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Dossiers : 2017-2995(IT)G

2017-2997(GST)G

ENTRE :

TAMMY WHITE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune le 22 octobre 2019,

à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Steven K. D’Arcy


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Michael Gemmiti

Avocat de l’intimée :

Me Gregory B. King

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

1. L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application du paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu est accueilli, et la cotisation est annulée.

2. L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application du paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d’accise est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et établissement d’une nouvelle cotisation au motif que la dette fiscale de l’appelante aux termes du paragraphe 325(1) de la Loi est de 34 052 $;

3. Les dépens sont adjugés à l’appelante.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour de février 2020.

« S. D’Arcy »

Le juge D’Arcy

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de mai 2020.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2020 CCI 22

Date : 20200204

Dossiers : 2017-2995(IT)G

2017-2997(GST)G

ENTRE :

TAMMY WHITE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge D’Arcy

[1] Les présents appels soulèvent la question suivante : les dépôts faits par une personne dans un compte bancaire que cette personne détient conjointement avec son conjoint ou sa conjointe constituent-ils un transfert de biens au sens de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu et de l’article 325 de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la Loi sur la TPS).

[2] Le 1er mars 2016, des cotisations de 49 962,45 $ et de 90 886,35 $ ont été établies à l’égard de l’appelante, en application respectivement de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu et de l’article 325 de la Loi sur la TPS. L’appelante a interjeté appel de ces deux cotisations à la Cour. Ces cotisations se rapportent à des sommes que l’époux de l’appelante, Andy White, aurait transférées à l’appelante entre le 15 mars 2013 et le 30 octobre 2015.

[3] Les parties ont déposé auprès de la Cour un exposé conjoint partiel des faits qui est joint à l’annexe A des présents motifs du jugement. Au paragraphe 17 de cet exposé, il est indiqué que, le 26 mars 2014, M. White a présenté une proposition de consommateur aux termes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la proposition).

[4] Dès le début de l’audience, l’avocat de l’intimée a informé la Cour que l’intimée acceptait l’argument de l’appelante selon lequel les cotisations en litige dans le présent appel ne s’appliquaient à aucun présumé transfert fait après la date de la proposition. L’avocat de l’intimée a donc indiqué à la Cour que l’appel interjeté en application de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu devrait être accueilli dans son intégralité. L’avocat de l’intimée a également informé la Cour que le montant de la cotisation établie par le ministre en application de l’article 325 de la Loi sur la TPS devrait être réduit à 89 806,72 $, ce qui correspond à la somme que M. White est censé avoir transférée à l’appelante entre le 15 mars 2013 et le 26 mars 2014.

I. Résumé des faits

[5] L’appelante et M. White sont mariés depuis 1984. Depuis le début de leur mariage, l’appelante et M. White possèdent un compte bancaire conjoint (numéro de compte xxx7269) à la TD Canada Trust (le compte conjoint).

[6] Au cours des 35 dernières années, l’appelante et M. White ont utilisé leur compte conjoint pour payer leurs dépenses personnelles et les dépenses liées à leur famille.

[7] M. White a commencé à travailler à un très jeune âge comme ouvrier forestier en Colombie-Britannique. Il travaillait pour l’entreprise White & Davidson Logging Limited (la société). Lorsqu’il a commencé à travailler pour la société, celle-ci était la propriété de son père et d’un tiers. En 1993, M. White et son frère ont acheté la part (50 %) de la société qui appartenait à leur père.

[8] La société a commencé à éprouver des difficultés financières en 2004, à la suite du ralentissement de l’industrie forestière de la Colombie-Britannique et de la réduction des droits de coupe autorisés par le gouvernement. Ces difficultés ont amené la société à vendre ses actifs et à cesser ses activités en 2006. Au moment où elle a cessé ses activités commerciales, la société n’avait pas versé la totalité des retenues à la source, ni de la taxe nette exigible aux termes de la Loi sur la TPS.

