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Dossier : 2018-2164(IT)I

ENTRE :

9228-2987 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appels entendus les 18 et 21 novembre 2019, à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Jean El Masri

Avocate de l'intimée :

Me Justine Allaire-Rondeau

 

JUGEMENT

Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition se terminant le 31 décembre 2011, 2012, 2013 et 2014 sont rejetés, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de décembre 2019.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur

 


Référence : 2019 CCI 281

Date : 20191213

Dossier : 2018-2164(IT)I

ENTRE :

9228-2987 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

I. CONTEXTE ET QUESTIONS EN LITIGE

[1]  9228-2987 Québec inc. (l’« appelante ») interjette appel des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), (la « Loi ») pour les années d’imposition se terminant le 31 décembre 2011, 2012, 2013 et 2014. Dans ces nouvelles cotisations, le ministre a déterminé que les bénéfices nets générés par la vente d’immeubles devaient être considérés comme un revenu d’entreprise et non pas comme un gain en capital et que la déduction réclamée pour un don de 21 500 $ qu’aurait effectué l’appelante au cours de l’année 2012 ne pouvait être accordée pour cette année-là ni reportée à l’année d’imposition 2014.

[2]  Au cours des années 2011 et 2012, l’appelante a acquis deux immeubles à logements situés sur la rue de Bordeaux sur le Plateau-Mont-Royal à Montréal. Le premier immeuble comportait 8 appartements (les 4361, 4363, 4365, 4367, 4369, 4371, 4373 et 4375, rue de Bordeaux) (« Bordeaux 1 »). Le deuxième immeuble comptait trois appartements (les 4319, 4321 et 4323, rue de Bordeaux) (« Bordeaux 2 »). Peu de temps après l’acquisition des immeubles, l’appelante a versé des indemnités aux locataires afin qu’ils quittent leurs appartements de façon volontaire. Par la suite, elle a rénové les appartements, a mis en indivision les immeubles et a vendu les appartements au cours des années 2011, 2012 et 2013. L’appelante a réalisé dans les années d’imposition 2011, 2012 et 2013 des bénéfices nets de 359 786 $, de 210 475 $ et de 74 286 $ respectivement provenant de la vente des appartements.

[3]  Seule la nature des bénéfices nets réalisés par l’appelante sur la vente des appartements est en litige, les parties étant en accord quant aux montants en litige. L’appelante soutient qu’au moment de l’acquisition des immeubles son intention était d’investir dans des immeubles afin d’en tirer des revenus de location sur une longue période. Les bénéfices tirés de la vente des immeubles sont donc de la nature de gains en capital. Ce n’est qu’après la découverte de problèmes importants de structure qu’elle aurait modifié ses plans et décidé de mettre en indivision des immeubles et de vendre les appartements à la pièce. L’intimée prend plutôt la position que, lors de l’acquisition des immeubles, l’intention de l’appelante était d’investir, de mettre en indivision des immeubles et de revendre à profit les appartements, et conséquemment, de générer un revenu d’entreprise.

[4]  En ce qui concerne la question de la déductibilité des montants de don, l’intimée prend la position qu’aucun don n’a été effectué par l’appelante et que le reçu n’est pas conforme aux prescriptions de la Loi, ayant été établi au nom de David Nataf, le frère de Frédéric Nataf (président et unique actionnaire de l’appelante), et non pas au nom de l’appelante. L’appelante prétend que le don a été valablement effectué par elle et que le reçu pour don est conforme puisqu’il existait une convention de prête-nom entre l’appelante et David Nataf.

[5]  Ainsi, les questions suivantes sont en litige devant la Cour :

  • 1) Est-ce à titre de revenus d’entreprise ou à titre de gains en capital que les montants de 359 786 $, de 210 475 $ et de 74 286 $ doivent être inclus dans le calcul du revenu de l’appelante pour les années d’imposition se terminant le 31 décembre 2011, 2012 et 2013 respectivement?

  • 2) Est-ce qu’une déduction pour don totalisant 21 500 $ peut être accordée à l’appelante et reportée à l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2014?

[6]  À l’audience, M. Frédéric Nataf (« M. Nataf ») de même que Mme Akuvi Dansou, vérificatrice à l’Agence du revenu du Canada et chargée de la vérification du dossier de l’appelante, ont témoigné.

[7]  Dans ces motifs, toute disposition législative à laquelle il est fait référence est une disposition de la Loi.

II. LA NATURE DES BÉNÉFICES TIRÉS DE LA VENTE DES IMMEUBLES

A-  La Loi et les principes applicables

[8]  La Loi ne contient aucun critère permettant de déterminer si le gain tiré de la disposition d’un immeuble est imputable au revenu et considéré comme un revenu d’entreprise ou encore imputable au capital et considéré comme un gain en capital. La qualification de la nature d’une transaction sera donc fonction des faits propres à chaque cas.

[9]  Toutefois, au paragraphe 248(1), le terme « entreprise » inclut les « projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial ».

