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Dossier : 2014-3401(IT)G

ENTRE :

JAMES T. GRENON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de la fiducie REÉR de James T. Grenon (552‑53721) par son fiduciaire, la Compagnie Trust CIBC (2014‑4440(IT)G)

Appel entendu les 11, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 21 et 22 février 2019, et les 9, 10, 11, 12 et 13 septembre 2019, à Winnipeg (Manitoba).

Devant : L'honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Cy M. Fien

Me Brandon Barnes Trickett

Me Ari M. Hanson

Me Aron W. Grusko

 

Avocats de l'intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

Me Tanis Halpape

Me Christopher Kitchen

Me Jeremy Tiger

 

JUGEMENT MODIFIÉ

[Le présent jugement modifié remplace le jugement du 9 avril 2021 afin de corriger et d'ajouter les noms des avocats.]

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l'appel interjeté à l'encontre des avis de nouvelle cotisation établis par le ministre du Revenu national le 28 février 2013 à l'égard des années d'imposition 2008 et 2009, aux termes du paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et l'appel interjeté à l'encontre des avis de cotisation établis le 1er mars 2013 à l'égard des années d'imposition 2004 à 2011, aux termes du paragraphe 204.1(2.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, sont par les présentes accueillis.

Les parties ont 60 jours à compter de la date du présent jugement pour déposer des observations écrites relatives aux dépens. Ces observations ne doivent pas dépasser 15 pages.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'avril 2021.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith


Dossier : 2014-4440(IT)G

ENTRE :

LA FIDUCIE REÉR DE JAMES T. GRENON (552‑53721) PAR SON FIDUCIAIRE, LA COMPAGNIE TRUST CIBC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de James T. Grenon (2014‑3401(IT)G)

Appel entendu les 11, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 21 et 22 février 2019, et les 9, 10, 11, 12 et 13 septembre 2019, à Winnipeg (Manitoba).

Devant : L'honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me John J. Tobin

Me Linda Plumpton

Me James Gotowiec

Me Cy M. Fien

Me Brandon Barnes Trickett

Me Ari M. Hanson

Me Aron W. Grusko

Avocats de l'intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

Me Tanis Halpape

Me Christopher Kitchen

Me Jeremy Tiger

 

JUGEMENT MODIFIÉ

[Le présent jugement modifié remplace le jugement du 9 avril 2021 afin de corriger et d'ajouter les noms des avocats.]

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l'appel interjeté à l'encontre des avis de cotisation établis par le ministre du Revenu national le 6 mars 2013 à l'égard des années d'imposition 2004 à 2009, aux termes du paragraphe 146(10.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, est accueilli et l'appel est déféré au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le revenu de la fiducie REÉR reçu des fonds de revenu (les distributions) au cours de l'année d'imposition 2005 doit être réduit de 136 654 427 $.

L'appel interjeté à l'encontre des avis de nouvelle cotisation du 6 mars 2013 à l'égard des années d'imposition 2004 à 2009, aux termes du paragraphe 207.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, est par les présentes rejeté.

Les parties ont 60 jours à compter de la date du présent jugement pour produire des observations écrites relatives aux dépens. Ces observations ne doivent pas dépasser 15 pages.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'avril 2021.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Table des matières

I. APERÇU 1

II. EXPOSÉ DES FAITS 3

a) L'appelant 3

b) Les fonds de revenu 6

c) L'acquisition d'unités par la fiducie REÉR 8

d) Les distributions de revenu effectuées par les fonds de revenu 12

e) Le fonds de revenu Tom 2003-1 13

f) Le fonds de revenu Tom 2003‑2 14

g) Le fonds de revenu Tom 2003‑3 15

h) Le fonds de revenu Tom 2003-4 16

i) Le fonds de revenu Tom 2006-5 16

j) Le fonds de revenu Tom 2006-8 17

k) Les témoins des faits 17

III. LES COTISATIONS 21

a) L'appel de M. Grenon — Nouvelles cotisations établies aux termes de la partie I 21

b) L'appel de M. Grenon — Cotisations établies aux termes de la partie X.1 22

c) L'appel de la fiducie REÉR — Cotisations établies aux termes de la partie I 22

d) L'appel de la fiducie REÉR — Nouvelles cotisations établies aux termes de la partie XI.1 22

IV. LES QUESTIONS EN LITIGE 23

a) Appel de M. Grenon — Nouvelles cotisations aux termes de la partie I et cotisations aux termes de la partie X.1 23

b) Appel de la fiducie REÉR — Cotisations aux termes de la partie I et nouvelles cotisations aux termes de la partie XI.1 24

V. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES 24

a) La recevabilité de l'affidavit de Helen Little 24

b) L'admissibilité d'extraits des interrogatoires préalables 28

VI. LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES 29

a) Le cadre légal des REÉR 29

b) Fiducies de fonds commun de placement 39

c) Paiements indirects 45

d) Règle générale anti-évitement (« RGAÉ ») 46

VII. ANALYSE 49

A. Les fonds de revenu étaient-ils des « placements admissibles »? 49

a) Survol — « un appel public légal à l'épargne » 49

b) Résumé des lacunes alléguées 58

c) Le fardeau de la preuve dans les appels fiscaux 60

d) Les principes généraux de l'interprétation des lois 63

e) Le sens du terme « appel public à l'épargne » à la division 4801a)(i)(A) 64

f) Le sens du terme « légal » à la division 4801a)(i)(A) 69

g) La non-divulgation du poste occupé 76

h) La souscription et l'acquisition d'unités par des mineurs 78

i) La souscription d'unités par des adultes pour d'autres adultes 88

j) L'exigence selon laquelle il faut acheter les unités [TRADUCTION] « pour son propre compte » 92

k) Les exigences de l'alinéa 4900(1)(d.2) du Règlement 97

l) Conclusion 99

B. La règle du trompe-l'œil 100

C. L'artifice 109

D. L'application du paragraphe 56(2) 114

E. Les cotisations excédentaires 123

F. Les années frappées de prescription 127

a) L'appel de M. Grenon 127

b) L'appel de la fiducie REÉR 132

G. L'application de la RGAÉ 147

a) Y a‑t‑il eu un avantage fiscal? 148

b) Y a-t-il eu une opération d'évitement? 151

c) Dans l'affirmative, l'opération d'évitement était-elle « abusive »? 155

d) Détermination des attributs fiscaux 164

e) Analyse et conclusion 166

VIII. CONCLUSION 170

Annexe A — Extraits des interrogatoires préalables 172

 


Référence : 2021 CCI 30

Date : 20210601

Dossier : 2014-3401(IT)G

ENTRE :

JAMES T. GRENON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Dossier : 2014-4440(IT)G

ET ENTRE :

LA FIDUCIE REÉR DE JAMES T. GRENON (552‑53721) PAR SON FIDUCIAIRE, LA COMPAGNIE TRUST CIBC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS UNE SECONDE FOIS

Le juge Smith

I. APERÇU

[1] James T. Grenon (l'« appelant ») était le rentier d'un régime enregistré d'épargne‑retraite (la « fiducie REÉR ») dans lequel il avait accumulé des actifs importants. La Compagnie Trust CIBC agissait à titre de fiduciaire.

[2] L'appelant a établi plusieurs fonds de revenu (les « fonds de revenu ») et en a fait la promotion. Chaque fonds a réuni un montant relativement modeste de capitaux en s'appuyant sur les règles relatives aux placements avec dispense de l'Alberta et de la Colombie‑Britannique. Les souscripteurs de chaque fonds étaient essentiellement les mêmes, mais l'appelant y a également participé, en acquérant des unités personnellement et par l'intermédiaire d'instruments de placement qu'il possédait ou contrôlait.

[3] Après la clôture des placements dispensés, l'appelant (agissant seul ou de concert avec deux autres personnes et leur REÉR respectif) a ensuite pris des dispositions pour que la fiducie REÉR acquière plus de 99 % des unités des fonds de revenu.

[4] Les fonds de revenu ont ensuite acquis des placements permettant de transférer les dépenses aux détenteurs d'unités pour acquérir des entreprises ou des placements contrôlés directement ou indirectement par l'appelant, dont les profits revenaient aux fonds de revenu et étaient distribués aux détenteurs d'unités, y compris la fiducie REÉR.

[5] Il n'est pas contesté que l'appelant avait l'intention, dès le début, d'organiser les fonds de revenu comme des placements admissibles pour des REÉR, et l'une des questions clés dans le présent appel est de savoir s'ils répondent à la définition de « fiducie de fonds commun de placement ».

[6] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a adopté la thèse selon laquelle les mesures prises pour constituer les fonds de revenu n'avaient pas d'effet juridique, de sorte qu'ils n'étaient pas un « placement admissible » pour des REÉR ou, subsidiairement, qu'il s'agissait d'un trompe‑l'œil ou d'un artifice visant à permettre à l'appelant de manipuler le régime des REÉR en utilisant les fonds de la fiducie REÉR pour acquérir et gérer activement des entreprises ou des placements, dont les profits revenaient à la fiducie REÉR où ils continuaient de s'accumuler en franchise d'impôt. Le ministre s'est également appuyé sur la règle générale anti‑évitement (« RGAÉ »).

[7] Les appels en l'espèce ont été entendus sur preuve commune avec les appels Magren Holdings Ltd. c. La Reine, 2017‑486(IT)G, 2176 Investments Ltd. c. La Reine, 2017‑605(IT)G, et Magren Holdings Ltd. c. La Reine, 2017‑606(IT)G (les « appels des sociétés »). Les motifs du jugement pour les appels des sociétés sont rendus séparément.

[8] L'« appelant » désignera M. Grenon à titre personnel et en tant que rentier de la fiducie REÉR et les « appelants » désigneront à la fois M. Grenon et la Compagnie Trust CIBC. Sauf indication contraire, les années d'imposition 2004 à 2011 seront désignées comme « la période pertinente ».

[9] À moins d'indication contraire, tous les renvois à des dispositions légales dans les présents motifs du jugement renvoient à la Loi de l'impôt sur le revenu [1] (la « Loi »), y compris les règlements pris en application de la Loi, qui se rapportent aux cotisations ou nouvelles cotisations et aux années d'imposition en question.

II. EXPOSÉ DES FAITS

[10] L'appelant a témoigné pour son propre compte, mais il a également convoqué quatre témoins des faits, qui avaient tous acquis des unités des fonds de revenu. Deux autres témoins ont témoigné pour le compte de la Compagnie Trust CIBC. Leurs témoignages respectifs seront examinés ci‑dessous.

[11] Alan B. Martyszenko a témoigné en tant qu'expert, mais son témoignage porte principalement sur les appels des sociétés, et je ne l'examinerai pas dans les présents motifs.

[12] Le ministre n'a pas convoqué de témoin, mais s'est appuyé sur l'affidavit de Helen Little, une vérificatrice de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »).

a) L'appelant

[13] L'appelant a obtenu un diplôme en droit de l'université du Manitoba en 1980 et a exercé le droit en Alberta pendant une courte période avant de s'intéresser au financement et aux placements de sociétés. Il a résidé en Alberta pendant la période pertinente, mais est devenu non‑résident lorsqu'il a émigré en Nouvelle‑Zélande en 2012.

[14] Au début de sa carrière, l'appelant a travaillé pour une société dénommée Tom Capital Associates Inc. (« Tom Capital »), qui se concentrait sur le financement des sociétés, notamment les prêts et les prêts aux sociétés en difficulté. Au cours de la période pertinente, cette société était contrôlée par Grencorp Management Inc. (« GMI »), détenue en totalité par l'appelant.

[15] L'appelant possédait ou contrôlait également de nombreuses autres sociétés ou entités qu'il a utilisées avec les fonds de revenu, notamment la totalité des actions de 1042946 Alberta Inc. (« la société 1042 ») et 1019109 Alberta Inc. (« la société 1019 »), qui agissaient à titre de commanditées, ainsi que des participations dans la société Colborne Capital Corporation (« CCC ») et la société Landcraft Development Corporation (« Landcraft »).

[16] L'appelant a également pris part aux premiers stades de l'industrie pétrolière et gazière de l'Alberta et, grâce à ces activités, il a acquis une richesse personnelle importante.

[17] En 2003, l'appelant avait accumulé des actifs importants dans la fiducie REÉR, y compris environ 39 millions de dollars en espèces et quasi‑espèces et une participation de 58 % dans la Foremost Industries Income Fund (« FMO »), une fiducie de fonds commun de placement cotée en bourse et établie en 2001, dont il était un fiduciaire.

[18] En mars 2004, les unités de la FMO valaient 46 millions de dollars et la valeur totale de la fiducie REÉR à ce moment‑là était d'environ 90 millions de dollars.

[19] Il était évident que l'appelant était une personne avertie dont la connaissance du droit fiscal surpassait celle des contribuables ordinaires. Il a admis volontiers qu'il consultait fréquemment la Loi et qu'il suivait généralement l'évolution du droit fiscal. Il a décrit cela comme l'un de ses passe‑temps.

[20] En ce qui concerne la fiducie REÉR, l'appelant a expliqué que les placements passifs ou un portefeuille diversifié de sociétés cotées en bourse ne l'intéressaient pas. Il souhaitait participer aussi activement que possible dans la gestion des placements qu'il acquérait. Il comprenait les conséquences financières du retrait des fonds d'un REÉR, qu'il décrivait comme un « suicide » financier.

[21] En ce qui concerne la structure de ses placements ou de ses entreprises, l'appelant a expliqué qu'il préférait une structure permettant de transférer les dépenses en utilisant des fiducies commerciales ou des sociétés en commandite, qu'il considérait comme plus efficaces fiscalement.

[22] En ce qui concerne les fonds de revenu, l'objectif de l'appelant était d'élargir la portée des placements de son REÉR et d'obtenir une souplesse dans la gestion de ses placements d'une manière qui n'était pas normalement possible avec un REÉR.

[23] Il n'était pas non plus particulièrement intéressé à recueillir des capitaux importants d'un grand nombre de souscripteurs. Comme nous le verrons plus loin, il ne cherchait qu'à réunir autant de capitaux d'autant de souscripteurs que nécessaire pour satisfaire aux exigences minimales pour une « fiducie de fonds commun de placement » selon la Loi, ou les excéder.

[24] Comme il avait déjà accumulé des actifs importants dans la fiducie REÉR, il lui fallait un moyen convenable d'investir ces fonds. Il était d'avis que la structure du fonds de revenu était [TRADUCTION] « la plus conforme à ses objectifs de placement ».

[25] En ce qui concerne au moins deux fonds de revenu, l'appelant a collaboré avec deux autres associés, soit Bruce MacLennan (« M. MacLennan ») et Angus Sutherland (« M. Sutherland »). Ces deux personnes ont acquis des unités de deux fonds de revenu en acceptant un transfert du REÉR de M. Grenon en échange d'espèces provenant de leur REÉR respectif (le « REÉR de M. MacLennan » et le « REÉR de M. Sutherland ») et ont occupé divers rôles dans la structure du fonds de revenu. Ils ont agi en tant que fiduciaires de certains fonds ou en tant qu'administrateurs de diverses sociétés qui agissaient comme commanditées. Comme nous le verrons en plus de détails ci‑dessous, le REÉR de M. MacLennan et le REÉR de M. Sutherland détenaient chacun une participation de 49 % dans deux fonds de revenu.

[26] Bien que l'appelant ait été le promoteur de tous les fonds de revenu, le ministre a décrit les trois personnes comme étant des initiés en ce qui concerne la structure des fonds de revenu. Selon les hypothèses du ministre [2] , [TRADUCTION] « les structures ont été conçues de manière à ce que les initiés puissent obtenir des avantages fiscaux de ces structures avec lien de dépendance », notamment les avantages suivants (le ministre désigne les fonds de revenu comme les « fonds ayant fait l'objet de la promotion ») :

– la réduction et le report des impôts à payer par M. Grenon et diverses entreprises détenues par M. Grenon, grâce au paiement d'intérêts et de frais de gestion à des entités apparentées;

– le report de l'impôt lors de la distribution de revenus aux diverses fiducies REÉR détenues par les initiés, y compris la fiducie REÉR de M. Grenon, revenus qui seraient par ailleurs distribués à titre de dividendes ou d'une autre façon et seraient soumis à l'impôt;

– l'évitement de l'impôt de la partie I et de la partie XI.1 sur les placements non admissibles détenus par les fiducies REÉR des initiés, y compris la fiducie REÉR de M. Grenon;

– l'évitement de l'impôt de la partie X.1 sur les sommes excédentaires versées à la fiducie REÉR de M. Grenon à l'égard des sommes qu'elle a reçues des fonds ayant fait l'objet de la promotion.

b) Les fonds de revenu

[27] Les fonds de revenu visés par les présents appels ont été créés en 2003 et 2006. Les fonds de revenu de 2003 (les fonds Tom 2003‑1, Tom 2003‑2, Tom 2003‑3 et Tom 2003‑4) ont été établis en Alberta par des actes de fiducie distincts du 14 mars 2003. Les fonds de revenu de 2006 (les fonds Tom 2006‑5 et Tom 2006‑8) ont été établis de manière similaire le 30 juin 2006.

[28] Chaque fonds de revenu a procédé à un premier placement d'unités à 171 souscripteurs (le « premier placement ») en s'appuyant sur une dispense de prospectus prévue par les lois sur les valeurs mobilières de l'Alberta et de la Colombie‑Britannique au moyen de notices d'offre.

[29] Les unités des fonds de revenu de 2003 ont été placées conformément aux exigences sur les notices d'offre à la partie 4 du règlement de portée multilatérale 45‑103 intitulé [TRADUCTION] « Dispenses relatives à la collecte de capitaux » [3] . Les unités des fonds de revenu de 2006 ont été placées conformément aux exigences sur les notices d'offre décrites dans la partie 2 du règlement de portée pancanadienne 45‑106 intitulé « Dispenses de prospectus » [4] . Les exigences sur les notices d'offre du règlement de portée multilatérale 45‑103 et du règlement de portée pancanadienne 45‑106 (les « règlements ») sont essentiellement les mêmes et lorsqu'il y a des différences, elles ne sont pas pertinentes aux présents appels.

[30] On a préparé une notice d'offre pour chaque fonds de revenu; elles indiquaient qu'un minimum de 100 unités (un « bloc d'unités ») d'une valeur de 7,50 $ l'unité pour un total de 750 $ serait émis à chaque souscripteur, sous réserve d'un minimum de 160 souscripteurs. Toutes les unités étaient assorties des mêmes droits. Le processus de souscription consistait à remettre la notice d'offre aux souscripteurs possibles, qui devaient ensuite signer la reconnaissance des risques et la convention de souscription.

[31] Chaque fonds de revenu aurait émis des unités à 171 souscripteurs, recueillant ainsi environ 128 250 $, moins des frais juridiques et comptables minimes. Comme l'a expliqué l'appelant, il a établi le montant minimal de souscription et le nombre minimal de souscripteurs afin de satisfaire ou de dépasser les exigences minimales pour une « fiducie de fonds commun de placement » selon la Loi.

[32] L'appelant a participé en tant que souscripteur au premier placement et a acquis un bloc d'unités; des entités qu'il possède ou contrôle, notamment Grencorp, Tom Capital, Tom Capital Consulting Corp. et Tom Consulting Limited Partnership, ont aussi acquis des unités. Toutes faisaient partie des souscripteurs.

[33] Comme nous le verrons en plus de détails ci‑dessous, les unités ont fait l'objet de promotion et de placement aux membres de la famille immédiate et étendue de l'appelant, à ses amis, à ses employés, à ses associés et à d'autres personnes avec lesquelles il n'avait pas de liens aussi étroits. Quoi qu'il en soit, on ne conteste pas que les souscripteurs qui ont acquis des unités des fonds de revenu de 2003 et de 2006 étaient essentiellement les mêmes personnes. De plus, je constate que tous les souscripteurs étaient des résidents de l'Alberta ou de la Colombie‑Britannique.

[34] La notice d'offre indiquait qu'il s'agissait d'une « mise en commun sans droit de regard » ou d'un « capital de démarrage » et que les fiduciaires choisiraient l'entreprise à une date ultérieure. La notice d'offre indiquait que les [TRADUCTION] « souscripteurs ne pourraient pas vendre leurs unités pendant une période indéfinie », mais que l'appelant fournirait des liquidités à ceux qui souhaiteraient faire racheter leurs unités au prix coûtant (ce qui ne s'est jamais produit). Elle indiquait également que l'appelant [TRADUCTION] « investit au moins 1 000 000 $ dans le fonds » et que lui‑même ou d'autres fiduciaires acquerront au moins 66,66 % des unités, ce qui leur permettrait [TRADUCTION] « de contrôler essentiellement le fonds ».

[35] Chaque notice d'offre comprenait une attestation qui indiquait ceci : [TRADUCTION] « La présente notice d'offre ne contient aucune déclaration fausse ou trompeuse. » L'attestation était signée par l'appelant en tant que fiduciaire et promoteur et comprenait la déclaration suivante :

[TRADUCTION]

Aucune autorité en valeurs mobilières ne s'est prononcée sur la qualité de ces titres ni n'a examiné la présente notice d'offre. Quiconque donne à entendre le contraire commet une infraction. Le présent placement comporte des risques. [...]

[36] Enfin, la notice d'offre contenait une explication de la [TRADUCTION] « situation fiscale du fonds » indiquant que, sous réserve de certaines conditions, il s'agissait d'une [TRADUCTION] « fiducie d'investissement à participation unitaire » et d'une [TRADUCTION] « fiducie de fonds commun de placement », et par conséquent d'un [TRADUCTION] « placement admissible pour un régime exonéré d'impôt ». Elle ajoute que si le fonds cesse d'être une [TRADUCTION] « fiducie de fonds commun de placement », les souscripteurs qui ont acquis des unités dans un régime exonéré devront payer un impôt de 1 % de la juste valeur marchande des unités et déclarer personnellement tout revenu ou gain.

[37] Une fois le premier placement effectué, l'appelant a choisi les fiduciaires des fonds de revenu, notamment Bruce MacLennan et Deborah Nickerson, ainsi que les divers conseillers juridiques, et a pris des dispositions en vue de leur nomination.

[38] Comme nous le verrons en plus de détails ci‑dessous, la structure des fonds de revenu comprenait généralement une série de fiducies décrites comme des fiducies de capital‑risque (« FCR ») détenues à 100 % par les fonds de revenu. Les FCR détenaient à leur tour 99,99 % des unités d'une société en commandite cadre (« SCC ») qui a constitué une série de sociétés en commandite, selon les besoins, pour acquérir divers placements ou entreprises. Habituellement, une société détenue à 100 % ou contrôlée par l'appelant ou d'autres initiés était le commandité et détenait une participation de 0,01 %. Les fonds de revenu de 2006 n'utilisaient pas de FCR et les placements étaient détenus directement.

c) L'acquisition d'unités par la fiducie REÉR

[39] Après avoir réalisé le premier placement (y compris le dépôt d'un rapport aux commissions des valeurs mobilières de l'Alberta et de la Colombie‑Britannique), l'appelant a entrepris un deuxième placement d'unités à sa fiducie REÉR, ce qui a entraîné une dilution importante de la participation globale des souscripteurs initiaux.

[40] Le tableau qui suit présente une ventilation détaillée des souscriptions effectuées par la fiducie REÉR dans les fonds de revenu de 2003 et de 2006, indiquant la date de la souscription, le nombre d'unités acquises, la valeur des unités et le montant de la souscription lors du deuxième placement [5] :

Souscriptions effectuées par la fiducie REÉR dans les fonds de revenu

Fonds de revenu 2003-1

Date de souscription

Nombre d'unités

Valeur des unités

Montant

juin 2003

1 575 000

7,50

11 812 500 $

janvier 2005

3 400 000

9,06

30 804 000 $

décembre 2007

1 390 500

8,99

12 500 595 $

Total

55 117 095 $

Fonds de revenu 2003-2

Date de souscription

Nombre d'unités

Valeur des unités

Montant

septembre 2003

540 000

7,50

4 050 000 $

septembre 2006

225 800

15,50

3 499 900 $

juillet 2007

60 000

14,94

896 400 $

mai 2008

147 700

15,08

2 227 316 $

juillet 2010

41 666

18,00

749 988 $

Total

11 423 604 $

Fonds de revenu 2003-3

Date de souscription

Nombre d'unités

Valeur des unités

Montant

septembre 2003

540 000

7,50

4 050 000 $

Total

4 050 000 $

Fonds de revenu 2003-4

Date de souscription

Nombre d'unités

Valeur des unités

Montant

novembre 2005

3 821 850

40,00

152 874 000 $

mai 2006

4 000 000

5,53

22 120 000 $

Total

174 994 000 $

Fonds de revenu 2006-5

Date de souscription

Nombre d'unités

Valeur des unités

Montant

mars 2008

320 000

7,50

2 400 000 $

juillet 2008

213 333

7,50

1 599 998 $

Total

 

 

3 999 998 $

Fonds de revenu 2006-8

Date de souscription

Nombre d'unités

Valeur des unités

Montant

août 2008

5 333 333

7,50

39 999 998 $

août 2009

3 176 620

7,87

24 999 999 $

Total

64 999 997 $

[41] Le tableau qui suit résume les totaux. La fiducie REÉR a acquis des unités des fonds de revenu de 2003 et de 2006 d'une valeur d'environ 245 millions de dollars et 69 millions de dollars respectivement [6] :

Nombre total et valeur des unités acquises par la fiducie REÉR [7]

Année de souscription

Fonds de revenu de 2003

Fonds de revenu de 2006

Nombre d'unités

Montant

Nombre d'unités

Montant

2003

2 655 000

19 912 500 $

0

0 $

 

2004

0

0 $

0

0 $

 

 

2005

7 221 850

183 678 012 $

0

0 $

 

 

2006

4 225 800

25 619 900 $

0

0 $

 

 

2007

1 450 500

13 396 995 $

0

0 $

 

 

2008

147 700

2 227 316 $

5 866 666

43 999 996 $

 

2009

0

0 $

3 176 620

24 999 999 $

 

Total

15 742 516

245 584 711 $

9 043 286

68 999 995 $

 

[42] Comme condition préalable à l'acquisition d'unités des fonds de revenu, la Compagnie Trust CIBC a exigé la remise de certains documents, notamment des copies des notices d'offre, les documents de souscription et un avis juridique d'un cabinet d'avocats réputé pour confirmer que les fonds de revenu étaient des placements admissibles. Kerri Calhoun et Sabrina Tam, employées de la Compagnie Trust CIBC, dont le témoignage est résumé ci‑dessous, ont expliqué en plus de détails le processus et les documents exigés.

[43] Au total, douze avis juridiques ont été remis, un pour chaque acquisition (les « avis juridiques »). Les avis juridiques ont été rédigés sur le papier à en‑tête du cabinet d'avocats et étaient adressés à la Compagnie Trust CIBC. Ils comptaient quatre paragraphes, dont le suivant :

[TRADUCTION]

Pour le présent avis, nous nous sommes fondés sur les faits que nous a présentés James T. Grenon sous la forme de l'attestation du fiduciaire jointe aux présentes et sur d'autres éléments que nous avons jugés nécessaires ou appropriés pour le présent avis.

[44] Quatre des avis juridiques étaient différents; ils comportaient une mise en garde selon laquelle les faits présentés dans l'attestation du fiduciaire n'avaient pas été [TRADUCTION] « vérifiés de manière indépendante » et que si les faits différaient [TRADUCTION] « de ceux présentés [...], cet avis pourrait ne pas être valide ». Tous les avis juridiques ont conclu que les fonds de revenu étaient [TRADUCTION] « des placements admissibles aux termes de la Loi pour le REÉR dont le rentier est James T. Grenon ».

[45] Les attestations signées par l'appelant contenaient une reconnaissance que les avis juridiques seraient fondés en partie sur les faits énoncés dans l'attestation, dans laquelle l'appelant a déclaré qu'il savait que ces faits étaient véridiques et exacts, et plus précisément ce qui suit :

[TRADUCTION]

En ce qui concerne le fonds, une notice d'offre a été déposée à la commission des valeurs mobilières de l'Alberta et à la commission des valeurs mobilières de la Colombie‑Britannique, et il y a eu un appel public légal à l'épargne en Alberta et en Colombie‑Britannique d'unités du fonds conformément à la notice d'offre.

[46] Lorsque la fiducie REÉR a acquis des unités des fonds de revenu qui exploitaient déjà une entreprise commerciale ou avaient des placements, les rapports d'évaluation préparés par le cabinet comptable Grant Thornton étaient joints aux avis juridiques. Ces rapports d'évaluation devaient étayer l'émission d'unités à un prix supérieur au prix de souscription initial de 7,50 $ l'unité.

[47] Comme nous le verrons en plus de détails ci‑dessous, les fonds de revenu devaient déposer un rapport à la commission des valeurs mobilières dans les 10 jours suivant la fin du placement des unités. On a déposé un rapport après le premier placement, mais aucune preuve n'indique qu'on ait déposé un rapport après le deuxième placement.

d) Les distributions de revenu effectuées par les fonds de revenu

[48] On a transféré les bénéfices tirés des divers placements ou entreprises aux diverses entités, y compris les FCR, puis aux fonds de revenu, et on les a ensuite répartis parmi les détenteurs d'unités, y compris la fiducie REÉR. Les résolutions des fiduciaires autorisant la répartition des bénéfices étaient jointes aux déclarations T3.

[49] Selon le ministre, on a distribué 186 489 148 $ en tout à la fiducie REÉR (les « distributions »). Le tableau qui suit est un résumé de toutes les distributions des fonds de revenu à la fiducie REÉR au cours de la période pertinente :

Distributions effectuées par les fonds de revenu à la fiducie REÉR

 

2003-1

2003-2

2003-3

2003-4

2006-8

Total

2004

 

4 192 015

1 924 362

 

 

6 116 377

2005

6 372 526

3 493 797

4 773 945

136 654 427

 

151 294 695

2006

4 176 831

861 930

3 232 052

2 636 201

 

10 907 014

2007

2 513 091

2 194 196

2 838 325

2 554 003

 

10 099 615

2008

1 381 913

2 050 920

 

 

 

3 432 833 [8]

2009

 

1 516 445

 

 

3 122 169

4 638 614

Total

14 444 361

14 309 303

12 768 594

141 844 631

3 122 169

186 489 148

 

[50] Comme nous le verrons en plus de détails ci‑dessous, il existe un différend quant aux distributions réelles effectuées en 2005 par le fonds de revenu 2003‑4. L'appelant affirme que les distributions effectuées cette année‑là résultaient de l'émission de nouvelles unités à la fiducie REÉR en échange du transfert d'unités de la FMO au fonds de revenu 2003‑4 et que cela n'a pas eu pour effet d'augmenter la valeur de la fiducie REÉR. L'appelant affirme également que le ministre n'a pas tenu compte d'une perte de 129 876 648 $ subie par la fiducie REÉR lors de la disposition de ces unités en 2008.

[51] Quoi qu'il en soit, l'appelant a reconnu que la fiducie REÉR a reçu environ 58 millions de dollars des fonds de revenu au cours de la période pertinente.

[52] L'appelant, en tant que fiduciaire, a approuvé la production annuelle des déclarations T3 de renseignements et de revenus des fiducies, qui indiquaient que chaque fonds était une « fiducie de fonds commun de placement ». De même, la Compagnie Trust CIBC, en tant que fiduciaire, a produit une déclaration T3GR dans laquelle elle devait indiquer tous les REÉR « imposables » (c'est‑à‑dire les REÉR contenant des placements non admissibles), avec l'impôt applicable retenu et remis au ministre. La fiducie REÉR a été regroupée avec d'autres dans un modèle de régime, mais on n'indiquait pas qu'il s'agissait d'un REÉR imposable détenant des placements non admissibles. Les employés de la Compagnie Trust CIBC ont expliqué la production annuelle des formulaires T3GR; il en sera question plus loin.

e) Le fonds de revenu Tom 2003-1

[53] En juin 2003 (peu après la fin du premier placement), la fiducie REÉR a d'abord souscrit 1 575 000 unités du fonds de revenu Tom 2003‑1 à 7,50 $ l'unité, pour un produit total de 11 812 500 $. Elle a fait des souscriptions supplémentaires à des dates ultérieures, comme indiqué ci‑dessus.

[54] Comme pour tous les fonds de revenu, une société a agi en tant que fiduciaire de la FCR afin d'assurer une protection contre les créanciers, comme l'explique l'appelant. En l'espèce, la société 1019, une société détenue à 100 % par l'appelant, a agi comme commanditée.

[55] Ce fonds détenait 100 % des unités de la FCR du fonds Tom 2003‑1, qui possédait 99,99 % des unités de la société en commandite cadre Tom 2003‑1 (la « SCC‑1 »). La société 1042, une autre société détenue à 100 % par l'appelant, a agi comme commanditée. À partir de 2005, la SCC‑1 a acquis une participation de 99,99 % dans la société en commandite Raywal et dans la société en commandite Tom 2003‑1, qui détenaient 100 % des unités ou des actions de 1213321 Alberta Ltd., Raywal Kitchens Inc. et 2037629 Ontario Inc.

[56] En 2006, le fonds de revenu Tom 2003‑1 a acquis une participation de 99,99 % dans la société en commandite Can‑Am Kitchens et une participation de 75 % dans la société en commandite Landcraft, Landcraft étant le commandité. Avant ces opérations, l'appelant détenait 75 % des actions de Landcraft. L'appelant possédait ou contrôlait également plusieurs des sociétés qui agissaient comme commandités.

[57] Le fonds de revenu Tom 2003‑1 a également conclu plusieurs prêts. Le 1er août 2003, il a conclu un prêt de 10 millions de dollars avec CCC, détenue en partie par Grencorp, la société de gestion de l'appelant. L'appelant, pour le compte de l'emprunteur, a signé la garantie du prêt, un contrat de sûreté générale grevant les actifs et les engagements de CCC.

[58] Comme l'indique le tableau ci‑dessus, le fonds de revenu 2003‑1 a versé un total de 14 444 361 $ à la fiducie REÉR au cours de la période pertinente.

f) Le fonds de revenu Tom 2003‑2

[59] En septembre 2003, la fiducie REÉR a d'abord souscrit 540 000 unités du fonds de revenu Tom 2003‑2 à 7,50 $ l'unité, pour un produit total de 4 050 000 $. Le REÉR de M. MacLennan détenait 49 % des unités de ce fonds. M. MacLennan possédait 100 % des actions de Century Services Inc. (« Century Services »), qui faisait des prêts aux sociétés en difficulté.

[60] Le fonds de revenu Tom 2003‑2 détenait 100 % des unités d'une FCR dont le principal placement était une participation de 99,99 % dans la société en commandite Century Services (« SCCS ») établie le 15 novembre 2003. Century Services Inc. détenait la participation restante et était la commanditée.

[61] En décembre 2003, SCCS a acheté l'actif et le passif de la société de personnes Century Services pour 12,6 millions de dollars. Les seuls actifs de cette société de personnes étaient les actions de Century Services Inc. En 2005, Century Services Inc. a payé des frais de gestion de 5 692 000 $ à SCCS. Le revenu net de SCCS a été versé à la FCR 2003‑2, puis au fonds de revenu Tom 2003‑2.

[62] Comme indiqué ci‑dessus, ce fonds a versé un total de 14 309 303 $ à la fiducie REÉR au cours de la période pertinente, si l'on exclut les sommes versées au REÉR de M. MacLennan.

g) Le fonds de revenu Tom 2003‑3

[63] En septembre 2003, la fiducie REÉR a souscrit 540 000 unités du fonds de revenu Tom 2003‑3 à 7,50 $ l'unité, pour un produit total de 4 050 000 $. La fiducie REÉR et le REÉR de M. Sutherland détenaient chacun 49 % des unités, et les unités restantes étaient détenues par les souscripteurs. Ce fonds détenait 100 % des unités de la FCR Tom 2003‑3, qui possédait 99,99 % des unités de la SCC‑3 constituée en janvier 2004. La commanditée était 661314 B.C. Ltd. (« la société 661 »), une société contrôlée par M. Sutherland.

[64] M. Sutherland détenait une participation majoritaire dans la Silvercreek Development Corporation et exerçait des activités de développement, de lotissement et de vente de biens‑fonds commerciaux et résidentiels en Alberta et en Colombie‑Britannique.

[65] La SCC-3 détenait 99,99 % des unités de la société en commandite Silvercreek Abbortsford (« SCSA »), constituée en février 2004. Plusieurs autres sociétés en commandite ont été constituées par la suite, mais dans tous les cas, la société 661 était la commanditée.

[66] Des biens‑fonds ont été jugés propices au développement et une société appartenant à M. Sutherland devait acquérir les biens‑fonds en question. La société SCSA ou d'autres sociétés en commandite dont la SCC‑3 détenait 99,99 % des unités étaient les commanditaires, tandis que la société 661 était la commanditée. On a développé ces biens‑fonds et on les a vendus à d'autres parties. Les sociétés en commandite ont versé les revenus nets à la SCC‑3, qui les a remis au FCR 2003‑3, qui les a ensuite distribués au fonds de revenu 2003‑3.

[67] Comme il ressort du tableau qui précède, le fonds de revenu Tom 2003‑3 a versé un total de 12 768 594 $ à la fiducie REÉR au cours de la période pertinente, si on exclut les sommes versées au REÉR de M. Sutherland.

h) Le fonds de revenu Tom 2003-4

[68] Le fonds de revenu Tom 2003‑4 ne participait directement à aucune entreprise; il tirait ses revenus de prêts à des entités apparentées, y compris d'autres fonds de revenu. L'appelant l'a appelé le [TRADUCTION] « fonds des fonds ».

[69] Comme indiqué ci‑dessus, le fonds de revenu Tom 2003‑4 a acquis les unités de la FMO, une fiducie de fonds commun de placement cotée en bourse, détenues par la fiducie REÉR. Le ministre a reconnu que, tant que les unités de la FMO étaient effectivement détenues par la fiducie REÉR, elles étaient un placement admissible pour un REÉR.

[70] Cette opération a eu lieu le 14 novembre 2005 et a consisté, notamment, en un transfert par la fiducie REÉR de sa participation de 58 % dans la FMO au fonds de revenu 2003‑4 en échange d'unités. Lors de cette opération, la fiducie REÉR a souscrit 3 821 850 unités à 40 $ l'unité, pour un total de 152 874 012 $.

[71] En mai 2006, la fiducie REÉR a souscrit 4 millions d'unités supplémentaires à 5,53 $ l'unité pour un produit net de 22 120 000 $. On n'a pas expliqué à la Cour la raison pour laquelle la valeur des unités avait diminué de novembre 2005 à mai 2006.

[72] Comme indiqué à l'alinéa k) de la réplique à la réponse modifiée une seconde fois, l'opération visant le transfert des unités de la FMO est décrite en plus de détails dans les appels des sociétés.

i) Le fonds de revenu Tom 2006-5

[73] Le fonds de revenu Tom 2006‑5 a été établi en 2006.

[74] En mars 2008, la fiducie REÉR a souscrit 320 000 unités à 7,50 $ l'unité pour un produit net de 2 400 000 $, et en juillet 2008, elle a souscrit 213 333 unités supplémentaires à 7,50 $ l'unité pour un produit net de 1 599 998 $.

[75] En raison de ces souscriptions, la fiducie REÉR contrôlait plus de 99 % des unités en circulation, mais aucune distribution n'a eu lieu au cours de la période pertinente. L'acquisition proposée n'a jamais été réalisée et toutes les unités ont finalement été rachetées au prix coûtant.

j) Le fonds de revenu Tom 2006-8

[76] Le fonds de revenu Tom 2006‑8 a également été établi en 2006.

[77] En mars 2008, la fiducie REÉR a souscrit 5 333 333 unités à 7,50 $ l'unité pour un produit net de 39 999 998 $, et en août 2009, elle a souscrit 3 176 620 unités supplémentaires à 7,87 $ l'unité pour un produit net de 24 999 999 $.

[78] Le 12 août 2008, le fonds de revenu Tom 2006‑8 a conclu un prêt avec l'appelant; le fonds lui a prêté 18 000 000 $ à un taux annuel de 9 %. Le produit du prêt a servi à faire des placements et l'appelant a reconnu dans son témoignage oral qu'il a demandé la déduction des frais d'intérêt dans sa déclaration de revenus personnelle. Plusieurs autres prêts ont été accordés à des sociétés apparentées.

[79] Comme l'indique le tableau qui précède, le fonds de revenu 2006‑8 a versé un total de 3 122 169 $ à la fiducie REÉR au cours de la période pertinente.

k) Les témoins des faits

Geoffrey Merritt

[80] L'appelant a fait témoigner Geoffrey Merritt, un ingénieur chimiste ayant une vaste expérience de l'industrie pétrolière et gazière. Il a investi dans les fonds de revenu de 2003 et de 2006 avec son épouse et ses deux enfants, âgés de 15 et 18 ans en 2003.

[81] M. Merritt a été mis au courant de l'existence des fonds par le frère de l'appelant et, comme il savait que l'appelant investirait son propre argent, il n'a pas jugé nécessaire d'exercer davantage de diligence. Il a confirmé avoir signé les documents de souscription au nom de son épouse et de ses enfants et avoir reçu des distributions de revenus et des formulaires T3 au fil des ans. Il a affirmé que ses enfants détenaient d'autres titres dès un jeune âge, mais aucune preuve corroborante n'a été produite.

Mary Yee

[82] Mary Yee était technicienne juridique chez Tom Capital pendant 14 ans et a fourni du soutien administratif pour les fonds de revenu, y compris les mises à jour des détenteurs d'unités, les distributions, les relevés fiscaux et les avis de réunions annuelles.

[83] Elle a témoigné que tous les souscripteurs des fonds de revenu étaient des résidents de l'Alberta ou de la Colombie‑Britannique et que, bien que des mineurs aient souscrit des unités, aucun d'entre eux n'avait jamais dénoncé la souscription ou refusé ou renvoyé un chèque de distribution, même après avoir atteint la majorité. Elle et son conjoint avaient souscrit des unités des fonds de revenu de 2006 en raison du succès qu'avaient eu les fonds de 2003.

Deborah Nickerson

[84] Deborah Nickerson a rejoint l'équipe de comptabilité de Tom Capital en 2005, occupant par la suite un rôle de direction. Elle a également fourni des services de comptabilité à Tom Capital et aux fonds de revenu et a servi de fiduciaire pour plusieurs fonds. Elle a fourni ces services par l'intermédiaire d'une société à dénomination numérique.

[85] Mme Nickerson a également fourni des conseils quant au taux d'intérêt approprié et à la garantie à fournir pour les prêts des fonds de revenu à des parties apparentées telles que l'appelant. Elle a estimé que les conditions étaient commercialement raisonnables, mais a reconnu qu'elle n'avait pas reçu de formation officielle et ne détenait aucun titre de compétence dans ce domaine. Elle a également indiqué que des comptables externes examinaient périodiquement les fonds de revenu, qu'on donnait des explications au besoin, et que si des problèmes se posaient, ils étaient toujours résolus.

[86] En ce qui concerne les fonds de revenu, elle a également confirmé que tous les souscripteurs étaient des résidents de l'Alberta ou de la Colombie‑Britannique et que des unités avaient été émises à des mineurs. En fait, elle a témoigné qu'elle avait signé la convention de souscription et la reconnaissance des risques pour ses deux enfants, âgés de 10 et 13 ans au moment des souscriptions en 2003. Elle a également indiqué que les fonds de souscription pour ses enfants étaient destinés à être des prêts qui seraient remboursés une fois les unités rachetées. Elle a reconnu qu'elle ne disposait d'aucun document à l'appui.

Bruce MacLennan

[87] Bruce MacLennan était le président de Century Services Inc., dont l'activité principale consistait en l'évaluation de biens immobiliers ou d'autres actifs pour des prêteurs institutionnels et privés. La société faisait également des prêts à des sociétés en difficulté, et c'est ainsi que M. MacLennan est entré en contact avec l'appelant et Tom Capital.

[88] M. MacLennan a agi à titre de fiduciaire des fonds de revenu de 2003. Il a témoigné avoir signé les conventions de souscription et la reconnaissance des risques pour ses deux enfants (tous deux âgés de 5 ans en 2003), qui ont acquis des unités des fonds de revenu de 2003. Les deux enfants ont signé leurs propres documents pour les fonds de revenu de 2006, mais il a agi comme témoin de leur signature. Au cours de son contre‑interrogatoire, il a reconnu qu'il avait en fait payé le prix de la souscription pour son épouse et ses deux enfants et, lors du réinterrogatoire, il a indiqué que les sommes versées en leur nom étaient destinées à être des cadeaux. Tous les chèques de distribution ont été déposés dans leurs comptes bancaires respectifs.

Kerri Calhoun

[89] Kerri Calhoun s'est jointe à la Compagnie Trust CIBC en 1988 et, au moment de son témoignage, elle était directrice générale. Elle a expliqué que seules les sociétés de fiducie pouvaient agir en tant que fiduciaires d'un REÉR et que, par conséquent, la Banque de commerce, en tant que banque à charte canadienne, avait nommé la Compagnie Trust CIBC comme fiduciaire pour tous ses REÉR. Cela dit, CIBC Wood Gundy, et plus tard Marchés des capitaux CIBC inc., ont été nommées mandataires pour gérer l'administration quotidienne et s'assurer que les actifs étaient des placements admissibles.

[90] Mme Calhoun a également expliqué que dans un régime autogéré, le rentier prend toutes les décisions de placement et que le rôle de CIBC Wood Gundy, en tant que mandataire de la Compagnie Trust CIBC, est de s'assurer que les placements sont des placements admissibles en application de la Loi.

[91] D'autres placements, décrits comme des placements privés, nécessitaient des documents supplémentaires, notamment la notice d'offre, la convention de souscription et un avis juridique d'un cabinet d'avocats réputé confirmant que le placement était un placement admissible. L'équipe chargée de l'examen des documents connaissait les exigences de la Loi et du Règlement.

[92] Quant à la Compagnie Trust CIBC, elle s'est fiée aux avis juridiques fournis au sujet du statut du placement, même si elle savait que le cabinet d'avocats lui‑même se fondait sur les déclarations faites dans l'attestation du fiduciaire. Si le placement était un premier appel à l'épargne, on établissait la valeur des titres selon la notice d'offre, mais en cas de placement ultérieur, on pouvait exiger un rapport d'évaluation préparé par un cabinet comptable réputé. Au cours de son contre‑interrogatoire, Mme Calhoun a indiqué qu'il n'y avait aucune obligation d'obtenir un rapport d'évaluation complet. La Compagnie Trust CIBC était seulement tenue de faire des efforts raisonnables pour obtenir la juste valeur marchande du placement proposé. Elle a également indiqué que pour les régimes autogérés, conformément aux documents contractuels nécessaires pour l'ouverture d'un tel régime, il appartenait en définitive au rentier de s'assurer que les actifs acquis étaient des placements admissibles.

