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Dossier : 2016-1057(IT)G

ENTRE :

JUDY TONG,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu les 10 et 11 décembre 2019 et le 28 janvier 2020 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge K.A. Siobhan Monaghan


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Joseph G. LoPresti

Avocat de l’intimée :

Me Tony Cheung

 

JUGEMENT

  Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

  L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2011 et 2012 de l’appelante est accueilli, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national aux fins de nouvel examen et nouvelles cotisations pour les motifs suivants :

1.  l’appelante n’a pas eu de revenus non déclarés;

2.  l’appelante n’était pas passible de pénalités aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.

  Les parties ont 30 jours à compter de la date du jugement pour présenter des observations écrites sur les dépens et ces observations ne doivent pas dépasser 10 pages.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de juillet 2020.

« K.A. Siobhan Monaghan »

La juge Monaghan

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour d'octobre 2020.

François Brunet, réviseur 


Référence : 2020 CCI 70

Date : 20200724

Dossier : 2016-1057(IT)G

ENTRE :

JUDY TONG,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Monaghan

I. APERÇU

[1]  Le ministre a établi de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2011 et 2012 à l’égard de Judy Tong, par avis daté du 22 janvier 2015. Mme Tong s’est opposée aux nouvelles cotisations en 2015, mais le ministre les a confirmées le 4 janvier 2016, d’où le présent appel.

[2]  Aux termes des nouvelles cotisations, le revenu de Mme Tong a été augmenté de 58 489 $ en 2011 et de 59 999 $ en 2012, au motif qu’elle n’a pas déclaré un revenu d’entreprise tiré d’un restaurant dont elle était la propriétaire, mais que son mari, Ivan Tong, a toujours exploité. Les nouvelles cotisations imposent également des pénalités aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la Loi).

[3]  Trois témoins ont témoigné en appel : M. et Mme Tong pour l’appelante et Mme Datu pour l’intimée.

[4]  Même si Mme Tong était la propriétaire du restaurant, il ressort clairement des témoignages qu’elle avait très peu à voir avec son exploitation. Par conséquent, bien que Mme Tong ait témoigné, à bien des égards, elle était incapable de répondre à des questions précises concernant le restaurant, s’en remettant à son mari qui était chargé de tous les aspects de l’exploitation du restaurant et des affaires financières de la famille.

[5]  M. Tong exploitait le restaurant, tenait les livres de comptes et les registres relatifs au restaurant, rédigeait les rapports nécessaires de taxes de vente et de retenues à la source, procédait au paiement de toutes les dépenses relatives au restaurant, achetait la nourriture et les fournitures pour le restaurant et préparait les déclarations de revenus de Mme Tong.

[6]  Mme Datu est la vérificatrice de l’Agence du revenu du Canada qui a effectué la vérification à l’origine de l’établissement des nouvelles cotisations.

II. EXPOSÉ DES FAITS

[7]  Mme Tong est une infirmière autorisée employée par deux hôpitaux. Elle travaille à temps plein depuis 1997 à l’hôpital Credit Valley et à temps partiel à l’hôpital St. Joseph’s. Son revenu d’emploi est déposé directement sur un compte bancaire, à la Banque HSBC (HSBC) en ce qui concerne l’hôpital Credit Valley, et à la Banque Toronto-Dominion (TD) en ce qui concerne l’hôpital St. Joseph’s. Ces deux comptes bancaires sont des comptes conjoints à son nom et à celui de son mari.

[8]  Au cours des années en cause, Mme Tong avait aussi ouvert un compte bancaire à la Banque de Montréal (BMO) pour le restaurant et réservé à celui-ci. Son nom et la dénomination « All in One Fast Food Restaurant » figurent sur les relevés bancaires de la BMO. L’adresse sur les relevés bancaires semble être celle du restaurant.

[9]  Mme Tong a rencontré M. Tong en 1990, alors qu’elle visitait le Canada en provenance de Hong Kong, où elle exerçait les fonctions d’infirmière. À cette époque, M. Tong possédait et exploitait un établissement de restauration rapide et un restaurant buffet, tous deux nommés SuperWok. Ils ont décidé de se marier, ce qu’ils ont fait à Hong Kong en 1991. Mme Tong a immigré au Canada et a obtenu sa licence d’infirmière au Canada, mais il lui a fallu un certain temps avant qu’elle trouve un poste d’infirmière dans un hôpital, car elle n’avait aucune expérience canadienne et elle devait améliorer ses compétences en anglais. Elle a d’abord été au service d'un cabinet de médecin.

[10]  La famille Tong a deux enfants : un fils, né en 1992 et une fille, née en 1994. Au cours des années d’imposition en cause, leur fils est entré à l’université et leur fille était à l’école secondaire.

[11]  Durant les premières années de leur mariage, Mme Tong a affirmé que les restaurants de M. Tong rapportaient suffisamment pour subvenir aux besoins de la famille. Le couple a acheté une maison en 1997, au nom de Mme Tong, mais il l’a vendue en 2009. Depuis, ils vivent dans un logement locatif. Le produit net de la vente de la maison, après les frais et le remboursement de l’hypothèque, s’élevait à près de 200 000 $ [1] . La famille Tong a utilisé ces fonds pour acheter des dépôts à terme et pour effectuer des placements au moyen d’un compte de placement.

[12]  Les restaurants, dont M. Tong était le propriétaire lorsqu’il a rencontré Mme Tong, se trouvaient dans des centres commerciaux. Le premier restaurant, ouvert en 1985, était situé dans le centre commercial South Common Mall, à Mississauga. Le second restaurant, ouvert près de cinq ans plus tard, avec un associé, se trouvait dans le centre commercial Meadowvale Town Centre [2] . Cependant, aux environs de l’année 2000, un nouveau très grand centre commercial, appelé Erin Mill Town Centre et situé entre les deux centres commerciaux dans lesquels M. Tong exploitait ses restaurants, a ouvert. Les principaux locataires ont quitté les deux centres commerciaux où des travaux de réfection et de réaménagement ont par conséquent été entrepris. Les restaurants SuperWok ont dû fermer : le premier restaurant en 2000 et le second restaurant en 2002.

[13]  En 2003, M. Tong a repéré un restaurant à Hamilton situé près des installations de Stelco. Mme Tong a acheté le restaurant Wayside 40 000 $. M. Tong a expliqué que ce restaurant était au nom de Mme Tong, conformément à ce qu’avait recommandé leur comptable. Le comptable a fait cette recommandation, car des pertes étaient possibles au début et Mme Tong finançait l’achat. M. Tong a affirmé que l’activité du restaurant a démarré lentement, puis il a commencé à voir le nombre de ses clients augmenter. Cependant, près de deux ans après l’achat du restaurant, U.S. Steel a acheté Stelco. Par conséquent, le nombre d’employés de Stelco à Hamilton a diminué, en passant de 10 000 à 3 000 employés. Cela a eu une incidence défavorable sur le restaurant Wayside. Lorsque le bail a pris fin en 2008, la famille Tong a fermé le restaurant Wayside et s’est retrouvée sans rien. Le restaurant n’a jamais réalisé de bénéfices.

[14]  M. Tong était trop jeune pour prendre sa retraite, mais compte tenu de son âge et de ce qu’il avait si longtemps travaillé à son compte, la famille a recherché un autre restaurant. En 2009, M. Tong a repéré un restaurant Pizza Boy dans une zone industrielle, à Brampton. M. Tong avait déjà travaillé dans une pizzéria, car il détenait une franchise Pizza Pizza avant d’ouvrir son restaurant SuperWok. Mme Tong a acheté le restaurant pour la somme de 18 000 $. Bien qu’au départ, M. Tong ait continué d’exploiter la pizzéria, il s’est rendu compte qu’une pizzéria indépendante ne pouvait pas faire concurrence aux pizzerias franchisées. Par conséquent, près de neuf mois après l’achat du restaurant Pizza Boy, le couple a décidé de changer la carte du restaurant en proposant des déjeuners et des dîners. Le nom du restaurant a remplacé par All in One. Le restaurant All in One était ouvert six jours par semaine, de 7 h à 15 h pendant les jours de la semaine, et de 7 h à 14 h les samedis. Aucun plat au menu ne coûtait plus de 8 $ [3] .

[15]  Mme Tong n’a pas été en mesure d’apporter un témoignage très utile en ce qui a trait à l’activité du restaurant puisque celui-ci était exploité par M. Tong. Il était au restaurant chaque jour, tenait les livres de comptes et les registres et préparait les déclarations de revenus de Mme Tong. Même si Mme Tong offrait parfois son aide au restaurant, elle occupait deux emplois d’infirmière et s’en remettait donc entièrement à M. Tong. De temps en temps, leurs enfants prêtaient main-forte au restaurant. Le salaire de M. Tong a été fixé à 24 000 $ par an, mais les enfants étaient rémunérés en fonction du nombre d’heures travaillées. Pendant une courte période, un employé à temps partiel travaillait aussi au restaurant.

