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Dossier : 2015-4361(GST)G

ENTRE :

SUCCESSION DE FEU GAÉTAN GAGNÉ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 14 novembre 2019, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Etienne Paradis

Me Dominique Zaurrini

Avocat de l'intimée :

Me Alnashir Tharini

 

JUGEMENT

  L’appel de la cotisation établie à l’encontre de monsieur Gaétan Gagné en vertu de la Loi sur la taxe d’accise dont l’avis est daté du 22 mai 2013 et porte le numéro F-044781 pour la période du 31 décembre 2006 au 30 septembre 2010 est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2020.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2020 CCI 111

Date : 20201117

Dossier : 2015-4361(GST)G

ENTRE :

SUCCESSION DE FEU GAÉTAN GAGNÉ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  Le 22 mai 2013, l’Agence du revenu du Québec (ci-après l’« Agence »), en tant que mandataire du ministre du Revenu National, a établi une cotisation à l’égard de monsieur Gaétan Gagné en vertu du paragraphe 228(2) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), c. E-15, ci-après (la « LTA »), laquelle porte le numéro F-044781 et concerne la période du 31 décembre 2006 au 30 septembre 2010 (la « période visée »).

[2]  Monsieur Gagné a été cotisé pour un montant de 162 696,42 $ relativement à la taxe nette, ainsi que les intérêts et les pénalités, que la société 9129-7903 Québec Inc. (ci-après la « société 9129 »), aurait dû verser à l’Agence en vertu de la LTA alors que monsieur Gagné était administrateur de cette société.

[3]  En établissant la cotisation à l’égard de monsieur Gagné, l’Agence s’est fondée, entre autres, sur les conclusions et les hypothèses de faits suivantes :

COTISATION DE L’APPELANT EN VERTU DE L’ARTICLE 323 DE LA LTA

  • a) Les faits admis ci-dessus;

  • b) La société est une personne morale constituée en vertu de la Loi sur les compagnies du Québec, L.R.Q., c. C-38;

  • c) La société est inscrite aux fins de la partie IX de la LTA et son numéro de compte en TPS est le 87705806 RT0001;

  • d) La société a fait défaut de remettre des montants de taxes perçues qu’elle devait retenir ou percevoir et payer à l’Agence;

  • e) L’Agence a cotisé la société pour un montant qui représente la taxe nette non remise pour des périodes trimestrielles qui aurait dû être versé le 31 décembre 2006 au 30 septembre 2010, incluant les pénalités et les intérêts;

  • f) Le 7 février 2012, dans la décision ETA 1883-12, l’Agence a obtenu un certificat en vertu de l’article 316 de la LTA;

f.1)  Le 10 décembre 2012, un bref de saisie-exécution est délivré par la Cour fédérale. Ce bref sera retourné insatisfait par un huissier de justice le 11 janvier 2013;

  • g) Le 23 octobre 2012, dans la décision ETA-7978-12, l’Agence a obtenu un certificat en vertu de l’article 316 de la LTA;

g.1)  Le 30 novembre 2012, un bref de saisie-exécution est délivré par la Cour fédérale. Ce bref sera retourné insatisfait par un huissier de justice le 11 janvier 2013;

  • h) La société n’a pas payé le montant dû de taxe nette;

  • i) Tel que requis par l’article 323(1) de la LTA, les administrateurs d’une personne morale, en l’occurrence la société, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus avec la société de payer cette taxe, ainsi que les pénalités et intérêts y afférents;

  • j) L’appelant était administrateur de la société du 26 juin 2006 au 9 février 2012, il est entre autres :

j.1)  Inscrit au Registraire des entreprises du Québec (REQ) comme administrateur en remplacement de Jean-François Gagné le 26 juin 2006;

j.2)  Inscrit au REQ comme administrateur en remplacement du Jean-François Gagné le 22 novembre 2006 pour la deuxième fois;

j.3)  Inscrit comme administrateur auprès de l’Agence dès janvier 2007;

  • k) Signé un formulaire déposé en octobre 2009;

k.1)  Il a prêté l’argent à la société;

k.2)  Payé par chèque 20 000 $ au Ministre du revenu du Québec pour des dettes de la société le 18 novembre 2010;

k.3)  Signé une procuration le 20 octobre 2009 à titre d’administrateur de la société en faveur de Dufour Charbonneau Brunet et ass (sic) auprès de l’Agence, procuration expirant le 31 août 2012;

k.4)  Fait une déclaration à l’effet qu’il été(sic) administrateur, fait qui sera confirmé par son procureur lors du processus des Oppositions à un représentant de l’Agence, M. Simon Rocheleau;

  • l) Par ailleurs, selon l’information disponible au REQ, le demandeur (sic) fut administrateur de la société et son actionnaire majoritaire jusqu’au 9 février 2012;

  • m) Pour toute la période où la société était tenue de verser la taxe nette à l’Agence), l’appelant a agi en tant qu’administrateur de la société;

  • n) En sa qualité d’administrateur de la société, l’appelant n’a pas agi avec le degré de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances;

  • o) L’appelant n’a pris aucune mesure concrète et positive pour prévenir les manquements de la société;

  • p) L’appelant n’a pas pris les mesures appropriées pour s’assurer de la mise en place d’un système efficace visant à assurer le versement par la société des sommes dues à l’Agence en vertu de la LTA.

