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Dossier : 2017-2714(IT)G

ENTRE :

ANDRE LAMY MEDICINE PROFESSIONAL CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 12 décembre 2019, à Hamilton (Ontario)

Devant : L’honorable juge Steven K. D’Arcy


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Kevin Scullion

Avocat de l’intimée :

Me Stan McDonald

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

L’appel des cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition de l’appelante se terminant le 1er janvier 2014 (l’année d’imposition 2013) et le 1er janvier 2015 (l’année d’imposition 2014) est accueilli, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour réexamen et établissement d’une nouvelle cotisation au motif que l’appelante a droit aux crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental qu’elle a demandés dans sa déclaration d’impôt pour chacune des années d’imposition 2013 et 2014.

Les parties disposent d’un délai de 30 jours à compter de la date du présent jugement pour parvenir à un accord sur les dépens, faute de quoi elles seront invitées à déposer leurs observations écrites à ce sujet dans les 60 jours suivant la date du présent jugement. Ces observations ne doivent pas dépasser quinze pages. Si les parties ne parviennent pas à un accord sur les dépens et qu’aucune observation écrite n’est déposée, les dépens sont attribués à l’appelante conformément au tarif.

Signé à Antigonish (NouvelleÉcosse), ce 20e jour de juillet 2020.

« S. D’Arcy »

Le juge D’Arcy

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d'octobre 2021.

François Brunet, réviseur


Référence : 2020 CCI 61

Date : 20200720

Dossier : 2017-2714(IT)G

ENTRE :

ANDRE LAMY MEDICINE PROFESSIONAL CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge D’Arcy

[1] L’appelante a interjeté appel des cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2014 (l’année d’imposition 2013) et le 1er janvier 2015 (l’année d’imposition 2014). Le ministre a rejeté, par voie de cotisation, les crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE) demandés par l’appelante, d’un montant de 93 828,00 $ et de 107 642,00 $, respectivement, pour les années d’imposition 2013 et 2014.

[2] Au début de l’audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits (ECF) et un recueil conjoint de documents (pièce AR-1). L’ECF est joint en annexe 1 aux présents motifs du jugement. Les parties se sont entendues sur l’admissibilité et l’authenticité des documents inclus dans la pièce AR-1 et ont reconnu que ces documents font foi de la véracité de leur contenu. En conséquence, j’ai admis les documents tels qu’ils ont été déposés par les parties.

[3] J’ai entendu un témoin au cours de l’audience, le Dr Andre Lamy (Dr Lamy). L’ECF indique que le Dr Lamy est le directeur, le président et le secrétaire et trésorier de l’appelante. C’est lui la tête dirigeante de l’appelante. Le Dr Lamy était selon moi un témoin crédible.

I. La question soumise à la Cour

[4] Dans sa réponse, l’intimée a déclaré ce qui suit : [traduction] « le ministre admet que les activités de RS&DE pour lesquelles les crédits d’impôt en question ont été demandés répondent à la définition de la RS&DE aux termes du paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 [...] ». L’avocat de l’intimée a informé la Cour, au début de l’audience, que sa cliente admettait que les projets de recherche entrepris étaient de la RS&DE et que [traduction] « les sommes, les montants d’argent [spécifiés par l’appelante] sont corrects ». En bref, l’intimée reconnaît que 93 828 $ et 107 642 $ ont été dépensés au cours des années d’imposition 2013 et 2014 pour des activités de RS&DE admissibles.

[5] La question en litige devant notre Cour est de savoir si l’appelante a effectué les travaux de RS&DE ou si le Dr Lamy a mené les recherches à titre personnel.

II. Faits pertinents

[6] L’ECF mentionne que l’appelante a été constituée en société le 23 juin 2008.

[7] Le Dr Lamy a témoigné qu’il était chirurgien cardiaque et chercheur en chirurgie cardiaque depuis 23 ans. Il effectue tout son travail de chirurgien cardiaque à l’hôpital général de Hamilton. Il n’est pas un employé de l’hôpital, mais un [traduction] « chirurgien cardiaque indépendant sous contrat ». Il effectue ses recherches à son domicile et à son bureau à l’Institut de recherche sur la santé des populations de l’hôpital général de Hamilton.

