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Dossier : 2017-345(GST)G

ENTRE :

CARVEST PROPERTIES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 9, 10, 11 et 12 septembre 2019, à London (Ontario) et les 20 et 21 octobre 2020, à Ottawa (Ontario); observations finales reçues le 7 décembre 2020.

En présence de madame la juge Gabrielle St-Hilaire


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me David D. Robertson

Me Steven Raphael (audiences tenues en 2019)

Me Maude Lussier-Bourque (audiences tenues en 2020)

Me Brittany Rossler (audience tenue le 20 octobre 2020)

Avocats de l’intimée :

Me Martin Beaudry

Me Alexander Nguyen (audiences tenues en 2019)

Me Judith Lemieux (audiences tenues en 2020)

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies relativement à la taxe sur les produits et services sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise à l’égard des périodes de déclaration comprises entre le 1er décembre 2008 et le 30 juin 2009 est rejeté.

Compte tenu des concessions faites au début de l’audience :

  • i) l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation compte tenu du fait que les nouvelles cotisations à l’égard des périodes de déclaration comprises entre le 1er juillet 2009 et le 31 juillet 2011, y compris les nouvelles cotisations relatives aux demandes de remboursement pour le nouvel immeuble d’habitation locatif, sont annulées;

  • ii) l’appel à l’égard de la période de déclaration commençant le 1er décembre 2011 et se terminant le 31 décembre 2011 est rejeté.

Les dépens sont adjugés à l’intimée. Les parties disposent d’un délai de 30 jours suivant la date du jugement pour parvenir à un accord sur les dépens et en informer la Cour, à défaut de quoi l’intimée disposera alors d’un délai additionnel de 30 jours pour déposer et signifier ses observations écrites sur les dépens; et l’appelante, d’un autre délai de 30 jours pour déposer et signifier sa réponse écrite. Ces observations ne doivent pas dépasser dix pages. Si les parties n’informent pas la Cour qu’elles sont parvenues à un accord et qu’il n’y a pas de dépôt d’observations dans les délais mentionnés précédemment, les dépens seront adjugés à l’intimée selon le tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 2021.

« Gabrielle St-Hilaire »

La juge St-Hilaire

Table des matières

 

I. Introduction 1

II. Questions préliminaires 2

III. Question en litige 2

IV. Résumé des faits 3

V. Discussion 4

A. Cadre législatif – Règles sur la fourniture à soi-même 4

B. Techniques d’évaluation reconnues 11

C. Évaluation de l’immeuble de la rue Richmond 12

(1) Technique d’évaluation utilisée par Carvest – méthode du prix coûtant majoré de 6 % 12

(2) Technique d’évaluation de l’expert indépendant, M. Grant Uba – technique du revenu 20

(3) Technique d’évaluation de l’ARC – technique de la parité 22

(4) Observations des parties sur l’évaluation et les conclusions de l’ARC 26

i) Technique d’évaluation 27

ii) Comparables 34

iii) Escompte d’absorption 36

VI. Conclusion 38

VII. Dépens 39

 

 


Référence : 2021 CCI 21

Date : 20210318

Dossier : 2017-345(GST)G

ENTRE :

CARVEST PROPERTIES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge St-Hilaire

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’un appel interjeté par Carvest Properties Limited (ci-après, l’appelante) à l’encontre des nouvelles cotisations établies sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise [1] (LTA) à l’égard des périodes de déclaration comprises entre le 1er décembre 2008 et le 31 décembre 2011.

[2] Carvest, une société ontarienne fondée en 1986 par M. Joseph Carapella, exerce ses activités dans le secteur de la promotion immobilière et de la location résidentielle dans le sud de l’Ontario. Au fil des ans, Carvest a construit plus de cinquante immeubles d’habitation ainsi que sept ou huit immeubles en copropriété.

[3] En fin de compte, la présente affaire porte sur la juste valeur marchande (JVM) des logements loués enregistrés à titre de logements en copropriété dans un immeuble d’habitation qui est assujetti aux règles sur la fourniture à soi-même prévues à l’article 191 de la LTA.

[4] En produisant ses déclarations relatives à la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée (la TPS/TVH) pour les périodes en cause dans le présent appel, Carvest a établi elle-même sa cotisation au titre de la TPS/TVQ en fonction de la JVM de l’ensemble de l’immeuble, déterminée par ce qui sera appelé la méthode du prix coûtant majoré de 6 %. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de Carvest pour un montant supplémentaire de TPS/TVH en fonction de la JVM déterminée selon la technique de la parité appliquée aux logements individuels en copropriété.

II. Questions préliminaires

[5] Au début de l’audience, les parties ont informé la Cour que certaines périodes de déclaration n’étaient plus en cause. Compte tenu des concessions faites par l’intimée, les nouvelles cotisations au titre de la TPS/TVH pour les périodes comprises entre le 1er juillet 2009 et le 31 juillet 2011 (périodes portant les numéros 8 à 32 à l’annexe A) sont annulées. Les nouvelles cotisations relatives aux demandes de remboursement pour le nouvel immeuble d’habitation locatif pour ces périodes sont également annulées.

[6] Pour des raisons d’efficacité, l’appelante a abandonné son appel à l’égard de la période de déclaration comprise entre le 1er décembre et le 31 décembre 2011 (période portant le numéro 33 à l’annexe A). Par conséquent, l’appel à l’égard de cette période est rejeté.

[7] Compte tenu des concessions faites au début de l’audience, les nouvelles cotisations en cause devant la Cour sont celles au titre de la TPS à l’égard des périodes déclaration comprises entre le 1er décembre 2008 et le 30 juin 2009 (voir l’annexe B). La réduction des périodes de déclaration visées par l’appel fait en sorte que, sur les 675 logements des quatre immeubles d’habitation initialement en cause, il en reste 89 en cause dans un seul immeuble.

III. Question en litige

[8] La question centrale dont la Cour est saisie est de savoir si le ministre a correctement déterminé la JVM des logements en copropriété situés au 1985, rue Richmond, à London (Ontario), en établissant une cotisation au titre de la TPS pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er décembre 2008 et le 30 juin 2009 (ci-après, les périodes pertinentes). Plus précisément, la question en litige porte sur la technique d’évaluation qu’il convient d’appliquer pour déterminer la JVM des logements enregistrés à titre de logements en copropriété dans un immeuble d’habitation lors de l’application des règles sur la fourniture à soi-même prévues à l’article 191 de la LTA.

[9] Dans le cadre du régime d’autocotisation au moyen de la méthode du prix coûtant majoré de 6 %, Carvest a établi la JVM de l’ensemble de l’immeuble, y compris l’ensemble des 137 logements, comme étant 22 043 071,65 $ [2] . En appliquant la technique de la parité, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a déterminé que la valeur combinée des 137 logements s’élevait à 33 850 000 $ [3] .

IV. Résumé des faits

[10] Au cours de l’audience qui a duré six jours, la Cour a entendu sept témoins, quatre témoins de l’appelante et trois de l’intimée. Un nombre d’heures considérable a été consacré aux témoignages visant apparemment à établir une stratégie continue [4] , un mode de comportement adopté par les représentants de l’ARC concernant les immeubles qui n’étaient pas visés par l’appel. Certains de ces immeubles avaient déjà fait l’objet d’oppositions, d’appels et de règlements. Plus important encore, d’autres immeubles étaient visés actuellement par une vérification et dont les éléments de preuve documentaire et les témoignages n’étaient pas autorisés. D’après ce qui a été dit lors de l’audience, je suis d’avis que ces éléments de preuve ne sont pas particulièrement utiles pour trancher la question soulevée dans le présent appel parce que la conduite du ministre ou des représentants de l’ARC n’est pas pertinente quant à la question de la juste valeur marchande de l’immeuble en cause ni à celle de la technique d’évaluation à appliquer en l’espèce.

[11] Selon le fondateur et président de Carvest, M. Joseph Carapella, Carvest fait la promotion et la location d’immeubles d’habitation qu’il possède dans le sud de l’Ontario depuis plus de 30 ans.

[12] L’immeuble en cause dans le présent appel est un immeuble d’habitation de 12 étages comprenant 137 logements, situé au 1985, rue Richmond, à London (Ontario). Carvest a entamé les premières étapes en faisant la promotion de ce projet, en achetant les permis et en faisant l’acquisition du terrain en deux étapes, entre 2003 et 2005. L’immeuble était prêt à être occupé à la fin de 2008.

[13] Carvest fait partie du groupe Tricar [5] . Le groupe Tricar a conclu des conventions de location pour l’immeuble de la rue Richmond, et le premier bail de location, daté du 19 octobre 2008, visait l’occupation du logement 101 pour une durée d’un an commençant le 1er décembre 2008 [6] .

[14] Pendant plusieurs années, les locateurs de London, en Ontario, et des autres municipalités environnantes enregistraient leurs immeubles d’habitation selon des plans de copropriété afin de s’assurer que leurs immeubles étaient évalués en fonction du taux résidentiel plutôt que du taux commercial aux fins des taxes municipales. Cela s’est poursuivi jusqu’en 2017, année à laquelle le gouvernement de l’Ontario a modifié la législation applicable afin d’interdire aux municipalités de percevoir des impôts fonciers sur les immeubles d’habitation à logements multiples à un taux d’imposition municipal supérieur à celui imposé aux immeubles résidentiels [7] .

[15] Par l’intermédiaire de son nu-fiduciaire 1967 Richmond London Limited, Carvest a enregistré le plan de copropriété pour l’immeuble de la rue Richmond, le 7 mai 2009 [8] . Dans son témoignage, M. Carapella a déclaré qu’il n’a jamais eu l’intention de vendre les logements individuels, mais qu’il les a enregistrés comme logements en copropriété pour qu’ils soient imposés selon le taux d’imposition municipal résidentiel, qui était environ la moitié du taux commercial.

V. Discussion

A. Cadre législatif – Règles sur la fourniture à soi-même

[16] L’espèce porte sur l’application des règles sur la fourniture à soi-même prévues à l’article 191 de la LTA.

[17] De façon générale, les règles sur la fourniture à soi-même ont pour objet de veiller à ce que la TPS/TVH se rattache à la construction ou aux rénovations majeures d’un immeuble d’habitation occupé ou loué par le constructeur. Pour ce faire, la LTA présume qu’une vente a eu lieu : le constructeur est réputé avoir effectué une fourniture taxable au moyen de la vente de l’immeuble d’habitation et du rachat de cet immeuble. Le constructeur est réputé avoir payé, à titre d’acquéreur de la fourniture, et perçu, à titre de fournisseur la TPS/TVH. En clair, le constructeur est réputé s’être vendu à lui-même l’immeuble. Le montant de taxe réputé avoir été payé et perçu est calculé sur la JVM de l’immeuble et est inclus dans la taxe nette calculée conformément à l’article 225 de la LTA, et doit être versé à l’ARC.

[18] Dans l’arrêt Canada c. Polygon Southampton Development Ltd. [9] , le juge Malone, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a formulé les commentaires suivants sur l’objet des règles sur la fourniture à soi-même :

23. Dans mon analyse, ces règles pour les nouvelles habitations ont été mises en œuvre afin de mettre les bailleurs-constructeurs et les bailleurs non constructeurs ainsi que les occupants‑constructeurs et les occupants non constructeurs sur un pied d’égalité. Comme il a été mentionné ci-dessus, lorsqu’un constructeur bâtit une nouvelle habitation et la vend, la TPS est payable sur la vente. Par conséquent, une personne qui n’est pas un constructeur et qui souhaite acheter une nouvelle habitation et la louer à une autre personne ou l’occuper elle-même devrait payer la TPS sur son achat. Sauf les règles de la fourniture à soi-même, un constructeur qui loue ou occupe une nouvelle habitation aurait donc un avantage concurrentiel sur un non-constructeur en raison d’économies fiscales. En tant que telle, l’occupation ne créerait pas une fourniture taxable et la location de l’habitation à une autre personne serait exemptée de la TPS puisque les baux résidentiels sont exemptés en vertu de l’annexe V, partie 1, article 6. […] Ces dispositions ont un autre objectif : veiller à ce qu’une nouvelle habitation soit taxée à sa juste valeur marchande totale dès qu’elle est occupée en tant que nouvelle habitation afin qu’un bail ou une occupation personnelle ne soit pas un moyen de retarder l’application de la TPS ou d’en exempter l’application [10] .