COTISATION DE LA SOCIÉTÉ

  • q) Pendant la période visée, la société exploitait un restaurant ayant la raison sociale Restaurant Bar Nuevo Mexicain;

  • r) La société était un inscrit aux fins de la Partie IX de la LTA;

  • s) La société a fait l’objet d’une vérification en taxes pour la période du 1er mars 2008 au 31 août 2010 (ci-après la « période vérifiée »);

  • t) Toutes les fournitures effectuées par la société dans le cadre de l’exploitation de son entreprise, soit une activité commerciale, pendant la période vérifiée, constituent des fournitures taxables pour lesquelles une taxe, au taux de 5 %, sur la valeur de la contrepartie de la fourniture était payable par les acquéreurs à la société, laquelle devait la percevoir;

  • u) Plus spécifiquement, la taxe sur les produits et services perçue ou percevable non remise au montant de 49 874,25 $, la cotisation est basée sur l’écart entre les montants de taxes déclarés et les montants de fournitures de services declarés aux états financiers de la société pour la période vérifiée;

[4]  Monsieur Gaétan Gagné est décédé le 3 octobre 2017 après avoir déposé un avis d’appel devant cette Cour contestant la validité de la cotisation du 22 mai 2013. Jusqu’à son décès, monsieur Gaétan Gagné était l’appelant dans cet appel. Suite à son décès, la succession de feu Gaétan Gagné a pris fait et cause des droits de monsieur Gaétan Gagné dans cet appel.

[5]  Dans l’avis d’appel modifié déposé par les procureurs de la succession de feu Gaétan Gagné, daté du 11 novembre 2019, il est notamment allégué que:

a)  monsieur Gaétan Gagné n’a jamais été administrateur de droit de la société 9129 et que, s’il l’a été, c’est par erreur;

b)  si monsieur Gaétan Gagné a été administrateur de droit de la société 9129 à un certain moment, ce dernier a démissionné à titre d’administrateur de la société le 1er janvier 2008; et

c)  monsieur Gaétan Gagné n’a jamais été administrateur de facto de la société 9129 du début jusqu’à la fin des activités de la société, en décembre 2009.

[6]  Pour appuyer lesdites allégations, l’appelante a convoqué les personnes suivantes à témoigner: Me Sylvain Dorais, monsieur Sylvain Brunet, comptable agréé, madame Léa D’Amboise, ex-conjointe de Jean-François Gagné, madame Hélène Goulard, adjointe administrative de feu Gaétan Gagné et monsieur Jean‑François Gagné, fils de feu Gaétan Gagné.

[7]  Me Dorais a témoigné à l’audience après avoir été relevé de son secret professionnel par la société 9129 et par la succession de feu Gaétan Gagné. En 2006, il a représenté la société 9129 qui opérait un restaurant bar connu sous le nom le « Nuevo » sur l’avenue Mont-Royal à Montréal. Ses mandats concernaient des litiges civils et commerciaux et les relations de travail.

[8]  Le 22 novembre 2006, il a rempli et produit une déclaration modificative auprès du registraire des entreprises du Québec afin, notamment, d’ajouter (a) les nouveaux noms sous lesquels la société 9129 désirait faire affaires et de retirer les anciens noms, (b) les noms des actionnaires, soit Gaétan Gagné, Léa D’Amboise et Aldo Raffo, et (c) les noms de Gaétan Gagné et Aldo Raffo comme administrateurs de la société 9129 en remplacement de Jean‑François Gagné.

[9]  Me Dorais a signé une déclaration assermentée datée du 31 mai 2019 comme quoi que c’est par erreur qu’il a ajouté le nom de monsieur Gaétan Gagné comme administrateur de la société 9129, le 22 novembre 2006. Selon Me Dorais, Gaétan Gagné avait prêté de l’argent à son fils pour renflouer les coffres de la société 9129 mais que ce dernier n’agissait pas à titre d’administrateur. La déclaration assermentée et une copie de la déclaration modificative déposée auprès du registraire des entreprises du Québec et datée du 22 novembre 2006 furent mises en preuve.

[10]  Lors de son interrogatoire, Me Dorais a affirmé avoir suivi les instructions verbales de Jean‑François Gagné pour la production de la déclaration modificative auprès du registraire des entreprises du Québec et qu’il n’a alors effectué aucune vérification de ses dossiers, des documents internes de la société 9129, ni du livre des minutes de la société 9129. Me Dorais a précisé qu’il n’avait pas le mandat d’effectuer les mises-à-jour annuelles auprès du registraire des entreprises du Québec. Sa seule implication à cet égard a été de préparer et de soumettre la déclaration modificative du 22 novembre 2006.