[8] Le Dr Lamy a fait remarquer que toutes ses recherches sont orientées vers la chirurgie cardiaque. Cette recherche est le résultat direct de son expérience avec ses patients, notamment en ce qui concerne les complications qui surviennent lors des chirurgies. Il a déclaré que ses recherches visent à améliorer la survie des patients, soit en trouvant de meilleures techniques pour diminuer les complications qui surviennent pendant la chirurgie, soit en déterminant les médicaments qui peuvent améliorer la survie de ses patients après la chirurgie.

[9] Il a mené ces recherches de manière continue au cours des 22 dernières années, en travaillant normalement sur quatre à six projets à la fois. Il a noté que pendant cette période (et en fait pendant la majeure partie des 23 dernières années), il a travaillé sept jours par semaine.

[10] Il a déclaré qu’une fois que l’appelante a été constituée en société en 2008, il a effectué tout son travail en tant que chirurgien, et a mené toutes ses recherches en tant qu’employé de l’appelante. Il a témoigné que l’appelante, et personne d’autre, le rémunère pour le temps qu’il passe à mener ses recherches.

[11] L’accord figurant à l’onglet 5 de la pièce AR-1 va dans le sens du témoignage du Dr Lamy. Cet accord est un contrat de travail entre l’appelante et le Dr Lamy (le contrat de travail). Selon l’un des considérants du contrat de travail, l’appelante se livre à la pratique de la médecine et aux activités afférentes et accessoires à cette pratique. Le Dr Lamy a déclaré que les activités afférentes et accessoires à l’exercice de la médecine comprennent les recherches qu’il mène au nom de l’appelante.

[12] L’article 1.3 du contrat de travail stipule :

[traduction]

Temps à consacrer : pendant la durée de son emploi, l’employé (Dr Lamy) reconnaît que, sauf indication contraire, il lui sera nécessaire de consacrer tout son temps de travail et son attention aux affaires de la société ou de ses filiales. Plus précisément, l’employé ne doit pas consacrer de temps à quelque activité que ce soit (autre que pour le compte et au nom de la société ou de l’une de ses filiales).

[13] Le Dr Lamy a témoigné s’être conformé à cette stipulation. Depuis 2008, il n’a pas consacré son temps à d’autres activités que celles de l’appelante, à savoir la chirurgie cardiaque et la recherche médicale. Il a cependant consacré un certain temps à une activité non commerciale, à savoir l’enseignement. Comme l’indique le paragraphe 5 de l’ECF, il était employé par la Faculté des sciences de la santé de l’Université McMaster, où sa charge d’enseignement comprenait des cours sur la méthodologie de la recherche et l’inclusion d’étudiants en chirurgie cardiaque.

[14] Le Dr Lamy a fait remarquer que, comme l’exigent les lois provinciales pertinentes, il est tenu de facturer le gouvernement ontarien en son nom propre et sous son numéro de facturation personnel pour les services médicaux qu’il fournit au nom de l’appelante. L’article 4.2 du contrat de travail stipule que toute somme ou toute garantie que le Dr Lamy reçoit en lien avec ces factures est reçue pour le compte ou au nom de l’appelante. Autrement dit, l’appelante gagne les sommes facturées au gouvernement ontarien au nom du Dr Lamy.

[15] Les paragraphes 6 à 8 de l’ECF énoncent ce qui suit :

[traduction]

6. Au cours des années d’imposition 2013 et 2014, le Dr Lamy a participé à des projets expérimentaux relatifs aux progrès des techniques et des traitements de chirurgie cardiaque. Il y a eu deux études connues sous le nom de Vision, qui comprenaient des projets appelés Vision et Coronary, et l’étude Compass, qui comprenait des projets appelés Compass et Accelerate (les projets).

7. Les projets constituaient de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE) au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi).

8. Des fiches de suivi du temps de RS&DE ont été soigneusement conservées comme il se doit, et des observations détaillées et des trousses d’information concernant les projets ont été préparées.

[16] Le Dr Lamy a produit une brève description de chacun des quatre projets.