[19] L’article 191 de la LTA dispose en partie :

191 (1) Pour l’application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d’un immeuble d’habitation – immeuble d’habitation à logement unique ou logement en copropriété – sont achevées en grande partie,

b) le constructeur de l’immeuble :

(i) soit en transfère la possession ou l’utilisation à une personne aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable (sauf un accord qui est connexe à un contrat de vente visant l’immeuble et qui porte sur la possession ou l’occupation de l’immeuble jusqu’au transfert de sa propriété à l’acheteur aux termes du contrat) conclu en vue de l’occupation de l’immeuble à titre résidentiel,

(ii) soit en transfère la possession ou l’utilisation à une personne aux termes d’une convention, sauf une convention portant sur la fourniture d’une maison mobile et d’un emplacement pour celle-ci dans un parc à roulottes résidentiel, portant sur l’une des fournitures suivantes :

(A) la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment dans lequel est située l’habitation faisant partie de l’immeuble,

(B) la fourniture par bail du fonds faisant partie de l’immeuble ou la fourniture d’un tel bail par cession,

(iii) soit, s’il est un particulier, occupe lui-même l’immeuble à titre résidentiel,

c) le constructeur, la personne ou tout particulier qui a conclu avec celle-ci un bail, une licence ou un accord semblable visant l’immeuble est le premier à occuper l’immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s’il est postérieur, le jour où la possession ou l’utilisation de l’immeuble est transférée à la personne ou l’immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d’acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour-là.

Fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation à logements multiples

(3) Pour l’application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d’un immeuble d’habitation à logements multiples sont achevées en grande partie,

b) le constructeur de l’immeuble :

(i) transfère à une personne, qui n’est pas l’acheteur en vertu du contrat de vente visant l’immeuble, la possession ou l’utilisation d’une habitation de celui-ci aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable conclu en vue de l’occupation de l’habitation à titre résidentiel,

(i.1) transfère à une personne la possession ou l’utilisation d’une habitation de l’immeuble aux termes d’une convention prévoyant :

(A) d’une part, la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment faisant partie de l’immeuble,

(B) d’autre part, la fourniture par bail du fonds faisant partie de l’immeuble ou la fourniture d’un tel bail par cession,

(ii) étant un particulier, occupe lui-même à titre résidentiel une habitation de l’immeuble,

c) le constructeur, la personne ou tout particulier qui a conclu avec celle-ci un bail, une licence ou un accord semblable visant l’immeuble est le premier à occuper l’immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s’il est postérieur, le jour où la possession ou l’utilisation de l’immeuble est transférée à la personne ou l’immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d’acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour-là.

[20] Le paragraphe 191(1) de la LTA s’applique à un immeuble d’habitation à logement unique ou à un logement en copropriété. Le paragraphe 191(3) de la LTA s’applique à un immeuble d’habitation à logements multiples au sens du paragraphe 123(1) : « Immeuble d’habitation, à l’exclusion d’un immeuble d’habitation en copropriété, qui contient au moins deux habitations ». Par conséquent, en termes simples, en l’espèce, ce qui est pertinent de retenir est que le paragraphe 191(3) s’applique aux immeubles d’habitation tandis que le paragraphe 191(1) s’applique aux logements en copropriété.

[21] Bien que les deux dispositions prévoient des règles sur la fourniture à soi-même qui obligent le constructeur à établir une autocotisation de la taxe sur la JVM de l’immeuble, il y a une importante distinction à faire. Selon le paragraphe 191(3), le constructeur d’un immeuble d’habitation s’autocotise sur la JVM à l’égard de l’ensemble de l’immeuble au moment où le premier logement est loué, tandis que selon le paragraphe 191(1), le constructeur de logements en copropriété s’autocotise sur la JVM à l’égard de chaque logement en copropriété à mesure que chaque logement est loué.

[22] Les notes explicatives publiées par le ministre des Finances en mai 1990 confirment les énoncés généraux mentionnés précédemment et sont rédigées ainsi :

Paragraphe 191(1) Fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété

Ce paragraphe applique les règles sur la fourniture à soi-même à des immeubles d’habitation à logement unique qui sont nouvellement construits ou ont fait l’objet de rénovations majeures (maisons unifamiliales, maisons jumelées et maisons en rangée) et à des logements en copropriété. Selon ce paragraphe, le constructeur d’un immeuble ou d’un logement achevé en grande partie est réputé avoir effectué une fourniture taxable de l’immeuble ou du logement si ce dernier est loué ou, le constructeur étant un particulier, s’il est occupé par le constructeur à titre de résidence principale. Dans de telles circonstances, le constructeur est tenu de payer la TPS au dernier en date du jour où la construction ou les rénovations sont presque achevées, du jour où il permet à un tiers de prendre possession du logement aux termes du contrat de location ou du jour où le logement est occupé par le constructeur. La TPS doit être calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ou du logement à ce moment.

Paragraphe 191(3) Fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation à logements multiples

Dans le cas d’un immeuble d’habitation à logements multiples qui est achevé en grande partie, par exemple un immeuble d’appartements, ce paragraphe prévoit que le locateur-constructeur a effectué une fourniture taxable portant sur la totalité de l’immeuble dès qu’il loue le premier logement ou, si le constructeur est un particulier, dès qu’il est occupé par le constructeur. Le constructeur est tenu de payer la TPS sur la juste valeur marchande de l’immeuble à ce moment. Lorsque des logements sont loués avant que l’immeuble soit achevé en grande partie, les règles sur la fourniture à soi-même s’appliqueront au moment où les travaux sont achevés en grande partie [11] .

[23] Les deux parties conviennent que le paragraphe 191(1) de la LTA s’applique aux logements de l’immeuble de la rue Richmond. Ce qui semble compliquer les choses est le fait que Carvest a construit l’immeuble de la rue Richmond comme immeuble d’habitation locatif, mais l’a enregistré comme immeuble en copropriété pour des raisons de taxe municipale. Le paragraphe 191(3), qui s’applique aux immeubles d’habitation à logements multiples, exige que le constructeur établisse une autocotisation pour l’application de la TPS sur l’ensemble de l’immeuble. Le constructeur doit donc déterminer la JVM de l’ensemble de l’immeuble à ce moment. Toutefois, le paragraphe 191(1), qui s’applique aux logements en copropriété, exige que le constructeur établisse une autocotisation pour l’application de la TPS à l’égard de chaque logement dès qu’il est loué pour la première fois. Le constructeur doit donc déterminer la JVM de chaque logement à mesure qu’il est loué.

[24] Évaluer la JVM de logements en copropriété aux termes du paragraphe 191(1) de la LTA en tentant de considérer l’immeuble comme un immeuble d’habitation construit à des fins locatives, ce qui fait habituellement l’objet d’une autocotisation en tant qu’immeuble d’habitation à logements multiples suivant le paragraphe 191(3), équivaut à vouloir résoudre la quadrature du cercle. Si l’immeuble avait été un immeuble d’habitation à logements multiples, selon les règles sur la fourniture à soi-même, Carvest aurait été tenue d’établir une autocotisation pour l’application de la TPS et de déclarer la TPS sur la JVM de l’ensemble de l’immeuble une seule fois, et non sur la JVM de chacun des logements loués, ayant été loués sur une période d’environ 16 mois. L’immeuble qui fait toutefois l’objet du présent appel n’est pas un immeuble d’habitation à logements multiples.

[25] Comme je l’ai déjà mentionné, Carvest a enregistré les logements de l’immeuble de la rue Richmond selon un plan de copropriété, quoique pour des raisons de taxe municipale. Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée à l’audience, je conclus que Carvest avait l’intention d’enregistrer, et a enregistré les logements selon un plan de copropriété de sorte qu’ils répondent à la définition de logement en copropriété contenue au paragraphe 123(1) de la LTA [12] .

[26] Puisque les conditions d’application énoncées aux alinéas 191(1)a), b) et c) sont remplies, les alinéas d) et e) s’appliquent et le constructeur est présumé :

  • i) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble le jour où la construction est achevée en grande partie ou, s’il est postérieur, le jour où la possession ou l’utilisation de l’immeuble est transférée à la personne;

  • ii) avoir payé et perçu au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour-là.

[27] Selon ces dernières dispositions, une vente est réputée avoir eu lieu et le constructeur est tenu d’établir une autocotisation de la taxe sur la JVM des logements en copropriété à mesure que chaque logement est loué.

[28] Par conséquent, l’espèce porte sur la JVM des logements en copropriété de l’immeuble de la rue Richmond aux fins de l’application des règles sur la fourniture à soi-même énoncées au paragraphe 191(1) de la LTA. Par ailleurs, la présente affaire porte également sur la technique d’évaluation appropriée qui devrait être utilisée pour déterminer la JVM.

B. Techniques d’évaluation reconnues

[29] Les deux parties conviennent, et il s’agit du témoignage de l’évaluateur de l’ARC M. Don Duda et de l’évaluateur et expert indépendant M. Grant Uba, que de façon générale, trois techniques d’évaluation reconnues existent : i) la technique de la parité; ii) la technique du coût; iii) la technique du revenu. Dans leurs rapports d’évaluation de l’immeuble de la rue Richmond, MM. Duda et Uba décrivent les trois techniques [13] .

[30] Dans l’arrêt Southpark Estates Inc. c. Canada [14] , le juge Pelletier, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a présenté le bref résumé suivant pour décrire les trois techniques d’évaluation :

14 […] Pour obtenir une évaluation de la juste valeur marchande selon la technique du revenu, il est nécessaire de calculer le potentiel d’un bien immeuble à générer un profit, et de capitaliser ce profit en se basant sur le taux de rendement souhaité. Pour dire les choses simplement, lorsqu’un bien immeuble génère un profit de 100 000 $ par année, l’investisseur qui souhaite obtenir un rendement de 10 % sera disposé à payer 1 000 000 $ pour le bien en question. La technique du coût vise à déterminer la valeur du bien immeuble en évaluant ce qu’il en coûterait pour le remplacer par une nouvelle construction, et ce, sans déduction pour dépréciation. La technique de la comparaison des ventes a pour but de fixer la juste valeur marchande en comparant le bien immeuble en question à d’autres transactions de biens similaires sur le marché, sous réserve d’un rajustement afin de tenir compte des circonstances différentes [15] .

[Non souligné dans l’original.]

[31] Lors de l’audience, les parties ont présenté des éléments de preuve sur la technique d’évaluation utilisée à l’égard de l’immeuble de la rue Richmond par : i) Carvest (la méthode du prix coûtant majoré de 6 %); ii) l’expert indépendant de Carvest, M. Uba (la technique du revenu); iii) l’évaluateur de l’ARC, M. Duda (la technique de la parité). Je m’empresse d’ajouter que, même si l’appelante a demandé à la Cour de qualifier M. Uba comme témoin expert [traduction] « pour donner son opinion en tant qu’expert sur la juste valeur marchande des 89 logements en cause en l’espèce » [16] , l’appelante soutient maintenant que la JVM de l’immeuble de la rue Richmond, qui a fait l’objet d’une autocotisation par Carvest, est raisonnable, peu importe que M. Uba soit d’avis que la JVM devrait être plus élevée [17] . L’intimée soutient que M. Uba a évalué le mauvais immeuble et qu’il a utilisé la mauvaise technique d’évaluation. Elle demande à la Cour de ne pas tenir compte du rapport d’évaluation de M. Uba.

C. Évaluation de l’immeuble de la rue Richmond

(1) Technique d’évaluation utilisée par Carvest – méthode du prix coûtant majoré de 6 %

[32] Dans son autocotisation et sa déclaration de TPS, Carvest a déterminé la JVM des logements de l’immeuble de la rue Richmond selon la méthode du prix coûtant majoré de 6 %. Je souligne que l’appelante demande à notre Cour de conclure que la JVM qu’elle a établie selon la méthode du prix coûtant majoré de 6 % doit être privilégiée par rapport à la JVM établie par le propre expert indépendant de Carvest, M. Uba. Pour les motifs exposés ci-après, je rejette également l’évaluation faite par M. Uba. Carvest soutient que la méthode du prix coûtant majoré de 6 % est la technique appropriée pour déterminer la JVM des logements de l’immeuble de la rue Richmond. Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas d’accord.

[33] En appliquant la méthode du prix coûtant majoré de 6 %, Carvest a déterminé le coût de chaque logement en regroupant les coûts de construction de l’ensemble de l’immeuble, en ajoutant le profit théorique du constructeur de 6 % et la JVM du terrain évalué au moyen de la technique de la parité, puis en divisant le total par le nombre de logements [18] . Par conséquent, il semble que ce soit la seule technique qui diffère des trois techniques d’évaluation généralement reconnues et examinées précédemment.

[34] En établissant une autocotisation, Carvest a utilisé la même JVM pour chacun des logements, sans tenir compte de sa dimension et de la date à laquelle il a été loué, même si les 137 logements de l’immeuble de la rue Richmond étaient loués au cours des périodes de déclaration comprises entre le 1er décembre 2008 et le 1er avril 2010 [19] . Au cours de son contre-interrogatoire, M. Joseph Carapella a reconnu que les dimensions et le prix des logements variaient et qu’ils n’avaient pas la même valeur.

[35] À l’appui de sa thèse selon laquelle la méthode du prix coûtant majoré de 6 % est appropriée dans les circonstances, Carvest invoque les arguments suivants :

[TRADUCTION]

  • i) comme l’appelante s’est appuyée sur les directives que l’ARC lui a expressément fournies par écrit pour avoir recours à la méthode du prix coûtant majoré de 6 %, l’intimée ne peut établir une nouvelle cotisation à son égard d’une manière incompatible avec ses observations factuelles antérieures [20] ;

  • ii) en raison du moment exceptionnel au cours duquel l’autocotisation a été établie relativement à l’immeuble situé au 1985, rue Richmond, soit de décembre 2008 à juin 2009 [21] , au plus fort de la crise financière mondiale, la méthode du coût majoré de 6 % utilisée par l’appelante représentait raisonnablement la JVM des logements en cause à cette époque [22] .