[9] En 2006, en raison des difficultés financières de la société, l’appelante a vendu la maison dans laquelle elle vivait avec sa famille (l’ancien domicile familial). Elle avait hérité de cette maison de son père. L’appelante a utilisé environ 500 000 $ du produit de la vente de l’ancien domicile familial pour rembourser une marge de crédit grevant la maison. M. White avait utilisé cette marge de crédit pour injecter des capitaux dans la société.

[10] L’appelante a utilisé la majeure partie du reste du produit de la vente de l’ancien domicile familial pour acheter une plus petite maison à Langley (Colombie-Britannique) qui est devenue, et qui est toujours, son domicile familial.

[11] Le 25 août 2009, le ministre a établi des cotisations à l’égard de M. White, à titre d’administrateur de la société, pour des retenues à la source non versées, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant, aux termes de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que pour la taxe nette exigible, y compris les intérêts et pénalités y afférents, selon le paragraphe 323(1) de la Loi sur la TPS.

[12] Il semble que M. White n’a réussi à trouver un emploi à temps plein qu’en mars 2013; il commença alors à travailler pour une entreprise du nom de Seaspan ULC (Seaspan), comme superviseur de chaland à billes. Entre le 15 mars 2013 et le 26 mars 2014 (date de la proposition), M. White a déposé la somme de 89 806,72 $ dans le compte conjoint, cette somme provenant de la rémunération reçue de Seaspan.

[13] En date du 1er mars 2016 (date de l’établissement par le ministre d’une cotisation à l’égard de l’appelante), M. White devait 49 962,45 $ au titre de la cotisation établie en application de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu et 90 886,35 $ au titre de la cotisation établie en application du paragraphe 323(1) de la Loi sur la TPS.

[14] À la fin des années 1990, l’appelante a ouvert à son nom un compte bancaire portant le numéro xxx3561 à la TD Canada Trust (le compte de l’appelante). Au moment où elle a ouvert son compte bancaire, l’appelante recevait un salaire de 500 $ par mois de la société. Durant son témoignage, elle a déclaré qu’elle déposait ce salaire mensuel dans son compte (c.-à-d. le compte de l’appelante) et qu’elle utilisait cet argent pour acheter des articles pour elle et ses enfants.

[15] Entre mars 2013 et mai 2015, l’appelante a travaillé dans un magasin Target de la région. Elle a aussi déposé le salaire provenant de cet emploi dans le compte de l’appelante et utilisé ces fonds pour payer les dépenses de la famille.

[16] Ainsi que je le mentionne dans la discussion, des sommes ont été transférées du compte conjoint au compte de l’appelante durant la période en cause. L’appelante a déclaré durant son témoignage qu’elle avait utilisé les sommes transférées pour payer les dépenses de la famille.

[17] Durant son contre-interrogatoire, l’appelante a reconnu que les paiements hypothécaires pour le domicile familial situé à Langley (Colombie-Britannique) étaient prélevés du compte conjoint. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, l’appelante était l’unique propriétaire du domicile familial. L’appelante a aussi reconnu avoir utilisé des sommes du compte conjoint pour payer des factures de services publics et des primes d’assurance pour le domicile familial, ainsi que des primes d’assurance de certains véhicules qui lui appartenaient. Elle a précisé que les paiements d’assurance étaient faits tous les six mois.

II. Dispositions législatives applicables

[18] Le paragraphe 325(1) de la Loi sur la TPS est rédigé comme suit :

La personne qui transfère un bien, directement ou indirectement, par le biais d’une fiducie ou par tout autre moyen, à son époux ou conjoint de fait ou à un particulier qui l’est devenu depuis, à un particulier de moins de 18 ans ou à une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance, est solidairement tenue, avec le cessionnaire, de payer en application de la présente partie le moins élevé des montants suivants :

a) le résultat du calcul suivant :

A - B

où :

A représente l’excédent éventuel de la juste valeur marchande du bien au moment du transfert sur la juste valeur marchande, à ce moment, de la contrepartie payée par le cessionnaire pour le transfert du bien,

B l’excédent éventuel du montant de la cotisation établie à l’égard du cessionnaire en application du paragraphe 160(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement au bien sur la somme payée par le cédant relativement à ce montant;

b) le total des montants représentant chacun :

(i) le montant dont le cédant est redevable en vertu de la présente partie pour sa période de déclaration qui comprend le moment du transfert ou pour ses périodes de déclaration antérieures,

(ii) les intérêts ou les pénalités dont le cédant est redevable à ce moment.