[17] Quant au projet Coronary, le Dr Lamy a témoigné qu’il était lié à la chirurgie de pontage coronarien. Il a fait référence à deux techniques utilisées lors de la réalisation de pontages chirurgicaux. L’un d’entre eux est appelé un pontage cardiopulmonaire, ou la pompe. Cette démarche nécessite l’arrêt du cœur pendant la réalisation du pontage. La deuxième technique est ce qu’on appelle le pontage sans pompe. Aucune pompe n’est utilisée, et le pontage est effectué pendant que le cœur bat. Le Dr Lamy a fait remarquer que la question de savoir laquelle des deux techniques était la meilleure a grandement alimenté les débats au sein de la communauté médicale. Il a donc décidé qu’il tenterait de répondre à cette question en lançant le projet Coronary. Il travaille à ce projet depuis dix ans et il n’est pas encore terminé. Il y a travaillé pendant les années d’imposition 2013 et 2014.

[18] Le projet Vision consiste à déterminer le moment où une personne a subi un infarctus au cours d’une chirurgie cardiaque. Ce projet concerne 15 000 patients dans huit ou neuf pays du monde entier. Au cours des années d’imposition 2013 et 2014, le Dr Lamy a participé à la conception des essais du projet.

[19] Le projet Compass est un vaste projet d’essai. Le Dr Lamy a participé à une petite partie du projet; cette partie consistait à tester le médicament Rivaroxaban auprès de certains patients. Il a noté que sa participation se rapportait au petit segment de la population d’essai qui avait subi une chirurgie cardiaque. Il a travaillé sur ce projet pendant les années d’imposition 2013 et 2014 et il y travaille toujours.

[20] Le dernier projet, le projet Accelerate, était un essai qui ne s’est pas bien passé. Le projet portait sur les médicaments contre le diabète et les pontages coronariens. Il a travaillé sur ce projet pendant les années d’imposition 2013 et 2014. Le projet a pris fin peu après 2014.

[21] Au cours des années d’imposition 2013 et 2014, le Dr Lamy a consacré environ 52 à 57 % de son temps à ces quatre projets. Il a témoigné avoir mené toutes ses recherches en tant qu’employé de l’appelante.

[22] J’ai été amené à consulter des contrats qui concernent deux des projets : le projet Coronary et le projet Compass. Il ne m’a été produit aucun contrat concernant le projet Vision ou le projet Accelerate.

[23] Le contrat relatif au projet Coronary (l’accord sur le projet Coronary) est l’onglet 4 de la pièce AR-1. Les parties ont signé l’accord fin janvier et début février 2010. Il s’agit d’un contrat conclu entre la Hamilton Health Sciences Corporation (désignée dans l’accord comme l’institution), le Dr Lamy (désigné dans l’accord comme le chercheur) et l’Université McMaster par l’intermédiaire du Population Health Research Institute (désigné dans l’accord comme le PHRI). Dans les considérants de l’accord, il est indiqué que les Instituts de recherche en santé du Canada ont accordé une subvention pour l’étude.

[24] Les considérants de l’accord sur le projet Coronary précisent en outre ce qui suit :

[traduction]

CONSIDÉRANT que le chercheur (Dr Lamy) et l’institution (Hamilton Health Sciences Corporation) disposent des ressources et de l’expertise nécessaires pour mener à bien une partie de l’étude et souhaitent aider le PHRI en agissant comme centre de recrutement pour l’étude.

[25] Il ressort de ce considérant que le Dr Lamy et la Hamilton Health Sciences Corporation ont recruté des personnes pour participer à l’étude. Selon l’article 1 de l’accord sur le projet Coronary, il semble que le Dr Lamy et la Hamilton Health Sciences Corporation ont également participé à l’étude. Je ne sais pas très bien en quoi consistait leur participation à l’accord sur le projet Coronary, car on ne m’a pas fourni de description de l’étude telle que cette expression est utilisée dans l’accord. Selon les considérants, ils semblent qu’une description de l’étude est contenue dans un protocole élaboré par le PHRI et un comité de direction. On ne m’a pas fourni de copie de ce protocole.

[26] L’article 1 de l’accord sur le projet Coronary dispose qu’en contrepartie de la réalisation de l’étude, la Hamilton Health Sciences Corporation ou le Dr Lamy recevra des montants d’argent spécifiés [traduction] « par sujet » (patient).