[36] En rejetant la méthode du coût majoré de 6 %, l’intimée invoque les arguments suivants :

[TRADUCTION]

  • i) l’appelante ne peut pas invoquer la théorie de la préclusion parce que, entre autres choses [23] :

  • a) elle n’a pas soulevé ce motif dans ses actes de procédure;

  • b) l’immeuble de la rue Richmond n’est pas visé par la lettre de M. Shannon;

  • c) même si c’était le cas, cela ne lierait pas le ministre ou la Cour;

  • ii) l’appelante ne devrait pas pouvoir s’appuyer sur cette méthode parce qu’elle est inadéquate et qu’aucun élément de preuve n’a été présenté quant à sa validité [24] .

[37] J’examinerai d’abord l’argument de l’appelante fondé sur la préclusion. Ce faisant, il est utile de rappeler ce qui a d’abord amené Carvest à avoir recours à la méthode du prix coûtant majoré de 6 %.

[38] Dans son témoignage, M. Carapella a déclaré qu’aux alentours de 1999, il ne s’entendait pas avec l’ARC sur la JVM des deux autres immeubles pour l’application de la TPS. L’un de ces immeubles était une maison en rangée à vocation locative (20 Chapman Court) et l’autre, une maison en rangée destinée à la location pour étudiants (190 Fleming Drive), toutes les deux situées à London, en Ontario, et enregistrées comme immeubles en copropriété. Comme ces immeubles généraient des revenus, Carvest a utilisé la technique du revenu pour déterminer leur JVM aux fins de l’autocotisation pour l’application de la TPS. Selon deux rapports d’évaluation de 1999 [25] , le prédécesseur de l’ARC, l’Agence des douanes et du revenu du Canada, a établi la JVM de ces immeubles selon la technique de la parité, qui produisait des valeurs supérieures à celles établies par Carvest.

[39] Ces immeubles ne font manifestement pas l’objet du présent appel. Elles sont toutefois pertinentes dans la mesure où l’appelante fait valoir que la préclusion empêche le ministre d’évaluer l’immeuble de la rue Richmond différemment de la technique convenue dans le but de régler le litige portant sur les immeubles des rues Chapman Court et Fleming Drive.

[40] Après avoir reçu les deux rapports d’évaluation, M. Donald S. Bryant, l’avocat de M. Carapella à l’époque, a convoqué une réunion avec M. Warren Shannon, le responsable de l’évaluation des biens immobiliers de Revenu Canada, à London. Après la réunion du 2 septembre 1999, M. Bryant a envoyé une lettre à M. Shannon étayant la position de son client selon laquelle les évaluations effectuées au moyen de la technique de la parité étaient inappropriées [26] . M. Bryant a mentionné que les immeubles en question avaient été construits à des fins locatives, mais qu’ils avaient été enregistrés à titre de logements en copropriété pour des raisons de taxe municipale.

[41] Dans l’incapacité de régler le différend au sujet des immeubles sur Chapman Court et Fleming Drive, Carvest s’est opposée aux nouvelles cotisations, et le ministre a confirmé ces dernières. Toutefois, après la tenue d’autres réunions et discussions avec M. Shannon, Carvest est parvenue à une entente, comme en fait foi la lettre de M. Shannon (la lettre de Shannon) en date du 15 février 2001, rédigée en partie comme suit [27] :

[traduction]

La présente confirme notre conversation du 14 février 2001 au sujet de la juste valeur marchande des immeubles locatifs résidentiels multifamiliaux aux fins de la TPS, compte tenu de la fourniture à soi-même.

Dans le cas d’un immeuble construit à des fins locatives à long terme, la juste valeur marchande de l’immeuble serait représentée par le coût, tel que défini dans la vérification menée par l’Agence, et aurait un rapport direct avec les crédits de taxes sur les intrants réclamés. Une somme de 6 % sera ajoutée à ce coût pour tenir compte des frais généraux et des bénéfices du constructeur, etc.

La valeur du terrain serait ajoutée à sa juste valeur marchande, déterminée par un évaluateur au moyen de la technique de la parité. Dans le cas de sites achetés à une date raisonnable de construction et dont les approbations ont été obtenues, le prix d’achat peut très bien représenter la juste valeur marchande.

Ces directives s’appliqueraient à vos immeubles des rues Chapman et Fleming, qui, selon ma compréhension, ont été confirmés par notre division des appels. Vous auriez la responsabilité de prendre toute autre mesure dans ces dossiers.

Vos immeubles qui sont en construction ou dont la construction est sur le point de commencer, destinés à la location à long terme, seraient considérés comme décrits précédemment. […]

[Non souligné dans l’original.]

[42] M. Carapella a déclaré qu’il était très heureux de ce résultat et il a établi une autocotisation relativement aux immeubles qu’il a construits à des fins locatives à long terme, bien qu’ils aient été enregistrés à titre de logements en copropriété au moyen de la technique appelée maintenant la méthode « du prix coûtant majoré de 6 % ». M. Carapella trouvait que cette méthode était encore mieux que la technique d’évaluation fondée sur le revenu parce qu’elle éliminait toute approximation dans le calcul de la JVM. Il a remis la lettre de M. Shannon au contrôleur de Carvest et lui a demandé de produire les déclarations de TPS de Carvest sont les directives de M. Shannon. Carvest soutient que la préclusion empêche maintenant le ministre d’évaluer l’immeuble de la rue Richmond au moyen d’une autre technique que la méthode du prix coûtant majoré de 6 %.

[43] L’intimée affirme que l’appelante ne peut se fonder sur la théorie de la préclusion parce qu’elle n’a pas été invoquée dans les actes de procédure. Bien qu’on puisse soutenir que l’appelante peut invoquer la préclusion du fait du comportement, sur la base de ses actes de procédure, je suis d’avis que l’argument fondé sur la préclusion ne tient pas pour plusieurs raisons. Plus important encore, cet argument ne tient pas parce que les éléments de preuve démontrent clairement que l’ARC a accepté d’appliquer la méthode du prix courant majoré de 6 % dans le but de régler le litige portant sur les immeubles des rues Chapman Court et Fleming Drive, qui ne sont pas visés par le présent appel. De plus, la lettre de Shannon datée du 15 février 2001 mentionne explicitement que cette méthode s’appliquera aux immeubles de Carvest [traduction] « en construction ou dont la construction est sur le point de commencer, destinés à la location à long terme ». En contre-interrogatoire, M. Joseph Carapella a reconnu, et les éléments de preuve le démontrent, que l’immeuble de la rue Richmond n’était pas « en construction ou dont la construction était sur le point de commencer » en 2001. Je conclus que la lettre de Shannon dans laquelle il est mentionné que la JVM serait déterminée au moyen de la méthode du prix coûtant majoré de 6 % ne visait pas l’immeuble de la rue Richmond.

[44] L’appelante fait valoir que le principe de la préclusion devrait s’appliquer afin d’empêcher le ministre d’établir de nouvelles cotisations [traduction] « d’une manière contraire aux déclarations de fait de ses représentants sur lesquelles l’appelante s’est fondée à son détriment ». Pour étayer sa position, l’appelante a fait référence à la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale Wilchar Construction Ltd. c. La Reine [28] , dans laquelle la Cour a ainsi résumé les éléments de la préclusion :

Les facteurs essentiels pour fonder une fin de non-recevoir sont [...] les suivants :

  • 1) Une affirmation [...] qui a pour but d’inciter la personne à qui elle est faite à adopter une certaine ligne de conduite.

  • 2) Une action [...] résultant de l’affirmation [...] de la part de la personne à qui l’affirmation est faite.

  • 3) Un préjudice causé à cette personne en conséquence de cette action [...] [29] .

[45] Je conclus qu’il n’y a eu aucune « affirmation ayant pour but d’inciter à adopter une certaine ligne de conduite » liée à l’immeuble de la rue Richmond. Au contraire, la lettre de Shannon limite expressément l’application de la méthode du prix coûtant majoré de 6 % aux deux immeubles qui faisaient l’objet du litige à l’époque, et aux deux immeubles en construction ou dont la construction était sur le point de commencer. L’appelante savait que ces immeubles ne comprenaient pas celui de la rue Richmond. Elle ne peut aujourd’hui prétendre qu’elle a agi à son détriment sur la base des déclarations des représentants du ministre.

[46] La préclusion ne peut l’emporter sur le droit. Dans l’affaire Goldstein c. Canada, le juge Bowman s’est dit d’avis que le principe de la préclusion du fait du comportement n’a aucune application « lorsqu’une interprétation particulière d’une loi a été communiquée à un sujet par un fonctionnaire de l’État, que le sujet s’est fondé sur cette interprétation à son détriment et que le gouvernement a ensuite retiré ou modifié l’interprétation » [30] . Ce n’est pas que la préclusion n’est pas recevable contre la Couronne, mais plutôt que la question de la préclusion ne peut se poser lorsque de telles déclarations ne sont pas conformes au droit [31] . Le ministre n’est pas lié par l’interprétation de la LTA donnée par M. Shannon. Selon un principe bien établi, le ministre a l’obligation de fixer le montant de l’impôt exigible d’après les faits qu’il établit et en conformité de son interprétation de la loi. En outre, si le ministre commet une erreur en établissant la cotisation d’un contribuable, « il n’est pas tenu de répéter cette erreur à perpétuité » [32] . Pour l’ensemble de ces motifs, l’argument de l’appelante fondé sur la préclusion doit être rejeté.

[47] Après avoir rejeté l’argument fondé sur la préclusion, la Cour doit maintenant examiner l’argument de l’appelante selon lequel la méthode du prix coûtant majoré de 6 % demeure une technique d’évaluation appropriée dans les circonstances. Je souscris à l’argument de l’intimée selon lequel aucun élément de preuve n’a été présenté concernant la validité de cette méthode, qui diffère de la technique du coût, l’une des techniques d’évaluation généralement reconnues.

[48] Le témoin expert de l’appelante, M. Grant Uba, a témoigné au sujet de la technique traditionnelle du coût de la façon suivante :

[traduction]

Q. Tout d’abord, en tant qu’évaluateur agréé, pouvez-vous expliquer à la Cour en quoi consiste la technique, la façon dont vous déterminez la juste valeur marchande d’un bien immobilier ou d’un immeuble résidentiel.

R. Madame la juge, il y a trois techniques traditionnelles en matière d’évaluation. Il y a la technique du coût. En résumé, cette technique estime d’abord la valeur marchande du terrain vacant. La prochaine étape de cette technique consiste à estimer le coût de remplacement des améliorations structurelles et des améliorations apportées au site.

La détermination de l’utilisation comme coût de remplacement dépend de la nature de l’affectation, mais une fois que ce coût a été déterminé, il s’agit de déterminer la dépréciation des améliorations structurelles et des améliorations apportées au site à l’égard d’éléments comme l’usure normale, l’obsolescence fonctionnelle qui serait, à titre d’exemple dans le cas d’une résidence, l’obligation d’avoir deux salles de bain de quatre appareils. L’immeuble en question ne peut qu’avoir une salle de bain et demie, alors il est possible que la question de l’obsolescence doive être examinée.

Un autre élément qui pourrait être examiné est l’obsolescence externe. Par exemple, si votre résidence est située à proximité d’une ligne de chemin de fer, sa valeur pourrait être diminuée. Donc, l’usure normale ainsi que l’obsolescence fonctionnelle et externe représentent le montant cumulé des amortissements. Cette somme est soustraite du coût de remplacement des améliorations structurelles et des améliorations apportées au site afin de déterminer le coût déprécié. La somme de ce coût déprécié et de la valeur du terrain représente la valeur marchande indiquée selon la technique du coût. La technique du coût est moins utilisée pour ce qui est des améliorations qui ont pris de l’âge. Des immeubles plus vieux. Généralement, la technique du coût est utilisée pour des types de structures à des fins particulières. Il peut s’agir d’une église ou d’un aréna, ce type de biens qui ne se vendent pas sur une base régulière [33] .

[49] En gardant à l’esprit qu’il procédait à l’évaluation de l’immeuble de la rue Richmond (et non des logements individuels), M. Uba a expliqué pourquoi il n’avait pas eu recours à la technique du coût de la façon suivante :

[traduction]

Q. Alors que nous comprenons désormais les trois techniques, laquelle de ces techniques avez-vous décidé d’utiliser pour évaluer les logements de l’immeuble situé au 1985, rue Richmond?

R. Je n’ai pas utilisé la technique du coût parce que cette technique n’aurait pas tenu compte de l’augmentation de la valeur de l’immeuble en question à des fins de location. La technique du coût aurait donné lieu à la valeur minimale de l’immeuble en question [34] .