[10]  Le juge Major, dans l’arrêt Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103 (« Friesen »), indique que la notion de « projet comportant un risque ou les affaires de caractère commercial » est « […] une création jurisprudentielle visant à départager les opérations d’achat et de vente qui sont de nature commerciale de celles qui tiennent d’une immobilisation » (paragraphe 15).

[11]  Dans Friesen, précité, le juge Major poursuit en indiquant, au paragraphe 16, que la première condition à l’existence d’un tel projet est qu’il doit comporter un « plan visant la réalisation d’un bénéfice ».  La liste des facteurs à prendre en compte pour déterminer si cette condition est remplie a été formulée ainsi par le juge Major, se référant, au paragraphe 17 au bulletin d’interprétation IT-218R :

(i) L’intention du contribuable relativement au bien immeuble au moment de l’achat, ses possibilités de réalisation et la mesure dans laquelle cette intention est réalisée. L’intention de revendre la propriété avec bénéfice la rendra plus susceptible d’être qualifiée de projet comportant un risque de caractère commercial.
(ii) La nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation du contribuable et des associés. Plus l’entreprise ou la profession d’un contribuable est liée aux transactions immobilières, plus il est probable que le revenu réalisé sera considéré comme un revenu tiré d’une entreprise plutôt que comme un gain en capital.
(iii) La nature du bien et l’usage qu’en fait le contribuable.
(iv) La mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition du bien immeuble et la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable. Les opérations impliquant emprunt et revente rapide sont plus susceptibles d’être des projets comportant un risque de caractère commercial.

[12]  En ce qui a trait à l’intention, la Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces termes dans l’arrêt Canada Safeway Limited c. La Reine, 2008 CAF 24 (paragraphe 43) :

[...] bien que les tribunaux appliquent divers facteurs, à savoir ceux qui sont énumérés dans le bulletin d’interprétation IT‑218R, pour déterminer si une opération constitue un projet comportant un risque de caractère commercial ou une opération en capital, le facteur le plus déterminant est l’intention qu’avait le contribuable au moment de l’acquisition du bien. Si cette intention révèle l’existence d’un plan visant la réalisation d’un bénéfice, le tribunal conclura que l’opération répond à la définition de projet comportant un risque de caractère commercial.

[Non souligné dans l’original.]

[13]  Également, la jurisprudence a élaboré le critère de l’intention secondaire voulant que, si, au moment de l’acquisition du bien, le contribuable avait à l’esprit la possibilité de vendre le bien à profit si son projet d’investissement à long terme ne pouvait se réaliser, le gain tiré de la vente soit imputable au revenu et non pas au capital (Happy Valley Farms Ltd. c. La Reine (1986), 7 F.T.R. 3, 86 DTC 6421).

B-  Contexte factuel

[14]  Au cours des années d’imposition en litige, et encore aujourd’hui, M. Nataf est un homme d’affaires impliqué dans la gestion de biens immobiliers. Vers 2007‑2008, il a acquis un duplex, et ensuite, en 2010 et en 2011, il a acquis d’autres immeubles locatifs. M. Nataf détient des immeubles commerciaux à Saint-Lambert et à Chambly ainsi que des immeubles résidentiels locatifs à Jonquière et à Cap‑de‑la-Madeleine. De 2004 à 2010, il a travaillé pour le Groupe Tov, entreprise exerçant des activités dans le domaine de la gestion immobilière résidentielle et commerciale. Selon M. Nataf, le but de ces acquisitions était de constituer un portefeuille de propriétés afin de pouvoir en tirer des revenus de location. Il est actionnaire de plusieurs sociétés par actions ayant été constituées au fil des années pour faire l’acquisition de diverses propriétés.

Les immeubles : Bordeaux 1 et Bordeaux 2

[15]  L’appelante a été constituée en 2010 pour l’acquisition des deux immeubles à logements en cause, soit Bordeaux 1 et Bordeaux 2. Selon M. Nataf, il a également procédé à l’acquisition de ces deux immeubles pour se construire un portefeuille immobilier locatif et accroître ses revenus. Dans les deux cas, une convention de prête-nom a été conclue entre l’appelante et David Nataf pour l’acquisition des immeubles.

[16]  Également, selon le témoignage de M. Nataf, dès l’acquisition des immeubles, une entreprise portant le nom de ImmoMarketing a été mandatée pour gérer les immeubles. Cette gestion impliquait, entre autres, la perception des loyers. Toutefois, M. Nataf a témoigné qu’ayant découvert l’étendue des problèmes de structure dans les deux immeubles peu de temps après leur acquisition, il a modifié son plan quant à la destination des immeubles. Il a décidé de procéder à la réparation de la structure, à la rénovation des appartements, ainsi qu’à la mise en indivision des immeubles et à la vente des appartements. Il voulait ainsi limiter son dommage, mais il reconnaît avoir fait des profits.

[17]  Selon M. Nataf, après avoir pris la décision de financer et de faire exécuter les travaux, il n’avait pas d’autre choix que de résilier les baux des logements et de continuer le projet.