[16]  Les clients du restaurant All in One pouvaient payer en espèces ou par carte de débit ou de crédit. Les ventes par carte de crédit ou de débit étaient traitées par l’entremise d’Elavon qui fournissait le terminal utilisé pour ces ventes. Elavon déposait le produit des ventes effectuées par carte de débit ou de crédit directement sur le compte bancaire à la BMO, une fois par semaine. Cependant, même si la plupart des ventes dans le restaurant étaient effectuées en espèces, cet argent n’était pas déposé sur le compte BMO. Au lieu de cela, M. Tong a précisé que chaque soir, il vidait la caisse enregistreuse et rapportait l’argent à son domicile. Il a déclaré qu’il se servait de ces espèces pour payer diverses dépenses associées au restaurant, notamment la nourriture, les fournitures, certaines dépenses de bureau et d’entretien et les salaires versés à lui-même et à ses enfants.

[17]  Les seules dépenses payées à partir du compte BMO étaient le loyer du restaurant (paiement par chèque), les frais associés à Elavon (retrait direct), les commodités (retrait direct), le salaire versé à l’employé à temps partiel (paiement par chèque) et certaines autres dépenses (c.-à-d. la sécurité ADT, le service de collecte des ordures, les cotisations à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail [WSIB] et la publicité dans les pages jaunes).

III. FAITS CONSTANTS

[18]  Mme Tong a admis beaucoup de faits allégués par l’intimée. Il est constant que :

1.  Mme Tong avait un restaurant qui proposait des déjeuners, des dîners et des repas à emporter. L’établissement était exploité sous la dénomination commerciale « All in One ».

2.  Mme Tong exerçait les fonctions d’infirmière. Elle a perçu un revenu de 104 131 $ en 2011 et de 106 074 $ en 2012.

3.  M. Tong exploitait le restaurant de Mme Tong (c.-à-d. qu’il était le cuisinier de l’établissement, qu’il s’occupait de la gestion de la caisse enregistreuse et qu’il achetait la nourriture et les fournitures) et il était chargé de la tenue des livres de compte et des registres.

4.  Les enfants de la famille Tong travaillaient dans le restaurant.

5.  Les espèces qui provenaient des ventes réalisées dans le restaurant n’étaient pas déposées sur le compte bancaire à la BMO.

6.  C’est grâce aux ventes en espèces que les salaires des membres de la famille Tong et les dépenses étaient directement payés.

7.  Chaque année, de 2003 à 2012, Mme Tong a déclaré des pertes subies par le restaurant.

IV. RÉPONSE ET HYPOTHÈSES SUR LESQUELLES LES NOUVELLES COTISATIONS ONT ÉTÉ FONDÉES

[19]  Au moment d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de Mme Tong, le ministre n’a contesté aucune des dépenses déduites par cette dernière en calculant le revenu tiré du restaurant. Mme Datu a affirmé dans son témoignage que toutes les dépenses ont été jugées valides. M. Tong lui avait fourni les reçus relatifs aux diverses dépenses et les dépenses salariales déclarées correspondaient à celles figurant sur les feuillets T4 délivrés à M. Tong, aux enfants de la famille Tong et à l’employé à temps partiel.

[20]  Cependant, le ministre a tenu pour acquis que de nombreuses dépenses relatives à l’exploitation du restaurant étaient payées en espèces et que cet argent correspondait à des ventes non déclarées du restaurant. Plus précisément, voici ce qui figure à l’alinéa 24i) de la réponse :

[traduction]

i) les ventes en espèces servaient souvent à payer directement les salaires et les dépenses et ces ventes n’étaient pas consignées dans les livres de compte ni les registres de l’appelante, tenus ainsi :

Salaires payés en espèces

2011

2012

Salaire d’Ivan Tong

24 000 $

24 000 $

Salaire d’un enfant de la famille Tong

1 500 $

3 200 $

Salaire d’un enfant de la famille Tong

4 510 $

3 800 $

Total des salaires :

30 010 $

31 000 $

[21]  Les autres dépenses qui, selon les allégations de l’intimée, ont été payées en espèces figurent à l’alinéa 24j) de la réponse. Il est libellé ainsi :

[traduction]

j) les autres dépenses suivantes ont été réglées en espèces :

Dépenses réglées en espèces

2011

2012

Achats de nourriture

16 302 $

17 803 $

Frais de bureau

1 997 $

2 394 $

Fournitures

2 744 $

2 821 $

Entretien et réparations

3 887 $

2 710 $

Véhicule (carburant)

3 549 $

3 271 $

Total des autres dépenses

28 479 $

28 999 $

[22]  Contrairement à l’alinéa 24i), rien dans l’alinéa 24j) n’indique que les espèces utilisées pour régler les dépenses non salariales mentionnées provenaient de ventes en espèces ou de ventes en espèces non consignées dans les livres de compte et les registres. Néanmoins, il est évident que c’est sur ce fondement que le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de Mme Tong. D’après les nouvelles cotisations établies, le revenu non déclaré de Mme Tong en 2011 s’élevait à 58 489 $ (c.-à-d. 30 010 $ et 28 479 $) et son revenu non déclaré en 2012 était de 59 999 $ (c.-à-d. 31 000 $ et 28 999 $).

[23]  À cet égard, la réponse n’est pas très bien rédigée. Aux termes l’alinéa 24j), on ne peut que tenir pour acquis que les dépenses mentionnées ont été réglées en espèces. Cette affirmation à elle seule ne suffirait pas pour étayer les nouvelles cotisations. En fait, comme nous le verrons, Mme Tong ne conteste pas le fait que la plupart de ces dépenses ont été réglées en espèces. Cependant, l’origine de ces espèces concernant les dépenses mentionnées à l’alinéa 24j) est essentielle et ne figure pas dans la réponse.

[24]  En soulignant ce fait, je suis consciente que l’alinéa 24i) fait référence aux salaires et aux dépenses souvent payés directement à partir des ventes au comptant. Or les seules ventes au comptant qui, d’après les allégations contenues dans la réponse, n’étaient pas consignées dans les livres de compte et les registres de Mme Tong, sont celles utilisées pour payer les salaires de M. Tong et des enfants de la famille Tong : [traduction] « ces ventes au comptant n’étaient pas consignées [. ..] comme suit ». En d’autres termes, dans la réponse, on suppose que les salaires et les dépenses ont souvent été payés directement à partir des ventes au comptant, mais les seules ventes au comptant présumées ne pas avoir été consignées étaient celles utilisées pour payer les salaires mentionnés à l’alinéa 24i).

[25]  Dans la réponse, on tient également pour acquis que le restaurant jouissait d’un [traduction] « niveau de ventes en espèces élevé ». Je ne sais pas très bien ce que cette observation signifie. Le [traduction] « niveau [...] élevé » renvoie-t-il à la valeur pécuniaire ou au pourcentage du total des ventes? Si l’expression renvoie au pourcentage du total des ventes, je pense qu'il n'y a nulle controverse entre les parties. M. Tong a affirmé que 75 à 80 % des clients du restaurant payaient en espèces [4] et d’après ses registres des ventes quotidiens [5] , le pourcentage des ventes en espèces correspondait à peu près à celui du total des ventes déclarées. Si l’expression renvoie à la valeur pécuniaire, l'observation est trop vague, car il n’est indiqué nulle part ce qu’une valeur pécuniaire élevée désigne. À quoi compare-t-on la valeur pour la juger élevée? Pour décider de ce qu’une valeur élevée désigne, il faut savoir ce qu’est une valeur « normale », « moyenne » ou « faible ». Qui plus est, tout cela pourrait bien dépendre des circonstances. La formulation est également maladroite.

[26]  Bien que cela ne soit pas mentionné dans la réponse, il est aussi évident que la vérificatrice tenait pour acquis que tous les dépôts effectués sur le compte bancaire à la BMO correspondaient aux recettes du restaurant, de sorte que les ventes du restaurant correspondaient au total de i) tous les dépôts sur le compte bancaire à la BMO et ii) des dépenses du restaurant qui auraient été réglées avec les espèces n’ayant pas été déposées sur le compte bancaire à la BMO. Ce total dépassant les ventes brutes déclarées du restaurant, Mme Tong s’est vue imposer de nouvelles cotisations pour des revenus non déclarés équivalant aux dépenses auraient été réglées en espèces.