[27] Le Dr Lamy a témoigné qu’aucune somme n’a été payée au titre de l’accord sur le projet Coronary ni à lui ni à l’appelante. Il a signalé que pour que les paiements soient effectués au titre du projet Coronary, soit lui, soit l’appelante devaient remplir la case au bas de la page 14 de l’onglet 4 de la pièce AR-1 (il s’agit de la page 2 de la pièce B de l’accord). Cette case n’a pas été remplie.

[28] L’onglet 3 de la pièce AR-1 contient une lettre d’entente concernant le projet Compass (la lettre d’entente Compass). La lettre est signée par la Hamilton Health Sciences Corporation (désignée dans la lettre comme HHSC) et par le Dr Lamy. L’objectif de la lettre d’entente Compass semble être de discuter du rôle du HHSC et du Dr Lamy dans le projet Compass, qui a été parrainé et financé par Bayer Healthcare AG. Le Dr Lamy a noté que dans le monde entier, environ 27 000 patients ont participé au projet Compass.

[29] La lettre indique que Bayer Healthcare AG a autorisé Bayer Inc., une société ayant une adresse à Toronto, à intervenir en son nom pour toutes les questions relatives à la conduite de l’étude au Canada.

[30] La lettre d’entente Compass indique que Bayer Inc. a conclu un accord de service d’essai clinique avec HHSC, aux termes duquel HHSC doit gérer le projet Compass, y compris la supervision des enquêteurs. La lettre fait référence au Dr Lamy comme étant le [traduction] « chercheur principal ». Dans son témoignage, le Dr Lamy a précisé que le projet Compass comprenait environ 600 chercheurs et qu’il était le chercheur principal local, ce qui signifie qu’il était le chercheur principal pour les patients de l’hôpital de Hamilton.

[31] Il semble que le rôle du chercheur principal était de présélectionner les patients et de recruter ensuite les patients qualifiés pour le projet. L’annexe A indique que le chercheur principal doit exercer [traduction] « l’activité d’étude ». La lettre d’entente Compass n’explique pas cette expression. Il semble qu’elle concerne des activités que HHSC était tenu d’exercer selon son accord avec Bayer Inc. Je n’ai pas reçu de copie de cet accord.

[32] Sur la deuxième page de la lettre d’entente Compass, il est indiqué que HHSC, au nom de Bayer Inc., paie le Dr Lamy pour les services fournis conformément à l’annexe B de la lettre d’accord. Le Dr Lamy a témoigné que le HHSC n’a versé aucune somme ni à lui ni à l’appelante en ce qui concerne le projet Compass. Les seules sommes qu’il a reçues sont celles qui lui ont été versées par l’appelante à titre de salaire.

[33] Il a noté que pour que les paiements soient effectués au titre du projet Compass, soit lui, soit l’appelante devait remplir la case au bas de la page 14 de l’onglet 3 de la pièce AR-1 (il s’agit de la page 2 de la pièce B de la lettre d’entente Compass). Cette case n’a pas été remplie.

[34] Le Dr Lamy a témoigné qu’il a signé les lettres d’entente Coronary et Compass en sa qualité d’employé de l’appelante, puisqu’il a fourni les services spécifiés dans l’accord et la lettre d’entente Compass en tant qu’employé de l’appelante.

III. Règlement de l’appel

[35] L’article 37(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu dispose, en partie, qu’un contribuable qui exploite une entreprise au Canada peut déduire, dans le calcul de son revenu tiré de l’entreprise, le total de toutes les dépenses de nature courante qu’il a engagées au cours de l’année pour des activités de RS&DE découlant d’une entreprise du contribuable, exercées au Canada et directement entreprises par le contribuable.

[36] Comme je l’ai noté précédemment, la question en litige devant notre Cour est de savoir si l’appelante a effectué les travaux de RS&DE ou si le Dr Lamy a mené les recherches à titre personnel. Il s’agit d’une question de fait.