[50] Dans son rapport d’évaluation de l’immeuble de la rue Richmond, M. Uba a indiqué que [traduction] « la technique du coût est appliquée pour estimer la valeur marchande des types d’immeubles qui ne sont pas souvent négociés sur le marché » [35] . Il a ajouté que « comme la technique du coût fournit une estimation de la valeur de l’intérêt en fief simple sur un immeuble, cette technique ne tient pas compte de la façon dont la location a une incidence sur la valeur d’un bien productif de revenu » [36] . J’ajouterais que tant les évaluateurs de l’ARC que MM. Ron Duda et James Rokeby ont déclaré que la technique traditionnelle du coût était inappropriée dans les circonstances [37] . MM. Uba, Duda et Rokeby ont tous convenu que la technique du revenu est celle qui est utilisée dans l’industrie pour déterminer la JVM des immeubles d’habitation productifs de revenus.

[51] Je conclus qu’aucun des témoins ayant procédé aux évaluations – ni ceux de l’ARC ni le témoin expert indépendant de l’appelante – ne s’est exprimé sur la validité de la méthode du prix coûtant majoré de 6 % appliquée par l’appelante. Je suis d’avis qu’il s’agissait d’une version modifiée de la technique du coût appliquée qui ne portait que sur un règlement négocié.

[52] Selon les éléments de preuve produits au procès, il est clair que la méthode du prix coûtant majoré de 6 % avait été acceptée par l’ARC pour établir la valeur de certains immeubles de Carvest pour les besoins du règlement. Il est également clair que l’intimée s’est dite d’avis que la méthode du prix coûtant majoré de 6 % n’était pas une technique d’évaluation et que, même si l’appelante avait eu recours à cette technique depuis le règlement fondé sur la lettre de Shannon, l’ARC n’était pas d’accord avec cette position [38] . Je conclus que la méthode du prix coûtant majoré de 6 % n’est pas une technique appropriée pour établir la JVM de l’immeuble de la rue Richmond. J’ajouterais que Carvest ne s’est pas autocotisée correctement sur la JVM à une date déterminée, le 1er décembre 2008, alors que, selon le paragraphe 191(1) de la LTA, Carvest était tenue de s’autocotiser sur la JVM de chaque logement loué, et il est clair que tous les logements n’étaient pas loués le 1er décembre 2008. En outre, Carvest a mal évalué l’ensemble des logements, à la même somme, sans tenir compte de la superficie des logements.

(2) Technique d’évaluation de l’expert indépendant, M. Grant Uba – technique du revenu

[53] J’estime que M. Uba est un témoin professionnel, honnête et crédible. M. Uba a été qualifié comme témoin expert indépendant par la Cour quant aux évaluations de biens immobiliers. Je note que l’intimée n’a soulevé aucune question concernant l’admissibilité de son témoignage en tant qu’expert. Toutefois, à l’instar des deux parties, j’ai également rejeté la détermination de la JVM de l’immeuble de la rue Richmond qu’a faite M. Uba pour les motifs exposés ci-après.

[54] M. Grant Uba est un évaluateur de biens immobiliers professionnel. Il détient plusieurs attestations professionnelles et est un évaluateur agréé par l’Institut canadien des évaluateurs (ICE) depuis 2003. M. Uba a été membre du conseil d’administration de l’ICE pendant six ans, et il fait actuellement partie du comité de décision qui enquête sur les plaintes contre les membres pour manquements aux normes en matière d’évaluation et aux règlements administratifs de l’ICE. L’appelante a retenu ses services pour qu’il procède à l’évaluation de l’immeuble de la rue Richmond [39] . L’appelante a également retenu ses services en 2013-2014 pour l’évaluation de l’immeuble situé au 335 Southdale Road West, à London, qui a fait l’objet d’un règlement dont il est fait référence plus loin.

[55] M. Uba a donné un aperçu des Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada (normes NUPPEC) [40] et a témoigné au sujet du processus qu’il a suivi pour déterminer la JVM de l’immeuble de la rue Richmond.

[56] Comme je l’ai déjà mentionné, M. Uba a expliqué qu’il n’avait pas utilisé la technique du coût parce que cette technique ne tient pas compte de la façon dont les revenus de location influent sur la valeur. M. Uba a également mentionné que la raison pour laquelle il n’avait pas eu recours à la technique de la parité pour déterminer la JVM de l’immeuble de la rue Richmond était qu’il n’y avait eu aucune vente d’immeubles comparables, soit des immeubles haut de gamme construits spécialement pour la location à London, en 2008 [41] . En contre-interrogatoire, M. Uba a déclaré qu’il utiliserait la technique de la parité s’il procédait à l’évaluation de la JVM d’un logement en copropriété que le propriétaire louait, mais dans l’intention de vendre.

[57] M. Uba a eu recours à la technique du revenu dans son évaluation de l’immeuble de la rue Richmond. Dans une lettre annexée au rapport, M. Uba a décrit l’objet de son évaluation de la façon suivante :

[traduction]

L’évaluation a pour objet d’estimer la valeur marchande rétrospective de l’immeuble en question [l’immeuble de la rue Richmond ] en date du 1er décembre 2008, afin de vous aider ainsi que la Cour canadienne de l’impôt à rendre compte de la taxe sur les produits et services (TPS) relativement à la fourniture à soi-même des logements de l’immeuble d’habitation à logements multiples dont le premier logement a été fourni par bail en date du 1er décembre 2008 [42] .

[58] Pour déterminer le taux de capitalisation globale, M. Uba s’est servi des données provenant de six ventes d’immeubles d’habitation conclues dans le sud de l’Ontario avant la date de prise d’effet, le 1er décembre 2008 [43] . L’application d’un taux de capitalisation de 7 % [44] au bénéfice d’exploitation net estimé de 1 696 220 $ a donné lieu à une valeur de 24 230 000 $ ou 176 861 $ par appartement [45] . M. Uba a alors déterminé la valeur de chaque logement en fonction de son nombre de pieds carrés.

[59] L’appelante soutient que, en raison du fait que les logements en copropriété ont fait l’objet d’une autocotisation au sommet de la crise financière, le prix coûtant majoré de 6 % représentait raisonnablement la JVM des logements de l’immeuble de la rue Richmond. Tout en reconnaissant que M. Uba était d’accord avec le fait que la technique du revenu était la principale technique d’évaluation utilisée par les investisseurs à l’égard des immeubles générant des revenus, selon l’appelante, la technique du revenu aurait été appropriée dans des conditions normales du marché. L’appelante s’est toutefois dite d’avis que, comme les conditions du marché n’étaient pas normales en décembre 2008, il était raisonnable d’utiliser la méthode du prix coûtant majoré de 6 % pour déterminer la JVM.

[60] L’intimée soutient que le rapport d’évaluation de M. Uba n’aide en rien, parce que ce dernier a évalué les mauvais droits de propriété à l’égard du mauvais immeuble. L’intimée affirme également que le rapport d’évaluation comporte des erreurs parce que M. Uba s’est fondé sur les données reçues de Carvest sans en vérifier l’exactitude, le bénéfice d’exploitation net dérivé et le taux de capitalisation des ventes liées aux immeubles entiers.

[61] J’estime que l’argument le plus convaincant en faveur du rejet du rapport d’évaluation de M. Uba est le fait qu’il a évalué le mauvais immeuble en évaluant l’ensemble de l’immeuble, comme s’il évaluait l’immeuble aux fins du paragraphe 191(3) de la LTA. Au cours du contre-interrogatoire de M. Uba et en faisant référence à son rapport, M. Uba a déclaré qu’on lui avait demandé de procéder à l’évaluation de l’immeuble situé au 1985, rue Richmond, et qu’il en avait fixé la valeur au 1er décembre 2008, la date ayant été choisie selon les directives de l’avocat de l’appelante qui avait demandé l’évaluation. Il a confirmé ne pas avoir utilisé la technique de la parité en raison de l’absence de ventes d’immeubles comparables. Je constate également que M. Uba a déclaré qu’il ne connaissait pas la différence entre l’évaluation d’un immeuble pour l’application du paragraphe 191(1) et du paragraphe 191(3) de la LTA. Personne ne conteste l’applicabilité du paragraphe 191(1) dans les circonstances de l’espèce. Comme je l’ai expliqué plus tôt dans les présents motifs, il s’ensuit que la JVM qui doit être déterminée pour l’application de cette disposition est celle de chacun des logements en copropriété, dans l’état où ils ont été loués, et non celle de l’ensemble de l’immeuble situé au 1985, rue Richmond, ce qui a fait l’objet de l’évaluation de M. Uba.

(3) Technique d’évaluation de l’ARC – technique de la parité

[62] En établissant la nouvelle cotisation de Carvest, l’ARC a déterminé la JVM de chaque logement en copropriété à compter de la date de la première occupation du logement [46] , en appliquant la technique de la parité.

[63] Carvest soutient que l’ARC a commis une erreur en se fondant exclusivement sur la technique de la parité, et que, bien que cette technique puisse être valable, l’évaluateur de l’ARC ne l’a pas appliquée correctement parce qu’il n’a pas eu recours au marché pertinent.

[64] L’intimée indique que l’évaluation que l’ARC a faite des logements est exacte parce qu’elle a appliqué la technique la plus appropriée pour l’évaluation de logements individuels en copropriété, qu’elle a analysé les ventes comparables pertinentes et qu’elle a appliqué une réduction raisonnable sur la quantité. Pour les motifs suivants, je suis d’accord.

[65] M. George Suntres, un vérificateur de l’ARC, a été chargé de procéder à une vérification de Carvest impliquant plusieurs immeubles, en août 2015. Il a déclaré que Carvest avait fait l’objet d’une cotisation en application du paragraphe 191(1), et non du paragraphe 191(3) de la LTA parce que chaque logement avait été enregistré à titre de logement en copropriété. M. Suntres a indiqué qu’il y avait eu de nombreuses rencontres au cours de la dernière vérification faite par M. Stone, et que l’ARC n’était pas d’accord avec la méthode du prix coûtant majoré de 6 % appliquée par Carvest [47] .

[66] M. Duda est un évaluateur de biens immobiliers à la retraite. Il a obtenu le titre d’évaluateur agréé aux environs de 2002 et a travaillé en pratique privée pendant quelques années avant de se joindre à l’ARC où il a passé les 16 dernières années de sa carrière avant de prendre sa retraite en 2018. M. Duda a effectué quelques centaines d’évaluations, parmi lesquelles entre une dizaine et une vingtaine touchaient aux dispositions de la LTA sur la fourniture à soi-même. Il a témoigné à titre d’expert en litige.

[67] Il a confirmé avoir préparé le rapport d’évaluation daté du 29 juillet 2013 [48] pour l’immeuble de la rue Richmond, à la demande du vérificateur de l’ARC, M. Anthony Stone. M. Duda a expliqué que les dates de prise d’effet dans son rapport étaient comprises entre le 1er décembre 2008 et le 1er avril 2010, dates auxquelles le premier et le dernier des 137 logements de l’immeuble de la rue Richmond avaient été loués. En appliquant la technique de la parité, M. Duda a déterminé la JVM des logements pour des valeurs comprises entre 119 845 $ et 417 586 $ [49] .

[68] M. Duda a déclaré qu’il n’avait pas utilisé la technique du coût ni celle du revenu parce que ces techniques d’évaluation ne sont pas utilisées sur le marché pour évaluer des logements individuels en copropriété. Il a expliqué qu’il n’avait pas utilisé la technique du revenu parce qu’on lui avait demandé d’évaluer la valeur de 137 logements en copropriété, et que les logements individuels en copropriété ne sont généralement pas négociés en fonction de leur potentiel de générer des revenus.

[69] En ce qui concerne sa décision d’appliquer la technique du coût, M. Duda a déclaré ce qui suit [50] :

[traduction]

Q. [...] Pourquoi n’avez-vous pas utilisé la technique du coût?

R. Parce qu’en procédant à l’évaluation de logements individuels en copropriété, vous ne pouvez pas n’en construire qu’un. Vous ne pouvez pas construire un appartement au 12e étage et vous dire qu’il vous en coûtera telle somme. Donc, la valeur de celui que j’évalue sera la même ou y ressemblera. Vous ne pouvez pas construire un logement individuel en copropriété isolément. Il y a beaucoup de structures de soutien, ce qui entraîne des coûts supplémentaires pour le logement en question. Donc, c’est considérable et c’est loin de représenter fidèlement la valeur. C’est pratiquement impossible à faire.

[70] M. Duda a reconnu que, dans son rapport, il a ainsi décrit l’objet de son évaluation : [traduction] « estimation de la valeur rétrospective de l’intérêt en fief simple sur des logements en copropriété dans l’immeuble en question » [51] . En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il aurait été préférable de dire [traduction] « intérêt condominial », ce qui est différent d’un intérêt en fief simple parce qu’il comporte des droits de propriété dans les parties communes de l’immeuble, ce dernier ayant été enregistré en tant que copropriété.

[71] M. Duda a formulé deux « hypothèses extraordinaires » [52] en évaluant l’immeuble. La première est qu’il n’y avait eu aucune modification majeure apportée à l’immeuble entre la date de l’inspection et celle de l’évaluation. La deuxième est qu’à la date de l’évaluation, une demande de copropriété était en cours, laquelle a été finalement approuvée en mai 2009.

