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Référence : 2021 CCI 29

Date : 20210409

Dossier : 2015-3808(IT)G

ENTRE :

NICOLE L. TIESSEN INTERIOR DESIGN LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2015-3809(IT)G

ET ENTRE :

NICOLE L. TIESSEN INTERIOR DESIGN SERVICES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2015-3812(IT)G

ET ENTRE :

DANIEL REEVES ARCHITECT LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2015-3813(IT)G

ET ENTRE :

DANIEL REEVES ARCHITECT PROF. SERVICES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2015-3822(IT)G

ET ENTRE :

JEFF OLFERT TECHNICAL LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2015-3823(IT)G

ET ENTRE :

JEFF OLFERT TECHNICAL SERVICES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2015-3841(IT)G

ET ENTRE :

CHRISTOPHER WOOD TECHNICAL LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

Dossier : 2015-3843(IT)G

ET ENTRE :

CHRISOPHER WOOD TECHNICAL SERVICES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

La juge Monaghan

I. INTRODUCTION

[1] L’unique question en litige dans les présents appels est celle de savoir si les appelantes étaient des sociétés associées au cours de leurs années d’imposition 2012 et 2013. Il s’agit d’une question centrale puisqu’elle déterminera si elles avaient le droit de se prévaloir de ce qui est communément appelé la déduction accordée aux petites entreprises (« DPE ») dans le calcul de l’impôt à payer.

[2] Seules les sociétés privées sous contrôle canadien peuvent se prévaloir de la DPE pour un montant limité au titre d’un revenu provenant d’une entreprise exploitée activement pour une année donnée[1]. Durant les années d’imposition pertinentes, le revenu admissible aux fins de la DPE était plafonné à 500 000 $ (le « plafond des affaires »). Dans le cas de sociétés associées, le plafond des affaires est partagé. De même, les associés d’une société de personnes qui gagnent un revenu provenant d’une entreprise exploitée activement peuvent demander la DPE seulement pour la partie du revenu de la société de personnes n’excédant pas 500 000 $ (le « plafond des affaires d’une société de personnes déterminé »). Ainsi, les sociétés associées et les sociétés associées à une société de personnes doivent partager un plafond des affaires et leur revenu admissible au taux de la DPE est donc limité. Dans les présents appels, ces deux règles sur le partage du plafond des affaires sont pertinentes.

[3] De concert avec 11 autres sociétés, 4 des appelantes étaient des associées (constituant chacune une « société partenaire ») d’aodbt architecture + interior design (la « société de personnes »). Les 4 appelantes restantes et 11 autres sociétés (constituant chacune une « société de services ») fournissaient des services à une seule société partenaire. Chaque société partenaire avait un propriétaire unique (agissant à titre de « mandant »)[2], qui contrôlait également une société de services constituée par le mandant.

[4] Ainsi, au cours des années d’imposition pertinentes, il existait 15 paires formées d’une société partenaire et d’une société de services, et chaque paire était contrôlée par un seul mandant. Les appelantes sont quatre de ces paires[3]. Par souci de simplicité, je vais parfois utiliser les expressions « paire », « sociétés jumelles » ou « paire du mandant » pour désigner une société partenaire et une société de services contrôlées par un mandant en particulier.

[5] Toutes les parties s’accordent pour dire que les sociétés partenaires devaient partager un plafond des affaires déterminé pour établir l’admissibilité de chacune à la DPE pour sa part du revenu provenant d’une entreprise exploitée activement de la société de personnes. Les appelantes reconnaissent en outre que chaque paire devait partager un plafond des affaires unique. Les appelantes ont produit leurs déclarations de revenus sur ces fondements pour les années d’imposition 2012 et 2013.

[6] Toutefois, l’intimée et les appelantes divergent d’opinion quant à la question de savoir si les 30 sociétés (ou les 15 paires de sociétés) étaient associées et devaient donc partager un plafond des affaires unique. L’intimée a établi de nouvelles cotisations pour leurs années d’imposition 2012 et 2013 pour le motif que les sociétés formant une paire étaient associées l’une à l’autre et aux 11 autres paires[4]. Cela étant, l’intimée a estimé que l’un des principaux motifs de l’existence distincte de ces sociétés était de réduire les impôts à payer en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada[5] pour leurs années d’imposition 2012 et 2013, et qu’il s’ensuit qu’elles doivent être considérées comme étant associées.

[7] Les nouvelles cotisations augmentaient aussi le revenu des appelantes qui étaient des sociétés partenaires. Selon l’intimée, certaines sommes ont été déduites à tort dans le calcul du revenu de la société de personnes (les « dépenses contestées »). Les parties se sont entendues sur ce volet des appels avant l’audience. Par conséquent, bien que j’aie pris en compte l’entente intervenue entre les parties eu égard aux dépenses contestées dans mon ordonnance, la question de leur déductibilité n’est pas abordée dans les présents motifs.

II. LES APPELANTES

[8] Les appelantes en l’espèce sont quatre paires de sociétés partenaires et de sociétés de services.

[9] La première paire est formée de Jeff Olfert Technical Ltd. et de Jeff Olfert Technical Services Ltd., dont le mandant est Jeff Olfert, un comptable professionnel agréé. M. Olfert est l’unique administrateur et dirigeant de sa société de services et de sa société partenaire, l’unique actionnaire de sa société partenaire, et l’actionnaire contrôlant ainsi que l’employé de sa société de services.

[10] La deuxième paire est formée de Christopher Wood Technical Ltd. et de Christopher Wood Technical Services Ltd., dont le mandant est Christopher Wood, un technicien spécialiste en architecture et en ingénierie. M. Wood est l’unique administrateur et dirigeant de sa société de services et de sa société partenaire, l’unique actionnaire de sa société partenaire, et l’actionnaire contrôlant ainsi que l’employé de sa société de services.

[11] La troisième paire est formée de Daniel Reeves Architect Ltd. et de Daniel Reeves Architect Prof. Services Ltd., dont le mandant est Daniel Reeves, un architecte agréé. M. Reeves est l’unique administrateur et dirigeant de sa société de services et de sa société partenaire, l’unique actionnaire de sa société partenaire, et l’actionnaire contrôlant ainsi que l’employé de sa société de services.

[12] La quatrième paire est formée de Nicole L. Tiessen Interior Design Ltd. et de Nicole L. Tiessen Interior Design Services Ltd., dont la mandante est Nicole Tiessen, une designer d’intérieur. Elle est l’unique administratrice, dirigeante et actionnaire de sa société de services et de sa société partenaire, ainsi qu’une employée de sa société de services.

III. CONTEXTE

(1) Avant la réorganisation

a) La Société

[13] AODBT Olfert Dressel Burnyeat Tracey Architects Ltd. (la Société), constituée en 1994[6], fournissait des services d’architecture et de design d’intérieur. La Société exécutait des contrats conclus avec ses clients et employait des professionnels, dont des architectes, des techniciens spécialistes, des designers d’intérieur et des ingénieurs. Les actionnaires de la Société étaient des employés professionnels (les mandants) qui étaient considérés comme des acteurs clés de la réussite de l’entreprise, ainsi que les épouses de certains des mandants plus anciens[7]. MM. Olfert, Wood et Reeves, ainsi que Mme Tiessen étaient des actionnaires (mandants) à la fin de 2010.

[14] Le capital-actions de la Société était réparti entre des actions privilégiées non participantes avec droit de vote de catégorie A (« actions avec droit de vote ») et des actions sans droit de vote de catégorie B (« actions participantes »). Pour 10 actions avec droit de vote détenues par un mandant, lui et son épouse détenaient collectivement une action participante. Par exemple, le 21 décembre 2010, M. Olfert détenait 75 actions avec droit de vote et 5 actions participantes, et son épouse détenait 2,5 actions participantes. À l’inverse, M. Wood, M. Reeves et Mme Tiessen étaient les détenteurs uniques d’actions avec droit de vote et participantes suivant le même ratio de 10 pour 1.

[15] Les mandants avaient décidé en outre de limiter à 100 le nombre des actions participantes émises afin que les changements relatifs à la propriété soient opérés par l’intermédiaire de transferts d’actions. M. Olfert a expliqué qu’au printemps, on demandait aux mandants s’ils avaient l’intention de vendre des actions ou d’augmenter leur participation. Une fois leurs réponses recueillies, on sondait certains « aspirants[8] » qui, selon ce que les dirigeants en avaient compris, étaient intéressés à acquérir des actions. Le groupe de la direction se réunissait ensuite pour trouver un juste équilibre entre les intentions de participation exprimées. L’exercice de mise en équilibre des participations avait lieu tous les ans au début de novembre, immédiatement après la fin de l’exercice de la Société (le 31 octobre)[9]. Les actions étaient acquises et vendues par des particuliers.

[16] Le prix des actions était établi sur une base annuelle selon la juste valeur du marché[10]. Les acquéreurs payaient les actions comptant (à même leurs propres ressources ou en empruntant) au mandant vendeur (ou à son épouse) ou, aux termes d’une entente conclue avec celui-ci, au moyen d’un billet à ordre portant intérêt par lequel l’acquéreur s’engageait à lui payer la somme due dans un délai déterminé. Cette méthode a été suivie pendant plusieurs années pour apporter des modifications aux titres de participation.

[17] La Société était régie par une entente unanime des actionnaires (« EUA »). L’EUA établissait une distinction entre les actionnaires actifs et inactifs, et donnait une définition de la notion d’« épouses actionnaires ». L’EUA prévoyait que l’épouse devait exercer les droits de vote attachés à ses actions de la même manière que son époux (mandant). Étant donné que les actions détenues par les épouses n’étaient pas assorties d’un droit de vote, il faut penser que cette stipulation de l’EUA s’avérait pertinente seulement si la loi applicable autorisait les titulaires d’actions sans droit de vote à voter. De plus, l’EUA obligeait les épouses à agir de concert avec leur époux, et leur interdisait d’agir de manière indépendante. Les règlements de la Société octroyaient le droit aux actionnaires ayant droit de vote d’assister aux réunions des actionnaires.

b) Management Services Limited Partnership

[18] La société AODBT Management Services Limited Partnership (MSLP) a été établie en 1997. Elle fournissait des services administratifs à la Société, engageait des consultants et des techniciens, employait tout le personnel administratif et payait tous les frais administratifs. MSLP facturait ses coûts à la Société, majorés d’une marge bénéficiaire qui lui permettait de réaliser des profits. Les commanditaires de MSLP étaient les fiducies familiales des mandants. Ce mécanisme (et la participation de certaines épouses dans la Société et dans Third Avenue Investments Ltd.) permettait de fractionner les revenus.

c) Third Avenue Investments Ltd.

[19] Third Avenue Investments Ltd. (Third Avenue) était propriétaire de l’immeuble de Saskatoon dans lequel la Société et MSLP exerçaient leurs activités et louaient des espaces à bureaux. Les actionnaires de la Société détenaient le même pourcentage relatif d’actions dans la Société et dans Third Avenue. Les épouses de quelques mandants plus anciens étaient aussi des actionnaires de Third Avenue. Toutefois, la participation collective d’un mandant et de son épouse équivalait au même pourcentage que leur participation collective dans la Société. L’acheteur d’actions de la Société acquérait la même proportion d’actions dans Third Avenue.

(2) La réorganisation

[20] À la fin de 2010 et au début de 2011, la Société, MSLP et Third Avenue ont entrepris une réorganisation. Les grandes étapes de cette réorganisation sont décrites dans l’exposé conjoint des faits partiel. Les opérations pertinentes n’y sont pas toutes expliquées et aucun élément de preuve ne permet de combler les lacunes, mais les détails de ces opérations ont somme toute peu d’intérêt eu égard à la question en litige. Je m’intéresse davantage au motif de la réorganisation et de la constitution des 30 sociétés qui en a résulté qu’aux opérations à l’origine de la réorganisation. Un survol de la réorganisation suffira donc pour les fins des présents motifs.

[21] La réorganisation a abouti à la constitution par chaque mandant d’une société partenaire[11] et d’une société de services, ainsi qu’à la constitution de la société de personnes constituée des sociétés partenaires à la fin de 2010. De nouvelles fiducies familiales ont été établies au profit de la famille de chaque mandant, exception faite de Mme Tiessen. Chaque société partenaire appartenait à 100 % au mandant[12]. Celui-ci détenait la majorité des voix dans la société de services jumelle, mais chacune des fiducies familiales souscrivait aussi des actions dans sa société de services[13].

[22] Au début de 2011, au terme d’une série d’opérations, les mandants[14] ont cessé de détenir des actions participantes dans la Société[15], et la société de personnes a acquis les activités de la Société et de MSLP. Plus précisément, la société de personnes a acquis les employés, les biens amortissables et les comptes à recevoir de MSLP, ainsi que les actifs de la Société, et elle a pris en charge les dettes de MSLP. Chacun des mandants a cessé d’être employé par la Société et est devenu un employé de sa propre société de services. MSLP et les fiducies familiales qui étaient des commanditaires de MSLP ont été liquidées.

[23] À l’instar de la Société, la société de personnes a choisi le 31 octobre comme date de fin d’exercice. L’année d’imposition de chacune des sociétés partenaires[16] et des sociétés de services se terminait le 1er janvier. Par conséquent, une part du revenu de la société de personnes pour son exercice se terminant le 31 octobre 2011 était incluse dans le revenu de la société partenaire pour l’année d’imposition se terminant le 1er janvier 2012, et une part du revenu de la société de personnes pour son exercice se terminant le 31 octobre 2012 était incluse dans le revenu de la société partenaire pour l’exercice se terminant le 1er janvier 2013[17].

(3) Liens entre les parties après la réorganisation

[24] Le contrat régissant la société de personnes (le « contrat de société de personnes ») a été signé par chaque société partenaire et chaque mandant, à titre personnel ou non. Les parties au contrat convenaient de ce qui suit :

  1. chaque société partenaire et son mandant s’engageaient à consacrer tout leur temps et tous leurs efforts aux activités de la société de personnes;

  2. chaque mandant devait être un employé de la société de services;

  3. chaque société partenaire devait conclure un contrat de service avec sa société de services jumelle, laquelle s’engageait à fournir les services du mandant à la société partenaire afin qu’elle puisse remplir les obligations que lui conférait le contrat de société de personnes;

  4. il était interdit au mandant de faire concurrence à la société de personnes, ou de recruter ses clients ou ses employés.

[25] Le contrat de société de personnes comportait également des clauses sur les comptes de capital, le calcul du revenu, l’attribution des revenus, les retraits, le transfert de participations de la société de personnes et d’autres considérations se rapportant au lien entre les associés.

[26] Conformément au contrat de société de personnes, chaque société de services a conclu un contrat de travail avec son mandant. Au titre du contrat, la société de services devait verser un salaire annuel d’au moins 3 400 $ au mandant[18].