[93] En ce qui concerne les dépôts que la Compagnie Trust CIBC doit faire à l'ARC, Mme Calhoun a indiqué que la Compagnie déposait une demande et une déclaration de fiducie. Si elle approuve les documents, l'ARC attribue un numéro de modèle de régime qui pouvait renvoyer à des centaines de milliers de régimes REÉR. La Compagnie Trust CIBC déposait alors chaque année un formulaire T3GR, « Déclaration de renseignements et d'impôt sur le revenu pour un groupe de fiducies régies par un REÉR, un FERR, un REÉE ou un REÉI », soit le formulaire prescrit qui indique la juste valeur marchande de tous les REÉR faisant partie du modèle de régime.

[94] Le formulaire T3GR comprend une liste de tous les REÉR du modèle de régime qui détenaient des placements non admissibles, appelés des « REÉR imposables », auquel cas on déduisait les impôts du REÉR et on les versait à l'ARC. En l'espèce, la fiducie REÉR n'était inscrite sur aucun des formulaires T3GR déposés au cours de la période pertinente, car, selon Mme Calhoun, elle ne détenait aucun placement non admissible.

[95] En ce qui concerne les documents déposés par l'appelant ou ses mandataires, elle n'était pas au courant et ne pouvait pas se prononcer sur la question de savoir si des mineurs avaient acquis des unités des fonds de revenu ou sur la question de savoir qui avait effectivement payé les montants de la souscription. On ne posait pas de questions à ce sujet, puisqu'on se fondait sur les avis juridiques.

[96] Au cours du contre‑interrogatoire, elle a reconnu qu'elle pensait que le formulaire T3GR était à la fois une déclaration de revenus et une déclaration de renseignements, mais que si une fiducie REÉR avait un revenu imposable, il fallait produire un formulaire T3, « Déclaration de renseignements et de revenus des fiducies ».

[97] Elle a indiqué qu'on ne déposait pas de déclaration T3 pour les REÉR qui ne détenaient que des placements admissibles, car l'ARC ne l'exigeait pas. Elle a reconnu qu'on n'avait pas déposé de déclaration T3 à l'ARC pour la fiducie REÉR.

Sabrina Tam

[98] Sabrina Tam était directrice de l'évaluation du risque commercial à Marchés mondiaux CIBC Inc. Elle a commencé à travailler à la Banque de commerce en 1999 en tant qu'agent de conformité, puis est passée en 2005 au groupe du risque commercial et de la supervision des ventes, responsable de l'examen et de l'approbation des opérations de placement privé.

[99] Le groupe du risque commercial et de la supervision des ventes examinait toute la documentation pour les placements privés. En cas de problème, il consultait les services de conformité ou le contentieux de la Banque de commerce. Mme Tam a confirmé que les documents requis comprenaient une convention de souscription confirmant à la fois la valeur et le nombre de titres achetés, ainsi qu'une reconnaissance des risques et un avis juridique d'un cabinet d'avocats réputé confirmant que le placement était un placement admissible pour un REÉR. Au cours du contre‑interrogatoire, elle a déclaré qu'on s'appuyait généralement sur l'avis juridique fourni et qu'on n'analysait pas les déclarations ou les attestations dans la notice d'offre.

III. LES COTISATIONS

[100] Le ministre a établi plusieurs cotisations ou nouvelles cotisations (les « nouvelles cotisations ») de la manière décrite ci‑dessous, mais il a reconnu que les cotisations établies aux termes de la partie I dans les deux appels visent à imposer les mêmes sommes pour les années d'imposition 2008 et 2009 et qu'il ne peut avoir gain de cause que dans l'un ou l'autre cas.

a) L'appel de M. Grenon — Nouvelles cotisations établies aux termes de la partie I

[101] L'appelant interjette appel des avis de nouvelle cotisation établis par le ministre le 28 février 2013 au motif que les paiements de 3 432 833 $ et de 4 638 614 $ effectués par les fonds de revenu à la fiducie REÉR au cours des années d'imposition 2008 et 2009 respectivement (les « nouvelles cotisations de M. Grenon aux termes de la partie I ») devraient faire l'objet d'une cotisation à titre de paiements indirects imposables entre les mains de l'appelant aux termes du paragraphe 56(2) [9] ou, à titre subsidiaire, en se fondant sur les règles du trompe‑l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ. L'année d'imposition 2009 a donné lieu à une cotisation portant qu'aucun impôt n'est à payer, de sorte qu'elle n'est pas visée par l'appel, mais l'appelant a déclaré une perte autre qu'en capital pour cette année, dont le montant n'est pas contesté, qu'il a reportée à l'année d'imposition 2006. Le ministre a réduit la perte autre qu'en capital de 4 638 614 $, ce qui a entraîné une augmentation conséquente du revenu imposable de l'appelant pour l'année d'imposition 2006.

b) L'appel de M. Grenon — Cotisations établies aux termes de la partie X.1

[102] L'appelant fait également appel des avis de cotisation (T1‑OVP) établis par le ministre le 1er mars 2013 (les pénalités pour production tardive ont été supprimées par la suite par un avis de nouvelle cotisation du 13 août 2014) à l'égard des années d'imposition 2004 à 2011 (les « cotisations de M. Grenon aux termes de la partie X.1 ») au motif que les paiements effectués par les fonds de revenu à la fiducie REÉR (les distributions) devraient être traités comme des cotisations excédentaires à la fiducie REÉR et assujettis à un impôt de 1 % par mois conformément au paragraphe 204.1(2.1), ou, à titre subsidiaire, en se fondant sur les règles du trompe‑l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ.

c) L'appel de la fiducie REÉR — Cotisations établies aux termes de la partie I

[103] La fiducie REÉR interjette appel des avis de cotisation établis par le ministre le 6 mars 2013 et signifiés à la Compagnie Trust CIBC en tant que fiduciaire à l'égard des années d'imposition 2004 à 2009 (les « cotisations de la fiducie REÉR aux termes de la partie I ») fixant l'impôt et les pénalités pour production tardive pour les paiements effectués par les fonds de revenu à la fiducie REÉR (les distributions) conformément au paragraphe 146(10.1) ou, à titre subsidiaire, en se fondant sur les règles du trompe‑l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ.

d) L'appel de la fiducie REÉR — Nouvelles cotisations établies aux termes de la partie XI.1

[104] La fiducie REÉR interjette également appel des avis de nouvelle cotisation établis par le ministre le 6 mars 2013 et signifiés à la Compagnie Trust CIBC en tant que fiduciaire à l'égard des années d'imposition 2004 à 2009 (les « nouvelles cotisations de la fiducie REÉR aux termes de la partie XI.1 ») imposant un impôt de 1 % sur la juste valeur marchande des unités des fonds de revenu acquises par la fiducie REÉR conformément au paragraphe 207.1(1) ou, à titre subsidiaire, en se fondant sur les règles du trompe-l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ. On a également établi des pénalités pour production tardive.

IV. LES QUESTIONS EN LITIGE

[105] Les questions en litige dans le présent appel peuvent être décrites comme suit :

a) Appel de M. Grenon — Nouvelles cotisations aux termes de la partie I et cotisations aux termes de la partie X.1

i. Les fonds de revenu étaient‑ils des « placements admissibles » pour un REÉR, au sens du paragraphe 146(1) de la Loi et du paragraphe 4900(1) du Règlement, et, plus précisément, les fonds de revenu étaient‑ils dûment constitués en tant que « fiducies de fonds commun de placement » au sens du paragraphe 132(6) et satisfaisaient‑ils aux conditions prescrites au paragraphe 4801 du Règlement, ou encore étaient‑ils admissibles en tant que fiducies visées par l'alinéa 4900(1)d.2) du Règlement?

ii. Les fonds de revenu étaient-ils des trompe‑l'œil ou de simples artifices?

iii. Le ministre pouvait‑il inclure les paiements des fonds de revenu effectués à l'égard des années d'imposition 2008 et 2009 dans le revenu personnel de l'appelant au motif qu'il s'agissait de « paiements indirects » en se fondant sur le paragraphe 56(2), ou, à titre subsidiaire, le ministre pouvait‑il se fonder sur les règles du trompe‑l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ pour appliquer le paragraphe 56(2)?

iv. Le ministre pouvait‑il traiter les paiements effectués par les fonds de revenu à la fiducie REÉR (les distributions) comme des « cotisations excédentaires » à la fiducie REÉR, en se fondant sur les règles du trompe‑l'œil ou de l'artifice, ou, subsidiairement, en se fondant sur la RGAÉ, et, le cas échéant, l'appelant avait‑il droit à un crédit de 152 874 000 $ (ou d'au moins 136 654 427 $, soit la somme moins élevée utilisée par le ministre), soit la valeur des unités émises à la fiducie REÉR en échange des unités de la FMO, ou à un crédit supplémentaire de 129 876 648 $ en raison d'une perte subie par la fiducie REÉR à la suite de la disposition en 2008 des unités du fonds de revenu 2003‑4 détenues?

v. Les nouvelles cotisations établies aux termes de la partie I et de la partie X.1 sont‑elles prescrites et, plus précisément, l'appelant était‑il tenu de produire une déclaration T1‑OVP distincte pour déclarer et payer l'impôt sur les cotisations excédentaires?

b) Appel de la fiducie REÉR — Cotisations aux termes de la partie I et nouvelles cotisations aux termes de la partie XI.1

i. Le ministre pouvait‑il établir une cotisation pour la fiducie REÉR en tenant compte du fait que les paiements des fonds de revenu (les distributions) étaient un revenu tiré de placements non admissibles et imposable en vertu du paragraphe 146(10.1) de la Loi ou, à titre subsidiaire, en se fondant sur les règles du trompe‑l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ et, dans l'affirmative, l'appelant avait‑il droit à un crédit de 129 876 648 $ résultant d'une perte subie par la fiducie REÉR à la suite de la disposition en 2008 des unités du fonds de revenu 2003‑4 détenues?

ii. Le ministre avait‑il le droit d'imposer à la fiducie REÉR un impôt de 1 % par mois sur la juste valeur marchande des unités des fonds de revenu au moment de leur acquisition, en vertu du paragraphe 207.1(1) de la partie XI.1 de la Loi ou, à titre subsidiaire, en se fondant sur les règles du trompe‑l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ?

iii. Les cotisations établies aux termes de la partie I et de la partie XI.1 sont‑elles prescrites du fait que la Compagnie Trust CIBC a produit le formulaire T3GR dans les 90 jours suivant la fin de chaque année applicable, comme l'exige le paragraphe 207.2(1), et qu'il y a eu une cotisation en conséquence?

V. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[106] La Cour a mis deux questions en délibéré à la fin de l'audience et ce qui suit est la décision qui fait partie des présents motifs du jugement.

a) La recevabilité de l'affidavit de Helen Little

[107] Comme il est indiqué ci‑dessus, l'intimée n'a pas présenté de témoin, mais le dernier jour de l'audience, elle a présenté l'affidavit de Helen Little (l'« affidavit »), une vérificatrice de l'ARC, en s'appuyant sur la disposition suivante de la Loi :

244(9) Preuve de documents — L'affidavit d'un fonctionnaire de l'Agence du revenu du Canada — souscrit en présence d'un commissaire ou d'une autre personne autorisée à le recevoir — indiquant qu'il a la charge des registres pertinents et qu'un document qui y est annexé est un document, la copie conforme d'un document ou l'imprimé d'un document électronique, fait par ou pour le ministre ou une autre personne exerçant les pouvoirs de celui‑ci, ou par ou pour un contribuable, fait preuve de la nature et du contenu du document.

[108] En annexe de l'affidavit se trouvait une capture d'écran d'ordinateur du nom et de la date de naissance de tous les mineurs qui avaient acquis des unités des fonds de revenu. L'appelant en connaissait le contenu puisque son avocat l'avait depuis plusieurs mois avant l'audience des appels.

[109] Le nom de Helen Little avait été inclus dans la liste des témoins possibles de l'intimée avec un résumé de son témoignage proposé, mais elle n'a pas été appelée à témoigner. Lorsque l'affidavit a été produit en preuve au moment où l'intimée a clos sa présentation, l'appelant a demandé une ordonnance de mise sous scellés étant donné la nature confidentielle des renseignements concernant les mineurs. La Cour a rendu l'ordonnance afin de limiter l'accès aux fonctionnaires de la Cour, aux parties à la présente instance et à leurs mandataires autorisés.

[110] L'appelant s'est également réservé le droit de présenter d'autres observations écrites concernant l'admissibilité ou le poids de l'affidavit. Aucune autre objection n'a été formulée.

[111] Sauf pour l'ordonnance de mise sous scellés, la Cour n'a rendu aucune décision à ce moment‑là et l'intention de la Cour, bien qu'elle n'ait pas été clairement exprimée, comme il ressort de la transcription de l'audience, était de donner une cote à l'affidavit aux fins d'identification et de mettre sa recevabilité en délibéré, sous réserve des observations écrites à déposer à une date ultérieure.

[112] L'appelant indique dans ses observations écrites que Helen Little devait être contre‑interrogée à l'audience. Il soutient que, bien qu'elle ait été présente au tribunal pendant la majeure partie de l'audience, elle n'était pas présente lorsque l'intimée a terminé sa défense, ce qui l'a privé du droit fondamental du contre‑interrogatoire.

[113] Il ne fait guère de doute que les faits que l'affidavit cherche à établir sont pertinents pour la thèse du ministre, à savoir que des mineurs ont acquis des unités des fonds de revenu. Il a été établi qu'« il faut présumer que l'ensemble des éléments de preuve pertinents sont recevables et que toutes les personnes appelées à témoigner à leur sujet peuvent être contraintes à rendre témoignage » : Globe and Mail c. Canada (Procureur général), [2010] 2 R.C.S. 592, 2010 CSC 41 (par. 56).

[114] Ainsi, bien que Helen Little pouvait être « contrainte », l'appelant n'a pas indiqué à la Cour qu'il souhaitait la contre‑interroger, ni n'a demandé d'ajournement pour s'assurer de sa présence. Étant donné qu'il restait cinq ou six jours à la durée prévue de l'audition, il y avait encore suffisamment de temps pour le faire.

[115] Comme indiqué ci‑dessus, le paragraphe 244(9) indique : « L'affidavit d'un fonctionnaire de l'Agence du revenu du Canada [...] indiquant qu'il a la charge des registres pertinents et qu'un document qui y est annexé est [...] la copie conforme de [...] l'imprimé d'un document électronique [...] fait preuve de la nature et du contenu du document ». De même, l'article 25 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I‑21, dispose : « Fait foi de son contenu en justice sauf preuve contraire le document dont un texte prévoit qu'il établit l'existence d'un fait sans toutefois préciser qu'il l'établit de façon concluante. »

[116] Le ministre prétend que l'appelant n'a pas présenté de « preuve contraire » au moyen d'une preuve documentaire ou d'un témoignage concernant l'âge des détenteurs des unités des fonds de revenu. Comme nous le verrons en plus de détails ci‑dessous, l'appelant a confirmé dans son témoignage oral qu'on avait accepté des documents de souscription signés par des mineurs ou leur tuteur et qu'on a émis des unités en conséquence. Ceci a également été confirmé par plusieurs témoins des faits, comme indiqué ci‑dessus.

[117] Comme l'a noté la Cour lors de l'audience, le fait que des mineurs aient signé des documents de souscription est relativement peu controversé. En fait, la Compagnie Trust CIBC a depuis indiqué dans ses observations écrites (paragraphe 44) [TRADUCTION] « que de 35 à 40 détenteurs d'unités étaient âgés de moins de 18 ans au moment de la souscription ».

[118] Dans la décision Scott c. La Reine, 2017 CCI 224, aux par. 36 à 64, le juge Sommerfeldt a procédé à un examen du droit applicable en matière de recevabilité d'un affidavit aux termes du paragraphe 244(9). Dans cette décision, l'appelant s'était opposé au dépôt d'un affidavit sans préavis en faisant valoir que cela constituait une « tactique d'embuscade de dernière minute » et que l'affidavit « ne devrait pas être admis en preuve ».

[119] Le juge Sommerfeldt a mis en délibéré la question de la recevabilité et a ensuite examiné le paragraphe 89(1) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), DORS/90-688a (les « Règles »), qui dispose ce qui suit :

89(1) Sauf directive contraire de la Cour, ou sauf si les autres parties ont renoncé au droit d'obtenir communication de documents ou ont consenti par écrit à ce que des documents soient utilisés en preuve, aucun document ne doit être utilisé en preuve par une partie à moins, selon le cas :

a) qu'il ne soit mentionné dans les actes de procédure, ou dans une liste ou une déclaration sous serment déposée et signifiée par une partie à l'instance;

b) qu'il n'ait été produit par l'une des parties, ou par quelques personnes interrogées pour le compte de l'une des parties, au cours d'un interrogatoire préalable;

c) qu'il n'ait été produit par un témoin qui n'est pas, de l'avis de la Cour, sous le contrôle de la partie.

(2) Sauf directive contraire de la Cour, le paragraphe (1) ne s'applique pas au document utilisé uniquement comme fondement ou comme partie d'une question dans un contre‑interrogatoire ou en réinterrogatoire.

[120] Le juge Sommerfeldt a noté (par. 47) que « [l]es premiers mots du paragraphe 89(1) des Règles confèrent à la Cour le pouvoir discrétionnaire d'admettre un document en preuve même s'il n'a pas été satisfait aux exigences du paragraphe 89(1) ». Il a ajouté :

[...] La Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, suivant les règles de la raison et de la justice, et non pas de façon arbitraire. Pour décider si un document non communiqué précédemment doit être admis, il faut soupeser les intérêts contradictoires des deux parties, de façon qu'il n'en résulte aucun déni de justice. La Cour doit également tenir compte de l'intérêt de la justice et du fait qu'il soit de la plus haute importance que la Cour ait à sa disposition tous les renseignements voulus afin de pouvoir arriver à une décision appropriée et juste. [...]

[121] En l'espèce, comme indiqué ci‑dessus, l'appelant s'est réservé le droit de présenter des observations écrites quant à la recevabilité de l'affidavit, mais n'a pas indiqué qu'il souhaitait procéder à un contre‑interrogatoire ni n'a demandé un ajournement à cette fin.

[122] Le contenu de l'affidavit est pertinent pour la présente instance et est relativement peu controversé (comme indiqué ci‑dessus), puisque le ministre avait fait l'hypothèse de fait que des mineurs avaient acquis des unités des fonds de revenu. L'appelant n'a pas sérieusement contesté la thèse du ministre sur cette question, mais n'a pas clairement admis le nombre réel de mineurs (à l'exception de ce qui a été noté ci‑dessus au sujet de la Compagnie Trust CIBC), indiquant en réponse à une demande d'aveux qu'il n'y avait aucune raison de conclure que les mineurs énumérés n'étaient pas des mineurs, faisant valoir qu'en tout état de cause, la question n'était pas pertinente, puisque les mineurs pouvaient acquérir des unités des fonds de revenu.

[123] En fin de compte, j'estime que les renseignements annexés à l'affidavit étaient facilement accessibles ou auraient été facilement accessibles à l'appelant s'il avait pris le temps de les obtenir afin de contredire l'hypothèse du ministre. Il a choisi de ne pas le faire alors qu'il avait le fardeau de réfuter l'hypothèse.

[124] Je conclus que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 89(1) des Règles et que le rejet de l'affidavit à ce stade serait injuste pour le ministre. Après avoir examiné les observations écrites et orales des parties respectives et tenu compte des exigences du paragraphe 89(1) des Règles, la Cour décide par la présente que l'affidavit de Helen Little est admissible.

[125] Il établit les dates de naissance des souscripteurs mineurs des fonds de revenu de 2003 et de 2006. J'examinerai la pertinence de ces renseignements plus tard.

b) L'admissibilité d'extraits des interrogatoires préalables

[126] Les parties peuvent consigner en preuve des extraits de l'interrogatoire préalable conformément à l'article 100 des Règles et à la directive sur la procédure no 8 de la Cour canadienne de l'impôt, intitulée « Utilisation des interrogatoires préalables/engagements », du 19 juillet 2001, qui régit l'utilisation des interrogatoires préalables et des engagements comme preuve au procès. La partie opposée peut demander que d'autres extraits soient déposés pour nuancer ou fournir un contexte aux extraits qu'on souhaite déposer.

[127] Avant la date prévue pour l'audition des présents appels, les parties ont échangé leur liste d'extraits des interrogatoires préalables. L'appelant a donné avis de ses extraits proposés le 1er février 2019, et le ministre n'a pas demandé d'extraits contextuels à l'égard de ceux‑ci.

[128] Le ministre a signifié un avis des extraits proposés le 6 février 2019, soit exactement quatre jours avant le début de l'audience. Ces extraits comprenaient environ 850 pages de la transcription de l'interrogatoire préalable, soit une majorité importante de celui‑ci. L'appelant a examiné les extraits proposés par le ministre dans les deux jours prévus par la directive sur la procédure no 8 et a signifié son avis d'extraits contextuels proposés les 7 et 8 février 2019.

[129] Le dernier jour du procès, le ministre a présenté à l'appelant et à la Cour sa liste d'extraits des interrogatoires préalables, mais cette liste était une sélection considérablement réduite des extraits que le ministre avait désignés dans son avis préalable au procès, soit environ un tiers de la liste initiale. L'appelant a demandé un délai pour effectuer un nouvel examen contextuel des extraits réels du ministre, car les extraits contextuels précédemment désignés étaient devenus théoriques par la réduction importante des extraits du ministre. Le ministre a contesté la demande de l'appelant de disposer d'un délai pour effectuer un examen contextuel des extraits.

[130] La Cour a ordonné aux parties de fournir des observations écrites sur la question, ce qu'elles ont fait plus tard en mars 2019. Le ministre a contesté certaines des demandes de l'appelant de consigner en preuve des extraits supplémentaires des interrogatoires préalables afin de nuancer ou d'expliquer les extraits du ministre conformément au paragraphe 100(3) des Règles. Le ministre a contesté ces demandes au motif que l'article 100 et la directive sur la procédure no 8 ne permettaient pas de consigner des extraits supplémentaires pendant ou après le procès.

[131] Seuls quatre extraits sont en cause. Pour les raisons exposées dans l'annexe A ci‑jointe, je conclus que les extraits contextuels no 8, no 10 et no 18 sont admissibles et que l'extrait no 16 est également admissible, avec certaines limites.

VI. LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

a) Le cadre légal des REÉR

[132] Le cadre légal fondamental des REÉR est énoncé à la section G, intitulée « Régimes de participation différée et autres arrangements spéciaux relatifs aux revenus », et est régi par l'article 146 et diverses autres dispositions de la Loi, en plus de certains articles du Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945 (le « Règlement »).

Définitions

146(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« émetteur » La personne visée à la définition de régime d'épargne-retraite au présent paragraphe et avec laquelle un rentier a conclu un contrat ou un arrangement qui constitue un régime d'épargne-retraite. (issuer)

Definitions

146(1) In this section,

‟issuer” means the person referred to in the definition retirement savings plan in this subsection with whom an annuitant has a contract or arrangement that is a retirement savings plan; (émetteur)

« placement admissible » Dans le cas d'une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite :

a) placement qui serait visé aux alinéas a), b), d) et f) à h) de la définition de placement admissible à l'article 204 si la mention « fiducie » y était remplacée par la mention de la fiducie régie par le régime enregistré d'épargne‑retraite;

b) obligation, billet ou titre semblable qui, selon le cas :

(i) est émis par une société dont les actions sont inscrites à la cote d'une bourse de valeurs au Canada visée par règlement,

(ii) est émis par une banque étrangère autorisée et payable à sa succursale au Canada;

c) rente visée à la définition de revenu de retraite relativement au rentier en vertu du régime, si elle a été achetée d'un fournisseur de rentes autorisé;

[...]

d) tout autre placement qui peut être prévu par règlement pris par le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre des Finances. (qualified investment)

‟qualified investment” for a trust governed by a registered retirement savings plan means

(a) an investment that would be described in any of paragraphs (a), (b), (d) and (f) to (h) of the definition qualified investment in section 204 if the references in that definition to a trust were read as references to the trust governed by the registered retirement savings plan,

(b) a bond, debenture, note or similar obligation

(i) issued by a corporation the shares of which are listed on a prescribed stock exchange in Canada, or

(ii) issued by an authorized foreign bank and payable at a branch in Canada of the bank,

(c) an annuity described in the definition retirement income in respect of the annuitant under the plan, if purchased from a licensed annuities provider,

. . .

(d) such other investments as may be prescribed by regulations of the Governor in Council made on the recommendation of the Minister of Finance; (placement admissible)

« placement non admissible » Dans le cas d'une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite, s'entend des biens acquis par la fiducie après 1971 et qui ne constituent pas un placement admissible pour cette fiducie. (non-qualified investment)

‟non-qualified investment”, in relation to a trust governed by a registered retirement savings plan, means property acquired by the trust after 1971 that is not a qualified investment for the trust; (placement non admissible)

« prestation » Est comprise dans une prestation toute somme reçue dans le cadre d'un régime d'épargne-retraite, à l'exception :

a) de la fraction de cette somme reçue par une personne autre que le rentier et qu'il est raisonnable de considérer comme faisant partie de la somme incluse dans le calcul du revenu d'un rentier en vertu des paragraphes (8.8) et (8.9);

b) d'une somme reçue à titre de prime en vertu du régime par la personne avec laquelle le rentier a conclu le contrat ou l'arrangement visé à la définition de régime d'épargne-retraite au présent paragraphe;

c) d'une somme, ou d'une partie de cette somme, reçue relativement au revenu de la fiducie en vertu du régime, pour une année d'imposition, à l'égard de laquelle la fiducie n'était pas exonérée d'impôt en vertu de l'alinéa (4)c);

c.1) d'un montant libéré d'impôt, visé à l'alinéa b) de la définition de cette expression au présent paragraphe, qui se rapporte à des intérêts ou à un montant inclus dans le calcul du revenu autrement que par l'effet du présent article.

Sans préjudice de la portée générale de ce qui précède, le terme vise toute somme versée à un rentier en vertu du régime :

d) soit conformément aux conditions du régime;

e) soit à la suite d'une modification du régime;

f) soit à la suite de l'expiration du régime. (benefit)

‟benefit” includes any amount received out of or under a retirement savings plan other than

(a) the portion thereof received by a person other than the annuitant that can reasonably be regarded as part of the amount included in computing the income of an annuitant by virtue of subsections 146(8.8) and 146(8.9),

(b) an amount received by the person with whom the annuitant has the contract or arrangement described in the definition retirement savings plan in this subsection as a premium under the plan,

(c) an amount, or part thereof, received in respect of the income of the trust under the plan for a taxation year for which the trust was not exempt from tax by virtue of paragraph 146(4)(c), and

(c.1) a tax-paid amount described in paragraph (b) of the definition tax-paid amount in this subsection that relates to interest or another amount included in computing income otherwise than because of this section

and without restricting the generality of the foregoing includes any amount paid to an annuitant under the plan

(d) in accordance with the terms of the plan,

(e) resulting from an amendment to or modification of the plan, or

(f) resulting from the termination of the plan; (prestation)

« rentier » a) Jusqu'au moment, après l'échéance du régime, où son conjoint acquiert le droit, par suite du décès du rentier, de recevoir des prestations qui doivent être versées sur ce régime ou en vertu de ce régime, le particulier visé aux alinéas a) ou b) de la définition de régime d'épargne-retraite au présent paragraphe pour lequel est prévu, en vertu d'un régime d'épargne-retraite, un revenu de retraite;

b) après ce moment, son conjoint. (annuitant)

‟annuitant” means

(a) until such time after maturity of the plan as an individual's spouse or common-law partner becomes entitled, as a consequence of the individual's death, to receive benefits to be paid out of or under the plan, the individual referred to in paragraph (a) or (b) of the definition retirement savings plan in this subsection for whom, under a retirement savings plan, a retirement income is to be provided, and

(b) thereafter, the spouse or common-law partner referred to in paragraph (a); (rentier)

Exonération d'impôt d'une fiducie régie par le régime

146(4) Sous réserve du paragraphe (10.1), aucun impôt n'est payable en vertu de la présente partie par une fiducie sur son revenu imposable pour une année d'imposition si, tout au long de la période de l'année où la fiducie existait, elle était régie par un régime enregistré d'épargne-retraite; toutefois :

a) si la fiducie a emprunté de l'argent (autre que de l'argent utilisé pour l'exploitation d'une entreprise) au cours de l'année ou a emprunté, après le 18 juin 1971, de l'argent (autre que de l'argent utilisé pour l'exploitation d'une entreprise) qu'elle n'a pas remboursé avant le début de l'année, un impôt est payable par la fiducie, en vertu de la présente partie, sur son revenu imposable pour l'année;

b) dans tout cas non visé à l'alinéa a), si la fiducie a exploité une ou plusieurs entreprises au cours de l'année, un impôt est payable par elle en vertu de la présente partie sur l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i) le montant qui constituerait le revenu imposable de la fiducie pour l'année si elle n'avait pas tiré de revenu, ni subi de pertes de sources autres que l'entreprise ou les entreprises en question,

(ii) la partie du montant déterminé selon le sous-alinéa (i) à l'égard de la fiducie pour l'année, qu'il est raisonnable de considérer comme un revenu provenant soit de placements admissibles pour elle, soit de la disposition de tels placements;

c) si le dernier rentier en vertu du régime est décédé, un impôt est payable par la fiducie en vertu de la présente partie sur son revenu imposable pour chaque année postérieure à l'année suivant l'année du décès de ce rentier.

[...]

No tax while trust governed by plan

146(4) Except as provided in subsection 146(10.1), no tax is payable under this Part by a trust on the taxable income of the trust for a taxation year if, throughout the period in the year during which the trust was in existence, the trust was governed by a registered retirement savings plan, except that

(a) if the trust has borrowed money (other than money used in carrying on a business) in the year or has, after June 18, 1971, borrowed money (other than money used in carrying on a business) that it has not repaid before the commencement of the year, tax is payable under this Part by the trust on its taxable income for the year;

(b) in any case not described in paragraph 146(4)(a), if the trust has carried on any business or businesses in the year, tax is payable under this Part by the trust on the amount, if any, by which

(i) the amount that its taxable income for the year would be if it had no incomes or losses from sources other than from that business or those businesses, as the case may be,

exceeds

(ii) such portion of the amount determined under subparagraph 146(4)(b)(i) in respect of the trust for the year as can reasonably be considered to be income from, or from the disposition of, qualified investments for the trust; and

(c) if the last annuitant under the plan has died, tax is payable under this Part by the trust on its taxable income for each year after the year following the year in which the last annuitant died.

. . .

Disposition d'un placement non admissible

146(6) Lorsque, au cours d'une année d'imposition, une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite dispose d'un bien qui, au moment où il a été acquis, était un placement non admissible, il est permis de déduire, dans le calcul du revenu du contribuable qui est le rentier du régime, pour l'année d'imposition, une somme égale au moins élevé des montants suivants :

a) le montant qui était, en vertu du paragraphe (10), inclus dans le calcul du revenu de ce contribuable à l'égard de l'acquisition de ce bien;

b) le produit de disposition du bien.

[...]

Disposition of non-qualified investment

146(6) Where in a taxation year a trust governed by a registered retirement savings plan disposes of a property that, when acquired, was a non-qualified investment, there may be deducted, in computing the income for the taxation year of the taxpayer who is the annuitant under the plan, an amount equal to the lesser of

(a) the amount that, by virtue of subsection 146(10), was included in computing the income of that taxpayer in respect of the acquisition of that property, and

(b) the proceeds of disposition of the property.

. . .

Prestations imposables

146(8) Est inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition le total des montants qu'il a reçus au cours de l'année à titre de prestations dans le cadre de régimes enregistrés d'épargne-retraite, à l'exception des retraits exclus au sens des paragraphes 146.01(1) ou 146.02(1), et des montants qui sont inclus, en application de l'alinéa (12)b), dans le calcul de son revenu.

[...]

Benefits taxable

146(8) There shall be included in computing a taxpayer's income for a taxation year the total of all amounts received by the taxpayer in the year as benefits out of or under registered retirement savings plans, other than excluded withdrawals (as defined in subsection 146.01(1) or 146.02(1)) of the taxpayer and amounts that are included under paragraph (12)(b) in computing the taxpayer's income.

. . .

Acquisition d'un placement non admissible par une fiducie

146(10) Lorsque, à un moment donné d'une année d'imposition, une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite :

a) acquiert un placement non admissible;

b) utilise à titre de garantie d'un prêt un bien quelconque de la fiducie ou en permet l'utilisation,

la juste valeur marchande :

c) du placement non admissible au moment de son acquisition par la fiducie;

d) du bien utilisé à titre de garantie, au moment où il a commencé à être ainsi utilisé,

selon le cas, doit être incluse dans le calcul du revenu, pour l'année, du contribuable qui est le rentier en vertu du régime à ce moment.

Where acquisition of non-qualified investment by trust

146(10) Where at any time in a taxation year a trust governed by a registered retirement savings plan

(a) acquires a non-qualified investment, or

(b) uses or permits to be used any property of the trust as security for a loan,

the fair market value of

(c) the non-qualified investment at the time it was acquired by the trust, or

(d) the property used as security at the time it commenced to be so used,

as the case may be, shall be included in computing the income for the year of the taxpayer who is the annuitant under the plan at that time.

[133] Le paragraphe 146(10) a été modifié en 2011 (Loi sur le soutien de la croissance de l'économie et de l'emploi au Canada, L.C. 2011, ch. 24, art. 65) pour ajouter le terme « particulier contrôlant » dans le cas des régimes enregistrés d'épargne‑retraite à l'article 207.04 de la partie XI.01 de la Loi et imposer un impôt de 50 % sur la juste valeur marchande des placements non admissibles détenus par le particulier contrôlant au cours de l'année civile. Ces modifications ne s'appliquent qu'aux placements non admissibles acquis après le 22 mars 2011, de sorte qu'elles ne sont pas pertinentes au présent appel.

[134] Quoi qu'il en soit, l'appelant, qui était « le contribuable » qui était le rentier en vertu du régime, n'a pas fait l'objet d'une cotisation par le ministre en vertu du paragraphe 146(10), et le ministre a établi une cotisation à l'égard de la fiducie REÉR aux termes du paragraphe 146(10.1), qui dispose ce qui suit :

Impôt payable

146(10.1) Lorsqu'une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite détient, au cours d'une année d'imposition, un bien qui est un placement non admissible :

a) la fiducie doit payer un impôt en vertu de la présente partie sur le montant qui serait son revenu imposable pour l'année si les sources de ses revenus et pertes n'étaient que des placements non admissibles et si ses gains en capital et pertes en capital ne résultaient que de la disposition de tels placements;

b) pour l'application de l'alinéa a) :

(i) sont compris dans le revenu les dividendes visés à l'article 83,

(ii) aux alinéas 38a) et b) il n'est pas tenu compte des fractions qui y figurent.

[...]

Where tax payable

146(10.1) Where in a taxation year a trust governed by a registered retirement savings plan holds a property that is a non-qualified investment,

(a) tax is payable under this Part by the trust on the amount that its taxable income for the year would be if it had no incomes or losses from sources other than non-qualified investments and no capital gains or losses other than from dispositions of non-qualified investments; and

(b) for the purposes of paragraph 146(10.1)(a),

(i) income includes dividends described in section 83, and

(ii) paragraphs 38(a) and 38(b) shall be read without reference to the fractions set out in those paragraphs

. . .

PARTIE X.1 — Impôt frappant les excédents de contribution aux régimes de revenu différé

Impôt payable par les particuliers

204.1(1) [...]

Impôt payable par les particuliers — cotisations postérieures à 1990

204(2.1) Le particulier qui, à la fin d'un mois donné postérieur au mois de décembre 1990, a un excédent cumulatif au titre de régimes enregistrés d'épargne-retraite doit, pour ce mois, payer un impôt selon la présente partie égal à 1 % de cet excédent.

[...]

Tax payable by individuals

204.1 (1) . . .

Tax payable by individuals — contributions after 1990

204(2.1) Where, at the end of any month after December, 1990, an individual has a cumulative excess amount in respect of registered retirement savings plans, the individual shall, in respect of that month, pay a tax under this Part equal to 1% of that cumulative excess amount.

. . .

Renonciation

204.1(4) Le ministre peut renoncer à l'impôt dont un particulier serait, compte non tenu du présent paragraphe, redevable pour un mois selon le paragraphe (1) ou (2.1), si celui-ci établit à la satisfaction du ministre que l'excédent ou l'excédent cumulatif qui est frappé de l'impôt fait suite à une erreur acceptable et que les mesures indiquées pour éliminer l'excédent ont été prises.

[...]

 

Waiver of tax

204.1(4) Where an individual would, but for this subsection, be required to pay a tax under subsection 204.1(1) or 204.1(2.1) in respect of a month and the individual establishes to the satisfaction of the Minister that

(a) the excess amount or cumulative excess amount on which the tax is based arose as a consequence of reasonable error, and

(b) reasonable steps are being taken to eliminate the excess, the Minister may waive the tax.

. . .

Excédent cumulatif au titre des REÉR

204.2(1.1) L'excédent cumulatif d'un particulier au titre des régimes enregistrés d'épargne-retraite à un moment donné d'une année d'imposition correspond à l'excédent éventuel du montant visé à l'alinéa a) sur le montant visé à l'alinéa b) :

a) les primes non déduites, à ce moment, qu'il a versées à des régimes enregistrés d'épargne-retraite;

b) le résultat du calcul suivant :

A + B + R + C + D + E

où :

A représente les déductions inutilisées au titre des REÉR du particulier à la fin de l'année d'imposition précédente,

B l'excédent éventuel du moins élevé du plafond REÉR pour l'année et de 18 % du revenu gagné du particulier, au sens du paragraphe 146(1), pour l'année d'imposition précédente sur le total des montants représentant chacun :

(i) le facteur d'équivalence du particulier pour l'année d'imposition précédente quant à un employeur,

(ii) le montant prescrit quant au particulier pour l'année,

C si le particulier a atteint 18 ans au cours d'une année d'imposition antérieure, 2 000 $; sinon, zéro,

D le montant relatif à un REÉR collectif quant au particulier à ce moment,

E si le particulier a atteint 18 ans avant 1995, le montant de transition qui lui est applicable à ce moment; sinon, zéro;

R le facteur d'équivalence rectifié total du particulier pour l'année.

Cumulative excess amount in respect of RRSPs

204.2(1.1) The cumulative excess amount of an individual in respect of registered retirement savings plans at any time in a taxation year is the amount, if any, by which

(a) the amount of the individual's undeducted RRSP premiums at that time exceeds

(b) the amount determined by the formula

A + B + R + C + D + E

where

A is the individual's unused RRSP deduction room at the end of the preceding taxation year,

B is the amount, if any, by which

(i) the lesser of the RRSP dollar limit for the year and 18% of the individual's earned income (as defined in subsection 146(1)) for the preceding taxation year exceeds the total of all amounts each of which is

(ii) the individual's pension adjustment for the preceding taxation year in respect of an employer, or

(iii) a prescribed amount in respect of the individual for the year,

C is, where the individual attained 18 years of age in a preceding taxation year, $2,000, and in any other case, nil,

D is the group RRSP amount in respect of the individual at that time,

E is, where the individual attained 18 years of age before 1995, the individual's transitional amount at that time, and in any other case, nil, and

R is the individual's total pension adjustment reversal for the year.

Déclaration et paiement de l'impôt

204.3(1) Les contribuables visés par la présente partie doivent, dans les 90 jours qui suivent la fin de chaque année postérieure à 1975 :

a) produire auprès du ministre, sans avis ni mise en demeure, une déclaration pour l'année en vertu de la présente partie, selon le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits;

b) estimer, dans cette déclaration, l'impôt dont ils sont redevables en vertu de la présente partie pour chaque mois de l'année;

c) verser cet impôt au receveur général.

Return and payment of tax

204.3(1) Within 90 days after the end of each year after 1975, a taxpayer to whom this Part applies shall

(a) file with the Minister a return for the year under this Part in prescribed form and containing prescribed information, without notice or demand therefor;

(b) estimate in the return the amount of tax, if any, payable by the taxpayer under this Part in respect of each month in the year; and

(c) pay to the Receiver General the amount of tax, if any, payable by the taxpayer under this Part in respect of each month in the year.

Dispositions applicables

204.3(2) Les paragraphes 150(2) et (3), les articles 152 et 158, les paragraphes 161(1) et (11), les articles 162 à 167 et la section J de la partie I s'appliquent à la présente partie, avec les adaptations nécessaires.

Provisions applicable to Part

204.3(2) Subsections 150(2) and 150(3), sections 152 and 158, subsections 161(1) and 161(11), sections 162 to 167 and Division J of Part I are applicable to this Part with such modifications as the circumstances require.

PARTIE XI.1 — Impôt relatif aux régimes de revenu différé et à d'autres personnes exonérées d'impôt

Impôt payable par les fiducies régies par des régimes enregistrés d'épargne-retraite

207.1(1) La fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite et qui, à la fin d'un mois donné, détient des biens qui ne sont ni un placement admissible (au sens du paragraphe 146(1)) ni une police d'assurance-vie à l'égard de laquelle, sans le paragraphe 146(11), le paragraphe 146(10) aurait été applicable à la suite de son acquisition doit payer, pour ce mois, en vertu de la présente partie, un impôt égal à 1 % de la juste valeur marchande des biens au moment où ils ont été acquis par la fiducie, de tous ces biens qu'elle détient à la fin du mois, autres que :

a) les biens dont la juste valeur marchande a été incluse, en vertu du paragraphe 146(10), dans le calcul du revenu, pour une année donnée, d'un rentier (au sens du paragraphe 146(1)) en vertu du régime;

b) les biens acquis par la fiducie avant le 25 août 1972.

[...]

Tax payable by trust under registered retirement savings plan

207.1(1) Where, at the end of any month, a trust governed by a registered retirement savings plan holds property that is neither a qualified investment (within the meaning assigned by subsection 146(1)) nor a life insurance policy in respect of which, but for subsection 146(11), subsection 146(10) would have applied as a consequence of its acquisition, the trust shall, in respect of that month, pay a tax under this Part equal to 1% of the fair market value of the property at the time it was acquired by the trust of all such property held by it at the end of the month, other than

(a) property, the fair market value of which was included, by virtue of subsection 146(10), in computing the income, for any year, of an annuitant (within the meaning assigned by subsection 146(1)) under the plan; and

(b) property acquired by the trust before August 25, 1972.

. . .

Déclaration et paiement de l'impôt

207.2(1) Le contribuable assujetti à la présente partie doit, dans les 90 jours qui suivent la fin de chaque année :

a) produire auprès du ministre, sans avis ni mise en demeure, une déclaration pour l'année en vertu de la présente partie, selon le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits;

b) estimer dans cette déclaration l'impôt dont il est redevable en vertu de la présente partie pour chaque mois de l'année;

c) verser cet impôt au receveur général.

Return and payment of tax

207.2 (1) Within 90 days after the end of each year, a taxpayer to whom this Part applies shall

(a) file with the Minister a return for the year under this Part in prescribed form and containing prescribed information, without notice or demand therefor;

(b) estimate in the return the amount of tax, if any, payable by it under this Part in respect of each month in the year; and

(c) pay to the Receiver General the amount of tax, if any, payable by it under this Part in respect of each month in the year.

Responsabilité du fiduciaire

207.2(2) Le fiduciaire d'une fiducie qui est assujettie à l'impôt en application de la présente partie qui ne remet pas au receveur général le montant de l'impôt, dans le délai imparti, est personnellement tenu de verser, au nom de la fiducie, le montant total de l'impôt et a le droit de recouvrer de la fiducie toute somme ainsi versée.

Liability of trustee

207.2(2) Where the trustee of a trust that is liable to pay tax under this Part does not remit to the Receiver General the amount of the tax within the time specified in subsection 207.2(1), the trustee is personally liable to pay on behalf of the trust the full amount of the tax and is entitled to recover from the trust any amount paid by the trustee as tax under this section.

Dispositions applicables

(3) Les paragraphes 150(2) et (3), les articles 152 et 158, les paragraphes 161(1) et (11), les articles 162 à 167 et la section J de la partie I s'appliquent à la présente partie, avec les adaptations nécessaires.

[...]

Provisions applicable to Part

(3) Subsections 150(2) and 150(3), sections 152 and 158, subsections 161(1) and 161(11), sections 162 to 167 and Division J of Part I are applicable to this Part with such modifications as the circumstances require.

. . .

b) Fiducies de fonds commun de placement

132(1) [...]

Sens de fiducie de fonds commun de placement

132(6) Sous réserve du paragraphe (7) et pour l'application du présent article, une fiducie est une fiducie de fonds commun de placement à un moment donné si, à ce moment, les conditions suivantes sont remplies :

a) elle est une fiducie d'investissement à participation unitaire résidant au Canada;

b) sa seule activité consiste :

(i) soit à investir ses fonds dans des biens, sauf des biens immeubles ou des droits dans de tels biens,

(ii) soit à acquérir, à détenir, à entretenir, à améliorer, à louer ou à gérer des biens immeubles qui font partie de ses immobilisations ou des droits dans de tels biens,

(iii) soit à exercer plusieurs des activités visées aux sous-alinéas (i) et (ii);

c) elle satisfaisait aux conditions prescrites portant sur le nombre de ses détenteurs d'unités, la répartition et le commerce de ses unités.

132(1) . . .

Meaning of mutual fund trust

132(6) Subject to subsection 132(7), for the purposes of this section, a trust is a mutual fund trust at any time if at that time

(a) it was a unit trust resident in Canada,

(b) its only undertaking was

(i) the investing of its funds in property (other than real property or an interest in real property),

(ii) the acquiring, holding, maintaining, improving, leasing or managing of any real property (or interest in real property) that is capital property of the trust, or

(iii) any combination of the activities described in subparagraphs 132(6)(b)(i) and 132(6)(b)(ii), and

(c) it complied with prescribed conditions.

