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Dossier : 2018-1746(IT)G

ENTRE :

MATTHEW MACISAAC CONSULTING INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête entendue le 18 juillet 2019, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Susan Wong

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Elie S. Roth

Me Bobby J. Sood

Avocat de l’intimée :

Me Brent Cuddy

 

ORDONNANCE

  VU la requête présentée par l’appelante en vue de trancher, avant l’audience, les questions de droit ci-dessous aux termes de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) :

  • a) Si une présentation erronée des faits au sens du sous-alinéa 152(4)(a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu signifie une fausse déclaration de faits, et non une fausse déclaration mixte de faits et de droit;

  • b) Si la qualification des gains à titre de capital ou de revenu est une question mixte de faits et de droit et donc exclue de la portée du sous-alinéa 152(4)(a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu;

  • c) Si les nouvelles cotisations prescrites sont non valides.

  ET APRÈS avoir entendu les observations des avocats et lu les documents déposés;

  ET CONFORMÉMENT aux motifs de l’ordonnance ci-joints;

  PAR CONSÉQUENT, LA COUR DÉCIDE :

  1. La requête est rejetée avec dépens, payables à l’intimée, quelle que soit l’issue de la cause;

  2. Les parties communiqueront avec le coordinateur des audiences, au plus tard le 10 septembre 2020, et soumettront une proposition de calendrier pour l’achèvement de toutes les étapes restantes à l’instance.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juillet 2020.

« S. Wong »

La juge Wong

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'octobre 2020.

François Brunet, réviseur


Référence : 2020 CCI 44

Date : 20200706

Dossier : 2018-1746(IT)G

ENTRE :

MATTHEW MACISAAC CONSULTING INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La juge Wong

I. Introduction

[1]  L’appelante demande à notre Cour de se prononcer sur trois questions avant l’audition du présent appel aux termes de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

[2]  La requête dont je suis saisi constitue la première des deux étapes de la procédure prévue par l’article 58, soit la détermination de la question de savoir si la Cour doit ordonner la tenue d’une nouvelle audience pour trancher les questions elles-mêmes.

[3]  Le paragraphe 58(2) prévoit que la Cour peut rendre une ordonnance s’il appert que trancher la question avant l’audience pourrait régler l’instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement celle-ci ou résulter en une économie substantielle de frais. La Cour conserve son pouvoir discrétionnaire même si un ou plusieurs de ces facteurs semblent probables.

[4]  Les parties n’ont pas encore échangé de listes de documents ou procédé à des interrogatoires préalables. De plus, notre Cour n’a pas encore délivré une ordonnance fixant les échéanciers concernant l’achèvement des étapes de l’instance.

II. Questions proposées

[5]  Les questions posées par l’appelante et exposées dans l’avis de requête sont les suivantes :

a)  Une présentation erronée des faits au sens du sous-alinéa 152(4)(a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu signifie-t-elle une fausse déclaration de faits, et non une fausse déclaration mélangée de faits et de droit?

b)  La qualification des gains à titre de capital ou de revenu est-elle une question mélangée de fait et de droit et donc exclue de la portée du sous-alinéa 152(4)(a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu?;

c)  Les nouvelles cotisations prescrites sont-elles invalides?

III. Examen des actes de procédure

[6]  Les années d’imposition visées par l’appel sont les années 2005, 2006 et 2008 à 2014 (soit neuf ans au total).

[7]  Le ministre du Revenu national a établi de nouvelles cotisations à l’égard des années d’imposition 2005, 2006, 2008, 2009, 2010 et 2011 au-delà de la période normale d’établissement de nouvelles cotisations fixées au sous-alinéa 152(4)a)(i), en se fondant sur le fait que l’appelante a fait de fausses déclarations attribuables à la négligence, à l’inattention ou à l’omission volontaire.

[8]  Les nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années d’imposition 2012, 2013 et 2014 ont été effectuées dans le délai normal d’établissement de nouvelles cotisations et ne sont donc pas prescrites.

[9]  L’année d’imposition 2006 a seulement fait l’objet d’une nouvelle cotisation aux termes de la Partie I de la Loi, tandis que les huit autres années d’imposition ont fait l’objet de nouvelles cotisations réévaluées en application des Parties I et III.

