a prescribed proxy amount of the taxpayer for the year (which, for the purpose of paragraph (e), is deemed to be an amount incurred in the year),

[…]

Income Tax Rules, C.R.C. c. 945

Rule 2900(4)

[…]

2900(4) For the purposes of the definition qualified expenditure in subsection 127(9) of the Act, the prescribed proxy amount of a taxpayer for a taxation year, in respect of a business, in respect of which the taxpayer elects under clause 37(8)(a)(ii)(B) of the Act is 65% of the total of all amounts each of which is that portion of the amount incurred in the year by the taxpayer in respect of salary or wages of an employee of the taxpayer who is directly engaged in scientific research and experimental development carried on in Canada that can reasonably be considered to relate to the scientific research and experimental development having regard to the time spent by the employee on the scientific research and experimental development.

 


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 278

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2015-3425(IT)G
2016-4491(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

BÉTON MOBILE DU QUÉBEC INC. c.
SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 8, 9, 10, 11 et 12 avril
et les 29, 30 et 31 mai 2019

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 décembre 2019

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Me Maude Piché
Me Olivier Verdon

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Noms :

Me Maude Piché

Me Olivier Verdon

Cabinet :

Starnino Mostovac S.E.N.C.

Montréal, Québec

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]   La version anglaise de la Loi utilise l’expression « directly engaged » autant au par. 2900(4) du Règlement qu’à la subdivision 37(8)a)(ii)(B)(IV) alors que la version française utilise l’expression « participe directement » au par. 2900(4) du Règlement et l’expression « exerçant directement » à la subdivision 37(8)a)(ii)(B)(IV). Je suis d’avis que ces expressions ont la même signification et j’utiliserai l’expression « exerçant directement » dans ces motifs.

[2]   Dans tous les projets, sauf dans le cas du projet B‑10‑12, les dépenses en litige sont de nature courante. Afin d'alléger le texte, je ne l'ai pas spécifié dans le cadre du texte.

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