Toutefois, le présent paragraphe ne limite en rien la responsabilité du cédant découlant d’une autre disposition de la présente partie.

[19] Les critères régissant l’application du paragraphe 325(1) de la Loi sur la TPS s’appliquent également au paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les passages pertinents de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu sont rédigés comme suit :

Lorsqu’une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon à l’une des personnes suivantes :

a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

les règles suivantes s’appliquent :

[.. .]

e) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d’un montant égal au moins élevé des montants suivants :

(i) l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

(ii) le total des montants représentant chacun un montant que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi (notamment un montant ayant ou non fait l’objet d’une cotisation en application du paragraphe (2) qu’il doit payer en vertu du présent article) au cours de l’année d’imposition où les biens ont été transférés ou d’une année d’imposition antérieure ou pour une de ces années.

Toutefois, le présent paragraphe n’a pas pour effet de limiter la responsabilité de l’auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi ni celle du bénéficiaire du transfert quant aux intérêts dont il est redevable en vertu de la présente loi sur une cotisation établie à l’égard du montant qu’il doit payer par l’effet du présent paragraphe.

[20] Dans l’arrêt Canada c. Livingston [1] , la Cour d’appel fédérale a déclaré, au paragraphe 17, que les quatre critères suivants doivent être appliqués pour déterminer si le paragraphe 160(1) s’applique :

1) L’auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment de ce transfert.

2) Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon.

3) Le bénéficiaire du transfert doit être :

i. soit l’époux ou conjoint de fait de l’auteur du transfert au moment de celui-ci, ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

ii. soit une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment du transfert;

iii. soit une personne avec laquelle l’auteur du transfert avait un lien de dépendance.

4) La juste valeur marchande des biens transférés doit excéder la juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert.

Ces quatre critères s’appliquent également au paragraphe 325(1) de la Loi sur la TPS.

[21] Selon le paragraphe 325(1) de la Loi sur la TPS et le paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le bénéficiaire du transfert d’un bien peut être tenu responsable envers le fisc du montant correspondant à la différence entre la juste valeur marchande de la contrepartie donnée pour le bien transféré et la juste valeur marchande du bien transféré, lorsque la première valeur est inférieure à la deuxième.

[22] L’un des objectifs du paragraphe 325(1) de la Loi sur la TPS et du paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu est d’empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l’argent qui lui est dû. Ces deux paragraphes constituent d’importants outils de recouvrement parce qu’ils « [contrarient] les tentatives d’un contribuable de mettre de l’argent ou d’autres biens hors de la portée du fisc en les transférant censément à des amis » [2] .

III. La question soumise à la Cour

[23] L’exposé conjoint partiel des faits précise que M. White était tenu de payer 90 886,35 $ au titre de la Loi sur la TPS, et que l’appelante était et est toujours son épouse. Dans ses conclusions finales, l’avocat de l’appelante a indiqué que l’appelante n’avait offert aucune contrepartie à M. White pour le transfert de quelque bien.

[24] Par conséquent, la seule question que notre Cour doit trancher est de savoir si le deuxième critère a été satisfait, c’est-à-dire s’il y a eu transfert direct ou indirect de biens, de M. White à l’appelante, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon.

[25] L’intimée affirme qu’il y a eu transfert de biens lorsque M. White a déposé la rémunération reçue de Seaspan dans le compte conjoint. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, durant la période en cause, M. White a déposé 89 806,72 $ de cette rémunération dans le compte conjoint.

[26] L’appelante soutient pour sa part que ce dépôt par M. White dans le compte conjoint ne constitue pas un transfert, puisque M. White contrôlait toujours ces fonds et que ceux-ci pouvaient être saisis par l’Agence du revenu du Canada (ARC) ou quelque tierce partie.