[11]  Selon Me Dorais, les faits allégués dans sa déclaration assermentée sont vrais selon les informations alors à sa disposition mais ce dernier a reconnu qu’il n’a pu consulter les dossiers de la société 9129, ni ceux de messieurs Gaétan Gagné et de Jean‑François Gagné parce qu’ils ont tous été détruits.

[12]  Monsieur Sylvain Brunet a témoigné à l’audience en tant que comptable externe de la société 9129 de 2004 à 2010. À ce titre, il a préparé les états financiers (avis aux lecteurs) de ladite société pour signature par Jean‑François Gagné. Il a également préparé et produit les déclarations annuelles au Registraire des entreprises du Québec pour les années 2004, 2005 et 2006.

[13]  Monsieur Brunet a affirmé que, de 2004 à 2010, il ne connaissait pas personnellement Gaétan Gagné et qu’il ne lui a jamais parlé. Par contre, monsieur Brunet a constaté, à un moment donné, que Gaétan Gagné était administrateur de la société 9129.

[14]  Monsieur Brunet a expliqué qu’il faisait la tenue du Grand Livre de la société 9129 et qu’il effectuait le suivi du compte de banque et des achats. Le bureau de monsieur Brunet préparait également les déclarations de taxes pour signature par Jean‑François Gagné.

[15]  Monsieur Brunet a indiqué que les déclarations de revenus et les états financiers de la société 9129 pour les années d’imposition 2009 et 2010 ont été produits en retard en 2013 après que des états financiers pour l’année d’imposition 2010 aient été produits auprès des autorités fiscales. Monsieur Brunet a expliqué que lesdits états financiers pour l’année d’imposition 2010 ne reflétaient pas la réalité parce qu’ils avaient été préparés par une autre firme de comptables dans le but de trouver du financement ou pour vendre l’entreprise.

[16]  Monsieur Brunet a confirmé que le restaurant exploité par la société 9129 a cessé ses activités en décembre 2009, soit dans l’exercice financier se terminant le 28 février 2010 et que les actifs de la société 9129 ont été vendus le 21 juillet 2010. Le contrat de vente de l’entreprise de la société 9129 a été signé par Jean‑François Gagné.

[17]  Madame Léa D’Amboise a également témoigné à l’audience. Elle est l’ex-conjointe de Jean-François Gagné. Le couple s’est séparé en 2008 après sept ans de cohabitation. Elle a débuté son travail au restaurant “Nuevo” en 2003. Elle s’occupait alors de la gérance des employés et elle aidait à la comptabilité en s’occupant du paiement des factures des fournisseurs. Jean‑François Gagné s’occupait seul des dépôts bancaires, de la signature des chèques et de la préparation des déclarations de revenus avec son comptable.

[18]  Dans la déclaration annuelle de 2004 de la société 9129 produite auprès du Registraire des entreprises du Québec le 25 mai 2006, madame Léa D’Amboise est désignée comme actionnaire et administratrice de la société. Dans la déclaration annuelle de 2005 de la société 9129 produite auprès du Registraire des entreprises du Québec, madame D’Amboise est également désignée comme actionnaire et administratrice de la société.

[19]  Le 26 juin 2006, madame D’Amboise a signé la déclaration modificative auprès du Registraire des entreprises du Québec dans laquelle monsieur Gaétan Gagné est désigné comme actionnaire en détenant plus de 50 % des actions de la société 9129 et comme administrateur en remplacement de Jean‑François Gagné. Lors de son témoignage, madame D’Amboise a reconnu sa signature sur ladite déclaration modificative et a confirmé que ladite déclaration modificative avait été préparée par Me Dorais.

[20]  Madame Léa D’Amboise a affirmé qu’elle n’a pas parlé à monsieur Gaétan Gagné de ce changement d’administrateur de la société 9129. À sa connaissance, monsieur Gaétan Gagné ne venait pas souvent au restaurant. Il venait prendre une bière occasionnellement.

[21]  Madame Hélène Goulard, adjointe administrative de monsieur Gaétan Gagné pendant 34 ans, a témoigné à l’audience pour reconnaître la signature de ce dernier sur certains documents. Elle a reconnu la signature de Gaétan Gagné sur l’avis d’opposition à l’avis de cotisation no F-044781 daté du 26 juin 2013 mais elle n’a pas reconnu sa signature sur la déclaration modificative de la société 9129 auprès du Registraire des entreprises du Québec datée du 6 octobre 2009 dans laquelle monsieur Mario Bourgouin est désigné comme actionnaire de la société et comme administrateur de la société en remplacement de madame Léa D’Amboise et de monsieur Aldo Raffo.