[72] M. Duda a déclaré qu’il n’avait pas procédé à l’inspection intérieure de l’immeuble de la rue Richmond parce que ce dernier avait été vendu à un tiers. Son inspection se limitait à visionner une vidéo en ligne d’un appartement modèle offert en location au moment où il rédigeait son rapport ainsi qu’une inspection à partir de la rue. Dans son rapport, M. Duda a décrit l’immeuble et les finitions du logement qu’il avait vues dans la vidéo [53] . Il a déclaré qu’en faisant ses recherches, il a recueilli des renseignements de diverses sources, y compris le bureau d’enregistrement des actes, GeoWarehouse, la chambre immobilière de London, et la Société d’évaluation foncière des municipalités.

[73] En appliquant la technique de la parité, M. Duda a facilement trouvé presque 200 ventes individuelles dans trois immeubles de la région de London, qu’il a utilisés comme comparables. Les trois immeubles étaient situés au 353 Commissioners Road West, au 250 Pall Mall Street et au 435 Colborne Street. Je constate que les trois immeubles ont été construits pour la vente de logements en copropriété à des particuliers et qu’en outre, les deux premiers immeubles ont été construits par Carvest. M. Duda n’a pas vu l’intérieur des logements. Il a déclaré qu’il [traduction] « importait peu » de connaître en détail les comparables étant donné qu’il n’avait pas vu les logements de l’immeuble de la rue Richmond. Dans son rapport, il a indiqué que l’immeuble du chemin Commissioners et celui de la rue Colborne étaient de valeur inférieure, tandis que la valeur de celui de la rue Pall Mall était supérieure à celle de l’immeuble de la rue Richmond. Il a fourni des exemples de finitions pour étayer ses conclusions, mais a reconnu qu’elles se fondaient sur une visite virtuelle de certains logements [54] .

[74] M. Duda a divisé les comparables en cinq groupes en fonction de la dimension des logements et il a estimé une fourchette de prix par pieds carrés pour chacun des groupes [55] . Il a estimé le prix de chaque logement en comparant les logements de l’immeuble de la rue Richmond à ceux de ses comparables, puis il a procédé à des rajustements pour tenir compte des différences en matière de qualité des immeubles et des variations de prix sur le marché. En raison du fait que la valeur marchande avait augmenté au cours de la dernière partie de l’éventail des dates de prise d’effet, M. Duda a établi les prix estimatifs au 28 février 2009 et au 31 août 2009 [56] . Il a ensuite appliqué un escompte d’absorption de 6 % afin de tenir compte de l’arrivée de 137 logements sur le marché sur une période de 16 mois. Il a déclaré avoir tenu compte du jugement 27 Cardigan [57] , dans lequel la Cour d’appel fédérale a appliqué une réduction de 10 %. Il a souligné qu’il n’y avait pas tellement de recherches effectuées à ce sujet, mais que son collègue M. James Rokeby avait réalisé une étude et conclu qu’un escompte d’absorption se situant entre 0 et 6 % était approprié. Dans son rapport, M. Duda a écrit : [traduction] « selon les données du marché contenues dans l’analyse de M. Rokeby et en tenant compte des circonstances particulières entourant l’immeuble en question, un escompte d’absorption de 6 % a été jugé raisonnable » [58] .

[75] En contre-interrogatoire, M. Duda a affirmé que, si l’immeuble avait été un immeuble d’habitation et non un immeuble enregistré à titre d’immeuble en copropriété, il n’aurait pas abordé la question de l’évaluation de la même manière. Il a déclaré qu’il [traduction] « aurait appliqué une technique du revenu et, probablement, une technique de la parité si les ventes des comparables avaient été disponibles » [59] . M. Duda a expliqué qu’il aurait appliqué une technique du revenu parce que l’immeuble de la rue Richmond aurait été un immeuble à usage unique produisant des revenus, vendu en fonction de son potentiel de tirer un revenu pour le propriétaire-investisseur.

(4) Observations des parties sur l’évaluation et les conclusions de l’ARC

[76] En soutenant que la conclusion de l’ARC selon laquelle la JVM ne peut pas être maintenue, l’appelante adopte une approche selon laquelle la plupart des observations sont fondées sur ce que M. Rokeby a fait en évaluant deux immeubles qui ne sont pas visés par le présent appel. Je constate que les immeubles visés étaient ceux situés au 335 Southdale Road, à London et au 100 Eagle Street, à Cambridge, et que les appels interjetés à l’encontre de ces cotisations ont fait l’objet d’un règlement. Non seulement M. Rokeby n’était pas l’évaluateur des logements de l’immeuble de la rue Richmond, mais il n’était pas non plus l’évaluateur des trois autres immeubles initialement visés par le présent appel.

[77] Même si l’appelante semble avoir opté pour ce raisonnement en s’appuyant sur le fait que, selon elle, M. Duda a suivi la même approche que M. Rokeby, cela risque de compliquer les choses. Au final, ce qui compte est ce qu’a fait M. Duda en évaluant les logements de l’immeuble de la rue Richmond, peu importe qu’il ait appliqué la technique d’évaluation utilisée par d’autres évaluateurs à l’égard d’autres immeubles par le passé. Le seul immeuble visé par le présent appel est l’immeuble situé au 1985, rue Richmond, contenant des logements en copropriété. Je comprends que l’appelante a été en conflit avec l’ARC pendant plusieurs années et que de nombreux immeubles étaient en cause, dont certains étaient visés par des appels qui ont été réglés, et apparemment pas tous pour les mêmes motifs. J’ai cru comprendre à partir du témoignage livré au procès que les propriétaires de Carvest ressentent de la frustration envers le processus, mais je réitère que la seule question en litige dont la Cour est saisie porte sur la JVM des logements d’un seul immeuble, soit ceux qui ont été évalués par M. Duda.

[78] J’examinerai les observations des parties sur l’évaluation de l’ARC en trois parties, plus précisément, en examinant le caractère approprié : i) de la technique d’évaluation; ii) des comparables; iii) de l’escompte d’absorption.

i) Technique d’évaluation

[79] Précédemment dans les présents motifs, j’ai conclu que la technique du revenu utilisée par M. Uba et la méthode du prix coûtant majoré de 6 % utilisée par Carvest n’étaient pas des techniques d’évaluation appropriées dans les circonstances. Les évaluateurs qui ont témoigné ont tous convenu que la technique du coût n’était pas appropriée en l’espèce. Il reste donc à la Cour à examiner une seule technique, soit celle de la parité.

[80] Dans ses observations écrites, l’appelante a déclaré que la LTA ne définit pas la façon dont la JVM doit être déterminée pour l’application de l’article 191 et ne donne aucune directive à cet égard. Le paragraphe 123(1) de la LTA renferme une définition de la JVM applicable à l’ensemble de la partie IX, y compris l’article 191. Ce paragraphe est ainsi libellé :

Juste valeur marchande d’un bien ou d’un service fourni à une personne, abstraction faite de la taxe exclue de la contrepartie de la fourniture en application de l’article 154.

[81] Comme l’a déploré l’appelante, la définition de JVM dans la LTA donne peu de directives sur la façon de déterminer la JVM d’un immeuble pour l’application de l’article 191, de sorte que nous devons nous tourner vers la définition adoptée dans la décision Succession Henderson c. Canada (Ministre du Revenu national) [60] , citée et approuvée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur Général) c. Nash en ces termes [61] :

8 La définition généralement admise de la juste valeur marchande se trouve dans la décision du juge Cattanach, dans l’affaire Succession Henderson et Bank of New York c. M.R.N., 73 D.T.C. 5471, à la page 5476 :

La Loi ne donne aucune définition de l’expression « juste valeur marchande »; celle-ci a été définie de diverses façons, généralement selon ce qu’avait à l’esprit la personne cherchant à formuler la définition. Je ne crois pas nécessaire d’essayer de donner une définition précise de cette expression telle qu’employée dans la Loi; il suffit, me semble-t-il, de dire qu’il y a lieu de donner à ces mots leur sens ordinaire. Dans son sens courant, me semble-t-il, cette expression désigne le prix le plus élevé que le propriétaire d’un bien peut raisonnablement s’attendre à en tirer s’il le vend de façon normale et dans le cours ordinaire des affaires, le marché n’étant pas soumis à des pressions inhabituelles et étant constitué d’acheteurs disposés à acheter et des vendeurs disposés à vendre, qui n’ont entre eux aucun lien de dépendance et qui ne sont en aucune façon obligés d’acheter ou de vendre. J’ajouterais que cet exposé succinct de mon point de vue sur le sens à donner à l’expression « juste valeur marchande » comprend ce que j’estime être l’élément essentiel, soit un marché libre de toutes restrictions, où le prix est établi par le jeu de la loi de l’offre et de la demande entre des acheteurs et des vendeurs avertis et désireux d’acheter et de vendre.

[Non souligné dans l’original.]

[82] Après avoir constaté que la définition adoptée dans la décision Henderson est désormais considérée comme la définition de base de la JVM, la Cour d’appel fédérale a formulé les commentaires suivants à l’égard de son application :

Pour appliquer la définition de la juste valeur marchande proposée dans le jugement Henderson, il faut, dans un premier temps, identifier avec précision le bien dont on doit établir la juste valeur marchande. Ce n’est qu’une fois que ce bien a été identifié que l’on peut déterminer le marché dans lequel il est normalement vendu dans le cours ordinaire des affaires [62] .

[83] L’appelante soutient que M. Rokeby, et par analogie, je présume, M. Duda, n’a pas identifié correctement le bien [traduction] « comme étant l’intérêt en fief simple de chaque logement, contrairement à l’intérêt en fonds affermé, tel que l’exige l’article 191 » [63] . Si je comprends bien l’argument de l’appelante, les évaluateurs n’auraient pas correctement identifié le bien parce qu’ils n’ont pas tenu compte du fait que [traduction] « chacun des logements ainsi que l’ensemble de l’immeuble avait été conçu et construit à des fins locatives et que tous les logements appartenaient à un seul propriétaire » [64] . Ce qui, selon l’appelante, a fait en sorte que l’intimée ne cerne pas le bon marché dans lequel le bien est vendu.

[84] Selon l’appelante, il existe [traduction] « clairement deux marchés distincts de logements en copropriété à London (Ontario) », dont l’un est le marché de la vente ou de la revente [65] . L’appelante ne précise pas en quoi consiste le deuxième marché, mais il semblerait qu’il s’agisse du marché des logements dans les immeubles locatifs. Les deux marchés seraient donc les suivants : i) un marché pour la vente ou la revente de logements en copropriété destinés à la vente; ii) un marché pour la vente de logements destinés à la location.

[85] Comme les biens en question sont des logements en copropriété et non des logements dans des immeubles locatifs, je ne comprends pas qu’on puisse parler de deux marchés. Les logements qui font partie d’un immeuble locatif ne peuvent être vendus unité par unité, l’ensemble de l’immeuble devrait alors être vendu; il n’existe aucun marché pour ces logements individuels. Le deuxième marché auquel l’appelante semble se reporter est celui de la vente de logements destinés à la location, donc de la vente d’immeubles à logements, et ne s’applique simplement pas dans les circonstances.

[86] L’appelante critique le fait que, lorsqu’il a évalué les immeubles des rues Southdale et Eagle, M. Rokeby a choisi d’évaluer des logements dans [traduction] « trois immeubles en copropriété construits à cet effet » en ne tenant pas compte des autres immeubles locatifs générant des revenus. Toutefois, ceci ne tient pas compte du fait que M. Rokeby ne pouvait pas regarder du côté des ventes comparables de logements dans des immeubles locatifs, puisque ceux-ci ne sont pas offerts en vente en tant que logements individuels sur n’importe quel marché. L’appelante soulève vraisemblablement les mêmes critiques en ce qui a trait aux comparables choisis par M. Duda dans le cadre de son évaluation des logements de l’immeuble de la rue Richmond.

[87] Elle soutient que [traduction] « c’est l’utilisation prévue et réelle de l’immeuble résidentiel qui définit le marché dans lequel l’immeuble est vendu » [66] . L’appelante fait valoir que, dans l’arrêt Nash, la Cour d’appel fédérale a conclu que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur manifeste et dominante en acceptant des éléments de preuve fondés sur le marché de détail des gravures individuelles alors qu’il existait un marché normal pour l’achat de lots de gravures [67] . L’appelante a fait référence à la décision McCuaig Balkwill c. La Reine [68] , une affaire portant sur la JVM de vins donnés à des organismes de bienfaisance aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu [69] . Dans cette décision, le juge Boyle a écrit ce qui suit : « [d]e même, il est difficile d’imaginer les circonstances dans lesquelles il y aurait lieu de faire fi de marchés réels, fonctionnels et accessibles pour créer un indice indirect qui serait un monopole hypothétique ne comptant qu’un vendeur et qui serait basé sur une structure monopolistique d’établissement des prix [...] » [70] . Je m’empresse d’ajouter que le juge Boyle a fait référence à ce que la Cour d’appel fédérale a mentionné dans l’arrêt Nash, dans lequel le juge s’est exprimé ainsi : « [c]ependant, lorsqu’il existe un marché sur lequel sont négociés des biens correspondant à ceux qui font l’objet de l’évaluation, il n’est pas nécessaire de recourir à un indice indirect. Cependant, lorsqu’il existe un marché sur lequel sont négociés des biens correspondant à ceux qui font l’objet de l’évaluation, il n’est pas nécessaire de recourir à un indice indirect » [71] . Je suis d’accord avec l’opinion exprimée dans l’arrêt Nash et la décision McCuaig, selon laquelle il n’y a aucune raison de créer un indice indirect lorsqu’il existe un marché réel et fonctionnel. En l’espèce, il n’y a simplement aucun marché réel et fonctionnel destiné à la vente de logements individuels dans un immeuble d’habitation locatif, mais un tel marché existe pour les logements individuels en copropriété, soit le type d’immeuble évalué en l’espèce.