IV. Jugement de l’appel

[27] Dans une décision souvent citée, Fasken Estate v. Minister of National Revenue, [1948] Ex. C.R. 580, à la page 592, [1948] C.T.C. 265, à la page 279 [3] , le président Thorson a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Le mot « transfert » n’est pas un terme technique et n’a pas de sens technique. Il n’est pas nécessaire qu’un transfert de biens d’un mari à sa femme revête une forme particulière ou qu’il soit fait directement. Il suffit que le mari transmette les biens en faveur de sa femme, c’est-à-dire qu’il lui cède les biens. Le moyen par lequel il parvient à ce résultat, que ce soit directement ou indirectement, peut à juste titre être appelé un transfert.

[28] En appliquant le raisonnement énoncé dans la décision Fasken Estate, je suis d’avis que le simple fait de déposer de l’argent dans un compte conjoint ne constitue pas un transfert. M. White ne s’est pas départi de fonds lorsqu’il a déposé cette somme dans le compte conjoint. Il avait toujours pleinement accès au compte. De fait, selon la preuve qui m’a été présentée, M. White utilisait cet argent, comme il le faisait depuis 1984, pour payer ses dépenses personnelles et certaines dépenses de la famille.

[29] Dans l’arrêt Livingston (au paragraphe 18), la Cour d’appel fédérale note que « [l]’application [des quatre] critères dépend dans une mesure particulièrement importante de l’objet du paragraphe 160(1) » de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ainsi que je l’ai mentionné précédemment, l’un des objectifs du paragraphe 325(1) de la Loi sur la TPS, qui vaut également pour le paragraphe 160(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, est d’empêcher un contribuable de faire échec aux efforts du ministre de percevoir l’argent qui lui est dû. En déposant sa rémunération dans le compte conjoint, M. White n’a d’aucune façon fait échec aux efforts du ministre de percevoir toute taxe exigible. Le ministre aurait pu entreprendre des mesures de recouvrement relativement aux sommes déposées dans le compte conjoint. À titre d’exemple, selon la preuve qui m’a été présentée, le compte conjoint a fait l’objet d’une saisie-arrêt à un certain moment par un tiers pour rembourser une dette de M. White.

[30] L’appelante aurait pu effectuer un transfert dès que les sommes ont été déposées dans le compte conjoint; le transfert n’a toutefois eu lieu que lorsque l’appelante a retiré l’argent du compte.

[31] Ma conclusion est conforme à la décision rendue par notre Cour dans la décision White c. Canada [4] . Dans cet appel, le juge Mogan, citant les décisions Tevine v. Tevine [1953] 2 D.L.R. 125, Re Hodgson (1921), 67 D.L.R. 252 et Banff Park Savings & Credit Union Ltd. v. Rose et al. (1982), 139 D.L.R. (3d) 764, a conclu que les dépôts effectués par un époux dans un compte conjoint qu’il détenait avec son épouse ne constituaient pas un transfert de biens au sens de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ce juge a toutefois conclu qu’il y avait eu transfert de biens lorsque l’épouse a par la suite utilisé ces sommes pour rembourser un prêt hypothécaire grevant une maison dont elle était l’unique propriétaire.

[32] Ma décision est également conforme à celle rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Yates. Dans l’arrêt Yates, la Cour d’appel fédérale a souscrit à la conclusion de notre Cour selon laquelle il y a eu transfert de biens lorsque M. Yates s’est départi de biens en retirant son nom de deux comptes conjoints. Comme l’avocat de l’appelante l’a fait valoir, cela signifie qu’il n’y a pas eu transfert lorsque M. Yates a déposé des sommes dans les comptes conjoints, mais que le transfert a eu lieu seulement lorsque M. Yates a par la suite renoncé à son droit sur l’argent déposé dans ces comptes bancaires en retirant son nom de ces comptes conjoints.

[33] En l’espèce, les éléments de preuve qui m’ont été présentés indiquent que tous les dépôts effectués dans le compte conjoint entre le 1er mars 2013 et le 26 mars 2014 l’ont été par M. White, à l’exception d’une somme de 1 200 $. Cette somme de 1 200 $ déposée dans le compte conjoint l’a été par l’appelante. Par conséquent, je conclus que les sommes, en plus des 1 200 $, qui ont été transférées du compte conjoint à l’appelante durant la période en cause, constituent des transferts de M. White à l’appelante.