[135] L'alinéa 132(6)c) a été modifié pour les années 2000 et suivantes par le paragraphe 278(1) de la Loi de 2012 apportant des modifications techniques concernant l'impôt et les taxes, L.C. 2013, ch. 34, pour supprimer le passage « prescrites portant sur le nombre de ses détenteurs d'unités, la répartition et le commerce de ses unités » à l'alinéa c) et le remplacer par « prévues par règlement ».

Choix de devenir une fiducie de fonds commun de placement

132(6.1) La fiducie qui devient une fiducie de fonds commun de placement à un moment avant le quatre-vingt-onzième jour suivant la fin de sa première année d'imposition est réputée avoir été une telle fiducie depuis le début de cette année jusqu'à ce moment si elle en fait le choix dans sa déclaration de revenu pour cette année.

Election to be mutual fund

132(6.1) Where a trust becomes a mutual fund trust at any particular time before the 91st day after the end of its first taxation year, and the trust so elects in its return of income for that year, the trust is deemed to have been a mutual fund trust from the beginning of that year until the particular time.

 

Fiducie qui demeure une fiducie de fonds commun de placement

(6.2) Une fiducie est réputée être une fiducie de fonds commun de placement tout au long d'une année civile si, à la fois :

a) elle aurait cessé d'être une telle fiducie à un moment de l'année si le présent article s'appliquait compte non tenu du présent paragraphe du fait que, selon le cas :

(i) la condition énoncée à l'alinéa 108(2)a) n'est plus remplie,

(ii) l'alinéa (6)c) s'applique,

(iii) la fiducie a cessé d'exister;

b) elle était une telle fiducie au début de l'année;

c) elle aurait été une telle fiducie tout au long de la partie de l'année où elle a existé si, à la fois :

(i) la condition énoncée à l'alinéa 108(2)a) étant remplie à un moment de l'année, elle était remplie tout au long de l'année,

(ii) le paragraphe (6) s'appliquait compte non tenu de son alinéa c),

(iii) le présent article s'appliquait compte non tenu du présent paragraphe.

[...]

Retention of status as mutual fund trust

(6.2) A trust is deemed to be a mutual fund trust throughout a calendar year where

(a) at any time in the year, the trust would, if this section were read without reference to this subsection, have ceased to be a mutual fund trust

(i) because the condition described in paragraph 108(2)(a) ceased to be satisfied,

(ii) because of the application of paragraph (6)(c), or

(iii) because the trust ceased to exist;

(b) the trust was a mutual fund trust at the beginning of the year; and

(c) the trust would, throughout the portion of the year throughout which it was in existence, have been a mutual fund trust if

(i) in the case where the condition described in paragraph 108(2)(a) was satisfied at any time in the year, that condition were satisfied throughout the year,

(ii) subsection (6) were read without reference to paragraph (c) of that subsection, and

(iii) this section were read without reference to this subsection.

. . .

Règlement de l'impôt sur le revenu

Article 4801 (version de 2004)

4801 Aux fins de l'alinéa 132(6)c) de la Loi, les conditions suivantes sont prescrites à l'égard d'une fiducie :

a) selon le cas :

(i) une catégorie d'unités de la fiducie peut faire l'objet d'un appel public à l'épargne,

(ii) des unités de la fiducie ont fait l'objet d'un appel public légal à l'épargne dans une province, et un prospectus, une déclaration d'enregistrement ou un document semblable relatif à cet appel n'avait pas à être produit selon la législation provinciale;

b) à l'égard de l'une quelconque catégorie d'unités visée à l'alinéa a), il ne doit pas y avoir moins de 150 bénéficiaires de la fiducie, dont chacun détient

(i) pas moins d'une tranche d'unités de la catégorie, et

(ii) des unités de la catégorie ayant une juste valeur marchande totale non inférieure à 500 $.

Income Tax Regulations

Regulation 4801(as it read in 2004)

4801 For the purposes of paragraph 132(6)(c) of the Act, the following conditions are hereby prescribed in respect of a trust:

(a) either

(i) a class of the units of the trust shall be qualified for distribution to the public, or

(ii) there has been a lawful distribution in a province to the public of units of the trust and a prospectus, registration statement or similar document was not required under the laws of the province to be filed in respect of the distribution; and

(b) in respect of any one class of units described in paragraph (a), there shall be no fewer than 150 beneficiaries of the trust, each of whom holds

(i) not less than one block of units of the class, and

(ii) units of the class having an aggregate fair market value of not less than $500.

 

Version modifiée en 2012 de façon rétroactive à 2000

4801 Pour l'application, à un moment donné, de l'alinéa 132(6)c) de la Loi, les conditions auxquelles une fiducie doit satisfaire sont les suivantes :

a) selon le cas :

(i) les conditions ci-après sont réunies :

(A) des unités de la fiducie ont, au plus tard à ce moment, fait l'objet d'un appel public légal à l'épargne dans une province, et un prospectus, une déclaration d'enregistrement ou un document semblable relatif à cet appel n'avait pas à être produit selon la législation provinciale,

(B) la fiducie :

(I) soit a été établie après 1999 et au plus tard à ce moment,

(II) soit remplit, à ce moment, les conditions énoncées à l'article 4801.001,

(ii) une catégorie d'unités de la fiducie peut, à ce moment, faire l'objet d'un appel public à l'épargne;

b) à l'égard d'une catégorie d'unités de la fiducie qui remplit à ce moment les conditions énoncées à l'alinéa a), la fiducie compte, à ce moment, au moins 150 bénéficiaires qui détiennent chacun :

(i) pas moins d'une tranche d'unités de la catégorie, et

(ii) des unités de la catégorie ayant une juste valeur marchande totale non inférieure à 500 $.

Regulation 4801, as amended in 2012 on a retroactive basis to 2000

4801 In applying at any time paragraph 132(6)(c) of the Act, the following are prescribed conditions in respect of a trust:

(a) either

(i) the following conditions are met:

(A) there has been at or before that time a lawful distribution in a province to the public of units of the trust and a prospectus, registration statement or similar document was not, under the laws of the province, required to be filed in respect of the distribution, and

(B) the trust

(I) was created after 1999 and on or before that time, or

(II) satisfies, at that time, the conditions prescribed in section 4801.001, or

(ii) a class of the units of the trust is, at that time, qualified for distribution to the public; and

(b) in respect of a class of the trust's units that meets at that time the conditions described in paragraph (a), there are at that time no fewer than 150 beneficiaries of the trust, each of whom holds

(i) not less than one block of units of the class, and

(ii) units of the class having an aggregate fair market value of not less than $500.

[136] Les passages « à un moment donné » et « à ce moment » ont été ajoutés à l'article 4801 du Règlement par une modification apportée en 2013 [10] applicable aux années d'imposition 2000 et suivantes.

Article 4900

4900(1) Pour l'application de l'alinéa d) de la définition de placement admissible au paragraphe 146(1) de la Loi, de l'alinéa e) de la définition de placement admissible au paragraphe 146.1(1) de la Loi, de l'alinéa c) de la définition de placement admissible au paragraphe 146.3(1) de la Loi et de l'alinéa i) de la définition de placement admissible à l'article 204 de la Loi, chacun des placements suivants constitue, sous réserve du paragraphe (2), un placement admissible pour une fiducie de régime à une date donnée si, à cette date, il s'agit :

a) d'un intérêt dans une fiducie ou d'une action du capital-actions d'une société qui constitue un placement enregistré pour la fiducie de régime au cours de l'année civile pendant laquelle tombe la date donnée ou de l'année immédiatement antérieure;

b) d'une action du capital-actions d'une société publique, sauf une société de placement hypothécaire;

c) d'une action du capital-actions d'une société de placement hypothécaire qui, à aucun moment de l'année civile qui comprend la date donnée, ne détient parmi ses biens une dette — sous forme d'hypothèque ou toute autre forme — d'une personne qui est un rentier, un bénéficiaire, un employeur ou un souscripteur en vertu du régime d'encadrement de la fiducie de régime, ou de toute autre personne qui a un lien de dépendance avec cette personne;

c.1) de quelque obligation, billet ou titre semblable d'une société publique, sauf une société de placement hypothécaire;

d) d'une unité d'une fiducie de fonds communs de placement;

d.1) [Abrogé, L.C. 2007, ch. 29, art. 32]

d.2) d'une unité d'une fiducie, dans le cas où, à la fois :

(i) la fiducie serait une fiducie de fonds commun de placement si la partie XLVIII s'appliquait compte non tenu de l'alinéa 4801a),

(ii) des unités de la fiducie ont fait l'objet d'un appel public légal à l'épargne dans une province, et un prospectus, une déclaration d'enregistrement ou un document semblable relatif à cet appel n'avait pas à être produit selon la législation provinciale;

[...]

Regulation 4900

4900(1) For the purposes of paragraph (d) of the definition qualified investment in subsection 146(1) of the Act, paragraph (e) of the definition qualified investment in subsection 146.1(1) of the Act, paragraph (c) of the definition qualified investment in subsection 146.3(1) of the Act, paragraph (h) of the definition qualified investment in section 204 of the Act, paragraph (d) of the definition qualified investment in subsection 205(1) of the Act and paragraph (c) of the definition qualified investment in subsection 207.01(1) of the Act, each of the following investments is prescribed as a qualified investment for a plan trust at a particular time if at that time it is

(a) an interest in a trust or a share of the capital stock of a corporation that was a registered investment for the plan trust during the calendar year in which the particular time occurs or the immediately preceding year;

(b) a share of the capital stock of a public corporation other than a mortgage investment corporation;

(c) a share of the capital stock of a mortgage investment corporation that does not hold as part of its property at any time during the calendar year in which the particular time occurs any indebtedness, whether by way of mortgage or otherwise, of a person who is a connected person under the governing plan of the plan trust;

(c.1) a bond, debenture, note or similar obligation of a public corporation other than a mortgage investment corporation;

(d) a unit of a mutual fund trust;

(d.1) [Repealed, 2007, c. 29, s. 32]

(d.2) a unit of a trust if

(i) the trust would be a mutual fund trust if Part XLVIII were read without reference to paragraph 4801(a), and

(ii) there has been a lawful distribution in a province to the public of units of the trust and a prospectus, registration statement or similar document was not required under the laws of the province to be filed in respect of the distribution;

. . .

c) Paiements indirects

Autres sources de revenus

Sommes à inclure dans le revenu de l'année

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

[...]

Paiements indirects

56(2) Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l'accord d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne — sauf la cession d'une partie d'une pension de retraite conformément à l'article 65.1 du Régime de pensions du Canada ou à une disposition comparable d'un régime provincial de pensions au sens de l'article 3 de cette loi ou d'un régime provincial de pensions visé par règlement — doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

Other Sources of Income

Amounts to be included in income for year

56(1) Without restricting the generality of section 3, there shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year,

. . .

Indirect payments

56(2) A payment or transfer of property made pursuant to the direction of, or with the concurrence of, a taxpayer to some other person for the benefit of the taxpayer or as a benefit that the taxpayer desired to have conferred on the other person (other than by an assignment of any portion of a retirement pension pursuant to section 65.1 of the Canada Pension Plan or a comparable provision of a provincial pension plan as defined in section 3 of that Act or of a prescribed provincial pension plan) shall be included in computing the taxpayer's income to the extent that it would be if the payment or transfer had been made to the taxpayer.

d) Règle générale anti-évitement (« RGAÉ »)

Partie XVI

Évitement fiscal

Définitions

245(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« attribut fiscal » S'agissant des attributs fiscaux d'une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l'impôt ou l'autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable. (tax consequences)

« avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l'évitement ou le report d'impôt ou d'un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l'absence d'un traité fiscal ainsi que l'augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi qui découle d'un traité fiscal. (tax benefit)

« opération » Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement. (transaction)

Tax Avoidance

Definitions

245(1) In this section,

‟tax benefit” means a reduction, avoidance or deferral of tax or other amount payable under this Act or an increase in a refund of tax or other amount under this Act, and includes a reduction, avoidance or deferral of tax or other amount that would be payable under this Act but for a tax treaty or an increase in a refund of tax or other amount under this Act as a result of a tax treaty; (avantage fiscal)

‟tax consequences” to a person means the amount of income, taxable income, or taxable income earned in Canada of, tax or other amount payable by or refundable to the person under this Act, or any other amount that is relevant for the purposes of computing that amount; (attribut fiscal)

‟transaction” includes an arrangement or event. (opération)

 

Disposition générale anti-évitement

245(2) En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont cette opération fait partie.

General anti-avoidance provision

245(2) Where a transaction is an avoidance transaction, the tax consequences to a person shall be determined as is reasonable in the circumstances in order to deny a tax benefit that, but for this section, would result, directly or indirectly, from that transaction or from a series of transactions that includes that transaction.

Opération d'évitement

245(3) L'opération d'évitement s'entend :

a) soit de l'opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

b) soit de l'opération qui fait partie d'une série d'opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable.

Avoidance transaction

245(3) An avoidance transaction means any transaction

(a) that, but for this section, would result, directly or indirectly, in a tax benefit, unless the transaction may reasonably be considered to have been undertaken or arranged primarily for bona fide purposes other than to obtain the tax benefit; or

(b) that is part of a series of transactions, which series, but for this section, would result, directly or indirectly, in a tax benefit, unless the transaction may reasonably be considered to have been undertaken or arranged primarily for bona fide purposes other than to obtain the tax benefit.

Application du par. (2)

245(4) Le paragraphe (2) ne s'applique qu'à l'opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

a) qu'elle entraînerait, directement ou indirectement, s'il n'était pas tenu compte du présent article, un abus dans l'application des dispositions d'un ou de plusieurs des textes suivants :

(i) la présente loi,

(ii) le Règlement de l'impôt sur le revenu,

(iii) les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu,

(iv) un traité fiscal,

(v) tout autre texte législatif qui est utile soit pour le calcul d'un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul;

b) qu'elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l'application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

Application of subsection (2)

245(4) Subsection (2) applies to a transaction only if it may reasonably be considered that the transaction

(a) would, if this Act were read without reference to this section, result directly or indirectly in a misuse of the provisions of any one or more of

(i) this Act,

(ii) the Income Tax Regulations,

(iii) the Income Tax Application Rules,

(iv) a tax treaty, or

(v) any other enactment that is relevant in computing tax or any other amount payable by or refundable to a person under this Act or in determining any amount that is relevant for the purposes of that computation; or

(b) would result directly or indirectly in an abuse having regard to those provisions, other than this section, read as a whole.

Attributs fiscaux à déterminer

245(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2) et malgré tout autre texte législatif, dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d'une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l'avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d'une opération d'évitement :

a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l'impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

b) tout ou partie de cette déduction, exemption ou exclusion ainsi que tout ou partie d'un revenu, d'une perte ou d'un autre montant peuvent être attribués à une personne;

c) la nature d'un paiement ou d'un autre montant peut être qualifiée autrement;

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l'application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

Determination of tax consequences

245(5) Without restricting the generality of subsection (2), and notwithstanding any other enactment,

(a) any deduction, exemption or exclusion in computing income, taxable income, taxable income earned in Canada or tax payable or any part thereof may be allowed or disallowed in whole or in part,

(b) any such deduction, exemption or exclusion, any income, loss or other amount or part thereof may be allocated to any person,

(c) the nature of any payment or other amount may be recharacterized, and

(d) the tax effects that would otherwise result from the application of other provisions of this Act may be ignored,

in determining the tax consequences to a person as is reasonable in the circumstances in order to deny a tax benefit that would, but for this section, result, directly or indirectly, from an avoidance transaction.

VII. ANALYSE

A. Les fonds de revenu étaient-ils des « placements admissibles »?

a) Survol — « un appel public légal à l'épargne »

[137] Les placements admissibles sont énoncés aux alinéas 146(1)a) à d) de la Loi et aux alinéas 4900(1)a) à w) du Règlement, ce qui comprend, à l'alinéa d), une « fiducie de fonds communs [sic] de placement ». Le paragraphe 248(1) dispose que le terme « fiducie de fonds commun de placement » s'entend au sens du paragraphe 132(6).

[138] Il n'est pas en litige dans le présent appel que les fonds de revenu ont satisfait aux exigences des alinéas 132(6)a) et b) en ce qu'ils étaient « une fiducie d'investissement à participation unitaire résidant au Canada » dont la seule activité consistait à « investir ses fonds dans des biens » ou « à acquérir, à détenir [...] des biens immeubles ».

[139] La question en litige est de savoir si les fonds de revenu ont satisfait aux exigences de l'alinéa 132(6)c), c'est‑à‑dire aux conditions prescrites à l'article 4801 du Règlement : soit « des unités de la fiducie ont [...] fait l'objet d'un appel public légal à l'épargne dans une province, et un prospectus [...] n'avait pas à être produit selon la législation provinciale », soit « une catégorie d'unités de la fiducie peut [...] faire l'objet d'un appel public à l'épargne ».

[140] La deuxième exigence, énoncée à l'alinéa 4801b) du Règlement, est que, pour chaque fonds de revenu, « il ne doit pas y avoir moins de 150 bénéficiaires de la fiducie, dont chacun détient i) pas moins d'une tranche d'unités de la catégorie, et ii) des unités [...] ayant une juste valeur marchande totale non inférieure à 500 $ ». J'examinerai cette question dans la prochaine section, « Résumé des lacunes alléguées ».

[141] On ne conteste pas que le placement de valeurs mobilières au Canada est assujetti à la législation provinciale, en l'occurrence les lois sur les valeurs mobilières de l'Alberta (Alberta Securities Act, « ASA ») et de la Colombie‑Britannique (British Columbia Securities Act, « BCSA ») [11] , et à des accords appelés règlements de portée pancanadienne ou règlements de portée multilatérale adoptés par les provinces et les territoires. On ne conteste pas non plus que l'appelant n'a pas déposé de prospectus ou de document semblable et qu'il s'est fondé sur la dispense pour notice d'offre, comme décrit ci‑dessus. Toutefois, les sous‑alinéas 4801a)(i) et (ii) du Règlement exigent tous deux un « appel public » et, par conséquent, il est nécessaire de revoir certains concepts généraux liés au placement de titres.

[142] On ne conteste pas qu'un placement est le processus par lequel les titres sont émis à des souscripteurs ou des souscripteurs possibles et que les titres ne peuvent faire l'objet d'un « appel public » que conformément à la législation applicable en matière de valeurs mobilières. C'est ce que l'on appelle le « système fermé » du placement de titres qui prévaut aujourd'hui dans la plupart, sinon la totalité, des provinces ou des territoires.

[143] On a affirmé que l'expression « appel public » est anachronique dans le système moderne de placement de titres [12] et que dans le passé, on utilisait cette expression pour décider s'il fallait un prospectus ou un autre document pour faire un placement à un souscripteur qui n'était pas étroitement lié à l'émetteur et qui était donc réputé avoir besoin de protection contre un comportement malhonnête ou frauduleux. Ces souscripteurs étaient considérés comme ne bénéficiant pas de [TRADUCTION] « liens, d'intérêts ou d'associations communs avec l'émetteur du titre ou ses administrateurs [...] ou son promoteur » et avaient [TRADUCTION] « besoin de connaître toutes les questions pertinentes avant de prendre une décision éclairée en matière de placement ». Les tentatives de distinguer les souscripteurs étroitement liés et le « public » au sens large ont donné lieu à des contentieux et à [TRADUCTION] « un champ de mines constitué de problèmes d'interprétation » [13] .

[144] Depuis [TRADUCTION] l'« avènement du système fermé en 1979 » [14] , il est reconnu que l'événement déclencheur des obligations d'enregistrement et de prospectus est « un appel public à l'épargne » [15] . La distinction historique entre un « appel public » et un « appel non public » a été éliminée, comme le recommandait le rapport sur les fusions [16] .

[145] Il est à noter que l'ASA et la BCSA continuent de faire la distinction entre les membres du public et les personnes qui ont [TRADUCTION] « une relation particulière avec l'émetteur » et qui sont, par exemple, des [TRADUCTION] « initiés, affiliés ou associés » [17] au sujet de la divulgation, de la conformité ou du délit d'initié.

[146] Aucune de ces dispositions n'est pertinente en l'espèce, mais je les mentionne pour souligner que la distinction entre les personnes qui font partie de ces catégories et les membres du « public » est toujours pertinente pour les procédures d'administration, d'application ou de conformité des commissions des valeurs mobilières.

[147] Sous réserve des exceptions décrites ci‑dessous, on ne peut placer un titre que si un document d'information appelé un prospectus a été déposé à la commission provinciale des valeurs mobilières [18] . Ces titres sont dits [TRADUCTION] « admissibles au placement au public » et deviennent librement négociables dans le ressort où ils sont admissibles et se négocient généralement sur les bourses. L'émetteur devient un émetteur assujetti et est tenu de fournir une information continue à ses souscripteurs.

[148] Toutefois, on peut également placer les titres aux termes de l'une des dispenses relatives à la collecte de capitaux prévues par les lois ou les règlements provinciaux, notamment celles sur les notices d'offre, qui autorisent une divulgation simplifiée, comme cela a été fait en l'espèce.

[149] Dans la décision Gupta c. Ministre du Revenu national, [1992] A.C.I. no 222 (QL) (« Gupta »), la Cour canadienne de l'impôt a examiné la différence entre un « prospectus » et une « notice d'offre » et a indiqué ce qui suit :

4.03.6 Ni la Loi de l'impôt sur le revenu ni la Loi sur les valeurs mobilières du Québec ne définissent les termes « prospectus », « notice d'offre » ou « déclaration d'enregistrement ». Toutefois, on peut trouver la définition de ces termes dans les ouvrages de référence suivants :

1. The Dictionary of Canadian Law (4.02(1))

[TRADUCTION]

« PROSPECTUS. n. Tout prospectus, avis, circulaire ou annonce, qu'il en ait été question ou non auparavant et qu'il ait été déposé par écrit ou autrement, offrant au public en souscription ou achat les actions ou débentures d'une corporation. »

« NOTICE D'OFFRE. Document qui : (i) renferme de l'information sur les opérations faites par l'émetteur; et (ii) a été préparé principalement à l'intention des acquéreurs éventuels afin de les aider à prendre une décision quant aux valeurs qui sont vendues dans le cadre d'une opération effectuée en fonction d'une exemption. »

[Je souligne.]

[150] Parmi les autres dispenses, citons la « dispense pour émetteur fermé », la « dispense pour parents, amis et partenaires » et la « dispense pour investisseur qualifié », dont aucune n'est en cause dans la présente instance. Les exigences de ces dispenses peuvent varier d'une province à l'autre, mais les titres émis en vertu de celles‑ci sont généralement assujettis à des restrictions lors de la revente. Ils ne sont pas « librement négociables », car ils ne sont pas admissibles au placement au public.

[151] Comme l'a expliqué l'appelant, il savait que le dépôt d'un prospectus était une entreprise onéreuse et coûteuse et il a choisi de se fonder sur la dispense pour notice d'offre.

[152] Comme indiqué ci‑dessus, les unités des fonds de revenu de 2003 ont été placées conformément à une notice d'offre visée par la partie 4 du règlement de portée multilatérale 45‑103 et les fonds de revenu de 2006 ont été placés conformément au règlement de portée pancanadienne 45‑106 (les « règlements »). Le règlement de portée multilatérale 45‑103 dispose ce qui suit :

[TRADUCTION]

Partie 4 — Dispense pour notice d'offre

4.1

(1) En Colombie-Britannique [...] l'obligation d'inscription à titre de courtier ne s'applique pas à une personne ou à une société à l'égard d'une opération effectuée par un émetteur sur un titre qu'il a émis si le souscripteur achète le titre pour son propre compte et si, au moment où le souscripteur signe la convention de souscription, ou avant ce moment, l'émetteur :

a. remet une notice d'offre au souscripteur conformément aux articles 4.2 à 4.4,

b. obtient une reconnaissance des risques signée par le souscripteur conformément au paragraphe 4.5(1).

(2) En Colombie-Britannique [...] l'obligation de prospectus ne s'applique pas au placement d'un titre dans les circonstances visées au paragraphe (1).

(3) En Alberta [...] l'obligation d'inscription à titre de courtier ne s'applique pas à une personne ou à une société à l'égard d'une opération effectuée par un émetteur sur un titre qu'il a émis dans les cas suivants :

a. le souscripteur achète le titre pour son propre compte;

b. au moment où le souscripteur signe la convention de souscription, ou avant ce moment, l'émetteur :

i. remet une notice d'offre au souscripteur conformément aux articles 4.2 à 4.4,

ii. obtient une reconnaissance des risques signée par le souscripteur conformément au paragraphe 4.5(1).

[...]

(4) En Alberta [...] l'obligation de prospectus ne s'applique pas au placement d'un titre dans les circonstances visées au paragraphe (3).

4.2 Forme requise de la notice d'offre

La notice d'offre visée à l'article 4.1 a la forme requise.

[...]

4.4 Attestation

(1) La notice d'offre remise conformément à l'article 4.1 comprend l'attestation suivante :

« La présente notice d'offre ne comprend aucune déclaration fausse ou trompeuse. »

[...]

4.5 Reconnaissance des risques

(1) La reconnaissance des risques visée à l'article 4.1 a la forme requise.

[...]

4.7 Dépôt de la notice d'offre

L'émetteur dépose un exemplaire de la notice d'offre remise au titre de l'article 4.1 et toute mise à jour d'une notice d'offre déposée antérieurement à l'organisme chargé de la réglementation des valeurs mobilières dans les 10 jours suivant chaque placement en vertu de la notice d'offre ou de la mise à jour de la notice d'offre.

[...]

7.1 Obligations de dépôt

Sous réserve du paragraphe (2), si un émetteur place un titre qu'il a émis en vertu d'une dispense prévue aux paragraphes 3.1(2), 4.1(2), 4.1(4) ou 5.1(2), il dépose une déclaration dans le ressort où le placement a lieu dans les 10 jours suivant le placement.

[Je souligne.]

[153] La [TRADUCTION] « notice d'offre confidentielle » rédigée pour les fonds de revenu de 2003 et de 2006 décrit le processus de souscription comme suit :

[TRADUCTION]

5.2 Procédure de souscription

Le présent placement est destiné à des personnes résidant dans les provinces de l'Alberta ou de la Colombie‑Britannique, et les souscriptions d'unités ne seront acceptées que de ces personnes. Le placement est effectué conformément au règlement de portée multilatérale 45‑103, « Dispenses relatives à la collecte de capitaux » (le « règlement 45‑103 »). Voir les points 11 et 12.

Un souscripteur éventuel peut acquérir des unités si les éléments suivants sont reçus par le fonds et acceptés par les fiduciaires :

  • a. une convention de souscription signée à la main et dûment remplie dont le libellé est, pour l'essentiel, celui de la convention de souscription jointe en annexe « A » des présentes;

  • b. une reconnaissance des risques (formulaire 45‑103F) signée à la main et dûment remplie dont le libellé est, pour l'essentiel, celui de la reconnaissance des risques jointe en annexe « B » des présentes;

  • c. le paiement du prix de souscription, par chèque ou par tout autre moyen de paiement que les fiduciaires acceptent.

[Je souligne.]

[154] En résumé, l'obligation de prospectus ne s'applique pas au placement d'un titre lorsque l'émetteur se fonde sur la dispense pour notice d'offre et que les souscripteurs éventuels i) ont reçu une copie de la notice d'offre, ii) ont renvoyé une reconnaissance des risques et une convention de souscription signées à la main et dûment remplies, iii) ont versé le montant de la souscription.

[155] Les paragraphes 4.1(1) et (3) du règlement renvoient simplement à [TRADUCTION] « la convention de souscription » (il n'y a pas de forme prescrite), mais l'article 5.2 de la notice d'offre, comme je l'ai indiqué, explique la procédure de souscription et renvoie à la [TRADUCTION] « convention de souscription jointe en annexe ‟A” des présentes », à laquelle était annexée la pièce « A », soit les [TRADUCTION] « modalités de souscription des unités » (les « modalités »). La pièce énonçait notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

5. Déclarations, garanties et engagements du souscripteur

Par les présentes, le souscripteur déclare et garantit ce qui suit aux fiduciaires et s'engage à leur égard de la façon suivante :

a. Capacité juridique : Si le souscripteur est une société, elle est une société dûment constituée et existante [...] Si le souscripteur est un particulier, il a atteint l'âge de la majorité et a la capacité juridique et la compétence pour signer la présente convention de souscription et pour prendre toutes les mesures requises en vertu des présentes;

b. Absence de prospectus : Aucun prospectus n'a été déposé [...] à l'organisme de réglementation des valeurs mobilières d'une province du Canada [...];

c. Notice d'offre : Les souscripteurs ont reçu des fiduciaires la notice d'offre [...];

d. Dispense de prospectus : (i) Le souscripteur est un résident de la Colombie‑Britannique ou de l'Alberta et achète des unités pour son propre compte, et non pour une autre personne [...] ii) il a reçu un exemplaire de la notice d'offre [...];

e. Restrictions de revente : Le souscripteur [...] connaît les restrictions applicables à la revente des unités [...];

f. Aptitudes du souscripteur : Le souscripteur possède des connaissances, des compétences et de l'expérience en matière de commerce, de finances et de placements telles qu'il est en mesure d'évaluer les bénéfices et les risques d'un placement dans les unités. Si cela est nécessaire, le souscripteur a obtenu, à ses propres frais, des conseils professionnels appropriés concernant les droits et les conséquences en matière d'investissement, de fiscalité et de droit de cette souscription et liés à la propriété des unités, et s'est appuyé sur ces conseils;

[...]

6. Fiabilité des déclarations, garanties et engagements

Le souscripteur reconnaît qu'il fait les déclarations et les garanties qui précèdent afin que les fiduciaires et leurs avocats en tiennent compte pour décider s'il peut acheter les unités. [...] Le fonds, les fiduciaires [...] sont en droit de se fier aux déclarations et aux garanties du souscripteur dans les présentes [...]

7. Maintien en vigueur des déclarations, garanties et engagements

Les déclarations, garanties et engagements énoncés dans la présente convention [...] demeurent en vigueur malgré la clôture.

8. Modification

Ni la présente convention de souscription ni ses dispositions ne seront modifiées ou résiliées sauf par un acte écrit signé par la partie contre laquelle on fait valoir la renonciation, la modification ou la résiliation.

[Je souligne.]

[156] Conformément à l'article 4.4 du règlement, chaque notice d'offre préparée pour les fonds de revenu comprenait une attestation indiquant que [TRADUCTION] « la présente notice d'offre ne comprend aucune déclaration fausse ou trompeuse ».

[157] L'attestation devait être véridique au moment de sa signature et au moment de la remise de la notice d'offre aux souscripteurs éventuels. En outre, chaque notice d'offre contenait la déclaration suivante :

[TRADUCTION]

Aucune autorité en valeurs mobilières ne s'est prononcée sur la qualité de ces titres ni n'a examiné la présente notice d'offre. Quiconque donne à entendre le contraire commet une infraction. Le présent placement comporte des risques. [...]

[158] L'instruction générale relative au règlement 45‑106 [19] fournit des indications supplémentaires sur la nécessité que les souscripteurs éventuels soient pleinement informés et sur l'exigence imposée à l'émetteur en ce qui concerne l'attestation :

Date de l'attestation et signataires

L'émetteur doit veiller à ce que l'information fournie au souscripteur soit à jour et ne contienne pas d'information fausse ou trompeuse. Par exemple, s'il survient un changement important dans l'activité de l'émetteur après la remise de la notice d'offre à un souscripteur éventuel, l'émetteur doit lui fournir une mise à jour de la notice d'offre avant d'accepter le contrat de souscription des titres. La mise à jour de la notice d'offre peut prendre la forme d'une modification décrivant le changement important, d'une nouvelle notice d'offre contenant de l'information à jour ou d'une déclaration de changement important, selon la formule que l'émetteur juge la mieux adaptée pour informer efficacement les souscripteurs.

[Je souligne.]

[159] L'article 4.7 dispose que l'émetteur dépose la notice d'offre à la commission des valeurs mobilières dans les 10 jours suivant le placement, ce qui correspond au moment du dépôt de la déclaration conformément à l'article 7.1.

[160] On ne conteste pas que l'appelant a déposé un exemplaire de la notice d'offre avec les droits de dépôt et le formulaire 45‑103F4 pour l'Alberta et le formulaire 45‑902F pour la Colombie‑Britannique, soit la [TRADUCTION] « Déclaration de placement avec dispense », après le premier placement. Comme il est indiqué ci‑dessus, rien ne prouve qu'on ait déposé une déclaration de placement après le deuxième placement.

[161] Les lettres d'accompagnement adressées aux commissions des valeurs mobilières et les déclarations de placement étaient signées [TRADUCTION] « James T. Grenon — Fiduciaire ». Ce faisant, il attestait leur exactitude et joignait les annexes requises qui indiquaient le nom et l'adresse des souscripteurs, le poste qu'ils occupaient chez l'émetteur, le cas échéant, et la dispense invoquée. Les deux versions des déclarations de placement aux provinces comprenaient un énoncé selon lequel [TRADUCTION] « le fait de faire une déclaration fausse ou trompeuse constitue une infraction ».

b) Résumé des lacunes alléguées

[162] Le ministre affirme que les fonds de revenu n'étaient pas correctement constitués et qu'il y avait de multiples lacunes qui ont entraîné un appel public à l'épargne qui n'était pas légal. Le ministre affirme aussi qu'il y avait de fausses déclarations : i) les déclarations de placement ne divulguaient pas les « postes » qu'occupaient les souscripteurs, notamment l'appelant lui‑même; ii) contrairement aux modalités de la souscription des unités jointes à la convention de souscription indiquées ci‑dessus, l'appelant a accepté des formulaires de reconnaissance des risques et les formulaires de souscription de mineurs, signés par les mineurs eux‑mêmes ou par des tuteurs ou d'autres adultes au nom des mineurs; iii) de nombreux formulaires de souscription ont été signés par des adultes au nom d'autres adultes; iv) tous les souscripteurs étaient tenus d'acheter « pour leur propre compte », mais dans de nombreux cas, les fonds de souscription ont été payés par d'autres personnes.

[163] Plus précisément, le ministre affirme que les fiduciaires ont accepté de nombreuses souscriptions de façon illégale, comme indiqué ci‑dessous, et que le dépôt des déclarations de placement de l'appelant constituait une fausse déclaration. L'élément central de la thèse de l'intimée est que, en raison du nombre de lacunes, le placement n'a pas satisfait aux exigences de l'alinéa 4801b) du Règlement selon lesquelles il ne doit pas y avoir « moins de 150 bénéficiaires » pour chaque fonds de revenu. Comme nous l'avons vu plus haut, la notice d'offre exigeait en fait qu'il y ait un minimum de 160 souscripteurs.

[164] Le ministre est d'avis que dans le cas de 65 des 171 souscripteurs des fonds de revenu de 2003, les unités ont été émises de façon non conforme à la notice d'offre :

  • - 39 souscripteurs étaient mineurs au moment de la souscription;

  • - 65 souscripteurs (soit 39 mineurs et 26 adultes) n'ont pas payé eux‑mêmes le montant de leur souscription.

[165] Sur les 39 mineurs, deux ont signé eux‑mêmes les formulaires de reconnaissance des risques et les conventions de souscription, tandis que 32 de ces documents ont été signés par un tuteur. Dans les cinq autres cas, une personne autre que le tuteur a exécuté les documents « en fiducie » au nom du mineur. Dans le cas des 65 souscripteurs qui n'ont pas acheté leurs propres unités, les souscriptions ont été payées par d'autres personnes.

[166] Le ministre est d'avis que dans le cas de 74 des 171 souscripteurs des fonds de revenu de 2006, les unités ont été émises de façon non conforme à la notice d'offre :

  • - 31 souscripteurs étaient mineurs au moment de la souscription;

  • - 74 souscripteurs (dont 31 mineurs et au moins 40 adultes) n'ont pas payé eux-mêmes le montant de leur souscription.

[167] Sur les 31 mineurs, dix ont signé eux‑mêmes les formulaires de reconnaissance des risques et les conventions de souscription, tandis que 21 de ces documents ont été signés par un tuteur. Dans le cas de 18 souscripteurs adultes, il semble que d'autres adultes ont signé les formulaires de reconnaissance des risques et les conventions de souscription. Dans le cas des 74 souscripteurs, les souscriptions ont été payées par des tiers.

[168] En raison de ces prétendues lacunes, le ministre est d'avis que tous les fonds de revenu n'étaient pas valablement constitués en tant que « fiducie de fonds commun de placement » et qu'ils ne constituaient donc pas des « placements admissibles » pour les REÉR.

[169] L'examen qui suit portera sur la réalité objective et l'efficacité des mesures prises par l'appelant pour constituer les fonds de revenu afin d'évaluer ensuite l'efficacité de ces mesures pour les besoins de la Loi.

c) Le fardeau de la preuve dans les appels fiscaux

[170] L'appelant a adopté la thèse selon laquelle il [TRADUCTION] « n'admet pas » les chiffres précités, ce qui laisse entendre que le ministre a le fardeau de convaincre la Cour.

[171] Un examen des observations écrites de l'appelant indique qu'il admet que des mineurs ont acheté leurs unités directement ou par leur tuteur, et que certains adultes ont signé des documents de souscription pour d'autres adultes et ont payé les unités. Je conclus que ces aveux lient l'appelant et qu'il n'a fait aucun effort pour fournir plus de détails ou de précisions. Il a affirmé que la question était sans importance et non pertinente. Plus précisément, l'appelant s'est appuyé sur la thèse selon laquelle toutes les unités des fonds de revenu avaient été payées et émises et qu'aucun des souscripteurs n'avait en aucune façon répudié la souscription.

[172] L'appelant a admis dans son témoignage oral qu'il savait qu'on acceptait des souscriptions de mineurs et que certains adultes signaient pour d'autres adultes et payaient leurs unités. En fait, plusieurs des témoins des faits l'ont admis. L'appelant a affirmé que cela ne le préoccupait nullement.

[173] Les hypothèses du ministre sont notamment les suivantes : i) de nombreux souscripteurs étaient des mineurs; ii) ces mineurs n'ont pas signé leurs propres documents de souscription; iii) ces mineurs n'ont pas payé leurs propres unités; iv) de nombreux souscripteurs adultes n'ont pas signé leurs propres documents de souscription; v) ces souscripteurs n'ont pas payé leurs propres unités; vi) dans certains cas, les souscripteurs adultes ont acheté des unités pour de nombreux souscripteurs, mineurs et adultes [20] . Je conclus que ces hypothèses étaient suffisamment claires et précises pour les actes de procédure et que, par suite de la production de documents par l'appelant, y compris tous les documents de souscription et les chèques de souscription, le ministre a pu apporter des précisions quant à ces hypothèses de base.

[174] Les souscriptions contestées par le ministre, comme résumées ci‑dessus, apparaissent aux annexes A et B des observations écrites de la Couronne (volume 1 sur 3); la Couronne les a remis à la Cour pendant les observations finales à titre d'« aide-mémoire » qui visait à tenir compte des renseignements fournis. J'estime que l'appelant ne peut pas simplement affirmer qu'il n'admet pas les chiffres.

[175] Si l'appelant souhaitait contredire les renseignements réunis en tenant compte des documents qu'il avait fournis, il lui incombait de présenter des témoins ou une autre preuve pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre s'était trompé. Il ne l'a pas fait.

[176] Comme l'appelant doit le savoir, dans les appels fiscaux, le fardeau de la preuve repose sur le contribuable. La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt House c. Canada, 2011 CAF 234, [2011] 4 R.C.F. F‑3, a résumé les principes de base concernant le fardeau de la preuve :

[30] Pour trancher la question dont elle est saisie, il importe que la Cour garde à l'esprit l'arrêt de la Cour suprême du Canada, Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336 (Hickman), dans lequel la juge L'Heureux‑Dubé a énoncé, aux paragraphes 92 à 95 de ses motifs, les principes qui régissent le fardeau de la preuve dans le domaine de la fiscalité :

1. Dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités.

2. Le contribuable a la charge initiale de « démolir » les présomptions sur lesquelles le ministre se fonde pour établir sa cotisation.

3. Le contribuable s'acquitte de cette charge initiale lorsqu'il présente une preuve prima facie.

4. Lorsque le contribuable a établi une preuve prima facie, le fardeau de la preuve passe alors au ministre qui doit réfuter cette preuve en démontrant, selon la prépondérance des probabilités, l'exactitude de ses présomptions [...].

5. Si le ministre ne présente aucune preuve satisfaisante, le contribuable a gain de cause.

[177] Il est entendu que les « présomptions » mentionnées ci‑dessus sont uniquement les hypothèses de fait et non les hypothèses de droit ou les hypothèses mixtes de fait et de droit : Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd, 2003 CAF 294, [2004] 1 R.C.F. F‑5. De plus, les affirmations faites aux paragraphes 4 et 5 qui précèdent ont fait l'objet d'une certaine controverse et dans la décision plus récente de la Cour d'appel fédérale Sarmadi c. Canada, 2017 CAF 131, [2018] 1 R.C.F. F‑4 (« Sarmadi »), le juge Webb a indiqué ceci :

[61] À mon avis, il devrait incomber à un contribuable de prouver, selon la prépondérance des probabilités, les faits qu'il allègue dans son avis d'appel et qui sont niés par la Couronne. Dans la plupart des cas, ceci devrait mettre un terme à la discussion sur le fardeau de preuve parce que les hypothèses de fait du ministre dans le cadre de l'imposition d'une nouvelle cotisation au contribuable seraient généralement incompatibles avec les faits plaidés par le contribuable relativement aux faits substantiels sur lesquels la nouvelle cotisation a été fondée.

[62] Si, en imposant une nouvelle cotisation au contribuable, le ministre a présumé de certains faits qui ne sont pas incompatibles avec les faits allégués par le contribuable, il semblerait également logique d'exiger que le contribuable prouve, selon la prépondérance des probabilités, que ces faits présumés par le ministre (qui sont en litige et qui ne relèvent pas de la connaissance exclusive ou particulière du ministre) ne sont pas exacts. L'exigence qu'un contribuable réfute les faits présumés par le ministre dans le cadre de l'imposition d'une nouvelle cotisation ne fait que déplacer le fardeau sur la personne qui a connaissance (ou qui devrait avoir connaissance) des faits. Le fardeau passe également à la personne qui a indirectement affirmé, lors de la production de sa déclaration de revenus, certains faits qui seraient incompatibles avec les faits présumés par le ministre au moment d'imposer une nouvelle cotisation au contribuable.

[63] Lorsque tous les éléments de preuve ont été présentés, le juge de la Cour de l'impôt devrait alors (et seulement alors) déterminer si le contribuable s'est acquitté de ce fardeau. Si le contribuable a réfuté, selon la prépondérance des probabilités, les faits particuliers présumés par le ministre, en se fondant sur tous les éléments de preuve, aucun fardeau n'est déplacé sur le ministre de réfuter la preuve que le juge de la Cour de l'impôt a estimé avoir été établie par le contribuable. Soit le contribuable a réfuté les faits présumés, soit il ne l'a pas fait.

[Non souligné dans l'original.]

[178] En l'espèce, j'estime que l'appelant ne s'est pas acquitté de son fardeau, en ce qu'il n'a pas présenté de preuve prima facie que les unités des fonds de revenu ont été émises d'une façon autre que celle indiquée dans les hypothèses du ministre.

[179] L'appelant n'a absolument pas réussi à produire une preuve qui pourrait démolir les hypothèses du ministre que j'ai précisées ci‑dessus. Je conclus qu'il n'a pas présenté les faits avec franchise, équité et honnêteté. Au contraire, il a admis avec désinvolture [TRADUCTION] « qu'il y avait des mineurs », que [TRADUCTION] « des adultes ont signé pour d'autres adultes » et que [TRADUCTION] « des tiers ont payé les souscriptions d'autres souscripteurs », mais il a refusé de répondre aux hypothèses avec précision. De vagues aveux de faits ne suffisent pas à transférer le fardeau au ministre. Comme l'a indiqué le juge Webb dans l'arrêt Sarmadi, précité : « Soit le contribuable a réfuté les faits présumés, soit il ne l'a pas fait. » En l'espèce, j'estime qu'il ne l'a pas fait.

[180] Je conclus donc que le nombre de souscriptions contestées par le ministre de la manière exposée ci‑dessus a été prouvé d'une façon qui convainc la Cour.

[181] Il reste donc à discuter des conséquences juridiques.

d) Les principes généraux de l'interprétation des lois

[182] Étant donné que l'article 4801 du Règlement n'a pas fait l'objet d'un examen judiciaire jusqu'à présent, il convient d'examiner les règles de base de l'interprétation des lois établies par la Cour suprême du Canada, selon lesquelles « il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. [...] L'interprétation d'une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s'harmonise avec la Loi dans son ensemble » : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54 (Hypothèques Trustco). La Cour suprême a ajouté : « Lorsque le libellé d'une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d'interprétation » (par. 10).

[183] Dans la décision ultérieure Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), [2006] 1 R.C.S. 715, 2006 CSC 20, la Cour suprême a renvoyé expressément à la législation fiscale et a noté que « le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre davantage l'accent sur l'interprétation textuelle » (par. 21) et que « [l]orsque le sens d'une telle disposition ou son application aux faits ne présente aucune ambiguïté, il suffit de l'appliquer. La mention de l'objet de la disposition [TRADUCTION] ‟ne peut pas servir à créer une exception tacite à ce qui est clairement prescrit” » (par. 23).

[184] L'appelant affirme que les termes utilisés dans les lois provinciales sur les valeurs mobilières devraient jouer un rôle lors de l'interprétation de termes similaires dans la Loi, et il s'appuie sur deux décisions antérieures de la Cour suprême du Canada, notamment Backman c. Canada, 2001 CSC 10, [2001] 1 R.C.S. 367 (Backman), où il a été jugé que la définition d'une société de personnes dépendait des lois provinciales ou territoriales, et Will‑Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada, 2000 CSC 36, [2000] 1 R.C.S. 915 (Will‑Kare Paving), où la Cour suprême a souligné que : « Interpréter en l'espèce le mot [...] selon son ‟sens ordinaire” supposerait que la Loi s'applique en vase clos sans tenir aucun compte de la qualification juridique des rapports commerciaux plus généraux qu'elle vise. » La Loi n'est « pas un code du commerce qui s'ajoute à une loi fiscale » (par. 31).

e) Le sens du terme « appel public à l'épargne » à la division 4801a)(i)(A)

[185] L'appelant affirme que chaque fonds de revenu a fait l'objet d'un appel public à l'épargne valide et légal à 171 souscripteurs, mais que pour satisfaire aux exigences de la division 4801a)(i)(A), il suffisait d'effectuer un appel public à l'épargne légal et valide à [TRADUCTION] « au moins un » souscripteur.