Bordeaux 1

[18]  Le 1er février 2011, l’appelante a procédé à l’acquisition de Bordeaux 1 pour un prix de 950 000 $. Au moment de l’achat, les huit logements étaient occupés. Le financement de ce montant a été effectué au moyen d’un prêt de 550 000 $ garanti par hypothèque consenti par la caisse populaire, d’un solde de prix de vente de 100 000 $ portant intérêt et garanti par hypothèque et d’un prêt consenti par un ami de M. Nataf (300 000 $).  Selon l’acte de vente, l’appelante s’est engagée à rembourser le solde de prix de vente dans un délai d’un an suivant l’achat. M. Nataf a témoigné que le financement de 100 000 $ par solde de prix de vente avait dû être négocié avec le vendeur puisque la caisse populaire avait conclu que Bordeaux 1 ne devait être évalué qu’à 850 000 $ et non pas à 950 000 $.

[19]  Avant de procéder à l’acquisition, M. Nataf a visité l’immeuble et a consulté les documents du vendeur, et en septembre ou octobre 2010, il s’est présenté sur place avec un ami ingénieur pour faire l’inspection de l’immeuble. Selon M. Nataf, une inspection visuelle a été effectuée à ce moment-là. Au cours de cette inspection, M. Nataf a réalisé que le plancher au deuxième étage n’était pas droit. De même, M. Nataf avait été avisé par le propriétaire que des pieux avaient été installés sous l’immeuble en 2004 par l’entreprise Bisson. Avant de procéder à l’achat, M. Nataf a fait confirmer par l’entreprise Bisson que l’immeuble n’avait pas bougé depuis la pose des pieux. M. Nataf a témoigné qu’il n’avait toutefois pas inspecté la cave de l’immeuble avant l’achat.

[20]  Peu de temps après l’achat, l’appartement situé au 4361, rue de Bordeaux s’est libéré par suite du départ volontaire du locataire. M. Nataf a témoigné avoir constaté, lors d’une visite de l’appartement, un affaissement important du plancher de la cuisine. Un ingénieur en structure, M. Grégoire Tremblay, a alors été mandaté pour inspecter l’immeuble.  Après cette inspection, et selon un courriel envoyé à M. Nataf en date du 10 avril 2011, l’ingénieur a conclu à un problème de structure nécessitant des travaux estimés à 32 000 $ afin de remettre l’immeuble en état.

[21]  Selon M. Nataf, le fait de remettre la structure en état a causé beaucoup de dommages à l’intérieur des logements – notamment aux planchers et aux murs – et donc d’autres travaux importants ont dû être faits. Au total, des travaux (comprenant les réparations à la structure) d’un montant entre 70 000 $ et 80 000 $ ont été effectués. M. Nataf a indiqué que son avocat lui avait alors confirmé qu’il n’avait pas de chance d’avoir gain de cause dans un recours pour vice caché contre le vendeur, vu, entre autres, que M. Grégoire Tremblay n’avait eu qu’à examiner la cave de l’immeuble pour conclure à un grave problème de structure.

[22]  M. Nataf a témoigné qu’il n’avait pas les liquidités qu’il fallait pour entreprendre les travaux. Le banquier de la caisse populaire lui a alors suggéré de mettre en indivision Bordeaux 1, c’est-à-dire de vendre les appartements en indivision afin de faciliter le financement par la caisse populaire. Afin d’obtenir le financement nécessaire pour entreprendre les travaux, M. Nataf a consenti à procéder à la mise en indivision, tel que le lui avait conseillé le banquier. Dans un premier temps, M. Nataf a convenu de rénover et de mettre en vente en indivision l’appartement 4361, vente qui a eu lieu le 31 août 2011 pour un prix de 360 000 $. Une convention d’indivision a également été conclue à cette même date, laquelle établissait la quote-part de chacun dans Bordeaux 1. Le solde de prix de vente de 100 000 $ a ensuite été remboursé en totalité.

[23]  M. Nataf a indiqué que, par la suite, il s’est rendu compte qu’il n’était pas possible de vendre un seul appartement en indivision et de louer les autres appartements. M. Nataf a alors poursuivi ses démarches pour évincer les autres locataires, mettre fin aux baux et mettre en place la structure pour vendre les autres appartements.

[24]  À compter du 15 avril 2011, l’appelante a commencé à payer les locataires pour qu’ils quittent leurs logements de Bordeaux 1. Un montant totalisant approximativement 122 000 $ a été payé à ce titre aux locataires des logements de Bordeaux 1 en 2011 et en 2012.

[25]  Les autres appartements de Bordeaux 1 ont été vendus aux dates et pour les prix (totalisant 1 844 000 $, y compris le prix de l’appartement situé au 4361, rue de Bordeaux) indiqués ci-dessous :

  • - 6 septembre 2011 : vente du 4375, rue de Bordeaux pour 317000 $;

  • - 23 décembre 2011 : vente du 4369, rue de Bordeaux pour 217 000 $;

  • - 16 avril 2012 : vente du 4373, rue de Bordeaux pour 188 000 $;

  • - 19 avril 2012 : vente du 4363, rue de Bordeaux pour 207 000 $;

  • - 20 juin 2012 : vente du 4365, rue de Bordeaux pour 185 000 $;

  • - 31 aout 2012 : vente du 4367, rue de Bordeaux pour 165 000 $;

  • - 14 mars 2013 : vente du 4371, rue de Bordeaux pour 205 000 $.