[27]  À mon avis, en raison de lacunes dans la réponse, l’intimée assume en partie le fardeau de la preuve relativement aux hypothèses [6] . Plus précisément, il incombe à l’intimée d’établir que les dépenses mentionnées à l’alinéa 24j) ont été réglées grâce à des ventes non déclarées et que tous les dépôts sur le compte BMO provenaient des ventes. Cependant, Mme Tong a contesté les nouvelles cotisations en produisant des éléments de preuve démontrant que les hypothèses, énoncées et non énoncées, étaient inexactes.

V. CONTESTATIONS DES NOUVELLES COTISATIONS

[28]  Bien que Mme Tong convienne que les salaires de son mari et de ses enfants ainsi qu’un grand nombre de dépenses non salariales mentionnés dans la réponse aient été payés en espèces, elle conteste les nouvelles cotisations pour les trois motifs suivants :

a)  Les dépôts sur le compte bancaire BMO comprenaient des fonds virés des comptes conjoints personnels de la famille Tong et ces fonds ne correspondaient pas aux recettes du restaurant.

b)  Toutes les ventes, payées en espèces ou par carte de crédit ou de débit, ont été consignées dans les livres de compte et les registres du restaurant et elles ont été déclarées à titre de revenus lors du calcul du revenu du restaurant de Mme Tong.

c)  Certaines dépenses, que le ministre a estimé avoir été réglées au moyen d’espèces provenant de la caisse enregistreuse, ont été réglées directement à partir d’un compte bancaire ou de l’argent retiré d’un compte bancaire.

Pour dire les choses simplement, selon la thèse de Mme Tong, elle a déclaré toutes les ventes du restaurant au moment de calculer son revenu.

[29]  Passons en revue les éléments de preuve concernant chacun de ces motifs.

(a) Dépôts sur le compte bancaire à la BMO :

[30]  Il est constant que tous les retraits du compte BMO ont permis de régler les dépenses d’exploitation du restaurant, que le produit des ventes par carte de débit ou de crédit a été déposé sur le compte BMO et que les produits des ventes en espèces n’ont pas été déposés sur le compte BMO. La controverse entre les parties concerne l’origine d’autres dépôts sur le compte BMO.

[31]  Mme Datu a témoigné tenir pour acquis que tous les dépôts sur le compte bancaire BMO correspondaient aux ventes du restaurant. Lorsqu’elle a ajouté tous les dépôts effectués en 2011 et 2012, le total était supérieur aux revenus déclarés par Mme Tong [7] . Mme Datu a aussi relevé des dépenses déclarées, mais qui n’ont pas été réglées à partir du compte BMO. On pouvait ainsi en déduire qu’un nombre important de ventes en espèces n’avait pas été déclaré.

[32]  Mme Tong n’admet pas que tous les dépôts sur le compte BMO correspondaient aux recettes du restaurant. M. Tong a plutôt indiqué dans son témoignage que les fonds avaient été virés de leurs comptes conjoints personnels, qu’ils possédaient à la HSBC et à la TD, au compte BMO, afin de régler les dépenses d’exploitation du restaurant. Les virements étaient effectués lorsque les fonds sur le compte BMO ne suffisaient pas pour acquitter les dépenses prévues à partir de ce compte, soit parce que le bénéficiaire exigeait un chèque (c.-à-d. le bailleur du restaurant [8] ) ou parce qu’il n’acceptait pas les espèces (p. ex. les commodités et WSIB). Étant donné que la quasi-totalité des fonds déposés sur les comptes conjoints correspondaient au salaire de Mme Tong ou aux remboursements d’impôts qu’elle percevait, Mme Tong soutient qu’elle assurait le financement des dépenses associées au restaurant en virant ses fonds personnels sur le compte BMO.

[33]  Mme Datu a admis que M. Tong lui avait dit que les fonds étaient virés du compte conjoint personnel sur le compte d’entreprise BMO. Cependant, Mme Datu n’ayant pas constaté de virements sur le compte BMO, elle a présumé que tous les dépôts étaient en espèces provenant des ventes du restaurant.

[34]  D’après les éléments de preuve, Mme Datu s’est trompée. M. Tong a dit dans son témoignage que les chèques totalisant 34 500 $ tirés sur le compte HSBC ont été déposés sur le compte d’entreprise BMO en 2011. En 2012, 34 900 $ ont été virés du compte TD ou HSBC au compte BMO (la totalité de la somme, mis à part 4 000 $, provenait du compte HSBC). A l'appui de son témoignage, M. Tong a présenté des copies des chèques HSBC en question, chacun à l’ordre du restaurant All in One, des copies des relevés de compte bancaire HSBC montrant que ces chèques [9] rapprochaient ce compte, et des copies des relevés de compte bancaire de BMO montrant des dépôts des mêmes montants [10] . Même s’il n’avait pas de copie du chèque de 4 000 $ de la TD, le relevé bancaire de la TD du février 2012 fait état d'un chèque de 4 000 $ compensé pour ce compte le 22 février 2012 et le relevé bancaire BMO sur lequel figure un dépôt du même montant d’argent le même jour.

[35]  Lorsqu’on lui a montré un chèque et les relevés bancaires correspondants au cours de son contre-interrogatoire, Mme Datu a expliqué qu’elle recherchait les virements, et non les dépôts bancaires. Je reconnais que M. Tong pourrait avoir employé le terme [traduction] « virement » pour qualifier le mouvement d’espèces. Cependant, Mme Datu semble avoir interprété ce terme de façon très littérale dans le contexte, c.-à-d. comme désignant uniquement des virements bancaires directs, plutôt qu’un mouvement d’espèces par tout autre moyen, notamment par chèque. En fait, il ressort de la description par Mme Datu de son analyse des dépôts sur le compte bancaire BMO qu’elle ne s’est pas réellement efforcée de déterminer la nature des dépôts, mais qu’elle a simplement tenu pour acquis qu’il s’agissait de ventes.

[36]  La réponse ne comporte aucune hypothèse quant à l’origine des dépôts sur le compte BMO. Néanmoins, il est évident que Mme Datu a estimé que tous les dépôts provenaient des ventes du restaurant. Si les nouvelles cotisations étaient fondées sur cette hypothèse non énoncée, il incombait à l’intimée d’établir ces faits et elle ne s’est pas acquittée de cette obligation.

[37]  Lorsque l'on examine les relevés de compte BMO, il est évident qu’il existe deux principales sources de dépôts, mais qu’une seule correspond aux ventes. Elavon déposait les sommes correspondant aux ventes par carte de crédit et de débit, directement sur le compte BMO au titre des recettes. D’après les éléments de preuve dont j’ai été saisie, il est évident que les dépôts de 34 500 $ en 2011 et de 34 900 $ en 2012 dans le compte bancaire BMO étaient des chèques tirés des comptes bancaires HSBC ou TD. Il ne s’agissait pas de recettes.

(b) Dépenses non payées au moyen d’espèces provenant de la caisse enregistreuse, mais provenant d’un compte bancaire :

[38]  Il est évident que les dépenses à l’alinéa 24j) de la réponse étaient tirées des documents de travail de Mme Datu et elles ont été résumées dans un document de travail daté du 7 octobre 2014 [11] , car les sommes correspondent parfaitement. Mme Datu a indiqué dans son témoignage que lors de la vérification, elle a confirmé que ces sommes avaient été payées en espèces. C’est ce qu’elle a indiqué dans son document de travail.

[39]  Mme Tong soutient que certains frais d’entretien et toutes les dépenses de carburant mentionnés dans la réponse n’ont pas été réglés directement au moyen d’espèces provenant de la caisse enregistreuse. Quant aux dépenses réglées en espèces, l’argent provenait de ventes en espèces ou de retraits en espèces provenant de leurs comptes conjoints personnels. Elle déclare que les retraits en espèces correspondaient au financement qu’elle fournissait à l’entreprise.

(i) Entretien :

[40]  M. Tong a reconnu que certains frais d’entretien, mais pas tous, étaient réglés en espèces. Plus précisément, il fait valoir que les frais de collecte des ordures et associés à la sécurité ADT, qui totalisaient 1 165 $ en 2011 et 1 270 $ en 2012 environ [12] , ont été réglés par chèque à partir du compte bancaire BMO. Bien que seuls quelques exemples de chèques aient été présentés à titre d’éléments de preuve, les sommes qui, d’après M. Tong, ont été réglées à partir du compte BMO, au titre de ces dépenses, et qui ont été désignées en tant que telles dans son registre mensuel des dépenses [13] , correspondent aux sommes inscrites sur les chèques qui, selon les indications fournies, ont été tirés du compte bancaire BMO au cours des mois pertinents [14] .