[186] L'appelant affirme que le Règlement exige seulement que [TRADUCTION] « des unités de la catégorie aient fait l'objet d'un appel public légal à l'épargne », mais [TRADUCTION] qu'« il n'est pas nécessaire que toutes les unités de la catégorie aient été émises conformément à ces exigences ». Si « au moins un » des 150 bénéficiaires [TRADUCTION] « a reçu ses titres lors d'un appel public légal à l'épargne, [...] l'exigence qu'il y ait eu un appel public légal à l'épargne est satisfaite » et, de plus, [TRADUCTION] « pris dans son ensemble, l'article 4801 du Règlement n'exige pas que tous les 150 bénéficiaires aient reçu leurs titres lors d'un appel public légal à l'épargne dans une province », car certains [TRADUCTION] « pourraient être des amis et des membres de la famille du promoteur » qui demeurent des détenteurs de titres.

[187] L'appelant soutient qu'un « appel public légal à l'épargne » est un terme utilisé dans le domaine pour renvoyer à une opération donnée sur des titres. Il s'appuie sur la définition de ce terme dans l'ASA, soit [TRADUCTION] « une opération portant sur les valeurs mobilières d'un émetteur qui n'ont pas encore été émises » [21] , et dans la BCSA, soit [TRADUCTION] « une opération portant sur une valeur mobilière d'un émetteur » [22] .

[188] L'appelant invoque l'arrêt Will‑Kare Paving, précité, et affirme que toute autre interprétation de l'expression « appel public à l'épargne » créerait de l'incertitude, puisque l'acquisition d'unités par un souscripteur et la validité de cette émission dépendraient de l'acquisition d'unités par tous les autres souscripteurs, dont plusieurs ne se connaissent pas, ce qui entraînerait des résultats indésirables d'un point de vue pratique et politique.

[189] Bien que cette question soit principalement une question d'interprétation de la loi, je note que le témoignage de l'appelant à ce sujet était incompatible et contradictoire. Lorsqu'on lui a demandé, au cours du contre‑interrogatoire, la dispense sur laquelle il s'était appuyé, il a expliqué avec incertitude qu'il avait pu s'appuyer sur plusieurs dispenses avant de conclure finalement qu'il s'agissait de la dispense pour notice d'offre et qu'il croyait comprendre que cette dispense exigeait uniquement une seule vente d'une valeur mobilière. Cependant, lors de son témoignage antérieur, il avait indiqué que la notice d'offre avait été rédigée pour excéder les exigences minimales de l'article 4801 du Règlement, et plus précisément que le nombre minimal de souscripteurs avait été porté à 160. Il n'était pas question d'une seule vente à un seul acquéreur. Il a compris que des unités devaient être émises à au moins 160 souscripteurs pour satisfaire aux modalités de la notice d'offre.

[190] Quoi qu'il en soit, le ministre affirme qu'une « fiducie de fonds commun de placement » n'est un placement admissible pour un REÉR que s'il y a eu i) un appel public légal à l'épargne, ii) à au moins 150 souscripteurs. Si ces exigences ne sont pas respectées, le fonds de revenu pourrait être une fiducie ordinaire, mais non une « fiducie de fonds commun de placement » selon la définition dans la Loi.

[191] Comme l'a indiqué le ministre, le dictionnaire Oxford English Dictionary, 2019, Oxford University Press (« Oxford Dictionary »), définit le terme anglais « distribution » (placement) comme [TRADUCTION] « l'action de répartir et de distribuer ou de restituer ou d'accorder en portions entre un certain nombre de bénéficiaires; répartition, attribution ». De même, le paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, dispose : « Le pluriel ou le singulier s'appliquent, le cas échéant, à l'unité et à la pluralité. »

Analyse

[192] En utilisant une analyse textuelle, je suis d'accord avec le ministre que le sens ordinaire du terme « appel public à l'épargne » comprend le pluriel du terme et que l'expression « un appel public légal à l'épargne » indique que le législateur a voulu qu'elle renvoie à plus qu'une seule opération.

[193] Le sens ordinaire du mot « public » est collectif et le Oxford Dictionary définit le terme anglais « public » comme suit : [TRADUCTION] « le monde ordinaire en général, la communauté ».

[194] Bien que les définitions énoncées dans les lois provinciales sur les valeurs mobilières que j'ai déjà mentionnées renvoient généralement à « une » opération portant sur les valeurs mobilières d'un émetteur, j'estime que si le législateur avait voulu renvoyer à une seule opération pour un seul souscripteur, il l'aurait dit en utilisant un terme précis. Comme l'a fait remarquer le ministre, dans d'autres dispositions de la Loi, le législateur s'est exprimé clairement, par exemple en utilisant l'expression « le grand public » ou « le public » [23] . Comme l'a affirmé l'intimée, cela est conforme à la règle selon laquelle « [d]onner aux mêmes mots le même sens dans l'ensemble d'une loi est un principe de base en matière d'interprétation des lois » : R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378, à la p. 1387.

[195] Si le terme « appel public légal à l'épargne » ne renvoyait qu'à une seule opération, le mot « public » serait superflu et, comme l'a noté le ministre, cela irait à l'encontre de la présomption d'absence de tautologie, c'est‑à‑dire que le législateur ne parle pas pour ne rien dire : P.G. (Qué.) c. Carrières Ste‑Thérèse Ltée, [1985] 1 R.C.S. 831, à la p. 838.

[196] Les parties conviennent que les conditions prescrites pour une « fiducie de fonds commun de placement » sont énoncées aux alinéas a) et b) de l'article 4801 du Règlement, comme il est indiqué ci‑dessus, mais l'appelant affirme que l'alinéa a) n'exige qu'une seule opération valable, s'il y a au moins 150 souscripteurs au moment où la fiducie serait une « fiducie de fonds commun de placement ».

[197] Je suis d'accord avec le ministre que l'utilisation du pluriel « les conditions » indique qu'il faut satisfaire aux exigences des deux alinéas. D'un point de vue contextuel, il est évident que le législateur avait l'intention de lier l'exigence de l'alinéa a) selon laquelle il doit y avoir « un appel public légal à l'épargne » à l'exigence de l'alinéa b) selon laquelle il doit y avoir au moins 150 bénéficiaires.

[198] Je suis d'accord avec le ministre pour dire que ce lien appuie l'interprétation voulant qu'un « appel public légal à l'épargne » laisse entendre qu'il y a plus d'un souscripteur. De plus, le passage « à l'égard d'une catégorie d'unités de la fiducie qui remplit à ce moment les conditions énoncées à l'alinéa a) » qui figure au début de l'alinéa 4801b) fournit un contexte supplémentaire. Il exige qu'au « moment » de l'appel public à l'épargne, il n'y ait pas moins de 150 souscripteurs. De plus, le début de l'article 4801 du Règlement est le suivant : « Pour l'application, à un moment donné, de l'alinéa 132(6)c) de la Loi, les conditions auxquelles une fiducie doit satisfaire sont les suivantes ». Le mot « conditions » est au pluriel et non au singulier.

[199] Par conséquent, je conclus qu'on doit interpréter les alinéas 4801a) et b) du Règlement harmonieusement comme un tout, ou « globalement », comme le soutient le ministre, et que cela est conforme à l'idée que l'objet de la disposition est d'établir les exigences précises pour une « fiducie de fonds commun de placement » qui peut donner de précieux avantages fiscaux aux rentiers en tant que « placement admissible » pour un REÉR.

[200] Le paragraphe 132(6.1) de la Loi dispose : « La fiducie qui devient une fiducie de fonds commun de placement à un moment [...] est réputée avoir été une telle fiducie [...] si elle en fait le choix dans sa déclaration de revenu pour cette année ». Cela est conforme au libellé du paragraphe 132(6), qui dispose qu'« une fiducie est une fiducie de fonds commun de placement à un moment donné si, à ce moment, les conditions suivantes sont remplies », notamment les exigences de l'article 4801 du Règlement. Cela indique qu'une fiducie ne devient une « fiducie de fonds commun de placement » que si, « à un moment donné », elle en fait le choix et satisfait aux exigences des alinéas a) et b) de l'article 4801 du Règlement.

[201] Il se peut, comme le soutient l'appelant, qu'un placement à un seul souscripteur constitue [TRADUCTION] « une opération portant sur une valeur mobilière d'un émetteur » qui satisfait à la définition de la loi provinciale, comme il est indiqué ci‑dessus. Mais on ne voit pas comment cela fait avancer la thèse de l'appelant voulant que les fonds de revenu étaient des « fiducies de fonds commun de placement ». Si l'alinéa 4801a) du Règlement ne renvoie qu'à un seul placement à un seul souscripteur, la Cour devrait alors se demander comment les autres unités ont été placées aux autres souscripteurs, et lors de quel appel public légal à l'épargne. Je suis d'accord avec le ministre qu'il serait absurde d'accepter qu'il y ait 149 appels publics illégaux à l'épargne, tant qu'il y ait au moins un appel public légal à l'épargne.

[202] L'appelant affirme que les sous-alinéas a)(i) et a)(ii) de l'article 4801 du Règlement ne prévoient pas que « toutes » les unités doivent faire l'objet du même appel public à l'épargne ou du même appel public légal à l'épargne; il peut n'y avoir qu'un seul appel public légal à l'épargne, s'il y a au moins 150 souscripteurs à ce moment.

[203] J'estime que cette interprétation est incompatible avec le système fermé de placement des valeurs mobilières qui prévaut au Canada, comme nous l'avons vu plus haut, et qu'elle n'en tient pas compte.

[204] Toutes les valeurs mobilières, sans exception, doivent faire l'objet d'un placement légal, avec dépôt de prospectus ou aux termes d'une dispense de prospectus « selon la législation provinciale ».

[205] La preuve non contestée est que l'appelant n'a entrepris qu'« un » appel public à l'épargne d'unités pour chaque fonds de revenu avec une notice d'offre et que l'émission d'unités à au moins 160 souscripteurs était une condition obligatoire selon la notice d'offre.

[206] Rien n'indique qu'il y avait déjà eu un appel public à l'épargne d'unités avec un prospectus ou en vertu de toute autre dispense. Les éléments de preuve sur cette question étaient sans équivoque.

[207] Bien qu'il ne soit pas nécessaire que la Cour se prononce dans l'abstrait, j'ajouterai qu'il serait possible (sous réserve des détails des lois sur les valeurs mobilières) d'émettre des titres avec un prospectus ou en se fondant sur différentes dispenses à différents moments (et peut‑être dans différentes provinces), étant donné l'utilisation des mots « ont, au plus tard à ce moment » à la division 4801a)(i)(A). Par exemple, une fiducie peut émettre des unités d'une valeur d'au moins 500 $ à 50 souscripteurs en se fondant sur la « dispense pour parents, amis et partenaires » et, à une date ultérieure (ou simultanément), si elle souhaite être une « fiducie de fonds commun de placement », procéder à un second placement d'unités d'une valeur d'au moins 500 $ à au moins 100 souscripteurs, au moyen d'une notice d'offre. Selon l'article 4801 du Règlement, si une catégorie d'unités a fait l'objet d'un appel public « légal » à l'épargne aux 50 souscripteurs initiaux, il y aurait un appel public légal à l'épargne selon la législation provinciale. Après le second placement, il y aurait « à ce moment » au moins 150 souscripteurs. Après avoir effectué deux placements « légaux » et avoir satisfait au critère des 150 souscripteurs, la fiducie serait une « fiducie de fonds commun de placement » conformément aux exigences de l'article 4801 du Règlement.

[208] Pour conclure cette question, compte tenu des termes non contestés de la notice d'offre et de l'aveu par l'appelant qu'il avait cherché à excéder les exigences minimales de la disposition, la Cour conclut en l'espèce qu'« un appel public légal à l'épargne [...] selon la législation provinciale » exigeait un placement à au moins 160 souscripteurs. Un placement à un nombre inférieur de souscripteurs ne serait pas un « appel public légal à l'épargne », car cela serait contraire au libellé précis de la notice d'offre. J'estime que cette interprétation du terme « appel public [...] à l'épargne » à l'article 4801 du Règlement est conforme au libellé de la disposition et mène à un résultat qui permet d'atteindre les objectifs de la loi et de donner effet à l'ensemble du régime légal.

f) Le sens du terme « légal » à la division 4801a)(i)(A)

[209] Comme indiqué ci-dessus, le ministre a fait valoir qu'en raison de plusieurs lacunes, l'appel public à l'épargne dont ont fait l'objet les unités des fonds de revenu n'était pas « légal », car il était contraire à la législation sur les valeurs mobilières, y compris la notice d'offre et ses modalités.

[210] Le dictionnaire « Oxford Dictionary » définit le terme « unlawful » (illégal) de la manière suivante : [TRADUCTION] « Interdit par la loi ou contraire à la loi; non conforme à la loi; non autorisé ou non reconnu; illicite, injuste, fautif ».

[211] Avant d'examiner en plus de détails les lacunes alléguées, je me pencherai sur les thèses des parties quant au sens du mot « légal ».

[212] Le ministre affirme qu'aux termes du système fermé de placement des valeurs mobilières, il est interdit à un émetteur de placer des valeurs mobilières à moins qu'un prospectus ait été déposé et approuvé avant le placement ou que l'émetteur ait satisfait aux exigences d'une dispense prévue par les règlements de portée pancanadienne ou de portée multilatérale, comme il est indiqué ci‑dessus. Le ministre affirme que ces exigences sont de rigueur et ont force de loi et doivent être rigoureusement respectées. Un placement qui ne serait pas rigoureusement conforme sera illicite et donc illégal.

[213] Le ministre invoque des décisions de la commission des valeurs mobilières de l'Alberta, notamment Re Homerun International Inc., 2014 ABASC 990 (Homerun), Re Cloutier, 2014 ABASC 170, et Re Bartel, 2008 ABASC 141 (Bartel). Toutes ces décisions portaient sur des émetteurs ou des particuliers accusés de s'être livrés à des opérations illégales ou au placement de valeurs mobilières alors qu'il n'existait aucune dispense aux exigences en matière de prospectus. Ces émetteurs et particuliers avaient également fait des déclarations interdites aux souscripteurs. Dans tous les cas, ces décisions portaient sur la conduite de l'émetteur ou de la personne en cause.

[214] Dans la décision Homerun, la commission a désigné les règles relatives aux placements dispensés comme étant les [TRADUCTION] « dispenses prescrites relatives à la collecte de capitaux », expliquant qu'elles avaient été adoptées pour [TRADUCTION] « aider la collecte de capitaux à des conditions qui préservent la protection des souscripteurs » (par. 82), et elle a ajouté [TRADUCTION] qu'« il incombe à la personne qui demande le bénéfice de la dispense d'inscription de démontrer qu'elle peut invoquer cette dispense et qu'elle respecte toutes les conditions et exigences de cette dispense [...] » (par. 83).

[215] De même, dans la décision Bartel, la commission a fait remarquer que [TRADUCTION] « les placements qui correspondent parfaitement aux exigences des dispenses ne seront pas illégaux », mais [TRADUCTION] qu'« il incombe [au promoteur] de prouver les faits nécessaires pour établir le recours à une ou plusieurs de ces dispenses » (par. 109). Elle a ensuite noté [TRADUCTION] qu'« on doit rigoureusement respecter ces dispenses » et que [TRADUCTION] « ceux qui invoquent les dispenses doivent connaître les règles et leur fonctionnement », en ajoutant que [TRADUCTION] « chacun est responsable des opérations qu'il effectue » (par. 127).

[216] Le ministre s'appuie également sur les décisions R. c. Del Bianco, 2008 ABPC 248, conf. par Del Bianco c. Alberta Securities Commission, 2004 ABCA 344 (Del Bianco), R. c. Boyle, 2001 ABPC 152 (Boyle), et Ironside c. Smith, 1998 ABCA 366 (Ironside). Dans cette dernière décision, la Cour a procédé à un examen détaillé de ce qu'elle a décrit comme [TRADUCTION] « le monde hautement réglementé de la législation sur les valeurs mobilières » (par. 18 à 30), en notant qu'il cherche à mettre en équilibre le double objectif de [TRADUCTION] « la protection des souscripteurs et de collecte efficace des capitaux » (par. 19) par la réglementation des émetteurs et des personnes participant au placement de valeurs mobilières en prévoyant [TRADUCTION] « des sanctions civiles et pénales [...] pour décourager les comportements frauduleux » (par. 21) et [TRADUCTION] « des définitions larges pour englober la plupart des placements avant d'exclure diverses opérations par voie de dispense » (par. 22).

[217] Dans les décisions Boyle et Del Bianco, des particuliers étaient accusés d'avoir contrevenu aux dispositions de la législation sur les valeurs mobilières en se livrant au placement illégal de valeurs mobilières et en omettant de se conformer à diverses ordonnances de la commission des valeurs mobilières de l'Alberta, notamment de cesser d'effectuer le placement de valeurs mobilières et de démissionner de leurs postes de dirigeant ou d'administrateur de tout émetteur. Dans la décision Boyle, la Cour provinciale de l'Alberta a affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION]

[18] [...] Dans un système fermé, toutes les « opérations » sur des « valeurs mobilières », toutes deux définies au sens large, doivent être entreprises en pleine conformité avec le régime réglementaire. Si l'émetteur de titres souhaite procéder « en dehors » de l'ensemble du système, il doit prendre lui‑même des mesures pour être dispensé de se conformer à diverses exigences légales.

[Je souligne.]

[218] Le ministre affirme que toutes ces décisions appuient l'affirmation générale selon laquelle, dans le système fermé de placement de valeurs mobilières, tous les placements doivent être effectués en stricte conformité avec la législation sur les valeurs mobilières. De plus, tout en reconnaissant que l'instruction générale du règlement 45‑106, « Dispense des prospectus », n'a pas force de loi, le ministre invoque le paragraphe 1.9(1), qui énonce ce qui suit :

Les dispenses de prospectus sont assorties de conditions précises. La personne qui s'en prévaut a la responsabilité de vérifier que les conditions sont satisfaites. Elle devrait conserver tous les documents nécessaires démontrant qu'elle s'est prévalue à bon droit de la dispense.

[219] L'appelant affirme que les lacunes alléguées sont sans conséquence, puisque le mot « légal » renvoie à ce qui est interdit par la loi et qui, par conséquent, est frappé de nullité. L'appelant affirme que le placement des unités était conforme aux exigences des règlements, et que même s'il n'était pas conforme aux règlements ou à la notice d'offre, comme l'a prétendu le ministre, cela ne le rendrait pas automatiquement illégal pour autant, puisqu'il ne serait qu'annulable.

[220] L'appelant se fonde notamment sur la décision de la Cour d'appel fédérale Still c. M.R.N., [1998] 1 C.F. 549 (Still), qui portait sur une citoyenne américaine qui avait été légalement admise au Canada afin de rejoindre son conjoint. En attendant l'examen de sa demande de résidence permanente, elle a accepté un emploi rémunéré sans permis de travail, contrairement aux dispositions de la législation sur l'immigration. Elle a été licenciée après plusieurs mois et a demandé des prestations d'assurance-chômage. Malgré la constatation qu'elle était de bonne foi et qu'elle avait payé les primes d'assurance‑chômage, sa demande de prestations a été refusée et le juge de première instance a confirmé la décision du ministre selon laquelle son défaut d'obtenir un permis de travail a donné lieu à un contrat de service illégal qui n'était pas un « emploi assurable ».

[221] En appel, la Cour d'appel fédérale a examiné la règle de l'illégalité en common law, en notant que selon le « modèle classique », « un contrat qui est soit explicitement soit implicitement interdit par une loi est considéré comme nul ab initio ». Avant de conclure que la demanderesse avait droit aux prestations d'assurance‑chômage, la Cour a noté que « le modèle classique [...] avait depuis longtemps perdu son pouvoir de persuasion et n'était plus appliqué d'une manière systématique ». Elle a ajouté :

[...] lorsqu'un contrat est explicitement ou implicitement interdit par une loi, un tribunal peut refuser d'accorder une réparation à une partie si, compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, y compris l'objet de l'interdiction en question, il était contraire à l'intérêt public, reflété dans la réparation demandée, de le faire.

[222] Je note que notre Cour a renvoyé à l'arrêt Still dans plusieurs décisions en matière d'assurance‑emploi, notamment les décisions Garland c. M.R.N., 2005 CCI 176 (par. 8), et Haule c. M.R.N., dossier no 98‑511‑UI (Haule). Ces décisions portaient sur des personnes qui s'étaient vu refuser des prestations d'assurance‑emploi en raison de la prétendue illégalité de leur contrat de travail. Le paragraphe de l'arrêt Still qui est le plus souvent cité est celui du juge Robertson :

[...] Comme la théorie de l'illégalité n'émane pas du législateur, mais du pouvoir judiciaire, c'est aux juges d'aujourd'hui qu'il appartient de faire en sorte que ses principes soient compatibles avec les valeurs contemporaines [...]

[Je souligne.]

[223] Dans la décision Haule, la juge Lamarre Proulx (plus tard juge en chef adjointe) a fait remarquer que « [c]omme la théorie de l'illégalité repose sur l'idée qu'il serait contraire à l'intérêt public d'autoriser une personne à exercer une action en vertu d'un contrat interdit par une loi, il n'est qu'opportun de définir les considérations générales qui l'emportent sur le droit apparent qu'a la requérante de toucher des prestations d'assurance‑chômage » (par. 21).

[224] L'appelant s'appuie également sur l'approche adoptée par la Cour suprême du Canada à l'égard de la théorie de l'illégalité dans l'arrêt Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298 (Continental). Dans cet arrêt, la Cour a examiné l'application de la règle en expliquant qu'elle comprend à la fois « l'illégalité en common law » et « l'illégalité d'origine législative » (par. 67). Selon la règle, « un contrat qui est prohibé par la loi ou dont l'objet est illégal sera déclaré nul même s'il respecte par ailleurs toutes les autres conditions de validité applicables » (par. 64).

[225] Au nom des juges majoritaires, la juge McLachlin (plus tard juge en chef) a indiqué que le fait qu'« un contrat est, en application de la doctrine de l'illégalité, nul ou inexécutable pour des raisons d'ordre public ne rend pas « unlawful » le contrat lui‑même ou son objet » (par. 116) et que, même si la Cour concluait (selon les faits de l'affaire) que la participation de la banque « dans la société en nom collectif devrait être nulle ou inexécutable pour des raisons d'ordre public », cela « ne signifie pas nécessairement que sa participation était « illegal » ou « unlawful » au sens traditionnel de ces mots » (par. 117, souligné dans l'original). Elle a conclu que « l'ordre public commande que les contraventions à la Loi sur les Banques n'entraînent pas l'invalidation de contrats et autres opérations » (par. 118, souligné dans l'original), expliquant en outre que la loi en question disposait expressément que « [l]es actes de la banque [...] ne sont pas nuls du seul fait qu'ils sont contraires à la présente loi » [24] . En fin de compte, la juge McLachlin a conclu que « la doctrine de l'illégalité ne s'applique pas en l'espèce » (par. 119).

[226] L'appelant s'appuie également sur l'arrêt Sidmay Ltd. c. Wehttam Investments Ltd., [1967] 1 O.R. 508 (C.A. Ont.) (Sidmay), conf. par [1968] R.C.S. 828, visant un débiteur hypothécaire qui cherchait à invalider une hypothèque en invoquant l'illégalité, puisque le prêteur n'était pas enregistré en vertu de la loi intitulée Loan and Trust Corporations Act [25] . Le juge de première instance a déclaré l'hypothèque [TRADUCTION] « nulle et non exécutoire », une conclusion qu'a rejetée la Cour d'appel de l'Ontario. Le juge Laskin a cité et approuvé la phrase suivante : [TRADUCTION] « Si le refus d'ordonner l'exécution ou la résiliation de l'entente illégale produit un effet néfaste sur les parties que la loi visait à protéger, l'exécution ou la résiliation, selon le cas, est permise » (par. 74).

[227] L'appelant affirme que les arrêts Still, Continental et Sidmay étayent tous la thèse générale selon laquelle même si certaines souscriptions d'unités des fonds de revenu ont été acceptées par erreur ou de façon contraire aux dispositions de la législation sur les valeurs mobilières, des règlements ou de la notice d'offre, elles seraient seulement annulables et non illégales. L'appelant affirme qu'une conclusion selon laquelle l'émission d'unités à certains souscripteurs était « illégale » pourrait également nuire à des tiers innocents qui n'étaient pas au courant de l'illégalité possible de l'opération.

Analyse

[228] Il ressort des décisions invoquées par le ministre que la législation sur les valeurs mobilières a évolué au fil du temps pour devenir un domaine juridique hautement réglementé visant à faciliter les efforts de collecte de capitaux tout en assurant la protection des souscripteurs.

[229] Plus précisément, la législation sur les valeurs mobilières prévoit des dispenses précises relatives à la collecte de capitaux pour remplacer le processus plus onéreux de dépôt d'un prospectus, mais on doit rigoureusement respecter les exigences, et les opérations [TRADUCTION] « doivent être entreprises en pleine conformité avec le régime réglementaire ». Seuls [TRADUCTION] « les placements qui correspondent parfaitement aux exigences des dispenses ne seront pas illégaux » (Bartel), ce qui indique que tous les autres seront considérés comme illégaux.

[230] J'en viens maintenant à l'arrêt Still sur la question de l'illégalité d'origine législative. Il n'est pas tout à fait clair comment cet arrêt s'applique aux faits de l'espèce, puisque notre Cour n'a pas été saisie de la question du caractère exécutoire des souscriptions entre les différents détenteurs d'unités et les fonds de revenu, et de la question de savoir si elles sont annulables ou totalement nulles. La seule question est de savoir si l'appel public à l'épargne était « légal » selon l'article 4801 du Règlement. Dans l'arrêt Still et dans les décisions Garland et Haule, les demandeurs avaient tous exercé un emploi rémunéré et la question essentielle visait leur droit aux prestations prévu par la loi. En l'espèce, le ministre ne cherche pas à priver les souscripteurs de leur droit aux distributions des fonds de revenu au prorata, et encore moins des droits prévus par la loi.

[231] De même, l'arrêt Sidmay portait sur le caractère exécutoire d'une hypothèque qu'on affirmait nulle pour cause d'illégalité. Mais le juge Laskin a rejeté cette thèse en concluant que [TRADUCTION] « l'interdiction de la loi vise uniquement le créancier hypothécaire » (par. 61) et que l'hypothèque était exécutoire. Comme indiqué ci‑dessus, le ministre ne cherche pas à obtenir une déclaration selon laquelle les souscriptions contestées sont nulles ou annulables; la question est seulement de savoir si les unités ont fait l'objet d'un « appel public légal à l'épargne » pour déterminer si les fonds de revenu satisfont aux exigences de l'article 4801 du Règlement.

[232] Il est pertinent de noter que dans l'arrêt Continental, la juge McLachlin a conclu que « la doctrine de l'illégalité ne s'applique pas en l'espèce » (par. 119), ce qui laisse entendre que ses commentaires sur la question étaient en grande partie des observations incidentes. Toutefois, même si la Cour examine l'application de la règle, il convient de répéter qu'elle repose sur le principe que des considérations d'ordre public exigent qu'on ne fasse pas simplement abstraction d'un contrat contesté qui serait interdit par la loi. Comme il est indiqué dans la décision Haule, dans de telles circonstances, la Cour ne doit que déterminer les considérations d'ordre public qui l'emporteraient sur une conclusion d'illégalité.

[233] En l'espèce, la Cour doit déterminer la validité des cotisations pour lesquelles le ministre a supposé que l'appelant n'avait pas effectué « un appel public légal à l'épargne dans une province », de sorte que les fonds de revenu n'étaient pas un « placement admissible » pour un REÉR. Si la Cour conclut que l'émission d'unités à certains souscripteurs était contraire aux exigences de la dispense et de la notice d'offre, alors les fonds de revenu seraient néanmoins des fiducies ordinaires (en supposant qu'ils existent encore aujourd'hui). À l'exception de l'appelant (et peut‑être de M. Sutherland et de M. MacLennan, qui ont acquis des unités avec leurs REÉR respectifs), les autres détenteurs d'unités ne seraient pas touchés par la décision de la Cour.

[234] La question qui se pose à la Cour est celle du sens du mot « légal ». Pour trancher cette question, la Cour doit examiner si les fonds de revenu ont été constitués légalement et correctement et s'ils étaient conformes à la législation sur les valeurs mobilières. Respectent‑ils la définition du terme « fiducie de fonds commun de placement » à l'article 4801 du Règlement et, plus précisément, y a‑t‑il eu « un appel public légal à l'épargne dans une province » ou, autrement dit, les fonds de revenu sont‑ils des « placements admissibles » pour un REÉR?

[235] Pour mieux situer le cadre analytique, il convient de répéter que dans le domaine fiscal, la forme compte beaucoup. Il ne suffit pas que l'appelant ait eu l'intention, de bonne foi ou non, d'émettre des unités à au moins 160 souscripteurs par fonds de revenu. Dans l'arrêt de principe R. c. Friedberg, [1991] A.C.F.no 1255 (QL) (C.A.F.), le juge Linden a déclaré ce qui suit :

En droit fiscal, la forme a de l'importance. [...] Lorsqu'un contribuable prend certaines dispositions formelles à l'égard de ses affaires, il peut s'ensuivre d'importants avantages fiscaux, quand bien même ces dispositions seraient prises principalement dans le but d'éviter des impôts (voir La Reine c. Irving Oil, 91 D.T.C. 5106, le juge Mahoney, J.C.A.). [...] Toutefois, si un contribuable omet de prendre les mesures formelles appropriées, peut-être que des impôts devront être payés. [...] Bien que la preuve de l'intention puisse parfois aider les tribunaux à clarifier des marchés, elle est rarement déterminante. En résumé, la preuve d'une intention subjective ne peut servir à « rectifier » des documents qui s'orientent clairement vers une direction précise.

[Non souligné dans l'original.]

[236] Je conclus qu'un appel public est « légal » et répond aux exigences de l'alinéa a) de l'article 4801 du Règlement s'il est conforme à la législation provinciale et si soit i) l'appel public est conforme à l'une des nombreuses règles sur les dispenses (où un prospectus n'est pas requis) et les titres sont placés conformément à cette dispense, soit ii) les titres peuvent être placés parce qu'on a déposé un prospectus et que le placement est conforme au prospectus.

[237] En l'espèce, malgré l'affirmation de l'appelant selon laquelle il [TRADUCTION] « a pu s'appuyer sur plusieurs dispenses », on ne peut sérieusement contester qu'il s'est fondé exclusivement sur la dispense pour notice d'offre. Les rapports déposés aux commissions des valeurs mobilières lors du premier placement confirment que tous les souscripteurs inscrits, sans exception, y compris l'appelant et ses entités apparentées, se sont prévalus de cette dispense. La question est de savoir si le placement a respecté les exigences de la législation sur les valeurs mobilières, y compris la dispense pour notice d'offre et la notice d'offre elle‑même.

g) La non-divulgation du poste occupé

[238] Comme on l'a vu plus haut, les rapports comprenaient une annexe indiquant le nom et l'adresse des souscripteurs, la dispense invoquée et le « poste » de chacun d'eux.

[239] Le ministre affirme que l'appelant n'a pas indiqué le « poste » détenu par l'un ou l'autre des souscripteurs, y compris l'appelant lui‑même, ni Bruce MacLennan pour les fonds de 2003 ou Deborah Nickerson pour les fonds de 2006. Le ministre affirme qu'il s'agissait d'une déclaration fausse.

[240] La ASA donne une définition large du mot « misrepresentation » (déclaration fausse ou trompeuse) [26] comme étant [TRADUCTION] « une déclaration erronée au sujet d'un fait important » ou [TRADUCTION] « l'omission de relater un fait important dont la déclaration est requise » ou, enfin, [TRADUCTION] « l'omission de relater un fait important dont la déclaration est nécessaire pour que la déclaration ne soit pas trompeuse ». La BCSA contient une définition similaire.

[241] L'annexe en question mentionnait un certain « Jim Grenon » en tant que souscripteur, mais indiquait que son poste était « aucun ». L'appelant a expliqué dans son témoignage que son personnel le connaissait sous ce nom et qu'il avait préparé le formulaire en conséquence, ce qui laisse penser qu'il s'agissait d'une erreur d'écriture. L'absence d'identification de son poste aurait également été une erreur d'écriture. L'appelant a indiqué que quoi qu'il en soit, il avait signé la page de couverture adressée à la commission des valeurs mobilières et les rapports en sa qualité de fiduciaire et que son rôle de promoteur était décrit dans la notice d'offre.

[242] Je note que la suggestion de l'appelant qu'il s'agissait d'une erreur d'écriture n'est pas corroborée. La page de couverture était signée par l'appelant sous les mots dactylographiés [TRADUCTION] « James T. Grenon — Fiduciaire ». Si ce « Jim Grenon » était l'appelant, la Cour doit se demander pourquoi son poste n'a pas été précisé et pourquoi cette erreur a été répétée dans au moins six rapports, qui ont également omis de désigner les autres fiduciaires.

[243] En outre, la Cour note que les employés de l'appelant ont été suffisamment diligents et attentifs aux détails pour répertorier de nombreuses entités apparentées à l'appelant dans les rapports de 2003 et au moins 14 autres souscripteurs ayant la même adresse et le même numéro de téléphone que Tom Capital Consulting, y compris Grencorp, Tom Capital et Tom Consulting Limited Partnership, et au moins cinq sociétés à dénomination numérique de l'Alberta, dont deux mentionnées ci‑dessus dont l'appelant avait la propriété exclusive.

[244] Il est difficile de croire qu'il s'agissait de simples erreurs d'écriture et, à tout le moins, cela soulève de sérieuses réserves quant à la manière dont le placement a eu lieu.

[245] Cela dit, bien que je trouve que le témoignage de l'appelant sur cette question n'était pas crédible, je ne peux pas conclure que le fait de ne pas décrire son « poste » ou celui des autres fiduciaires dans les annexes des rapports constituait une « présentation erronée des faits » ou « l'omission de relater un fait important dont la déclaration est requise ». En fin de compte, les rapports indiquaient néanmoins que l'appelant était le fiduciaire et le promoteur des fonds de revenu.

h) La souscription et l'acquisition d'unités par des mineurs

[246] Pour les motifs exposés ci‑dessus, la Cour a conclu que 39 souscripteurs des fonds de revenu de 2003 et 31 souscripteurs des fonds de revenu de 2006 étaient des mineurs. Dans son témoignage, l'appelant a indiqué que cela ne le préoccupait pas du tout, car il estimait [TRADUCTION] qu'« un enfant peut détenir des actions ».

[247] Bien qu'il y ait un certain désaccord quant à l'âge réel des mineurs en question, l'affidavit de Helen Little fournit des dates de naissance et, en réponse aux demandes d'aveux, l'appelant a indiqué qu'il n'avait aucune raison de croire que les mineurs en cause n'étaient pas mineurs.

[248] Dans tous les cas, les souscriptions ont été acceptées et les unités ont été émises aux mineurs [TRADUCTION] « tels que désignés » et, au fil des ans, il y a eu des distributions au prorata en conséquence. Le témoignage de l'appelant sur ce point a été corroboré par les témoins des faits.

[249] L'appelant soutient que conformément à la common law, les mineurs [27] peuvent acquérir des biens, y compris des valeurs mobilières, et conclure des contrats. Selon la common law, les contrats conclus avec des mineurs sont, en principe, annulables (à l'exception des contrats portant sur des objets de première nécessité) et les mineurs peuvent les résilier lorsqu'ils atteignent l'âge de la majorité. Ces règles de common law ont été intégrées dans les lois. Par exemple, la loi pertinente de la Colombie‑Britannique prévoit qu'un contrat avec un mineur n'est exécutoire que s'il est [TRADUCTION] « confirmé par le mineur à sa majorité » ou [TRADUCTION] « n'est pas répudié par le mineur dans l'année qui suit sa majorité » [28] . En common law, « tous les documents et contrats d'un mineur sont annulables seulement », et non nuls ab initio : Rex c. Rash (1923), 53 O.L.R. 245 (C.A. Ont.) (par. 49).

[250] L'appelant s'appuie également sur un article intitulé « The Present Law of Infants' Contracts » [29] (L'état actuel du droit sur les contrats des mineurs) pour affirmer que [TRADUCTION] « tout contrat conclu par un mineur en vue de l'achat ou de l'acquisition d'actions est annulable au gré du mineur, mais est valide jusqu'à ce qu'il soit répudié ». Je note que cet article est antérieur à l'introduction du système fermé en 1979, comme il est décrit ci‑dessus. Il ne traite pas non plus expressément de l'émission de titres conformément à une notice d'offre.

[251] L'appelant soutient également que les tuteurs peuvent conclure des contrats juridiquement contraignants au nom des mineurs et qu'ils pouvaient donc légalement signer les documents de souscription en leur nom. En Alberta, la loi intitulée Domestic Relations Act, R.S.A. 2000, ch. D-14 (paragraphe 50(1) (remplacée à partir de 2013 par la loi intitulée Family Law Act (Loi sur le droit de la famille), S.A. 2003, ch. F-4.5), prévoit que les parents sont les tuteurs conjoints d'un enfant. Il existe une loi semblable en Colombie‑Britannique : Family Law Act, S.B.C. 2011, ch. 25, art. 39.

[252] La meilleure façon de présenter la thèse de l'appelant sur cette question est la suivante : [TRADUCTION] « La tutelle est un concept juridique précis et prescrit par la loi pour traiter de la relation relativement unique entre les enfants et les parents. [...] Le tuteur agit au nom de l'enfant de telle sorte que, dans un contexte commercial, toute partie cherchant à traiter avec les biens de l'enfant peut, en passant par le tuteur, obtenir un accord exécutoire [30] . »

[253] Le ministre ne semble pas être en désaccord avec la règle générale selon laquelle les mineurs peuvent acquérir des biens et que les tuteurs peuvent signer des contrats au nom d'un mineur. Il s'appuie sur la jurisprudence susmentionnée selon laquelle, dans le système fermé de placement de titres, un placement de titres est illégal si on ne respecte pas rigoureusement les exigences de la dispense.

[254] Plus précisément, le ministre a insisté sur l'article 5 des modalités, intitulé [TRADUCTION] « Déclarations, garanties et engagements du souscripteur », comme indiqué ci‑dessus, et a conclu qu'il était contraire à la dispense et à la notice d'offre que des mineurs acquièrent des unités. De même, le ministre a affirmé que la reconnaissance des risques est un formulaire prescrit et qu'un tuteur ne peut apposer sa signature dans le bloc de signature préimprimé. Enfin, le ministre a affirmé que lorsque l'appelant a déposé les rapports à la commission des valeurs mobilières en indiquant le nom et l'adresse de tous les souscripteurs, tout en ayant connaissance des souscriptions par des mineurs, il s'agissait d'une « déclaration fausse ou trompeuse », de sorte que le placement était contraire à la dispense et à la notice d'offre et n'était donc pas « un appel public légal à l'épargne ».

[255] Je juge qu'il y a des raisons impérieuses d'accepter les arguments du ministre.

[256] À titre d'observation préliminaire, je note que l'affirmation de l'appelant selon laquelle les mineurs peuvent détenir des actions est erronée, ou du moins trop simpliste. Dans le cas des sociétés fermées, où les titres sont généralement placés en vertu de la « dispense pour émetteur privé » ou de la « dispense pour parents, amis et partenaires », il se peut que des actions soient couramment émises à des mineurs sans autre préoccupation. Comme l'a fait remarquer l'appelant, la Loi elle‑même contient des dispositions visant à réattribuer les revenus de dividendes aux adultes [31] ou à imposer le revenu fractionné (« kiddie tax ») [32] . Cependant, je note que, sauf pour ces exceptions, même les titres qui peuvent faire l'« objet d'un appel public à l'épargne » (c.‑à‑d. pour lesquels on a déposé un prospectus à la commission des valeurs mobilières compétente) et qui sont négociés en bourse ne peuvent être acquis par des mineurs, sauf en utilisant un compte de tuteur ou un compte « en fiducie » géré par un adulte. Aucune preuve n'a été produite sur cette question, mais je prends connaissance d'office du fait que les courtiers en valeurs mobilières au Canada n'ouvrent pas de comptes de placement pour les mineurs, parce qu'ils n'ont pas la capacité de donner des directives. Compte tenu des risques inhérents à la possession de titres, il n'est guère rassurant pour les courtiers en valeurs mobilières de savoir que les titres acquis pour des mineurs ne sont qu'« annulables » jusqu'à l'âge de la majorité.

[257] En l'espèce, nous avons affaire à la dispense pour notice d'offre et à des titres qui ne peuvent faire l'objet d'un appel public à l'épargne, et le droit applicable, tel qu'il est énoncé dans les règlements, dispose que la notice d'offre et la reconnaissance des risques doivent « avoir la forme requise », comme il est indiqué aux articles 4.2 et 4.5 du règlement précité. La Cour doit en déduire que la « forme » ne pouvait être modifiée, sauf disposition contraire.

[258] Il n'est pas contesté que la notice d'offre avait la forme requise et qu'elle comprenait diverses annexes, dont une « convention de souscription ». Les modalités qui y apparaissent comprenaient la déclaration selon laquelle les souscripteurs avaient atteint l'âge de la majorité et avaient la capacité juridique et les compétences nécessaires.

[259] Plus important encore, l'alinéa 5k) comprenait une déclaration quant aux [TRADUCTION] « aptitudes du souscripteur » indiquant que le souscripteur possédait [TRADUCTION] « des connaissances, des compétences et de l'expérience en matière de commerce, de finances et de placements », et qu'il était [TRADUCTION] « en mesure d'évaluer les bénéfices et les risques d'un placement dans les unités » et que si [TRADUCTION] « cela est nécessaire » il avait obtenu [TRADUCTION] « des conseils professionnels appropriés concernant les droits et les conséquences en matière d'investissement, de fiscalité et de droit de cette souscription ».

[260] Il est vrai, comme l'a fait valoir l'appelant, que la convention de souscription elle‑même n'était pas une formule prescrite. Toutefois, étant donné qu'elle était jointe à la notice d'offre (et qu'elle figurait dans la table des matières) qui a été remise aux souscripteurs et déposée ultérieurement à la commission des valeurs mobilières, j'estime qu'elle était indissociable de la formule réglementaire. La formule 45‑103F1 pour les notices d'offre, intitulée [TRADUCTION] « Directives pour remplir la notice d'offre pour les émetteurs non admissibles », indique ce qui suit :

[TRADUCTION]

5.2 Constitue une infraction le fait de faire une déclaration fausse ou trompeuse dans la notice d'offre. Cela s'applique tant aux renseignements qui doivent apparaître dans la formule qu'aux renseignements supplémentaires fournis.

[Je souligne.]

[261] J'estime que la convention de souscription et les modalités de souscription étaient indivisibles ou faisaient partie intégrante de la notice d'offre. Il ne s'agissait pas simplement de documents supplémentaires dont l'appelant pouvait faire abstraction s'il le jugeait opportun.

[262] La Cour admet que la législation applicable en matière de valeurs mobilières n'interdit pas expressément la vente de valeurs mobilières à des mineurs. Cela amène l'appelant à conclure qu'il n'était donc pas « illégal » de le faire. Cependant, la Cour ne peut être d'accord et doit conclure que dans « le monde hautement réglementé de la législation sur les valeurs mobilières » (Ironside), où les émetteurs sont tenus de se conformer rigoureusement aux dispenses relatives à la collecte de capitaux (Bartel, Homerun, Del Bianco et Doyle), il s'ensuit qu'ils doivent également se conformer rigoureusement à la dispense et à la notice d'offre.

[263] Un examen de la notice d'offre et des pièces jointes mentionnées ci‑dessus, ainsi que du formulaire prescrit de reconnaissance des risques, m'amène à conclure que les documents de souscription ne pouvaient être signés que par des personnes qui avaient la capacité juridique de le faire et qui étaient en mesure de déclarer qu'elles avaient « des connaissances, des compétences et de l'expérience » requises et qu'elles étaient « en mesure d'évaluer les bénéfices et les risques » du placement et de demander « des conseils professionnels appropriés » si cela est nécessaire. Par définition, les mineurs n'ont pas la capacité juridique pour remplir ces conditions. Dans ce contexte, il importe peu qu'en common law, un contrat signé par un mineur ne soit qu'annulable.

[264] Par conséquent, je rejette l'affirmation selon laquelle l'appelant, en tant que fiduciaire, [TRADUCTION] « avait le pouvoir discrétionnaire d'apporter des modifications non importantes au formulaire » [33] ou que les exigences relatives à l'âge de la majorité ou aux aptitudes du souscripteur indiquées ci‑dessus étaient de simples conditions contractuelles auxquelles l'appelant pouvait renoncer lorsqu'il savait [TRADUCTION] « que les déclarations du souscripteur n'étaient pas exactes ou remplies » [34] . L'appelant s'appuie sur les arrêts Kempling v. Hearthstone Manor Corp., 1996 ABCA 254, et Saskatchewan River Bungalows Ltd. c. La Maritime, Compagnie d'assurance‑vie, [1994] 2 R.C.S. 490, pour étayer l'affirmation générale selon laquelle [TRADUCTION] « une partie à un contrat peut renoncer à une stipulation ou à une condition du contrat à son avantage ». Toutefois, aucune de ces décisions ne portait sur l'émission de titres à des mineurs.

[265] La notice d'offre aurait pu indiquer qu'une déclaration donnée était insérée au profit de l'émetteur et qu'il était possible d'y renoncer à tout moment avant la clôture. Cependant, en l'espèce, il n'y a pas d'indications de ce genre. Le fait que l'article 6 des modalités indique que [TRADUCTION] « les fiduciaires et leurs avocats » tiendraient compte des déclarations pour déterminer si le souscripteur peut acheter des unités n'aide pas l'appelant. Après avoir conclu que les souscripteurs étaient des mineurs, l'appelant aurait dû les rejeter ou prendre des mesures concrètes pour corriger la situation, par exemple en modifiant les documents. Aucune mesure de ce type n'a été prise.