[22]  De plus, madame Goulard n’a pas reconnu la signature de Gaétan Gagné sur une déclaration de renseignements pour le registre des entreprises du Québec signée le 28 août 2008. Le document en question était en blanc et ne contenait aucune information.

[23]  Monsieur Jean-François Gagné a témoigné à l’audience. Après avoir fait une technique en génie civil, monsieur Gagné a exploité des restaurants toute sa vie. En 2003, il a ouvert le restaurant connu sous le nom de « Restaurant Bar Nuevo Mexicain » et en 2006, il s’est adjoint de nouveaux partenaires, Léa D’Amboise et Aldo Raffo. Suite à un changement de concept, le restaurant a été exploité sous les dénominations sociales « Nuevo Resto Bar » et « Nuevo Resto Bar Supperclub Tapas ».

[24]  Pour contrer les difficultés financières du restaurant, monsieur Gagné a obtenu des prêts de son père qui a dû hypothéquer sa résidence et un duplex. Pour sécuriser le remboursement de ces prêts d’un montant indéterminé, monsieur Gagné a mis son père comme actionnaire de la société 9129 comme étant le détenteur de ses actions. Lors de son témoignage, monsieur Gagné a affirmé qu’il ne savait pas que son père avait également été nommé administrateur de la société.

[25]  Monsieur Gagné a expliqué les circonstances entourant la démission de son père en tant qu’administrateur de la société 9129. Il avait appelé son père pour qu’il signe des documents relatifs au financement du restaurant. Selon le témoignage, son père ne savait pas qu’il était administrateur de ladite société. Son père était apparemment très fâché et il lui aurait alors remis une lettre de démission manuscrite. Cette lettre n’a pas été mise en preuve et monsieur Gagné s’est dit surpris de constater que des documents formels avaient été préparés, soit un avis de démission dactylographié en vigueur à partir du 8 décembre 2007 mais daté du 1er janvier 2008 et une résolution du conseil d’administration de la société 9129 datée du 1er janvier 2008 officialisant la démission de Gaétan Gagné en tant qu’administrateur de la société et nommant à titre de président de la société, Jean‑François Gagné en remplacement de Gaétan Gagné. Ladite résolution a été préparée par Me Dorais et signée par Jean‑François Gagné. Par contre, la modification au registre des entreprises du Québec n’a pas été effectuée.

[26]  Le remplacement de Gaétan Gagné en tant qu’administrateur de la société 9129 par Jean‑François Gagné au registre des entreprises du Québec n’a été effectué que le 9 février 2012 suite à une déclaration de mise à jour annuelle courante de la société 9129 pour l’année 2011 qui a été produite et signée par MAdrian Popovici, une associée de Me Dorais.

[27]  Monsieur Gagné a de plus expliqué que les états financiers pro forma pour l’exercice financier se terminant le 28 février 2010 ont été préparés par monsieur Luc Dubé, un comptable spécialisé dans l’obtention de financement sur la base qu’il y aurait un agrandissement du restaurant pour occuper la totalité de la terrasse arrière du restaurant qui générait environ la moitié des revenus du restaurant. Selon monsieur Gagné, ces états financiers pro forma ont été présentés à la Caisse de dépôt et placement du Québec qui a effectivement consenti un prêt à la société 9129. Par contre, lesdits états financiers pro forma ont été transmis par erreur à l’Agence qui a cotisé la société 9129 sur la base de ce document. Selon monsieur Gagné, la cotisation de l’Agence est basée sur un chiffre d’affaires clairement exagéré et non réaliste.

[28]  Ont témoigné pour le compte de l’intimée, Valérie Casgrain, chef d’équipe aux recouvrements complexes auprès de l’Agence, Chantal Thériault, chef d’équipe, vérification des taxes auprès de l’Agence et Me Simon Rocheleau, agent d’opposition auprès de l’Agence du Revenu du Québec.

[29]  Madame Casgrain a fait l’historique du dossier de la société 9129 et de celui de feu Gaétan Gagné. Suite à une vérification en taxes, la société 9129 a été cotisée en vertu de la LTA pour les périodes du 30 novembre 2006 au 31 août 2010. L’Agence du Revenu du Canada par le biais de l’Agence, a exercé ses recours contre la société 9129 et a notamment obtenu deux certificats en vertu de l’article 316 de la LTA (décisions ETA-1883-12 et ETA-7978-12) et deux brefs de saisie-exécution délivrés par la Cour fédérale respectivement daté du 30 novembre 2012 et du 10 décembre 2012, lesquels ont été retournés insatisfaits par un huissier de justice le 11 janvier 2013.