[41]  Les frais d’entretien et de réparation déduits lors du calcul du revenu provenant du restaurant de Mme Tong, en 2011 et 2012, correspondent exactement aux sommes jugées avoir été payées en espèces dans la réponse [15] . Dans son document de travail, Mme Datu a inscrit la remarque suivante à côté des frais d’entretien : [traduction] « preuve des paiements/espèces ». Je ne suis pas convaincue que les remarques de Mme Datu sont suffisamment détaillées pour lui permettre d’affirmer avec certitude, cinq ans plus tard, que toutes ces dépenses ont été payées en espèces. Au cours de son contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a demandé si elle avait vu des reçus précis relatifs à l’entretien, Mme Datu a déclaré ce qui suit :

[traduction]

« Je ne m’en souviens pas. Il y avait énormément de reçus, donc je ne peux pas dire s’il s’agissait de l’un d’entre eux [16] . »

[42]  Son incapacité à se rappeler les détails exacts est parfaitement compréhensible et il est possible qu’elle n’ait pas examiné chaque reçu. Cependant, son témoignage remet en cause son hypothèse selon laquelle tous les frais d’entretien mentionnés dans sa feuille de travail ont été payés en espèces. À mon avis, la remarque qu’elle a inscrite sur la feuille de travail peut signifier que certains des frais en question ont été payés en espèces tout comme elle peut signifier que toutes les dépenses ont été payées en espèces. Le témoignage de M. Tong établit de façon convaincante qu’au moins certains frais d’entretien ont été payés au moyen de chèques tirés du compte bancaire BMO.

(ii) Carburant :

[43]  Dans la réponse, on présume que les dépenses de carburant de 3 549 $ en 2011 et de 3 271 $ en 2012 ont été payées en espèces. M. et Mme Tong allèguent tous les deux qu’une carte de crédit Esso [17] a été utilisée. Bien que Mme Tong s’en soit remise à son mari concernant les détails du règlement des factures de la carte Esso, elle a affirmé que la carte servait à acheter du carburant et elle pensait que les sommes dues sur cette carte étaient payées à partir de son compte bancaire personnel, et non en espèces [18] .

[44]  M. Tong a également affirmé que le carburant était acheté à l’aide de la carte de crédit Esso et que les factures relatives à cette carte étaient réglées à partir de leur compte conjoint personnel. Il a recensé plusieurs factures de la carte d’affaires Esso (relevés mensuels) révélant des achats de carburant en 2011 et en 2012. Les relevés de compte bancaire HSBC et TD indiquent également des paiements effectués pour régler le solde de la carte d’affaires Esso qui correspondent [19] aux sommes indiquées sur les factures de la carte Esso [20] . Aucune question concernant les paiements effectués pour le carburant ne lui a été posée au cours de son contre-interrogatoire.

[45]  Dans son témoignage principal, Mme Datu a affirmé qu’au cours de la vérification, elle a examiné les divers reçus de dépenses que M. Tong lui a fournis et elle a confirmé que les factures de carburant indiquaient des paiements en espèces. Cependant, elle a été moins convaincante au cours de son contre-interrogatoire.

[46]  Elle a tout d’abord reconnu qu’elle avait vu des relevés de la carte d’affaires Esso au cours de la vérification qu’elle a effectuée. Cependant, quand on a insisté, elle a déclaré qu’elle ne se rappelait pas les avoir vus, mais qu’elle se souvenait en effet de factures de carburant Esso qui indiquaient que le carburant avait été payé en espèces. Malheureusement, aucune copie de ces factures n’a été produite en preuve.

[47]  Bien que Mme Datu ait inscrit dans ses documents de travail, à côté de plusieurs catégories de dépenses, une remarque montrant un paiement en espèces, aucune mention concernant le mode de paiement ne figure en regard des frais de véhicule [21] . Sa seule remarque en regard des frais de véhicule est la suivante : [traduction « utilisation à 85 % à des fins professionnelles ».

[48]  Évidemment, la famille Tong pourrait aussi avoir payé du carburant en espèces. À cet égard, deux autres éléments de preuve sont pertinents. Premièrement, dans son témoignage principal, Mme Datu a indiqué que le véhicule était utilisé à 85 % [22] à des fins professionnelles. La somme concernant la carte de crédit Esso indiquée comme ayant été payée à partir des comptes bancaires personnels de la famille Tong en 2011 dépasse de plusieurs centaines de dollars les frais de carburant de 2011 mentionnés dans la réponse comme ayant été payés en espèces [23] ; cet écart représente vraisemblablement des achats de carburant à titre personnel avec la carte de crédit Esso. Deuxièmement, la somme indiquée dans la réponse comme correspondant au carburant payé en espèces dépasse la somme que Mme Tong a déduite lors du calcul du revenu tiré du restaurant. Autrement dit, dans la réponse, on a recours aux frais de carburant bruts relatifs au véhicule utilisé à des fins professionnelles [24] , plutôt qu’aux frais de carburant liés à l’entreprise. Ainsi, les paiements provenant des comptes bancaires personnels effectués pour régler les factures de la carte Esso concernent des achats de carburant à titre personnel s’élevant à plus de 1 000 $ en 2011.

[49]  Les éléments de preuve pour 2012 sont moins convaincants. Bien qu’il soit établi, dans les documents, qu’une somme supérieure à 2 300 $ a été payée sur la carte de crédit Esso à partir du compte HSBC, il en ressort également qu’au moins une partie du carburant a été payée en espèces ou du moins sans utilisation de la carte de crédit Esso [25] . Plus précisément, le montant total du carburant acheté avec la carte Esso en 2012 semble inférieur à la somme que Mme Tong a déduite lors du calcul de son revenu d’entreprise et semble également inférieur aux frais bruts de carburant indiqués dans le formulaire T2125 de 2012 pour le véhicule concerné [26] . Cela pourrait expliquer le fait que Mme Datu se soit souvenue de factures de carburant indiquant des achats en espèces. Néanmoins, il est évident que tout le carburant n’a pas été payé en espèces et que les factures de la carte de crédit Esso ont été réglées avec les fonds du compte conjoint.

[50]  Ces éléments de preuve pour 2012 contredisent le témoignage de M. Tong, qui a indiqué que tout le carburant avait été acheté par l'utilisation de la carte de crédit Esso dont le solde avait été réglé avec les fonds du compte conjoint. Cependant, cet aspect n’a pas été soulevé en contre-interrogatoire et il est possible que les souvenirs de M. Tong soient inexacts, sept ans après les faits. Cela ne vaut toutefois que pour la somme dont il a été établi qu'elle n’a pas été payée en espèces.

(iii) Autres dépenses :

[51]  Les ventes en espèces du restaurant déclarées par Mme Tong ne suffisent pas pour payer les dépenses qui, selon ce que M. Tong a reconnu, ont été acquittées en espèces. Le coût de la nourriture et des salaires de la famille Tong dépasse à lui seul 46 000 $ par an, tandis que les recettes totales déclarées (en espèces et par carte de crédit ou de débit) étaient inférieures à 47 000 $ en 2011 et à 57 000 $ en 2012. Si les ventes autres que celles en espèces représentaient 20 % de toutes les ventes, les ventes au comptant ne suffisaient pas pour payer la nourriture et les salaires, sans oublier les autres dépenses liées au restaurant qui, selon ce qu'a reconnu la famille Tong, étaient payées en espèces.

[52]  Quelle est donc l’origine de ces espèces? L’intimée soutient qu’il s’agissait de ventes non déclarées. Mme Tong conteste cette affirmation.

[53]  M. Tong a signalé que des fonds supplémentaires visant à payer des dépenses en espèces ont été retirés des comptes conjoints de la famille Tong chez HSBC et TD (c.-à-d. que ces dépenses n’ont pas été payées par chèque). Plus précisément, M. Tong déclare que plus de 16 000 $ en 2011 et plus de 17 000 $ en 2012 ont été retirés en espèces des comptes conjoints HSBC et TD afin de payer les salaires de la famille Tong et d’autres dépenses liées au restaurant. Les dépôts sur ces comptes correspondant principalement aux salaires de Mme Tong [27] , elle soutient qu’elle payait ces dépenses en utilisant ses fonds.

[54]  M. Tong a admis qu’il ne tenait pas de registre des dépenses payées au moyen d’espèces provenant de la caisse enregistreuse et des dépenses payées au moyen d’espèces retirées du compte bancaire. Il ne pensait pas que c’était important. Il croyait que l’important était de tenir une comptabilité des ventes et des dépenses et de pouvoir l’étayer au moyen des rubans de caisse enregistreuse, des dépôts effectués par Elavon et des reçus de dépenses.