Bordeaux 2

[26]  Le 19 avril 2012, l’appelante a procédé à l’acquisition de Bordeaux 2 pour un prix de 725 000 $. Le financement de ce montant a été rendu possible en partie par un prêt de 535 000 $ garanti par hypothèque consenti par la caisse populaire et par un solde de prix de vente de 100 000 $ portant intérêt et garanti par hypothèque.  L’appelante s’est engagée à rembourser le solde de prix de vente avant le 14 décembre 2012.

[27]  Selon M. Nataf, la vente des appartements de Bordeaux 1 a permis à l’appelante de réaliser des profits et elle pouvait donc espérer reproduire à nouveau le modèle appris chez le Groupe Tov. M. Nataf a témoigné qu’il n’avait aucune intention, lors de l’achat de Bordeaux 2, de revendre les appartements.

[28]  M. Nataf a mandaté Grégoire Tremblay pour faire l’inspection de la structure. À la suite de l’inspection qu’il a effectuée en avril 2012, M. Tremblay a conclu que la structure était bonne.  

[29]  Toutefois, peu de temps après l’achat, un représentant de ImmoMarketing a visité l’appartement situé au rez-de-chaussée et a constaté un affaissement du plancher. M. Nataf a alors été avisé et a engagé l’entreprise Bisson pour faire l’évaluation de la structure. Dans une lettre en date du 20 juin 2012, Bisson a conclu qu’il y avait un sérieux affaissement de la structure de Bordeaux 2 et que des travaux de pose de pieux au coût de 25 800 $ étaient nécessaires. Un contrat daté du 12 juillet 2012 a été accordé à Bisson pour qu’elle effectue les travaux le plus vite possible, vu l’affaissement à l’arrière de l’immeuble.

[30]  M. Nataf a conclu qu’il n’y avait alors pas moyen de rentabiliser son investissement et a donc changé son plan. Il a ainsi décidé de procéder de la même manière que pour Bordeaux 1. M. Nataf a fait faire les travaux par l’entreprise Bisson au cours de l’été 2012. La preuve n’a toutefois pas établi les sommes payées aux locataires des logements de Bordeaux 2.

[31]  Par la suite, soit le 2 août 2012, l’appelante a vendu l’appartement situé au 4323, rue de Bordeaux pour un prix de 370 000 $. À cette même date, une convention d’indivision a été conclue établissant la quote-part de chacun dans l’immeuble.  Le solde de prix de vente a été remboursé.

[32]  Le 6 novembre 2012, l’appelante a vendu l’appartement situé au 4321, rue de Bordeaux pour un prix de 289 000 $.

C-  Analyse

[33]  Pour les motifs suivants, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la preuve a démontré que, lors de l’acquisition de Bordeaux 1 et de Bordeaux 2, l’intention de M. Nataf (et donc de l’appelante) était de revendre les appartements à profit. Également, les autres facteurs à examiner dans le cadre de l’analyse confirment cette intention. Conséquemment, les bénéfices tirés de la vente des appartements de Bordeaux 1 et de Bordeaux 2 doivent être inclus dans le calcul du revenu de l’appelante à titre de revenu d’entreprise et non pas à titre de gain en capital.

L’intention de M. Nataf (et donc de l’appelante) lors de l’acquisition des immeubles

[34]  Selon M. Nataf, au moment de l’achat des deux immeubles, il avait l’intention de conserver les immeubles à long terme, de rénover les appartements et de les louer. Son but était d’acquérir des actifs qu’il détiendrait à long terme afin d’en tirer des revenus de location. Le fait qu’un contrat de gestion avait été accordé à ImmoMarketing, le fait que l’argent pour la mise de fonds avait été prêté par un ami, le fait que M. Nataf débutait dans l’immobilier – ce qui tend à démontrer qu’il n’avait pas les moyens de faire les travaux – et le fait qu’une entente de prête-nom avait été conclue afin d’obtenir du financement sont tous des éléments indiquant l’intention de M. Nataf de conserver les immeubles à long terme. Ce n’est que lorsqu’il a constaté, peu de temps après l’acquisition des immeubles, les problèmes importants affectant la structure des immeubles qu’il a modifié ses plans : il a fait faire les réparations nécessaires, a mis en indivision les immeubles et a vendu les appartements à la pièce. Selon M. Nataf, quand les problèmes touchant la structure des immeubles ont surgi, il n’avait pas les fonds nécessaires pour effectuer les réparations, ce qui explique que ses plans aient changé. De même, M. Nataf prétend qu’il a procédé à la mise en indivision sur les conseils de son banquier, afin d’obtenir le financement nécessaire pour effectuer les travaux.

[35]  Je conclus toutefois que, lors de l’acquisition de Bordeaux 1 et de Bordeaux 2, l’intention de M. Nataf était plutôt de revendre les appartements à profit, à la suite de la mise en indivision des immeubles.

[36]  Tout d’abord, la preuve a démontré que M. Nataf connaissait l’état des immeubles au moment de leur acquisition, de même que l’ampleur des problèmes de structure les affectant. De même, la preuve a démontré que M. Nataf a visité les immeubles avant d’en faire l’acquisition.