[27] Chaque paire a conclu un contrat de service aux termes duquel la société de services s’engageait à fournir les services de son employé (le mandant) à la société partenaire afin qu’elle puisse s’acquitter des responsabilités et obligations à l’égard de la société de personnes. Chaque société partenaire convenait de payer à sa société de services jumelle les services qu’elle lui fournissait. La somme exigible n’était toutefois pas stipulée. Le contrat de service prévoyait plutôt le versement d’une contrepartie de base minimale annuelle de 1 $, et le paiement par la société partenaire d’une contrepartie correspondant aux efforts et aux compétences de la société de services, considérant que la société partenaire ne serait pas en mesure de s’acquitter des obligations que lui conférait le contrat de société de personnes sans les efforts, les compétences et les responsabilités de la société de services. Pour chacune des années d’imposition 2012 et 2013, chaque société de services a reçu de sa société partenaire jumelle des honoraires qui dépassaient largement la contrepartie de base minimale annuelle prévue au contrat.

[28] Une part du revenu de la société de personnes pour les exercices se terminant les 31 octobre 2011 et 2012 a été attribuée à chacune des sociétés partenaires, qui ont à leur tour payé des honoraires à leur société de services pour les services fournis (par le mandant) et déduit ces honoraires du calcul des revenus déclarés en vertu de la Loi. Chaque société de services a inclus les honoraires reçus de sa société partenaire jumelle dans son revenu et a déduit le salaire versé à son mandant[19].

[29] MM. Olfert, Reeves et Wood, ainsi que Mme Tiessen ont indiqué que la réorganisation n’a pas eu d’incidence sur leur travail au jour le jour. Les dépenses étaient remboursées directement aux mandants par la société de personnes, sans égard au fait qu’ils étaient des employés de la société de services.

IV. LES APPELS

(1) Demandes de la DPE

[30] Le revenu gagné par les sociétés partenaires à titre d’associées de la société de personnes était réputé provenir d’une entreprise exploitée activement et donc admissible à la DPE, sous réserve des règles applicables concernant le partage du plafond des affaires. Puisque les sociétés partenaires et de services jumelles étaient associées, les honoraires versés par les premières aux secondes et déduits dans le calcul du revenu de la société partenaire étaient réputés, à titre de revenus de la société de services, provenir d’une entreprise exploitée activement[20]. Par conséquent, ces revenus ouvraient également droit à la DPE, sous réserve des règles applicables de partage du plafond des affaires.

[31] Dans le calcul du montant de l’impôt à payer, chaque société partenaire a demandé la DPE à l’égard de la totalité de ses revenus. Chaque société de services s’est aussi prévalue de la DPE dans le calcul du montant de l’impôt à payer, au motif qu’elle était associée à sa société jumelle, mais à aucune autre société. Toutefois, puisque le revenu imposable total de chaque paire n’excédait jamais 500 000 $, tous leurs revenus ouvraient droit à la DPE.

(2) Questions non contestées

[32] Les parties s’entendent sur les questions suivantes :

  • i)avant la réorganisation, le plafond des affaires de la Société était 500 000 $ et elle avait droit à la DPE, dont le montant total maximal était 85 000 $[21];

  • ii)le plafond des affaires total déclaré par les sociétés partenaires eu égard à leur revenu de société de personnes déterminé pour leurs exercices se terminant les 31 octobre 2011 et 2012 s’établissait à 446 900 $[22] et à 452 704 $, respectivement, portant les montants totaux demandés par les 15 sociétés partenaires au titre de la DPE à 75 973 $ et 76 960 $, respectivement, pour ces années;

  • iii)Le plafond des affaires total déclaré pour les 15 sociétés de services pour leurs exercices se terminant les 1er janvier 2012 et 2013 s’établissait à 2 260 576 $ et à 4 563 418 $, respectivement, portant les montants totaux demandés par es 15 sociétés de services au titre de la DPE à 384 298 $ et de 775 781 $, respectivement, pour ces années.

(3) Questions en litige

[33] La thèse de l’intimée est simple. Avant la réorganisation, la Société demandait la DPE. Après la réorganisation, 30 sociétés ont demandé la DPE à l’égard de revenus qui, n’eût été la réorganisation, auraient été gagnés collectivement par la Société et MSLP, et probablement les mandants[23]. À titre d’associées de la société de personnes, le plafond des affaires pour l’ensemble des sociétés partenaires s’établissait à 500 000 $, soit le plafond imposé à la Société avant la réorganisation. Or, fait valoir l’intimée, les paires de sociétés constituées par suite de la réorganisation et les arrangements intervenus entre les sociétés partenaires et les sociétés de services jumelles faisaient en sorte que les revenus imposés au taux de la DPE étaient considérablement plus élevés. Ainsi, soutient l’intimée, l’un des principaux motifs, voire le seul motif de la réorganisation qui a donné lieu à la constitution de 30 sociétés était de réduire l’impôt à payer en multipliant la DPE.

[34] Les appelantes ont admis que la réorganisation ayant donné lieu à la constitution des 30 sociétés a réduit l’impôt payable en raison de la multiplication de la DPE. Elles nient toutefois que cette possibilité constituait l’un des principaux motifs de la réorganisation ou de l’existence distincte de sociétés partenaires et de sociétés de services au cours des années pertinentes. Selon les appelantes, les principaux motifs de la réorganisation (et donc de l’existence distincte de sociétés partenaires et de sociétés de services) étaient les suivants :

  1. trouver une solution aux problèmes liés à la relève, notamment en établissant une structure plus attrayante pour favoriser le recrutement et le maintien en poste de personnel compétent aux échelons de la direction;

  2. faire en sorte que les épouses ne puissent plus être des propriétaires directes de l’« entité » exploitant l’entreprise;

  3. favoriser une plus grande souplesse financière sur le plan individuel (pour qu’un mandant puisse prendre des décisions financières de manière indépendante et sans incidence pour les autres mandants);

  4. accroître la capacité et la latitude d’un mandant de planifier de manière indépendante sa relève et sa succession au sein de sa famille;

  5. protéger les actifs;

  6. simplifier l’exploitation de l’entreprise.

[35] L’intimée estime qu’il ne s’agissait pas des véritables motifs de la réorganisation ou de l’existence des 15 paires de sociétés ou que, même si l’un ou l’autre de ces motifs l’ont effectivement motivée, la perspective de multiplier la DPE demeurait le principal.

(4) Conclusion

[36] Alors que j’écoutais les témoins, l’avocate des appelantes m’a enjointe à ne pas confondre les résultats de la réorganisation et son objet qui, en fin de compte, est ce qui importe vraiment. Je conviens qu’aux fins des présents appels, c’est l’objet de la réorganisation et de la constitution de 30 sociétés pour réaliser cet objet qui importe.

[37] En revanche, l’objet doit être défini de manière objective, en tenant compte de l’ensemble des faits et des circonstances, et pas seulement des déclarations des appelantes. La question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si, au vu de l’ensemble des faits et des circonstances, il est raisonnable de conclure que l’un des principaux motifs de l’existence distincte des sociétés partenaires et des sociétés de services était de réduire l’impôt à payer.

[38] Pour les motifs que j’exposerai ci-dessous, j’ai conclu qu’au moins un des principaux motifs de la réorganisation et de l’existence distincte de 15 paires de sociétés était la réduction de l’impôt, plus précisément en multipliant la DPE. La multiplication de la DPE a été le motif pour lequel la réorganisation a été proposée, et c’est l’argument des économies d’impôt présenté aux mandants qui les a convaincus d’opérer une réorganisation. Pour la plupart, ce que les appelantes ont présenté comme les principaux motifs de la réorganisation n’étaient pas convaincants. Pour ce que j’en comprends, certains n’ont même pas pesé dans la décision d’opérer une réorganisation. Tout au plus, ils procuraient des avantages aux mandants, à des degrés divers, parmi lesquels la réduction de l’impôt primait manifestement.

V. DISCUSSION

(1) Disposition législative pertinente

[39] L’intimée s’est fondée sur le paragraphe 256(2.1) pour établir une nouvelle cotisation en considérant que les sociétés partenaires et les sociétés de services étaient associées. Cette disposition établit une règle anti-évitement suivant laquelle des sociétés sont réputées être associées les unes aux autres s’il est raisonnable de considérer que l’un des principaux motifs de l’existence distincte de deux sociétés ou plus au cours d’une année d’imposition consiste à réduire les impôts qui seraient payables par ailleurs en vertu de la Loi.

[40] La disposition m’oblige à cerner les motifs de l’existence distincte des sociétés plutôt que les motifs pour lesquels elles ont été initialement constituées[24]. En l’espèce cependant, les motifs de la création des sociétés et de leur existence distincte sont inextricablement liés dans la mesure où la constitution de 15 paires de sociétés jumelles a toujours fait partie du projet de réorganisation et été jugée nécessaire à sa réalisation. Par conséquent, les motifs de leur constitution initiale et de leur existence distincte au cours des années pertinentes ne diffèrent pas[25].

[41] Le paragraphe 256(2.1) m’oblige en outre à établir si l’un des principaux motifs de l’existence distincte des sociétés était de réduire les impôts. Pour ce faire, je dois examiner le but à partir d’inférences tirées des faits vérifiables ainsi que des témoignages. Cet examen doit être objectif et centré sur les circonstances et les faits pertinents. En ce sens, les déclarations d’intention ne sont pas sans intérêt, mais elles ne sont pas déterminantes. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada :

[...] lorsqu’il faut établir l’objet ou l’intention des actes, on ne doit pas supposer que les tribunaux se fonderont seulement, en répondant à cette question, sur les déclarations du contribuable, ex post facto ou autrement, quant à l’objet subjectif d’une dépense donnée. Ils examineront plutôt comment l’objet se manifeste objectivement, et l’objet est en définitive une question de fait à trancher en tenant compte de toutes les circonstances[26].

et

[...] les tribunaux appelés à dégager l’objet d’une mesure ou l’intention de son auteur doivent déterminer objectivement la nature de la fin poursuivie en tenant compte à la fois des éléments subjectifs et objectifs pertinents[27].

Les motifs invoqués doivent être objectivement raisonnables[28].

[42] Il n’est pas nécessaire d’établir que les économies d’impôt étaient le seul motif, ni même le seul motif principal de l’existence distincte des sociétés[29]. Il est certain cependant qu’il ne suffit pas d’établir que l’existence distincte des sociétés leur fasse économiser de l’impôt. La question est celle de savoir si cette économie était l’objectif principal ou une conséquence secondaire[30].

[43] Il incombe au contribuable de produire l’explication objectivement raisonnable que la réorganisation n’avait nullement pour objet de réduire les impôts[31]. Il ne suffit pas de nier un but, fût-ce en citant une liste contenant plusieurs autres buts, pour convaincre la Cour.

(2) Les témoins des appelantes[32]

[44] Bien que les mandants de toutes les appelantes aient témoigné, les principaux témoins pour ce qui concerne les motifs et l’historique de la constitution de la société de personnes et de la réorganisation étaient M. Olfert et M. Frank Baldry, un associé fiscaliste chez PricewaterhouseCoopers Cabinet d’avocats (« PWC »). M. Reeves, M. Wood et Mme Tiessen ont tous les trois indiqué qu’ils avaient été informés des motifs de la réorganisation par M. Olfert. Aucun des trois n’a participé à sa planification, et ils n’ont pas non plus effectué de contrôle diligent de ce qui leur a été présenté. M. Olfert et la haute direction de la Société ont recommandé une réorganisation, et ils ont donné leur aval. Au cours de leurs témoignages sur les motifs de la réorganisation, ils se sont bornés à rapporter ce que d’autres personnes leur avaient dit.

[45] M. Reeves a entendu parler du projet de constitution en société de personnes le 3 août 2010. Il se rappelle qu’il en a été question lors d’une réunion des mandants, et que M. Baldry avait alors expliqué de quoi il en retournait au moyen de diagrammes projetés sur un écran. La décision d’aller de l’avant a été prise au plus tard le 30 août 2010. M. Reeves ne se souvient pas de la tenue d’un vote officiel. Il a aussi affirmé que le processus décisionnel des mandants était plutôt informel. Même s’il n’a pas fait de contrôle diligent, M. Reeves a adhéré au projet parce que M. Olfert et les mandants plus anciens, forts des conseils professionnels des comptables et des avocats de la Société, recommandaient d’aller de l’avant.

[46] M. Wood était présent à la réunion du 3 août 2010, ainsi qu’à celle qui lui a fait suite le 30 août 2010. Il n’a toutefois aucun souvenir des explications données ou des discussions qui ont eu lieu pendant ces réunions, ni des raisons données pour justifier une refonte de la structure. Il se rappelle qu’on lui a dit que l’objet de la réorganisation était de remplacer la Société par une société de personnes[33], et qu’on lui a indiqué que les motifs de la réorganisation avaient trait à la planification de la succession et de la relève. Cependant, il ne sait plus quand il a entendu parler de ces motifs.

[47] Mme Tiessen est devenue actionnaire après que la décision concernant la réorganisation a été prise. Elle en a été informée par M. Olfert seulement quelques semaines avant de devenir actionnaire, et après avoir fait une recherche en vue de l’acquisition d’actions de la Société et souscrit un financement bancaire à cette fin. Mme Tiessen se rappelle que M. Olfert a mentionné la possibilité de multiplier la DPE, mais elle n’en a pas fait grand cas. En fait, elle ne comprenait pas vraiment les avantages et les inconvénients de la réorganisation.

[48] Il est clair également que ni M. Wood ni Mme Tiessen n’ont compris les liens entre les sociétés jumelles ou les motifs de ce jumelage. Ils ont adhéré au projet parce que, selon ce qu’ils en ont compris, la proposition était à prendre ou à laisser. Soit ils se joignaient à l’aventure, soit ils quittaient le navire.

[49] J’ai établi que la décision d’opérer une réorganisation et d’opter pour le modèle de la société de personnes reposait essentiellement sur les épaules d’un groupe de mandants plus anciens, dont M. Olfert a été le seul représentant à témoigner durant les présents appels. Tous les témoins des appelantes ont reconnu qu’il avait une grande influence sur les questions financières. M. Reeves, M. Wood et Mme Tiessen ont indiqué qu’eux-mêmes n’avaient pas vraiment eu leur mot à dire dans la décision. MM. Reeves et Wood étaient certes présents quand la réorganisation a été proposée, mais leurs souvenirs sont plutôt vagues et ils n’ont pas tout compris.

[50] Les éléments de preuve documentaire produits dans le cadre des présents appels comprennent les procès-verbaux des réunions mensuelles des actionnaires (les mandants)[34], des courriels, des dossiers administratifs de la Société, des rapports de consultants externes engagés par la société pour lui venir en aide dans certains dossiers stratégiques et pour régler des problèmes de ressources humaines de 2005 à 2011, et d’autre matériel connexe, des ententes pertinentes à l’égard de la réorganisation, ainsi que des documentations préparés par M. Baldry. Les éléments de preuve permettent de comprendre les questions qui préoccupaient la Société et les mandants au cours des années ayant précédé la réorganisation et la période 2010-2011. Ces documents offrent des éléments contextuels qui m’ont été très utiles pour me prononcer sur les motifs de la réorganisation.