[37] L’intimée n’a cité aucun témoin à l’appui de sa conclusion factuelle selon laquelle le Dr Lamy a réalisé les activités de RS&DE à titre personnel. Au paragraphe 10 de sa réponse, [traduction] « le ministre s’est appuyé sur les éléments suivants pour établir la responsabilité fiscale de l’appelante à l’égard des années d’imposition visées par l’appel [...] ». Le paragraphe 10 de la réponse contient ensuite six alinéas numérotés de a) à f). Les seuls alinéas qui vont dans le sens de l’argument du ministre selon lequel c’est le Dr Lamy, et non l’appelante, qui a exercé les activités de RS&DE sont les alinéas 10e) et f) de la réponse. Ces alinéas contiennent les conclusions factuelles suivantes :

[traduction]

e) les activités de RS&DE en question ont été entreprises par le Dr Lamy à titre personnel;

f) les activités de RS&DE en question n’ont pas été entreprises directement par l’appelante ni par le Dr Lamy pour le compte de l’appelante.

[38] La réponse ne contient aucune hypothèse de fait formulée par le ministre qui soutienne ces deux conclusions factuelles. En conséquence, je fonderai ma décision sur les éléments de preuve pertinents qui me sont présentés, à savoir le témoignage du Dr Lamy, les aveux des parties, les onze faits contenus dans l’ECF et trois des documents figurant dans la pièce AR-1. Les deux autres documents de la pièce AR-1, c’est-à-dire les avis de cotisation pour les années pertinentes, ne sont pas pertinents à l’égard de la question en litige, à savoir qui, concrètement, a exercé les activités de RS&DE.

[39] Comme je l’ai indiqué précédemment, le Dr Lamy a témoigné qu’il a exercé toutes ses activités de recherche en tant qu’employé de l’appelante. Son témoignage est conforme aux admissions de l’intimée et aux éléments de preuve subjectifs dont je dispose.

[40] Il est déclaré au paragraphe 4 de l’ECF : [traduction] « l’appelante était l’entreprise médicale professionnelle du Dr Lamy et exerçait des activités de chirurgie cardiaque, de fourniture de soins médicaux associés aux patients et de recherche sur l’amélioration des méthodes de chirurgie cardiaque et des résultats cliniques. » En d’autres termes, l’intimée reconnaît que l’appelante exerçait une activité commerciale au Canada et que cette activité incluait des recherches relatives à l’amélioration de la méthodologie de la chirurgie cardiaque.

[41] Les recherches menées au cours de la réalisation des quatre projets en question dans le présent appel portaient sur les progrès des techniques et des traitements de chirurgie cardiaque. La recherche comprenait des essais cliniques. Cela fait partie de l’activité de l’appelante.

[42] En outre, dans sa réponse, l’intimée a admis l’allégation de fait figurant au paragraphe 5 de l’avis d’appel. Ce paragraphe se lit comme suit : [traduction] « l’appelante a fait preuve de diligence raisonnable et a conservé soigneusement les fiches de suivi du temps de recherche scientifique et de développement expérimental, comme il se doit, et a préparé des descriptions détaillées et des dossiers d’information concernant les projets de recherche ». Le fait que l’appelante a tenu des registres et préparé des représentations détaillées et des dossiers d’information concernant les recherches menées dans le cadre des quatre projets étaye la conclusion factuelle selon laquelle l’appelante a effectué les recherches.

[43] Le Dr Lamy étant le seul employé de l’appelante, il est clairement le seul à exercer les activités de l’appelante, à savoir effectuer des opérations chirurgicales, fournir des soins aux patients et mener des recherches médicales. Autrement dit, si l’appelante a mené les recherches en question dans ces recours, alors le Dr Lamy a dû effectuer les travaux de recherche.

[44] Le contrat de travail stipule expressément que le Dr Lamy ne doit consacrer aucune partie de son temps à des activités autres que celles de l’appelante. Il a témoigné qu’il s’était conformé à cette disposition et je n’ai reçu aucune preuve pour contredire son témoignage.

[45] Le Dr Lamy a noté que les 93 828 $ et 107 642 $ demandés par l’appelante au cours des années d’imposition 2013 et 2014, respectivement, en tant que dépenses de RS&DE représentent le salaire que l’appelante lui a versé pour ces années. Le Dr Lamy a témoigné que l’appelante lui a versé le salaire en contrepartie de son travail sur les quatre projets de recherche. L’intimée reconnaît que les 93 828 $ et 107 642 $ soient des sommes dépensées pour la RS&DE.