[37]  En effet, M. Nataf s’est présenté sur le site de Bordeaux 1 (en septembre ou octobre 2010) avec un ami ingénieur pour faire une inspection. Selon le témoignage de M. Nataf, il n’y aurait eu qu’une inspection visuelle qui aurait été effectuée. Toutefois, je ne trouve pas plausible qu’il n’ait fait qu’une inspection visuelle de l’immeuble lors de l’achat de Bordeaux 1. En effet, la promesse d’achat datée du 16 septembre 2010 prévoit effectivement comme condition d’achat que l’acheteur doit visiter l’immeuble.  À titre de modification de cette condition apportée en date du 21 septembre 2010, il est indiqué qu’à la suite de la visite de l’immeuble est ajoutée à la promesse d’achat une clause d’inspection prévoyant que l’acheteur fera effectuer une inspection de l’immeuble au plus tard le 29 septembre 2010, et, s’il n’est pas entièrement satisfait, il pourra annuler la promesse d’achat. Le 3 novembre 2010, l’acheteur a confirmé être satisfait de l’immeuble. Également, je ne trouve pas plausible que personne ne soit allé visiter la cave de l’immeuble pour découvrir l’existence et l’étendue du problème de structure de Bordeaux 1 à la suite de la visite de l’immeuble faite en septembre ou octobre 2010 et surtout à la suite de la modification de la promesse d’achat. M. Nataf a témoigné que Grégoire Tremblay n’a eu qu’à inspecter la cave de Bordeaux 1 pour se rendre compte du problème de structure affectant Bordeaux 1.

[38]  De plus, il n’est pas plausible que ce ne soit qu’après le départ du locataire du logement situé au 4361, rue de Bordeaux, et donc tout juste après l’achat de Bordeaux 1, que M. Nataf a réalisé que le plancher de la cuisine de cet appartement s’était affaissé et qu’il devait donc y avoir un problème de structure plus important qu’il ne le croyait. La promesse d’achat prévoyait expressément comme condition de l’achat que l’acheteur devait visiter l’immeuble, et par la suite une clause d’inspection a été ajoutée. Il est improbable que M. Nataf, avec l’expérience qu’il avait acquise dans la gestion immobilière au sein du Groupe Tov, n’ait pas visité les logements avant d’acheter l’immeuble, vu la présence des pieux sous la structure de Bordeaux 1.

[39]  En ce qui concerne Bordeaux 2, l’acte de vente spécifiait que l’acheteur l’avait examiné le 20 février 2012 (article 6 sous le titre « Déclarations du vendeur »).  M. Nataf prétend que ce n’est plutôt qu’en avril 2012 que Grégoire Tremblay a inspecté Bordeaux 2. Toutefois, le témoignage de M. Nataf ne m’a pas convaincue. En effet, compte tenu de l’expérience vécue avec Bordeaux 1 et vu la grande expérience de M. Nataf dans la gestion immobilière, il est hautement improbable que M. Nataf n’ait pas procédé à une inspection de Bordeaux 2 avant d’en faire l’acquisition. De plus, en ce qui concerne Bordeaux 2, M. Nataf a témoigné qu’un représentant de ImmoMarketing avait constaté l’affaissement du plancher de l’appartement du rez-de-chaussée lors d’une simple visite peu après l’acquisition de l’immeuble par l’appelante. Je ne trouve pas plausible que cet affaissement n’ait pas été constaté lors de l’inspection de Bordeaux 2 effectuée avant l’achat.  

[40]  M. Nataf a témoigné que ce n’est qu’après l’acquisition de Bordeaux 1 qu’il a réalisé l’ampleur des problèmes touchant l’immeuble; à cet égard, il a produit en preuve le courriel de Grégoire Tremblay en date du 10 avril 2011 décrivant le problème et fournissant une estimation du coût des réparations. Ensuite, M. Nataf aurait rencontré son banquier, qui lui aurait suggéré de procéder à la mise en indivision, ce qui lui permettrait d’obtenir le financement nécessaire pour faire exécuter les travaux. M. Nataf aurait alors procédé à la rénovation de l’appartement situé au 4361, rue de Bordeaux et, le 31 août 2011, à la vente de cet appartement et à la mise en indivision de l’immeuble. Par la suite, ayant réalisé qu’il ne pouvait vendre un seul appartement et maintenir des locataires dans les autres appartements, il aurait mis en place la structure pour vendre les autres appartements. Toutefois, la convention d’indivision a été conclue lors de la vente de l’appartement situé au 4361, rue de Bordeaux le 31 août 2011. Cette convention d’indivision prévoit la quote-part de chacun dans l’immeuble, soit celle des acheteurs du 4361, rue de Bordeaux et celle de l’appelante. Je ne vois pas pourquoi il n’aurait pas été possible à l’appelante de conserver les autres appartements et de les louer. Cet argument ne me convainc pas.