(3) Consultation de PWC

[51] M. Baldry a été l’un des principaux architectes de la réorganisation. Il a été présenté à M. Olfert et à la Société par M. Monte Gorchinski, l’un des associés de M. Baldry chez PWC et ex-collègue de M. Olfert au sein de la Société pendant quelques années. M. Olfert a expliqué qu’à la fin de 2009, il a demandé de l’aide pour résoudre certaines difficultés de la Société lors d’une réunion annuelle après la clôture de l’exercice avec M. Gorchinski. M. Gorchinski était un spécialiste de la comptabilité générale et non de la fiscalité. Il a proposé de consulter M. Baldry et une réunion a été programmée[35].

[52] Quelles étaient donc les difficultés pour lesquelles l’aide de PWC a été sollicitée?

[53] M. Olfert a témoigné que les difficultés qu’il a présentées à M. Gorchinski avaient trait à la participation des épouses et à la volonté des mandants de faire leur propre planification financière. M. Olfert a expliqué que les mandants plus jeunes avaient besoin de liquidités pour payer certaines dépenses, mais que les plus âgés souhaitaient laisser des fonds dans la Société. Néanmoins, il n’est jamais question d’aucune de ces questions dans les procès-verbaux de réunions, les courriels ou les rapports des consultants. M. Olfert a révélé que ces questions pouvaient surgir au hasard des conversations et durant les réunions des mandants. Je ne suis pas convaincue qu’il s’agisse bien des questions dont M. Olfert a discuté avec M. Gorchinski.

[54] M. Baldry a affirmé qu’il a surtout été question lors des consultations de la relève ou de la transition et, plus précisément, du recrutement aux échelons de la direction et du maintien en poste du personnel en place pour remplacer les dirigeants qui songeaient à la retraite dans les années à venir[36]. M. Baldry a certes évoqué le désaccord avec le fait que des épouses de mandants étaient des actionnaires mais, à ses dires, il a entendu ces propos lors d’une discussion informelle avec un mandant novice sur un terrain de golf.

[55] Que révèle la preuve documentaire révèle au sujet des difficultés dont M. Olfert a parlé avec M. Gorchinski?

[56] M. Baldry a expliqué que normalement, après une première réunion avec un nouveau client, il en dresse un résumé par écrit et il le soumet au client afin qu’il valide qu’ils ont la même compréhension des questions abordées. M. Baldry donne ainsi l’occasion au client de corriger toute méprise qu’il aurait pu avoir au sujet de l’objet de la consultation. C’est exactement ce que M. Baldry a fait après sa première rencontre avec M. Olfert : il a rédigé un résumé qu’il a intitulé [traduction] « Difficultés liées à la transition » et qu’il a présenté à M. Olfert[37].

[57] Le résumé portait exclusivement sur les modifications de la structure de l’actionnariat et les rajustements de la rémunération des mandants plus anciens qui prenaient leur retraite[38]. Le résumé fait état de la diminution du temps consacré à l’entreprise et de la participation des mandants plus anciens, d’une part et, d’autre part, des difficultés des plus jeunes mandants à trouver du financement pour acheter des actions dont la valeur était en hausse[39]. Malgré ce que M. Olfert a affirmé, il n’est jamais question dans le résumé préparé par M. Baldry des épouses ou de planification financière indépendante. M. Olfert a confirmé que le résumé donnait un compte rendu exact des principales difficultés à régler à l’époque[40]. Aucun témoin n’a affirmé que le résumé de M. Baldry ne rendait pas bien compte des enjeux à régler.

[58] Enfin, comme je l’exposerai plus en détail plus loin, aucun des documents datant de la période pertinente qui ont été produits par les appelantes ne parle des épouses actionnaires comme d’un problème. Les éléments de preuve qui concernent la planification financière indépendante révèlent qu’elle a été rendue possible par la réorganisation et qu’elle fait partie des avantages évoqués par M. Baldry. Rien n’indique que les mandants avaient réfléchi à cette question avant que M. Baldry leur en parle.

a) Option de la société d’achat

[59] Plus loin dans son résumé, M. Baldry expose trois options pour le transfert d’actions : i) la vente directe; ii) le rachat des actions du mandant vendeur, suivi d’une souscription d’actions par le mandant acheteur; iii) opération au cours de laquelle une société à but spécial (la « société d’achat »), appartenant aux mandants acheteurs, acquiert les actions des mandants vendeurs et assume les coûts de financement. La fusion de la société d’achat à la Société aurait permis de déduire les intérêts payés pour financer l’acquisition de son revenu[41]. Un résumé des avantages et des inconvénients suivait. Exception faite du financement de l’achat d’actions, le résumé de M. Baldry ne mentionne aucun des motifs de la réorganisation que les appelantes ont invoqués dans les présents appels.

[60] M. Baldry a également préparé un document intitulé [traduction] « Introduction à certains aspects de l’imposition des opérations d’acquisition d’actions »[42]. M. Baldry a expliqué qu’il avait préparé ce document en vue de la première réunion avec les mandants, qui a eu lieu le 7 février 2010. M. Olfert a toutefois affirmé qu’il n’avait jamais vu le document avant l’interjection des appels. Plus précisément, il l’a aperçu pour la première fois alors qu’il se préparait en vue des appels. Bref, il est difficile de savoir si le document a été transmis aux mandants ou s’il s’agissait plutôt d’un aide-mémoire pour l’exposé de M. Baldry. J’ai conclu que M. Baldry l’avait préparé en vue de l’exposé qu’il a donné lors de la réunion des mandants de février 2010[43].

[61] Le document d’introduction couvre à peu près les mêmes sujets que le résumé dont il est question ci-dessus, hormis quelques observations en sus qui donnent des précisions sur des questions fiscales (l’admissibilité probable des vendeurs à l’exonération des gains en capital; le traitement fiscal différent d’un rachat et donc la préférence des vendeurs pour la vente; les questions qui intéressent surtout les acheteurs, soit le financement, la déductibilité des intérêts et la méthode optimale sur le plan fiscal pour rembourser le mandant). La conclusion est qu’il était possible de trouver une structure avantageuse à la fois pour les acheteurs et les vendeurs, malgré un degré de complexité accru de manière temporaire. Bien que le terme « société d’achat » ne soit pas utilisé dans ce document, il y fait référence de manière évidente.

[62] Il semble que la Société ait accepté d’examiner l’option de la société d’achat de plus près. Les avantages évoqués étaient le maintien de l’admissibilité aux exonérations cumulatives des gains en capital pour les mandants vendeurs et la possibilité pour les mandants acheteurs de rembourser la dette et les intérêts contractés pour acquérir des actions avec les fonds de la société après impôts plutôt qu’avec leurs propres fonds après impôts. M. Olfert et M. Baldry ont continué d’échanger de février à juin et, apparemment, ils ont peaufiné l’option de la société d’achat en tenant compte des faits pertinents[44].

[63] Le procès-verbal de la réunion des mandants du 15 juin 2010 fait état de la communication des renseignements requis pour effectuer les transferts d’actions le 1er novembre 2010[45], et qu’il fallait prendre une décision sur la constitution ou non d’une société d’achat. Il faut en comprendre qu’au 15 juin 2010, aucune décision n’avait été prise entre la constitution d’une société d’achat ou le maintien de ce qui se faisait jusque-là, c’est-à-dire les ventes directes entre particuliers.

[64] À la fin de juin 2010, M. Baldry a décelé un problème potentiel lié à l’option de la société d’achat dont lui et M. Olfert discutaient à ce moment. Plus précisément, M. Baldry a réalisé que certains mandants vendeurs pourraient être visés par l’article 84.1 de la Loi; ceux qui vendaient la totalité de leurs actions dans la Société ou qui n’en vendaient aucune n’étaient pas visés par cette disposition. Dans un courriel transmis le 24 juin 2010, M. Baldry faisait part du problème à M. Olfert et lui suggérait une solution : plutôt que de devenir des actionnaires de la société d’achat, les mandants qui vendaient une partie de leurs actions resteraient des actionnaires directs de la Société[46]. Dans le même courriel, M. Baldry informait M. Olfert qu’il souhaitait rencontrer M. Beatty Beaubier, un avocat-fiscaliste, afin de discuter du problème et de la solution qu’il suggérait et que, en l’absence de celui-ci, il avait provisoirement programmé une réunion avec lui le 30 juin. M. Baldry a indiqué à M. Olfert que si c’était possible, il serait souhaitable qu’il assiste à la réunion.

[65] Peu après l’envoi de son courriel du 24 juin, M. Baldry a rencontré M. Beaubier[47]. Les parties ne se rappelaient toutefois pas si l’idée de la société de personnes morales a été soulevée lors de cette rencontre. Je pense pour ma part que c’est assez improbable. Selon M. Baldry, la rencontre a porté essentiellement sur l’article 84.1 et la solution qu’il suggérait. Il pensait aussi que M. Olfert avait accepté son invitation et était présent à la rencontre. M. Olfert a affirmé que c’est M. Baldry, et non M. Beatty, qui lui a parlé de la société de personnes morales, ce qui confirmerait que cette idée a été évoquée seulement après la rencontre du 30 juin.

[66] Qui plus est, le procès-verbal de la réunion des mandants du 13 juillet 2010 confirme que M. Olfert y a exposé l’option de la société d’achat. Il est difficile de déterminer quel modèle de société d’achat il a décrit au juste, mais il est probable que c’était le modèle révisé, qui tenait compte de la suggestion d’inclure des modalités permettant d’échapper à l’application de l’article 84.1. Dans le procès-verbal, il est rapporté que la réaction du groupe a été de [traduction] « demander une analyse plus approfondie pour déterminer quelle option serait la plus simple, mais que le choix se porterait probablement sur le modèle en place à ce moment-là, soit celui du paiement comptant et du financement par le vendeur ». Il faut en déduire qu’à la mi-juillet, les mandants projetaient de procéder de la même façon que par le passé : le 1er novembre 2010, les mandants vendraient des actions directement à d’autres particuliers. Ils en étaient venus à cette décision parce que, même si le modèle de la société d’achat aurait permis des gains en efficience pour ce qui était du financement du coût des actions[48], ils préféraient un modèle plus simple. Selon M. Olfert, on ne lui avait pas présenté le modèle de la société de personnes morales avant cette rencontre. C’est plausible puisque ce n’est pas au procès-verbal.

b) Réunions des mandants d’août 2010

[67] Un peu avant la fin de juillet, M. Baldry a parlé du modèle de la société de personnes morales à M. Olfert, qui l’a à son tour présenté à quelques mandants plus anciens (formant le groupe de la direction[49]).

[68] Dans un courriel transmis le 27 juillet 2010, M. Olfert a demandé à MM. Gorchinski et Baldry de venir présenter le modèle de la société de personnes morales aux mandants lors de la réunion prévue le 3 août suivant. Le ton du courriel mérite d’être souligné : M. Olfert y rapporte que la description qu’il a donnée de la proposition [traduction] « les [le groupe de la direction] a vraiment enthousiasmés »; il demande aux associés de PWC s’ils accepteraient de consacrer leur longue fin de semaine à la préparation d’une présentation, et il leur demande instamment d’être présents à la réunion du 3 août puisque la prochaine réunion des actionnaires était prévue en septembre, ce qui laissait peu de marge avant la clôture de l’exercice de la Société. M. Baldry a accepté l’invitation et a donné une présentation assez générale sur les attributs fiscaux de la structure de la société de personnes.

[69] MM. Gorchinski et Baldry ont assisté à la réunion des actionnaires du 3 août. M. Baldry avait préparé un document intitulé [traduction] « Discussions préliminaires sur l’option de la société de personnes morales[50] », qu’il a présenté lors de la réunion, ainsi que divers exemples illustrant certaines incidences fiscales. Il a projeté des diagrammes pour illustrer la proposition qui, a précisé M. Reeves, n’ont pas été produits en preuve[51]. Le document comparait les avantages et les inconvénients du modèle de la société de personnes morales. Certains des motifs invoqués par les appelantes pour justifier la réorganisation ont été présentés comme des avantages de celle-ci, mais pas tous. Parmi les avantages du projet, le document mentionne la possibilité de multiplier la DPE et d’appliquer le taux d’imposition de la DPE ou des sociétés (plutôt que le taux d’imposition des particuliers) aux salaires.

[70] Les exemples illustratifs que M. Baldry a présentés reposaient sur un scénario dans lequel la participation d’un mandant s’établissait à 10 % et son revenu annuel réputé à 600 000 $. Dans ces exemples, on compare le revenu après impôt d’un mandant gagnant un salaire de 600 000 $ et le revenu après impôt selon le modèle de la société de personnes morales[52], en supposant que le mandant et son épouse toucheraient ensemble des dividendes de 100 000 à 200 000 $, à raison de 50 % chacun, et que le reste des revenus demeurerait dans les sociétés. M. Baldry a expliqué que les exemples présentaient des scénarios correspondant à ce qui, selon M. Olfert, [traduction] « représentaient les trois situations types des mandants eu égard aux revenus dont ils avaient besoin pour maintenir leur style de vie[53] ».

[71] Le titre de la première colonne des exemples illustratifs était [traduction] « Avant réorg. », et elle donnait les résultats pour un mandant touchant un salaire de 600 000 $. Pour le modèle de la société de personnes morales, les résultats figuraient dans deux colonnes portant les titres [traduction] « DPE » et « Associées ». M. Baldry a expliqué que les résultats dans la colonne DPE correspondaient à un modèle dans lequel seules les sociétés jumelles étaient associées, ce qui concorde avec la thèse des appelantes dans les présents appels. Les résultats dans la colonne Associées correspondaient à un modèle dans lequel toutes les sociétés étaient associées, ce qui concorde avec la thèse de l’intimée dans les présents appels[54]. Les écarts sont frappants.

[72] En 2011, un particulier touchant un salaire de 600 000 $ aurait payé 242 000 $ environ d’impôt mais, selon le modèle de la société de personnes morales, il aurait pu économiser ou reporter de 140 685 à 60 000 $ environ, dépendant du montant des dividendes versés au mandant et à son épouse, et dépendant si la société partenaire et la société de services jumelles étaient considérées comme étant associées aux 30 sociétés ou seulement l’une à l’autre. Le montant de l’impôt économisé ou reporté représentait donc de 60 à 25 % environ de l’impôt payable par ailleurs.

c) Pourquoi constituer une société de personnes morales?

[73] M. Baldry a indiqué qu’avant de soumettre une proposition aux mandants à l’été 2010, il n’était pas un partisan du modèle de la société de personnes morales. Il a changé d’avis pour deux raisons. La première avait trait à l’intégration des impôts de la société au revenu d’entreprise et les impôts personnels aux dividendes pour les revenus de la société non imposés au taux de la DPE. Comme M. Baldry l’a expliqué, si la DPE ne pouvait pas être demandée, l’écart entre les taux d’imposition était de 7 ou 8 % en Saskatchewan[55]. Cela a changé après l’introduction du compte de revenu à taux général (CRTG) et du compte de revenu à taux réduit (CRTR), et les modifications aux règles de majoration et de crédit fiscal pour dividendes. M. Baldry a indiqué que les changements étaient intervenus avant 2010, mais il ne savait pas quand au juste.