[30]  Puisque les recours contre la société 9129 étaient épuisés, l’Agence a transmis à Gaétan Gagné, par une lettre datée du 8 janvier 2013, un avis d’intention de le cotiser en tant qu’administrateur inscrit au registre des entreprises du Québec de la société 9129 pendant la période du 1er décembre 2006 au 31 août 2010. Ladite lettre était accompagnée d’un questionnaire à être complété par Gaétan Gagné. Monsieur Gaétan Gagné a accusé réception de cette lettre mais il n’a pas retourné le questionnaire complété tel que demandé.

[31]  Le 22 mai 2013, monsieur Gaétan Gagné a été cotisé pour un montant de 162 696,42 $ relativement à la taxe nette, ainsi que les intérêts et les pénalités y afférents, que la société 9129 aurait dû verser en vertu du paragraphe 228(2) de la LTA alors qu’il était administrateur de cette société.

[32]  Selon les informations au dossier, ni monsieur Gaétan Gagné et ses représentants, ni monsieur Jean‑François Gagné n’ont jamais mentionné, dans le cadre de leurs interventions auprès des représentants de l’Agence que monsieur Gaétan Gagné n’était pas administrateur de la société 9129.

[33]  Madame Chantal Thériault a témoigné à l’audience. Madame Thériault a expliqué qu’elle a effectué la vérification des déclarations de taxes de la société 9129 pour les périodes du 1er mars 2008 au 31 juillet 2010. La vérificatrice a indiqué qu’aucune déclaration de taxes a été produite après le 1er mars 2010 et qu’elle n’a pas eu accès aux registres comptables pour les années vérifiées. Aucune conciliation des déclarations de taxes n’a pu être effectuée. La vérificatrice a noté des écarts substantiels entre l’estimation des taxes à remettre par rapport aux revenus déclarés aux états financiers. Par conséquent, la société 9129 a été cotisée sur les écarts au niveau des taxes sur les ventes et les crédits sur intrants réclamés ont été refusés en totalité parce que la vérificatrice n’a pas eu accès aux factures, ni à aucun document comptable.

[34]  La vérificatrice a de plus noté dans son rapport que la société 9129 avait fait l’objet d’une vérification antérieure pour la période du 1er septembre 2004 au 30 novembre 2006 et que des taxes perçues et non remises avaient alors été cotisées. Il s’agissait donc ici d’une récidive justifiant l’imposition de la pénalité de l’article 285 de la LTA.

[35]  La vérificatrice a de plus précisé que la différence dans le calcul des taxes à remettre et des taxes à payer est basée sur les états financiers pro forma du 28 février 2010 et que, pour lannée suivante, la différence a été calculée sur une estimation, vu l’absence de registres comptables.

[36]  La vérificatrice a affirmé navoir jamais vu, dans le cadre de sa vérification, les états financiers pour les années 2008, 2009 et 2010 qui ont été produits par monsieur Gaétan Gagné au stade de l’opposition.

[37]  Me Simon Rocheleau a témoigné à l’audience. Il a traité le dossier de monsieur Gaétan Gagné au stade de l’opposition. Il a expliqué que, selon le registre des entreprises du Québec, monsieur Gaétan Gagné a été administrateur de la société 9129 jusqu’en 2012. Il n’a pas accepté l’avis de démission de monsieur Gaétan Gagné en tant qu’administrateur de la société 9129 entrant en vigueur le 8 décembre 2007 mais signé le 1er janvier 2008 à cause des incohérences dans les dates et du manque de suivi pour concrétiser la démission.

[38]  Me Rocheleau a de plus expliqué que les résolutions du conseil d’administration de la société, adoptées en date du 1er janvier 2008, officialisant la démission de monsieur Gaétan Gagné à titre d’administrateur de la société 9129 et nommant à titre de président de la société 9129, monsieur Jean‑François Gagné, lui ont été soumises par Me Dorais que le 1er mai 2014, soit onze mois après la production de l’avis d’opposition de monsieur Gaétan Gagné.

[39]  Me Rocheleau a également indiqué que les résolutions du conseil d’administration visées par le paragraphe précédent ont été signées par monsieur Jean‑François Gagné alors que ce dernier n’était même pas administrateur de la société 9129.

[40]  Lors du témoignage, Me Rocheleau a affirmé que les représentants et les conseillers du monsieur Gaétan Gagné n’ont jamais nié que ce dernier était l’administrateur de droit de la société 9129; leur position était plutôt d’affirmer que ce dernier n’a jamais posé de gestes comme administrateur de fait de la société 9129.  L’administrateur de fait de la société 9129 était plutôt Jean‑François Gagné qui gérait toutes les activités du restaurant.