[41]  Également, deux chèques émis par l’appelante pour la résiliation des baux des logements situés au 4363 et 4373, rue de Bordeaux sont datés du 15 avril 2011, soit cinq jours après la date du courriel de Grégoire Tremblay. Le fait que les chèques pour la résiliation des baux ont commencé à être émis le 15 avril 2011 démontre que M. Nataf a toujours eu l’intention de rénover et de revendre à profit les appartements de Bordeaux 1. Je conclus qu’il est hautement improbable que M. Nataf n’ait pas été au courant des problèmes touchant Bordeaux 1, et de l’étendue de ces problèmes, au moment de l’acquisition de l’immeuble.

[42]  De même, je ne suis pas convaincue que M. Nataf n’avait pas les fonds nécessaires pour faire effectuer les travaux. En effet, l’appelante a payé une somme de 26 000 $ à une locataire pour que cette dernière convienne de quitter son logement.

[43]  De même, l’acte par lequel l’appelante a acquis Bordeaux 1 prévoit ce qui suit sous le titre « Charges et conditions » :

6. Clause de mainlevée

Le vendeur s’engage à donner mainlevée de son hypothèque sur les droits indivis vendus aux trois (3) premiers acheteurs, sans avoir aucun remboursement. L’acheteur s’engage à payer la totalité du solde dû plus les intérêts courus lors de la quatrième (4) vente. 

7. Location de l’immeuble vendu

L’acheteur s’oblige à ne pas donner quittance par anticipation de plus d’un mois de loyer ni à louer l’immeuble vendu ou une partie de celui-ci à un loyer sensiblement inférieur à sa valeur locative, sans le consentement écrit du vendeur. De même, l’acheteur ne pourra modifier un bail ni y mettre fin prématurément sans le consentement écrit du vendeur, tant que ce dernier demeurera créancier hypothécaire.

[44]  Le paragraphe 6 vient donc confirmer l’intention de M. Nataf, lors de l’acquisition de Bordeaux 1, de revendre les appartements à profit. Ce paragraphe prévoit même le cas de l’indivision de l’immeuble. Ainsi, il semble que l’indivision de l’immeuble ait déjà été envisagée lors de l’achat de Bordeaux 1. Ceci vient donc mettre en doute ce que M. Nataf, dans son témoignage, a dit concernant son intention et concernant le fait que son banquier lui avait suggéré de procéder à la mise en indivision pour obtenir du financement supplémentaire pour faire les travaux.

[45]  À l’audience, M. Nataf a témoigné ne pas être au courant de l’existence du paragraphe 6 cité ci-dessus. Il a déclaré que le notaire avait probablement copié un paragraphe se trouvant dans un autre acte et l’a inséré par erreur. Selon M. Nataf, le seul document ayant trait au solde de prix de vente est le courriel de l’adjointe du notaire demandant les détails de l’entente avec le vendeur, produit en preuve à l’audience. Toutefois, dans ce courriel, l’adjointe du notaire demande plutôt des détails quant au paiement des intérêts sur le solde de prix de vente et le courriel ne traite pas d’autre chose. De plus, le fait que la promesse de vente ne fait pas mention de cette condition n’est pas pertinent. M. Nataf a également indiqué que, s’il avait été mis au courant du paragraphe en question, il n’aurait pas remboursé le solde du prix de vente après la vente du premier appartement et il aurait conservé les sommes reçues jusqu’à l’échéance fixée pour le remboursement. Cet argument ne me convainc pas puisque les intérêts auraient continué à courir. Je ne retiens donc pas le témoignage de M. Nataf à cet égard.

[46]  Lors des plaidoiries, le procureur de l’appelante a indiqué que le paragraphe 6 n’avait aucun sens puisqu’il n’est pas possible d’hypothéquer une partie d’un bien immeuble. Toutefois, en l’espèce, que cela soit possible ou non du point de vue du droit civil, n’est pas pertinent. Ce que j’ai à déterminer c’est l’intention qu’avait M. Nataf lors de l’acquisition de Bordeaux 1. Mon propos n’est pas d’interpréter le paragraphe 6 au regard du droit civil applicable. Pour les mêmes raisons, le fait que les paragraphes 6 et 7 soient incompatibles n’est pas pertinent.

[47]  Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je ne suis pas convaincue que l’idée de la mise en indivision des immeubles soient venue du banquier de l’appelante. Au contraire, je conclus que M. Nataf avait l’intention, au moment de l’achat de Bordeaux 1 et de Bordeaux 2, de procéder à la mise en indivision et de vendre les appartements à profit.

[48]  M. Nataf n’a pas produit en preuve une copie de la convention de gestion que l’appelante aurait conclue avec ImmoMarketing, au moment de l’acquisition des immeubles, pour la gestion de ceux-ci. Cette convention aurait été utile pour corroborer, du moins en partie, le témoignage de M. Nataf. De même, l’appelante n’a pas appelé les ingénieurs à venir témoigner, à l’audience, sur l’état des immeubles et concernant le moment auquel ont été découverts les problèmes de structure.