[10]  En ce qui concerne les nouvelles cotisations établies aux termes de la Partie III, le paragraphe 185(3) de la Loi prévoit notamment que le paragraphe 152(4), les articles 163 à 167 et la Division J de la Partie I jouent avec les modifications que les circonstances exigent. Vu l’adoption de ces dispositions aux fins de la Partie III, les évaluations frappées de prescription ainsi que les procédures d’opposition et d’appel prévues à la Partie I s’appliquent également à la Partie III.

[11]  L’appelante interjette appel des nouvelles cotisations établies aux termes de la Partie I et de l’alinéa 169(1)a) de la Loi, c’est-à-dire après la confirmation par le ministre. En ce qui concerne les nouvelles cotisations établies aux termes de la Partie III, l’appelante interjette appel aux termes de l’alinéa 169(1)b) de la Loi, c’est-à-dire 90 jours après la signification de l’avis d’opposition et le ministre n’avait pas informé l’appelante d’une décision.

[12]  Vu mon examen des actes de procédures, les questions visées par l’appel sont les suivantes :

  • a) la question de la prescription susmentionnée en ce qui concerne les années 2005, 2006 et 2008 à 2011 (soit six ans au total);

  • b) la question à savoir si le produit de la disposition des actions d’un fonds à l’étranger a été porté à un compte de revenu ou de capital;

  • c) la question à savoir si les dividendes payables en 2005 et de 2008 à 2014 (soit huit ans au total) dépassaient le solde du compte de dividende en capital de l’appelante aux termes de la Partie III de la Loi.

[13]  Il ressort de la réponse à l’avis d’appel qu'il y a trois autres entités ayant un lien de dépendance qui font partie du contexte factuel du présent appel, en plus du fonds à l’étranger et de l’appelante.

IV. Thèses des parties

[14]  L’appelante soutient que les questions proposées nécessitent que notre Cour détermine si une différence d’opinion entre l’appelante et le ministre sur la qualification des gains en tant que revenu ou capital est une fausse déclaration au sens du sous-alinéa 152(4)a)i).

[15]  L’appelante a également attiré l'attention de notre Cour sur la distinction entre la version française du sous-alinéa 152(4)a)i) qui est rédigée ainsi « une présentation erronée des faits » et la version anglaise qui est rédigée ainsi « any misrepresentation ». Dans ce contexte, l’appelante soutient que la question du revenu par rapport au capital est une question mélangée de fait et de droit et que, par conséquent, elle ne peut constituer une fausse déclaration aux fins du sous-alinéa 152(4)a)i).

[16]  L’intimée soutient que la requête de l’appelante vise à scinder la procédure et qu’en l’espèce, il existe une composante factuelle qui ne peut être séparée de la question de savoir s’il y a eu fausse déclaration.

[17]  L’intimée a également affirmé qu’il n’est pas clair encore si la question de la crédibilité est en cause ou si la détermination de ces questions raccourcit la durée de l’audience sur le fond.

V. Analyse

[18]  Les trois questions proposées constituent essentiellement trois parties d’une même question, c’est-à-dire que la réponse à la première question dicte la réponse à la deuxième et à la troisième question. Il convient donc que je me concentre sur la première question proposée, soit :

a)  Une présentation erronée des faits au sens du sous-alinéa 152(4)(a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu signifie-t-elle une fausse déclaration de faits, et non une fausse déclaration mixte de faits et de droit?

[19]  Cette question appelle notre Cour à rechercher si la version anglaise ou française de la disposition doit primer et il est ainsi soutenu que notre Cour doit préférer la version française.

[20]  La réponse à cette question permettrait probablement de régler une partie de la procédure ou de raccourcir considérablement l’audience par l'éventuelle invalidation des nouvelles cotisations concernant six des neuf années faisant l’objet de l’appel.

[21]  Toutefois, je ne pense pas que cette question se prête à une détermination en application de l’article 58. Plus précisément, je ne pense pas que lorsque la question de l’établissement de cotisations comprend une allégation de négligence, d’inattention ou d’omission volontaire, elle puisse être correctement déterminée par un juge des faits sans le contexte factuel.

[22]  La signification de l’expression « une présentation erronée des faits » semble être différente à première vue de celle de l’expression « any misrepresentation ».

[23]  Or, les versions anglaise et française ont la même force et le même effet, et il n’y a aucune raison que l’une prime sur l’autre sans autre contexte.