[88] Dans ses observations, l’appelante a cité la décision Marall Homes Ltd. c. Canada [72] , à titre d’illustration en ce qui a trait aux circonstances où la Cour émet des critiques à l’endroit d’un évaluateur de l’ARC pour avoir évalué l’immeuble en tant que logements en copropriété et ne pas avoir appliqué la technique du revenu. Je souligne que, dans la décision Marall, la Cour a conclu que l’immeuble était « construit à des fins locatives et qu’il s’agissait d’un immeuble d’habitation à logements multiples au sens du paragraphe 191(3) de la Loi sur la taxe d’accise » [73] . À la différence de la décision Marall, dans les circonstances de l’espèce, j’ai conclu que les logements de l’immeuble de la rue Richmond répondaient à la définition de logements en copropriété et qu’en outre, les parties ont convenu que le paragraphe 191(1) de la LTA s’appliquait. J’ajouterais que l’appelante demande également de se dissocier de l’évaluation de son expert indépendant, qui était fondée sur la technique du revenu.

[89] L’intimée soutient que, puisque les logements en copropriété sont exclus de la définition d’immeuble d’habitation à logements multiples, le paragraphe 191(1) de la LTA s’applique et le paragraphe 191(3) n’est pas pertinent. L’intimée a souligné que l’appelante convient que le paragraphe 191(1) est la disposition applicable dans les circonstances. Elle avance aussi que, malgré cela, l’appelante affirme essentiellement que les logements devraient néanmoins être évalués en tant que logements individuels dans un immeuble d’habitation, un immeuble d’habitation à logements multiples, et qu’il s’agissait là de leur utilisation prévue et réelle.

[90] L’intimée a indiqué que la location d’un logement en copropriété entraîne l’application des règles sur la fourniture à soi-même, mais que selon la législation, une vente est réputée avoir eu lieu.

[91] Le paragraphe 123(1) de la LTA définit ainsi le terme « vente » :

vente Y sont assimilés le transfert de la propriété d’un bien et le transfert de la possession d’un bien en vertu d’une convention prévoyant le transfert de la propriété du bien.

[92] Selon l’intimée, même si le terme « vente » peut être interprété comme faisant référence à un transfert de l’intérêt en fonds affermé ou de l’intérêt en fief simple, une interprétation téléologique du terme « vente » exige que le paragraphe 191(1) soit interprété comme signifiant que l’objet de la vente est l’intérêt en fief simple. Pour appuyer son point de vue, l’intimée renvoie à l’objet de la disposition qui est de placer dans la même situation un locateur-constructeur et un locateur non constructeur. Puisque [traduction] « un locateur non constructeur achète l’immeuble à des fins locatives, il achète l’intérêt en fief simple sur l’immeuble, et non l’intérêt en fonds affermé » [74] , la disposition doit être interprétée comme faisant référence au transfert de l’intérêt en fief simple. L’intimée renvoie également à l’énoncé de principe P-165R, dans lequel l’ARC déclare ce qui suit :

En règle générale, selon l’interprétation du Ministère, lorsque la LTA utilise le mot « vendu », ce mot désigne le transfert de la propriété avec tous les droits et domaines possibles à l’égard du bien, ou le transfert de la propriété avec le plus grand intérêt de propriété qui est possible dans notre régime.

[…]

En application du paragraphe 191(1), lorsqu’un constructeur fournit un bien par bail, il est réputé avoir effectué la fourniture taxable par vente. Dans ce cas, selon la position du Ministère, la vente réputée se rapporte au transfert de la pleine propriété du bien. L’objet est donc réputé être vendu, même s’il peut, en fait, être loué à bail [75] .

[93] En se fondant sur la décision 27 Cardigan, de la Cour canadienne de l’impôt l’intimée soutient que la seule technique appropriée visant à déterminer la JVM des logements en copropriété est celle de la parité [76] . Elle fait valoir que, dans les circonstances factuelles très semblables de la décision 27 Cardigan, la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale ont conclu, respectivement, que :

[TRADUCTION]

  • i) au moment d’évaluer un logement en copropriété pour l’application du paragraphe 191(1) de la Loi, la technique de la parité est la meilleure technique d’évaluation;

  • ii) une réduction appropriée sur la quantité devrait être envisagée, puis appliquée à la JVM obtenue selon la technique de la parité [77] .

[94] Dans la décision 27 Cardigan, la question en litige portait sur la JVM des logements en copropriété loués sur une période d’environ trois ans aux fins de l’application des règles sur la fourniture à soi‑même énoncées au paragraphe 191(1) de la LTA, une affaire qui n’est pas sans rappeler la présente. En ce qui concerne la technique d’évaluation, le regretté juge Bowie écrivait ce qui suit : « Je ne doute pas non plus que la meilleure méthode d’évaluation des logements soit la technique de parité qui consiste à comparer les ventes de logements similaires dans le même quartier, pendant la [même] période » [78] .

[95] Je conviens avec l’intimée que, dans la décision 27 Cardigan, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que la technique de la parité était la technique la plus appropriée. Je remarque cependant, comme l’appelante l’a fait, que la question de la technique d’évaluation appropriée visant à établir la JVM des logements n’a pas été soulevée devant la Cour d’appel fédérale. La Cour d’appel fédérale n’a examiné que la question de la pertinence d’appliquer un escompte d’absorption par le marché. Néanmoins, la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle la technique d’évaluation la plus appropriée des logements était celle de la parité, qui consiste à comparer les ventes de logements similaires, n’a pas été modifiée et la Cour d’appel fédérale a appliqué un escompte d’absorption à la JVM établie selon la technique de la parité [79] .

[96] Je conclus que l’immeuble à évaluer en l’espèce est un logement en copropriété et que le marché « normal » pertinent est celui de la vente de logements en copropriété. Je conclus également que la technique de la parité est la technique d’évaluation appropriée dans les circonstances de l’espèce. Aucun des éléments de preuve produits dans le cadre du présent appel ne m’a persuadée du contraire. Cette technique est, selon moi, appuyée par la décision 27 Cardigan de la Cour canadienne de l’impôt, qui n’a pas été modifiée par la Cour d’appel fédérale sur cet aspect [80] . Cette conclusion trouve également appui sur des passages de la publication Appraisal of Real Estate de l’ICE :

[traduction]

Pour évaluer des logements individuels en copropriété (résidentiel, bureau, industriel ou autres types d’immeubles), les évaluateurs utilisent généralement la technique de la parité. Les ventes récentes de logements de superficie, d’emplacement et de qualité comparables constituent les meilleurs indicateurs de la valeur.

[…]

La technique du coût ne s’applique généralement pas à l’évaluation de quelque type de logement en copropriété que ce soit parce qu’il est difficile d’estimer la valeur du site et de la valeur contributive des parties communes.

[…]

L’évaluation de logements individuels en copropriété se distingue de l’évaluation de l’ensemble d’un immeuble en copropriété. La somme des valeurs des logements individuels ne représente pas la valeur marchande de l’ensemble de l’immeuble, puisque la somme totale ne tient pas compte des coûts de possession, des dépenses de commercialisation ou du moment où les liquidités attribuées au projet deviennent disponibles. Il est inapproprié de faire valoir que la somme des valeurs des logements individuels est la valeur marchande de l’ensemble du projet. Dans le même ordre d’idées, les logements individuels ne sont pas évalués selon l’ensemble de l’immeuble, puis en répartissant entre eux la valeur globale de l’immeuble. Chaque mandat fait l’objet de considérations distinctes [81] .

[97] La question à examiner est donc de savoir si l’évaluateur de l’ARC, M. Duda, a appliqué correctement la technique, et plus précisément, s’il a utilisé les bons comparables et a fait les rajustements nécessaires.

ii) Comparables

[98] Comme je l’ai mentionné précédemment, M. Duda a déclaré qu’il avait trouvé 200 ventes individuelles dans trois immeubles, qu’il a utilisées comme comparables. Il a divisé les comparables en cinq groupes en fonction de la dimension des logements et il a estimé une fourchette de prix par pieds carrés pour chacun des groupes. Il a estimé le prix de chaque logement en comparant les logements de l’immeuble de la rue Richmond à ceux de ses comparables, puis il a procédé à des rajustements pour tenir compte des différences en matière de qualité des immeubles et des variations de prix sur le marché.

[99] Dans son rapport d’évaluation, M. Duda a reconnu qu’il devait effectuer des rajustements à la JVM pour tenir compte des différences entre les logements de l’immeuble de la rue Richmond et des comparables. Il a écrit ce qui suit :

[traduction]

Lorsque l’on établit des comparaisons, les différences entre l’immeuble en question et chacun de immeubles comparables devraient être reconnues et les rajustements nécessaires devraient être faits. Les immeubles comparables qui ressemblent le plus à l’immeuble en question nécessitent le moins de rajustements et constituent généralement les meilleurs indicateurs de la valeur marchande de l’immeuble faisant l’objet de l’évaluation [82] .

[100] Carvest soutient que les comparables utilisés par l’évaluateur n’étaient pas de [traduction] « vrais comparables » parce qu’il s’agissait de logements construits pour être vendus à des acheteurs individuels et comprenaient des améliorations et des finitions personnalisées.

[101] Adam Carapella, le fils de M. Joseph Carapella et vice-président de Carvest, a déclaré qu’il coûtait généralement plus cher de construire des copropriétés que des immeubles d’habitation. Il a décrit les coûts supplémentaires liés à l’enregistrement auprès de Tarion [83] , à la gestion des autorisations de modification et aux réparations pouvant être demandées par les acheteurs de logements en copropriété, de même que les coûts supplémentaires liés aux commodités (aires de repos, simulateurs pour le golf, salles de cinéma) et aux systèmes de chauffage et de climatisation. Adam Carapella a expliqué que les copropriétés nécessitent l’installation de dispositifs et d’éléments de finition améliorés et qu’un plus grand choix est offert aux divers acheteurs, selon leurs goûts. Dans un immeuble locatif, le constructeur choisit davantage d’éléments de finition économiques et durables pour l’ensemble des logements.

[102] Selon l’appelante, l’intimée n’a pas tenu compte des caractéristiques des logements, y compris le fait qu’ils ont été construits à des fins locatives avec des matériaux uniformisés de qualité inférieure, et qu’ils ne pouvaient pas être vendus parce qu’ils n’étaient pas enregistrés auprès de Tarion [84] .

[103] L’intimée fait valoir que les comparables étaient appropriés parce qu’ils constituaient des ventes de logements en copropriété dans des immeubles de grande hauteur semblables, situés dans la même région de London et construits à peu près à la même époque que l’immeuble de la rue Richmond.

[104] Je souligne que M. Uba a déclaré qu’il a réussi à visiter deux logements de l’immeuble de la rue Richmond par l’intermédiaire d’un agent de Killam, l’entreprise qui avait acquis l’immeuble en 2010. Dans son rapport, M. Uba a fourni une description des finitions effectuées dans les logements [85] . M. Uba considérait que l’immeuble en était un immeuble haut de gamme. Je constate également que, lorsque Killam a annoncé l’acquisition de l’immeuble de la rue Richmond dans le View Investor News, il a décrit cet immeuble comme étant un [traduction] « immeuble d’habitation luxueux » [86] .

[105] Je suis prête à reconnaître que les finitions dans les logements en copropriété de l’immeuble de la rue Richmond étaient uniformisées, tandis que celles des logements qui ont servi de comparables étaient probablement personnalisées selon les goûts des propriétaires, mais il ne s’ensuit pas nécessairement que les finitions de l’immeuble de la rue Richmond étaient de qualité inférieure. Je remarque en outre que M. Duda a conclu que deux des immeubles comparables étaient de qualité inférieure, et le troisième, de qualité supérieure. M. Duda a déclaré qu’il avait évalué la qualité des logements selon la qualité des immeubles, leur emplacement et leurs commodités, et en fonction des finitions qu’il avait vues à partir des visites virtuelles de certains logements. Il a de plus déclaré avoir effectué certains rajustements à la valeur estimative pour tenir compte de ces éléments.