[266] De même, il est clair que les mineurs n'avaient pas la capacité juridique de signer la reconnaissance des risques et la Cour doit conclure, compte tenu du libellé et du droit applicable aux mineurs, que les commissions des valeurs mobilières de l'Alberta et de la Colombie‑Britannique avaient l'intention que ce document ne soit signé que par des souscripteurs adultes ayant la capacité juridique.

[267] Je note entre parenthèses que ce formulaire n'est pas requis dans le cas de la « dispense pour émetteur privé », lorsqu'il n'y a que 50 souscripteurs étroitement liés à l'émetteur ou réputés être étroitement liés à l'émetteur [35] ou dans le cas de la « dispense pour parents, amis et partenaires », qui ne s'applique également qu'à des personnes étroitement liées à l'émetteur ou réputées être étroitement liées à l'émetteur. Dans le cas de ces deux dispenses, un document de divulgation n'est également pas nécessaire, et nous pouvons donc conclure que les législateurs de l'Alberta et de la Colombie‑Britannique ont cherché à assouplir les règles uniquement pour une catégorie restreinte et assez bien définie de souscripteurs qui n'étaient pas considérés comme ayant besoin de protection, assurant ainsi l'atteinte des objectifs de faciliter la collecte de capitaux et de protéger les souscripteurs.

[268] On ne peut pas en dire autant de la dispense pour notice d'offre, car les titres sont distribués à une catégorie beaucoup plus large de souscripteurs, que l'on peut décrire comme « le public » au sens traditionnel, même si certains souscripteurs peuvent être étroitement liés au promoteur, comme des parents, amis et partenaires, par exemple.

[269] Puisque l'appelant a choisi de s'appuyer sur la dispense pour notice d'offre, comme le confirment les rapports, on doit supposer que les souscripteurs éventuels étaient réputés ne pas être étroitement liés à l'émetteur (il est sans importance qu'ils le soient ou non) et qu'ils étaient donc réputés avoir besoin de protection. Cela est évident, puisqu'on exigeait un document de divulgation relativement détaillé (la notice d'offre) et une reconnaissance des risques, le tout selon la forme prescrite. Cela indique que la dispense invoquée en l'espèce visait à garantir que l'objectif de protection des souscripteurs ait la priorité, étant donné l'absence présumée d'un lien étroit avec l'émetteur. À ce titre, tous les souscripteurs, sans exception (même ceux qui sont étroitement liés à l'appelant), étaient tenus de respecter les exigences de la dispense et de la notice d'offre.

[270] À ce stade, je mentionnerai qu'au cours de l'audience, l'appelant a déposé les pièces A‑2 et A‑3, censées fournir une liste des souscripteurs qu'il ne connaissait pas bien ou qui n'avaient pas de liens étroits avec lui. J'estime que cette liste est sans importance pour les motifs exposés ci‑dessus. Puisque l'appelant a choisi de s'appuyer sur la dispense pour notice d'offre, tous les souscripteurs éventuels, sans exception, y compris ceux que l'appelant connaissait bien ou qui étaient étroitement liés à lui, étaient tenus de signer les documents de souscription.

[271] L'appelant ne pouvait pas s'appuyer sur d'autres dispenses relatives à la collecte de capitaux de façon occasionnelle ou au besoin. C'est ce qui ressort des décisions susmentionnées. Il s'est appuyé sur la dispense pour notice d'offre, comme l'indiquent les rapports. En l'espèce, il est sans pertinence [TRADUCTION] qu'« il ait pu s'appuyer sur d'autres dispenses ». Il pourrait être possible de s'appuyer sur plusieurs dispenses, mais il n'est pas possible de le faire après coup. Comme il est indiqué dans l'arrêt Boyle, précité, l'appelant aurait été tenu de [TRADUCTION] « prendre lui‑même des mesures pour être dispensé de se conformer à diverses exigences légales » (par. 18). Il ne l'a pas fait.

[272] En ce qui concerne les documents de souscription signés par des personnes censées agir en tant que tuteurs pour des mineurs et ceux signés par des adultes non apparentés pour des mineurs, j'estime qu'une analyse similaire s'applique. Compte tenu de la nature hautement réglementée du domaine des valeurs mobilières et du système fermé de placement des valeurs mobilières, l'appelant ne pouvait pas simplement renoncer à l'exigence que les souscripteurs aient l'âge de la majorité en faisant signer les formulaires de souscription par des tuteurs ou d'autres adultes au nom de mineurs qui n'étaient pas leurs enfants. Cela n'était pas autorisé et était contraire aux modalités, et était donc illégal.

[273] Le fait que les tuteurs puissent lier les mineurs en vertu du droit des contrats ordinaire, comme je l'ai examiné ci‑dessus, n'aide pas l'appelant en l'espèce. Il en est ainsi parce que la jurisprudence a établi que les dispenses relatives à la collecte de capitaux doivent être interprétées et appliquées de manière rigoureuse et que les pièces jointes à la notice d'offre exigeaient clairement que les souscripteurs aient [TRADUCTION] « atteint l'âge de la majorité » et aient [TRADUCTION] « la capacité juridique et la compétence » pour signer les documents de souscription. Si des tuteurs ou d'autres personnes pouvaient signer les documents, les modalités l'auraient indiqué.

[274] Si la Cour devait accepter que les documents de souscription puissent être signés par les tuteurs ou d'autres adultes pour des mineurs, il faudrait ajouter au libellé quasi légal de ces formulaires. Ce n'est pas autorisé.

[275] En fin de compte, j'estime que cette interprétation est conforme à la mise en garde au paragraphe 1.9(4) de l'instruction générale, intitulée « Responsabilité à l'égard du respect des conditions d'une dispense et vérification de la qualité du souscripteur ou de l'acquéreur », qui indique que la personne qui se prévaut des dispenses « a la responsabilité de vérifier que les conditions sont satisfaites ».

[276] Comme indiqué plus haut, le règlement dispose que la notice d'offre et la reconnaissance des risques doivent avoir la « forme prescrite ». Cela doit être interprété comme signifiant qu'elles ne pouvaient être modifiées en aucune façon, notamment pour prévoir qu'un tuteur ou un autre adulte signe, à moins que cela ne soit autorisé par une autre disposition.

[277] Pour confirmer cette idée, l'article 8 des modalités stipule : [TRADUCTION] « Ni la présente convention de souscription ni ses dispositions ne seront modifiées ou résiliées sauf par un acte écrit ». Bien que cela indique qu'il aurait pu être possible de modifier les modalités, aucune preuve n'indique qu'on ait préparé un tel document.

[278] L'appelant aurait pu préparer et remettre une notice d'offre modifiée. Il ne l'a pas fait. Il aurait pu demander à la commission des valeurs mobilières « une dispense de l'application de tout ou partie des dispositions du présent règlement » [36] . Rien n'indique qu'on ait demandé ou reçu une dispense.

[279] En ce qui concerne la question d'une « déclaration fausse ou trompeuse », il s'agit, comme indiqué ci-dessus, de l'« omission de relater un fait important dont la déclaration est requise ». J'estime que cela concerne principalement le contenu de la notice d'offre, notamment les objectifs commerciaux de l'émetteur, l'utilisation du produit de la souscription et les droits contractuels des détenteurs d'unités, par exemple. C'est ce qui ressort de l'attestation, comme il est mentionné ci‑dessus, qui indique que la notice d'offre est exacte et que la [TRADUCTION] « notice d'offre ne contient aucune déclaration fausse ou trompeuse ».

[280] Toutefois, l'obligation qu'il n'y ait pas de « déclaration fausse ou trompeuse » s'applique également aux rapports, puisque le formulaire prescrit contenait un avertissement similaire en caractères gras et en majuscules. Compte tenu des conclusions auxquelles je suis parvenu quant aux obligations d'un émetteur dans le système fermé de placement de valeurs mobilières, la nécessité d'assurer la protection des souscripteurs et l'interdiction expresse d'émettre des valeurs mobilières à des mineurs dans la notice d'offre, j'estime que l'appelant a fait une déclaration fausse ou trompeuse lorsqu'il a déposé à la commission des valeurs mobilières une liste des souscripteurs comprenant des mineurs.

[281] L'appelant a fait valoir qu'une conclusion selon laquelle certaines souscriptions étaient illégales et pas d'autres signifierait que toutes les souscriptions étaient en quelque sorte liées entre elles, ce qui n'était pas souhaitable du point de vue de l'intérêt public. Je rejetterais cette analyse d'emblée, puisque les fonds peuvent continuer à exister en tant que fiducies ordinaires avec un nombre réduit de bénéficiaires, au besoin. Le nombre de souscripteurs requis en l'espèce découlait de la notice d'offre préparée par l'appelant et de sa tentative d'établir une « fiducie de fonds commun de placement » pour un REÉR. Si la fiducie n'a réussi à émettre des unités qu'à un nombre moindre de souscripteurs, elle aurait pu modifier la notice d'offre pour indiquer que le nombre minimal de souscripteurs avait été modifié.

[282] L'appelant ne peut, dans la présente instance, se fonder sur sa propre erreur ou sa propre interprétation erronée des exigences des règlements, de la dispense ou de la notice d'offre. Même s'il croyait à tort que les unités avaient été émises en pleine conformité avec la loi sur les valeurs mobilières, cela ne constituerait toujours pas un « appel public légal à l'épargne » selon la Loi ou l'article 4801 du Règlement. Il ne peut pas non plus s'appuyer sur le fait qu'il n'y ait pas eu de plainte ou de procédure d'exécution ou que des unités aient été émises à des mineurs et à d'autres souscripteurs qui ont reçu des distributions au prorata au fil des ans. Ces facteurs ne sont tout simplement pas pertinents dans la présente instance.

[283] J'ai indiqué ci‑dessus que la règle de l'illégalité ne s'appliquait pas à la présente analyse, car la seule question dont la Cour était saisie était la validité des cotisations en vertu de la Loi et la conformité à l'article 4801 du Règlement. Cela dit, si j'examine pour un instant l'application de la règle de l'illégalité, je n'ai qu'à me tourner vers l'arrêt Still de la Cour d'appel fédérale (une décision invoquée par l'appelant), selon lequel « lorsqu'un contrat est explicitement ou implicitement interdit par une loi, un tribunal peut refuser d'accorder une réparation [...] si, compte tenu de toutes les circonstances en l'espèce, y compris l'objet de l'interdiction en question, il était contraire à l'intérêt public [...] de le faire ». Un commentaire similaire apparaît dans la décision Haule, précitée.

[284] En l'espèce, comme l'a établi la jurisprudence, le système fermé d'émission de titres impose le respect rigoureux des dispenses décrites dans les règlements. Par extension, la dispense pour notice d'offre exige le strict respect de la notice d'offre, y compris des modalités. L'objet de ces dispositions est la protection des souscripteurs.

[285] Dans la décision Gupta, précitée, la Cour a conclu qu'il y avait « un appel public légal à l'épargne » lorsque le contribuable n'a pas déposé de prospectus, mais a obtenu une dispense de la commission provinciale des valeurs mobilières. La Cour a souligné ce qui suit :

4.03.9 [...] En dispensant l'appelante de la production d'un prospectus à l'article 263 de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, la Commission des valeurs mobilières du Québec détermine un certain nombre de conditions [...] pour la protection des acheteurs. De fait, la protection des acheteurs de valeurs mobilières constitue le principal fondement de la législation concernant les valeurs mobilières.

[Je souligne.]

[286] Cela a été confirmé plus tard par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), [2001] 2 R.C.S. 132, 2001 CSC 37, où elle a conclu que l'objet de la loi et de l'intérêt public du régime législatif régissant l'émission de valeurs mobilières comprenait la protection des souscripteurs, l'efficacité des marchés financiers ainsi que la confiance du public en ceux‑ci.

[287] Dans le cas d'une offre de valeurs mobilières exonérée reposant sur la dispense pour notice d'offre, où les souscripteurs sont réputés ne pas être liés à l'émetteur ou au promoteur, j'estime que l'objet de l'intérêt public général est la protection des souscripteurs. Par conséquent, je n'ai aucune difficulté à conclure que l'émission d'unités aux mineurs, directement ou par leurs tuteurs ou d'autres adultes, était contraire à cet intérêt public.

[288] Pour reprendre la citation du juge Robertson : « Comme la théorie de l'illégalité n'émane pas du législateur, mais du pouvoir judiciaire, c'est aux juges d'aujourd'hui qu'il appartient de faire en sorte que ses principes soient compatibles avec les valeurs contemporaines » (Still, précité). J'estime que ces « valeurs contemporaines » font implicitement partie des règlements, de la dispense et de la notice d'offre, et qu'il n'y a aucune raison pour que notre Cour, dans un appel en matière fiscale, ferme les yeux et accorde une réparation à l'appelant ou conclue que les souscriptions des mineurs étaient légales selon la Loi.

[289] Compte tenu des décisions examinées ci‑dessus, je ne doute guère que les commissions des valeurs mobilières de l'Alberta et de la Colombie‑Britannique seraient parvenues à une conclusion similaire si on avait déposé une plainte, ce qui aurait pu déclencher une procédure d'exécution ou de conformité.

[290] Il est important de comprendre que, contrairement au placement de titres en vertu d'un prospectus qui est déposé, examiné et approuvé par la commission des valeurs mobilières, toutes les règles relatives aux dispenses, y compris la dispense pour notice d'offre, exigent seulement le « dépôt » d'un rapport prescrit [TRADUCTION] « dans le ressort où le placement a lieu, au plus tard 10 jours après le placement » [37] . Ces rapports sont déposés pour assurer un niveau minimal de surveillance réglementaire, mais ils ne sont pas examinés, sauf en cas de plainte ou d'autre raison de faire des recherches [38] .

[291] Compte tenu de ce qui précède, je n'ai aucune difficulté à conclure que toutes les souscriptions des mineurs, que les documents aient été signés par les mineurs eux-mêmes, par leurs tuteurs ou par d'autres adultes non apparentés, étaient illégales selon le sens de ce terme dans les décisions Bartel, Homerun, Del Bianco et Doyle, précitées, parce que contraires à la législation sur les valeurs mobilières et aux règlements. Elles étaient donc illégales.

[292] Par conséquent, toutes les souscriptions des mineurs doivent être écartées lors de la présente analyse et de la conformité à l'article 4801 du Règlement.

i) La souscription d'unités par des adultes pour d'autres adultes

[293] Le ministre affirme qu'au moins 20 adultes ont acquis des unités des fonds de 2006 sans avoir signé les formulaires de convention de souscription et la reconnaissance des risques.

[294] L'appelant ne conteste pas qu'il y a eu des [TRADUCTION] « adultes qui ont signé pour d'autres adultes » [39] , mais il affirme que cela est totalement sans importance, puisque les unités ont été émises en faveur du [TRADUCTION] « souscripteur désigné », indépendamment de la personne qui a signé.

[295] En outre, les souscripteurs désignés ont reçu des trousses des souscripteurs pour les assemblées annuelles ainsi que des distributions au prorata et des feuillets T3 annuels de la façon habituelle. L'appelant affirme que toutes les souscriptions ont été payées et qu'il n'y avait aucune preuve que l'un des adultes ait voulu annuler sa souscription.

[296] Tout en reconnaissant que la dispense pour notice d'offre énoncée dans les règlements et la notice d'offre elle‑même exigeaient que le souscripteur [TRADUCTION] « achète le titre pour son propre compte » et que le souscripteur signe la convention de souscription et la reconnaissance des risques, l'appelant affirme que les règlements [TRADUCTION] « n'empêchent pas une personne de souscrire au nom d'un mandant désigné » et que [TRADUCTION] « cette exigence vise à empêcher un mandataire, tel qu'une institution financière, d'acheter pour un ou plusieurs mandants non divulgués, par exemple les clients d'une institution financière » [40] .

[297] De plus, tout en reconnaissant que la notice d'offre et la reconnaissance des risques sont des formulaires prescrits, l'appelant affirme que la convention de souscription elle‑même ne l'est pas, indiquant qu'elle ne doit pas nécessairement être signée par les souscripteurs désignés.

[298] L'appelant affirme que même si des titres ont été émis [TRADUCTION] « par erreur » à un souscripteur désigné, cela [TRADUCTION] « n'empêche pas qu'il y ait une souscription valable par un autre souscripteur » et que [TRADUCTION] « si c'était le cas, des souscriptions importantes pourraient être annulées en raison d'une seule souscription non conforme » [41] .

[299] Le ministre n'est d'accord avec aucun de ces arguments et, une fois de plus, comme pour les souscriptions des mineurs, j'estime qu'il existe des raisons impérieuses de conclure que l'émission d'unités lors de souscriptions effectuées par des adultes pour d'autres adultes était contraire à la législation sur les valeurs mobilières et aux règlements et était donc illégale.

[300] Pour ce qui est de la preuve, on n'a pas expliqué à la Cour pourquoi des adultes signaient pour d'autres adultes. Il peut y avoir eu des raisons acceptables, mais le dossier ne dit rien quant à la relation entre ceux qui ont signé les documents de souscription et les « souscripteurs désignés ». Les circonstances dans lesquelles ils ont reçu des unités des fonds de revenu restent quelque peu mystérieuses, mais l'appelant demande qu'elles soient acceptées comme un « fait accompli » qui ne devrait pas être remis en cause par le ministre ou par notre Cour.

[301] Je note en outre que, bien que l'appelant ait admis qu'il y avait des [TRADUCTION] « adultes qui ont signé pour d'autres adultes », comme indiqué ci‑dessus, il a pris soin d'éviter de reconnaître le nombre d'adultes qui n'ont pas souscrit leurs propres unités, alors qu'il savait que cette question faisait l'objet d'un certain litige et que le ministre avait fait une hypothèse à ce sujet. L'appelant n'a produit aucune preuve à ce sujet et son témoignage oral était, dans le meilleur des cas, vague. Par conséquent, la Cour doit à nouveau tirer une conclusion défavorable.

[302] Les exigences de la dispense pour notice d'offre décrites dans les règlements indiquent en termes clairs et sans équivoque que les souscripteurs éventuels doivent avoir reçu une copie de la notice d'offre. Il n'y a eu aucun élément de preuve à ce sujet. Les souscripteurs doivent également avoir signé personnellement les documents de souscription auxquels étaient jointes les modalités décrites ci‑dessus, y compris notamment les « aptitudes du souscripteur ».

[303] En outre, la reconnaissance des risques commence par les mots [TRADUCTION] : « Je reconnais qu'il s'agit d'un placement risqué — je le fais entièrement à mes propres risques ». Le formulaire se termine par la reconnaissance du fait [TRADUCTION] qu'« il s'agit d'un placement risqué et que je pourrais perdre tout l'argent que j'ai placé », suivie d'un espace où le « souscripteur » peut écrire son nom en lettres moulées et apposer sa signature. La deuxième page du formulaire rappelle que le souscripteur recevra une notice d'offre et qu'il doit la lire attentivement [TRADUCTION] « car elle contient des renseignements importants sur l'émetteur et ses titres ». Il ne fait guère de doute que les souscripteurs éventuels étaient tenus de signer personnellement ce document. La signature ne pouvait être déléguée à un tiers.

[304] Le témoignage de l'appelant sur cette question était totalement inadéquat. Il n'avait pas beaucoup d'explications à donner, si ce n'est qu'il s'est fié à ses employés et que toutes les unités ont été payées. L'appelant aurait dû savoir que le placement de titres est une activité hautement réglementée. Les étapes à suivre n'étaient pas anodines ou sans importance. À moins que l'appelant ne demande une dispense à la commission des valeurs mobilières, ces étapes étaient toutes obligatoires. Il n'a pas cherché à obtenir une dispense.

[305] Pour répondre aux arguments plus techniques soulevés par l'appelant, je dirais que les règlements « empêchent » effectivement les adultes de signer pour d'autres adultes. La dispense pour notice d'offre repose sur le fait que les souscripteurs ont reçu un document de divulgation détaillé qui devait être soigneusement examiné pour s'assurer que le souscripteur était suffisamment informé des risques éventuels qu'il courait avant de signer la souscription. Ce n'était pas un exercice anodin; c'était requis par les règlements.

[306] Il faut également rejeter l'argument selon lequel les souscripteurs désignés n'avaient pas « répudié » les unités qu'ils ont reçues. La règle de la répudiation en droit des contrats porte sur l'obligation d'une partie contractante d'exécuter les modalités d'un contrat. Si les modalités ne sont pas exécutées, on dit que le contrat a été répudié. Cette règle de droit ne s'applique pas à l'espèce. Les « souscripteurs désignés », qui étaient des adultes, ont reçu des unités d'autres adultes qui avaient l'intention de leur fournir un avantage. La Cour doit se demander quelle était la raison et quel était le but. Il a dû y avoir un accord ou une contrepartie entre les signataires des documents de souscription et les bénéficiaires, mais aucune preuve produite n'explique cette situation.

[307] En fin de compte, l'appelant n'a avancé aucune théorie juridique crédible qui convaincrait notre Cour qu'un adulte peut signer des documents de souscription au nom d'un autre adulte.

[308] Comme nous l'avons expliqué ci‑dessus, il n'est pas nécessaire pour notre Cour de décider si les souscriptions signées par des adultes pour d'autres adultes sont nulles ab initio ou simplement annulables. Ces questions ne sont pas pertinentes dans la présente instance.

[309] Étant donné qu'un émetteur est tenu de se conformer rigoureusement aux exigences de la dispense invoquée, et que l'appelant ne l'a pas fait en ce qui concerne les souscriptions soumises par des adultes pour d'autres adultes, la Cour doit conclure que ces souscriptions étaient illégales en vertu des lois des provinces en cause et qu'elles doivent être écartées lors de la présente analyse.

j) L'exigence selon laquelle il faut acheter les unités [TRADUCTION] « pour son propre compte »

[310] Comme indiqué ci-dessus, selon les paragraphes 4.1(1) et (3) des règlements sur la dispense pour notice d'offre, le souscripteur devait acheter [TRADUCTION] « le titre pour son propre compte ». Bien que le ministre ait reconnu que le prix de la souscription devait être payé [TRADUCTION] « par chèque ou par tout autre moyen de paiement que les fiduciaires acceptent » [42] , les parties ne s'entendent pas sur le sens de cette expression.

[311] Il n'est pas en litige que de nombreux adultes ont acquis des unités, et lorsqu'un chèque a été tiré par un conjoint d'un compte bancaire conjoint, le ministre a reconnu qu'il s'agissait d'un paiement acceptable pour les deux conjoints. Le ministre n'a pas non plus contesté les souscriptions effectuées par diverses personnes morales liées au souscripteur.

[312] La Cour ayant déjà conclu à l'illégalité des souscriptions des mineurs, il n'est pas pertinent de savoir qui a payé le montant de la souscription, puisque les souscriptions auraient dû être rejetées de toute façon. Cela dit, l'appelant n'a pas présenté de preuve pour contredire l'hypothèse du ministre selon laquelle les mineurs n'ont pas payé leurs unités. Je dois donc conclure qu'aucun des mineurs n'a payé ses unités.

[313] Les unités en cause sont donc les unités des fonds de revenu de 2003 émises à 27 adultes et celles des fonds de revenu de 2006 émises à 43 adultes. Comme indiqué ci‑dessus, le ministre a précisé cette hypothèse en se fondant sur l'interrogatoire préalable, notamment les demandes d'aveux et la production de documents. J'estime que l'hypothèse selon laquelle ces adultes n'ont pas payé leurs propres unités pouvait signifier qu'ils n'avaient pas acheté les unités pour leur propre compte. Il n'était pas nécessaire que le ministre établisse l'existence d'un mandant non divulgué, d'une fiducie par déduction ou d'une autre entente. Il incombait à l'appelant de démontrer que les adultes en question avaient effectivement acquis les unités pour leur propre compte.

[314] Comme indiqué ci‑dessus, l'appelant a fait valoir en réplique [TRADUCTION] qu'« il n'a jamais admis que les souscripteurs n'avaient pas payé leurs propres unités » et qu'il [TRADUCTION] « a toujours maintenu que toutes les unités avaient été payées ».

[315] Pour les raisons exposées ci‑dessus sur la question du fardeau de la preuve dans les appels fiscaux, j'accepte la thèse du ministre selon laquelle ces adultes n'ont pas payé leurs propres unités et je conclus qu'il incombait à l'appelant de présenter des éléments de preuve pour prouver qu'ils les avaient en fait payées. On aurait dû déposer des copies de chèques ou de traites bancaires ou d'autres preuves de paiement, ou peut‑être la preuve de prêts, afin de permettre à la Cour de tirer ses propres conclusions. Au lieu de cela, l'appelant a choisi de s'appuyer sur la simple affirmation que [TRADUCTION] « toutes les unités ont été payées ».

[316] Comme indiqué ci-dessus, les hypothèses du ministre énonçaient que de nombreux souscripteurs [TRADUCTION] « majeurs n'ont pas acheté d'unités avec leur propre argent » et [TRADUCTION] qu'« un souscripteur a acheté des unités [...] avec son propre argent pour plusieurs autres parties sans lien de dépendance, à la fois des mineurs et des personnes majeures » [43] .

[317] Au moins trois des témoins des faits de l'appelant ont témoigné sur cette question. Bruce MacLennan a admis avoir payé pour les unités de ses deux enfants, mais il a eu du mal à expliquer la nature du paiement, convenant finalement qu'il s'agissait d'un cadeau. Geoff Merrit a admis qu'il avait avancé l'argent comme cadeau pour son enfant. Deborah Nickerson est le seul témoin à avoir indiqué que les fonds avancés pour ses deux enfants étaient destinés à être des prêts devant être remboursés lors du rachat des unités. Elle a reconnu qu'elle ne disposait d'aucun document à l'appui.

[318] En fin de compte, malgré le désaccord sur les chiffres précis, je tire une conclusion défavorable des réponses vagues de l'appelant sur ces questions et de son incapacité à produire des éléments de preuve pour expliquer la question pour la Cour ou à s'acquitter de son fardeau de la preuve en ce qui concerne les hypothèses soulevées par le ministre.

[319] J'en viens maintenant à la thèse des parties sur cette question.

[320] L'appelant affirme qu'il n'est pas nécessaire [TRADUCTION] qu'« un souscripteur utilise son propre argent » ou qu'il tire un chèque de son propre compte bancaire, et que [TRADUCTION] « l'achat de titres en Alberta et en Colombie‑Britannique ressemble beaucoup à l'achat de n'importe quoi d'autre : un tiers peut physiquement donner l'argent au vendeur (en l'espèce, l'émetteur) pour satisfaire à l'obligation de payer du souscripteur » [44] .

[321] Le ministre fait valoir que l'expression acheter [TRADUCTION] « pour son propre compte » a été interprétée comme signifiant [TRADUCTION] « acheter pour soi‑même, et non pour le compte d'un tiers » [45] . Dans la décision de la commission des valeurs mobilières de l'Alberta Little (Re), 2000 LNABASC 391 (QL) (Little), l'expression a été interprétée comme signifiant [TRADUCTION] « une personne agissant dans une opération entièrement pour son propre compte et non pour le compte d'une autre personne » (p. 13), et dans la décision Cartaway Resources Corp. (Re), 2000 BCSECCOM 88 (QL) (par. 246) (Cartaway), la commission des valeurs mobilières de la Colombie‑Britannique a indiqué qu'elle devait [TRADUCTION] « être utilisée dans le cas de ventes à des personnes qui font elles‑mêmes le placement ».

[322] Dans la décision Cartaway, un promoteur était accusé d'avoir activement sollicité et encouragé des particuliers et de leur avoir conseillé de souscrire et d'acheter des titres lors d'un placement privé en regroupant leur argent avec celui d'autres souscripteurs afin que des placements distincts semblent être un seul placement combiné. Le promoteur a agi ainsi pour que les souscripteurs puissent se prévaloir de la dispense pour « acquéreur averti » (maintenant connue sous le nom de dispense pour « investisseur qualifié ») et qu'après la souscription, le souscripteur principal détienne les unités pour le compte des autres souscripteurs. La commission des valeurs mobilières de l'Alberta a souligné que les souscripteurs doivent acheter pour leur propre compte et non pour le compte d'autres personnes, car la dispense a été [TRADUCTION] « conçue pour les souscripteurs qui ont, en vertu de leur avoir net, un niveau suffisant de perspicacité pour pouvoir s'assurer qu'ils obtiennent des renseignements adéquats et, au besoin, des conseils appropriés avant de décider qu'ils sont prêts à accepter les risques associés au placement ».

[323] Le ministre affirme que les règlements disposent que certaines personnes ou entités sont réputées « souscrire ou acquérir les titres pour leur propre compte » pour les besoins de la dispense pour « investisseur qualifié », notamment les institutions financières autorisées à négocier en tant que fiduciaires ou mandataires pour un compte géré sous mandat discrétionnaire ou une personne ou une société autorisée à agir en tant que gestionnaire de portefeuille ou ayant une désignation équivalente et autorisée à agir en tant que mandataire pour un compte géré sous mandat discrétionnaire. Le ministre affirme qu'il n'existe pas de dispense de ce genre pour la dispense pour notice d'offre, ce qui signifie que chaque souscripteur était tenu d'acheter « pour son propre compte » et non pour d'autres personnes.

[324] Le ministre affirme que la législation sur les valeurs mobilières fournit [TRADUCTION] « un code de réglementation complet » pour le système fermé de placement des valeurs mobilières et que, puisque les législateurs ont déjà prévu un nombre restreint de personnes qui sont réputées agir pour leur propre compte, il n'appartient pas à la cour d'adopter une interprétation large de questions dont la législation traite déjà.

[325] Le ministre conclut en indiquant que les dispositions légales et les règlements sont clairs et que la dispense ne permet pas à une personne autre que le souscripteur d'acheter des unités pour son propre compte et que les exceptions limitées, mentionnées ci‑dessus, [TRADUCTION] « ne permettent pas aux tuteurs, aux fiduciaires, aux mandataires ou aux fondés de pouvoir d'acheter pour leur propre compte » [46] .

Analyse

[326] Je suis d'accord avec les observations du ministre sur cette question. Il faut écarter les souscriptions qui ont été payées par des tiers lors de la présente analyse.

[327] Cette décision est conforme à l'idée que le système fermé de placement de titres a évolué au fil du temps pour protéger l'honnêteté du système, pour éviter les comportements frauduleux ou sans scrupules et pour garantir non seulement que les titres sont acquis par des souscripteurs qui font partie de la catégorie étroite des souscripteurs visés par la dispense relative à la collecte de capitaux, mais aussi que les fonds des souscriptions sont versés des ressources personnelles du souscripteur, bien que cela puisse inclure de l'argent emprunté.

[328] La décision Cartaway soutient l'idée que les souscripteurs sont censés verser leurs propres fonds et ne pas compter sur des tiers pour payer leurs souscriptions.

[329] En l'espèce, comment la Cour peut‑elle conclure que les souscripteurs qui n'ont pas payé leurs propres unités ont en fait agi dans l'opération entièrement pour leur propre compte et non pour le compte d'une autre personne (Little, précité) ou qu'ils ont fait eux‑mêmes le placement (Cartaway, précité)? Les règlements répondent à certaines de ces préoccupations, par exemple en interdisant explicitement le placement de titres à une personne ou à une société qui n'avait pas d'objectif préexistant et qui est créée uniquement pour acquérir des titres comme investisseur qualifié [47] .

[330] En fin de compte, la question est une fois de plus liée au fardeau de la preuve. L'appelant ne peut pas se retrancher derrière la simple affirmation que [TRADUCTION] « toutes les unités ont été payées ». Cela n'aide pas la Cour à décider si ces adultes ont acheté pour leur propre compte. S'ils n'ont pas payé eux‑mêmes les souscriptions, il faut déduire en toute logique qu'ils n'ont pas acquis les unités pour leur propre compte. Les tiers n'ont pas l'habitude d'avancer de l'argent à titre gratuit. Il y a généralement des conditions à remplir. Quelles étaient‑elles? Cette question demeure sans réponse.

[331] Une personne peut être un « acheteur à titre onéreux » sans verser d'argent s'il y a une [TRADUCTION] « renonciation à un droit ou un règlement d'une réclamation » correspondant, comme il a été observé dans la décision Re Laventure, 59 A.R. 28, [1985] A.J. no 16 (QL) (B.R. Alb.), mais il faudrait qu'il y ait une preuve d'un tel compromis ou règlement.

[332] La Cour n'a absolument aucune explication ou information sur la raison pour laquelle des tiers versaient des fonds au nom d'autres adultes (qui n'étaient pas leurs conjoints), y compris les souscripteurs dits « désignés ». Comme pour la question précédente, l'explication de l'appelant était totalement inadéquate. S'il y avait une contrepartie ou une autre explication rationnelle, elle n'a pas été communiquée à la Cour. Si les fonds ont été versés par une personne sans lien de dépendance sous forme de prêt ou si une traite bancaire a été remise au lieu d'un chèque personnel, il aurait été simple de fournir la preuve de cet arrangement. Aucune preuve de ce genre n'a été produite.

[333] La Cour ne peut simplement accepter l'affirmation selon laquelle des tiers peuvent verser des fonds de souscription et que, du moment que les unités sont émises à une personne nommée, elles ont été achetées pour son propre compte. La question n'est pas de savoir si les unités ont été « achetées », mais si elles ont été achetées « pour son propre compte ».

[334] La Cour doit à nouveau tirer une conclusion défavorable du fait que l'appelant n'a produit aucun élément de preuve pour contredire l'hypothèse du ministre selon laquelle de nombreuses souscriptions ont été payées par des tiers.

[335] Comme pour l'analyse précédente, il n'est pas nécessaire de décider si l'émission de ces unités était annulable ou nulle ab initio. C'est une question qui reste à déterminer entre l'émetteur et les personnes qui ont reçu les unités.

[336] Il suffit, pour la présente analyse, de conclure que l'émission d'unités à des particuliers dont les souscriptions ont été payées par des tiers était contraire à l'exigence selon laquelle le souscripteur doit acheter le titre [TRADUCTION] « pour son propre compte ». C'était contraire aux règlements et donc illégal.

[337] Par conséquent, la Cour doit conclure que toutes les unités émises à des mineurs ou à des adultes dont les souscriptions ont été payées par des tiers (à l'exclusion des paiements provenant de comptes bancaires conjoints) doivent être écartées lors de la présente analyse.

k) Les exigences de l'alinéa 4900(1)(d.2) du Règlement

[338] L'appelant affirme, à titre subsidiaire, que si la Cour conclut que les fonds de revenu n'ont pas émis d'unités à au moins 150 bénéficiaires et que, par conséquent, ils ne répondaient pas aux exigences de l'article 4801 du Règlement, ils demeurent des « placements admissibles » parce qu'ils répondent à la définition suivante d'une « unité d'une fiducie » :

4900(1)

[...[

d.2) d'une unité d'une fiducie, dans le cas où, à la fois :

(i) la fiducie serait une fiducie de fonds commun de placement si la partie XLVIII s'appliquait compte non tenu de l'alinéa 4801a),

(ii) des unités de la fiducie ont fait l'objet d'un appel public légal à l'épargne dans une province, et un prospectus, une déclaration d'enregistrement ou un document semblable relatif à cet appel n'avait pas à être produit selon la législation provinciale;

[339] L'appelant affirme qu'« une unité d'une fiducie » vise une fiducie qui serait une « fiducie de fonds commun de placement » si l'on ne tenait pas compte des exigences de l'alinéa 4801a) du Règlement. Il affirme que puisque l'exigence qu'il y ait au moins 150 souscripteurs énoncée à l'alinéa 4801b) du Règlement [TRADUCTION] « dépend pour sa validité de l'alinéa 4801a) du Règlement en raison d'un renvoi à une catégorie d'unités décrite à l'alinéa 4801a) du Règlement, alors l'alinéa 4801b) du Règlement est inopérant, et par conséquent le critère relatif à l'obligation de la présence d'au moins 150 bénéficiaires ne s'applique plus ». L'appelant affirme enfin que même si les fonds de revenu n'ont pas remis d'unités à au moins 150 bénéficiaires, il y a néanmoins eu une souscription légale à un certain nombre de souscripteurs.

[340] Cet argument n'a pas été soulevé dans les actes de procédure. Il devrait être rejeté d'emblée sur ce seul fondement, mais je ferai néanmoins quelques observations.

[341] L'alinéa 4900(1)d.2) du Règlement a été ajouté par C.P. 2001‑1106 pour les biens acquis après 1993. Selon les notes explicatives, cette mesure visait à ce que « la fiducie dont les unités sont largement réparties et font l'objet d'un appel public légal à l'épargne dans une province puisse être considérée comme une fiducie de fonds commun de placement sans avoir à produire de prospectus ou de document semblable. Pour ce faire, la législation provinciale applicable doit prévoir que le document en question n'a pas à être produit. »

[342] Le sous-alinéa 4900(1)d.2)(i) du Règlement renvoie à une fiducie qui serait une fiducie de fonds commun de placement si la définition s'appliquait « compte non tenu de l'alinéa 4801a) », mais il n'exclut pas l'application de l'alinéa 4801b), et il n'est donc pas possible de conclure simplement que l'alinéa 4801b) est « inopérant » parce que l'alinéa 4801b) est nécessairement lié à l'alinéa 4801a). Si le législateur avait voulu exclure l'application de l'alinéa 4801b), il l'aurait dit explicitement. Comme il ne l'a pas fait, il faut remettre des unités à au moins 150 souscripteurs.

[343] Deuxièmement, cette disposition permet à une fiducie d'investissement à participation unitaire à grand nombre de bénéficiaires qui effectue un appel public légal à l'épargne de ses unités dans une province d'être une fiducie de fonds commun de placement, et donc un placement admissible, sans avoir à déposer de prospectus ou de document semblable s'il n'était pas nécessaire de le faire. Comme indiqué ci‑dessus, le placement de titres est réglementé à l'échelle provinciale et, en Alberta et en Colombie‑Britannique, un émetteur doit soit déposer un prospectus, soit se prévaloir de l'une des dispenses relatives à la collecte de capitaux décrites ci-dessus. Par conséquent, on ne peut pas dire qu'« un document semblable relatif à cet appel n'avait pas à être produit selon la législation » de l'Alberta ou de la Colombie‑Britannique.

[344] Enfin, la disposition renvoie à un appel public légal à l'épargne. L'appelant affirme qu'il y a eu un tel appel public légal à l'épargne d'unités à de nombreux souscripteurs qui ont payé leurs unités, y compris l'appelant lui‑même. La Cour a déjà écarté cet argument, puisqu'elle a conclu que l'émission d'unités à ces souscripteurs était inextricablement liée à la dispense et à la notice d'offre et que, puisque les fonds de revenu n'avaient pas émis d'unités à au moins 160 souscripteurs, la Cour n'a pas pu conclure qu'il y avait eu « un appel public légal à l'épargne » en vertu de la division 4801a)(i)(A). Pour la même raison, il n'y a pas eu d'appel public légal à l'épargne au titre du sous‑alinéa 4900(1)d.2)(ii) du Règlement [48] . On a noté que cette disposition s'applique rarement maintenant, puisqu'elle a été introduite comme mesure d'allégement rétroactive en 2001 pour les unités de certains fonds commun de placement vendus par placement privé de 1993 à 1999.

[345] Par conséquent, la Cour doit rejeter cet argument dans son intégralité.

l) Conclusion

[346] En fin de compte, la Cour peut difficilement être en désaccord avec la suggestion de l'intimée selon laquelle l'appelant a fait preuve d'une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard des exigences de la législation sur les valeurs mobilières, de la dispense et de la notice d'offre.

[347] Sans aller aussi loin, je conclurais au moins que l'appelant a été négligent, désinvolte et peut‑être indifférent. Plus précisément, il a mal interprété et mal compris les exigences de la législation sur les valeurs mobilières, de la dispense et de la notice d'offre, et n'en a pas apprécié l'importance, et, plus important encore, il a mal interprété et mal compris les étapes juridiques importantes requises pour s'assurer que les fonds de revenu soient des fiducies de fonds commun de placement.

[348] En conséquence de l'analyse qui précède, la Cour doit conclure que les démarches entreprises par l'appelant pour constituer les fonds de revenu n'avaient pas d'effet juridique. Les fonds de revenu n'étaient pas des « fiducies de fonds commun de placement » parce qu'ils n'ont pas satisfait à la condition que des unités aient « fait l'objet d'un appel public légal à l'épargne » en vertu des lois des provinces de l'Alberta et de la Colombie‑Britannique à au moins 160 souscripteurs, comme l'exige la notice d'offre. Même si la Cour suppose pour un instant qu'il faut interpréter l'expression « appel public légal à l'épargne » comme désignant un placement à « au moins 150 bénéficiaires » de la fiducie, comme le dispose l'alinéa 4801b) du Règlement, les fonds de revenu n'ont pas satisfait à ce critère de base.

[349] Étant donné que la Cour a conclu que les fonds de revenu ne remplissaient pas les conditions prescrites par l'article 4801 du Règlement, comme l'exige l'alinéa 132(6)c), il s'ensuit qu'ils n'étaient pas une « fiducie de fonds commun de placement » et que, par conséquent, ils ne constituaient pas des placements admissibles pour un REÉR.

B. La règle du trompe-l'œil

[350] J'ai déjà conclu que les fonds de revenu n'étaient pas valablement constitués, que les démarches entreprises par l'appelant n'avaient pas d'effet juridique pour établir une « fiducie de fonds commun de placement » et que, par conséquent, les fonds de revenu ne constituaient pas un « placement admissible ». Au cas où j'aurais commis une erreur dans cette conclusion, j'examinerai si les fonds de revenu, y compris les acquisitions et les distributions, étaient un trompe‑l'œil.

[351] Étant donné que le ministre n'a pas fait d'hypothèse au sujet d'un trompe‑l'œil ou d'un artifice (dont il sera question séparément ci‑dessous) lors de l'établissement de la cotisation de l'appelant ou de la fiducie REÉR, il est entendu que le ministre a le fardeau de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que les fonds de revenu étaient un trompe-l'œil ou un artifice. Cela est conforme aux décisions Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd, [2008] 1 R.C.F. 839, 2007 CAF 188, Swirsky c. La Reine, 2013 CCI 73 (par. 53), et Morrison c. La Reine, 2018 CCI 220 (par. 106).

La thèse de l'intimée

[352] L'intimée affirme que l'appelant savait en tout temps que les fonds de revenu n'avaient pas été dûment constitués en tant que « fiducies de fonds commun de placement » puisqu'il n'avait pas effectué un appel public légal à l'épargne conformément aux lois provinciales et qu'il a fait plusieurs déclarations fausses ou trompeuses.

[353] L'intimée allègue que l'attestation jointe à la notice d'offre contenait une déclaration fausse ou trompeuse, en ce qu'elle laissait entendre que toutes les unités feraient l'objet d'un placement conformément à la législation applicable en matière de valeurs mobilières, à la dispense et à la notice d'offre, alors qu'en fait de nombreuses unités (comme il est décrit ci‑dessus) ont fait l'objet de souscriptions non conformes à ces documents. L'intimée affirme également que l'appelant a présenté au moins six rapports aux commissions des valeurs mobilières au sujet des fonds de revenu et que ceux‑ci contenaient des déclarations fausses ou trompeuses quant à l'achèvement du placement et à la liste des souscripteurs d'unités et à la dispense invoquée, alors qu'en fait l'appelant savait que le placement n'avait pas été valablement achevé et que de nombreuses unités avaient été souscrites de façon non conforme à la dispense et à la notice d'offre, comme il est indiqué ci‑dessus.

[354] L'intimée allègue en outre que l'appelant a ensuite rempli douze attestations du fiduciaire attestant l'existence et la validité des fonds de revenu en tant que fiducies de fond commun de placement. Au début des certificats, l'appelant a expressément reconnu que les avis juridiques seraient fondés en partie sur les faits exposés dans les attestations jointes aux avis juridiques sur lesquels la Compagnie Trust CIBC s'est fondée avant de débloquer les fonds pour la réalisation des opérations d'acquisition. Ces avis ont confirmé que les fonds de revenu étaient des fiducies de fonds commun de placement et donc des placements admissibles et indiquaient expressément qu'on s'était fondé [TRADUCTION] « sur les faits que nous a présentés James T. Grenon ».

[355] L'intimée allègue en outre que l'appelant, en tant que fiduciaire des fonds de revenu, a ensuite déposé les déclarations T3 de renseignements et de revenus des fiducies pour les années d'imposition 2004 à 2009 pour les distributions, en indiquant que tous les fonds de revenu étaient une « fiducie de fonds commun de placement » alors qu'il savait que cela était incorrect.

[356] De même, on affirme qu'en raison des déclarations fausses et trompeuses des appelants, la Compagnie Trust CIBC a produit des déclarations T3GR qui incluaient la fiducie REÉR dans son modèle de régime, mais ne l'a pas inscrite comme régime imposable, même si elle détenait des placements non admissibles.

[357] En fin de compte, l'intimée affirme que l'appelant se trouvait des deux côtés de toutes les opérations. En tant que promoteur des fonds de revenu, il a établi la structure de base des fonds commun de placement et a contrôlé la souscription des unités aux 171 mêmes souscripteurs. En tant que rentier de la fiducie REÉR (un REÉR autogéré), il a dirigé et contrôlé l'acquisition des unités des divers fonds de revenu. En tant que particulier qui a nommé les fiduciaires des fonds de revenu ou qui contrôlait leur nomination, il a directement participé à la préparation des résolutions des fiduciaires par lesquelles les profits ont été distribués aux divers détenteurs d'unités, y compris la fiducie REÉR. Il contrôlait essentiellement tous les aspects des entreprises ou des placements.

[358] J'en viens maintenant à la thèse de l'appelant.

[359] L'appelant affirme qu'il n'y a aucune opération [TRADUCTION] « mettant en cause M. Grenon ou toute autre partie qui répond à la définition d'un trompe‑l'œil », qu'il n'y avait aucune [TRADUCTION] « intention de tromper le ministre » et [TRADUCTION] qu'« aucune partie de la structure du fonds de revenu ou [...] des placements [...] n'était secrète, ni ne faisait l'objet de documents trompeurs ou d'une description trompeuse » [49] . L'appelant affirme que [TRADUCTION] « les documents relatifs à l'opération décrivaient exactement » ce qu'il [TRADUCTION] « avait l'intention de réaliser » et qu'il n'y avait [TRADUCTION] « aucune autre réalité quant aux opérations » [50] . L'appelant ajoute que la fiducie REÉR était simplement [TRADUCTION] « un REÉR autogéré qui a fait des placements » dans les fonds de revenu qui [TRADUCTION] « ont été créés et constatés de façon précise et complète, [...] et il y a eu une absence totale de tromperie ». L'appelant affirme qu'il [TRADUCTION] « avait l'intention que les fonds de revenu soient créés et que le REÉR à la Compagnie Trust CIBC investisse dans les fonds de revenu et [...] qu'il n'y a pas eu de déclaration fausse ou trompeuse quant au lien juridique entre les parties » [51] . Il affirme que la preuve [TRADUCTION] « a établi que les souscripteurs d'unités étaient de véritables bénéficiaires [...] qui ont obtenu un rendement sur le capital investi » [52] .