[24]  Je ne puis retenir la thèse de l’appelante (au paragraphe 9 de l’avis de requête) selon laquelle la question de distinguer le revenu du capital équivaut nécessairement à une différence d’opinions. À mon avis, les circonstances factuelles de l’appel détermineront si la question de la distinction du revenu par rapport au capital est purement une question de divergence d’opinions ou non. En outre, il faudra déterminer s’il y a eu une fausse déclaration aux termes du sous-alinéa 152(4)a)i).

[25]  La question de savoir si une fausse déclaration au sens du sous-alinéa 152(4)a)i) porte uniquement sur des faits ou sur une combinaison de faits et de droit, devrait être laissée au juge des faits pour qu’il la tranche ainsi que les questions de fond connexes.

[26]  A l'occasion de l'affaire Paletta c. La Reine, 2016 CCI 171, décision confirmée par la Cour d’appel fédérale par l’arrêt 2017 CAF 33, notre Cour était invitée à examiner une question proposée au titre de l’article 58 des Règles qui portait également sur le sous-alinéa 152(4)a)i). Il était question de sept années d’imposition dans cette affaire, l’appelant proposait d’admettre la fausse déclaration, et demandait à la Cour de trancher seulement la question de savoir si la fausse déclaration était imputable à une négligence, une inattention ou une omission volontaire.

[27]  Je retiens l’observation de notre Cour au paragraphe 32 de cette décision, qui se lit comme suit :

À mon avis, la question de savoir si la présentation erronée concédée est imputable à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire ne peut être réglée sans l’appréciation de toutes les circonstances entourant le dépôt des positions prises par l’appelante dans ses déclarations pour les années d’imposition en cause. Les parties ne se sont pas entendues sur ces circonstances et, en fait, elles sont au cœur de la question hautement contestée des nouvelles cotisations.

[28]  Dans cet appel, les interrogatoires préalables n’avaient pas encore eu lieu : voir Paletta, 2016 CCI 171, au paragraphe 2. En l’espèce, il n'y a encore eu aucun échange de documents et aucun interrogatoire préalable n’a été mené. Je ne puis retenir la thèse de l’appelante selon laquelle la majeure partie des faits ne sont pas controversés sans que ces étapes aient été réalisées ou ne soient du moins en cours. La mécanique des transactions n’est pas controversée; toutefois, les circonstances factuelles doivent encore être déterminées pour confirmer ou réfuter les hypothèses du ministre.

[29]  À l’instar de la conclusion rendue par notre Cour dans la décision Paletta, au paragraphe 43, je suis d'avis que l’approche proposée ne permettrait pas un règlement juste et équitable de la question de la prescription.

[30]  Je pense que les faits de la présente affaire diffèrent également de ceux de l'affaire Rio Tinto Alcan Inc. c. La Reine, 2016 CCI 31. Les questions approuvées par la Cour dans cette affaire étaient distinctes des questions de fond visées par l’appel.

[31]  En ce qui concerne l'affaire Rio Tinto, les questions approuvées au paragraphe 94 étaient essentiellement a) si le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation sans avoir préalablement examiné les faits pertinents, et b) si le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation en dehors de la période normale de nouvelle cotisation lorsque les éléments réévalués n’étaient pas énumérés aux paragraphes 152(4) ou 152(4.01) de la Loi. Ces questions peuvent être déterminées sans qu'il soit tenu compte des faits sous-jacents, tandis que la présente question proposée ne peut ou ne doit pas être tranchée sans examiner les circonstances factuelles.

[32]  Étant donné ma conclusion négative en ce qui concerne la première question proposée et que les deux autres questions découlent de celle-ci, il n’est pas nécessaire que j’examine les deuxième et troisième questions.

VI. Conclusion

[33]  Pour les motifs susmentionnés, voici ma décision :

  • a) La requête est rejetée avec dépens, payables à l’intimée, quelle que soit l’issue de la cause;

  • b) Les parties doivent soumettre une proposition de calendrier pour l’achèvement des étapes restantes de l’instance d’ici le 10 septembre 2020.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juillet 2020.

« S. Wong »

La juge Wong

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'octobre 2020.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2020 CCI 44

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-1746(IT)G

INTITULÉ :

MATTHEW MACISAAC CONSULTING INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 juillet 2019

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Susan Wong

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 6 juillet 2020

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Elie S. Roth

Me Bobby J. Sood

Avocat de l’intimée :

Me Brent Cuddy

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Elie S. Roth

Me Bobby J. Sood

Cabinet :

Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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