Position des parties

L’appelante

[41]  L’appelante invoque les arguments suivants:

a)  monsieur Gaétan Gagné n’a jamais validement été nommé administrateur de droit de la société 9129 et, s’il l’a été, il a validement démissionné le 1er janvier 2008 faisant en sorte que la cotisation est prescrite au sens du paragraphe 323(5) de la LTA;

b)  monsieur Gaétan Gagné n’a jamais été administrateur de facto de la société 9129 et, si à un certain moment dans le temps, il l’a été, il a cessé de l’être dans les deux années précédant l’avis de cotisation du 22 mai 2013, faisant en sorte que la cotisation est prescrite au sens du paragraphe 323(5) de la LTA;

c)  monsieur Gaétan Gagné doit bénéficier du moyen de défense de diligence raisonnable parce qu’il a agi avec autant de soin, de diligence et compétence que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances, faisant ainsi en sorte qu’il n’a pu avoir connaissance d’une quelconque omission de la part de la société 9129;

d)  la cotisation à l’égard de la société 9129 est mal fondée considérant qu’elle a été établie à partir d’états financiers pro forma alors que les revenus réels du restaurant pour les périodes pertinentes sont beaucoup moindre et que la société 9129 a cessé ses activités en décembre 2009.

Pour l’intimée

[42]  La position de l’intimée repose sur les éléments suivants :

a)  monsieur Gaétan Gagné n’a jamais personnellement invoqué qu’il n’était pas administrateur de la société 9129. Dans l’avis d’opposition qu’il a signé de son vivant, monsieur Gaétan Gagné n’a pas nié qu’il était l’administrateur de la société 9129 et a plutôt invoqué la prescription de deux ans suite à sa démission en janvier 2008. De plus, comme trois avis de démission à titre d’administrateur de la société 9129 ont été mis en preuve, il est difficile de prétendre que ce dernier n’a jamais été administrateur de cette société;

b)  monsieur Gaétan Gagné a financé les opérations du restaurant de la société 9129 à la hauteur de 150 000 $. Il était donc normal qu’il ait été nommé administrateur de ladite société pour surveiller ses intérêts financiers;

c)  les inscriptions au registre des entreprises du Québec font preuve de leurs contenus face aux tiers de bonne foi;

d)  Me Dorais a admis à monsieur Simon Rocheleau que monsieur Gaétan Gagné était un administrateur de droit de la société 9129;

e)  l’appelante n’a pas démoli les hypothèses de fait du ministre que monsieur Gaétan Gagné était, au cours de la période en litige, actionnaire et administrateur de la société 9129 et l’appelante n’a pas prouvé les faits allégués dans son avis d’appel selon la prépondérance des probabilités. L’appelante n’a fourni aucune preuve à l’effet que monsieur Gaétan Gagné a exercé ses fonctions avec diligence et prudence d’une personne raisonnable dans les mêmes circonstances

f)  le ministre était bien fondé d’utiliser les états financiers pro forma de la société 9129 pour l’exercice financier terminé le 28 février 2010 car ils étaient les seuls états financiers disponibles lors de la vérification. Pour l’exercice financier subséquent, les numéros de taxes de la société 9129 ont été utilisés par la société 9225-0729 Québec Inc., une société contrôlée par monsieur Mario Bourgouin, un ami et ancien employé du restaurant. Cette utilisation des numéros de taxes de la société 9129 après décembre 2009 indiquent que la société 9129 a poursuivi ses opérations par l’intermédiaire d’un mandataire.

Le droit applicable

[43]  Les articles pertinents des lois applicables au présent litige sont les suivants : les paragraphes 299(1), (3) et (4), les paragraphes 323(1), (2), (3), (4) et (5) de la LTA, les articles 123.31, 123.32, 123.76, 123.81 de la partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec et l’article 82 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales.

[44]  Les articles de la LTA se lisent comme suit :

Ministre non lié

299(1) Le ministre n’est pas lié par quelque déclaration, demande ou renseignement livré par une personne ou en son nom; il peut établir une cotisation indépendamment du fait que quelque déclaration, demande ou renseignement ait été livré ou non.

[ . . .]

Cotisation valide et exécutoire

(3) Sous réserve d’une nouvelle cotisation et d’une annulation prononcée par suite d’une opposition ou d’un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire.

[ . . .]

Présomption de validité

(4) Sous réserve d’une nouvelle cotisation et d’une annulation prononcée lors d’une opposition ou d’un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire malgré les erreurs, vices de forme ou omissions dans la cotisation ou dans une procédure y afférent en vertu de la présente partie.

Responsabilité des administrateurs

323 (1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

Restrictions

(2) L’administrateur n’encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l’objet d’une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance.

Diligence

(3) L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

Cotisation

(4) Le ministre peut établir une cotisation pour un montant payable par une personne aux termes du présent article. Les articles 296 à 311 s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, dès que le ministre envoie l’avis de cotisation applicable.