[74] Les modifications ont été annoncées en 2005 et sont entrées en vigueur en 2006[56]. En 2009 en Saskatchewan, le coût à supporter pour gagner un revenu d’une société et verser des dividendes à partir des revenus après impôt de la société, si la DPE n’était pas applicable, et les dividendes étaient imposés au taux d’imposition marginal le plus élevé de 1 % environ. Le coût était donc minime même si le taux d’imposition marginal le plus élevé s’appliquait et, encore là, il ne s’appliquait pas toujours, ou alors il s’appliquait à une petite partie seulement des dividendes versés[57]. De plus, en limitant la distribution de dividendes, comme le proposait M. Baldry dans ses exemples illustratifs, les actionnaires pouvaient économiser de l’impôt et bénéficier d’un report même si le revenu n’était pas imposé au taux de la DPE.

[75] Pour justifier sa volte-face concernant les sociétés de personnes morales, M. Baldry a également expliqué qu’un peu avant la rencontre avec M. Beatty, il avait entendu parler de plusieurs décisions anticipées en matière d’impôt par lesquelles l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») avait confirmé à plusieurs contribuables que le paragraphe 256(2.1) ne s’appliquerait pas aux sociétés de personnes morales visées [traduction] « si la réorganisation n’était pas motivée par la perspective de multiplier la déduction accordée aux petites entreprises. Ces deux changements m’ont convaincu d’inclure le modèle de la société de personnes morales dans les options proposées au groupe AODBT. »[58]

[76] Le témoignage de M. Baldry est assez éloquent. Selon lui, deux facteurs l’auraient amené à faire volte-face au sujet de la société de personnes morales, dont un qui est intervenu peu de temps avant qu’il propose ce modèle à M. Olfert, soit la perspective de multiplier les DPE tel qu’il était annoncé dans les décisions de l’ARC. Étant donné le degré substantiel d’intégration des revenus non admissibles au taux de la DPE qui était possible avant que la Société engage M. Baldry[59], j’en viens à la conclusion que ces décisions ont été le véritable déclencheur de son changement d’opinion. Pourquoi? Parce qu’elles confirmaient que toutes les sociétés pourraient se prévaloir de la DPE.

[77] À mon avis, c’est la perspective de l’admissibilité de tous les revenus au taux de la DPE qui a enthousiasmé le groupe de la direction à qui M. Olfert a présenté la proposition en premier. Les membres de ce groupe étaient susceptibles d’avoir des revenus plus élevés, leur participation dans la Société était plus importante, et ils étaient probablement les mieux placés pour laisser de l’argent dans les sociétés. Les sommes pouvaient être assez élevées considérant le taux d’imposition fédéral-provincial combiné de 15,5 % de la DPE applicable au revenu des sociétés[60]. L’intégration des impôts des sociétés et des particuliers sur les dividendes non admissibles à la DPE offrait une protection contre toute baisse advenant l’impossibilité de bénéficier de la DPE.

[78] M. Baldry a témoigné que seul le paragraphe 256(2.1) empêchait toutes les sociétés de se prévaloir de la DPE. Il a informé les mandants qu’ils devraient trouver d’autres motifs que la perspective de multiplier les DPE pour se prévaloir de ce mécanisme. M. Baldry avait compris que c’était le fondement des décisions de l’ARC, et c’est ce qui l’a fait changer d’idée au sujet du modèle de la société de personnes morales. Il a reconnu que, d’entrée de jeu, la proposition du modèle de société de personnes morales prévoyait la constitution de sociétés partenaires et de sociétés de services et la possibilité de multiplier les DPE.

[79] Quand les mandants ont opté pour une réorganisation et la constitution d’une société de personnes morales, M. Baldry n’était pas convaincu que c’était la solution au problème pour lequel la Société avait sollicité son aide (c’est-à-dire trouver le modèle le plus efficace sur le plan fiscal pour régler les problèmes de financement liés à l’achat d’actions). Dans le résumé préparé après la réunion du 3 août 2010, M. Baldry exposait ainsi l’un des inconvénients de la société de personnes morale :

[traduction]

Cette structure ne sera pas la plus efficace sur le plan fiscal eu égard aux problèmes actuels liés à la transition entre la « vieille garde » et la « nouvelle garde ». Avant de changer complètement la structure, il faudrait déterminer si le mécanisme en place de financement par les vendeurs ou la constitution d’une société d’achat offrent une solution au problème.

[80] Même s’il ne traite pas de cette question ni de la proposition de constituer une société d’achat (qui avait été rejetée le mois précédent parce qu’un modèle plus simple était souhaité), le procès-verbal de la réunion du 3 août 2010 fait état d’un échange [traduction] « extrêmement éclairant et utile » avec MM. Baldry et Gorchinski. M. Olfert a admis que les mandants s’étaient montrés très enthousiastes quand il a été question d’économies d’impôt lors de la réunion. C’est également ce qui ressort du procès-verbal de la réunion du 30 août 2010, qui faisait suite à celle du 3 août :

[traduction]

M. Olfert doit s’entendre le plus rapidement possible avec M. Beaubier pour mettre en place le nouveau modèle de société de personnes morales, qui permettra à tous d’économiser de l’impôt et de passer à un « modèle de l’année » pour l’entreprise.

Bref, le seul avantage mentionné expressément dans les procès-verbaux, qui est aussi le seul avantage fiscal dont tous les mandants pouvaient se prévaloir, est la possibilité d’économiser de l’impôt[61].

[81] De même, les exemples illustratifs que M. Baldry a présentés aux mandants lors de la réunion portent uniquement sur les avantages fiscaux. M. Baldry a indiqué qu’il avait bien expliqué aux mandants qu’ils devraient opter pour la société de personnes morales seulement si les résultats de la troisième colonne leur convenaient (les sociétés de services ne pourraient pas demander la DPE). Selon M. Baldry, il a précisé aux mandants que la décision devait être fondée sur une comparaison des deux colonnes liées à la société de personnes morales. Or, aucune de ces colonnes ne tenait compte des avantages évoqués par les appelantes comme motifs de la réorganisation, et notamment la possibilité de payer les dettes avec l’argent après impôt de la société.

[82] Si les principaux motifs de la constitution d’une société de personnes morales étaient ceux que les appelantes ont évoqués, il n’y aurait pas dû y avoir de réticence de la part de M. Baldry à recommander, et de la part des mandants à adopter, le modèle de la société de personnes morales sans égard à la DPE. Il y avait un coût fiscal minime, voire nul, associé au taux d’imposition plus élevé, et il pouvait être éliminé grâce au mécanisme de report et à la distribution limitée des dividendes aux fins de la gestion des impôts personnels. De plus, le problème du financement était réglé pour ce qui était des ventes et des achats d’actions à venir, et c’est pour ce problème en particulier que l’aide de M. Baldry avait été sollicitée. Autrement dit, si les motifs invoqués par les appelantes étaient véritablement les principaux motifs de la réorganisation, M. Baldry aurait dû la recommander avant même d’entendre parler des décisions de l’ARC.

[83] Ce n’est pourtant pas l’avis qu’il a donné. Les décisions de l’ARC ont poussé M. Baldry à suggérer le modèle de la société de personnes morales parce qu’il permettait de multiplier les DPE. Je ne doute aucunement que M. Baldry a averti les mandants du risque d’une décision défavorable et de l’éventuelle application du paragraphe 256(2.1). Il a toutefois ajouté qu’il y avait les reports et les économies d’impôt de la colonne « Associées ». Suivant la description qu’a donnée M. Baldry du processus décisionnel, lui et les appelantes ne semblent pas avoir tenu compte des autres motifs.

[84] Quand il a été question en contre-interrogatoire de la décision d’opérer une réorganisation de fond de la Société en moins de deux ou trois semaines, M. Olfert a répondu que le modèle de la société d’achat qui avait été examiné avant supposait aussi une réorganisation, et qu’il s’agissait simplement d’un moyen différent d’y arriver. Ce modèle a été rejeté parce qu’une solution plus simple était souhaitée.

[85] M. Olfert a indiqué qu’il n’avait pas été demandé à l’ARC de rendre une décision parce que le temps pressait. Quand on lui a demandé pourquoi le temps pressait, M. Olfert a répondu qu’il avait été décidé que le plus tôt serait le mieux. Pourquoi cette urgence? L’option de la société d’achat était à l’étude depuis cinq ou six mois quand il a été décidé que c’était un modèle trop compliqué pour la Société. Dans les procès-verbaux des réunions des mandants, y compris celui de la réunion de juillet 2010, il est rapporté que l’option du statu quo semblait la plus simple et qu’elle avait été préférée au modèle de la société d’achat[62].

[86] Pourtant, le groupe de la direction s’est montré très enthousiaste en entendant parler du modèle de la société de personnes morales, dont la mise en place s’avérait assez complexe et nécessitait de modifier de nombreux aspects de la structure de l’entreprise. Tous les mandants ont décidé d’adopter ce modèle après la présentation que leur a faite M. Baldry le 3 août, malgré le fait qu’à ce moment il comprenait la constitution d’une société d’achat pour régler le problème de financement des dettes, et que beaucoup des avantages énoncés dans le plan définitif restaient inconnus[63]. Cela laisse supposer que les autres prétendus motifs (avantages) de la réorganisation n’étaient pas ceux qui l’ont motivée, mais qu’ils sont apparus après que la décision a été prise de l’effectuer afin de multiplier les DPE.

[87] La feuille de calcul sur laquelle M. Baldry a résumé les attributs fiscaux de la réorganisation corrobore entièrement ma conclusion selon laquelle la multiplication des DPE représentait un motif principal de la réorganisation. M. Baldry a expliqué que la feuille de calcul avait pour objet [traduction] « de présenter un sommaire du nombre d’actions détenues par chaque personne, du prix de base rajusté, des gains en capital attendus, [...] ainsi que des montants d’impôt payés en lien avec les prêts d’actionnaire ». M. Baldry a toutefois omis de mentionner que ce sommaire donne aussi le [traduction] « revenu imposable cible » pour chacune des sociétés partenaires (totalisant exactement 500 000 $ pour les 15 sociétés partenaires), les « honoraires mensuels optimaux » pour chacune des sociétés de services, et les « sommes mises de côté aux fins de l’impôt » pour chacune des sociétés partenaires et de services. M. Baldry a affirmé que le montant des honoraires avait été établi en fonction du plafond des affaires au titre de la DPE[64]. Les sommes à mettre de côté aux fins de l’impôt correspondaient à 16 % du revenu imposable cible de la société partenaire, et à 16 % des honoraires optimaux de la société de services (durant cette période, le taux fédéral-provincial combiné hors DPE dépassait 26 % en Saskatchewan). Il est évident que les chiffres donnés dans ce sommaire prenaient en compte la multiplication des DPE et le versement de dividendes plutôt que d’un salaire aux mandants.

[88] Il est fort possible que M. Baldry ait conseillé aux mandants de ne pas opter pour le modèle de société de personnes morales s’ils n’étaient convaincus que les économies et les reports d’impôt figurant dans ses exemples illustratifs étaient suffisants, mais je ne puis conclure pour autant que la réduction de l’impôt ne constituait pas l’un des principaux motifs pour adopter ce modèle. Les documents préparés au moment où la réorganisation a été approuvée et le témoignage de M. Baldry ne laissent aucun doute : parmi les principaux motifs pour adopter le modèle de société de personnes morales se trouvait la perspective de réduire les impôts à payer en constituant plusieurs sociétés pouvant se prévaloir de la DPE et dont une plus grande part du revenu serait admissible au taux de la DPE.

[89] L’avocate des appelantes a fait valoir que les mandants ont donné leur aval à ce modèle même après que M. Baldry les a prévenus qu’ils ne pourraient peut-être pas se prévaloir de la DPE, et que cet avantage ne pouvait donc pas représenter le motif principal de la réorganisation. Je ne puis retenir cet argument. Les mandants n’étaient pas sans avoir qu’ils pourraient demander la DPE[65] ou que les règles de la société associée pourraient s’appliquer[66]. Chose certaine, ils savaient qu’ils devaient trouver d’autres motifs que la multiplication des DPE pour justifier la réorganisation en société de personnes morales, et ils étaient aussi au fait du risque que leurs motifs ne soient pas retenus, mais les inconvénients étaient somme toute infimes. Je suis convaincue que l’admissibilité de tous les revenus au taux de la DPE est ce qui a amené M. Baldry à proposer cette option et les mandants à l’adopter.

[90] Le procès-verbal de la réunion des mandants du 11 janvier 2011 rend compte d’une discussion sur des questions financières entre MM. Baldry, Beaubier et Mike Deobald. Les « faits saillants » mentionnés touchent presque tous des questions fiscales, et englobent notamment une observation sur le fait que le plus avantageux sur le plan fiscal serait de laisser le plus de fonds possible dans les sociétés de services. M. Olfert a confirmé que le procès-verbal donne un compte rendu exact des explications données par les conseillers lors de la réunion. Il a souligné que la liste rendait compte de chacune des nombreuses étapes du processus de réorganisation[67]. Aucun des mandants qui ont comparu devant moi ne se souvenait des discussions qui ont eu lieu sur ces questions.

[91] En résumé, malgré les témoignages sur les motifs allégués de la réorganisation, les documents et d’autres parties des témoignages me portent à conclure que l’un des principaux motifs de la réorganisation était la perspective de multiplier les DPE. M. Baldry a toutefois informé les mandants qu’ils devaient trouver d’autres motifs pour éviter que les sociétés ne soient considérées comme étant associées l’une à l’autre. Avec l’aide de leurs conseillers, les mandants ont donc trouvé d’autres avantages à la réorganisation afin que, comme l’a expliqué M. Baldry, ils puissent indiquer que les 30 sociétés n’étaient pas associées dans leurs déclarations de revenus.

(4) Motifs de la réorganisation invoqués par les appelantes

[92] Je vais maintenant me pencher sur les motifs invoqués par les appelantes pour constituer une société de personnes morales, et je vais expliquer pourquoi je ne puis retenir qu’il s’agissait, pour la plupart, des principaux motifs de la réorganisation ou de l’existence distincte des 30 sociétés qui en a découlé. Les témoignages livrés lors du procès représentent la seule preuve concernant ces motifs (c’est-à-dire des assertions ex post facto quant à l’objet). En fait, trois des témoins ont révélé en toute franchise que d’autres personnes leur avaient dit qu’il s’agissait des motifs de la réorganisation. Je pense que M. Baldry a suggéré plusieurs de ces motifs, et que certains ont même été établis après que la décision d’opérer une réorganisation a été prise.

a) Solutions aux problèmes de relève, y compris le recrutement et le maintien en poste de cadres compétents

[93] Le thème de la relève a surgi à maintes reprises dans le contexte des présents appels. Ce terme et d’autres comme « transition » et « planification stratégique » ont été employés par les témoins et dans la documentation pour parler des nombreux problèmes qui, dans les grandes lignes, touchaient la propriété et la structure de gestion de l’entreprise.