Autres facteurs

Durée de détention

[49]  La période de détention des appartements est très courte : de 6 à 18 mois pour Bordeaux 1 et de 4 à 7 mois pour Bordeaux 2. Cette durée tend à indiquer une intention, lors de l’achat, de revendre à profit. L’appelante prétend toutefois qu’en l’espèce la durée de détention n’est pas un facteur décisif puisque ce n’est que peu de temps après les achats que les problèmes de structure ont été découverts par M. Nataf. Toutefois, tel que je l’ai indiqué ci-dessus, la preuve a démontré que, selon la prépondérance des probabilités, M. Nataf connaissait l’état des immeubles au moment de l’acquisition de ceux-ci.

Nature de l’entreprise de l’appelante et occupation de M. Nataf

[50]  M. Nataf est un homme d’affaires expérimenté dans le domaine de l’immobilier. Il a travaillé de nombreuses années pour le Groupe Tov, entreprise exerçant des activités dans le domaine de la gestion immobilière résidentielle et commerciale. La Cour est d’avis que M. Nataf devait savoir qu’il pourrait faire un profit en achetant, puis en revendant rapidement, Bordeaux 1 et Bordeaux 2. Également, la constitution de l’appelante pour l’acquisition des immeubles indique une intention d’acheter pour revendre à profit.

Nature du bien et usage qui en est fait

[51]  Les immeubles sont situés dans un quartier très prisé et très recherché de la ville de Montréal. Ce facteur est indicatif d’une intention de revente à profit.

Financement

[52]  L’achat de Bordeaux 1 a été financé à 100% au moyen d’emprunts, c’est‑à‑dire que M. Nataf n’a déboursé lui-même aucun montant pour faire l’acquisition de l’immeuble. Également, le solde de prix de vente était payable dans un délai d’un an suivant l’acquisition. En ce qui concerne Bordeaux 2, le solde de prix de vente était payable dans les 8 mois suivant l’acquisition. Ces facteurs semblent indiquer une intention d’acquisition dans le but d’une revente rapide, vu les échéances plutôt courtes. De plus, le fait de financer l’acquisition de Bordeaux 1 totalement au moyen d’emprunts indique également la même intention. 

III. LE DON

A-  La Loi

[53]  Le paragraphe 110.1(1) prévoit qu’une société peut déduire dans le calcul de son revenu imposable pour une année d’imposition le total des sommes représentant chacune le montant admissible d’un don que la société a fait au cours de l’année ou d’une des cinq années d’imposition précédentes à un donataire reconnu, jusqu’à concurrence d’un certain montant (qui n’est pas en litige en l’espèce).

[54]  L’alinéa 110.1(2)a) prévoit que pour que le don soit déductible en application du paragraphe 110.1(1), le versement du don doit être attesté par la présentation au ministre d’un reçu contenant les renseignements prescrits.

[55]  Les renseignements prescrits qui doivent être inclus dans le reçu officiel pour don de bienfaisance sont énumérés au paragraphe 3501(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu (C.R.C., ch. 945) (le « Règlement ») :

3501 (1) Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer qu’il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu’ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

a) le nom et l’adresse au Canada de l’organisation ainsi qu’ils sont enregistrés auprès du ministre;

b) le numéro d’enregistrement attribué par le ministre à l’organisation;

c) le numéro de série du reçu;

d) le lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré;

e) lorsque le don est un don en espèces, la date ou l’année où il a été reçu;

e.1) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces :

(i) la date où il a été reçu,

(ii) une brève description du bien, et

(iii) le nom et l’adresse de l’évaluateur du bien si une évaluation a été faite;

f) la date de délivrance du reçu;

g) le nom et l’adresse du donateur, y compris, dans le cas d’un particulier, son prénom et son initiale;

h) celle des sommes ci-après qui est applicable :

(i) le montant du don en espèces,

(ii) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, la juste valeur marchande du bien au moment où le don est fait;

h.1) une description de l’avantage, le cas échéant, au titre du don et le montant de cet avantage;

h.2) le montant admissible du don;

i) la signature, ainsi qu’il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d’un particulier  compétent qui a été autorisé par l’organisation à accuser réception des dons;

j) le nom de l’Agence du revenu du Canada et l’adresse de son site Internet.

[56]  Le paragraphe 3501(4) du Règlement contient également des règles pour les reçus délivrés en remplacement de reçus délivrés antérieurement. Selon ce paragraphe, le reçu délivré en remplacement doit indiquer, entre autres, en plus de son propre numéro de série, le numéro de série du reçu qui avait été délivré en premier. Le paragraphe 3501(4) est ainsi rédigé :

3501(4) Un reçu officiel délivré pour remplacer un reçu officiel délivré antérieurement doit indiquer clairement qu’il remplace le reçu initial et, en plus de son propre numéro de série, il doit aussi indiquer le numéro de série du reçu qui avait été délivré en premier.

[57]  Il ressort clairement de la jurisprudence de notre Cour concernant les dispositions du paragraphe 3501(1) du Règlement, que les exigences qu’établissent ces dispositions sont obligatoires et doivent être rigoureusement respectées (Sowah c. La Reine, 2013 CCI 297, au paragraphe 16; Afovia c. La Reine, 2012 CCI 391, au paragraphe 9; Plante c. Canada, [1999] A.C.I. no 51 (QL), au paragraphe 48).