[46] Compte tenu de ces faits et des autres éléments de preuve qui m’ont été présentés, je conclus que l’appelante a exercé les activités de RS&DE. Le Dr Lamy a mené lui-même ses recherches en tant qu’employé de l’appelante.

[47] Cela résout la question dont la Cour est saisie relativement aux projets Vision et Accelerate. Toutefois, l’intimée soutient que les documents produits en ce qui concerne les projets Coronary et Compass ne sont pas conformes à une conclusion factuelle selon laquelle l’appelante a mené la RS&DE. Je rejette cet argument.

[48] Le Dr Lamy a témoigné que le projet Coronary était son idée et qu’il a commencé le projet de recherche il y a dix ans en tant qu’employé de l’appelante.

[49] À un moment donné, d’autres intervenants, dont la Hamilton Health Sciences Corporation, ont commencé à participer au projet. Quelqu’un a pu obtenir un financement pour l’aider dans son projet de recherche. Aucune partie de ce financement n’a été versée à l’appelante ou au Dr Lamy. Je suppose que ce financement a été versé à la Hamilton Health Sciences Corporation.

[50] C’est également ce qui s’est passé dans le cadre du projet Compass. Un financement a été reçu d’un mis en cause, Bayer Inc., mais aucun financement n’a été versé ni à l’appelante ni au Dr Lamy.

[51] C’est l’appelante, et non un mis en cause, qui a payé le Dr Lamy, en tant qu’employé, pour les services de recherche qu’il a fournis dans le cadre des projets Coronary et Compass et des deux autres projets. Au paragraphe 9 de l’ECF, l’intimée reconnaît que des coûts ont été engagés pour les quatre projets. Comme je l’ai noté précédemment, les seuls coûts engagés dans le cadre des quatre projets étaient les montants des salaires de 93 828 $ et 107 642 $ versés par l’appelante au Dr Lamy. L’avocat de l’intimée a informé la Cour que le ministre reconnaît l’exactitude de ces paiements.

[52] Le fait que ce soit le Dr Lamy qui ait signé l’accord de projet Coronary et la lettre d’entente Compass ne change rien au fait qu’il a effectué les activités de recherche en tant qu’employé de l’appelante. Le Dr Lamy a reconnu qu’il avait signé l’accord de projet Coronary et la lettre d’entente Compass en tant qu’André Lamy. Il a fait remarquer que c’est ainsi qu’il signe tous les documents. Toutefois, il a déclaré qu’il avait signé les documents en sa qualité d’employé de l’appelante, puisqu’il avait fourni les services en tant qu’employé de l’appelante.

[53] Le témoignage du Dr Lamy est étayé par les facturations faites pour ses services médicaux. Il facture ces services au gouvernement de l’Ontario en son nom propre. L’intimée ne conteste pas la thèse de l’intimée selon laquelle toute somme reçue au titre de ces services est reçue par le Dr Lamy pour le compte et au nom de la personne fournissant le service, c’est-à-dire son employeur, l’appelante. Le résultat est le même en ce qui concerne les activités de recherche : le Dr Lamy a signé de son propre nom sur les contrats, mais il a fourni les services en tant qu’employé de l’appelante.

[54] Vu les éléments de preuve dont je dispose, de 2008 à aujourd’hui, toutes les activités du Dr Lamy en rapport avec l’activité de l’appelante, y compris la recherche d’améliorations en chirurgie cardiaque, constituaient des activités de son employeur, l’appelante.

IV. Conclusion

[55] Pour les motifs susmentionnés, l’appel des cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition de l’appelante se terminant le 1er janvier 2014 (l’année d’imposition 2013) et le 1er janvier 2015 (l’année d’imposition 2014) est accueilli, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour réexamen et établissement d’une nouvelle cotisation au motif que l’appelante a droit aux crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental qu’elle a demandés dans sa déclaration d’impôt pour chacune des années d’imposition 2013 et 2014.