[94] Les consultants externes qui ont interrogé le personnel et les mandants dans le cadre de plusieurs examens stratégiques ont observé que les membres du personnel étaient généralement très satisfaits; qu’ils appréciaient l’ambiance de collégialité au sein de la Société, qui était à leur avis employeur de choix, qu’ils jugeaient que le moral était bon et que le taux de maintien en poste était très élevé. On a demandé au consultant externe engagé en décembre 2010, soit au début du processus de réorganisation, d’examiner divers aspects stratégiques, y compris les structures de l’actionnariat, les opérations et les processus. Une retraite des actionnaires a été organisée au début de 2011, et les problèmes liés à la relève, notamment à la participation financière, restaient à l’ordre du jour même si la réorganisation était terminée. Quand le thème récurrent de la relève est abordé dans le matériel lié aux examens stratégiques effectués de 2005 à 2011, il est question de la démarche à suivre pour quiconque souhaitait grimper les échelons dans l’entreprise et acquérir une participation, y compris la définition des critères d’admissibilité, ainsi que de la démarche pour se retirer de l’entreprise.

[95] J’admets que le recrutement et le maintien en poste de personnel expérimenté et compétent étaient importants pour la Société, et qu’elle veuille protéger l’achalandage de l’entreprise durant la transition entre les départs à la retraite de mandants plus anciens et l’arrivée de mandants novices. Je comprends également qu’elle tenait à ce que le personnel et la clientèle soient satisfaits. Cependant, outre peut-être l’aspect financier de l’achat et de la vente d’actions, je ne suis pas persuadée que la réorganisation a eu une incidence ou un intérêt quelconques pour ce qui concernait les problèmes plus larges de relève.

i) Recrutement et maintien en poste de personnel compétent

[96] M. Olfert a évoqué la difficulté de recruter du personnel en raison de la structure de gestion (une société appartenant à ses mandants). Il a toutefois admis qu’il n’était jamais arrivé que quelqu’un s’engage dans la Société ou la quitte en raison de sa structure de propriété. Il a même reconnu qu’il n’est pas habituel d’aborder le thème de la structure de propriété d’une entreprise dans un contexte de recrutement.

[97] Le procès-verbal de l’assemblée des actionnaires de 2010 fait état d’un processus fructueux de recrutement d’un architecte principal, M. Aussant. La structure de la Société n’est pas mentionnée dans les sujets de préoccupation, et M. Aussant est entré au service de la société au printemps 2010, avant que la constitution en société de personnes morales soit proposée.

[98] Mme Tiessen, M. Reeves et M. Wood ont tous les trois soutenu qu’ils ne connaissaient pas la structure de la Société avant de s’y engager. M. Wood a entendu parler de Third Avenue quand il est devenu un actionnaire, en 2006. Au printemps 2010, Mme Tiessen a accepté de devenir une mandante en tenant pour acquis qu’elle pourrait acheter des actions de la Société. Elle a été surprise quand elle a eu vent du projet de réorganisation puisqu’elle avait fait des recherches au sujet de la structure de la société avant d’accepter d’en devenir une mandante. Quand elle a entendu parler de la réorganisation, la décision avait déjà été prise d’aller de l’avant. Par conséquent, à moins de renoncer à devenir une actionnaire, elle n’avait pas le choix d’adhérer au processus. Selon ses propres dires, elle n’était pas bien placée pour contester la décision. Mme Tiessen ne savait rien des problèmes à l’origine du changement de structure quand on lui a indiqué qu’il était justifié par la nécessité de recruter des mandants, et plus particulièrement de faciliter le financement de l’achat d’actions.

[99] On ne m’a pas convaincue que la structure de propriété avant ou après la réorganisation avait quoi que ce soit à voir avec le recrutement ou le maintien en poste de personnel.

ii) Financement du coût des actions

[100] Comme il a été expliqué ci-dessus, avant la réorganisation, l’acquisition d’actions de la société se faisait par la vente directe entre particuliers. Dans certains cas, le vendeur se faisait payer comptant sur-le-champ et, dans d’autres, il acceptait un billet à ordre portant intérêt émis par l’acheteur et remboursable dans un délai de cinq ans[68].

[101] Comme la juste valeur marchande des actions a augmenté à mesure que l’entreprise prenait de l’expansion, le coût des actions a aussi augmenté. Une action participante valait 25 000 $ en novembre 2006, mais le coût avait grimpé à 53 000 $ en novembre 2010[69]. Comme de raison, le coût du financement de l’achat des actions a lui aussi augmenté. C’est la question du financement de l’achat des actions qui a conduit M. Olfert à demander l’aide de PWC, et c’est dans ce cadre que M. Baldry a suggéré l’option de la société d’achat. Par la suite, MM. Baldry et Olfert ont étudié diverses variantes de cette option. Comme l’a expliqué M. Baldry, parce que les taux d’imposition étaient plus élevés sur le revenu des particuliers que sur le revenu des sociétés, il était difficile de rembourser la dette d’acquisition avec les dollars après impôt, même si les intérêts sur celle-ci étaient déductibles. Il a ajouté qu’à ce moment, les institutions financières étaient de moins en moins disposées à accorder du financement pour ces achats.

[102] J’admets que dans un modèle de société de personnes morales, le financement par une société partenaire de l’achat d’une action dans une société de personnes laisse plus de dollars après impôt pour rembourser la dette d’acquisition étant donné que les taux d’imposition des sociétés sont en règle générale moins élevés que les taux d’imposition des particuliers. Il s’agit de l’un des avantages évoqués par M. Baldry dans le document [traduction] « Examen initial de l’option de la société de personnes morales » (dans lequel il parle de 0,85 $ après impôt au taux de la DPE, ou de 0,70 $ après impôt au taux hors DPE).

[103] La question est de savoir dans quelle mesure ce facteur a pesé dans la décision d’adopter le modèle de société de personnes morales.

[104] M. Olfert a affirmé que de 2008 à 2010, les revenus ont connu une croissance importante, et que les mandants avaient les moyens d’acheter les actions. Il a ajouté qu’on avait demandé aux mandants novices s’ils préféraient devenir actionnaires en étant libres de toute obligation d’un bout à l’autre du processus[70]. Ils ont indiqué qu’ils préféraient acheter et vendre des actions à la juste valeur marchande. Cette option leur permettait de tirer avantage des éventuelles fluctuations à la hausse, même s’il était couplé à un risque de baisse. Les mandants novices souhaitaient donc acheter des actions à leur juste valeur marchande, et ils étaient prêts à assumer le risque et la responsabilité de payer les dettes associées à l’achat d’actions avec leurs propres ressources, y compris les dividendes et les revenus après impôt.

[105] Les consultants externes engagés pour réaliser une planification stratégique ont aussi fait des suggestions concernant le coût croissant des actions et du financement[71], mais aucune n’a été retenue. De surcroît, bien que la Société ait étudié l’option de la société d’achat pendant cinq ou six mois après sa suggestion par M. Baldry, les mandants l’ont rejetée parce qu’ils voulaient un modèle plus simple.

[106] Les mandants ont continué d’acheter des actions au moins jusqu’en novembre 2010, apparemment sans difficulté. M. Reeves a affirmé que même s’il a dû hypothéquer sa maison pour acheter ses deux premières actions en 2006 et en 2007, il a été en mesure de payer les trois autres actions comptant, sans recourir à aucune forme de financement. M. Wood a contracté un prêt bancaire pour acheter sa première action en 2009.

[107] Mme Tiessen et M. Aussant ont acheté des actions en novembre 2010, à l’instar d’autres actionnaires. Mme Tiessen a accepté d’acheter des actions sans être au courant de la réorganisation. Elle a déclaré qu’elle n’avait eu aucun problème à trouver du financement pour acheter sa première action[72]. Elle a obtenu un prêt de la Banque Royale deux mois avant la réorganisation, sans savoir qu’elle allait avoir lieu. Mme Tiessen a ensuite acheté sept autres « actions »[73] grâce au financement du vendeur. En 2020, elle a fait des démarches auprès de quatre institutions financières. Elle a expliqué que le processus avait été beaucoup plus complexe que lors de sa première expérience, et que les banques exigeaient dorénavant de soumettre une demande, de remplir des documents et d’offrir des garanties.

[108] Quelques mandants souhaitaient améliorer l’efficacité du financement de l’achat d’actions pour favoriser la relève. La décision concernant la réorganisation en une société de personnes morales a toutefois été prise avant que les conseillers établissent qu’une société pourrait prendre à sa charge une bonne partie du financement existant des actions. Par ailleurs, plusieurs des suggestions avancées pour régler ce problème, dont une venait de M. Baldry, n’ont pas eu de suite[74]. S’il est vrai que c’était l’un des motifs de la réorganisation, il était selon moi beaucoup moins impérieux que la multiplication des DPE.

b) Renoncement à la participation pour les épouses

[109] Les appelantes soutiennent que l’un des principaux motifs de la réorganisation consistait à supprimer la possibilité pour les épouses de posséder un intérêt direct dans l’entité exploitant l’entreprise. Or, les éléments de preuve concernant les plaintes portaient sur deux épouses en particulier qui travaillaient dans l’entreprise plutôt que sur la qualité d’actionnaires des épouses. Qui plus est, ces plaintes ont été réglées bien avant 2010.

[110] M. Olfert a parlé de problèmes concernant une épouse dont le mari accordait plus de valeur aux services rendus. Seul M. Olfert a fait allusion à ce problème dans son témoignage. Il n’est jamais mentionné dans les procès-verbaux des réunions des actionnaires[75], qui renferment pourtant une rubrique récurrente portant le titre [traduction] « Questions liées au personnel et situation des ressources humaines »[76].

[111] Les plaintes au sujet de l’autre épouse remontent à la fin de 2004 et au début de 2005; à cette époque, la Société n’avait pas de politique sur l’emploi des épouses ou d’autres membres de la famille. La Société a demandé à un consultant externe en ressources humaines de mener une enquête. Le consultant a interrogé des membres du personnel, il a analysé les rôles et les responsabilités et il a remis un rapport à la Société au début d’avril 2005. Le rapport mentionne que la Société avait des employés qui n’avaient aucune participation, des employées mariées aux actionnaires et des employés qui étaient eux-mêmes actionnaires mais que, de façon générale, les deux derniers groupes ne tentaient pas de tirer avantage de leur qualité d’actionnaires, à une exception près. Le rapport recommandait diverses mesures, y compris des directives explicitement documentées portant sur divers sujets comme un manuel de gestion du personnel; des descriptions de poste; des politiques d’embauche et un code de conduite des actionnaires dans l’exercice de leurs activités pour le compte de la Société. Bien qu’il y soit question de conflits entre certains membres du personnel, le rapport ne recommande pas le licenciement de l’épouse en question, mais suggère plutôt de la réaffecter au poste qu’elle occupait auparavant.

[112] Des frictions se sont ensuivies entre la Société d’un côté et, de l’autre, l’épouse et son mari (un mandant), par suite desquelles l’épouse a démissionné en tant qu’employée en avril 2005 et le mari a pris un congé. L’épouse est restée une actionnaire jusqu’en novembre 2009. Toutefois, de 2007 à 2009, elle a participé à la vente d’actions annuelles de novembre à titre de vendeuse.

[113] Fait intéressant, à peu près au moment où elle a engagé un consultant en ressources humaines, la Société collaborait avec un autre consultant dans le cadre d’un examen stratégique plus vaste. Dans le cadre de cet examen stratégique, le consultant a interrogé chacun des mandants au début de mars 2005 et, à peu près en même temps, le consultant en ressources humaines procédait à son analyse. Le résumé des entrevues menées par le consultant externe relève l’absence de politiques en matière de personnel et indique que les rôles des épouses pourraient être sources de conflits entre les mandants. Il y est aussi question de la nécessité de préciser le rôle des membres de la famille ayant des participations dans la Société. Cependant, les principaux sujets de préoccupation mentionnés sont la structuration des éventuels départs à la retraite, le recrutement de candidats compétents pour remplacer les personnes retraitées et la mise en place de modalités de transition appropriées, intégrant notamment des possibilités de croissance, afin d’assurer une bonne intégration. L’absence d’une politique claire sur l’attribution des actions et les transferts est aussi soulignée.

[114] La Société a donné suite à la recommandation de rédiger un manuel des ressources humaines, et elle a adopté une politique interdisant l’embauche d’épouses ou d’autres membres de la famille. Le relève comptait aussi parmi les thèmes importants des examens stratégiques de 2008 et 2010. Cependant, si les épouses actionnaires étaient perçues comme posant problème, il ne semblait pas être jugé assez important pour être mentionné dans les rapports de ces examens ou les descriptions des problèmes à prendre en compte. Par ailleurs, les membres du personnel n’ont pas non plus évoqué les problèmes liés aux épouses actionnaires ou les conflits internes dans les entrevues réalisées en 2007. Il semble qu’après l’adoption de la politique et la démission de l’épouse en cause comme employée, les problèmes liés aux épouses ont été considérés comme réglés.

[115] La question des épouses actionnaires a été abordée lors de la réunion des actionnaires de septembre 2005, soit cinq mois après le dépôt du rapport du consultant en ressources humaines et le conflit qui en a résulté. Selon le procès-verbal, M. Olfert a déclaré qu’il était facile de leur retirer leur qualité d’actionnaires, mais que cela pourrait entraîner la perte de l’exonération des gains en capital[77]. Aucun des autres procès-verbaux produits en preuve n’indique que ce sujet a été abordé. M. Olfert a admis qu’après le conflit survenu en 2005, aucune offre d’achat d’actions d’une épouse n’a été faite et que rien n’a été tenté pour que les épouses renoncent à leur qualité d’actionnaires. Il est par conséquent difficile de penser qu’il s’agissait d’un problème important.

[116] M. Baldry a affirmé qu’un mandant novice avait manifesté son mécontentement à l’égard de la participation des épouses des mandants plus anciens[78], mais qu’il l’avait fait au cours d’une conversation à bâtons rompus sur un terrain de golf dont ils étaient tous les deux membres. Ce témoignage constitue du ouï-dire et je ne lui accorde aucune valeur.

[117] M. Reeves, M. Wood et Mme Tiessen ont tous les trois été interrogés au sujet des préoccupations concernant les épouses actionnaires, et ils ont tous les trois indiqué que ce n’était pas un sujet de préoccupation. M. Reeves a précisé que les épouses actionnaires ne dérangeaient aucunement ses activités courantes. Il soutient qu’il a entendu dire que c’était un problème lors des réunions d’actionnaires mais, hormis celui de la réunion de 2005, aucun procès-verbal ne fait état d’une discussion à ce sujet[79]. M. Reeves a indiqué qu’il n’aurait pas souhaité que son épouse devienne une actionnaire et que, selon ce qu’il en avait compris, la participation de certaines épouses était un vestige de la structure d’origine. M. Wood n’a jamais prêté attention à la question.