[55]  Les relevés des comptes bancaires HSBC et TD indiquent plusieurs retraits en espèces par multiples de 1 000 $ au cours de la période de deux ans [28] . Sept retraits de 400 $ ou moins ont aussi été effectués sur ces comptes, au cours des deux années. M. Tong soutient que ces retraits ont servi à payer des dépenses relatives au restaurant. Bien que ces éléments ne prouvent pas que tous ces retraits aient servi à payer des dépenses liées au restaurant, ils constituent une explication de la façon dont les dépenses pourraient avoir été payées. En fait, si une grande partie de ces retraits n’ont pas été effectués pour payer des dépenses liées à l’entreprise, pourquoi ont-ils été effectués? Autrement dit, si le restaurant avait autant d’espèces non déclarées que le ministre le présume, pourquoi était-il nécessaire de faire ces retraits importants? Cependant, au cours de son contre-interrogatoire, on a seulement demandé à M. Tong d’expliquer l’irrégularité de ces retraits, du point de vue des sommes retirées et de leur fréquence. Il a expliqué qu’il retirait de l’argent au besoin pour payer son salaire ou des dépenses.

[56]  Je juge plausible la déclaration de M. Tong selon laquelle l’argent retiré en espèces des comptes conjoints servait à payer les dépenses liées au restaurant. Cela ne veut pas dire que j’admets que chaque dollar retiré en espèces ait servi à payer des dépenses liées au restaurant. Plus précisément, je doute que les petites sommes et que chaque dollar des sommes plus importantes aient été utilisés à cette fin. Néanmoins, M. Tong a avancé une explication plausible quant à l’origine des fonds servant à payer les dépenses.

(iv) Conclusion concernant les dépenses payées en espèces :

[57]  À mon avis, il incombait à l’intimée d’établir que les dépenses mentionnées à l’alinéa 24j) ont été payées avec des espèces provenant de ventes non déclarées. Or, elle ne s’est pas acquittée de cette obligation. On pourrait faire valoir, lorsqu’il est interprété au regard du contexte, que cet alinéa incorpore l’énoncé de l’alinéa 24i) selon lequel l’argent provenait de ventes non déclarées. Je rejette ce point de vue.

[58]  Cependant, quelle que soit la partie qui assume le fardeau, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les dépenses et les salaires qui, d’après ce que le ministre a présumé, ont été payés avec l’argent des ventes en espèces non déclarées, ont été payés i) directement à partir de comptes bancaires [29] , ii) avec de l’argent retiré des comptes conjoints, ou iii) avec l’argent des ventes en espèces qui ont été déclarées par Mme Tong, mais n’ont pas été déposées dans le compte bancaire BMO.

(c) Ventes en espèces non déposées dans le compte bancaire BMO :

[59]  Aucun des époux Tong ne conteste que de l’argent provenant de la caisse enregistreuse n’était pas déposé dans le compte bancaire BMO. M. Tong a expliqué que chaque jour, il rapportait à son domicile l’argent de la caisse enregistreuse et qu’il l’utilisait afin d’acheter de la nourriture pour le restaurant, de payer les dépenses liées au restaurant [30] et de verser des salaires à ses enfants et à lui-même. Cependant, la fréquence à laquelle lui et ses enfants percevaient un salaire n’était ni hebdomadaire, ni aux deux semaines, ni bimensuelle ou ni même mensuelle. Son salaire s’élevait à 24 000 $ par an et ses enfants étaient payés en fonction de leurs heures de travail au restaurant. M. Tong a affirmé qu’au cours de l’année, il prenait suffisamment d’espèces dans la caisse enregistreuse et que ces espèces, combinées aux retraits en espèces sur leurs comptes conjoints, lui permettaient de verser un salaire à ses enfants et à lui-même.

[60]  M. Tong a admis qu’il ne tenait pas de comptabilité des sommes qu’il rapportait chaque jour à son domicile et qui serviraient à payer des dépenses précises. Il conservait les reçus de toutes les dépenses. Cependant, il ne consignait pas la façon dont une somme d’argent, un jour donné, était utilisée. Par exemple, si M. Tong rapportait à son domicile 195 $ le lundi, 186 $ le mardi, 214 $ le mercredi, 224 $ le jeudi, 197 $ le vendredi et 170 $ le samedi, il ne savait pas avec l’argent de quel jour il payait une dépense donnée, ni même s’il y avait assez d’argent au cours d’une semaine donnée pour payer les dépenses de cette semaine-là. Pour dire les choses simplement, il rapportait l’argent à son domicile et l’utilisait selon les besoins, pour verser un salaire à ses enfants et à lui-même, pour acheter de la nourriture pour le restaurant et pour payer d’autres dépenses liées au restaurant. S’il n’y avait pas assez d’espèces, un retrait était effectué sur leurs comptes conjoints. Encore une fois, il n’effectuait aucun suivi des dépenses qu’il payait avec l’argent retiré des comptes conjoints. Il pensait qu’un registre des ventes et un registre des dépenses, avec reçus à l’appui, suffisaient.

[61]  M. Tong a expliqué qu’à la fin de chaque journée, il imprimait un ruban de caisse enregistreuse qui comportait l’information concernant les ventes de la journée, sous la forme d’un récapitulatif (total) [31] . Avec ce sommaire, M. Tong créait un registre manuscrit des ventes journalières [32] , en ventilant les ventes brutes, la TPS/TVH et les ventes nettes [33] . Certains mois, il consignait séparément les ventes par carte de crédit ou de débit dans le registre des ventes journalières. M. Tong a expliqué qu’il procédait ainsi pour vérifier si Elavon déposait la somme exacte dans le compte BMO. Ayant remarqué qu’Elavon ne faisait jamais d’erreur, il a cessé d’effectuer ces vérifications. Les sommes totales dans le registre manuscrit des ventes journalières correspondent à celles figurant sur le ruban récapitulatif journalier de la caisse enregistreuse. M. Tong préparait aussi des récapitulatifs trimestriels des ventes afin de produire des déclarations de TVH [34] . Il était un déclarant trimestriel de TVH. Par conséquent, il était logique qu’il établisse un récapitulatif trimestriel pour le restaurant.

[62]  M. Tong tenait également un registre mensuel des dépenses non salariales payées selon la catégorie [35] (et les reçus correspondants). Il a affirmé qu’il recueillait les reçus de toutes les dépenses dans une boîte qu’il vidait à la fin de chaque mois afin de préparer le récapitulatif de ce mois-là. Le récapitulatif mensuel ne précise ni comment la dépense était payée (espèces, chèque ou retrait direct) ni d’où provenait la somme d’argent utilisée pour payer une dépense. Mme Datu a confirmé qu’elle était convaincue que toutes les dépenses avaient été engagées.

[63]  M. Tong a mis à la disposition de la Cour les rubans récapitulatifs originaux de la caisse enregistreuse et l’avocat de Mme Tong lui a posé plusieurs questions à leur sujet. Sur certains d’entre eux, il était indiqué que la caisse enregistreuse était ouverte, même si [traduction] « aucune vente » n’était consignée; cependant, M. Tong a expliqué que cela se produisait parfois lorsque quelqu’un voulait de la monnaie pour l’autobus, par exemple. M. Tong a également expliqué pourquoi une annulation d’opération pouvait figurer sur le récapitulatif journalier de la caisse enregistreuse. Bien qu’il ne se soit pas souvenu des circonstances de l’opération particulière mentionnée par l’avocat de Mme Tong, il a indiqué qu’il faisait parfois une erreur en saisissant une opération et qu’il devait l’annuler, puis saisir la bonne opération. Lorsque cela se produisait, l’annulation figurait directement sur l’imprimé de la caisse enregistreuse. Cependant, dans certains cas, ce n’est qu’à la fin de la journée qu’il se rendait compte qu’il avait commis une erreur, au moment de comparer le montant total d’argent dans la caisse enregistreuse et les bordereaux des ventes effectuées par carte de crédit ou de débit avec le ruban récapitulatif de caisse enregistreuse imprimé ce jour-là. Une fois que le récapitulatif journalier était imprimé, il était trop tard pour annuler une opération. M. Tong a expliqué que dans ces cas-là, il inscrivait l’annulation de l’opération à la main sur le récapitulatif. Aucun de ces éléments de preuve n’a été vérifié en contre-interrogatoire.