Prescription

(5) L’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

[45]  Les articles de la Loi sur les compagnies du Québec sont les suivants :

123.31. Les tiers peuvent présumer que:

  la compagnie exerce ses pouvoirs conformément à ses statuts, à ses règlements et à la convention unanime des actionnaires ou à la déclaration visées dans l’article 123.91;

  les documents déposés au registre en vertu de la présente partie contiennent des informations véridiques;

  les administrateurs ou dirigeants de la compagnie occupent valablement leurs fonctions et exercent légalement les pouvoirs qui en découlent;

  les documents de la compagnie provenant d’un de ses administrateurs, dirigeants ou autres mandataires sont valides.

123.32. Les articles 123.30 et 123.31 ne s’appliquent pas aux tiers de mauvaise foi ou aux personnes qui auraient dû avoir une connaissance contraire en raison de leurs fonctions au sein de la compagnie ou de leurs relations avec cette dernière.

123.76. Malgré l’expiration de son mandat, un administrateur demeure en fonction jusqu’à ce qu’il soit réélu, remplacé ou destitué.

Il peut résigner ses fonctions en donnant un avis à cet effet.

123.81. Dans les 15 jours suivant tout changement dans la composition du conseil d’administration, la compagnie doit donner avis de ce changement en produisant une déclaration à cet effet conformément à la Loi sur la publicité légale des entreprises (chapitre P-44.1).

[46]  L’article 82 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales se lit comme suit :

82. Les informations relatives à chaque assujetti sont opposables aux tiers à compter de la date où elles sont inscrites à l’état des informations. Les tiers peuvent par tout moyen contredire les informations contenues dans une déclaration ou dans un document transféré au registraire en vertu de l’article 72, 72.1 ou 73.

Ces informations sont les suivantes:

  le nom de l’assujetti et, s’il a déjà été immatriculé, son numéro d’entreprise;

  tout autre nom qu’il utilise au Québec;

  la mention à l’effet qu’il est une personne physique qui exploite une entreprise ou, le cas échéant, la forme juridique qu’il emprunte en précisant la loi en vertu de laquelle il est constitué;

  son domicile;

  le domicile qu’il élit aux fins de l’application de la présente loi avec mention du nom du destinaire;

  le nom et le domicile de chaque administrateur en mentionnant la fonction qu’il occupe;

  le nom et le domicile du président, du secrétaire et du principal dirigeant, lorsqu’ils ne sont pas membres du conseil d’administration, avec mention des fonctions qu’ils occupent;

  le nom et l’adresse de son fondé de pouvoir;

  le nom, l’adresse et la qualité de la personne visée à l’article 5;

10°  l’adresse du principal établissement qu’il possède au Québec;

11°  le nom et le domicile de chaque associé avec mention qu’aucune autre personne ne fait partie de la société en distinguant, dans le cas d’une société en commandite, les commandités des commanditaires connus lors de la conclusion du contrat;

12°  l’objet poursuivi par la société;

13°  le nom de l’État où il a été constitué en personne morale et la date de sa constitution;

14°  le nom de l’État où la fusion ou la scission dont la personne morale est issue s’est réalisée, la date de cette fusion ou scission ainsi que le nom, le domicile et le numéro d’entreprise de toute personne morale partie à cette modification;

15°  la date de sa continuation ou de toute autre transformation.

Seules les informations visées au deuxième alinéa font l’objet de la déclaration de société et de la déclaration modificative, aux fins de l’application de l’article 2195 du Code civil.

Analyse

[47]  La première question à résoudre dans ce litige est celle de savoir si monsieur Gaétan Gagné était administrateur de la société 9129 entre le moment où, selon le registre des entreprises du Québec, ce dernier a été inscrit comme administrateur, soit le 26 juin 2006, et le moment où ce dernier a été retiré à titre d’administrateur, soit le 9 février 2012.

[48]  Monsieur Gaétan Gagné a été inscrit au registre des entreprises du Québec comme actionnaire majoritaire et administrateur unique de la société 9129 en remplacement de Jean-François Gagné suite à une déclaration modificative signée par Léa D’Amboise en date du 26 juin 2006.

[49]  Monsieur Gaétan Gagné a été inscrit de nouveau au registre des entreprises du Québec comme actionnaire et administrateur de la société 9129 en remplacement de Jean-François Gagné suite à un mandat de Jean-François Gagné à Me Dorais. La motivation de Jean-François Gagné semble avoir été de vouloir protéger la créance de son père qui lui avait prêté de l’argent pour financer les opérations du restaurant. Selon la preuve, les formalités corporatives pour que monsieur Gaétan Gagné devienne actionnaire et administrateur de la société 9129 n’ont pas été exécutées et rien dans la preuve indique que monsieur Gaétan Gagné ait consenti à devenir actionnaire et administrateur de la société 9129.

[50]  L’affidavit de Me Dorais à l’effet que monsieur Gaétan Gagné aurait été nommé par erreur comme administrateur de la société 9129 ne peut avoir de force probante dans les circonstances parce que Me Dorais n’a pas effectué une vérification de ses dossiers et s’est tout simplement fié aux dires de Jean-François Gagné.