[56] Les parties disposent d’un délai de 30 jours à compter de la date du présent jugement pour parvenir à un accord sur les dépens, faute de quoi elles seront invitées à déposer leurs observations écrites sur les dépens dans les 60 jours suivant la date du présent jugement. Ces observations ne doivent pas dépasser quinze pages. Si les parties ne parviennent pas à un accord sur les dépens et qu’aucune observation écrite n’est déposée, les dépens sont attribués à l’appelante conformément au tarif.

Signé à Antigonish (NouvelleÉcosse), ce 20e jour de juillet 2020.

« S. D’Arcy »

Le juge D’Arcy

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d'octobre 2021.

François Brunet, réviseur


Annexe 1

 

2017-2714(IT)G

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

ENTRE :

ANDRE LAMY MEDICINE PROFESSIONAL CORPORATION

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée.

[traduction]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

L’appelante et l’intimée, par l’entremise de leurs avocats, reconnaissent les faits suivants lors de l’audition de l’affaire susmentionnée, conjointement avec tout élément de preuve présenté à l’audience qui n’est pas incompatible avec les faits ci-dessous.

  1. L’appelante était une société située au 2114, ch. Turnberry dans la ville de Burlington (Ontario).

  2. L’appelante a été constituée en société le 23 juin 2008.

  3. Le DLamy était le directeur, le président et le secrétaire de l’appelante.

  4. L’appelante était l’entreprise médicale professionnelle du Dr Lamy et exerçait des activités de chirurgie cardiaque, de fourniture de soins médicaux associés aux patients et de recherche sur l’amélioration des méthodes de chirurgie cardiaque et des résultats cliniques.

  5. Le Dr Lamy a également été professeur à la faculté des sciences de la santé de l’Université McMaster, où sa charge d’enseignement comprenait des cours sur la méthodologie de la recherche et l’intégration des étudiants en chirurgie cardiaque.

  6. Au cours des années d’imposition 2013 et 2014, le Dr Lamy a participé à des projets expérimentaux relatifs aux progrès des techniques et des traitements de chirurgie cardiaque. Il y a eu deux études connues sous le nom de Vision, qui comprenaient des projets appelés Vision et Coronary, et l’étude Compass, qui comprenait des projets appelés Compass et Accelerate (les projets).

  7. Les projets constituaient de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE) au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi).


Des fiches de suivi du temps de RS&DE ont été soigneusement conservées comme il se doit, et des observations détaillées et des trousses d’information concernant les projets ont été préparées.

  1. Les coûts des projets ont été engagés. L’appelante a demandé des crédits d’impôt pour la RS&DE relativement à ces coûts pour ses années d’imposition 2013 et 2014, pour des montants de 93 828,00 $ et 107 642,00 $, respectivement, en application du paragraphe 248(1) de la Loi.

  2. Les conventions de recherche menant aux projets ont été signées par le Dr Lamy sans que sa qualité de directeur de l’appelante soit mentionnée.

  3. Le Dr Lamy n’était pas tenu, aux termes de son contrat de travail avec l’Université McMaster, de mener des recherches au sens du paragraphe 248(1) de la Loi.

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 9e jour de décembre 2019.

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Bureau régional de l’Atlantique

Services du droit fiscal

Bureau 1400, Tour Duke

5251, rue Duke

Halifax (Nouvelle-Écosse) B3J 1P3

Téléphone : 902-426-8803

Télécopieur : 902-426-8802


Courriel : stanmcdonald@justice.gc.ca

Par : Stan McDonald

Téléphone : 902-426-8803

Courriel : stan.mcdonald@justice.gc.ca

Avocat de l’intimée

Signé à Hamilton (Ontario), ce 9e jour de décembre 2019.

Me Kevin J. Scullion

Scullion Law

1, rue James Sud, 10e étage

Hamilton (Ontario)

L8P 4R5

Téléphone : 289-813-8383

Télécopieur : 289-813-7746

Courriel : kjs@scullionlaw.ca

Avocat de l’appelante


RÉFÉRENCE :

2020 CCI 61

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-2714(IT)G

INTITULÉ :

ANDRE LAMY MEDICINE PROFESSIONAL CORPORATION c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 décembre 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Steven K. D’Arcy

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 juillet 2020

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Kevin Scullion

Avocat de l’intimée :

Me Stan McDonald

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Kevin Scullion

Cabinet :

Scullion Law

Hamilton (Ontario)

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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