[118] L’historique de la participation des épouses est également pertinent. Au début des années 1990, un des fondateurs de l’entreprise a pris sa retraite et cherchait à vendre ses actions aux autres actionnaires. Ceux-ci ont convenu de les acheter par l’intermédiaire de sociétés de portefeuille, comme le leur avait suggéré le conseiller comptable de la Société à l’époque. M. Olfert a déclaré lors de son témoignage que le fondateur vendeur avait insisté pour que les épouses garantissent le paiement et deviennent actionnaires de la société de portefeuille acheteuse avec leurs maris, qui étaient des mandants. Les sociétés de portefeuille ont finalement été fusionnées à la société qui exploitait alors l’entreprise et qui est probablement devenue la Société.

[119] Au moment de la réorganisation, les épouses étaient des actionnaires depuis plus de 15 ans. Si quelqu’un demandait des explications, elles étaient toutes prêtes : il s’agissait d’un arrangement de longue date qui avait été rendue nécessaire par la retraite d’un associé fondateur et leur participation diminuait à mesure que de nouveaux mandants acquéraient des actions. Le nombre d’épouses actionnaires et leur participation totale dans la Société a décliné de façon manifeste au cours de cette période de 15 ans[80]. Si, pour quelque raison, leur retrait à titre d’actionnaires était nécessaire, la tâche était considérée comme relativement simple. La participation des épouses permettait de fractionner les revenus et d’accroître les gains en capital exonérés, ce qui était avantageux pour les mandants plus anciens[81].

[120] M. Olfert a soutenu que le retrait des épouses à titre d’actionnaires représentait un objectif important de la réorganisation. M. Reeves, M. Wood et Mme Tiessen ont tous les trois déclaré qu’on leur avait dit que c’était l’un des motifs de la réorganisation. Cependant, rien dans la preuve ne permet de conclure que c’était effectivement l’un des motifs de la réorganisation. Qui plus est, rien n’indique que des discussions ont eu lieu à ce sujet au cours de la période pertinente. J’ai conclu que le retrait des épouses à titre d’actionnaires de la société en exploitation était une conséquence de la réorganisation, mais qu’il n’en était pas un motif.

c) Planification financière et successorale indépendante

[121] M. Olfert a expliqué que les mandants se trouvaient à différents stades de leur vie. Les plus anciens n’avaient pas besoin d’autant de liquidités que les novices. Par conséquent, l’un des motifs de la réorganisation était de permettre à chaque mandant de déterminer combien d’argent il réserverait pour ses besoins personnels (en salaire ou en dividendes), et combien il laisserait dans une société (c.-à-d. une société de services). M. Olfert a expliqué que quand les mandants étaient à la fois employés et actionnaires de la Société, ils n’avaient pas cette marge de manœuvre.

[122] Avant la réorganisation, les mandants recevaient à la fois un salaire et des dividendes. Je puis convenir qu’il pouvait être difficile pour les mandants de demander la combinaison optimale de salaire et de dividendes compte tenu de leur situation personnelle. Toutefois, les mandants ne semblent pas y avoir vu quelque chose de souhaitable ou d’important. Il n’a pas été demandé à M. Baldry d’examiner cette question.

[123] Outre les déclarations de M. Olfert, quels éléments de preuve donnent à croire que les mandants accordaient de l’importance à cette question? Il n’y est jamais fait allusion dans les procès-verbaux, les courriels ou les documents liés aux examens stratégiques. M. Olfert a indiqué qu’il en avait entendu parler lors des réunions des actionnaires et au fil de conversations informelles. M. Reeves, M. Wood et Mme Tiessen n’ont ni l’un ni l’autre mentionné que c’était une question importante à leurs yeux, et M. Wood a été le seul à dire que c’était l’un des motifs qu’on lui avait donnés pour justifier la réorganisation. Parmi les mandants plus anciens, seul M. Olfert a témoigné que c’était l’un des principaux motifs de la réorganisation; aucun autre n’est venu corroborer ses dires.

[124] La possibilité de recourir à un gel successoral et à une planification financière indépendante fait partie des avantages de la société de personnes morales que M. Baldry énumère dans son document Examen initial. C’est lui qui a parlé de cet avantage aux mandants, comme à tous ses autres clients, a-t-il admis. Je reconnais que ce facteur a pu jouer dans la décision des mandants. Cela dit, même si la planification financière indépendante faisait bel et bien partie des motifs principaux de la réorganisation, ce n’est pas suffisant pour écarter la conclusion voulant que la possibilité de profiter plusieurs fois de la DPE était aussi l’un des principaux motifs de la réorganisation.

d) Fractionnement des revenus

[125] M. Baldry a expliqué que la société de services permettait aux mandants de fractionner les revenus entre la fiducie familiale et les épouses. Toutefois, MSLP, dont les commanditaires étaient des fiducies familiales, offrait déjà aux mandants un arrangement de fractionnement du revenu. Certains mandants dont les épouses étaient des actionnaires de la Société et de Third Avenue pouvaient bénéficier du fractionnement d’une partie additionnelle de leurs revenus. Ces épouses pouvaient demander pour elle-même une exonération pour gains en capital et touchaient des dividendes.

[126] Les appelantes n’ont pas fourni d’éléments de preuve indiquant que la réorganisation leur offrait un avantage supplémentaire au chapitre du fractionnement des revenus par rapport aux arrangements précédents, ni que les arrangements en place à ce moment étaient considérés comme inadéquats. Aucun des documents produits ne fait mention de la nécessité de revoir les arrangements en place ou d’une volonté d’améliorer les mécanismes existants de fractionnement des revenus. M. Reeves, M. Wood et Mme Tiessen n’ont ni l’un ni l’autre indiqué qu’il s’agissait d’un motif de la réorganisation. Les appelantes ne m’ont pas convaincue que le fractionnement des revenus faisait partie des motifs de la réorganisation.

e) Protection des actifs

[127] Les éléments de preuve concernant la protection des actifs sont particulièrement déficients.

[128] La protection des actifs concerne presque exclusivement les architectes puisqu’ils doivent approuver les plans architecturaux et sont donc personnellement responsables en cas de négligence. Or, seulement 1 des 4 mandants parmi les parties appelantes est un architecte et, pour les exercices visés par les appels, seulement 6 des 15 mandants de la société de personnes morales étaient des architectes[82]. Rien ne permet de croire qu’une société unique n’aurait pas offert une protection des actifs au moins équivalente à celle qu’offrait la société de personnes morales pour les mandants qui n’étaient pas des architectes. À titre d’actionnaires, ils n’étaient pas responsables des dettes de la Société.

[129] Comme l’a expliqué M. Baldry, la réorganisation permettait d’accumuler de la richesse dans les sociétés de services plutôt que dans les sociétés partenaires. L’augmentation de la valeur des sociétés de services devait bénéficier à la fiducie familiale du mandant et donc mettre ses actifs à l’abri de toute responsabilité.

[130] Cependant, rien dans la preuve ne pousse à croire que c’était un sujet de préoccupation.

[131] Il n’est jamais question de protection des actifs dans aucun des documents produits, que ce soit dans les lettres de compte rendu, les courriels, les notes d’allocution de M. Baldry, les procès-verbaux de réunions, les résumés des entrevues du personnel ou les rapports des consultants, ou la liste des résultats de la réorganisation incluse dans le procès-verbal de la réunion du 11 janvier 2011.

[132] M. Olfert a convenu que la Société n’avait pas demandé d’avis sur la protection des actifs. M. Reeves, le seul architecte à avoir témoigné, a déclaré que le sujet de la responsabilité personnelle était très souvent abordé durant ses études en architecture, et qu’il était donc très conscient des problèmes qui pouvaient en découler. Cela dit, il n’a jamais vu ni demandé d’avis pour étayer l’allégation selon laquelle le modèle de la société de personnes morales offrait une protection additionnelle des actifs.

[133] La Société et la société de personnes ont toutes les deux souscrit des assurances responsabilité civile professionnelle dont la valeur dépassait le minimum exigé par la Saskatchewan Association of Architects. Au titre du contrat de société de personnes, celle-ci devait souscrire des assurances responsabilité civile et personnelle protégeant les sociétés partenaires et les mandants en cas d’erreurs et d’omissions. M. Olfert a fait valoir qu’avant d’entreprendre des travaux pour des clients, l’entreprise devait souvent souscrire des garanties d’assurance qui, selon lui, excédaient ce qui aurait été raisonnable. Aucun témoin ne s’est souvenu que l’entreprise a dû faire face à des réclamations non couvertes par une assurance.

[134] De plus, selon tous les contrats de travail produits en preuve, la société de services indemnisait le mandant de toute responsabilité engagée dans le cadre d’activités prévues au contrat, et cette indemnisation continuait de s’appliquer après une cessation d’emploi ou la résiliation du contrat[83]. Ainsi, en cas de faute professionnelle d’un architecte, son contrat prévoyait que les actifs de la société de services pouvaient être utilisés pour payer la partie de son obligation pécuniaire non couverte par la garantie d’assurance responsabilité professionnelle applicable. Même si la société de services pouvait distribuer des fonds (en dividendes ou en salaires), les avoirs qui y demeuraient ouvraient droit à des reports d’impôt additionnels, comme l’avait mentionné M. Baldry dans la liste des avantages présentée aux mandants. En fait, il leur a dit deux choses : la valeur serait accumulée dans la société de services, et il serait avantageux d’y laisser le plus d’argent possible. Cela permettrait notamment d’avoir des fonds à disposition en cas de demande d’indemnisation.

[135] Il est possible que les mandants qui sont des architectes aient joui d’une protection additionnelle de leurs actifs après la réorganisation, mais aucun élément de preuve ne permet d’établir que la protection des actifs a motivé la réorganisation. Au mieux, il s’agit d’une conséquence de la réorganisation dont quelques mandants ont tiré profit.

f) Simplification

[136] Avant la réorganisation, MSLP s’occupait des services administratifs, de l’embauche de consultants et de techniciens, ainsi que du règlement de tous les frais administratifs. MSLP refacturait ses coûts à la Société, majorés d’une marge bénéficiaire qui lui permettait de réaliser des profits. Comme les commanditaires de MSLP étaient les fiducies familiales des mandants, cet arrangement permettait de fractionner les revenus.

[137] M. Olfert a fait valoir que l’un des objets de la réorganisation était de simplifier les activités. Il a d’ailleurs remarqué que c’était sa bête noire : il trouvait laborieux et chronophage d’avoir à récupérer les données nécessaires à l’analyse de la rentabilité d’un projet à deux endroits (la Société et MSLP) pour les regrouper dans une feuille de calcul Excel. Après la réorganisation, toute l’information se trouvait à la même place, c’est-à-dire la société de personnes, puisque toutes les activités y avaient été regroupées.

[138] M. Olfert n’a toutefois pas expliqué pourquoi le processus était si laborieux et chronophage avant la réorganisation, et il n’a pas non plus cherché à établir dans quelle mesure il lui compliquait la tâche. Il n’a pas donné d’exemples précis. Le processus qu’il a décrit ne semblait pas particulièrement laborieux ou chronophage. On peut penser que les projets étaient inscrits dans les deux systèmes, et que les personnes qui y collaboraient enregistraient le temps qu’ils avaient consacré et les dépenses liées à un projet en particulier dans le bon système.

[139] Hormis M. Olfert, personne n’a affirmé que cette façon de faire posait problème, suscitait du mécontentement ou faisait l’objet d’une attention spéciale, et cela ne ressort pas non plus des documents[84]. Malgré ce que pensait M. Olfert du manque d’efficacité de l’arrangement Société-MSLP, la formule existait depuis plus d’une dizaine d’années.

[140] Certes, les activités de l’entreprise ont été regroupées dans la société de personnes, mais la réorganisation a rendu la structure beaucoup plus complexe et elle a ajouté des responsabilités à M. Olfert. Il s’est vu chargé de la tenue de livres de toutes les sociétés et de la supervision du travail de PWC eu égard aux déclarations de revenus de toutes les sociétés et de tous les mandants.

[141] Par conséquent, la réorganisation a peut-être simplifié le travail de M. Olfert concernant les analyses de rentabilité, mais je ne puis conclure que la simplification était un motif de la réorganisation.

(5) Motifs proposés par M. Baldry pour la constitution des sociétés de services et des sociétés partenaires

[142] M. Baldry a expliqué pourquoi le modèle de la société de personnes morales exigeait que chaque mandant n’ait pas seulement une société partenaire, mais une société partenaire et une société de services.

a) Protection de l’admissibilité aux exonérations pour gains en capital

[143] La société de services permettait d’accumuler de la richesse ailleurs que dans une société partenaire et, par conséquent, de déclarer les actions dans la société partenaire à titre d’actions de société exploitant une petite entreprise et donnant à l’actionnaire le droit de demander une exonération pour gains en capital à la vente.

[144] Toutefois, un particulier pouvait réaliser un gain en capital seulement s’il vendait des actions de la société partenaire. Rien n’indique que c’était un plan envisagé ou faisable[85].

[145] M. Olfert a expliqué que le processus d’acquisition d’une action est resté le même après la réorganisation. C’est logique. Les mandants qui quittaient l’entreprise pouvaient réduire leur participation progressivement plutôt que d’un seul coup. Leurs actions pouvaient être achetées par d’autres, mais le nombre de vendeurs n’était pas forcément égal au nombre d’acheteurs[86]. Ainsi, un vendeur pouvait offrir une partie de ses actions à un certain moment et à plusieurs acheteurs, ce qui n’aurait pas été possible pour des actions d’une société partenaire.

[146] Les associés existants (les sociétés partenaires) vendaient plutôt une partie de leur participation à d’autres sociétés partenaires[87]. De toute évidence, tout gain réalisé par une société partenaire à la vente d’une action dans la société de personnes ne donnait pas le droit au mandant de demander une exonération pour gains en capital[88].

[147] Le procès-verbal de la réunion des actionnaires du 11 janvier 2011 mentionne qu’il pourrait être difficile d’utiliser entièrement les exonérations pour gains en capital[89]. Par surcroît, les arrangements prévoyaient une croissance de la valeur dans la société de services plutôt que dans la société partenaire. M. Baldry a expliqué que des honoraires étaient versés entre autres pour limiter l’accroissement de la valeur de la société partenaire.

[148] Je peux comprendre que l’on veuille s’assurer d’avoir accès à l’exonération pour les gains en capital réputés avoir été réalisés sur des actions de la société partenaire au décès d’un mandant. Toutefois, je ne suis pas convaincue que le maintien de cette admissibilité constituait le motif principal pour constituer une société partenaire et une société de services pour chacun des mandants.

b) Entreprise de prestation de services personnels

[149] M. Baldry a affirmé qu’il était nécessaire de constituer à la fois une société de services et une société partenaire pour éviter que celle-ci soit qualifiée d’« entreprise de prestation de services personnels » au sens de la Loi. Selon M. Baldry, si un mandant avait été un employé de la société partenaire plutôt que de la société de services, le revenu de la société partenaire aurait été réputé provenir de la prestation de services personnels et non d’une entreprise exploitée activement, et donc admissible à la DPE. Toutefois, les arrangements entre des sociétés associées étaient réputés ne pas créer d’entreprise de prestation de services personnels.