[106] L’appelante n’a présenté aucun élément de preuve pour confirmer que ces rajustements n’étaient pas adéquats. Elle n’a pas non plus fait valoir qu’il aurait été plus approprié d’effectuer d’autres rajustements. La Cour ne peut donc s’appuyer sur aucun élément de preuve pour contester l’estimation que l’ARC a faite de la valeur des logements de l’immeuble de la rue Richmond en se fondant sur les comparables utilisés.

iii) Escompte d’absorption

[107] Comme je l’ai déjà mentionné, après avoir établi la JVM des logements en se fondant sur les comparables répertoriés dans la région de London, M. Duda a appliqué un escompte d’absorption de 6 %. Dans son rapport, M .Duda a indiqué que le marché était actif [87] , tout en reconnaissant que l’arrivée de 137 logements sur une période de 16 mois était [traduction] « d’une importance considérable ». Il a écrit : [traduction] « selon les données du marché contenues dans l’analyse de M. Rokeby et en tenant compte des circonstances particulières entourant l’immeuble en question, un escompte d’absorption de 6 % a été jugé raisonnable » [88] .

[108] Le seul élément de preuve présenté par l’appelante au sujet de la réduction sur la quantité était le témoignage de M. John Stein et la lettre qu’il a fait parvenir à l’ARC (lettre de EY) concernant les immeubles sur Southdale et Eagle [89] . M. Stein est un comptable professionnel agréé qui, après avoir pris sa retraite de EY, a continué à prêter main-forte à Carvest dans le cadre de son appel relatif à la TPS/TVH portant sur les immeubles des rues Southdale et Eagle. M. Stein a mentionné que, compte tenu du nombre de logements qui feraient leur apparition sur le marché dès 2007, il faudrait 73 ans et 54 ans, respectivement, pour que le marché absorbe les logements, et qu’un escompte de 90 % serait nécessaire. Comme je l’ai dit plus haut dans les présents motifs, ces immeubles, dont l’un est dans la région de London et l’autre, dans la région de Cambridge, avaient fait l’objet d’un règlement qui ne semble pas avoir fait entrer en jeu l’application de l’escompte d’absorption. L’appelante n’a pas expliqué la façon dont l’escompte d’absorption proposé à l’égard des immeubles sur Southdale et Eagle pourrait ou devrait guider la Cour dans les circonstances du présent appel. L’intimée a soutenu que l’analyse réalisée par EY comportait plusieurs lacunes.

[109] À l’audience, M. Rokeby a témoigné au sujet du mémoire qu’il a rédigé en réponse à la lettre de EY des appelantes. Dans son mémoire, il a déclaré que les données réelles du marché sur le volume des ventes de logements en copropriété dans le sud de l’Ontario indiquaient que peu ou pas de réduction n’avait été appliquée dans le marché réel pour la période en cause [90] . M. Rokeby a écrit que, malgré le fait que l’on ait mentionné l’arrivée de 1 841 logements dans la région de London, peu de données indiquaient une diminution de la valeur marchande des logements en copropriété [91] . Il a mentionné que, pendant la débâcle économique de 2008, les logements de l’un des immeubles comparables ont continué à se vendre, quoique plus lentement [92] . Finalement, M. Rokeby a déterminé qu’une réduction de 6 % sur la quantité était appropriée à l’égard de l’immeuble de la rue Southdale, tandis qu’une réduction de 2 % serait suffisante à l’égard de l’immeuble de la rue Eagle [93] .

[110] Dans l’arrêt 27 Cardigan, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’ajout de 187 logements sur une période d’environ deux ans et demi « [d]ans la mesure où cette fourniture aurait influencé à la baisse le prix de chaque logement, il faut en tenir compte pour l’établissement de la JVM de chacun d’entre eux » [94] . La Cour d’appel fédérale a estimé qu’une réduction de 45 % ne pouvait se justifier et, à l’instar du juge de la Cour canadienne de l’impôt, a conclu que s’il y avait lieu d’appliquer une réduction, elle devait être de 10 % [95] . Je souligne que M. Rokeby a déclaré que, dans l’arrêt Cardigan, le marché était beaucoup moins actif que la situation du marché qui prévalait dans les années 2008 et 2009.

[111] M. Duda a reconnu qu’une réduction devait être appliquée et que, selon les données du marché tirées de l’analyse de M. Rokeby et à la lumière des circonstances entourant l’immeuble de la rue Richmond, il a conclu qu’une réduction de 6 % était appropriée. L’appelante n’a produit aucun élément de preuve pour contester ce taux et n’a présenté aucune observation sur cette question. L’affirmation de M. Duda selon laquelle il a tenu compte des données du marché contenues dans l’analyse de M. Rokeby et des circonstances entourant l’immeuble de la rue Richmond n’a pas été contestée avec succès. Par conséquent, je conclus que la réduction de 6 % sur la quantité est appropriée dans les circonstances.

VI. Conclusion

[112] Je conclus que l’appelante n’a pas convaincu la Cour que la méthode du prix coûtant majoré de 6 % qu’elle a appliquée pour déterminer la valeur des logements en copropriété de la rue Richmond est une technique d’évaluation appropriée dans les circonstances. Je conclus également que la technique de la parité est la technique d’évaluation la plus appropriée pour déterminer la valeur des logements en copropriété de la rue Richmond aux fins de l’application des règles sur la fourniture à soi‑même énoncées au paragraphe 191(1) de la LTA. Je conclus qu’en ayant recours à cette technique, l’intimée a choisi les bons comparables et a effectué les rajustements nécessaires. L’appelante n’a présenté à la Cour aucun élément de preuve permettant de conclure que l’escompte d’absorption aurait dû être différent de celui que l’intimée a fixé à 6 %.

[113] Compte tenu de tout ce qui précède, l’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations de TPS établies sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes comprises entre le 1er décembre 2008 et le 30 juin 2009 est rejeté.

[114] Compte tenu des concessions faites au début de l’audience :

  • i) l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation compte tenu du fait que les nouvelles cotisations pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er juillet 2009 et le 31 juillet 2011, y compris les nouvelles cotisations relatives aux demandes de remboursement pour le nouvel immeuble d’habitation locatif, sont annulées;

  • ii) l’appel à l’égard de la période de déclaration commençant le 1er décembre 2011 et se terminant le 31 décembre 2011 est rejeté.

VII. Dépens

[115] Les dépens sont adjugés à l’intimée. Les parties disposent d’un délai de 30 jours suivant la date du jugement pour parvenir à un accord sur les dépens et en informer la Cour, à défaut de quoi l’intimée disposera alors d’un délai additionnel de 30 jours pour déposer et signifier ses observations écrites sur les dépens; et l’appelante, d’un autre délai de 30 jours pour déposer et signifier sa réponse écrite. Ces observations ne doivent pas dépasser dix pages. Si les parties n’informent pas la Cour qu’elles sont parvenues à un accord et qu’il n’y a pas de dépôt d’observations dans les délais mentionnés précédemment, les dépens seront adjugés à l’intimée selon le tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 2021.

« Gabrielle St-Hilaire »

La juge St-Hilaire

 

ANNEXE A

 

Numéro

Période de déclaration

No de référence de la cotisation (nouvelle cotisation)

1

01/12/2008 – 31/12/2008

09037008212310005

2

01/01/2009 – 31/01/2009

09070006512310001

3

01/02/2009 – 28/02/2009

09097004812310086

4

01/03/2009 – 31/03/2009

09127007712310086

5

01/04/2009 – 30/04/2009

09155013012310003

6

01/05/2009 – 31/05/2009

09187003812310016

7

01/06/2009 – 30/06/2009

09222004512310001

8

01/07/2009 – 31/07/2009

09247001312310009

9

01/08/2009 – 31/08/2009

09286007512310030

10

01/09/2009 – 30/09/2009

09307010412310076

11

01/10/2009 – 31/10/2009

09342011612310030

12

01/11/2009 – 30/11/2009

10012003312310019

13

01/12/2009 – 31/12/2009

10035009912310011

14

01/01/2010 – 31/01/2010

10070004512310096

15

01/02/2010 – 28/02/2010

10111001512310001

16

01/03/2010 – 31/03/2010

10127011712310008

17

01/04/2010 – 30/04/2010

10159002612310006

18

01/05/2010 – 31/05/2010

10179000412310008

19

01/06/2010 – 30/06/2010

10217009412310091

20

01/07/2010 – 31/07/2010

10242000132310069

21

01/08/2010 – 31/08/2010

10265000232310005

22

01/09/2010 – 30/09/2010

10300000232310689

23

01/10/2010 – 31/10/2010

10327000132310179

24

01/11/2010 – 30/11/2010

10357000132310059

25

01/12/2010 – 31/12/2010

11026000232310212

26

01/01/2011 – 31/01/2011

11054000132310919

27

01/02/2011 – 28/02/2011

11087000332310094

28

01/03/2011 – 31/03/2011

11117000432310829

29

01/04/2011 – 30/04/2011

11146000132310258

30

01/05/2011 – 31/05/2011

11174000132310716

31

01/06/2011 – 30/06/2011

11203000132310301

32

01/07/2011 – 31/07/2011

11236000532310303

33

01/12/2011 – 31/12/2011

12025000332310425


ANNEXE B

Cotisations en litige après les concessions faites par les parties à l’audience

89 logements de l’immeuble situé au 1985, rue Richmond, à London (Ontario)

No

No de référence de la cotisation (nouvelle cotisation)

Période de déclaration

Immeuble

Nombre de logements

1

09037008212310005

01/12/2008 – 31/12/2008

1985, rue Richmond

13

2

09070006512310001

01/01/2009 – 31/01/2009

1985, rue Richmond

5

3

09097004812310086

01/02/2009 – 28/02/2009

1985, rue Richmond

9

4

09127007712310086

01/03/2009 – 31/03/2009

1985, rue Richmond

12

5

09155013012310003

01/04/2009 – 30/04/2009

1985, rue Richmond

15

6

09187003812310016

01/05/2009 – 31/05/2009

1985, rue Richmond

17

7

09222004512310001

01/06/2009 – 30/06/2009

1985, rue Richmond

18

 


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 21

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-345(GST)G

INTITULÉ :

CARVEST PROPERTIES LIMITED c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

London (Ontario)

Ottawa (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 9, 10, 11 et 12 septembre 2019

Les 20 et 21 octobre 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

La juge Gabrielle St-Hilaire

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 mars 2021

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me David D. Robertson

Me Steven Raphael (audiences tenues en 2019)

Me Maude Lussier-Bourque (audiences tenues en 2020)

Me Brittany Rossler (audience tenue le 20 octobre 2020)

 

Avocats de l’intimée :

Me Martin Beaudry

Me Alexander Nguyen (audiences tenues en 2019)

Me Judith Lemieux (audiences tenues en 2020)


 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me David D. Robertson

Me Steven Raphael (audiences tenues en 2019)

Me Maude Lussier-Bourque (audiences tenues en 2020)

Me Brittany Rossler (audience tenue le 20 octobre 2020)

 

Cabinet :

EY Cabinet d’avocats s.r.l./S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15.

[2] Pièce AR-1, onglet 61, rapport T2020 de George Suntres, p. 956 [rapport T2020 de M. Suntres]; transcription, p. 585 et 586.

[3] Transcription, p. 673; pièce AR-1, onglet 24, rapport d’évaluation préparé par Ron Duda concernant le 1985, rue Richmond [évaluation de M. Duda]. Selon le témoignage de M. Duda, la JVM de 32 409 909 $ comportait une erreur mathématique qui avait été relevée dans son rapport d’évaluation à la page 505. En l’absence de cette erreur, la JVM aurait été de 33 850 000 $.

[4] Transcription, p. 172, 306 et 307.

[5] Le groupe Tricar comprend Carvest Properties Ltd., qui est la branche locative du groupe Tricar, Tricar Properties Ltd., qui fait la promotion et la vente des immeubles d’habitation en copropriété et Tricar Developments Inc., qui construit les deux types d’immeubles.

[6] Pièce AR-1, onglet 20, convention de location, p. 439. Dans les conventions de location, le nom du locateur est Tricar.

[7] Transcription, p. 57. Les documents du gouvernement de l’Ontario confirment que le fardeau découlant de l’application de l’impôt foncier municipal sur les immeubles d’habitation à logements multiples était de deux fois supérieur à celui des immeubles résidentiels. Voir Ministère des Finances : Favoriser l’essor de l’Ontario pour tous – Perspectives économiques et revue financière de l’Ontario 2016, par l’honorable Charles Sousa, p. 178.

[8] Pièce AR-1, onglet 18, Middlesex Standard Condominium Plan No 726.

[9] Canada c. Polygon Southampton Development Ltd., 2003 CAF 193.

[10] Ibid., par. 23.

[11] Ministère des Finances Canada, Taxe sur les produits et services : notes explicatives du projet de loi C-62 adopté par la Chambre des communes le 10 avril 1990.