[51]  Dans les circonstances, il m’apparaît être très plausible que monsieur Gaétan Gagné ait été nommé administrateur de la société 9129 vu que ce dernier détenait plus de 50 % des actions votantes de la société 9129.

[52]  Comme les informations relatives à la société 9129 contenus au registre des entreprises du Québec font preuve de leur contenu et sont opposables aux tiers de bonne foi, l’Agence était pleinement justifiée de considérer monsieur Gaétan Gagné comme étant administrateur de la société 9129.

[53]  Le statut de monsieur Gaétan Gagné en tant qu’administrateur de la société 9129 a, par ailleurs, été confirmé par les différents documents de démission mis en preuve. Il y a d’abord eu l’avis de démission intervenu le 1er janvier 2008 signé par monsieur Gaétan Gagné annonçant sa démission prenant effet le 8 décembre 2007. En second lieu, il y a eu les résolutions du conseil d’administration de la société 9129 adoptées en date du 1er janvier 2008 en vertu desquelles la démission de Gaétan Gagné à titre d’administrateur de la société 9129 a été acceptée et la nomination de Jean-François Gagné à titre de président de la société 9129 en remplacement de Gaétan Gagné a été confirmée. Ces résolutions sont intervenues le 1er janvier 2008 et ont été signées par Jean-François Gagné alors qu’il n’était pas élu administrateur de ladite société. L’inscription de la démission de monsieur Gaétan Gagné au registre des entreprises du Québec n’a été effectuée que le 9 février 2012.

[54]  Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que monsieur Gaétan Gagné a été administrateur de jure de la société 9129 jusqu’au 9 février 2012, soit dans les deux années précédant l’avis de cotisation du 22 mai 2013. Par conséquent, la cotisation du 22 mai 2013 n’était pas prescrite au sens du paragraphe 323(5) de la LTA.

[55]  Ayant conclu que monsieur Gaétan Gagné était administrateur de jure de la société 9129 au cours de la période visée, il n’est pas nécessaire de considérer si ce dernier était administrateur de facto de ladite société. Selon la preuve au dossier, il est clair que Jean-François Gagné agissait à titre d’administrateur de facto de la société 9129 au cours de la période visée.

[56]  Bien que monsieur Gaétan Gagné ait posé certains gestes pour aider la société 9129 à rencontrer ses obligations financières, il n’y a rien dans la preuve qui démontre que monsieur Gaétan Gagné a exercé ses fonctions avec diligence et prudence d’une personne raisonnable dans les mêmes circonstances de façon à prévenir les manquements de la société 9129 à ses obligations fiscales. Dans les faits, monsieur Gaétan Gagné n’a posé aucun geste en ce sens, bien qu’il ait été au courant des difficultés financières de la société 9129.

[57]  En conclusion, toutes les conditions d’application de la responsabilité de monsieur Gaétan Gagné en tant qu’administrateur de la société 9129 ont été rencontrées :

a)  monsieur Gaétan Gagné était administrateur de jure de la société 9129 au cours de la période visée;

b)  la cotisation du 22 mai 2013 à l’encontre de monsieur Gaétan Gagné n’était pas prescrite;

c)  des certificats précisant les sommes dues par la société 9129 ont été enregistrés à la Cour fédérale en application de l’article 316 de la LTA et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de ces sommes; et

d)  monsieur Gaétan Gagné ne peut se prévaloir du moyen de défense de diligence raisonnable.

[58]  L’utilisation des états financiers pro forma de la société 9129 pour l’exercice financier terminé le 28 février 2010 était justifiée dans les circonstances puisqu’ils étaient les seuls états financiers disponibles lors de la vérification fiscale par l’Agence et que la vérificatrice n’a pas eu accès aux registres comptables pour les années vérifiées. Un contribuable ne peut invoquer sa propre turpitude et réclamer des ajustements par la suite.

[59]  Quoiqu’il en soit, comme le précise le paragraphe 299(1) de la LTA, le ministre n’est pas lié par quelque déclaration d’un contribuable et peut établir une cotisation indépendamment du fait que la société 9129 a produit sa déclaration de revenu et ses états financiers pour l’exercice financier terminé le 28 février 2010 après la fin de la vérification. Il y a également lieu de souligner ici, qu’en vertu du paragraphe 299(4) de la LTA, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré qu’elle comporte des erreurs, des vices de forme ou des omissions.

[60]  Pour toutes ces raisons, l’appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2020.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2020 CCI 111

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-4361(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

SUCCESSION DE FEU GAÉTAN GAGNÉ ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 14 novembre 2019

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 17 novembre 2020

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Etienne Paradis

Me Dominique Zaurrini

Avocat de l'intimée :

Me Alnashir Tharini

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Noms :

Me Etienne Paradis

Me Dominique Zaurrini

Cabinet :

Zaurrini Avocats

Laval, Québec

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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