[150] Même si j’accepte cette affirmation de M. Baldry comme étant juste, ma conclusion quant aux principaux motifs de la réorganisation ne change pas. L’existence de deux sociétés et les arrangements entre elles ne font que renforcer ma conclusion comme quoi la multiplication des DPE constituait l’un des principaux motifs de la constitution d’une société de personnes morales. Plus particulièrement, le salaire symbolique versé par la société de services au mandant et les honoraires payés à la société de services totalisent une somme proche de celle qui était nécessaire pour abaisser le plafond de la société partenaire aux fins de la DPE, et le fait que ces honoraires étaient traités comme un revenu d’une entreprise exploitée activement pour la société de services[90] donne à penser que c’était le seul motif. Le jumelage de sociétés a toujours fait partie des plans pour chacun des mandants, et il était nécessaire pour atteindre l’objectif de multiplier les demandes de DPE.

(6) Motifs de la réorganisation

[151] L’intimée estime que la multiplication des DPE constitue l’un des principaux motifs de la réorganisation. Les appelantes ne m’ont pas persuadée que l’intimée a tort. À mon avis, les déclarations subjectives des témoins des appelantes quant aux motifs de la réorganisation ne concordent pas avec les autres éléments de preuve.

[152] Bien que la volonté de trouver un mécanisme de financement efficace sur le plan fiscal a conduit la Société à envisager d’autres modes de transfert des actions, les mandants ont choisi la simplicité plutôt qu’une structure qui réglait ce problème. Seule une option qui leur offrait quelque chose en plus pouvait les convaincre de renoncer à leur souci de simplicité.

[153] Il me semble très clair que le « quelque chose en plus » qui a poussé M. Baldry à suggérer une réorganisation en société de personnes morales et convaincu les mandants de lui emboîter le pas était la perspective d’une hausse substantielle des revenus admissibles à la DPE. Tous les aspects de la réorganisation, y compris l’existence de 15 sociétés jumelles, les arrangements entre les sociétés partenaires et les sociétés de services, l’établissement du montant optimal des honoraires que l’une versait à l’autre et d’un salaire symbolique minimal versé à chaque mandant, sans égard à sa situation, avaient pour objet d’atteindre ce résultat. La perspective de faire une planification financière et successorale indépendante a peut-être joué pour certains mandants, mais elle n’a assurément pas été aussi importante ou déterminante que la multiplication de la DPE. Cette perspective concernait tous les mandants, et c’est précisément la raison pour laquelle M. Baldry leur a suggéré d’opérer une réorganisation.

[154] M. Baldry a été invité à décrire le motif principal de la réorganisation. Il a expliqué que les avantages étaient, selon ses propres mots, [traduction] « multiples et variés, et probablement plus nombreux que ceux qui avaient été envisagés au départ[91] ». Cependant, quand il a parlé de l’objet de la réorganisation, il a de nouveau évoqué le recrutement de cadres compétents, le financement de l’achat d’actions et le retrait des épouses de l’actionnariat. Néanmoins, exception faite du financement de l’achat d’actions, je ne crois pas que les motifs énoncés par M. Baldry ont vraiment motivé la réorganisation. Ces motifs, et tous les autres évoqués par les appelantes, ont été des conséquences de la réorganisation, y compris certains auxquels M. Baldry et les mandants n’avaient pas pensé quand ils ont pris la décision de constituer la société de personnes morales. C’est quand M. Baldry leur a présenté des exemples illustrant les économies d’impôt qu’ils pourraient réaliser que les mandants ont donné leur plein aval à la constitution d’une société de personnes morales aussi rapidement que possible. Je n’ai aucun doute que c’était l’un des principaux motifs pour lesquels la réorganisation a été opérée de cette façon.

[155] À la lumière des éléments de preuve à ma disposition, je conclus que la multiplication de la DPE était l’un des principaux motifs de la réorganisation et de l’existence distincte d’une société partenaire et d’une société de services pour chaque mandant au cours des années d’imposition pertinentes.

VI. CONCLUSION SUR LES APPELS

[156] Conformément aux motifs énoncés précédemment et à l’entente intervenue entre les parties :

1. l’appel interjeté par Jeff Olfert Technical Ltd. des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour le motif que son revenu pour ces années d’imposition est réduit de 391 $ et de 750 $, respectivement;

2. l’appel interjeté par Jeff Olfert Technical Services Ltd. des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 est rejeté;

3. l’appel interjeté par Daniel Reeves Architect Ltd. des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour le motif que son revenu pour ces années d’imposition est réduit de 337 $ et de 779 $, respectivement;

4. l’appel interjeté par Daniel Reeves Architect Prof. Services Ltd. des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 est rejeté;

5. l’appel interjeté par Christopher Wood Technical Ltd. des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour le motif que son revenu pour ces années d’imposition est réduit de 289 $ et de 587 $, respectivement;

6. l’appel interjeté par Christopher Wood Technical Services Ltd. des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 est rejeté;

7. l’appel interjeté par Nicole L. Tiessen Design Ltd. des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour le motif que son revenu pour ces années d’imposition est réduit de 155 $ et de 298 $, respectivement;

8. l’appel interjeté par Nicole Tiessen Design Services Ltd. des nouvelles cotisations établies à l’égard de ses années d’imposition se terminant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 est rejeté.

VII. DÉPENS

[157] Les appelantes et l’intimée ont demandé des dépens. Les dépens sont adjugés à l’intimée. Les parties ont jusqu’au 7 mai 2021 pour s’entendre sur les dépens. Si elles n’y arrivent pas, les parties auront jusqu’au 4 juin 2021 pour déposer des observations écrites sur les dépens, qui devront tenir sur 10 pages.

Les présents motifs du jugement modifiés remplacent les motifs du jugement du 7 avril 2021; ils corrigent les mots et nombres soulignés en caractères gras aux paragraphes 148 et 157.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2021.

« K.A. Siobhan Monaghan »

La juge Monaghan

 


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 29

NOS DE DOSSIER DE LA COUR :

2015-3808(IT)G

2015-3809(IT)G

2015-3812(IT)G

2015-3813(IT)G

2015-3822(IT)G

2015-3823(IT)G

2015-3841(IT)G

2015-3843(IT)G

INTITULÉS :

NICOLE L. TIESSEN INTERIOR DESIGN LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

NICOLE L. TIESSEN INTERIOR DESIGN SERVICES LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

DANIEL REEVES ARCHITECT LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

DANIEL REEVES ARCHITECT PROF. SERVICES LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

JEFF OLFERT TECHNICAL LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

JEFF OLFERT TECHNICAL SERVICES LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

CHRISTOPHER WOOD TECHNICAL LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

CHRISTOPHER WOOD TECHNICAL SERVICES LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Saskatoon (Saskatchewan)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 21, 22, 23 et 25 septembre 2020

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS :

L’honorable juge K.A. Siobhan Monaghan

DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS :

Le 9 avril 2021

COMPARUTIONS :

Avocate des appelantes :

Me Amanda S.A. Doucette

Avocat de l’intimée :

Me John Krowina

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelantes :

Nom :

Me Amanda S.A. Doucette

Cabinet :

Stevenson Hood Thornton Beaubier LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 



[1] Les termes « société privée sous contrôle canadien » et « revenu provenant d’une entreprise exploitée activement » sont définis dans la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.

[2] À une exception près, tel qu’il est expliqué ci-dessous.

[3] Sauf indication contraire, tous les faits exposés se sont produits durant la période pertinente, même si le temps présent peut parfois être utilisé.

[4] Bien que le ministre ait établi une nouvelle cotisation pour les 30 sociétés pour le motif qu’elles étaient associées, les appels de 22 d’entre elles sont en suspens jusqu’au règlement des présents appels des appelantes.

[5] L.R.C. 1985, ch. 1, telle que modifiée (la « Loi »). Le cas échéant, les dispositions législatives citées en référence sont celles de la Loi.

[6] Il est mentionné dans l’exposé conjoint partiel des faits qu’elle a été constituée en 1994. Cependant, l’entreprise a été créée avant cette date. M. Olfert y est entré en 1988, et M. Wood en 1989. On peut donc dire que 1994 est l’année où plusieurs entités ont été fusionnées pour former la Société. Durant son témoignage, M. Olfert a indiqué qu’il y avait eu une fusion de sociétés de portefeuille avec la société exploitant l’entreprise.

[7] En mars 2010, les épouses actionnaires étaient Kathy Burnyeat (Robert Burnyeat, mandant), Bette Fontaine (Dennis Fontaine), Darlene Lutzko (Wayne Lutzko), Leila Olfert (Charles Olfert) et Kathy Lindsay Olfert (Jeff Olfert).

[8] La génération suivante de propriétaires et de dirigeants.

[9] M. Olfert tenait un registre des changements annuels attendus au chapitre des participations au cours des 5 années à venir, et pour les 10e et 15e années. Ce qui a été décrit comme un document de travail était mis à jour de temps à autre. Voir les pièces A-25 et A-27.

[10] Un acheteur acquérait des actions avec droit de vote et participantes selon un ratio de 10 pour 1. Le prix des actions avec droit de vote était fixé à 1 $. Les actions étaient rachetables et encaissables à ce prix.

[11] Exception faite de Robert Burnyeat. La Société est devenue sa société partenaire.

[12] Exception faite de la Société. Ses actionnaires étaient M. Burnyeat, d’autres mandants et certaines épouses (du moins jusqu’en novembre 2011).

[13] Exception faite de la société de services de Mme Tiessen, dont elle était l’unique actionnaire. Mme Tiessen n’était pas mariée et n’avait pas d’enfants.

[14] Exception faite de M. Burnyeat.

[15] Ils semblent avoir conservé leurs actions avec droit de vote et, dans certains cas, leurs actions privilégiées.

[16] Exception faite de la Société (la société partenaire de M. Burnyeat), l’année d’imposition se terminait le 31 octobre.

[17] Exception faite de la Société. Sa part du revenu de la société de personnes était incluse dans le revenu déclaré pour l’année d’imposition se terminant le même jour que l’exercice de la société de personnes.

[18] Ce montant de salaire évitait apparemment de cotiser au Régime de pensions ou au programme d’assurance-emploi du Canada.

[19] Durant leur première année d’imposition se terminant après la réorganisation, la plupart des sociétés partenaires ont versé le salaire minimum à leur mandant. Durant leur seconde année d’imposition se terminant après la réorganisation, chacune des sociétés partenaires a versé le salaire minimum à son mandant.

[20] Paragraphe 129(6) de la Loi.

[21] Soit 17 % de 500 000 $, excluant l’équivalent provincial de la DPE.

[22] Il est possible que le plafond des affaires de la société de personnes déterminé en 2011 ait été calculé au prorata pour le ramener à un montant inférieur à 500 000 $ étant donné que le premier exercice de la société de personnes comptait moins de 365 jours (du 20 décembre 2010 au 31 octobre 2011). Voir l’alinéa b) de la définition de « revenu de société de personnes déterminé » au paragraphe 125(7) de la Loi. La Société a néanmoins continué d’exploiter l’entreprise pendant plus de deux mois avant le transfert à la société de personnes, et elle avait probablement droit à la DPE dans le calcul de ce revenu et du revenu de société de personnes déterminé, sous réserve des règles applicables de partage du plafond des affaires.

[23] Avant la réorganisation, les mandants étaient principalement des employés dont le salaire pouvait être déduit du revenu de la Société, mais qui était en revanche imposable à titre de revenu d’un particulier. Par la suite, le revenu de la société de personnes était plus élevé parce que les salaires des mandants ne faisaient plus partie des frais engagés pour gagner ce revenu, mais de ceux, relativement faibles, engagés pour gagner le revenu des sociétés de services.

[24] Maintenance Euréka Ltée c. La Reine, par. 24, citée dans Prairielane Holdings Ltd. c. La Reine, 2019 CCI 157 [Prairielane], par. 15.

[25] Prairielane, par. 16.

[26] Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S 695, p. 736.

[27] Entreprises Ludco Ltée c. Canada, 2001 CSC 62, par. 54.

[28] Gerbro Holdings Company c. La Reine, 2016 CCI 173 [Gerbro], par. 53.

[29] Gerbro, par. 157. Voir aussi Jencal Holdings Ltd. c. La Reine, 2019 CCI 16.

[30] R. v. Covertite Ltd. (1981), 81 D.T.C 5353 (C.F. 1re inst.), citée dans Hughes Homes Inc. v. The Queen [1997] T.C.J. no 1003, 98 D.T.C. 1082, [Hughes Homes], par. 4.

[31] Wu c. Canada, [1997] A.C.F. no 1540, par. 6, cité dans le contexte d’une analyse du paragraphe 256(2.1) dans Prairielane, par. 18.

[32] L’intimée a appelé le vérificateur, Jason Barlow, à témoigner. M. Barlow avait également produit un affidavit en preuve. M. Barlow m’est apparu crédible, mais son témoignage a porté essentiellement sur des faits liés aux déclarations d’impôt, aux demandes de la DPE et aux fondements des nouvelles cotisations.

[33] En fait, il a parlé d’une transition entre une société de personnes constituée d’actionnaires à une société de personnes constituée d’associés. J’attribue ces propos à l’habitude au sein de l’entreprise d’utiliser le terme « associé » pour désigner les mandants. Transcription, vol. 3, p. 43.

[34] Il est indiqué sur les procès-verbaux qu’ils portent sur des réunions d’actionnaires, mais il n’y est jamais indiqué que des épouses actionnaires y ont assisté ou y ont été invitées, ce qui était conforme aux règlements administratifs de la Société.

[35] M. Baldry n’était pas certain s’il avait seulement rencontré M. Olfert ou si d’autres mandants plus anciens étaient aussi présents à cette première réunion. Il a toutefois indiqué qu’il les avait ensuite rencontrés à plusieurs reprises en 2010, mais que M. Olfert était son principal interlocuteur et qu’ils ont eu des échanges réguliers au cours de l’année.

[36] Transcription, vol. 1, aux pages 38 et 39.

[37] Pièce A-1.

[38] Le résumé traite aussi de futures décisions à prendre, ce que M. Baldry a décrit comme étant une observation personnelle. Les mandants plus anciens avaient de longs états de service au sein de l’entreprise. Ce sont eux qui avaient été les maîtres d’œuvre de la structure de gestion et qui avaient établi qui prenaient les décisions concernant diverses questions. Comme ces mandants commençaient à songer à la retraite, M. Baldry a cru bon de mentionner qu’il faudrait discuter des décisions à prendre à l’avenir. Ce n’est pas un sujet dont M. Olfert lui avait parlé. Transcription, vol. 1, aux pages 43 et 44.

[39] En 2006, M. Reeves avait payé 25 000 $ pour sa première action participante dans la Société. En 2010, une action participante se vendait 53 000 $.