[64]  Ainsi, pourquoi M. Tong n’a-t-il pas déposé l’argent provenant des ventes dans le compte bancaire BMO et payé les dépenses avec ce compte? M. Tong a indiqué qu’il ne pensait pas qu’il était nécessaire de déposer l’argent dans le compte BMO, tant qu’il tenait des registres des ventes journalières et qu’il avait les reçus de ses dépenses. Il a déclaré que Mme Datu lui avait dit, au cours de la vérification, qu’il était acceptable de payer les dépenses en espèces. Mme Datu a convenu qu’il n’était pas nécessaire de déposer les sommes des ventes en espèces dans un compte bancaire et qu’il n’y avait pas de mal à utiliser des espèces pour payer les dépenses [36] .

[65]  L’avocat de l’intimée a passé un certain temps à poser des questions à M. Tong concernant ces éléments de preuve. L’avocat a fait remarquer que les dépenses payées à partir du compte BMO semblaient limitées à celles qui ne pouvaient pas être payées en espèces, notamment le loyer et les commodités. Il a demandé pourquoi, si les dépenses n’étaient pas payées quotidiennement, et que certaines étaient seulement payées mensuellement, les espèces provenant du restaurant n’étaient jamais déposées à la banque. M. Tong a répondu qu’il avait besoin de l’argent pour payer des dépenses. Il a précisé que le restaurant était ouvert environ 300 jours par an et qu’il travaillait dix heures par jour, ce qui représentait 73 $ environ par jour [37] . Les espèces du restaurant ainsi conservées étaient un moyen pour lui de se verser un salaire.

[66]  M. Tong a expliqué qu’il ne trouvait pas logique de déposer les fonds dans le compte BMO, puis de retirer ces fonds afin de payer la nourriture pour le restaurant ou d’autres dépenses liées au restaurant, ainsi que son salaire. Le montant des encaissements journaliers n’était pas important comparativement à ces dépenses. Il n’avait pas le temps de se rendre chaque jour à la banque pour déposer des sommes d’argent relativement petites. Déposer les fonds dans le compte BMO, puis faire des chèques pour payer les dépenses (y compris émettre des chèques destinés à lui-même) ou payer ensuite les dépenses par l’intermédiaire de la banque entraînait des frais bancaires élevés [38] . Il a donc décidé de conserver les espèces et de les utiliser, avec l’argent retiré du compte conjoint dans la mesure nécessaire, pour se verser un salaire et payer les dépenses qu’il pouvait ou qu’il devait payer en espèces.

[67]  Au cours de son contre-interrogatoire, on a demandé plus d’une fois à M. Tong si certaines opérations en espèces n’avaient pas été consignées dans la caisse enregistreuse; cependant, il a toujours répondu par la négative. Il a soutenu que chaque vente avait été enregistrée [39] . Il a refusé de proposer des [traduction] « offres spéciales », comme permettre à des clients d’être exemptés de la TVH en payant comptant. Il a expliqué qu’à l’époque où il exploitait le restaurant SuperWok, un agent de délivrance des permis d’alcool s’était présenté en tant que client et avait commandé une bière. Après cette expérience, il craignait que tout client puisse être un agent de l’Agence du revenu du Canada (Agence) ou le représentant d’une autre agence gouvernementale.

[68]  On a demandé à Mme Datu si elle avait passé en revue les reçus récapitulatifs de la caisse enregistreuse fournis par M. Tong. Elle a toutefois répondu qu’elle ne l’avait pas fait :

[traduction]

[...] car il n’y avait aucun document source permettant une comparaison [...] il n’y avait pas de journal des ventes. Il n’y avait que des reçus [40] .

[69]  Mme Datu semblait insinuer que pour que les montants des reçus originaux soient valables, ils devaient être consignés dans un journal des ventes. Elle a aussi laissé entendre que les récapitulatifs provenant de la caisse enregistreuse n’étaient pas pertinents, car elle se servait des relevés bancaires pour déduire les chiffres des ventes [41] . Néanmoins, Mme Tong a établi que l’hypothèse de la vérificatrice, selon laquelle les dépôts découlaient tous de ventes, était inexacte. Quant à l’affirmation selon laquelle il n’existait aucun journal des ventes, lorsqu’on lui a présenté le récapitulatif manuscrit quotidien réalisé chaque mois par M. Tong, elle a admis qu’il s’agissait d’un journal des ventes.

[70]  L’avocat de l’appelante a interrogé Mme Datu relativement à l’hypothèse mentionnée dans la réponse, selon laquelle aucun contrôle interne n’a été mis en place concernant les finances du restaurant [42] . Plus précisément, l’avocat de Mme Tong a demandé à Mme Datu quel type de contrôle interne elle recherchait. Elle a répondu qu’il n’était pas convenable qu’une seule personne s’occupe de tout. Elle a fait valoir qu’un contrôle interne signifiait que différentes personnes s’occupaient de différents aspects de l’entreprise, comme les comptes créditeurs, la paie, les débours, les ventes. Elle recherchait une répartition des tâches. En toute déférence, cette réponse n’a guère de sens dans le contexte d’une entreprise individuelle, et cela n’est certainement pas une obligation.

[71]  Il ne fait aucun doute qu’il aurait été prudent que M. Tong tienne un journal de trésorerie et que son défaut de le faire a rendu la présente affaire plus compliquée. À mon avis, toutefois, le défaut de le faire ne suffit pas pour faire pencher la balance en faveur de l’intimée, compte tenu de tous les autres éléments de preuve et du partage du fardeau de la preuve.

[72]  L’avocat de l’intimée a soutenu, du moins lors de la cotisation initiale, que Mme Tong avait reçu un remboursement de pratiquement toutes les retenues d’impôt sur son revenu d’emploi et que cela porte à croire que les pertes déclarées ont été en quelque sorte manigancées pour donner lieu à un remboursement total de ses impôts. Il a avancé cet argument principalement pour contester la crédibilité de M. Tong.

[73]  Cependant, après examen approfondi des éléments de preuve, il est évident que cet argument ne tient pas [43] . Au cours de chacune des années d’imposition 2003, 2005, 2006, 2007 et 2008, Mme Tong est demeurée assujettie à l’impôt, malgré les pertes importantes. Même si, pour certaines années, ses déclarations de revenus ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation qui a donné lieu à un montant d’impôt plus élevé que lors de la cotisation initiale (c.-à-d. une réduction du remboursement demandé), les nouvelles cotisations n’étaient pas à elles seules la cause d’une obligation fiscale. Autrement dit, elle était assujettie à l’impôt avant la prise en considération des nouvelles cotisations dont certaines n’étaient pas liées aux pertes d’entreprise. Bien que les années d’imposition 2006 et 2007 de Mme Tong aient fait l’objet de nouvelles cotisations pour diminuer la perte d’entreprise initialement déclarée, la plupart des pertes refusées ont été rétablies à la suite de l’opposition. Les nouvelles cotisations ont diminué ses remboursements, mais Mme Tong était assujettie à un certain montant d’impôt avant les nouvelles cotisations. Bien qu’il ne fasse aucun doute que Mme Tong ait reçu des remboursements d’impôts par suite des pertes déclarées, ce seul fait ne porte pas à croire que les pertes ont été gonflées par l’intermédiaire de ventes non déclarées et, compte tenu des autres éléments de preuve présentés, cela ne mine pas la crédibilité de M. Tong.

[74]  La réponse ne comporte aucune hypothèse concernant le mode de vie de la famille Tong ou aucune indication quelconque selon laquelle l’argent dont la famille disposait ne lui permettait pas de subsister après le financement des pertes du restaurant. Au cours des années visées par la vérification, la famille Tong a vécu dans un logement locatif qui coûtait environ 19 000 $ par an. Mme Tong a témoigné qu’elle n’était pas très dépensière et que la majeure partie du revenu de la famille a été consacrée à la nourriture, au logement, à l’éducation et au salaire de son mari. À l’exception de certaines questions concernant le loyer et la provenance des fonds pour les dépôts à terme et les frais de scolarité universitaires de leur fils, les époux Tong n’ont pas été interrogés au sujet de leurs dépenses personnelles ou de leur mode de vie.

[75]  M. Tong a expliqué que les fonds pour les dépôts à terme provenaient de la vente de la maison familiale. Mme Tong a aussi évoqué les dépôts à terme achetés au moyen du produit de la vente de la maison. Les frais de scolarité universitaires et les autres dépenses relatives à l’université ont été payés grâce à un prêt étudiant et aux retraits d’un régime enregistré d’épargne-études établi après la naissance des enfants de M. et Mme Tong [44] . Mme Datu a affirmé qu’elle n’avait constaté aucune dépense excessive ou concernant des biens autres que ceux que M. Tong lui a indiqués. En fait, le rapport sur les pénalités de l’Agence du revenu du Canada précise que les redressements après vérification sont plus importants selon une analyse des dépenses que selon une analyse de la valeur nette [45] .