[34] Bien que les éléments de preuve qui m’ont été présentés montrent que des sommes ont été transférées du compte conjoint à l’appelante, l’intimée ne m’a pas fourni une liste des transferts précis effectués du compte conjoint à l’appelante, ni ne m’a fourni la somme totale qui, selon elle, a été transférée du compte conjoint à l’appelante. L’intimée aurait dû présenter ces renseignements à la Cour.

[35] Le seul élément de preuve qui a été présenté à la Cour est la pièce A‑15, un document de 260 pages intitulé [TRADUCTION] « historique du compte de dépôt ». Ce document énumère toutes les transactions qui ont été effectuées dans le compte conjoint entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015.

[36] L’intimée n’a pas précisé quelles transactions précises mentionnées dans la pièce A‑15 constituaient selon elle des transferts de M. White à l’appelante. L’avocat de l’intimée a plutôt laissé à la Cour le soin d’examiner le document pour déterminer la somme que l’appelante avait transférée du compte conjoint. De fait, l’avocat de l’intimée a indiqué durant sa plaidoirie que l’Agence du revenu du Canada n’avait pas fait d’analyse relativement à l’utilisation des fonds déposés dans le compte conjoint.

[37] Après avoir examiné le document et la preuve limitée qui m’a été présentée, j’ai conclu qu’on ne pouvait établir avec certitude que trois catégories de transferts, du compte conjoint à l’appelante. Deux de ces catégories concernent des transferts du compte conjoint vers des comptes détenus par l’appelante. Dans l’arrêt Livingston, la Cour d’appel fédérale a conclu que les dépôts effectués sur le compte bancaire d’une autre personne constituaient un transfert de biens.

[38] La première catégorie de transferts comprend les écritures désignées « TFR‑TO [xxx]3561 » dans l’historique du compte de dépôt. Durant le contre-interrogatoire, l’appelante a reconnu qu’il s’agissait de transferts du compte conjoint vers le compte de l’appelante.

[39] La deuxième catégorie est constituée des écritures marquées « TFR‑TO [xxx]3388 ». L’appelante a indiqué que ces écritures correspondaient à des transferts effectués du compte conjoint au compte combiné à une marge de crédit de l’appelante. L’appelante a utilisé le produit de la marge de crédit pour acheter une parcelle de terrain sur laquelle l’appelante et M. White espéraient construire leur nouveau domicile familial.

[40] La troisième catégorie est constituée des écritures marquées « TD Mortgage » (prêt hypothécaire TD). Comme je l’ai déjà indiqué, l’appelante a reconnu avoir utilisé le compte conjoint pour effectuer les paiements hypothécaires pour le domicile familial. Les paiements hypothécaires à la TD, indiqués dans l’historique du compte de dépôt, sont des paiements à la quinzaine de 176,92 $. Ces paiements, faits à l’égard d’une maison dont l’appelante est l’unique propriétaire, constituent des transferts à l’appelante.

[41] Après avoir examiné les 100 premières pages de la pièce A‑15, j’ai établi qu’une somme totale de 34 052 $ a été transférée à l’appelante avant le 26 mars 2014, selon les éléments de preuve sur les trois catégories de transferts (TFR‑TO [xxx]3561, TFR‑TO [xxx]3388 et TD Mortgage). Cela représente le montant des biens que M. White a transféré à l’appelante durant la période en cause, sans contrepartie, et la somme dont l’appelante est redevable au fisc aux termes du paragraphe 325(1) de la Loi sur la TPS.

[42] Pour les motifs précités, l’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en application du paragraphe 160(1) est accueilli, et la cotisation est annulée. L’appel à l’égard de la cotisation établie en application du paragraphe 325(1) est également accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et établissement d’une nouvelle cotisation au motif que la responsabilité fiscale de l’appelante aux termes du paragraphe 325(1) de la Loi est de 34 052 $.

[43] Les dépens sont accordés à l’appelante.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour de février 2020.