[360] L'appelant admet que les fonds de revenu ont été créés pour les besoins de l'impôt sur le revenu, mais il affirme qu'une planification fiscale appropriée [TRADUCTION] « dépend pour son efficacité de mesures réelles prises à l'égard d'entités réelles » [53] . À cet égard, l'appelant s'appuie sur la décision Lee c. La Reine, 2018 CCI 230 (Lee), où le juge Owen a déclaré : « La création de liens légaux (ou en equity) pour donner effet à un plan fiscal ne constitue pas un trompe‑l'œil » (par. 69).

[361] L'appelant affirme que même si la fiducie REÉR a acquis une part élevée des unités des fonds de revenu, cela n'équivaut pas à un trompe‑l'œil et que la définition d'une « fiducie de fonds commun de placement » ne limite pas le [TRADUCTION] « pourcentage d'unités qu'un bénéficiaire peut posséder » [54] .

[362] L'appelant s'appuie sur plusieurs décisions, dont l'arrêt Stubart Investments Ltd c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536 (Stubart), où la Cour suprême du Canada a examiné la distinction « entre le critère de l'opération incomplète et celui du trompe‑l'œil ». Dans cette décision, la Cour a constaté que « [l]'apparence créée par les documents » correspondait « précisément à la réalité » et que les « obligations prévues dans les documents étaient des obligations juridiques [...] absolument exécutoires en droit ». Elle a conclu qu'il y avait « absence totale de l'élément de tromperie qui est au cœur même du trompe‑l'œil » (p. 572 et 573).

[363] L'appelant s'appuie également sur la décision Cameco Corporation c. La Reine, 2018 CCI 195 (Cameco), conf. par 2020 CAF 112, [2020] 4 R.C.F. 104, où le juge Owen a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que les modalités écrites des contrats ne représentaient pas la véritable intention des parties et que « [l]es ententes créées par les contrats n'étaient pas des faux‑semblants ». Il a en outre noté qu'« [i]l se peut que l'appelante ait conclu ces ententes [...] pour des raisons fiscales, mais cela n'en fait pas des trompe‑l'œil pour autant » (par. 602 à 605).

La définition de « trompe-l'œil » selon la jurisprudence

[364] Dans la décision Cameco, précitée (confirmée par la Cour d'appel fédérale, comme il est indiqué ci-dessus), le juge Owen a examiné la définition du terme « trompe‑l'œil » de façon très détaillée. Il a renvoyé à la décision Snook v. London & West Riding Investments, Ltd., [1967] 1 All E.R. 518, dans laquelle le lord juge Diplock a déclaré (p. 528) qu'un trompe‑l'œil :

[TRADUCTION]

[...] désigne des actes accomplis ou des documents signés par les parties au « trompe‑l'œil » dans l'intention de faire croire à des tiers ou à la Cour qu'ils créent entre elles d'autres droits et obligations que ceux qui existent réellement (s'il en est).

[365] Le juge Owen a noté que la Cour suprême du Canada a adopté cette définition du trompe‑l'œil dans l'arrêt Ministre du revenu national c. Cameron, [1974] R.C.S. 1062 (p. 1068) et, plus tard, dans l'arrêt Stubart, précité, où le juge Estey a déclaré (p. 545) ce qui suit :

[...] Le trompe‑l'œil : cette expression nous vient de décisions du Royaume‑Uni et signifie, de façon générale (non sans ambiguïté), une opération assortie d'un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l'opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu'elle sert à masquer.

[366] Comme l'a également fait remarquer le juge Owen, dans la décision ultérieure Continental, précitée, la Cour suprême du Canada a interprété les commentaires du juge Estey dans l'arrêt Stubart comme signifiant que « [l]a théorie du trompe‑l'œil ne s'applique qu'en présence d'un élément de tromperie dans la façon dont une opération a été conçue ou réalisée » (par. 51) et que « la détermination de l'existence d'une imposture précède la qualification juridique correcte d'une opération et se distingue de ladite qualification ». Si l'opération est un trompe‑l'œil, la véritable nature de l'opération doit être déterminée à partir d'éléments de preuve extrinsèques (c.‑à‑d. des éléments autres que les documents constatant l'opération). Si l'opération n'est pas un trompe‑l'œil, il est possible de déterminer la qualification juridique correcte de l'opération en se reportant aux documents constatant l'opération.

[367] Comme l'a dit le juge Owen dans la décision Lee, précitée (par. 68) :

[...] Un trompe‑l'œil comporte un élément de tromperie : les parties doivent avoir l'intention de donner à des tiers l'apparence de créer entre eux des droits et des obligations juridiques différents des droits et obligations légaux, le cas échéant, que les parties ont réellement l'intention de créer. Une allégation de trompe‑l'œil est une allégation selon laquelle les parties à la prétendue supercherie ont été trompeuses parce qu'elles savent que les droits et obligations légaux réels qu'elles ont créés, le cas échéant, diffèrent des droits et obligations légaux présentés à la face du monde.

[368] Dans la décision antérieure 2530‑1284 Québec inc. c. La Reine, 2007 CCI 286 (aussi appelée « Faraggi »), le juge en chef adjoint Rip (plus tard juge en chef) a déclaré : « Pour qu'il y ait un trompe‑l'œil, les contribuables doivent avoir agi de façon à tromper l'administration fiscale quant à leurs véritables rapports juridiques », par exemple lorsque le « contribuable crée une apparence qui n'est pas conforme à la situation réelle » (par. 86). En appel à la Cour d'appel fédérale (2008 CAF 398, [2009] 3 R.C.F. F‑17), le juge Noël (plus tard juge en chef) a confirmé ce qui suit (par. 59) :

L'existence d'une frime en droit canadien exige donc en vue des définitions qui précèdent un élément de déception qui se manifeste règle générale par une fausse représentation par les parties de la transaction réelle intervenue entre elles. [...]

[369] Dans l'arrêt Antle c. Canada, 2010 CAF 280, [2011] 1 R.C.F. F-4, le juge Noël a discuté du trompe‑l'œil dans une remarque incidente, mais a examiné le niveau de tromperie requis pour qu'il y ait « délit de dol », en notant que « [l]'intention ou l'état d'esprit requis n'équivaut pas à une intention coupable et ne saurait aller jusqu'à constituer ce qui, en common law, est le délit de dol » (par. 20). Toutefois, comme l'a souligné le juge Owen dans Cameco, quatre ans plus tard, la Cour suprême du Canada a conclu dans l'arrêt Bruno Appliance and Furniture, Inc. c. Hryniak, 2014 CSC 8, [2014] 1 R.C.S. 126 (Bruno Appliance), que le délit de fraude civile comporte quatre éléments (par. 21) :

Sur la base de cet historique jurisprudentiel, je résume ainsi les quatre éléments du délit de fraude civile : (1) le défendeur a fait une fausse déclaration; (2) le défendeur savait, jusqu'à un certain point, que sa déclaration était fausse (sciemment ou par insouciance); (3) la fausse déclaration a incité le demandeur à agir; (4) les actes du demandeur ont entraîné une perte.

[370] Le juge Owen a ensuite conclu que les troisième et quatrième éléments n'étaient pas pertinents, mais que les premier et deuxième éléments de la fraude civile ne se distinguaient pas des exigences du trompe‑l'œil. Il a noté ceci (par. 594) :

[...] Le deuxième élément du délit de fraude civile établit vraisemblablement un critère moins rigoureux que la doctrine du trompe‑l'œil, en ce sens que l'élément moral du délit de fraude civile exige seulement que l'intéressé sache jusqu'à un certain point, sciemment ou par insouciance, que sa déclaration était fausse. Pour qu'il y ait insouciance, il suffit que les parties soient subjectivement conscientes de l'existence possible d'une fausse représentation, mais allait tout de même de l'avant.

[Je souligne.]

[371] Si la Cour conclut à l'existence d'un trompe‑l'œil, la jurisprudence a établi qu'elle peut requalifier l'opération pour représenter la véritable réalité.

[372] Dans l'arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622 (Shell Canada), la juge McLachlin était d'avis que les relations juridiques entre les contribuables doivent être respectées, à moins qu'il n'y ait un trompe‑l'œil, auquel cas « [u]ne nouvelle qualification n'est possible que lorsque la désignation de l'opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables » (par. 39).

[373] Plus récemment, comme l'a noté le juge Noël dans l'arrêt 2529‑1915 Québec inc. c. Canada, précité : « Dans ces circonstances, les tribunaux retiendront la transaction réelle et mettront de côté celle qui fut représentée comme étant la vraie » (par. 59). Voir également Gladwin Realty Corporation c. La Reine, 2019 CCI 62 (par. 80).

Analyse et conclusion

[374] La Cour a déjà conclu que les fonds de revenu n'étaient pas des « fiducies de fonds commun de placement » parce qu'ils ne satisfaisaient pas aux conditions prescrites et, plus précisément, n'avaient pas effectué « un appel public légal à l'épargne » conformément à la législation sur les valeurs mobilières, à la dispense et à la notice d'offre. La Cour a indiqué que les fonds de revenu étaient probablement des fiducies ordinaires, mais non des « fiducies de fonds commun de placement » selon la définition dans la Loi. La question est de savoir s'il y a eu trompe‑l'œil.

[375] La difficulté de cette analyse, comme l'a noté le juge Estey dans l'arrêt Stubart (p. 572), est qu'il « semble y avoir eu une confusion involontaire entre le critère de l'opération incomplète et celui du trompe‑l'œil ». Comme on l'a affirmé dans l'arrêt Continental, précité : « il faut déterminer s'il y a trompe‑l'œil avant de dégager la juste qualification juridique de l'opération et [...] il s'agit de deux opérations distinctes ». Ce principe a été repris par le juge Owen dans la décision Cameco, précitée, où il a indiqué : « Il n'y a donc pas de trompe‑l'œil si les parties présentent les droits et obligations juridiques au monde extérieur avec exactitude [...] mais ne donnent pas à l'opération la bonne qualification juridique » (par. 598).

[376] En l'espèce, l'appelant a admis qu'il avait cherché à établir les fonds de revenu parce qu'il avait l'intention [TRADUCTION] « d'élargir la portée des placements de son REÉR ». Il avait l'intention, dès le départ, qu'une fois les fonds de revenu établis, la fiducie REÉR acquière des unités; il entendait également jouer un rôle actif dans la gestion de ces fonds, y compris dans le choix des placements ou des entreprises. Il s'agissait de son plan fiscal, mais, comme l'a noté le juge Owen, prendre des mesures pour « donner effet à un plan fiscal ne constitue pas un trompe‑l'œil » et conclure des ententes « pour des raisons fiscales [...] n'en fait pas des trompe‑l'œil pour autant ». (Lee et Cameco, précités). Le fait que l'appelant avait l'intention d'avoir des rôles multiples dans la structure du fonds de revenu ou [TRADUCTION] qu'il « se trouvait des deux côtés de toutes les opérations », comme le prétend l'intimée, ne constituerait pas non plus un trompe‑l'œil.

[377] La Cour accepte les observations de l'intimée quant aux diverses déclarations fausses et trompeuses faites par l'appelant, y compris celles faites aux souscripteurs éventuels dans la notice d'offre (selon lesquelles les unités feraient l'objet d'une souscription conformément aux modalités de la dispense et de la notice d'offre), celles contenues dans les rapports à la commission des valeurs mobilières, celles contenues dans l'attestation du fiduciaire jointe aux avis juridiques, celles faites à la Compagnie Trust CIBC en tant qu'administrateur du régime et, enfin, celles faites chaque année au ministre dans les déclarations T3 selon lesquelles les fonds de revenu étaient des fiducies de fonds commun de placement. Mais de telles déclarations fausses et trompeuses n'établissent pas un trompe‑l'œil.

[378] L'appelant a admis qu'il prévoyait établir les fiducies de revenu comme méthodes de placement en s'appuyant sur la dispense et la notice d'offre. Le fait qu'il n'ait pas réussi à établir les fonds de revenu comme « fiducies de fonds commun de placement » ne permet pas de conclure à une « réalité déguisée » ou à une « illusion ». Il n'y avait aucun élément de preuve extrinsèque indiquant que les fonds de revenu étaient autre chose que des méthodes de placement. Cela a été confirmé par plusieurs des témoins des faits qui avaient investi dans les fonds de revenu et reçu des distributions au fil du temps.

[379] La Cour a constaté que l'appelant a été négligent (et peut‑être même désinvolte) lors de la mise en œuvre de son plan fiscal et de la création des fonds de revenu et qu'il a mal interprété ou mal compris les exigences des lois sur les valeurs mobilières, de la dispense et de la notice d'offre. Toutefois, la Cour n'a pas conclu que l'appelant avait fait preuve d'une [TRADUCTION] « insouciance déréglée ou téméraire à l'égard des exigences de la législation sur les valeurs mobilières », comme l'indique l'intimée.

[380] Je conclus que l'appelant a procédé, sans le savoir, à la mise en œuvre de son plan fiscal « comme si » les fonds de revenu étaient des fiducies de fonds commun de placement, alors qu'en réalité, ils ne l'étaient pas. Mais comme l'explique le juge Owen, il n'y a pas de trompe‑l'oeil si les parties « ne donnent pas à l'opération la bonne qualification juridique » (Cameco, par. 598).

[381] L'intimée affirme que l'appelant [TRADUCTION] « savait à tout moment » que les fonds de revenu n'étaient pas une fiducie de fonds commun de placement. Comme l'indique l'arrêt Bruno Appliance, précité, la Cour devrait être convaincue que l'appelant savait, « jusqu'à un certain point [...] que sa déclaration était fausse » ou qu'il était subjectivement conscient « de l'existence possible d'une fausse représentation », mais aille « tout de même de l'avant ». Dans la décision Cameco (par. 594), le juge Owen a également indiqué que le trompe‑l'œil « exige seulement que l'intéressé sache jusqu'à un certain point, sciemment ou par insouciance, que sa déclaration était fausse ». Je trouve que le mot « fausse » est semblable au mot « trompeur », mais je ne suis pas convaincu que l'appelant avait la connaissance requise et je ne suis pas non plus prêt à assimiler la négligence à l'insouciance.

[382] Le trompe‑l'œil exige qu'il y ait un « faux‑semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu'elle sert à masquer » ou « une opération assortie d'un élément de tromperie de manière à créer une illusion [...] » (Stubart, précité). Bien que je puisse avoir des doutes quant à la qualification de certains événements par l'appelant ou la crédibilité de son témoignage sur d'autres questions, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu'il [TRADUCTION] « savait en tout temps » que les fonds de revenu ne satisfaisaient pas aux exigences de la Loi et qu'ils n'étaient pas des « fiducies de fonds commun de placement », ou en était subjectivement conscient. En fin de compte, j'estime que la preuve ne permet pas d'établir l'élément nécessaire de la déception.

C. L'artifice

[383] L'appelant reconnaît que l'une des questions que le tribunal doit trancher est celle de savoir si les fonds de revenu étaient un « artifice » [55] .

[384] L'intimée affirme que l'« artifice » est une déception qui ne porte pas sur la validité juridique d'une opération, comme c'est le cas pour le trompe‑l'œil, mais plutôt sur la raison pour laquelle le contribuable a conclu l'opération. Lorsqu'il examine l'intention du contribuable, le tribunal doit trancher cette question de façon objective en tenant compte non seulement de l'intention déclarée du contribuable, mais aussi de la réalité objective des opérations en cause : Entreprises Ludco Ltée c. Canada, 2001 CSC 62, [2001] 2 R.C.S. 1082 (« Ludco »).

[385] Plus précisément, l'intimée affirme que la création des fonds de revenu et le recrutement des 171 souscripteurs [TRADUCTION] « n'étaient qu'un artifice dont le but était de tromper le ministre et de lui faire croire qu'il y avait une intention d'effectuer un appel public légal à l'épargne des unités des fonds de revenu ». L'appelant a agi ainsi [TRADUCTION] « pour bénéficier des avantages fiscaux offerts aux fiducies de fonds commun de placement qui sont des placements admissibles » et pour détenir ensuite ces placements dans la fiducie REÉR [56] .

[386] L'appelant affirme [TRADUCTION] qu'« il n'existe pas de règle autonome de l'artifice qui puisse annuler l'existence d'une opération; il s'agit plutôt d'une règle en vertu de laquelle la Cour peut écarter les éléments de preuve intéressés créés par le contribuable pour soutenir la position adoptée au moment de produire la déclaration de revenus ». L'appelant affirme que [TRADUCTION] « l'artifice s'applique lorsqu'un contribuable prend une mesure, ou conclut une opération, qui est étrangère à l'opération réelle afin de déguiser les véritables intentions du contribuable ».

[387] L'appelant ajoute que l'idée de l'« artifice » est une exagération inutile et qu'il n'y a pas de différence entre l'« artifice » et le « trompe‑l'œil », en ajoutant que s'il y a une distinction, c'est peut‑être que [TRADUCTION] « l'artifice exige expressément qu'une opération ait, en fait, eu lieu, sans qu'elle soit nécessaire pour atteindre ce que le contribuable voulait réellement accomplir » [57] .

[388] L'appelant renvoie à la décision Compagnie d'assurance Standard Life du Canada c. La Reine, 2015 CCI 97 (Standard Life), décrite en plus de détails ci‑dessous, dans laquelle la contribuable s'est livrée à plusieurs activités visant à donner l'apparence qu'elle exploitait une véritable entreprise d'assurance aux Bermudes. La Cour a estimé qu'il n'y avait pas d'activité commerciale et que la contribuable n'avait pas l'intention réelle de mener une telle activité. Elle a conclu que les actions de la contribuable étaient un « artifice ».

[389] L'appelant affirme que [TRADUCTION] « c'est exactement le contraire qui est vrai en l'espèce » et que [TRADUCTION] « les éléments de preuve n'indiquent pas qu'une mesure supplémentaire a été prise pour masquer la véritable intention du contribuable » et que ce dernier a été très clair quant à son intention [TRADUCTION] « d'établir les [fonds de revenu] comme des investissements admissibles avec plus de 150 titulaires d'unités » [58] . L'appelant soulève à peu près les mêmes arguments que pour le trompe‑l'œil, en indiquant qu'il avait l'intention d'établir des fiducies de fonds commun de placement dont les unités seraient des placements admissibles pour les REÉR. Il voulait ainsi élargir la portée des placements du REÉR de la Compagnie Trust CIBC et obtenir de meilleurs rendements. Les 171 souscripteurs dans chaque fonds de revenu [TRADUCTION] « n'étaient [...] pas un artifice, mais [...] de véritables souscripteurs » [59] .

La jurisprudence pertinente

[390] Dans l'arrêt Ludco, précité, la Cour suprême du Canada a conclu, d'après les faits de cette affaire, que « [l]'achat des actions constituait un véritable investissement » et que l'opération « n'était pas un trompe‑l'œil », de sorte qu'« on ne peut non plus à bon droit qualifier d'artifice le versement des dividendes » (par. 69). Le juge Iacobucci a ajouté qu'« en l'absence d'un trompe‑l'œil, d'un artifice ou d'autres circonstances viciant l'opération [...] il importe peu que le montant du revenu escompté ou touché ait eu un caractère suffisant ou non » (par. 69). Il n'a pas défini l'expression « artifice », mais a semblé l'assimiler à des « circonstances viciant l'opération ».

[391] Dans l'arrêt Backman, précité, la question était de savoir si les contribuables qui avaient acheté une participation dans un bien pétrolier et gazier dont la production avait cessé peu après son acquisition avaient le droit de déduire les pertes de la société de personnes. La Cour suprême du Canada a convenu avec le juge de première instance que « les opérations en cause n'étaient pas un trompe‑l'œil » (par. 32), mais qu'il s'agissait d'un artifice. La Cour a noté ce qui suit (par. 32) :

[...] le juge de première instance a également estimé que l'achat de la participation directe de un pour cent dans le bien relatif au pétrole et au gaz n'était « que du camouflage ». Nous assimilons cette constatation à une conclusion que l'achat par l'appelant de la participation dans le bien relatif au pétrole et au gaz ne visait aucun objectif commercial accessoire véritable. À l'instar de la Cour d'appel fédérale, nous souscrivons également à cette constatation. Nous n'arrivons pas à cette conclusion en adoptant ou en utilisant une analyse quantitative; en d'autres mots, nous ne fondons pas notre conclusion sur le seul montant du bénéfice escompté, bien qu'il s'agisse d'un facteur à considérer. Pour déterminer si l'intention de « réaliser un bénéfice » qui est requise existe, les tribunaux doivent prendre en compte tous les facteurs qui ont trait à l'exploitation d'une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice.

[Je souligne.]

[392] Dans l'arrêt Singleton c. Canada, 2001 CSC 61, [2001] 2 R.C.S. 1046 (Singleton), la Cour suprême du Canada s'est penchée sur la jurisprudence relative à la « réalité économique » et a conclu que « nous devons nous demander si le contribuable a créé des rapports juridiques véritables ». La Cour a ajouté ceci (par. 52) :

[...] Pour répondre à cette question, il va de soi que les tribunaux doivent encore aller au‑delà des instruments juridiques utilisés par le contribuable. On ne procède à cet examen que dans les affaires où les rapports juridiques n'ont pas un caractère véritable, par exemple lorsque les opérations ne constituent qu'un artifice, comme dans l'arrêt Backman c. Canada, [2001] 1 R.C.S. 367, 2001 CSC 10. Comme il est loin d'être certain que des rapports juridiques véritables ont été créés en l'espèce, il s'agit d'une considération importante.

[393] Dans la décision de la Cour canadienne de l'impôt Standard Life, précitée, la question était de savoir si la contribuable avait exploité « une entreprise aux Bermudes » ou si elle en avait seulement donné l'« impression », comme l'affirmait le ministre (par. 9). Le juge Pizzitelli a conclu que le « trompe‑l'œil » et l'« artifice » n'étaient pas nécessairement synonymes et que le second pouvait signifier simplement que « l'appelante n'a pas exploité d'entreprise » (par. 80). Il a poursuivi par un examen de l'« artifice » en indiquant ceci :

[158] Comme l'a soutenu l'intimée, la Cour suprême du Canada a fait la distinction entre « trompe‑l'œil » et « artifice », ce qui a été reconnu dans les arrêts Entreprises Ludco Ltée c. Canada, 2001 CSC 62, [2001] 2 R.C.S. 1082, Backman c. Canada, 2001 CSC 10, [2001] 1 R.C.S. 367, et Spire Freezers Ltd. c. Canada, 2001 CSC 11, [2001] 1 R.C.S. 391, comme une tromperie qui ne vise pas la validité juridique d'une opération, comme dans le cas d'un trompe-l'œil, mais vise l'intention pour laquelle le contribuable conclut l'opération. Pour déterminer la manière dont les tribunaux devraient cerner la question de savoir si l'intention ou l'objet déclaré est présent ou la norme à appliquer, le juge Iacobucci a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Ludco, au paragraphe 54 :

[...] Dans l'interprétation de la Loi, tout comme dans d'autres domaines du droit, les tribunaux appelés à dégager l'objet d'une mesure ou l'intention de son auteur doivent déterminer objectivement la nature de la fin poursuivie en tenant compte à la fois des éléments subjectifs et objectifs pertinents [...]

[...]

[160] Après avoir examiné la totalité de la preuve de manière objective, je ne peux pas conclure que le petit nombre d'activités de l'appelante en 2006 et en 2007 peut donner à penser qu'une entreprise de réassurance était exploitée aux Bermudes. Je conviens avec l'intimée que ces activités étaient destinées à donner l'impression que l'appelante exploitait une telle entreprise à des fins lucratives, alors que, dans les faits, la seule fin défendable était l'obtention d'un avantage fiscal. [...]

[161] Je conclus que ses actions à ce titre n'étaient qu'un artifice destiné à tromper le ministre pour lui faire croire qu'elle exploitait une entreprise aux Bermudes à des fins lucratives, alors que son véritable objectif était uniquement d'obtenir un avantage fiscal.

[Je souligne.]

Analyse et conclusion

[394] L'appelant a soutenu dès le début que son intention était simplement de créer plusieurs moyens de placement qui seraient des placements admissibles, prétendument pour élargir la portée des placements dans le REÉR.

[395] D'une part, je suis enclin à convenir avec l'intimée que, lorsqu'on examine la preuve objectivement, il est évident que les fonds de revenu ont été conçus principalement pour « obtenir un avantage fiscal » (Standard Life, par. 161) et pour dissimuler la véritable intention de l'appelant de gérer activement des entreprises et des placements en utilisant les fonds de son REÉR, mais sans retirer réellement des fonds et déclencher les conséquences fiscales normales d'un tel retrait.

[396] La préparation de la notice d'offre et la souscription des unités visaient à donner l'impression que l'appelant se livrait à la collecte de capitaux assortie d'une souscription d'unités à grande échelle. En réalité, les souscripteurs des fonds de revenu étaient les mêmes et l'appelant a acquis des unités lui‑même, ainsi que plusieurs autres par l'intermédiaire de diverses entités dont il était propriétaire ou qu'il contrôlait. Le montant « minimal » du placement de 750 $ indiqué dans la notice d'offre était en fait la somme maximale autorisée pour tous les souscripteurs. Aucun des souscripteurs (à l'exception de M. Sutherland et de M. MacLennan) n'était autorisé à acquérir des unités en utilisant les fonds d'un régime exonéré tel qu'un REÉR (ou du moins les rapports n'en mentionnent aucun).

[397] Après avoir déposé les rapports aux commissions des valeurs mobilières, l'appelant a rapidement mis en œuvre son plan fiscal et a fait en sorte que son REÉR autogéré acquière un nombre important d'unités des fonds de revenu, acquérant ainsi plus de 99 % de toutes les unités (sauf pour deux fonds de revenu dont il détenait 49 % des unités). Les montants transférés de la fiducie REÉR aux fonds de revenu (en échange d'unités) étaient sans mesure avec le capital réuni des souscripteurs. L'appelant contrôlait le choix des fiduciaires pour chaque fonds de revenu et s'est assuré d'avoir le contrôle réel en utilisant des entités qu'il possédait et contrôlait comme fiduciaires des fiducies de capital‑risque ou comme commanditaires des diverses sociétés en commandite cadres. Bien qu'il ait pu partager certaines tâches et consulter M. Sutherland et M. MacLennan, il contrôlait essentiellement toutes les activités commerciales et les placements, accordait à lui‑même ou à des entités qu'il possédait ou contrôlait des prêts importants, et supervisait la distribution des profits, dont la part du lion revenait à la fiducie REÉR.

[398] L'aveu de l'appelant selon lequel il n'était pas intéressé par les placements passifs et voulait participer activement aux placements de son REÉR démontre ses véritables intentions. Lorsqu'on examine la preuve dans son ensemble, il semble tout à fait évident que les fonds de revenu étaient en fait destinés à créer des véhicules commerciaux qui lui permettraient d'accéder aux fonds détenus dans la fiducie REÉR (sans déclencher de retraits réels), d'exploiter des entreprises et de retourner des profits considérables au REÉR, le tout en franchise d'impôt. Compte tenu de cette analyse, il n'est pas surprenant que l'intimée ait qualifié les fonds de revenu [TRADUCTION] d'« alter ego » de l'appelant.

[399] Toutefois, la question pour la Cour est de savoir si les activités décrites ci‑dessus répondent à la définition d'« artifice ». Comme indiqué dans l'arrêt Singleton, la Cour doit examiner la « réalité économique » sous‑jacente et déterminer si « le contribuable a créé des rapports juridiques véritables ». Elle ne doit cependant procéder à « cet examen que dans les affaires où les rapports juridiques n'ont pas un caractère véritable ».

[400] Dans la décision Standard Life, le juge Pizzitelli a conclu qu'on n'exploitait pas une entreprise de réassurance aux Bermudes et que la société était destinée « à donner l'impression que l'appelante exploitait une telle entreprise à des fins lucratives », alors que ce n'était pas le cas. On ne peut en dire autant en l'espèce.

[401] Lorsque la Cour examine les « réalités économiques » des opérations décrites ci‑dessus, y compris la préparation de la notice d'offre, les souscriptions (ou prétendues souscriptions) et l'émission d'unités aux souscripteurs, et les diverses acquisitions ou investissements effectués par les fiducies de revenu, elle ne peut conclure qu'elles n'étaient pas de véritables opérations. Comme l'affirme l'appelant, les souscripteurs [TRADUCTION] « étaient réels » et ils ont reçu des distributions au fil du temps, comme l'ont confirmé plusieurs témoins des faits.

[402] En fin de compte, bien que la jurisprudence citée ci‑dessus indique que l'« artifice » est « une tromperie qui ne vise pas la validité juridique d'une opération, comme dans le cas d'un trompe‑l'œil, mais vise l'intention pour laquelle le contribuable conclut l'opération » (non souligné dans l'original), je trouve que cette analyse, aussi convaincante qu'elle puisse paraître en l'espèce, est circonscrite par les « réalités économiques » de l'opération ou des opérations en cause et se limite à une enquête visant à déterminer si « le contribuable a créé des rapports juridiques véritables » : Singleton.

[403] Bien que la Cour ait conclu que les fonds de revenu n'étaient pas des placements admissibles pour les REÉR, et bien qu'elle estime certainement que l'appelant avait des motifs cachés relativement à son REÉR, cela ne suffit pas pour conclure que les fonds de revenu étaient un « artifice ».

D. L'application du paragraphe 56(2)

[404] Le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l'appelant en se fondant sur l'hypothèse qu'une partie des distributions, soit les paiements effectués par les fonds de revenu à la fiducie REÉR pour les années d'imposition 2008 et 2009, devait être incluse dans son revenu personnel aux termes du paragraphe 56(2) de la Loi.

[405] Plusieurs décisions portent sur cette disposition, notamment Fraser Companies Limited c. La Reine, 81 D.T.C. 5051 (Fraser), où la Cour fédérale, Section de première instance, a examiné l'application d'une disposition antérieure identique [60] . La Cour s'est appuyée sur les commentaires du juge Cattanach dans la décision Murphy c. La Reine, [1980] C.T.C. 386, [1980] F.C.J. no 706 (QL) (C.F. 1re inst.) (Murphy), et a conclu que (par. 84) :

[TRADUCTION]

[...] l'« objet » de cette disposition est « de s'appliquer lorsque le contribuable cherche à éviter ce qui serait pour lui un revenu en faisant en sorte qu'une autre personne reçoive le montant dont il souhaite bénéficier lui-même ».

[406] Dans la décision de la Cour suprême du Canada McClurg c. Ministre du Revenu national, [1990] 3 R.C.S. 1020 (McClurg), la société a déclaré des dividendes discrétionnaires à l'égard d'une catégorie d'actions détenues par les conjoints de deux administrateurs, mais pas à l'égard de la catégorie d'actions détenues par ces derniers. Le ministre a procédé à de nouvelles cotisations à l'égard des administrateurs au motif que la société aurait dû déclarer des dividendes de manière proportionnelle à tous les actionnaires ordinaires. La Cour suprême a conclu que la déclaration de dividendes dépassait normalement la portée du paragraphe 56(2) et le juge en chef Dickson, s'exprimant au nom des juges majoritaires, a indiqué ce qui suit (par. 1052) :

[...] Ce dernier [le paragraphe 56(2)] a pour objet d'assurer que les paiements qui auraient autrement été reçus par le contribuable ne soient pas détournés au profit d'un tiers comme technique d'évitement fiscal. [...] Par conséquent, en règle générale, le versement d'un dividende ne peut raisonnablement être considéré comme un avantage détourné par un contribuable en faveur d'un tiers au sens du par. 56(2).

[407] Dans la décision Winter c. Canada, [1991] 1 C.F. 585 (C.A.F.), à la p. 588 (Winter) [61] , l'actionnaire majoritaire d'une société de placements a fait en sorte que la société émette des actions à un prix inférieur à la juste valeur marchande à son gendre, qui était également actionnaire. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'actionnaire majoritaire, conformément au paragraphe 56(2), pour la différence entre le prix d'achat pour les actions et leur juste valeur marchande. Le contribuable a fait valoir que cette disposition ne pouvait pas s'appliquer puisqu'il « n'avait aucun droit direct aux actions » qui étaient détenues par la société (p. 591) [62] .

[408] En appel, la Cour d'appel fédérale a conclu que la véritable question était de savoir si le contribuable pouvait ordonner à la société d'émettre les actions à une valeur réduite et que le paragraphe 56(2) n'exige pas que le contribuable qui donne l'ordre ait d'abord eu droit au paiement ou au bien remis au tiers. Plus précisément, la Cour a conclu (par. 14) :

Il est couramment admis que la disposition prévue au paragraphe 56(2) est fondée sur la doctrine de la « recette présumée » et qu'elle vise principalement les cas où le contribuable cherche à éviter de recevoir ce qui serait, entre ses mains, un revenu en s'arrangeant pour que le montant soit versé à quelqu'un d'autre, et ce pour son propre bénéfice (par exemple, pour éteindre une dette) ou pour le bénéfice de cette autre personne [...] Il ne fait aucun doute cependant que le libellé de la disposition ne permet pas d'en limiter l'application à de tels cas patents d'évitement fiscal. [...] Le fait néanmoins demeure que le libellé même de la disposition n'exige pas, comme condition d'application, que le contribuable ait initialement eu droit au montant versé ou au bien transféré au tiers; mais uniquement que le contribuable ait été lui-même imposable à cet égard si le versement ou le transfert avait été fait à lui.

[409] Le juge Marceau poursuit en indiquant ce qui suit :

Il me semble cependant que, lorsque la doctrine de la « recette présumée » n'est pas clairement en cause, parce que le contribuable n'avait aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, il n'est que juste d'inférer que le paragraphe 56(2) ne peut recevoir application que si l'avantage accordé n'est pas directement imposable entre les mains du cessionnaire. En effet, selon moi, une disposition en matière d'évitement fiscal revêt un caractère essentiellement subsidiaire; sa raison d'être est d'empêcher l'évitement de l'impôt payable sur une opération donnée, et non de doubler l'impôt normalement payable ni d'accorder aux autorités fiscales une discrétion administrative qui leur permettrait de choisir entre deux contribuables possibles.

[Non souligné dans l'original.]

[410] Ce dernier commentaire du juge Marceau, notamment que le contribuable aurait « été lui‑même imposable à cet égard si le versement ou le transfert avait été fait à lui », a été interprété comme signifiant qu'il existe une cinquième condition implicite (en plus des quatre conditions décrites dans les décisions Fraser et Murphy ou plus tard dans Neuman, que j'examinerai ci‑dessous) qui prévoit que lorsque la règle de la recette présumée n'entre pas clairement en jeu, tout ce que le ministre doit démontrer est que le bénéficiaire de l'avantage n'était pas imposable. Comme nous le verrons plus loin, cette conclusion est quelque peu contestée.

[411] Dans la décision Smith c. La Reine, [1993] 3 C.F. F‑48, [1993] A.C.F. no 740 (QL) (C.A.F.) (Smith), la question était de savoir dans quelle mesure un contribuable devait participer à l'attribution d'un avantage à un tiers pour que le paragraphe 56(2) s'applique. La Cour a conclu qu'il « ne doi[t] pas nécessairement être actif » et que :

[...] Cet accord peut être passif ou implicite et peut être déduit de l'ensemble des circonstances, dont une des plus importantes est la somme de contrôle que le contribuable peut exercer sur la firme ou la corporation qui accorde l'avantage.

[412] Au sujet de ce qu'on a appelé la cinquième condition mentionnée ci‑dessus, le juge Mahoney a noté que les commentaires du juge Marceau sur cette question étaient des remarques incidentes. Cela a été répété plus tard dans Canada c. Neuman, [1997] 1 C.F. 79 (C.A.F.), où une formation différente de la Cour d'appel fédérale a confirmé que le commentaire du juge Marceau était une remarque incidente :

[...] nous ne voyons rien dans le libellé du paragraphe 56(2), lu dans le contexte de la Loi dans son ensemble, qui impose un cinquième élément ou condition préalable dans un cas comme celui en l'espèce où la déclaration de dividendes avait pour unique but de réduire l'impôt payable par l'intimé.

[413] Dans l'arrêt qui fait autorité Neuman c. M.R.N., [1998] 1 R.C.S. 770 (Neuman), la Cour suprême du Canada a confirmé les quatre conditions préalables à l'application du paragraphe 56(2), en les décrivant comme suit (par. 32) :

1. le paiement doit être fait à une autre personne que le contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

2. la répartition doit être faite suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

3. le paiement doit être fait au profit du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie ou à une autre personne à titre d'avantage que ce contribuable souhaitait voir accorder à cette autre personne;

4. le paiement aurait été inclus dans le revenu du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie si ce dernier l'avait reçu lui‑même.

[414] Le juge Iacobucci a estimé que ces quatre conditions préalables constituent « un cadre analytique approprié pour interpréter le par. 56(2) » avant de conclure qu'il n'était pas destiné à s'appliquer aux paiements de dividendes effectués par une société à ses actionnaires, estimant que « de par sa nature même, le revenu de dividendes ne satisfait pas à la quatrième condition préalable en l'absence d'un trompe‑l'œil ou d'un autre subterfuge » (par. 33). Selon les faits de cet arrêt, la Cour a conclu que le par. 56(2) ne pouvait être appliqué pour réattribuer un revenu de dividendes au motif qu'un actionnaire n'avait fourni aucun apport ni participé aux activités de la société. Le juge Iacobucci a également examiné et approuvé la conclusion de la Cour d'appel fédérale dans la décision Winter, mais n'est pas allé jusqu'à confirmer les remarques incidentes faites par le juge Marceau sur l'existence de la prétendue cinquième condition, en reconnaissant que « [l]a cour a refusé de conclure qu'il existait une cinquième condition d'application du par. 56(2) » (par. 29). C'est ce qu'a noté le juge Jorré dans Delso Restoration Ltd. c. La Reine, 2011 CCI 435 (par. 33) (Delso Restoration).

[415] L'intimée s'appuie également sur l'arrêt Hasiuk c. La Reine, 2008 CAF 294 (C.A.F.) (Hasiuk), où la société du contribuable construisait et vendait des maisons. Le contribuable a fait l'objet d'une nouvelle cotisation au motif qu'il avait donné des instructions ou son accord pour que le produit de la vente d'une maison par sa société soit versé à une société appartenant à ses fils. D'après les faits qui lui ont été présentés, le juge O'Connor a conclu que les quatre conditions avaient été remplies, et également la cinquième condition, puisqu'aucun élément concluant n'a été présenté établissant que la société des deux fils était tenue d'inclure le profit dans le calcul de son revenu. La Cour a conclu qu'il n'y avait aucune preuve d'un accord commercial et aucune preuve que la société des fils avait effectivement construit la maison en question.

[416] La Cour d'appel fédérale a confirmé la décision Hasiuk, mais la juge Sharlow a noté que l'appel « ne soulève aucune question de droit » et que le débat « est entièrement axé sur les faits » (par. 4). Plus précisément, la Cour n'a pas examiné la question de savoir si la cinquième condition était remplie, ni n'en a discuté.

[417] Il semble évident que la décision Hasiuk aurait été différente si le contribuable avait pu démontrer que la société des fils avait un droit commercial véritable aux fonds transférés. En fait, comme l'a fait remarquer le juge Jorré dans la décision Delso Restoration, précitée, en commentant les décisions Winter et Smith, ces décisions auraient été différentes s'il y avait eu « une contrepartie suffisante dans le cadre d'une relation d'affaires légitime » (par. 39). Il en va de même pour la décision Hasiuk.

[418] Dans Williams c. La Reine, 2004 CCI 838 (Williams), la Cour de l'impôt a conclu que le paragraphe 56(2) ne pouvait être appliqué pour imputer les avantages tirés de prêts entre sociétés au contribuable qui exploitait le groupe. La Cour s'est appuyée sur l'arrêt Neuman, précité, pour établir le principe selon lequel le paragraphe 56(2) « est censé s'appliquer lorsqu'un contribuable cherche à éviter de recevoir un bien qui deviendrait un revenu pour lui en essayant de faire transférer le bien à une autre personne » (par. 60) et que « lorsqu'il existe un contrat commercial avec cette personne moyennant une contrepartie supplémentaire, aucun avantage n'est accordé » (par. 61). La Cour a refusé d'appliquer le paragraphe 56(2).

La thèse de l'appelant

[419] L'appelant reconnaît que [TRADUCTION] « toute la structure juridique a été mise en place pour faire circuler les fonds des entités exploitantes » aux fonds de revenu et ensuite vers la fiducie REÉR, mais que [TRADUCTION] « M. Grenon en tant que particulier » ne faisait pas [TRADUCTION] « partie de ce circuit ». Il soutient que la fiducie REÉR a acquis les unités des fonds de revenu en utilisant ses propres fonds et que les paiements étaient simplement des distributions au prorata.

[420] L'appelant affirme qu'en tant que rentier de la fiducie REÉR, il aurait eu le droit de retirer les fonds et de payer l'impôt en conséquence à un moment ultérieur, mais que cela n'indique pas qu'il avait par ailleurs droit au revenu des placements qui y étaient détenus. De même, il soutient que même si l'appelant, en tant que rentier d'un REÉR autogéré, pouvait choisir les placements et donner des directives à la Compagnie Trust CIBC en tant qu'administrateur du régime, cela ne change rien au principe fondamental qu'il s'agit de deux entités juridiques distinctes.

[421] L'appelant ajoute qu'aux termes du paragraphe 75(3) de la Loi, il ne serait pas assujetti à l'impôt sur le revenu ou sur les gains de la fiducie REÉR. Le paragraphe 75(2) traite des fiducies révocables ou réversives et vise à attribuer tous les revenus ou les gains au constituant de ces fiducies, mais le paragraphe 75(3) exclut expressément les paiements effectués à un REÉR.

La thèse de l'intimée

[422] L'intimée soutient que les quatre conditions (ainsi que la cinquième) énumérées dans la décision Neuman ont été remplies, en faisant valoir que la première condition est satisfaite parce que les paiements ont été effectués par les fonds de revenu à la fiducie REÉR, qui est [TRADUCTION] « une entité distincte de l'appelant » [63] .

[423] Elle allègue que la deuxième condition est remplie parce que l'appelant [TRADUCTION] « était le fiduciaire contrôlant » de chacun des fonds de revenu [64] et a joué un rôle actif dans les distributions. S'il [TRADUCTION] « n'avait pas directement participé à chacune des décisions sur les distributions des fonds », il a implicitement accepté les paiements. La Couronne s'appuie sur la décision Smith, précitée (par. 17).

[424] Elle allègue que la troisième condition est également satisfaite parce que l'appelant était le propriétaire bénéficiaire de tous les biens détenus par la fiducie REÉR. Il en était le seul rentier et tous les paiements effectués par les fonds de revenu étaient destinés à la fiducie REÉR, soit [TRADUCTION] « la personne à laquelle le contribuable ayant fait l'objet d'une nouvelle cotisation voulait donner un avantage » [65] .

[425] L'intimée soutient que la quatrième condition était également remplie, puisque [TRADUCTION] « si les distributions avaient été faites directement des fonds de revenu » à l'appelant, [TRADUCTION] « elles auraient été incluses dans son revenu conformément aux articles 3 et 9 de la Loi ». Le ministre ajoute que l'appelant [TRADUCTION] « possédait directement une unité de chacun des » fonds de revenu, de sorte que tout montant qui lui aurait été transféré directement aurait été un revenu tiré de ses placements dans les fonds de revenu [66] .

[426] Enfin, l'intimée affirme que la cinquième condition était également remplie, puisque l'appelant avait [TRADUCTION] « droit au montant transféré » aux fonds de revenu ou, à titre subsidiaire, puisque l'avantage conféré n'était [TRADUCTION] « pas directement imposable pour le cessionnaire » [67] . Le ministre s'appuie sur les décisions Winter et Hasiuk, précitées. L'intimée s'appuie également sur les principes du trompe‑l'œil et de l'artifice.

Analyse et conclusion

[427] Pour commencer, je note que le paragraphe 75(2) soulevé par l'appelant traite des fiducies révocables et réversives. Il vise à réattribuer tous les revenus au constituant de ces fiducies tout en précisant à l'alinéa 75(3)a) que cela ne s'applique pas aux revenus ou aux gains accumulés dans un REÉR. Je suis d'accord avec l'intimée que cette disposition n'est pas pertinente pour l'application du paragraphe 56(2) en l'espèce.

[428] Il est évident que le paragraphe 56(2) est une disposition anti‑évitement qui est fondée sur la règle de la recette présumée. Il vise les situations où un contribuable cherche à éviter ce qui serait pour lui un revenu en faisant recevoir le montant par un tiers auquel il souhaite accorder un avantage (Fraser et Winter, précités). Une longue série de décisions a établi que les quatre conditions reprises dans la décision Neuman doivent être remplies pour que le paragraphe 56(2) s'applique.

[429] En ce qui concerne la première condition, il n'est pas contesté que l'appelant et la fiducie REÉR sont des entités juridiques distinctes et que les paiements ont été faits « à une autre personne que le contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie », c'est‑à‑dire la fiducie REÉR. Toutefois, l'application du paragraphe 56(2) n'est pas sans difficulté, car nous avons affaire à un régime légal qui vise à faire en sorte que tous les revenus gagnés dans le REÉR s'accumulent en franchise d'impôt. Il s'agit là de l'objet de la loi.

[430] En ce qui concerne la deuxième condition, j'ai déjà conclu que l'appelant a joué un rôle actif dans la gestion des fonds de revenu, qu'il était au sommet de la chaîne de commandement et qu'il a dirigé et approuvé la distribution des profits aux détenteurs d'unités, y compris la fiducie REÉR. Même s'il n'était pas à tout moment le véritable fiduciaire d'un fonds de revenu, je conclus que c'est néanmoins lui qui déterminait qui serait le fiduciaire. Cependant, la difficulté, une fois de plus, pour l'application du paragraphe 56(2) est que les unités du fonds de revenu ont été acquises à l'aide de fonds provenant de la fiducie REÉR et que celle‑ci avait donc un droit juridique aux distributions au prorata. Malgré le rôle actif joué par l'appelant, je ne suis pas convaincu que la « répartition » du revenu a été faite selon ses « instructions » ou avec son « accord » au sens du paragraphe 56(2).