[76]  Chaque année, depuis 2003, Mme Tong déduit des pertes découlant de l’exploitation d’un restaurant. À l’exception de 2003 et de 2008 [46] , le montant de ces pertes n’a jamais été inférieur à 55 000 $, et durant les deux années visées par l’appel, le montant a dépassé 65 000 $. Bien qu’il s’agisse de pertes annuelles importantes à assumer par rapport à un revenu d’emploi qui équivaut approximativement à 100 000 $, durant les années visées par l’appel [47] , près de 30 000 $ de pertes ont été attribués aux salaires versés aux membres de la famille. Autrement dit, cet argent est demeuré à la disposition de la famille [48] pour financer des dépenses personnelles. En outre, en raison des pertes, Mme Tong a reçu chaque année des remboursements d’impôts importants. Le montant de l’impôt payé par M. Tong et par les enfants des époux Tong était sensiblement inférieur au montant des remboursements d’impôts que Mme Tong percevait en raison des pertes qu’elle avait subies [49] . Les remboursements d’impôts et les versements de salaires effectués entre les membres de la famille ont permis à la famille de percevoir près de 50 000 $ pour chacune des années visées par l’appel et ont ainsi diminué les [traduction] « répercussions » des pertes [50] .

[77]  J’indique cela uniquement pour expliquer pourquoi il était peut-être possible pour Mme Tong de financer des pertes récurrentes sur un revenu d’emploi de 100 000 $. Il est en revanche plus difficile de savoir pourquoi la famille a choisi de le faire. J’ai l’impression que l’exploitation du restaurant a peut-être été davantage motivée par le souhait de donner quelque chose à faire à M. Tong que par autre chose.

[78]  M. Tong a affirmé qu’après la fermeture du restaurant à Hamilton, la famille a cherché un autre restaurant, car il avait besoin d’un emploi. Il était un propriétaire de restaurant depuis plus de 20 ans et il n’était pas habitué à travailler pour quelqu’un d’autre ou à recevoir des ordres. Il a aussi fait part de son souhait de vendre un jour ou l’autre le restaurant, même si, dans le cas du restaurant Wayside, les circonstances l’empêchaient de le faire et que le restaurant All in One ne connaissait pas non plus le succès escompté.

[79]  M. Tong travaillait dans le secteur de la restauration depuis que Mme Tong le connaissait, et depuis près de 18 ans avant que les circonstances ne le contraignent à fermer le deuxième restaurant SuperWok. Mme Tong a déclaré qu’elle souhaitait lui apporter son soutien avec les restaurants, car il l’avait aidée à obtenir ses titres de compétence en soins infirmiers pour le Canada et à améliorer ses compétences en anglais après son immigration au Canada. Elle a néanmoins témoigné que les pertes subies par le restaurant étaient aussi une source de tensions entre eux et qu’elle avait tenté de le convaincre d’apporter des améliorations pour promouvoir le restaurant en proposant des offres spéciales quotidiennes et une nourriture de meilleure qualité, par exemple.

[80]  J’avoue avoir l’impression qu’une nouvelle cotisation du revenu de Mme Tong pourrait avoir été accueillie si les éléments de preuve avaient été présentés sur un autre fondement [51] , bien que je sois loin d’être convaincue du rôle important joué par des ventes non déclarées. Par exemple, il est possible que les salaires de la famille Tong qui ont été déduits n’ait en fait pas été versés en totalité, qu’une partie des dépenses déduites lors du calcul du revenu soit personnelle et non liée à l’entreprise, ou que le salaire de M. Tong ait financé en partie d’autres dépenses du restaurant, de sorte que Mme Tong ne les payait pas [52] . Je me demande aussi si certains chèques du gouvernement déposés dans le compte HSBC pourraient avoir été des chèques de TVH relatifs au restaurant qui auraient plutôt dû être déposés dans le compte BMO ou qui devraient du moins diminuer la somme d’argent que Mme Tong a déclaré avoir dépensée en utilisant ses fonds personnels. Cependant, je ne dispose pas d’éléments de preuve pour rendre une décision en fonction de cette hypothèse, même s’il m’était loisible de le faire [53] . L’avocat de l’intimée n’a pas soutenu que les éléments de preuve démontraient un autre fondement pour étayer la nouvelle cotisation. Surtout, l’intimée n’a pas fait valoir que l’une des dépenses était non fondée ou non valide. Mme Datu a clairement indiqué qu’elle était convaincue que les dépenses étaient valides.

VI. CONCLUSION CONCERNANT LE REVENU NON DÉCLARÉ :

[81]  Toute la prémisse de la cause de l’intimée est qu’un montant important des ventes au comptant du restaurant n’a pas été consigné dans les livres de compte et les registres et que les espèces ainsi produites ont a servi à payer les dépenses exposées dans la réponse. Cependant, les éléments de preuve ont permis d’établir que certaines dépenses qui, d’après ce que le ministre a présumé, ont été payées en espèces grâce aux ventes, ont en fait été payées à partir du compte bancaire BMO. Les éléments de preuve ont aussi permis d’établir que des dépôts importants dans le compte bancaire BMO ne provenaient pas des ventes, mais du compte conjoint. Les chiffres dans les récapitulatifs originaux quotidiens de la caisse enregistreuse correspondent aux chiffres inscrits dans le journal des ventes de M. Tong et aux sommes déclarées par Mme Tong comme revenus bruts provenant de l’entreprise. Le témoignage de M. Tong concordait avec les documents et il a maintenu sa position au cours de son contre-interrogatoire. Même si les éléments de preuve concernant les retraits en espèces étaient moins convaincants, il incombait en partie à l’intimée d’établir l’existence de ventes non déclarées. L’intimée reconnaît que toutes les dépenses sont valides.

[82]  D’après les éléments de preuve, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Tong n’avait pas de ventes non consignées ou de revenu non déclaré et que son appel devrait être accueilli.

VII. PÉNALITÉS

[83]  Les nouvelles cotisations imposent des pénalités à Mme Tong, en application du paragraphe 163(2) de la Loi. Il incombait à l’intimée d’établir les faits qui pourraient justifier une pénalité aux termes du paragraphe 163(2). Compte tenu de ma décision concernant le revenu non déclaré, il est évident que l’intimée ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

VIII. CONCLUSION

[84]  Pour les motifs susmentionnés, l’appel interjeté par l’appelante à l’encontre des nouvelles cotisations établies aux termes de la Loi pour ses années d’imposition 2011 et 2012 est accueilli et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national aux fins de réexamen et d’établissement de nouvelles cotisations pour les motifs suivants :

1.  l’appelante n’a pas eu de revenus non déclarés;

2.  l’appelante n’était pas passible de pénalités aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.

[85]  Les parties ont 30 jours à compter de la date du jugement pour présenter des observations écrites sur les dépens et ces observations ne doivent pas dépasser 10 pages.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de juillet 2020.

« K.A. Siobhan Monaghan »

La juge Monaghan

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour d'octobre 2020.

François Brunet, réviseur 


RÉFÉRENCE :

2020 CCI 70

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-1057(IT)G

INTITULÉ :

JUDY TONG c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 10 et 11 décembre 2019

Le 28 janvier 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge K.A. Siobhan Monaghan

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 juillet 2020

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Joseph G. LoPresti

Avocat de l’intimée :

Me Tony Cheung

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Joseph G. LoPresti

Cabinet :

LoPresti Law

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] M. Tong a témoigné que le produit net s’élevait à près de 200 000 $. Mme Tong a affirmé qu’ils avaient payé la maison 180 000 $ en 1997, qu’ils avaient vécu dans la maison pendant douze ans et qu’ils l’avaient vendue 320 000 $. Elle a déclaré qu’ils avaient décidé de vendre la maison, car les marchés continuaient à progresser et ils en ont tiré un bon bénéfice. Même s’ils avaient une hypothèque, elle en ignorait le montant. Elle a indiqué que son mari s’occupait de l’ensemble des finances de la famille. Mme Tong a affirmé s’être rappelé l’achat de dépôts à terme de 20 000 $, après la vente de la maison. Le dépôt à terme de 20 000 $ est conforme au témoignage de M. Tong concernant le produit de la vente de la maison. Même Mme Tong ne se souvenait pas que le montant total net du produit était plus élevé.

[2] Le second restaurant appartenait à une société dont M. Tong et son associé étaient propriétaires.

[3] Voir la pièce A1. Le prix des repas combinés variait de 3,99 $ à 7,99 $.

[4] Bien que l’on ne sache pas trop s’il voulait parler d’un pourcentage de clients ou de ventes.

[5] Voir la pièce A9.