B-  Contexte factuel

[58]  Deux chèques totalisant 21 500 $ datés du 24 octobre 2012, l’un tiré sur un compte à la Caisse populaire de l’Est du Plateau et l’autre sur un compte à la Caisse populaire du Mont-Royal, ont été déposés en preuve. Les chèques sont émis à l’ordre de VMM, soit l’organisme de bienfaisance Vaad Mishmeres Mitzvos. Le nom apparaissant sur les deux chèques est celui de David Nataf, et l’adresse y apparaissant est le 273, avenue Notre‑Dame à Saint-Lambert.

[59]  Selon M. Nataf, le véritable titulaire des deux comptes bancaires est l’appelante et les fonds dans les comptes appartiennent à l’appelante.  Son frère David n’y a jamais déposé d’argent. C’est M. Nataf qui a décidé de faire les dons, au nom de l’appelante. Également, le 273, avenue Notre-Dame est l’adresse de l’appelante et n’est pas une adresse personnelle.

[60]  Le reçu délivré par VMM est un duplicata et porte le nom de David Nataf. Selon M. Nataf, il a perdu l’original. M. Nataf a témoigné que VMM refusait d’établir le reçu au nom de l’appelante, ayant reçu des instructions claires de ses comptables de faire les reçus au nom des personnes ayant émis les chèques.

[61]  M. Nataf a également déposé en preuve une lettre datée du 10 avril 2015 signée par le président de VMM et confirmant que VMM avait reçu de David Nataf, au nom de l’appelante, la somme de 21 500 $.

C-  Analyse

[62]  Ainsi, afin d’avoir droit à la déduction pour don qu’elle demande, l’appelante doit démontrer que les deux conditions suivantes sont réunies : 1- un don doit avoir été fait à un organisme de bienfaisance enregistré et 2- un reçu respectant les conditions prescrites par le paragraphe 3501(1) du Règlement doit avoir été délivré par l’organisme. En l’espèce, la Cour doit vérifier s’il y a eu don effectué par l’appelante et si le reçu délivré remplit les conditions énoncées au Règlement.

[63]  Pour les motifs suivants, je conclus que la preuve a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a effectivement effectué un don d’un montant totalisant 21 500 $ en octobre 2012. Toutefois, puisque le reçu délivré par VMM ne respecte pas toutes les conditions énoncées au Règlement, la déduction pour don demandée par l’appelante pour l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2014 ne peut lui être accordée.

[64]  Deux chèques totalisant 21 500 $ datés du 24 octobre 2012, l’un tiré sur un compte à la Caisse populaire de l’Est du Plateau et l’autre sur un compte à la Caisse populaire du Mont-Royal, ont été déposés en preuve. Les chèques produits en preuve ont été tirés sur les comptes bancaires ouverts pour Bordeaux 1 et pour Bordeaux 2 (pièce I-1, onglet 18, page 18). M. Nataf a également témoigné que son intention avait été de donner le montant en question par l’intermédiaire de l’appelante.

[65]  Le fait que le nom de David Nataf apparaisse sur les chèques semble simplement être conforme au fait que David Nataf et l’appelante ont conclu des conventions de prête-nom pour l’acquisition de Bordeaux 1 et de Bordeaux 2. Les conventions de prête-nom prévoient que le prête-nom agira à titre de mandataire de l’appelante pour l’achat des immeubles et que l’appelante désigne le prête-nom pour acquérir l’immeuble et pour exercer tous les droits s’y rattachant, selon les instructions de l’appelante (article. 2.01). Les conventions prévoient également que tous les fonds requis pour les immeubles et pour toutes dépenses seront avancés par l’appelante (article 5.01) et que tous les revenus générés par les immeubles appartiendront à l’appelante (article 4.04). Bien qu’aucune disposition ne traite expressément de l’autorité pour signer les chèques, puisque les conventions prévoient que David Nataf exerce tous les droits se rattachant aux immeubles et que tous les revenus générés par les immeubles appartiennent à l’appelante, il est possible de conclure que si le nom de David Nataf apparaît sur les chèques, c’est conformément aux dispositions des conventions de prête-nom.

[66]  En ce qui concerne le reçu délivré par VMM, puisque le nom y apparaissant est celui de David Nataf et non pas celui de l’appelante, qui est le donateur en l’espèce, la condition énoncée à l’alinéa 3501(1)g) du Règlement n’est pas remplie. La lettre de VMM en date du 10 avril 2015 ne peut venir compléter le contenu du reçu. Également, puisque le reçu est un duplicata, il devait indiquer, en plus de son propre numéro de série, le numéro de série du reçu initial, ce qui n’est pas le cas.

IV. CONCLUSION

[67]  Pour ces motifs, les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition se terminant le 31 décembre 2011, 2012, 2013 et 2014 sont rejetés, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de décembre 2019.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur

 


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 281

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-2164(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

9228-2987 QUÉBEC INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 18 et 21 novembre 2019

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 décembre 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Jean El Masri

Avocate de l'intimée :

Me Justine Allaire-Rondeau

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

Me Jean El Masri

Cabinet :

El Masri Avocat Inc.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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