[431] L'application de la troisième condition pose également problème. D'une part, on peut dire que les paiements étaient faits au profit de l'appelant « ou à une autre personne », soit la fiducie REÉR, « à titre d'avantage que ce contribuable souhaitait voir accorder » à cette autre personne et que, n'eût été l'existence de la fiducie REÉR, les paiements auraient été inclus « dans le revenu du contribuable », en tant que rentier, s'il les avait reçus. Cependant, la difficulté de l'application du paragraphe 56(2) en l'espèce réside une fois de plus dans la caractéristique fondamentale des REÉR, à savoir que tous les revenus s'accumulent en franchise d'impôt au profit du rentier qui a le droit de retirer des fonds à une date ultérieure et qui est assujetti à l'impôt à ce moment‑là.

[432] Pour qu'il soit satisfait à la quatrième condition, la Cour devrait être convaincue que les paiements de revenus auraient été inclus dans le revenu de l'appelant s'il les avait reçus. Il s'agit là du principe de la recette présumée. Comme nous l'avons indiqué ci‑dessus, la Cour suprême du Canada a précisé que l'application du paragraphe 56(2) ne s'étend pas au revenu de dividendes qui, « de par sa nature même [...] ne satisfait pas à la quatrième condition préalable en l'absence d'un trompe‑l'œil ou d'un autre subterfuge » (McClurg et Neuman, précités).

[433] En l'espèce, la Cour doit conclure de même que le paragraphe 56(2) ne peut s'appliquer au revenu tiré de placements détenus dans un REÉR, car il est payable au REÉR et non au rentier. La règle de la recette présumée ne se pose pas, car le rentier n'a pas droit au revenu avant de réellement faire un retrait. De plus, le fait que l'appelant ait détenu des unités des fonds de revenu à titre personnel et qu'il ait reçu des distributions au prorata en conséquence n'étend pas l'application du paragraphe 56(2) à tous les paiements de revenu effectués par les fonds de revenu à la fiducie REÉR.

[434] La Cour a déjà conclu qu'en l'espèce, il n'y avait pas de trompe‑l'œil ou d'artifice. Si la Cour suprême du Canada pouvait conclure, comme elle l'a fait dans l'arrêt Neuman, précité, qu'« en l'absence d'un trompe‑l'œil ou d'un autre subterfuge », le paragraphe 56(2) ne s'applique pas à un revenu de dividendes, je répugnerais également à étendre l'application de cette disposition au revenu généré par les placements détenus dans un REÉR.

[435] Bien que je n'aie pas à tirer de conclusion sur la question, je suis d'avis que le régime légal des REÉR est un code complet pour l'imposition de tous les avantages qui en découlent. Plus précisément, comme nous le verrons plus loin, le revenu tiré de placements non admissibles est expressément visé par le paragraphe 146(10.1).

[436] Sous réserve de l'examen de la RGAÉ, j'accueillerais l'appel en ce qui concerne les nouvelles cotisations établies aux termes du paragraphe 56(2).

E. Les cotisations excédentaires

[437] Le ministre a établi une cotisation à l'égard de l'appelant en se fondant sur l'hypothèse que les montants versés par les fonds de revenu au REÉR, que j'ai appelés les distributions, à l'égard des années d'imposition 2004 à 2011 étaient des cotisations excédentaires à son REÉR. Afin de fournir un cadre analytique pour cette question, il est nécessaire d'examiner certains des concepts les plus pertinents du régime des REÉR.

[438] Le paragraphe 146(5) de la Loi dispose que les cotisations à un REÉR sont déductibles du revenu d'un contribuable jusqu'à concurrence de 18 pour cent du « revenu gagné » de l'année précédente, sous réserve d'un maximum annuel admissible appelé « plafond REÉR », deux termes définis au par. 146(1). Si un contribuable participe à un régime de retraite enregistré, le maximum déductible est réduit en conséquence. Si un contribuable ne cotise pas à un REÉR au cours d'une année donnée ou ne cotise pas la somme maximale autorisée, ces sommes s'accumulent d'une année civile à l'autre et peuvent être déduites au cours des années suivantes. Le paragraphe 146(1) donne une définition détaillée du « maximum déductible au titre des REÉR » et des « déductions inutilisées au titre des REÉR », mais il n'est pas nécessaire dans les présentes d'examiner ces concepts en plus de détails.

[439] Si un contribuable verse des cotisations excédentaires à un REÉR, le paragraphe 204.1(2.1) de la partie X.1 de la Loi prévoit un impôt de 1 % calculé mensuellement sur l'« excédent cumulatif » défini au paragraphe 204.2(1.1), jusqu'à ce que le montant excédentaire soit retiré. Un « coussin » cumulatif de 2 000 $ pour les cotisations excédentaires est exclu de ce calcul : division 204.2(1.1)(D). Voir Roy c. La Reine, 2019 CCI 50. Tous les retraits d'un REÉR sont imposables en application de l'alinéa 56(1)h) et du paragraphe 146(8) (Andaluz c. La Reine, 2015 CCI 165, par. 10), et cela comprend le retrait de cotisations excédentaires non déduites, sauf que le contribuable a droit à une déduction compensatoire si la cotisation excédentaire est retirée dans le délai prescrit, comme le dispose le paragraphe 146(8.2). Voir Vale c. La Reine, 2004 CCI 107, et Pelletier c. La Reine, 2006 CCI 237. Tant que les cotisations excédentaires ne sont pas retirées, l'impôt de 1 % continue de courir.

[440] Le paragraphe 204.3(1) dispose que le contribuable qui a versé des cotisations excédentaires doit, dans les 90 jours suivant la fin de chaque année civile, produire une déclaration selon le formulaire prescrit estimant le montant de l'impôt dont il est redevable en vertu de la partie X.1 « pour chaque mois de l'année » et verser cet impôt au receveur général. Pour les particuliers, le formulaire prescrit est le formulaire T1‑OVP : Hall c. La Reine, 2016 CCI 221 (« Hall »). Il n'est pas contesté en l'espèce que l'appelant n'a pas déposé le formulaire.

[441] J'ajouterai que le paragraphe 204.1(4) est une disposition d'allégement qui permet au contribuable de demander une renonciation à l'impôt (s'il a fait l'objet d'une cotisation) s'il est établi « à la satisfaction du ministre que l'excédent ou l'excédent cumulatif [...] fait suite à une erreur acceptable et que les mesures indiquées pour éliminer l'excédent ont été prises ». Le paragraphe 220(3.1) prévoit l'allégement des intérêts et des pénalités, y compris les pénalités payables pour avoir omis de produire un formulaire T1‑OVP. Ces deux dispositions confèrent au ministre une forme de « pouvoir discrétionnaire d'accorder un allégement » : Connolly c. Canada (Revenu national), 2019 CAF 161, [2019] 4 R.C.F. 256 (par. 22 à 24) (Connolly). Il n'est pas contesté en l'espèce que l'appelant n'a pas cherché à se prévaloir de l'une ou l'autre de ces dispositions.

[442] L'intimée affirme que les mesures prises pour créer les fonds de revenu n'avaient pas d'effet juridique, de sorte qu'ils n'étaient pas des placements admissibles pour un REÉR ou, subsidiairement, qu'il s'agissait d'un trompe‑l'œil ou d'un artifice et que le ministre avait le droit de requalifier les distributions en tant que cotisations excédentaires au REÉR. Le ministre affirme également que la structure des fonds de revenu était en fait une tentative d'éviter l'impôt de la partie X.1 sur les cotisations excédentaires, en s'appuyant sur la RGAÉ (que j'examinerai séparément).

La thèse de l'appelant

[443] L'appelant affirme qu'il a versé des cotisations annuelles à la fiducie REÉR, qu'il a demandé une déduction correspondante et qu'il a fait l'objet d'une cotisation en conséquence pour chacune des années d'imposition visées. Il affirme que ces sommes n'excédaient pas son maximum déductible au titre des REÉR et qu'à aucun moment il n'y a eu d'« excédent cumulatif » au sens du paragraphe 204.2(1.1).

[444] Conformément à sa thèse selon laquelle les fonds de revenu étaient des placements admissibles, l'appelant affirme que les montants qui auraient été des cotisations excédentaires à la fiducie REÉR n'appartenaient pas à l'appelant. Il s'agissait du revenu tiré des placements détenus par les fonds de revenu qui demeuraient dans la fiducie REÉR, administrée par la Compagnie Trust CIBC à titre de fiduciaire. L'appelant soutient qu'il n'a jamais cotisé de nouveau ces sommes à la fiducie REÉR [68] .

[445] L'appelant affirme également qu'il a rempli une déclaration d'impôt sur le revenu des particuliers et qu'il a fait l'objet d'une cotisation en conséquence. Il soutient qu'il n'est pas nécessaire qu'il produise une déclaration distincte, le formulaire T1‑OVP, pour les cotisations excédentaires. Si la Cour est arrivée à une conclusion différente dans la décision Hall, précitée (un appel entendu sous le régime de la procédure informelle), l'appelant invite la Cour à ne pas tenir compte de cette décision.

[446] L'appelant affirme également que la somme de 136 654 427 $ qui a fait l'objet d'une cotisation pour l'année d'imposition 2005 (relativement au fonds de revenu 2003‑4) se rapportait à une réorganisation de certains de ses placements visant la fiducie Foremost Ventures et que ce revenu [TRADUCTION] « a été distribué par le fonds de revenu TOM 2003‑4 à la fiducie REÉR essentiellement par une distribution en nature qui n'a pas augmenté la juste valeur marchande de la fiducie REÉR » [69] . L'appelant affirme également que la cotisation établie à l'égard de ce montant ne tient pas compte d'une perte de 129 876 648 $ subie par la fiducie REÉR lors de la disposition des unités en 2008.

Analyse et conclusion

[447] Il est évident que les cotisations réelles à la fiducie REÉR au cours des années d'imposition visées ne sont pas vraiment en litige. On ne conteste pas sérieusement que l'appelant a versé des cotisations qui n'excédaient pas les maximums pour les REÉR, qu'il a déduit ces sommes du revenu et qu'il a fait l'objet d'une cotisation en conséquence.

[448] La question à traiter est de savoir si les distributions peuvent être à juste titre qualifiées de cotisations excédentaires ou d'« excédent cumulatif ».

[449] La Cour note d'emblée qu'il existe une certaine confusion quant au montant visé par la cotisation pour 2005, puisque la fiducie REÉR a souscrit 3 821 850 unités du fonds de revenu 2003‑4 à 40 $ l'unité pour le montant de souscription total de 152 874 000 $ indiqué dans le tableau qui précède intitulé « Souscriptions effectuées ». L'appelant affirme qu'il s'agissait en fait d'un échange ou d'un « transfert en nature », également appelé « swap », qui n'a pas eu pour effet d'augmenter la valeur de la fiducie REÉR. En d'autres termes, l'appelant affirme que la fiducie REÉR a souscrit des unités du fonds de revenu 2003‑4 d'une valeur de 152 874 000 $ et que le montant de la souscription a été versé par le transfert des unités de la FMO. Malgré cela, le ministre a indiqué que le montant qui aurait été une cotisation excédentaire au REÉR en 2005 était de 136 654 427 $, comme l'indique le tableau qui précède intitulé « Distributions effectuées ». On n'a pas expliqué cette divergence, mais la Cour estime que si l'appelant devait faire l'objet d'une cotisation selon l'hypothèse qu'il y avait des cotisations excédentaires, il aurait droit au bénéfice du montant le moins élevé.

[450] Quoi qu'il en soit, puisque le ministre a convenu que la FMO était un placement admissible tant que les unités étaient détenues directement par la fiducie REÉR, et puisque le ministre n'a pas indiqué que l'échange ou le swap décrit ci‑dessus était contraire aux dispositions de la Loi, je conclus qu'il y a de bonnes raisons de convenir avec l'appelant que la cotisation alléguée de 136 654 427 $ ne peut être qualifiée de cotisation excédentaire.

[451] De même, l'appelant ne peut pas réclamer un crédit de 129 876 648 $ en raison de la perte prétendument subie par la fiducie REÉR lors de la disposition des unités du fonds de revenu 2003‑4 en 2008. Peu importe qu'il y ait ou non eu une perte, il est évident qu'il ne faut pas tenir compte d'une perte subie par la fiducie REÉR. Toutes les pertes subies par un REÉR (par exemple, les placements achetés pour un REÉR et dont on dispose ensuite à un prix inférieur à leur valeur comptable) réduisent simplement le montant qu'on peut retirer ou transférer à un fonds enregistré de revenu de retraite à une date ultérieure. Toutes ces pertes n'ont par ailleurs aucune conséquence fiscale.

[452] Il est également évident que l'intimée tente de requalifier les distributions, c'est‑à‑dire le revenu tiré des fonds de revenu, comme cotisations excédentaires ou « excédent cumulatif » en s'appuyant sur la règle du trompe‑l'œil ou de l'artifice (ainsi que sur la RGAÉ, qui sera examinée de façon distincte). La Cour suprême du Canada a indiqué dans l'arrêt Shell Canada, précité, que les liens juridiques entre les contribuables doivent être respectés, à moins qu'il n'y ait un trompe‑l'œil, auquel cas « [u]ne nouvelle qualification n'est possible que lorsque la désignation de l'opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables » (par. 39).

[453] La Cour a déjà conclu que les fonds de revenu n'étaient pas des placements admissibles, mais qu'il n'y avait pas de trompe‑l'œil ou d'artifice. Par conséquent, la Cour est d'accord avec l'appelant pour dire que les montants décrits comme les distributions ne peuvent pas être simplement requalifiés en tant que cotisations excédentaires. Comme il est indiqué dans la section précédente traitant du paragraphe 56(2), la Loi établit un code ou un régime complet pour l'imposition des avantages tirés d'un REÉR, y compris le revenu ou les gains tirés des placements non admissibles.

[454] En fin de compte, après avoir constaté qu'il n'y a pas eu de trompe‑l'œil ou d'artifice, je conclus que le ministre n'avait pas le droit d'établir une cotisation à l'égard des distributions en tant que cotisations excédentaires en application du paragraphe 204.1(2.1). Comme il est indiqué dans la section précédente traitant du paragraphe 56(2), cela fera l'objet d'une analyse selon la RGAÉ.

F. Les années frappées de prescription

a) L'appel de M. Grenon

Les nouvelles cotisations établies aux termes de la partie I

[455] Après avoir conclu que le ministre n'avait pas le droit d'établir de cotisation à l'égard de l'appelant en application du paragraphe 56(2), j'examinerai néanmoins la question de la prescription.

[456] Les nouvelles cotisations établies aux termes de la partie I concernent les années d'imposition 2008 et 2009; les parties conviennent que l'appelant a produit des déclarations de revenus T1 pour ces années et que des avis de cotisation initiaux ont été délivrés par le ministre comme suit :

Année d'imposition

Date de l'avis de cotisation

2004

29 mars 2006

2005

3 mai 2006

2006

20 avril 2007

2007

27 mai 2008

2008

15 juillet 2009

 

[457] L'appelant a signé une renonciation (formulaire T2029) le 15 juin 2012 relativement à l'année d'imposition 2008 et, le 28 février 2013, le ministre a établi les nouvelles cotisations au titre de la partie I à l'égard des années d'imposition 2008 et 2009, en s'appuyant sur le paragraphe 56(2), que j'ai examiné ci‑dessus. L'année d'imposition 2009 a donné lieu à une cotisation portant qu'aucun impôt n'est à payer et l'inclusion du revenu pour cette année‑là a eu pour effet de réduire d'autant une perte autre qu'en capital reportée en 2006.

[458] L'appelant n'a pas prétendu que cette cotisation était prescrite.

Les nouvelles cotisations établies aux termes de la partie X.1

[459] Après avoir conclu que le ministre n'avait pas le droit d'établir une cotisation à l'égard de l'appelant au motif que les distributions étaient des cotisations excédentaires, j'examinerai néanmoins la question de la prescription.

[460] Comme il a été résumé ci‑dessus, les nouvelles cotisations établies aux termes de la partie X.1 portent sur les années d'imposition 2004 à 2011, et les parties conviennent que l'appelant n'a pas produit de « Déclaration des particuliers — Cotisations excédentaires versées à un REÉR, RPAC et RPD », aussi appelée « T1‑OVP », pour ces années. Le ministre a établi des cotisations fondées sur le formulaire T1‑OVP le 1er mars 2013; elles ont été ratifiées le 24 juillet 2014, mais les pénalités pour production tardive ont été supprimées.

[461] La question est de savoir si les cotisations (ou nouvelles cotisations) établies en application du paragraphe 204.3(2) pour les années d'imposition 2004 à 2007 étaient prescrites. Les parties reconnaissent que la renonciation mentionnée ci‑dessus ne faisait pas référence à la partie X.1 de la Loi.

[462] L'appelant allègue que la période normale de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 2004 à 2007 a pris fin le 8 mai 2011 pour la partie I, et que cela s'applique également à toute cotisation établie aux termes de la partie X.1. L'appelant affirme également qu'il n'y a pas eu de présentation erronée des faits au sens du paragraphe 152(4) qui permettrait au ministre d'établir une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation.

[463] L'intimée soutient que selon le paragraphe 204.1(2.1), il y a un impôt mensuel de 1 % sur l'« excédent cumulatif » de toute cotisation à un REÉR et que le paragraphe 204.3(1) prévoit que le contribuable doit produire une déclaration selon le formulaire prescrit et payer l'impôt dans « les 90 jours qui suivent la fin de chaque année ». On affirme que le paragraphe 204.3(2) autorise le ministre à établir des avis de cotisation :

204.3(2) Les paragraphes 150(2) et (3), les articles 152 et 158, les paragraphes 161(1) et (11), les articles 162 à 167 et la section J de la partie I s'appliquent à la présente partie, avec les adaptations nécessaires.

[464] Par conséquent, l'intimée affirme que certaines dispositions de la partie I sont intégrées par renvoi à la partie X.1 avec les adaptations nécessaires. Cela comprend l'alinéa 152(3.1)b), qui dispose que la « période normale de nouvelle cotisation » est de trois ans suivant soit la date d'envoi d'un avis de première cotisation, soit, si elle est antérieure, la date d'envoi d'une première notification portant qu'aucun impôt n'est payable.

[465] L'intimée affirme qu'il existe depuis longtemps une [TRADUCTION] « interaction entre la partie I de la Loi et les autres parties de la Loi en ce qui concerne la production des déclarations et le pouvoir du ministre d'établir des cotisations ou des nouvelles cotisations » [70] . Plus précisément, l'intimée s'appuie sur la décision Hall c. La Reine, précitée, dans laquelle le contribuable avait versé des cotisations excédentaires à un REÉR et avait prétendu de la même façon que la cotisation établie en application du paragraphe 204.3(1) était prescrite parce que le ministre avait déjà établi des cotisations initiales aux termes de la partie I et qu'il n'avait présenté aucun élément de preuve indiquant qu'il y avait eu une quelconque présentation erronée des faits.

[466] En rejetant l'appel, la juge d'Auray a expliqué la question comme suit :

[16] [...] M. Hall était tenu de produire une déclaration en vertu du paragraphe 204.3(1) de la Partie X.1 de la Loi. La Partie X.1 s'applique lorsqu'un contribuable a trop cotisé à son REÉR.

[17] Le paragraphe 204.3(1) de la Loi exige la production d'une déclaration distincte de celle produite en application de la Partie I. De plus, l'impôt payable conformément à la Partie X.1 est différent de l'impôt exigible conformément à la Partie I. Le paragraphe 204.3(1) exige que le contribuable paie l'impôt exigible conformément à cette Partie (X.1), dans les 90 jours suivant la fin de l'exercice.

[18] Puisque la Partie X.1 énonce un impôt distinct, nécessitant une déclaration distincte de la Partie I, une déclaration produite en application de la Partie I ne s'applique pas au délai prévu au paragraphe 204.3(1) de la Loi. Ce raisonnement s'applique de la même manière à plusieurs autres parties de la Loi

[19] La Cour, dans Gretillat c. La Reine, [1998] A.C.I. no 143, 98 D.T.C. 1483, a traité d'une question semblable à la question en l'espèce, portant sur la Partie X.4 de la Loi qui s'applique aux cotisations excédentaires à un REÉR. La Cour avait conclu que :

[14] L'impôt payable en vertu de la Partie X.4 de la Loi, par le souscripteur d'un REÉE, sur un excédent tel que défini à cette Partie X.4, est un impôt distinct de l'impôt payable en vertu de la Partie I de la Loi.

[20] Plus loin dans Gretillat, la Cour a conclu que le délai d'évaluation applicable à la Partie X.4 n'avait pas commencé avec la production d'une déclaration conformément à la Partie I, mais qu'elle avait plutôt commencé au moment où le contribuable a fait l'objet d'une cotisation établie par le ministre pour l'impôt payable en vertu de la Partie X.4.

[21] L'intimée a cité Cable Mines & Oils Ltd v. Minister of National Revenue, 61 D.T.C. 641, à l'appui de sa position selon laquelle une déclaration produite en vertu de la Partie I ne serait pas le point de départ de la période de cotisation pour l'impôt payable en vertu de la Partie X.1. Dans Cable Mines & Oils Ltd la Cour avait conclu que :

[TRADUCTION]

[20] [...] une cotisation établie en vertu des dispositions du paragraphe 123(10) est une cotisation initiale à l'égard d'impôts retenus et est une cotisation bien différente de toute cotisation initiale établie en vertu de l'article 46 en lien avec le revenu propre au contribuable [...]

[...]

[23] Le paragraphe 204.3(2) édicte que l'article 152 de la Loi s'applique à la Partie X.1 de la Loi, « avec les adaptations nécessaires ». Aux termes du paragraphe 204.3(2) de la Loi, les délais de prescription du paragraphe 152(3.1) de la Loi s'appliquent à la partie X.1, avec adaptations. Le délai de trois ans pour l'évaluation débute au moment de l'envoi d'un avis initial de cotisation.

[Non souligné dans l'original.]

[467] La thèse adoptée dans la décision Hall, précitée, notamment sur l'obligation de produire une déclaration T1‑OVP, a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans Connolly, précité, par. 20 et 21.

[468] En fin de compte, l'intimée affirme [TRADUCTION] « que plusieurs parties de la Loi décrivent chacune un impôt distinct, exigent une déclaration distincte et créent des exigences distinctes en matière de délais, sans qu'il soit tenu compte de la prescription d'une nouvelle cotisation en vertu de la partie I » [71] .

[469] L'intimée affirme également que le ministre était autorisé à établir les avis de nouvelle cotisation (supprimant les pénalités pour production tardive) du 13 août 2014 aux termes du paragraphe 165(3), également intégré par renvoi par le paragraphe 204.3(2), puisque l'appelant avait déposé le 28 mai 2013 des avis d'opposition aux cotisations initiales et que le ministre était tenu d'y répondre.

Analyse et conclusion

[470] Je suis d'accord avec les observations de l'intimée résumées ci‑dessus et avec les conclusions tirées dans les décisions Hall et Connolly, précitées. L'alinéa 204.3(1)a) exige la production « sans avis ni mise en demeure [...] selon le formulaire prescrit », qui est distinct de la déclaration de revenus T1 qui doit être produite en vertu de la partie I.

[471] Deuxièmement, puisque l'appelant n'avait pas produit la déclaration T1‑OVP, le ministre n'a jamais délivré d'« avis de première cotisation » ou « une première notification portant qu'aucun impôt n'est payable », comme le prévoit l'alinéa 152(3.1)b), intégré par renvoi à la partie XI.1 par le paragraphe 204.3(2).

[472] Par conséquent, la Cour conclut que les nouvelles cotisations établies en vertu de la partie X.1 relativement aux années d'imposition 2004 à 2007 n'étaient pas prescrites.

b) L'appel de la fiducie REÉR

[473] Comme résumé ci‑dessus, des cotisations ont été établies aux termes de la partie I et de la partie XI.1 le 6 mars 2013 pour les années d'imposition 2004 à 2009 et ont été ratifiées le 24 juillet 2014.

[474] Les parties reconnaissent que la fiducie REÉR était visée par le modèle de régime RER 322‑010 (le « modèle de régime »), que la Compagnie Trust CIBC a produit les formulaires T3GR en temps opportun, qu'elle a payé l'impôt au receveur général et, enfin, que le ministre a établi les avis de cotisation de la fiducie comme suit :

Année d'imposition

Date de l'avis de cotisation de la fiducie

Impôt établi

2004

15 février 2006

1 014 654 $

2005

17 mai 2006

55 864 $

2006

27 juin 2007

31 739 $

2007

16 juillet 2008

21 354 $

2008

15 juillet 2009

9 151 $

2009

9 juin 2010

8 247 $

 

[475] Les parties reconnaissent aussi qu'on n'indiquait pas que la fiducie REÉR était un régime imposable, parce que la Compagnie Trust CIBC était d'avis qu'elle n'était pas assujettie à l'impôt de la partie I ou de la partie XI.1.

[476] Les appelants allèguent que les années d'imposition 2004 à 2008 sont prescrites.

[477] Les cotisations établies aux termes de la partie I se fondaient sur le paragraphe 146(10.1) ou, à titre subsidiaire, sur les principes du trompe‑l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ. Le paragraphe 146(10.1) dispose que si une fiducie régie par un REÉR détient un bien qui est un placement non admissible, « la fiducie doit payer un impôt [...] sur le montant qui serait son revenu imposable pour l'année si les sources de ses revenus et pertes n'étaient que des placements non admissibles et si ses gains en capital et pertes en capital ne résultaient que de la disposition de tels placements ». En l'espèce, le ministre a établi une cotisation à l'égard de la fiducie REÉR pour le revenu versé par les fonds de revenu à la fiducie REÉR décrit comme étant les distributions.

[478] Les cotisations établies aux termes de la partie XI.1 se fondaient sur le paragraphe 207.1(1) ou, à titre subsidiaire, sur les principes du trompe‑l'œil ou de l'artifice ou sur la RGAÉ. Le paragraphe 207.1(1) dispose que lorsque, à la fin d'un mois, une fiducie régie par un REÉR « détient des biens qui ne sont ni un placement admissible [...] doit payer, pour ce mois, en vertu de la présente partie, un impôt égal à 1 % de la juste valeur marchande des biens au moment où ils ont été acquis par la fiducie, de tous ces biens qu'elle détient à la fin du mois [...] ». En l'espèce, la fiducie REÉR a fait l'objet d'une cotisation pour la juste valeur marchande des unités des fonds de revenu acquises par la fiducie REÉR.

[479] L'alinéa 207.1(1)a) exclut du calcul de l'impôt de 1 % la juste valeur marchande des placements non admissibles qui ont déjà été inclus dans le revenu du rentier aux termes du paragraphe 146(10). En l'espèce, l'appelant n'a pas fait l'objet d'une cotisation aux termes de cette disposition, de sorte que l'exclusion ne s'applique pas.

[480] Le paragraphe 207.2(1) dispose : « Le contribuable assujetti à la présente partie doit [...] a) produire auprès du ministre, sans avis ni mise en demeure, une déclaration pour l'année en vertu de la présente partie, selon le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits; b) estimer dans cette déclaration l'impôt dont il est redevable en vertu de la présente partie pour chaque mois de l'année; c) verser cet impôt au receveur général. »

[481] Le paragraphe 207.2(2) traite de la responsabilité de l'administrateur ou du fiduciaire du régime et dispose : « Le fiduciaire d'une fiducie qui est assujettie à l'impôt en application de la présente partie qui ne remet pas [...] le montant de l'impôt, dans le délai imparti, est personnellement tenu de verser, au nom de la fiducie, le montant total de l'impôt et a le droit de recouvrer de la fiducie toute somme ainsi versée. »

La thèse des appelants

[482] Les appelants affirment que les « avis de cotisation de la fiducie » délivrés par le ministre en réponse au dépôt des formulaires T3GR par la Compagnie Trust CIBC, comme il est indiqué ci‑dessus, étaient tous des « avis de première cotisation » lors du calcul de la période normale de nouvelle cotisation.

[483] Les appelants ont avancé plusieurs arguments pour soutenir cette thèse.

i) Le processus de déclaration simplifié pour le revenu des REÉR

[484] Les appelants affirment qu'en application de la Loi et du Règlement, le formulaire T3GR est un formulaire prescrit pour satisfaire aux exigences de dépôt conformément à l'alinéa 150(1)c) et au paragraphe 207.2(1) de la Loi et à l'article 204 du Règlement.

[485] L'alinéa 150(1)c), qui traite des « successions ou fiducies », est libellé ainsi :

150(1) Sous réserve du paragraphe (1.1), une déclaration de revenu sur le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits doit être présentée au ministre, sans avis ni mise en demeure, pour chaque année d'imposition d'un contribuable :

[...]

c) dans le cas d'une succession ou d'une fiducie, dans les 90 jours suivant la fin de l'année;

[486] Les paragraphes 204(1) et (2) du Règlement [72] sont ainsi libellés :

204(1) Toute personne qui contrôle ou reçoit un revenu, des gains ou bénéfices en qualité de fiduciaire, ou en une qualité analogue à celle de fiduciaire, doit remplir une déclaration selon le formulaire prescrit à leur égard.

(2) La déclaration requise en vertu du présent article doit être produite dans les 90 jours qui suivent la fin de l'année d'imposition et porter sur l'année d'imposition.

[...]

[487] La Compagnie Trust CIBC affirme que le ministre a fait un choix de politique et que, puisqu'elle administre [TRADUCTION] « des centaines de milliers de REÉR, voire des millions, [...] il serait indûment onéreux » pour les fiduciaires et le ministre d'examiner les déclarations individuelles et que, pour éviter cela, le ministre [TRADUCTION] « a adopté un plan pratique pour faciliter la déclaration de l'impôt » au moyen d'une « procédure simple de déclaration “collective” ». Il permet aux fiduciaires qui administrent un modèle de régime [TRADUCTION] « d'utiliser la même méthode et les mêmes renseignements pour déterminer l'impôt à payer » et, après avoir [TRADUCTION] « imposé un tel système », il serait manifestement injuste que l'ARC soit autorisée [TRADUCTION] « à refuser aux contribuables les droits qui auraient été préservés [...] si l'ARC avait adopté un système différent » [73] .

ii) Les directives du ministre concernant les déclarations de revenus des REÉR

[488] On affirme que le ministre [TRADUCTION] « a publié des directives concernant la production du formulaire T3GR indiquant qu'il était destiné à permettre aux REÉR de déclarer un revenu nul en vertu des parties I et XI.1 » et que ce [TRADUCTION] « processus favorise l'efficacité lors de la déclaration par les REÉR » de toute obligation fiscale en vertu de la partie I et de la partie XI [74] .

[489] La Compagnie Trust CIBC renvoie à la circulaire d'information 78‑14R3 du 1er avril 2001 et à la circulaire d'information 78‑14R4 du 1er juillet 2006 et affirme que les versions antérieures faisaient référence au formulaire T3G (remplacé plus tard par le formulaire T3GR) et disaient aux sociétés de fiducie de produire une seule déclaration pour les REÉR selon un modèle de régime qui informerait l'ARC [TRADUCTION] « que le groupe de fiducies n'a pas d'obligation fiscale » et, plus précisément, qu'il pouvait être utilisé pour [TRADUCTION] « informer l'ARC que le groupe de fiducies n'a pas d'obligation fiscale ou a une obligation fiscale de moins de 2 $ ». Les versions antérieures de la circulaire indiquaient que si le REÉR était assujetti à un impôt supérieur à 2 $, le formulaire T3G ne pouvait être utilisé seul et un formulaire T3IND était également requis. Si le formulaire T3G n'était pas produit dans les 90 jours suivant la fin de l'année, l'ARC pouvait exiger qu'un formulaire T3IND soit produit [TRADUCTION] « pour chaque REÉR, FERR ou REÉE du groupe qui aurait été inclus dans le formulaire T3GR ». Dans une version ultérieure des circulaires (la « version 4 »), il était indiqué que le formulaire T3GR était la déclaration prescrite pour les REÉR en vertu de l'alinéa 150(1)c) et des paragraphes 207.1(1) et 207.2(1) de la Loi et de l'article 204 du Règlement.

[490] La Compagnie Trust CIBC affirme que le formulaire T3GR n'a [TRADUCTION] « pas été modifié de manière importante de 2004 à 2009 » et qu'un [TRADUCTION] « formulaire T3 n'est requis que lorsque la fiducie devait déclarer un revenu au titre de la partie I ».

iii) L'objet des délais de prescription en matière fiscale

[491] Les appelants affirment que la Loi établit une démarche en trois étapes pour les délais de prescription : i) la production d'une déclaration, ii) l'obligation d'établir une cotisation à l'égard de cette déclaration avec diligence, iii) l'établissement d'une nouvelle cotisation par le ministre, pourvu qu'il le fasse dans le délai normal de trois ans prévu à l'alinéa 152(3.1)b) et au paragraphe 152(4).

[492] Les appelants soutiennent que la Cour suprême du Canada a souligné que [TRADUCTION] « l'objet des délais de prescription est, en général, d'empêcher les réclamations lorsque la preuve est périmée, de favoriser la certitude [...] et de faire en sorte que les particuliers soient rassurés dans leurs attentes raisonnables » qu'ils ne « seront pas tenus responsables d'obligations anciennes », en s'appuyant sur Markevich c. Canada, 2003 CSC 9, [2003] 1 R.C.S. 94, par. 19, et Produits Forestiers St‑Armand Inc. c. La Reine, 2003 CCI 696, par. 59.

[493] La Compagnie Trust CIBC affirme que la suggestion de l'intimée selon laquelle seules les déclarations T3 sont des « avis de première cotisation » pour les besoins du délai de prescription va à l'encontre de la jurisprudence mentionnée ci‑dessus et [TRADUCTION] « donnerait ouverture à une période de cotisation continue et imprévisible pour des millions de REÉR au Canada qui déclarent un revenu nul » [75] .

iv) Les formulaires T3GR comprenaient la fiducie REÉR

[494] La Compagnie Trust CIBC affirme que, selon la preuve non contredite à l'audience, un formulaire T3GR qui comprend la fiducie REÉR comme faisant partie du modèle de régime avait été produit pour chaque année d'imposition visée parce que la fiducie REÉR ne détenait pas de placements non admissibles et n'était pas un REÉR imposable. Elle affirme là encore que ce formulaire visait à confirmer qu'un REÉR n'a [TRADUCTION] « aucune obligation de payer l'impôt établi aux termes de la partie I ou de la partie XI.1 » et [TRADUCTION] qu'« un contribuable a le droit, en vertu de la Loi, de produire une déclaration lorsqu'il n'est pas nécessaire d'en produire une pour obtenir une cotisation et “faire démarrer le chronomètre” aux termes du paragraphe 152(3.1) » [76] .

v) Acceptation des formulaires T3GR par le ministre

[495] La Compagnie Trust CIBC affirme que l'article 152 de la Loi exige que le ministre établisse des cotisations avec diligence et qu'il l'a fait en l'espèce en [TRADUCTION] « établissant des avis de première cotisation », comme il est indiqué ci‑dessus. Elle affirme que ces cotisations ont été envoyées aux bureaux de la Compagnie Trust CIBC à Toronto et non aux titulaires de régimes eux‑mêmes. Elle affirme également qu'il est inexact pour l'intimée d'affirmer que le formulaire T3GR ne visait que les « comptes imposables » et que celui‑ci visait tous les REÉR inclus dans le modèle de régime, y compris la fiducie REÉR, [TRADUCTION] « déclenchant ainsi le début de la période de nouvelle cotisation de trois ans en vertu du paragraphe 152(3.1) », en s'appuyant sur la décision Provincial Paper Ltd. c. M.R.N., [1955] R.C.É. 33, p. 38 et 39 [77] .

vi) L'ARC a été pleinement informée des REÉR dans le modèle de régime

[496] Comme l'ont décrit les témoins des faits, [TRADUCTION] « la Compagnie Trust CIBC a déposé avec chaque formulaire T3GR une liste de tous les comptes imposables, y compris le nom du rentier, son NAS, le montant de l'impôt à payer et la raison de l'imposition » et [TRADUCTION] « pour les REÉR qui n'étaient pas imposables, Marchés mondiaux CIBC a conservé des renseignements qui pouvaient être mis à la disposition de l'ARC sur demande ».

[497] On fait valoir que le [TRADUCTION] « formulaire T3GR précise que les renseignements sur les REÉR non imposables doivent être conservés [...] et présentés au ministre sur demande ». Puisque le ministre connaissait les REÉR en vertu du modèle de régime, il était en mesure de [TRADUCTION] « vérifier les dossiers et registres du fiduciaire », mais il ne l'a pas fait en ce qui concerne la fiducie REÉR [78] .

vii) La cotisation établie aux termes de la partie I et les nouvelles cotisations établies aux termes de la partie XI.1 sont frappées de prescription

[498] La Compagnie Trust CIBC répète que les « avis de première cotisation » confirment que la fiducie REÉR n'était pas assujettie à l'impôt de la partie I et de la partie XI.1 pendant les années d'imposition de 2004 à 2008 et que la période normale de nouvelle cotisation s'est terminée trois ans plus tard et que, par conséquent, la période de prescription est écoulée. Elle affirme que le ministre a établi et distribué le formulaire T3GR et le processus de déclaration d'impôt connexe au moyen desquels les fiducies REÉR déclarent l'impôt de la partie I et de la partie XI.1 et que la [TRADUCTION] « nature collective » du processus ne devrait pas empêcher les titulaires eux‑mêmes des comptes REÉR de bénéficier du délai de prescription.

[499] On fait valoir que la Compagnie Trust CIBC a suivi [TRADUCTION] « scrupuleusement » ses obligations envers l'ARC, que le ministre avait tous les renseignements en main et [TRADUCTION] « aurait pu vérifier et établir une nouvelle cotisation plus tôt, mais a choisi de ne pas le faire » et que la tentative du ministre d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de la fiducie REÉR [TRADUCTION] « est le problème même que les délais de prescription visent à empêcher » [79] .

viii) Il n'y a pas eu de présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire

[500] La Compagnie Trust CIBC nie qu'il y ait eu une présentation erronée des faits au moment de la production des formulaires T3GR pour la fiducie REÉR et que [TRADUCTION] « le ministre ne peut alléguer de présentation erronée par le contribuable pour des questions de droit ou des questions mixtes de droit et de fait, à la condition que la thèse du contribuable soit raisonnable ».

[501] À titre subsidiaire, s'il y a eu une présentation erronée des faits, elle n'était pas [TRADUCTION] « attribuable à la négligence, à l'inattention ou à une omission volontaire » puisque [TRADUCTION] « la position de la Compagnie Trust CIBC lors de la production a été à tout moment mûrement réfléchie et raisonnable », ce qui était [TRADUCTION] « évident d'après [...] la diligence raisonnable dont elle a fait preuve ». Il s'agit notamment du fait que la déclaration de fiducie affirmait que le rentier était seul responsable de décider si les placements étaient admissibles en vertu de la Loi, mais aussi du fait que la Compagnie Trust CIBC a fait preuve de diligence raisonnable en ce qui concerne les placements privés, notamment en examinant la documentation pertinente et en se fiant aux avis juridiques. La Compagnie Trust CIBC affirme que [TRADUCTION] « le fait que le contribuable se fie à des avis professionnels est un comportement raisonnable et prudent qui empêche le ministre d'établir une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation ».

[502] En fin de compte, la Compagnie Trust CIBC affirme que le contribuable « n'a pas à compenser les lacunes du processus ministériel d'établissement des cotisations. Il n'a qu'à produire une déclaration conformément à la Loi » : R. c. Regina Shoppers Mall Ltd., [1991] A.C.F. no 52 (C.A.F.) (par. 18). La Compagnie Trust CIBC a fait précisément cela [80] .

La thèse de l'intimée

[503] L'intimée souligne le témoignage de Kerri Calhoun, témoin des faits de la Compagnie Trust CIBC, et le fait qu'elle a convenu lors du contre‑interrogatoire [TRADUCTION] qu'« il y avait une distinction entre une déclaration d'impôt et une déclaration de renseignements » et [TRADUCTION] qu'« à aucun moment » la Compagnie Trust CIBC n'a reçu [TRADUCTION] « un avis indiquant que [la fiducie REÉR] n'avait pas d'impôt à payer en vertu de la partie I ou de la partie XI.1 de la Loi ».

[504] Selon l'intimée, Mme Calhoun a également convenu que le ministre avait [TRADUCTION] « établi une cotisation selon les renseignements dans les déclarations T3GR produites par la Compagnie Trust CIBC » et que s'il y avait eu [TRADUCTION] « un revenu provenant de placements non admissibles, alors la Compagnie Trust CIBC aurait dû déposer une déclaration de revenus T3 » [81] .

Les cotisations établies aux termes de la partie I

[505] L'intimée affirme que le paragraphe 150(1) de la Loi impose aux fiducies l'obligation de produire une déclaration de revenus et que le formulaire prescrit est la déclaration de fiducie T3. Toutefois, le paragraphe 150(1.1) prévoit que l'obligation de produire une déclaration ne s'applique pas lorsque certains particuliers n'ont pas à payer d'impôt en vertu de la partie I et, étant donné que, selon le paragraphe 104(2), une fiducie est réputée être un particulier pour les besoins de la Loi, une fiducie REÉR n'a pas à produire de déclaration à moins qu'elle n'ait une obligation fiscale en vertu de la partie I.

[506] En l'espèce, on fait valoir que l'obligation fiscale découle du paragraphe 146(10.1), qui impose le revenu provenant d'une source qui n'est pas un placement admissible.

[507] L'intimée affirme que les cotisations établies aux termes de la partie I étaient des avis de « premières » cotisations pour les années d'imposition 2004 à 2009 parce que la fiducie REÉR n'avait pas produit de déclaration T3. De plus, la fiducie REÉR n'avait pas fait l'objet d'une cotisation antérieure et n'avait pas été informée par le ministre qu'elle n'avait pas d'impôt à payer en vertu de la partie I. Par conséquent, l'intimée affirme que [TRADUCTION] « la période pendant laquelle le ministre pouvait établir de nouvelles cotisations a commencé lors de l'établissement des avis de premières cotisations » [82] .

[508] L'intimée conteste la thèse des appelants selon laquelle le délai de prescription a commencé avec l'établissement des avis de cotisation des fiducies puisque la Compagnie Trust CIBC avait l'obligation de s'autocotiser et que [TRADUCTION] « la déclaration T3GR était la déclaration de renseignements et d'impôt prescrite à l'égard de l'obligation fiscale en vertu de la partie X.1, mais non de l'obligation fiscale en vertu de la partie I qui exigeait la production d'une déclaration T3 ». L'intimée affirme en outre que les déclarations T3GR produites par la Compagnie Trust CIBC ont fait l'objet de cotisations telles que produites et que l'impôt a été payé à l'égard des régimes qui y étaient indiqués, mais pas à l'égard de la fiducie REÉR.

[509] L'intimée répète, en s'appuyant sur la décision Hall, précitée, que [TRADUCTION] « différentes parties de la Loi imposent des obligations fiscales distinctes, exigent des déclarations distinctes et créent des exigences distinctes en matière de délais » et que l'obligation fiscale en application du paragraphe 146(10.1) est différente de l'obligation fiscale découlant du paragraphe 207.1(1).

Les nouvelles cotisations établies aux termes de la partie X.1

[510] L'intimée répète que la partie XI.1 établit un impôt distinct et exige une déclaration distincte, tel qu'il est expliqué dans la décision Hall, précitée. Bien que la Compagnie Trust CIBC ait produit une déclaration T3GR dans les délais prescrits et que des avis de cotisation aient été délivrés en conséquence, ces cotisations n'ont [TRADUCTION] « aucun effet juridique sur le calcul de la période normale de nouvelle cotisation pour la fiducie REÉR de M. Grenon », parce qu'on n'indiquait pas qu'il s'agissait d'un REÉR imposable.

[511] L'intimée affirme que [TRADUCTION] « les observations relatives à la prescription sont fondées sur l'idée erronée selon laquelle la Loi considère que la production des déclarations T3GR et l'avis de cotisation qui s'ensuit fixent l'obligation fiscale du modèle de régime dans son ensemble, comme s'il s'agissait d'un contribuable distinct », mais [TRADUCTION] « un groupe de fiducies visées par un modèle de régime n'est pas un contribuable distinct en vertu de la Loi ».

[512] Bien que l'intimée reconnaisse que le formulaire prescrit pour la partie XI.1 est la déclaration T3GR, elle affirme que la Loi a préséance [TRADUCTION] « sur le règlement » et que la Cour doit chercher une interprétation qui concilie [TRADUCTION] « toute tension ou tout conflit entre les deux », comme l'explique la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3 (« Oldman River »), à la p. 38. Dans cette décision, on a conclu que « la loi fédérale doit l'emporter sur le texte réglementaire incompatible » et qu'« il existe une présomption que le législateur n'a pas eu l'intention d'adopter des textes contradictoires ou d'habiliter quiconque à le faire ».

[513] L'intimée indique que le modèle de régime en question allait [TRADUCTION] « de 364 506 régimes exonérés en 2004 à 241 403 en 2009 » et que, au cours de [TRADUCTION] « la même période », la Compagnie Trust CIBC [TRADUCTION] « a déclaré des régimes imposables allant de 160 en 2004 à 45 en 2009 ». L'intimée affirme qu'il serait absurde de conclure que le ministre renoncerait à son obligation légale de vérifier et d'établir l'impôt à payer à l'égard des REÉR de millions de contribuables dans un modèle de régime, dont seul un petit pourcentage, aussi bas que 1 % à 2 %, est déclaré comme fiducies imposables. L'intimée affirme également qu'il serait absurde de penser que la période normale de nouvelle cotisation qui s'applique aux fiducies imposables indiquées à la déclaration T3GR dès la réception des avis de cotisation des fiducies s'appliquerait également aux fiducies non imposables, [TRADUCTION] « qui représentent la grande majorité des fiducies visées par un modèle de régime ». Elle affirme que le législateur ne pouvait pas avoir voulu ce résultat, [TRADUCTION] « en permettant au gouverneur en conseil de prendre des règlements qui imposeraient [...] une obligation qui n'est pas prévue par ailleurs dans la Loi ».