[6] Voir M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd. [1964] CTC 294 (C. de l’É.) à la page 302; Kit-Win Holdings (1973) Ltd. v. The Queen [1981] CTC 43 (CF 1re inst.) et Andersen v. The Queen 2020 TCC 51.

[7] Voir les pièces R4 et R5.

[8] Le bail fait état de chèques postdatés. Voir la pièce A4.

[9] Le numéro du chèque correspond à celui figurant sur le relevé bancaire HSBC.

[10] Voir les pièces A1, A2 et A3.

[11] Pièce R5.

[12] Voir la pièce A1, aux pages 252 et 253, pour obtenir un résumé préparé par M. Tong. En calculant ces sommes, j’ai exclu les dépenses relatives aux publicités dans les pages jaunes mentionnées dans le résumé, mais que M. Tong a convenu qu’elles avaient été mal classées en tant que frais d’entretien au lieu de frais de publicité.

[13] Voir la pièce A12.

[14] Voir les pièces A2 et A3, respectivement, pour les relevés de compte bancaire BMO de 2011 et de 2012.

[15] Voir les pièces A6 et A5, respectivement, pour obtenir les formulaires T2125 États des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale de 2011 et de 2012. Dans son témoignage, Mme Datu a également déclaré s’être servi des sommes indiquées sur le formulaire États des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale pour déduire ces dépenses.

[16] Transcription, page 292, aux lignes 14 et 15.

[17] La carte de crédit Esso est appelée une « carte d’affaires Esso ». Bien que la carte soit au nom d’Ivan Tong, Mme Tong a indiqué qu’il s’agissait d’une carte d’affaires, et non d’une carte personnelle. On ne sait pas vraiment ce qu’elle voulait dire par là, sinon que la carte était peut-être ainsi appelée. À mon avis, le fait que la carte soit au nom de M. Tong est sans importance.

[18] Avec l’aide de son avocat, elle a pu trouver un paiement effectué à partir d’un compte bancaire concernant la carte de crédit Esso.

[19] Il s’agissait parfois du solde à payer, parfois d’une combinaison de sommes à payer sur deux relevés ou, dans d’autres cas, de paiements effectués au cours d’une période antérieure, comme l’indiquent les factures de la carte Esso.

[20] Voir les pièces A1 et R1.

[21] Voir la pièce R5.

[22] Les formulaires T2125 présentés par Mme Tong avec ses déclarations de revenus indiquent un taux se rapprochant plutôt de 80 %.  Voir les pièces A5 et A6.

[23] Les relevés de compte conjoint personnel pour 2011 montrent des paiements en vue de régler le solde de la carte Esso en janvier, en mars, en avril, en juin (paiement combiné des factures de mai et de juin), en septembre, en octobre et en décembre. Ni l’ensemble des relevés de compte bancaire de TD ni tous ceux de la carte Esso pour 2011 ou 2012 n’ont été présentés en preuve. Cependant, les éléments de preuve documentaire disponibles pour 2011 permettent de conclure que les sommes payées concernant la carte de crédit dépassent les frais de carburant liés à l’entreprise.

[24] Voir les formulaires T2125 pour 2011 et 2012 (pièces A6 et A5, respectivement), qui indiquent des frais bruts de carburant de 3 549 $ et de 3 271 $, respectivement, mais où seulement 2 909 $ et 2 297 $ de ces sommes sont liés à une utilisation professionnelle en 2011 et 2012, respectivement.

[25] Il est possible qu’une autre carte de crédit ait été utilisée.

[26] Le dernier relevé de la carte Esso pour 2012 indique que le montant des achats de carburant depuis le début de l’année s’élevait à 2 660,12 $. Voir la pièce R1.

[27] Tous les relevés bancaires HSBC pour 2011 et 2012 ont été produits en preuve. À quelques exceptions près (p. ex. virements effectués à partir d’un régime enregistré d’épargne-études [REEE] et produit d’un dépôt à terme arrivant à échéance), les dépôts sur le compte HSBC se limitaient au salaire et aux chèques du gouvernement de Mme Tong. Bien que beaucoup moins de relevés de compte TD aient été produits en preuve, ceux qui l’étaient indiquent également que le salaire de Mme Tong et les virements effectués à partir d’un autre compte non déterminé représentaient la grande majorité des dépôts. Voir la pièce A10.

[28] Habituellement 2 000 $, bien qu’il y ait aussi quelques retraits de 3 000 $ et un retrait de 5 000 $.

[29] Une combinaison du compte BMO (entretien) et des comptes conjoints (carburant).

[30] Par exemple, les fournitures de bureau et le journal quotidien qu’il fournissait aux clients.

[31] Voir la pièce A8. Certaines copies dans la pièce A8 sont difficiles à lire. Cependant, les récapitulatifs journaliers originaux de la caisse enregistreuse ont été fournis à la Cour et sont inclus dans la pièce A8.

[32] Voir la pièce A9.

[33] Le récapitulatif ne permettait pas de différencier les paiements en espèces des paiements effectués par carte de crédit ou de débit, même si M. Tong pouvait les différencier parce qu’il avait des copies des reçus de carte de crédit ou de débit qui provenaient de ces ventes et qu’il pouvait voir les dépôts effectués par Elavon.

[34] Voir la pièce A9.

[35] Par exemple la nourriture, l’entretien, le bureau, les commodités et les fournitures. Voir la pièce A12.

[36] Transcription, page 308.

[37] 24 000 $/300 = 80 $. M. Tong a parlé de 73 $. Bien que cela n’ait pas été expliqué, compte tenu de la précision du chiffre, il se pourrait qu’il fasse référence à son salaire quotidien net. Les retenues à la source étaient versées à partir d’un compte bancaire personnel, et non à partir du compte bancaire BMO.

[38] Les relevés bancaires BMO indiquent que chaque élément excédentaire entraînait des frais bancaires de 1 $. Des frais bancaires mensuels excédentaires ont été prélevés à plusieurs reprises.

[39] M. Tong a déclaré que pendant une brève période, il n’avait pas eu de caisse enregistreuse, car celle qu’il utilisait ne fonctionnait plus et devait être remplacée. Il s’agit toutefois de la seule exception.

[40] Transcription, page 298.

[41] Ibid.

[42] Cette hypothèse a été formulée pour appuyer l’imposition de pénalités.

[43] Voir la pièce R10.

[44] Les relevés bancaires confirment un virement de fonds dans le compte conjoint personnel à partir d’un autre compte HSBC et des paiements à une université. M. Tong a indiqué que le virement provenait d’un REEE et cela n’a pas été contesté.

[45] Voir la pièce R9.

[46] En 2003, première année durant laquelle elle était propriétaire d’un restaurant, les pertes se sont élevées à 22 921 $ (appliquées à des revenus de 4 688 $) et en 2008, les pertes ont été établies à 28 774 $ (appliquées à des revenus de 395 $). L’année 2003 est celle où Mme Tong est devenue propriétaire pour la première fois d’un restaurant et il se peut que le restaurant n’ait été exploité que pendant une partie de l’année. L’année 2008 est celle année où le premier restaurant a fermé. Il se peut donc aussi que le restaurant ait été exploité pendant une courte période.

[47] Bien que M. Tong ait perçu un salaire au cours des autres années, on ne sait pas vraiment si les enfants des époux Tong ont été rémunérés, mais cela n’est pas pertinent dans le contexte du présent appel.

[48] Le salaire versé à M. Tong et les salaires versés aux enfants des époux Tong.

[49] Le montant du remboursement d’impôt perçu par Mme Tong correspondait à près de 20 000 $ pour chacune des années 2011 et 2012, ce qui est manifestement bien plus élevé que le montant des impôts auxquels M. Tong serait assujetti pour un revenu d’emploi s’élevant à 24 000 $. Il est peu probable que les enfants de la famille Tong soient assujettis à un impôt sur leurs salaires.

[50] L’avocat de Mme Tong a également souligné une diminution des économies personnelles en 2011, faisant observer que le solde bancaire dans le compte HSBC a diminué de 10 000 $ entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011. Les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour conclure à une diminution réelle des économies. Par exemple, les relevés bancaires relatifs au compte bancaire TD n’ont pas tous été fournis et le solde du compte pourrait avoir augmenté au cours de la même période. Je reconnais toutefois que la famille Tong pourrait avoir disposé d’autres sources d’argent, notamment certains revenus provenant de leurs comptes de placement.

[51] Mais peut-être pour une somme considérablement inférieure aux nouvelles cotisations qui font l’objet de l’appel.

[52] D’une certaine façon, cela revient à affirmer que M. Tong ne percevait pas le salaire que la famille déclarait.

[53] Voir Pedwell c. Canada [2000] 3 CTC 246 (CAF) et Rezek c. Canada 2005 CAF 2007.

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