[12] La définition de l’expression « logement en copropriété » au paragraphe 123(1) est la suivante : logement en copropriété Immeuble d’habitation qui est, ou est destiné à être, un espace délimité dans un bâtiment et désigné ou décrit comme étant une unité distincte sur le plan ou la description enregistrés afférents, ou sur un plan ou une description analogues enregistrés en conformité avec les lois d’une province, ainsi que tous droits et intérêts fonciers afférents à la propriété de l’unité. Pour des observations sur cette définition, voir, par exemple, la décision Stafford, Stafford et Jakeman c. Canada, [1995] A.C.I. no 89, par. 9 (CCI) : Je pense que la meilleure interprétation est que, même si l’enregistrement des plans n’avait pas été complété à la date applicable, les logements étaient visés par la définition de "logement en copropriété" au paragraphe 123(1) de la Loi. Les mots "ou est censé être" que renferme cette définition conviennent, à mon avis, pour décrire l’immeuble d’habitation dont les plans ont été préparés et présentés en vue de leur enregistrement. Je pense que ces mots doivent s’appliquer au reste de la définition. Voir également la décision Beau Rivage Apartments c. Canada, [1994] A.C.I. no 1137 (CCI).

[13] Évaluation de M. Duda, précitée, note 3, pièce A-8, rapport d’évaluation de l’immeuble situé au 1985, rue Richmond, par Grant Uba [évaluation de M. Uba]. Voir également le recueil de jurisprudence de l’intimée, onglet 55B, la publication The Appraisal of Real Estate, chapitre 7, pages 7.12 et 7.13 dans laquelle l’Institut canadien des évaluateurs fait référence à la technique de la parité, à la technique du coût et à la technique du revenu comme étant trois méthodes distinctes d’analyse des données utilisées par les évaluateurs pour se forger une opinion sur la valeur d’unimmeuble.

[14] Southpark Estates Inc. c. Canada, 2006 CAF 153 [Southpark Estates].

[15] Ibid., au par. 14.

[16] Transcription, p. 326.

[17] Observations écrites de l’appelante, par. 21.

[18] Ibid., par. 10; transcription, p. 104 à 106.

[19] Observations écrites de l’intimée, par. 18. Voir également la transcription, p. 123,124 et 129; pièce AR-1, onglet 12, plans d’étage de l’immeuble de la rue Richmond.

[20] Observations écrites de l’appelante, par. 13.

[21] Seules les nouvelles cotisations visant 89 des 137 logements demeurent en cause; ces 89 logements étant les premiers à être occupés au cours de la période comprise entre le 31 décembre 2008 et le 30 juin 2009. Toutefois, lorsque Carvest a appliqué la méthode du prix coûtant majoré de 6 %, elle l’a appliqué à l’ensemble de l’immeuble, y compris les 137 logements qui étaient loués au cours de la période comprise entre décembre 2008 et avril 2010. Voir les observations écrites de l’intimée, par. 18.

[22] Observations écrites de l’appelante, par. 17.

[23] Observations écrites de l’intimée, par. 81 et 84.

[24] Ibid., par. 85 et 86.

[25] Pièce A-1, Rapport d’évaluation de l’immeuble situé au 20 Chapman Court; pièce A-2, rapport d’évaluation de l’immeuble situé au 190 Fleming Drive. Je remarque que, pour chacun de ces rapports, l’évaluateur a écrit que les fins auxquelles ils étaient destinés étaient l’administration de la Loi de l’impôt sur le revenu, et non la Loi sur la taxe d’accise.

[26] Pièce A-3, lettre de DS Bryant.

[27] Pièce AR-1, onglet 46, lettre de Shannon.

[28] Wilchar Construction Ltd. c. La Reine, [1982] 2 C.F. 489. Les trois facteurs qui donnent ouverture à une préclusion ont été définis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canadian Superior Oil c. Hambly, [1970] R.C.S. 932, p. 939 et 940.

[29] Ibid., par. 10.

[30] Goldstein c. Canada, [1995] A.C.I. no 170, par. 23.

[31] Harris c. Canada, [2000] 4 C.F. 37, par. 37 et 38, autorisation d’interjeter appel devant la CSC refusée.

[32] Manotas c. La Reine, 2011 CCI 408, par. 12.

[33] Transcription, p. 398 et 399.

[34] Transcription, p. 402.

[35] Rapport d’évaluation de M. Uba, précité, note 13, p. 48.

[36] Ibid.

[37] Transcription, p. 655 et 656 [témoignage de M. Duda]; transcription, p. 870 à 872 [témoignage de M. Rokeby].

[38] Rapport T2020 de George Suntres, précité, note 2, p. 956, 959 et 961.

[39] Rapport d’évaluation de M. Uba, précité, note 13.

[40] Pièce AR-1, onglet 6, Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada. Voir également la transcription, p. 366 à 370. M. Uba a expliqué qu’il a évalué l’immeuble de la rue Richmond selon les normes mises à jour en 2018, mais a affirmé qu’il n’y avait eu aucune modification importante apportée aux normes de 2008 qui auraient pu avoir une incidence sur son évaluation.

[41] Transcription, p. 374.

[42] Rapport d’évaluation de M. Uba, précité, note 13, p. 1.

[43] Ibid., p. 48. Dans son rapport, il a indiqué qu’aucune vente d’immeubles d’habitation à logements multiples nouvellement construits n’avait été conclue à London avant la date de prise d’effet, le 1er décembre 2008. Les normes NUPPEC exigent que les comparables soient des ventes conclues dans les trois ans avant la date de prise d’effet. Voir la transcription, p. 428 et 429.

[44] Ibid., p. 74; observations écrites de l’appelante, par. 18 à 21. L’appelante a cherché à substituer son opinion quant au taux de capitalisation approprié, soit 7,7 $, à celle de M. Uba, soit 7 %. L’appelante a fait valoir que, si M. Uba avait utilisé un taux de capitalisation de 7,7 %, il serait arrivé à déterminer que la JVM était pratiquement égale à celle de l’appelante.

[45] Ibid., p. 75 et 79.

[46] Réponse à l’annexe C1.

[47] Rapport T2020 de M. Suntres, précité, note 2, p. 956; transcription, p. 578 et 579. Au cours du contre-interrogatoire au sujet des notes qu’il avait prises dans son rapport T2020, M. Suntres a déclaré avoir examiné le rapport de vérification antérieur et posséder une copie de la lettre de Shannon de 2001 dans laquelle il était indiqué que la méthode du prix coûtant majoré de 6 % pouvait être utilisée pour déterminer la JVM de deux immeubles (Chapman et Fleming), et que Carvest avait eu recours à cette méthode pour déterminer la JVM de chacun des immeubles construits depuis 2001.

[48] Évaluation de M. Duda, précitée, note 3, p. 459.

[49] Ibid., p. 501 à 505.

[50] Transcription, p. 655 et 656.

[51] Évaluation de M. Duda, précitée, note 3, p. 471.

[52] Rapport d’évaluation de M. Uba, précité, note 13, p. 5. À l’article 2.19 des normes NUPPEC, le terme « hypothèse extraordinaire » est défini comme suit : « [h]ypothèse directement liée à un contrat de service précis qui, si elle s’avère fausse, peut modifier considérablement les opinions ou les conclusions du membre ».

[53] Évaluation de M. Duda, précitée, note 3, p. 480.

[54] Ibid., p. 494, 496 et 498.

[55] Ibid., p. 499.

[56] Ibid., p. 499 et 500. M. Duda a choisi deux dates de référence. En raison du fait que les ventes sont demeurées stables entre juin 2008 et juin 2009, il a opté pour la date du 28 février 2009 comme date de référence pour cette période, et les ventes conclues entre juin 2008 et juin 2009 ont servi à estimer les valeurs en vigueur du 1er décembre 2008 au mois de mai 2009. Parce que les prix ont augmenté après le mois de juin 2009 et ce, jusqu’en 2010, il a donc opté pour une deuxième date de référence, soit le 31 août 2009 pour les logements dont les dates de prise d’effet étaient comprises entre juin 2009 et avril 2010.

[57] 27 Cardigan Inc. c. Canada, 2005 CAF 100, autorisation d’interjeter appel devant la CSC refusée [27 Cardigan].

[58] Évaluation de M. Duda, précitée, note 3, p. 501. Voir également la transcription, p. 758 à 761, pour le témoignage de M. Duda en contre-interrogatoire au sujet de son examen de l’analyse du marché réalisée par M. Rokeby ainsi que les « circonstances particulières » dont il a tenu compte.

[59] Transcription, p. 705.

[60] Succession Henderson c. Canada (Ministre du Revenu national), [1973] A.C.F. no 800 (CPFI).

[61] Canada (Procureur Général) c. Nash, 2005 CAF 386, par. 8 [Nash].

[62] Ibid., par. 17.

[63] Observations écrites de l’appelante, par. 124.

[64] Ibid., par. 125.

[65] Ibid., par. 128 et 129.

[66] Observations écrites de l’appelante, par. 133.

[67] Nash, précité, note 61, par. 37.

[68] McCuaig Balkwill c. La Reine, 2018 CCI 99 [McCuaig].

[69] Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[70] McCuaig, précitée, note 68, par. 25.

[71] Ibid., par. 19, citant l’arrêt Nash, précité, note 61, par. 24.

[72] Marall Homes Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I. no 1494 (CCI) [Marall].

[73] Ibid., par. 6.

[74] Observations écrites de l’intimée, par. 46.

[75] Recueil de jurisprudence de l’intimée, onglet 54; énoncé de principe P-165R – Juste valeur marchande aux fins de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, p. 901 et 902.

[76] Observations écrites de l’intimée, p. 13.

[77] Ibid., par. 51.

[78] 27 Cardigan Inc. c. La Reine, 2004 CCI 448, par. 11.

[79] 27 Cardigan, précité, note 57, par. 33 à 35.

[80] Voir également Southpark Estates, précité, note 14, par. 58. Cette affaire illustre bien un cas où la Cour d’appel fédérale n’a pas hésité à indiquer expressément qu’elle ne souhaitait pas, dans son jugement, donner l’impression d’avoir souscrit à une hypothèse douteuse qui sous-tend les évaluations de deux évaluateurs, ce qui semble avoir été accepté par le juge de la Cour canadienne de l’impôt.

[81] Recueil de jurisprudence de l’intimée, onglet 55D, The Appraisal of Real Estate, chapitre 29, pages 971 et 972.

[82] Évaluation de M. Duda, précitée, note 3, p. 487.

[83] Dans ses observations écrites, l’appelante a souligné que les logements de l’immeuble de la rue Richmond n’étaient pas enregistrés auprès du Régime de garanties des logements neufs de l’Ontario (Loi sur le), L.R.O. 1990, chap. O.31, maintenant géré par un programme appelé Tarion.

[84] Réponse de l’appelante aux observations écrites de l’intimée, par. 28.

[85] Rapport d’évaluation de M. Uba, précité, note 13, p. 18 et 19.

[86] Pièce A-23, View Investors News, Killam a décrit l’immeuble comme suit : L’immeuble d’habitation de 12 étages, en béton et achevé en 2009 est situé au 1985, rue Richmond, près des hôpitaux, d’un centre commercial et de l’Université Western Ontario. Le prix moyen du loyer est de 1 588 $ par mois et représente des logements modernes et spacieux, dont les plafonds sont de 9 pieds et dont les dimensions peuvent atteindre jusqu’à 2 300 pieds carrés. Les comptoirs sont en granite et six appareils électroménagers sont inclus. Les commodités incluent un centre de conditionnement physique, une suite pour les invités, de la climatisation et 183 espaces de stationnement souterrains.

[87] Évaluation de M. Duda, précitée, note 3, p. 485. Dans son rapport, M. Duda a déclaré ce qui suit : [traduction] « avec un marché actif comme celui de London entre la fin de 2008 et le début de 2010 et les données provenant des ventes de logements par les concurrents, le délai d’exposition lié à l’estimation de la valeur marchande que ce rapport cherche à déterminer, pouvait prendre jusqu’à 100 jours en supposant un prix offert raisonnable et une bonne commercialisation. […] Il est important de souligner qu’un grand nombre de copropriétés étaient achetées. En 2008, environ 111 ventes de logements ont été conclues dans trois immeubles comparables, et en 2009, il y en a eu 84. Au cours de ces deux années-là, cela représente une moyenne de 8 logements vendus par mois dans ces trois immeubles. »

[88] Ibid., p. 501.

[89] Pièce AR-1, onglet 49, lettre de EY, p. 669.

[90] Pièce AR-1, onglet 54, mémoire de M. Rokeby, p. 937. En contre-interrogatoire, M. Rokeby a déclaré qu’il y avait beaucoup de données sur le marché qui étayaient son opinion.

[91] Ibid., p. 940.

[92] Ibid., p. 941.

[93] Selon M. Rokeby, cela représenterait une réduction de 5 % du prix visant à encourager les acheteurs, plus une réduction de 3 %, soit la prime d’incitation sous forme de charges de copropriété gratuites pendant la période de commercialisation, moins 2 % du fait de l’augmentation de la valeur des logements pendant la période de commercialisation. M. Rokeby a déterminé qu’une réduction de 2 % sur la quantité suffirait pour l’immeuble de la rue Eagle, notamment parce qu’il s’agissait du seul nouvel immeuble en copropriété dans la région de Cambridge à cette époque.

[94] 27 Cardigan, précité, note 57, par. 22.

[95] Ibid., par. 29 et 30.

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