« S. D’Arcy »

Le juge D’Arcy

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de mai 2020.

Mario Lagacé, jurilinguiste


De : Anonyme Page : 2/6 Date : 10/17/2019 14:4826

2017-2995(IT)G

2017-2997(GST)G

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

ENTRE :

TAMMY DAPHNE WHITE

- et -

appelante

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FAITS

 

 

L’appelante et l’intimée, par l’intermédiaire de leurs avocats respectifs, reconnaissent aux fins des présents appels uniquement et de tout appel subséquent, que les faits énoncés ci-après sont vrais. Les parties sont libres de présenter des arguments concernant le degré de pertinence et le poids devant être attribués à ces faits sans que l’on considère qu’ils sont d’accord avec ceux-ci.

 

Les parties sont libres de tenter d’introduire des faits nouveaux en preuve au procès; cependant, de tels faits ne doivent pas contredire les faits aux présentes, à moins que les parties n’y consentent.

 

Cette entente ne liera les parties à aucune autre action, ne pourra être utilisée contre l’une ou l’autre des parties quelle que soit l’occasion et ne pourra être utilisée par aucune autre partie.


 


De : Anonyme Page : 3/6 Date : 10/17/2019 14:4826

Exposé conjoint partiel des faits

2017-2995(IT)G et 2017-2997(GST)G

Tammy Daphne White c. SMR

 

2

 

Les faits énoncés ci-après s’appliquent aux avis de cotisation délivrés à l’appelante le 1er mars 2016, en application de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et de l’article 325 de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) :

 

1. Tammy White, l’appelante, est une personne qui réside au 9422, rue 216A, Langley (Colombie-Britannique).

 

2. Andrew White (Andy) est l’époux de l’appelante et il réside lui aussi au 9422, rue 216A, Langley (Colombie-Britannique).

 

3. L’appelante et Andy sont mariés depuis 1984.

 

4. Durant toutes les périodes pertinentes, l’appelante et Andy étaient résidents canadiens aux fins de la LIR.

 

5. En 1993, Andy est devenu l’un des administrateurs, avec son ou ses partenaires, de White & Davidson Logging Limited (la société), une entreprise forestière.

 

6. Vers 2004-2005, la société a commencé à éprouver des difficultés financières et n’a pas versé la totalité des retenues à la source et de la taxe nette exigible aux termes des lois applicables.

 

7. Le 25 août 2009, des cotisations ont été établies à l’égard d’Andy, en sa qualité d’administrateur de la société, aux termes de l’article 227.1 de la LIR et du paragraphe 323(1) de la LTA, ces cotisations s’établissant respectivement à 44 721,61 $ pour des retenues à la source non versées (pénalités et intérêts compris) et à 74 876,16 $ pour la taxe nette exigible (pénalités et intérêts compris).


De : Anonyme Page : 4/6 Date : 10/17/2019 14:4826

Exposé conjoint partiel des faits

2017-2995(IT)G et 2017-2997(GST)G

Tammy Daphne White c. SMR

 

3

 

8. Andy n’a pas contesté les cotisations relatives à la responsabilité de l’administrateur qui ont été établies à son égard aux termes de la LIR et de la LTA.

 

9. En date du 1er mars 2016, Andy devait 49 962,45 $ au titre des retenues à la source, y compris les pénalités et intérêts, qu’il avait omis de payer, ainsi que 90 886,35 $ en taxe nette, y compris les pénalités et intérêts, en vertu des cotisations établies aux termes de la LIR et de la LTA, respectivement, au titre de la responsabilité des administrateurs.

 

10. L’appelante et Andy avaient un compte conjoint à la TD Canada Trust, dont le numéro était XXX7269 (le compte conjoint).

 

11. De 2008 à septembre 2015, Andy a travaillé pour Starline Architectural Windows Ltd. (Starline) et West World Truck & Equipment (West World), comme entrepreneur en main-d’œuvre.

 

12. Les chèques représentant les paiements reçus de Starline et de West World pour le travail effectué par Andy ont été déposés dans le compte conjoint.