[40] Transcription, vol. 1, p. 189.

[41] La même procédure a été proposée pour l’achat d’actions de Third Avenue, quoique par l’intermédiaire d’une autre société d’achat.

[42] Pièce A-2.

[43] M. Reeves, M. Wood et Mme Tiessen n’ont pas été interrogés au sujet de ce document. Cela dit, je ne crois pas qu’ils s’en souvenaient plus que M. Olfert.

[44] Au début, M. Baldry a eu des rencontres avec M. Olfert et les mandants plus anciens. S’il existe des procès-verbaux ou des notes concernant ces réunions, ils ne figurent pas au dossier. Les seuls procès-verbaux des réunions des actionnaires qui ont eu lieu de juin 2009 à la fin de 2010 qui indiquent que M. Baldry était présent sont ceux des réunions du 10 février et du 3 août 2010. M. Olfert a lu des observations écrites de M. Baldry et de Mme Beatty Beaubier lors de réunions tenues en novembre et en décembre, mais ils n’y étaient pas présents. Quoi qu’il en soit, MM. Olfert et Baldry ont tous les deux affirmé qu’ils avaient des contacts réguliers.

[45] Ces renseignements comprenaient le nombre d’actions à transférer et l’identité des vendeurs et des acheteurs, ainsi qu’une décision quant aux actions qui seraient achetées comptant et à celles pour lesquelles un billet à ordre serait émis et qui seraient payées dans un certain délai.

[46] Apparemment, l’option de la société d’achat envisagée à ce moment incluait tous les actionnaires de la Société (sauf ceux qui vendaient toutes leurs actions), et prévoyait que les nouveaux mandants deviennent des actionnaires de la société d’achat. La solution suggérée par M. Baldry était la même qu’il avait présentée dans le résumé préparé après sa première rencontre avec M. Olfert.

[47] La date de la rencontre est incertaine, mais M. Baldry a indiqué qu’il n’avait aucune raison de croire qu’elle n’a pas eu lieu le 30 juin 2010.

[48] La société d’achat aurait engagé les coûts de financement et la Société lui aurait versé des dividendes libres d’impôt pour payer ces coûts. Puisque la société d’achat aurait été rattachée à la Société, aucun impôt de la partie IV n’aurait été exigible sur les dividendes. Éventuellement, la société d’achat aurait été fusionnée à la Société, de sorte que la perte associée aux frais d’intérêt aurait été déductible du calcul du revenu de celle-ci.

[49] M. Baldry a expliqué que les hauts dirigeants prenaient des décisions sur différents sujets. M. Olfert a indiqué que l’équipe de la direction se réunissait pour prendre des décisions concernant les transferts annuels d’actions. M. Wood a identifié MM. Burnyeat, C. Olfert et J. Olfert comme faisant partie de la haute direction. Même si ce groupe comprenait d’autres membres, il est clair qu’un groupe de mandants plus chevronnés se rencontraient régulièrement et jouissaient d’une influence ou d’un pouvoir importants sur le processus décisionnel de la Société.

[50] Pièces A-4, A-5 et R-3.

[51] M. Reeves s’est souvenu d’avoir vu des diagrammes comportant des triangles et des flèches, mais d’aucun autre détail de la discussion.

[52] C’est-à-dire les fonds qui demeuraient dans la ou les sociétés après le paiement des impôts des sociétés et des dividendes, et ce qui restait au mandant et à son épouse après le paiement de l’impôt sur les dividendes. Ces exemples illustraient les économies d’impôt sur le revenu que pouvait dégager chaque personne, ainsi que les reports d’impôt sur les fonds laissés dans la ou les sociétés, plus élevés si le taux de la DPE s’appliquait.

[53] À la fin de 2010, 3 mandants (MM. Burnyeat, C. Olfert et Sutherland) possédaient 10 % ou plus des actions de la Société, et 2 autres mandants en possédaient 7,5 % ou plus, dont M. Olfert. M. Wood (4 %) et Mme Tiessen (1 %) faisaient partie des 6 mandants qui détenaient moins de 5 % des actions. M. Reeves en détenait 6 %. Au cours des exercices 2011 et 2012, la part du revenu de la société de personnes attribuée aux sociétés partenaires de M. Wood et de Mme Tiessen équivalait à moins de la moitié de 600 000 $, et à moins de 410 000 $ pour MM. Reeves et Olfert.

[54] Pièce R-4.

[55] M. Baldry n’a pas présenté de faits pour étayer cette affirmation. Dans le cas des revenus non admissibles à la DPE, le coût fiscal (ou la pénalité) était bien inférieur à 7 % en 2010. Pour les sociétés, les taux d’imposition combinés hors DPE du fédéral et de la Saskatchewan s’établissaient à 30 % environ en 2010 et à 28,5 % en 2011, de sorte que les fonds après impôt laissés dans la ou les sociétés ouvraient droit à un report important. Même s’il était payé sur-le-champ, le coût fiscal en Saskatchewan n’était pas très important même au taux d’imposition marginal le plus élevé, qui d’ailleurs ne s’appliquait pas forcément à la totalité des revenus.

[56] Se reporter à l’Avis de motion de voies et moyens du 23 novembre 2005, ainsi qu’au budget fédéral de 2006.

[57] En Saskatchewan, le taux d’imposition marginal le plus élevé s’appliquait seulement à la partie des revenus supérieure à environ 114 000 $ en 2009 et 115 000 $ en 2010. Ainsi, lorsque la société n’était pas imposée au taux de la DPE, un particulier et son épouse pouvaient tous les deux recevoir des dividendes importants des sociétés jumelles sans aucun coût fiscal en raison de l’intégration des impôts des sociétés et des particuliers.

[58] Transcription, vol. 1, p. 60 et 61.

[59] Les améliorations prévues pour 2010 étaient connues puisque des rajustements des taux d’imposition avaient été annoncés avant cette année.

[60] Pour l’exercice de 9 mois qui s’est terminé le 31 octobre 2011, le revenu de la société de personnes s’établissait à 3,6 millions de dollars environ, et il s’établissait à 5,8 millions de dollars environ pour l’exercice qui s’est terminé le 31 octobre 2012.

[61] M. Olfert a soutenu que le passage sur les économies d’impôt pour tous faisait référence au financement après impôt, mais je n’en suis pas convaincue. Il a livré son témoignage 10 ans après la réunion. À ce moment, M. Baldry les avait prévenus que le modèle de la société de personnes morales ne réglerait pas les problèmes de dette. Les problèmes liés au financement ne concernaient pas tous les mandants (les mandants plus anciens étaient les vendeurs, et non les acheteurs, et d’autres, comme M. Reeves, avaient des fonds et n’avaient pas eu à emprunter). Enfin, il n’était pas question dans la présentation financière de M. Baldry d’économies d’impôt liées au financement de l’achat d’actions dans la société de personnes.

[62] En fait, en novembre 2010, des mandants et leurs épouses ont vendu leurs actions. Mme Tiessen, qui n’était pas une mandante à ce moment, a acheté 1 action participante et 10 actions avec droit de vote. Louis Aussant, un architecte assez chevronné qui avait été engagé en 2010, mais qui ne détenait aucune action, a acheté 4 actions participantes et 40 actions avec droit de vote, et plusieurs autres mandants, dont MM. Wood et Reeves, ont acheté des actions supplémentaires. Dans chacun des cas, les actions ont été achetées par des particuliers directement auprès d’un autre mandant ou de son épouse. Les acheteurs ont payé comptant (en utilisant leurs propres fonds ou en contractant un emprunt) ou ils ont convenu avec le vendeur d’échelonner les paiements en lui remettant un billet à ordre portant intérêt. Voir la pièce A-29.

[63] Transcription, vol. 1, p. 121.

[64] Au cours des années d’imposition en cause dans les présents appels, le revenu imposable de l’ensemble des sociétés partenaires était environ de 10 % en deçà de 500 000 $.

[65] Comme c’était le cas dans l’affaire Prairielane.

[66] Comme c’était le cas dans l’affaire Hughes Homes.

[67] Transcription, vol. 1, p. 218.

[68] M. Reeves a déclaré qu’il avait hypothéqué sa maison pour acheter sa première action en novembre 2006. Il a aussi emprunté pour acheter une deuxième action, mais il a payé comptant ensuite. Mme Tiessen a acheté sa première action au moyen d’un emprunt à la Banque Royale du Canada mais, jusqu’en 2020, elle a ensuite recouru à du financement par le vendeur. M. Wood a contracté un prêt bancaire pour acheter sa première action en 2009. Il a acheté deux autres actions en 2010, pour lesquelles il a bénéficié du financement du vendeur, qui a accepté que M. Wood acquitte la somme due en cinq ans.

[69] Le prix d’une action était 25 000 $ en novembre 2007 et 42 000 $ en novembre 2009. Le prix en 2008 ne figure nulle part dans les éléments de preuve au dossier. Voir les pièces R-20 et R‑21.

[70] Selon cette approche, les actions sont achetées pour une somme symbolique (1 $, par exemple) à l’accession à la qualité de mandant, mais elles sont également vendues à la même somme au moment où la personne cesse d’être un mandant ou quitte l’entreprise. Il n’y a donc pas de coût de financement, mais il n’y a pas non plus de profit.

[71] Les suggestions englobaient l’augmentation du nombre d’actions et l’offre par la Société d’une aide au financement au moyen de primes ou de garanties d’emprunt. Voir les pièces A-20 et R‑1.

[72] Elle a cependant ajouté que c’était un emprunt important compte tenu de son revenu de l’époque, et qu’il lui aurait été difficile d’emprunter plus.

[73] Elle a parlé d’actions, mais je crois qu’elle voulait plutôt parler de participations dans la société de personnes.

[74] M. Baldry avait initialement proposé une réorganisation comprenant la constitution d’une société d’achat pour régler ce problème. C’est à mon avis un autre indice que les coûts de financement pesaient moins dans la balance que la DPE. De fait, avant qu’on leur parle de la perspective de multiplier les DPE, les mandants n’ont pas voulu s’aventurer du côté de la société d’achat pour régler le problème des coûts de financement.

[75] Voir les pièces A-23, A-24, A-26, A‑28, A-37, R-5, R-6, R-10 et R-14.

[76] L’épouse en question a cessé d’être actionnaire le 1er novembre 2010.

[77] Dans le cadre du processus annuel de rajustement des participations, des actions étaient achetées auprès des actionnaires existants pour leur permettre de demander une exonération des gains en capital. Lorsqu’un mandant et son épouse vendaient des actions, on peut penser qu’ils demandaient tous les deux cette exonération.

[78] M. Baldry a tout d’abord utilisé le terme [traduction] « participation aux opérations », mais il s’est repris et a parlé seulement de « participation ». Sa déclaration initiale concorde avec d’autres témoignages au sujet des sujets possibles de préoccupation.

[79] Le souvenir qu’a M. Reeves de la mention de cette question pourrait être lié à la description des motifs qu’on leur a donnée à lui, à M. Wood et à Mme Tiessen. Je n’accorde toutefois pas trop d’importance au fait qu’il a soutenu le contraire, sachant que la réorganisation avait eu lieu 10 ans avant son témoignage.

[80] Au 1er novembre 2010, seulement 4 épouses étaient encore actionnaires et détenaient collectivement 10 % des actions participantes. En comparaison, les épouses détenaient 46 % des capitaux propres en 1997, et chacune possédait le même nombre d’actions participantes que son mari. Deux épouses avaient réduit leur participation au titre du rajustement annuel de 2010, avec prise d’effet le 1er novembre. Les plans de retraite permettaient de prévoir raisonnablement la période durant laquelle les épouses resteraient des actionnaires.

[81] Ces mandants étaient des actionnaires de longue date et les plus importants de la Société, et ils étaient donc susceptibles de réaliser des gains en capital élevés à la vente de leurs actions. Les gains en capital liés aux actions de Third Avenue ouvraient aussi droit à une exonération. La réorganisation a permis à M. Olfert et à son épouse de réaliser des gains en capital sur les actions de la Société et de Third Avenue qui totalisaient 450 000 $ environ et qui étaient intégralement admissibles à une exonération. Il semble en avoir été de même pour les autres mandants plus anciens (et probablement leurs épouses). Voir la pièce A-12. M. Reeves a réalisé des gains en capital totaux de 143 000 $ environ, dont 24 000 $ environ n’étaient pas admissibles à une exonération parce que les actions lui appartenaient depuis moins de 2 ans. M. Wood a réalisé une perte sur ses actions de Third Avenue (considérée comme une perte apparente), et 28 000 $ environ de gains en capital sur les actions de la Société, dont 7 000 $ seulement ouvraient droit à une exonération. Mme Tiessen a acheté ses actions seulement deux mois avant la réorganisation, et elle n’a donc pas réalisé de gain ou de perte. Voir les pièces A-7, A-8, A-9 et A-10.

[82] La convention d’appellation adoptée pour les sociétés partenaires et les sociétés de services prévoyait que la profession exercée par le mandant figure dans le nom choisi. Seulement six des paires de sociétés comprennent le mot « Architect ».

[83] Les quatre contrats produits en preuve sont identiques, et rien ne permet de penser que les autres contrats de travail liés aux sociétés de services étaient différents.

[84] M. Baldry a inclus la simplification dans la liste des avantages liés à la société de personnes morales, mais je crois qu’il l’a fait de sa propre initiative. Je ne crois pas que les mandants ont suggéré cet avantage ou qu’il a motivé leur décision.

[85] L’achat d’actions de la société partenaire aurait probablement eu des inconvénients, et notamment l’exposition à d’anciennes responsabilités; la possibilité d’un prix de base rajusté négatif de la participation, et l’obligation de constituer une société d’achat suivie d’une fusion pour avoir le droit de déduire l’intérêt sur le financement de l’acquisition de la part du revenu de la société de personnes.

[86] Notamment, en novembre 2010, 4 mandants ont vendu 15 actions participantes à 9 mandants.

[87] Par conséquent, le contrat de société de personnes autorise le transfert d’unités. Subsidiairement, la société de personnes pouvait réduire la participation d’une société partenaire vendeuse et augmenter celle d’une autre société partenaire, mais il n’y avait pas non plus de gains en capital sur les actions de la société partenaire.

[88] C’est logique. Avant la réorganisation, les mandants (et leurs épouses) pouvaient demander une exonération pour gains en capital à la vente des actions de la Société (et peut-être de Third Avenue). Après la réorganisation, ils ne vendaient pas les actions de la société partenaire. M. Baldry les a avertis qu’il serait plus difficile d’obtenir une exonération pour gains en capital; il reconnaissait ainsi que certains mandants perdraient un avantage que leur procurait la structure en place avant la réorganisation. Il a souligné que l’intégration ferait en sorte que les gains en capital seraient imposés au taux applicable (22 %) et non au taux plus élevé applicable aux dividendes.

[89] Pièce A-37.

[90] Cette qualification était nécessaire pour que ce revenu soit imposable au taux de la DPE.

[91] Transcription, vol. 1, p. 104.

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