 

13. En 2013, Andy a commencé à travailler pour Seaspan ULC (Seaspan).

 

14. Andy déposait ses chèques de paie à la quinzaine reçus de Seaspan dans le compte conjoint.

 

15. Du 15 mars 2013 au 30 octobre 2015 (la période), Andy a déposé au total 242 031,26 $ dans le compte conjoint, cette somme provenant des paiements reçus de Seaspan, de Starline et de West World. De cette somme totale déposée dans le compte conjoint, 223 711,82 $ provenaient de la paie qu’Andy avait reçue de Seaspan.


De : Anonyme Page : 5/6 Date : 10/17/2019 14:4826

Exposé conjoint partiel des faits

2017-2995(IT)G et 2017-2997(GST)G

Tammy Daphne White c. SMR

 

4

 

16. L’appelante avait un compte bancaire (numéro XXX3561) à la TD Canada Trust, qui était uniquement à son nom.

 

17. Andy a présenté une proposition de consommateur aux termes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Un avis aux créanciers, les informant de la proposition de consommateur datée du 26 mars 2014, a été préparée par le cabinet Bottom and Associates Ltd. (la proposition). La proposition a été envoyée aux créanciers d’Andy, dont l’Agence du revenu du Canada.

 

18. La proposition prévoyait qu’Andy devait rembourser 800 $ par mois pendant 60 mois, à compter du 1er juin 2014.

 

19. Du 15 mars 2013 au 26 mars 2014 (date de la proposition), Andy a déposé 89 806,72 $ dans le compte conjoint, cette somme provenant des paiements reçus de Seaspan.

 

20. Le 12 mars 2019, Andy avait entièrement exécuté la proposition.

 

21. Le 1er mars 2016, une cotisation de 49 962,45 $ a été établie à l’égard de l’appelante aux termes du paragraphe 160(1) de la LIR, relativement à des sommes qu’Andy avait déposées dans le compte conjoint entre le 15 mars 2013 et le 30 octobre 2015 environ.

 

22. Le 1er mars 2016, une cotisation de 90 886,35 $ a été établie à l’égard de l’appelante aux termes du paragraphe 325(1) de la LTA, relativement à des sommes qu’Andy avait déposées dans le compte conjoint entre le 15 mars 2013 et le 30 octobre 2015 environ.


De : Anonyme Page : 6/6 Date : 10/17/2019 14:4826

Exposé conjoint partiel des faits

2017-2995(IT)G et 2017-2997(GST)G

Tammy Daphne White c. SMR

 

5

 

Fait à Vancouver (Colombie-Britannique), le 17e jour d’octobre 2019.

 

Fait à la Municipalité régionale d’Halifax (Nouvelle-Écosse), le 17e jour d’octobre 2019.

 

 

 

 

 

Me Michael Gemmiti

Remedios & Company

Suite 1010 – 1030 W. Georgia Street

Vancouver (Colombie-Britannique) V6E 2Y3

Avocat de l’appelante

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Ministère de la Justice du Canada

Bureau régional de l’Atlantique

Secteur national du contentieux

Bureau 1400, Tour Duke

5251, rue Duke

Halifax (Nouvelle-Écosse) B3J 1P3

Télécopieur : 902-426-8802

Me Gregory B. King

Téléphone : 902-426-1720

Avocat de l’intimée

 

 

 

 


RÉFÉRENCE :

2020 CCI 22

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2017-2995(IT)G

2017-2997(GST)G

INTITULÉ :

TAMMY WHITE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 octobre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Steven K. D’Arcy

DATE DU JUGEMENT :

Le 4 février 2020

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Michael Gemmiti

Avocat de l’intimée :

Me Gregory B. King

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Michael Gemmiti

Cabinet :

Remedios & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour l’intimée :

Me Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] 2008 CAF 89.

[2] Voir Yates c. Canada, 2009 CAF 50, [2010] 1 R.C.F. 436, aux paragraphes 13 et 14 (arrêt Yates).

[3] Cette décision a notamment été citée dans l’arrêt Yates et dans les décisions Kiperchuk c. La Reine, 2013 CCI 60, et Tétrault c. La Reine, 2004 CCI 332.

[4] [1994] ACI no 1042 (QL).

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