[514] L'intimée indique que la [TRADUCTION] « déclaration T3GR est à la fois une déclaration d'impôt et une déclaration de renseignements ». La partie qui porte sur l'impôt vise les fiducies imposables, mais la partie qui porte sur les renseignements vise les fiducies non imposables, et [TRADUCTION] « ces renseignements comprennent l'actif global détenu par le modèle de régime ainsi que le nombre de régimes exonérés [...] ». Pour ces régimes, l'intimée indique que la Compagnie Trust CIBC, en tant que fiduciaire, ne devait qu'établir et rendre disponible sur demande une liste des noms des rentiers ou souscripteurs et leur numéro d'assurance sociale.

[515] L'intimée est d'accord avec la Compagnie Trust CIBC pour dire que [TRADUCTION] « pour des raisons d'efficacité dans l'administration et l'application du régime des REÉR par le ministre, [...] on a mis en place des déclarations collectives T3GR pour les REÉR faisant partie d'un modèle de régime » visant [TRADUCTION] « des centaines de milliers de REÉR, sinon des millions, dans un modèle de régime », mais [TRADUCTION] qu'« en l'absence de la pratique de l'ARC d'accepter les déclarations T3GR pour faciliter l'administration, la Loi elle‑même exige la production de déclarations de fiducie distinctes ». Elle affirme que l'objectif de l'ARC de prévoir un [TRADUCTION] « processus de déclaration simplifié » et la publication de [TRADUCTION] « circulaires d'information ne sont pas déterminants pour l'interprétation et l'application correctes de l'interaction entre la Loi et le Règlement en ce qui concerne l'effet juridique des » avis de cotisation des fiducies.

[516] L'intimée conclut en indiquant que l'établissement des avis de cotisation des fiducies mentionnés ci‑dessus n'a pas eu pour effet de faire commencer la période légale pour que le ministre fixe l'impôt aux termes de la partie I ou de la partie XI.1.

Y a‑t‑il eu une présentation erronée des faits?

[517] L'intimée affirme, à titre subsidiaire, qu'il y a eu une « présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire » qui permettrait au ministre d'établir une cotisation à l'égard de la fiducie REÉR après la période normale de nouvelle cotisation.

[518] L'intimée affirme que la Compagnie Trust CIBC aurait dû savoir que les fonds de revenu n'étaient pas des placements admissibles pour un REÉR et qu'elle a [TRADUCTION] « accepté aveuglément » les « déclarations de l'appelant en tant que fiduciaire contrôlant » des fonds de revenu et son [TRADUCTION] « opinion selon laquelle il y avait eu un appel public légal à l'épargne ».

[519] L'intimée allègue que la Compagnie Trust CIBC a agi ainsi [TRADUCTION] « sans aucun examen » et qu'elle [TRADUCTION] « n'a pas tenté de confirmer la véracité des avis juridiques sur lesquels elle s'est fondée » et n'a pas tenu compte du fait que l'attestation du fiduciaire était signée par le rentier de la fiducie REÉR de M. Grenon ni du conflit d'intérêts de l'appelant [TRADUCTION] « en tant que fiduciaire et souscripteur d'unités contrôlant » des fonds de revenu qu'il cherchait à promouvoir et [TRADUCTION] « en tant que rentier de la fiducie REÉR de M. Grenon ».

[520] L'intimée affirme que le fait de se fier à des avis juridiques ou à des professionnels ne permet pas à un contribuable de [TRADUCTION] « déclarer qu'il n'a pas été négligent ». L'intimée s'appuie sur la décision Snowball c. La Reine, [1996] A.C.I. no 276 (QL), mentionnée et approuvée dans l'arrêt Vine c. Canada, 2015 CAF 125, [2015] 4 R.C.F. 698, où on a affirmé : « La négligence commise par la personne qui prépare une déclaration de revenu continue à avoir les mêmes conséquences aux termes du sous‑alinéa 152(4)a)(i), qu'il s'agisse de la négligence du contribuable personnellement, ou de celle du comptable ou de toute autre personne qui a préparé la déclaration de revenu à titre de mandataire. » L'intimée prétend que la jurisprudence [TRADUCTION] « étaye l'affirmation » selon laquelle la Compagnie Trust CIBC ne pouvait pas [TRADUCTION] « se fier aveuglément à des professionnels pour affirmer qu'elle a agi avec diligence raisonnable et s'attendre à ce que cela la protège d'une nouvelle cotisation après la période normale ».

[521] L'intimée affirme enfin que la Compagnie Trust CIBC ne peut se libérer de son fardeau ou de sa responsabilité de s'assurer que les placements sont des placements admissibles en affirmant que la fiducie REÉR était autogérée et que le rentier était contractuellement responsable de déterminer si un placement était en fait un placement admissible.

Analyse et conclusion

[522] D'une part, je suis d'accord avec les appelants pour dire que la déclaration T3GR était le formulaire prescrit que l'ARC souhaitait qu'on utilise pour répondre aux exigences de production des fiduciaires des REÉR en vertu de l'alinéa 150(1)c) et du paragraphe 207.2(1) de la Loi et de l'article 204 du Règlement, et que cela devait être un processus simplifié pour la déclaration des REÉR collectifs ayant des centaines de milliers de régimes sous un modèle de régime.

[523] Il n'est pas non plus en litige que l'ARC a publié des directives sous forme de circulaires d'information sur la façon de remplir la déclaration T3GR. Le formulaire s'intitule « Déclaration de renseignements et d'impôt sur le revenu pour un groupe de fiducies régies par un REÉR, un FERR, un REÉE ou un REÉI » et indique ceci aux fiduciaires : « Joignez une liste des REÉR [...] qui sont enregistrés sous ce modèle de régime ou de fonds et qui sont imposables. » Il indique également : « Une liste comparable des REÉR [...] qui ne sont pas imposables doit être disponible sur demande. » Le formulaire précise également : « Pour déclarer un revenu imposable [...] remplissez une déclaration de renseignements et de revenus des fiducies T3. »

[524] Aussi utiles que puissent être les renseignements mentionnés ci‑dessus, il est bien établi que les pratiques administratives ou les lignes directrices de l'ARC « ne sont pas un facteur déterminant » et que la Cour doit « néanmoins revenir à la loi elle‑même » pour l'application de la Loi : Cie pétrolière Impériale ltée c. Canada, 2006 CSC 46, [2006] 2 R.C.S. 447, par. 59.

[525] Comme l'a fait remarquer l'intimée, le nombre de REÉR imposables déclarés au cours des années d'imposition visées ne représentait qu'une petite fraction du nombre total de REÉR visés par le modèle de régime. Puisque les témoins des faits ont confirmé que la Compagnie Trust CIBC gérait des [TRADUCTION] « centaines de milliers de REÉR, voire des millions » au titre de différents modèles de régime, on peut supposer que, de même, dans le cas des autres modèles de régime, seule une petite fraction des régimes sont imposables. Il semble évident que l'ARC n'acceptait les déclarations T3GR en tant que déclarations « collectives » qu'à des fins administratives. Puisque les dispositions de la Loi doivent l'emporter sur les règlements subordonnés (Oldman River, précité), je conclus que les déclarations T3GR n'avaient pas pour but d'annuler les autres obligations de déclaration du fiduciaire découlant de la Loi, notamment l'obligation de produire une déclaration T3 en vertu de l'alinéa 150(1)c) ou de déclarer le revenu imposable au titre du paragraphe 146(10.1). Je note que les obligations de déclaration du fiduciaire étaient précisées au recto du formulaire.

[526] Le processus administratif « simplifié » décrit ci‑dessus a imposé à la Compagnie Trust CIBC, en tant que fiduciaire, le fardeau de déterminer les REÉR faisant partie du modèle de régime qui détenaient des placements non admissibles, une obligation qui repose sur le principe que le « processus de perception des impôts repose principalement sur l'autocotisation et l'autodéclaration » : R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, par. 49.

[527] Le dépôt de la déclaration T3GR conformément au paragraphe 207.2(1) a déclenché l'obligation que le ministre « examine la déclaration » conformément au paragraphe 152(1) et « envoie un avis de cotisation » à la Compagnie Trust CIBC, soit « la personne qui a produit la déclaration », conformément au paragraphe 152(2).

[528] Le paragraphe 152(3) précise : « Le fait qu'une cotisation est inexacte ou incomplète ou qu'aucune cotisation n'a été faite n'a pas d'effet sur les responsabilités du contribuable à l'égard de l'impôt » (non souligné dans l'original).

[529] Conformément au paragraphe 152(4), le ministre pouvait alors « établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire », à condition de le faire pendant « la période normale de nouvelle cotisation » selon l'alinéa 152(3.1)b), soit trois ans suivant la date d'envoi d'un avis de première cotisation, ou, si elle est antérieure, la date d'envoi d'une première notification portant qu'aucun impôt n'est payable pour l'année.

[530] La question devant la Cour est de savoir si la « période normale de nouvelle cotisation » qui s'appliquait aux « régimes imposables » ayant fait l'objet d'une « cotisation » devrait s'appliquer aux régimes non imposables visés par la déclaration T3GR, y compris la fiducie REÉR.

[531] La Compagnie Trust CIBC demande à la Cour de conclure que le délai de prescription s'applique aux régimes non imposables, notamment parce qu'elle a suivi [TRADUCTION] « rigoureusement » les directives administratives de l'ARC et que le ministre a délivré des avis de « première » cotisation de fiducie. Elle affirme également que cela serait [TRADUCTION] « manifestement injuste » pour les contribuables qui détiennent des régimes non imposables et qui auraient pu prendre des mesures pour préserver leurs droits.

[532] Je ne suis pas de cet avis et je conclus que la thèse des appelants doit être rejetée.

[533] J'estime que le ministre a rempli ses obligations légales lorsqu'il a examiné les déclarations T3GR pour chacune des années d'imposition visées et qu'il a délivré les avis de cotisation de fiducie. Toutefois, je dois conclure qu'il ne l'a fait que pour les régimes imposables et non pour les régimes non imposables qui n'y apparaissent qu'à titre indicatif, y compris la fiducie REÉR.

[534] Comme nous l'avons indiqué ci‑dessus, le paragraphe 152(3) dispose que le fait « qu'aucune cotisation n'a été faite n'a pas d'effet sur les responsabilités du contribuable à l'égard de l'impôt ». Lorsqu'on tient compte de la définition du terme « période normale de nouvelle cotisation » et de l'exigence qu'il y ait un « avis de première cotisation » ou une « première notification qu'aucun impôt n'est payable », cela m'amène à conclure que les avis de cotisation de fiducie n'ont pas eu pour effet de déclencher la « période normale de nouvelle cotisation » pour les régimes non imposables visés par le modèle de régime, y compris la fiducie REÉR.

[535] Par conséquent, je suis d'accord avec l'intimée que la production des déclarations T3GR et les avis de cotisation des fiducies qui en ont découlé ne pouvaient pas [TRADUCTION] « établir la responsabilité du modèle de régime dans son ensemble comme s'il s'agissait d'un contribuable distinct » et je dois donc conclure que le délai de prescription ne s'appliquait pas aux fiducies non imposables visées par le modèle de régime et indiquées dans la partie « Information » de la déclaration T3GR, à moins qu'une déclaration T3 ne soit produite et fasse l'objet d'une cotisation.

[536] Il s'ensuit que je dois rejeter l'observation des appelants selon laquelle les avis de cotisation de fiducie délivrés pour le modèle de régime étaient des « premières » cotisations pour tous les régimes non imposables, y compris la fiducie REÉR. Je conclus donc que les cotisations établies aux termes de la partie I et les nouvelles cotisations établies aux termes de la partie XI.1 n'étaient pas prescrites.

[537] Il n'est donc pas nécessaire que j'examine l'observation subsidiaire de l'intimée selon laquelle il y avait une « présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire » visée par le paragraphe 152(4), de sorte que le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation après la « période normale de nouvelle cotisation ». Cela dit, j'ajouterai que j'ai certaines réserves quant aux étapes administratives décrites par les témoins des faits de la Compagnie Trust CIBC et je me demande si elles étaient suffisamment solides alors que la fiducie REÉR acquérait des unités valant des millions de dollars lors d'un placement privé alors que le rentier était également le fiduciaire et le promoteur, ce qui le plaçait dans un conflit d'intérêts évident pour tous les renseignements fournis, y compris le choix du conseiller juridique externe qui a donné les avis juridiques. De plus, j'estime que les avis juridiques invoqués par la Compagnie Trust CIBC laissent penser qu'une enquête indépendante n'a en fait pas été menée et qu'il s'agissait en fait d'« avis avec réserve », puisqu'ils s'appuyaient sur des renseignements figurant dans les attestations du fiduciaire signées par le rentier. Ils ont également précisé que [TRADUCTION] « nous nous sommes fondés sur les faits que nous a présentés James T. Grenon » et que, si les faits différaient [TRADUCTION] « de ceux présentés », l'avis pourrait ne pas être valide.

[538] En fin de compte, je ne suis pas convaincu que les avocats et, par extension, la Compagnie Trust CIBC ont entrepris la diligence raisonnable à laquelle on se serait attendu ou qui aurait été nécessaire pour conclure que les fonds de revenu étaient en fait des placements admissibles en vertu de la Loi et, plus précisément, qu'un « appel public légal à l'épargne » avait effectivement eu lieu.

G. L'application de la RGAÉ

[539] La RGAÉ est un argument de dernier recours qui suppose qu'un contribuable s'est par ailleurs conformé aux dispositions de la Loi. Si la Cour a conclu à tort que les fonds de revenu n'étaient pas des placements admissibles, alors l'analyse doit supposer qu'ils étaient des placements admissibles et la question est de savoir s'il y a eu une opération d'évitement visée par la RGAÉ.

[540] Conformément au paragraphe 245(4), un contribuable se verra refuser un avantage fiscal résultant d'une opération d'évitement si cela entraînerait un évitement fiscal abusif. Dans l'arrêt qui fait autorité, Hypothèques Trustco, précité, la Cour suprême du Canada a fourni un certain contexte sur l'adoption de la RGAÉ :

16. La RGAÉ trace une ligne de démarcation entre la réduction maximale légitime de l'impôt et l'évitement fiscal abusif. Cette ligne est loin d'être nette. La RGAÉ a pour objet de supprimer les avantages fiscaux de certains mécanismes qui sont conformes à une interprétation littérale des dispositions de la Loi, mais qui constituent un abus dans l'application de ces dispositions. [...]

[541] La Cour suprême a résumé le cadre analytique comme suit (par. 66) :

1. Trois conditions sont nécessaires pour que la RGAÉ s'applique :

(1) il doit exister un avantage fiscal découlant d'une opération ou d'une série d'opérations dont l'opération fait partie (par. 245(1) et (2));

(2) l'opération doit être une opération d'évitement en ce sens qu'il n'est pas raisonnable d'affirmer qu'elle est principalement effectuée pour un objet véritable — l'obtention d'un avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

(3) il doit y avoir eu évitement fiscal abusif en ce sens qu'il n'est pas raisonnable de conclure qu'un avantage fiscal serait conforme à l'objet ou à l'esprit des dispositions invoquées par le contribuable.

2. Il incombe au contribuable de démontrer l'inexistence des deux premières conditions, et au ministre d'établir l'existence de la troisième condition.

3. S'il n'est pas certain qu'il y a eu évitement fiscal abusif, il faut laisser le bénéfice du doute au contribuable.

4. Les tribunaux doivent effectuer une analyse textuelle, contextuelle et téléologique unifiée des dispositions qui génèrent l'avantage fiscal afin de déterminer pourquoi elles ont été édictées et pourquoi l'avantage a été conféré. Le but est d'en arriver à une interprétation téléologique qui s'harmonise avec les dispositions de la Loi conférant l'avantage fiscal, lorsque ces dispositions sont lues dans le contexte de l'ensemble de la Loi.

5. La question de savoir si les opérations obéissaient à des motivations économiques, commerciales, familiales ou à d'autres motivations non fiscales peut faire partie du contexte factuel dont les tribunaux peuvent tenir compte en analysant des allégations d'évitement fiscal abusif fondées sur le par. 245(4). Cependant, toute conclusion à cet égard ne constituerait qu'un élément des faits qui sous‑tendent l'affaire et serait insuffisante en soi pour établir l'existence d'un évitement fiscal abusif. La question centrale est celle de l'interprétation que les dispositions pertinentes doivent recevoir à la lumière de leur contexte et de leur objet.

6. On peut conclure à l'existence d'un évitement fiscal abusif si les rapports et les opérations décrits dans la documentation pertinente sont dénués de fondement légitime relativement à l'objet ou à l'esprit des dispositions censées conférer l'avantage fiscal, ou si ces rapports et opérations diffèrent complètement de ceux prévus par les dispositions.

7. Si le juge de la Cour de l'impôt s'est fondé sur une interprétation correcte des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et sur des conclusions étayées par la preuve, les tribunaux d'appel ne doivent pas intervenir en l'absence d'erreur manifeste et dominante.

a) Y a‑t‑il eu un avantage fiscal?

[542] Il incombe aux appelants de convaincre la Cour de l'absence d'un « avantage fiscal », qui est défini au paragraphe 245(1) comme suit : « Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant exigible en application de la présente loi [...] ».

[543] « La question de savoir s'il existe un avantage fiscal est une question de fait », mais « [l]'ampleur de l'avantage fiscal n'est pas pertinente à cette étape de l'analyse » [83] . Comme l'explique la Cour suprême : « Dans les cas où une déduction est demandée à l'égard d'un revenu imposable, il est évident qu'il existe un avantage fiscal étant donné qu'une déduction entraîne une réduction d'impôt. Dans d'autres cas, il se peut que l'existence d'un avantage fiscal ne puisse être établie qu'au moyen d'une comparaison avec un autre mécanisme [84] . » On a ensuite précisé qu'il faut que l'autre mécanisme en soit un qui [TRADUCTION] « aurait pu raisonnablement avoir été employé n'eût été l'avantage fiscal » : Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, [2011] 3 R.C.S. 721 (« Copthorne »), par. 35.

[544] Les appelants soutiennent que les divers placements effectués par la fiducie REÉR n'ont pas donné lieu à un avantage fiscal, [TRADUCTION] « pas plus que les placements effectués par le régime enregistré d'épargne‑retraite de quiconque ne seraient un avantage fiscal pour lui ». Il est allégué qu'on ne peut pas dire que l'appelant a fait des [TRADUCTION] « contributions illimitées, indirectes et non imposables à la fiducie REÉR de M. Grenon », comme le prétend l'intimée, puisque les placements ont été faits par la fiducie REÉR et qu'elle avait droit aux rendements.

[545] Les appelants prétendent également que la fiducie REÉR n'a reçu aucun avantage fiscal, car un contribuable ne peut pas bénéficier d'un avantage fiscal en évitant une conséquence qui ne se serait jamais produite. Ils affirment que la fiducie REÉR n'aurait jamais délibérément fait un placement non admissible et que le fait de se conformer aux dispositions de la Loi pour éviter d'être assujetti à l'impôt, notamment à l'impôt de la partie XI.1, n'est pas un avantage fiscal. Fondamentalement, les appelants soutiennent de manière générale que la planification fiscale ne justifie pas en soi l'application de la RGAÉ.

[546] En résumé, l'intimée affirme que l'appelant a établi un stratagème complexe pour profiter du régime des REÉR et s'assurer que les revenus générés par les placements qu'il contrôlait directement ou indirectement s'accumuleraient en franchise d'impôt et qu'il pourrait directement ou indirectement verser à la fiducie REÉR des cotisations excédant les sommes autorisées.

[547] J'estime qu'il y a eu un « avantage fiscal » au sens où ce terme est défini.

[548] Le législateur a reconnu que de nombreux « régimes » visés par la Loi offrent de précieux avantages fiscaux, notamment le régime des REÉR [85] .

[549] Les avantages les plus évidents d'un REÉR sont la déduction des cotisations et l'accumulation du revenu et des gains en franchise d'impôt avec la possibilité de retirer les fonds à la retraite, lorsque le contribuable pourrait être assujetti à un taux d'imposition inférieur. Les contribuables sont tenus de choisir parmi une longue liste de « placements admissibles » et d'éviter les « placements non admissibles », ainsi que les stratégies complexes pour retirer des fonds sans payer d'impôt, également connues sous le nom d'opérations de dépouillement de REÉR. Voir, par exemple, la décision Hughes c. La Reine, 2016 CCI 95.

[550] En se conformant à la Loi, les contribuables ont droit à de précieux avantages fiscaux. Si le non-respect de la Loi a des conséquences fiscales, cela ne permet pas de conclure que les REÉR ne présentent pas d'avantage fiscal. L'affirmation voulant que les REÉR n'offrent pas d'avantage fiscal surprendrait les Canadiens ordinaires. Je juge que le législateur a clairement voulu qu'il s'agisse d'un avantage fiscal pour tous les contribuables.

[551] À première vue, on peut dire que les objectifs de l'appelant étaient semblables à ceux de tout rentier d'un REÉR autogéré qui assume la responsabilité du choix des placements et joue un rôle actif dans l'acquisition et la disposition de ces placements. Mais l'appelant en voulait plus. Il voulait choisir les placements et les gérer d'une manière qui n'était normalement pas possible pour les placements détenus dans un REÉR. Son intention était de jouer un rôle actif dans la gestion quotidienne des entreprises ou des placements sous‑jacents acquis par la fiducie REÉR.

[552] Puisque la décision d'un contribuable de cotiser à un REÉR donne lieu à un avantage fiscal, je suis d'accord avec l'intimée qu'il n'est pas nécessaire d'examiner un autre mécanisme auquel l'appelant aurait pu raisonnablement avoir recours. Toutefois, il est pertinent de noter que l'appelant ne souhaitait pas acquérir des placements passifs ou un portefeuille de titres cotés en bourse avec lesquels il n'avait aucun lien de dépendance. Il ne s'intéressait pas à ces placements, car cela ne lui aurait pas permis d'atteindre son double objectif, à savoir choisir des placements et jouer un rôle actif dans leur gestion.

[553] Il est évident pour la Cour, comme il devait certainement l'être pour l'appelant à l'époque, qu'il aurait pu retirer des fonds de la fiducie REÉR pour acquérir et gérer ces placements. Il a toutefois compris qu'un tel retrait aurait entraîné une obligation fiscale importante. En établissant les fonds de revenu, l'appelant a pu éviter toute obligation fiscale découlant d'un retrait et tous les profits tirés des fonds de revenu et des placements sous‑jacents continueraient de s'accumuler dans la fiducie REÉR en franchise d'impôt. Ce mécanisme lui donnait un avantage. Il s'agissait d'un avantage fiscal au sens du paragraphe 245(1).

b) Y a-t-il eu une opération d'évitement?

[554] Comme l'indique la décision Hypothèques Trustco, la deuxième condition d'application de la RGAÉ est que « l'opération qui génère l'avantage fiscal soit une opération d'évitement au sens du par. 245(3). Cette condition sert à soustraire à l'application de la RGAÉ les opérations [...] qui peuvent raisonnablement être considérées comme ayant été principalement effectuées pour un objet non fiscal » (par. 21).

[555] La Cour suprême a expliqué que l'expression « séries d'opérations » signifie en général plusieurs opérations qui sont « déterminée[s] d'avance de manière à produire un résultat donné alors qu'il n'existait aucune probabilité pratique que les événements planifiés d'avance ne se produiraient pas dans l'ordre envisagé », en invoquant l'arrêt Craven v. White, [1989] A.C. 398, p. 514, une décision de la Chambre des lords également invoquée et approuvée par la Cour d'appel fédérale dans OSFC Holdings Ltd. c. Canada, 2001 CAF 260, [2002] 2 R.C.F. 288 (« OSFC »).

[556] Comme il est expliqué en plus de détails dans l'arrêt Hypothèques Trustco, le paragraphe 245(3) dispose que « la RGAÉ ne s'applique pas à une opération ‟dont [...] il est raisonnable de considérer [qu'elle] est principalement effectuée pour des objets véritables — l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable”. Dans le cas où une opération a à la fois un objet fiscal et un objet non fiscal, il faut décider s'il était raisonnable de conclure que l'objet non fiscal était le principal objet. Dans l'affirmative, la RGAÉ ne permet pas de supprimer l'avantage fiscal » (par. 27).

[557] La Cour suprême a expliqué que « l'examen porte sur les faits » et qu'il doit y avoir « une évaluation objective de l'importance relative des motivations auxquelles obéissait l'opération » (par. 28). « Le contribuable ne peut se soustraire à l'application de la RGAÉ en déclarant simplement que l'opération a été principalement effectuée pour un objet non fiscal. Le juge de la Cour de l'impôt doit soupeser la preuve pour décider s'il est raisonnable de conclure que l'opération n'a pas été principalement effectuée pour un objet non fiscal » (par. 29). La Cour a ensuite noté ce qui suit :

31. [...] le législateur a reconnu le principe du duc de Westminster selon lequel « la planification fiscale — c'est‑à‑dire le fait d'organiser ses affaires de manière à payer le moins possible d'impôts — est une dimension légitime et admise du droit fiscal canadien » (p. 495). Bien qu'il ait eu l'intention de prévenir l'évitement fiscal abusif en édictant la RGAÉ, le législateur a néanmoins voulu maintenir la prévisibilité, la certitude et l'équité en droit fiscal canadien. Il veut que les contribuables profitent pleinement des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui confèrent des avantages fiscaux. En fait, il s'agit là de la condition de réussite des différentes politiques que la Loi de l'impôt sur le revenu cherche à promouvoir.

32. Le paragraphe 245(3) ne fait que soustraire à l'application de la RGAÉ les opérations dont il est raisonnable de considérer qu'elles ont été principalement effectuées pour un objet non fiscal. Le législateur n'a pas voulu que le par. 245(3) serve simplement de critère d'objet commercial en vertu duquel les opérations dépourvues de véritable objet commercial indépendant seraient jugées invalides.

[558] La Cour suprême a noté que « les opérations [...] principalement effectuées à des fins familiales ou à des fins de placement échapperaient à l'application de la RGAÉ selon le par. 245(3). [...] Les régimes enregistrés d'épargne‑retraite (‟REÉR”) en sont un exemple. Le législateur a reconnu que de nombreuses dispositions de la Loi confèrent des avantages fiscaux légitimes malgré l'absence d'objet commercial véritable » (par. 34).

[559] Comme l'a noté la Cour suprême, au par. 66, il incombe aux appelants de convaincre la Cour de l'absence d'une opération d'évitement.

[560] On affirme qu'en créant les fonds de revenu, l'appelant tentait simplement d'élargir la portée des placements de son REÉR et qu'en investissant dans ces fonds, il [TRADUCTION] « a atteint les mêmes objectifs qu'avec tout placement dans le vaste univers des fiducies de fonds commun de placement, des fonds de revenu et des sociétés cotées en bourse qui possèdent des filiales qui exploitent des entreprises ». Les appelants affirment que [TRADUCTION] « de nombreux fonds de revenu et sociétés cotées en bourse sont en fait des entités en propriété exclusive qui exploitent une entreprise, acquièrent des actions de sociétés fermées, possèdent des participations dans des sociétés de personnes, possèdent des unités qui ne sont pas des unités de fiducies de fonds commun de placement ou investissent dans les dettes de ces entités », que [TRADUCTION] « la Loi ne leur interdit pas de posséder de tels placements » et que les [TRADUCTION] « actions ou unités de ces sociétés ou fiducies de fonds commun de placement sont [...] des placements admissibles pour tout REÉR ». On affirme que [TRADUCTION] « l'utilisation de fiducies de fonds commun de placement comme méthode de placement est très répandue au Canada » et qu'elles sont souvent structurées comme des placements admissibles pour attirer les fonds détenus dans les REÉR.

[561] On affirme également que [TRADUCTION] « la comparaison d'un placement direct par un REÉR dans une entreprise privée en exploitation avec un placement dans une fiducie de fonds commun de placement qui possède une entreprise en exploitation n'est pas une comparaison appropriée pour déterminer s'il y a un avantage fiscal », car [TRADUCTION] « un REÉR n'investirait pas directement dans une telle entreprise », [TRADUCTION] puisqu'« il n'est pas autorisé » à le faire. Les appelants affirment que [TRADUCTION] « s'il souhaitait obtenir un rendement d'une entreprise, il devrait investir dans une fiducie de fonds commun de placement ou une société cotée en bourse pour y parvenir ». On affirme enfin que [TRADUCTION] « l'offre d'unités des fonds de revenu à des souscripteurs pour lever des capitaux ne constitue pas non plus une opération d'évitement ».

[562] En fin de compte, on affirme que l'objectif principal de l'acquisition d'unités des fonds de revenu était de générer un rendement du capital investi pour la fiducie REÉR et qu'il ne s'agissait pas d'une opération d'évitement parce qu'elle avait été « principalement effectuée pour un objet véritable — l'obtention d'un avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable » [86] .

[563] Je ne suis pas d'accord et je conclus qu'il y a eu une « opération d'évitement ».

[564] Comme nous l'avons indiqué ci‑dessus, la Cour suprême a reconnu (Hypothèques Trustco, par. 33) que le régime des REÉR dans son ensemble donne lieu « directement ou indirectement » à un avantage fiscal, bien qu'il soit légitime et fasse partie d'un vaste régime légal que le législateur a cherché à encourager et à promouvoir, mais dans certaines limites.

[565] L'appelant affirme qu'il cherchait simplement à élargir la portée des placements de son REÉR et à obtenir un rendement du capital investi. Il affirme qu'il s'agit principalement d'un objet véritable et non fiscal, de sorte que la RGAÉ ne devrait pas s'appliquer.

[566] Je ne suis pas d'accord et j'estime que la simple affirmation de l'appelant selon laquelle il y avait un objectif véritable et non fiscal a une valeur probante limitée. Cette affirmation est également intéressée et a peu de poids.

[567] Lorsqu'il s'agit de décider s'il y a eu une opération d'évitement visée par le paragraphe 245(3), la Cour doit soupeser la preuve et tenir compte de « l'importance relative des motivations auxquelles obéissait l'opération » (Hypothèques Trustco, par. 28).

[568] Après avoir examiné la preuve, j'estime que les mesures prises par l'appelant pour constituer et établir les fonds de revenu comme des placements admissibles étaient délibérées. De son propre aveu, il a entrepris un placement de titres exonéré en s'appuyant sur la notice d'offre et la dispense afin de respecter ou de dépasser les exigences minimales de la Loi, notamment la définition d'une fiducie de fonds commun de placement énoncée à l'article 4801 du Règlement. En d'autres termes, sa motivation première était d'assurer la conformité avec la Loi et non de lever des capitaux. En fait, j'ai déjà conclu que l'appelant n'était pas véritablement intéressé à lever des capitaux de plusieurs souscripteurs et que, compte tenu du montant réel des capitaux levés par fonds de revenu, il semble évident que les souscripteurs n'étaient que des pions dans l'ensemble du plan envisagé par l'appelant. De plus, la fiducie REÉR disposait déjà d'actifs financiers importants et aucune explication plausible n'a été fournie à la Cour quant à la raison pour laquelle l'appelant a cherché à effectuer un placement de titres dans ce cas, si ce n'est pour créer ce qui devait être un placement admissible pour un REÉR. J'estime que le but premier de cette démarche était de créer des placements qu'il contrôlerait à l'aide de fonds provenant de la fiducie REÉR. L'appelant a personnellement acquis une fraction d'un pour cent des unités lors du placement initial et, peu de temps après, a demandé à la fiducie REÉR (et à d'autres initiés) d'acquérir jusqu'à 99 % des unités. J'estime que ces étapes ont été « déterminée[s] d'avance de manière à produire un résultat donné alors qu'il n'existait aucune probabilité pratique que les événements planifiés d'avance ne se produiraient pas dans l'ordre envisagé ».

[569] En fin de compte, j'estime que toutes ces étapes étaient des opérations d'évitement, car la motivation première de l'appelant était d'établir les fonds de revenu pour éviter les conséquences fiscales normales d'un retrait de fonds d'un REÉR ou de l'acquisition de placements non admissibles qui auraient entraîné un revenu imposable. Je conclus qu'il y a eu une « opération d'évitement » et qu'on ne peut affirmer que les opérations contestées ont été effectuées principalement « pour des objets véritables — l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable », comme le dispose l'alinéa 245(3)a).

c) Dans l'affirmative, l'opération d'évitement était-elle « abusive »?

[570] Comme l'indique l'arrêt Hypothèques Trustco : « La troisième condition d'application de la RGAÉ est que l'opération d'évitement qui génère un avantage fiscal soit abusive. L'existence d'une opération d'évitement ne justifie pas à elle seule l'application de la RGAÉ. Il faut également démontrer que l'opération est abusive au sens du par. 245(4) » (par. 36).

[571] Comme l'a expliqué la Cour suprême : « Il appartient au ministre qui tente d'invoquer la RGAÉ de décrire l'objet ou l'esprit des dispositions qui auraient été contournées, selon une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions de la Loi » (Hypothèques Trustco, par. 65).

[572] La Cour suprême a indiqué que « l'analyse de la possibilité d'abus dans l'application des dispositions précises et l'analyse de la possibilité d'abus dans l'application des dispositions de la Loi lues dans leur ensemble sont indissociables », donnant ainsi raison au juge de première instance [87] , et que « la question centrale est de savoir si, compte tenu du texte, du contexte et de l'objet des dispositions invoquées par le contribuable, l'opération contrecarre l'objet ou l'esprit de ces dispositions » [88] . La Cour suprême a souligné l'importance d'adopter une « méthode d'interprétation unifiée » et a indiqué ce qui suit :

44. L'interprétation contextuelle et téléologique des dispositions de la Loi invoquées par le contribuable et l'application des dispositions interprétées correctement aux faits d'une affaire donnée sont au cœur de l'analyse fondée sur le par. 245(4). Il faut d'abord interpréter les dispositions générant l'avantage fiscal pour en déterminer l'objet et l'esprit. Il faut ensuite déterminer si l'opération est conforme à cet objet ou si elle le contrecarre. L'analyse globale porte donc sur une question mixte de fait et de droit. L'interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de dispositions particulières de la Loi de l'impôt sur le revenu est essentiellement une question de droit, mais l'application de ces dispositions aux faits d'une affaire dépend nécessairement des faits.

45. Cette analyse aboutit à une conclusion d'évitement fiscal abusif dans le cas où le contribuable se fonde sur des dispositions particulières de la Loi de l'impôt sur le revenu pour obtenir un résultat que ces dispositions visent à empêcher. Ainsi, il y a évitement fiscal abusif lorsqu'une opération va à l'encontre de la raison d'être des dispositions invoquées. Un mécanisme qui contourne l'application de certaines dispositions, comme des règles anti‑évitement particulières, d'une manière contraire à l'objet ou à l'esprit de ces dispositions peut également donner lieu à un abus. Par contre, l'existence d'un abus n'est pas établie lorsqu'il est raisonnable de conclure qu'une opération d'évitement au sens du par. 245(3) était conforme à l'objet ou à l'esprit des dispositions conférant l'avantage fiscal.

[573] Comme le résume le juge Rothstein [89] , il faudra « conclure à l'évitement fiscal abusif lorsque l'opération (1) produit un résultat que la disposition législative vise à empêcher; (2) va à l'encontre de la raison d'être de la disposition ou (3) contourne l'application de la disposition de manière à contrecarrer son objet ou son esprit », en se fondant sur Hypothèques Trustco (par. 45) et Lipson c. Canada, 2009 CSC 1, [2009] 1 R.C.S. 3 (« Lipson ») (par. 40).

La thèse de l'intimée

[574] L'intimée prétend de façon générale que les [TRADUCTION] « dispositions relatives aux REÉR [...] fonctionnent comme un code complet » destiné à inciter les contribuables à épargner en vue de la retraite et qu'elles [TRADUCTION] « comprennent des règles conçues pour que les contribuables ne puissent faire que certains placements ». L'intimée affirme qu'on doit tenir compte des dispositions pertinentes relatives aux REÉR comme un tout. Elle se fonde sur l'arrêt Copthorne, précité, par. 91, où le juge Rothstein a indiqué : « La pertinence tient en fait au [TRADUCTION] « regroupement » des dispositions ou à leur « interaction pour la mise en œuvre d'un plan plausible et cohérent » (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd., 2008), p. 361 et 364). »

[575] Ces dispositions comprennent le paragraphe 146(4), qui dispose qu'« aucun impôt n'est payable [...] par une fiducie sur son revenu imposable pour une année d'imposition si [...] elle était régie par un régime enregistré d'épargne‑retraite », sauf si, comme le dispose l'alinéa 146(4)b), « la fiducie a exploité une ou plusieurs entreprises au cours de l'année ». Sont expressément exclus de cette disposition les revenus provenant de placements non admissibles, qui sont imposables en vertu du paragraphe 146(10.1).

[576] L'intimée affirme qu'un REÉR ne peut investir que selon une liste détaillée de « placements admissibles » décrits dans la Loi et le Règlement, dont la plupart visent à assurer, directement ou indirectement, que le rentier n'ait pas de lien de dépendance avec les placements et qu'il n'y ait aucune possibilité d'opérations personnelles. Si un contribuable acquiert un placement non admissible, tous les revenus provenant de ce placement sont assujettis à l'impôt en vertu du paragraphe 146(10.1). Le rentier est également assujetti à l'impôt sur la juste valeur marchande du placement au moment de son acquisition en vertu du paragraphe 146(10) (selon le libellé de cette disposition au moment pertinent) ou, subsidiairement, à un impôt de 1 % calculé mensuellement en vertu du paragraphe 207.1(1) jusqu'à ce que le placement non admissible soit retiré du REÉR.

[577] L'intimée affirme que le législateur a toujours voulu que le rentier n'ait pas de lien de dépendance avec les placements d'un REÉR et que cela a été précisé dans le budget fédéral du 23 mai 1985, lorsque le ministre des Finances a présenté un plan visant à permettre à un REÉR d'investir dans des petites entreprises, notamment des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) et des sociétés en commandite. Toutefois, le ministre des Finances a fait remarquer ce qui suit :

Pour s'assurer que ces investissements soient effectués sans aucun lien de dépendance, on considérera que, si le REÉR d'un actionnaire important d'une société investit dans des titres de cette dernière, l'investissement comporte un lien de dépendance. De même, un associé dans une société de personnes ou un employé d'une corporation seront considérés comme ayant un lien de dépendance avec la société si elle est contrôlée par cet associé ou employé, seul ou avec les autres associés ou employés [...] [90] .

[578] Le régime des REÉR comprend également diverses dispositions visant à établir une limite monétaire aux contributions à un REÉR. Il le fait en prévoyant qu'un contribuable peut verser des cotisations déductibles jusqu'au « plafond REÉR » ou aux « déductions inutilisées au titre des REÉR », termes que la Loi définit. Si ces limites sont dépassées, le contribuable sera, sous réserve de certaines exceptions limitées, assujetti à un impôt de 1 % calculé mensuellement, conformément au paragraphe 204(2.1).

La thèse de l'appelant

[579] Comme il a été mentionné précédemment, l'appelant affirme que tous les fonds de revenu répondaient à la définition du terme « fiducie de fonds commun de placement », c'est‑à‑dire qu'il y avait au moins 150 souscripteurs qui avaient chacun acquis des unités pour un produit d'au moins 500 $.

[580] L'appelant affirme qu'aucune disposition de la Loi n'empêche les contribuables de contrôler les entreprises détenues dans un REÉR ou d'investir dans une entité qui a un lien de dépendance avec le rentier ou pour laquelle le rentier est promoteur. Il affirme que l'objet et l'esprit des dispositions fiscales en cause [TRADUCTION] « étaient de permettre aux REÉR d'investir dans des fiducies de fonds commun de placement et des actions de sociétés cotées en bourse sans restriction quant au genre d'entreprise [...] et peu importe s'il y a un lien de dépendance quant aux placements sous‑jacents », pourvu qu'ils procurent [TRADUCTION] « un rendement commercial véritable ». L'appelant affirme que la Loi [TRADUCTION] « impose des conséquences fiscales » afin de s'assurer qu'un rentier [TRADUCTION] « n'obtient pas l'usage personnel des actifs du REÉR et ne peut faire de cotisation excédentaire ». La Loi le fait en prévoyant que tout avantage ou retrait doit être inclus dans le revenu en vertu du paragraphe 146(8) et que toute cotisation excédentaire est assujettie à une pénalité de 1 % par mois en vertu de la partie X.1. L'appelant affirme que l'objectif général des règles relatives aux REÉR est de permettre l'accumulation en franchise d'impôt des revenus provenant de [TRADUCTION] « placements véritables » et que [TRADUCTION] « c'est ce qui s'est produit en l'espèce ».

[581] En ce qui concerne la nature des placements admissibles, les appelants affirment que l'objet et l'esprit du régime légal [TRADUCTION] « est de les limiter aux placements dans certains genres de biens » décrits dans la Loi et le Règlement. Ils affirment que [TRADUCTION] « la liste des placements admissibles est longue et précise », que [TRADUCTION] « des millions de contribuables s'appuient sur ces règles, car les conséquences de la détention de placements non admissibles sont graves » et qu'à ce titre, [TRADUCTION] « les dispositions visent à préciser clairement ce qui est autorisé ».

[582] Les appelants affirment que rien n'empêche de détenir des unités de fiducies de fonds commun de placement cotées en bourse ou d'actions de sociétés cotées en bourse, mais reconnaissent qu'il existe certaines limitations. Par exemple, ils notent que [TRADUCTION] « les dettes d'une société cotée ou d'une filiale sont admissibles, mais en général les dettes d'une société privée ne le sont pas ». De même, [TRADUCTION] « les hypothèques sont admissibles, mais seulement si elles sont entièrement garanties par des biens immobiliers situés au Canada et si le débiteur est une personne sans lien de dépendance ».

[583] En ce qui concerne les actions des sociétés privées, les appelants notent que le législateur a adopté le critère de l'« actionnaire rattaché », qui fait qu'un REÉR ne peut posséder que 10 % des actions. Cependant, on affirme qu'il n'y a pas de restriction similaire pour les unités d'une fiducie de fonds commun de placement et il n'y a [TRADUCTION] « aucun fondement pour l'affirmation qu'une fiducie de fonds commun de placement doit lever des capitaux de façon égale ou proportionnelle ». Il suffit qu'il y ait un minimum de [TRADUCTION] « 150 souscripteurs détenant au moins une tranche d'unités », ce qui constitue un [TRADUCTION] « seuil de placement minimal ».

[584] On affirme qu'on ne devrait pas [TRADUCTION] « refuser à l'appelant l'exemption fiscale normalement applicable au revenu gagné par les REÉR simplement parce que le rentier était le promoteur des fonds de revenu », ou que [TRADUCTION] « le REÉR était le plus gros souscripteur », ou que [TRADUCTION] « le rentier dirigeait les activités quotidiennes » des [TRADUCTION] « entreprises commerciales et des biens » du fonds de revenu. On affirme enfin [TRADUCTION] qu'« aucune disposition ou politique de la Loi n'appuie le refus d'appliquer le paragraphe 146(4) en l'espèce ».

[585] Les appelants renvoient également à une modification apportée par le budget fédéral de mars 2011, qui a introduit le concept de « placement interdit », ce qui a élargi les règles anti‑évitement déjà en vigueur pour les comptes d'épargne libres d'impôt. Comme l'expliquent les appelants, à la suite de la modification, détenir 10 % ou plus des unités d'une fiducie de fonds commun de placement en fait un « placement interdit », sous réserve des droits acquis.

[586] On affirme qu'à la lumière de [TRADUCTION] « l'imposition de nouveaux impôts aux rentiers et des règles des droits acquis, notamment, ces modifications de 2011 ont changé la loi et ne l'ont pas simplement clarifiée ». Les appelants s'appuient sur l'arrêt Canada c. Oxford Properties Group Inc., 2018 CAF 30, [2018] 4 R.C.F. 3 :

[86] La question de savoir si une modification clarifie ou modifie l'état antérieur du droit dépend de l'interprétation de l'état antérieur du droit et de la modification. Comme il a été expliqué, la Loi d'interprétation empêche de tirer une conclusion au sujet de l'effet juridique d'un nouveau texte sur l'état antérieur du droit au seul motif que le législateur l'a adopté. Dans cette perspective, la seule façon d'évaluer les incidences d'une modification sur l'état du droit antérieur consiste à déterminer l'effet juridique de la loi telle qu'elle existait avant la modification, puis à déterminer si la modification modifie ou clarifie cet effet juridique.

Analyse et conclusion

[587] J'estime qu'il y a de bonnes raisons de conclure que les conditions du paragraphe 245(4) sont satisfaites et que les opérations d'évitement entraînent un abus.

[588] Un examen du paragraphe 146(4) m'amène à conclure que l'intention du législateur était que le revenu des placements effectués par un REÉR ne soit pas imposable, sous réserve de deux restrictions importantes : a) la fiducie n'a pas « emprunté de l'argent », b) elle n'a pas « exploité une ou plusieurs entreprises au cours de l'année ». Dans ce dernier cas, le REÉR doit payer de l'impôt sur les bénéfices commerciaux réalisés (y compris 100 % des gains en capital). Les revenus provenant de placements non admissibles imposables en vertu du paragraphe 146(10.1) sont également expressément exclus.

[589] Une analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 146(4) m'amène à conclure qu'il s'agit de l'une des dispositions fondamentales du régime des REÉR. Après avoir énoncé l'affirmation générale selon laquelle « aucun impôt n'est payable [...] par une fiducie sur son revenu imposable pour une année d'imposition », il dispose que l'exonération de l'impôt ne s'appliquera pas si la fiducie « a exploité une ou plusieurs entreprises au cours de l'année ». Quel est le sens de ce passage?

[590] Étant donné que le régime des REÉR permet aux rentiers de faire une longue liste de placements admissibles, généralement des unités, des actions ou des titres de créance de fiducies de fonds commun de placement cotées en bourse ou de sociétés cotées en bourse, qui exploitent nécessairement des activités commerciales, j'estime que l'exclusion du revenu tiré d'« une ou plusieurs entreprises » doit faire référence à une entreprise qui est liée d'une manière ou d'une autre au rentier ou qui a un lien de dépendance avec lui.

[591] Le principe selon lequel les placements admissibles ne doivent pas être contrôlés par le rentier et doivent être sans lien de dépendance est appuyé par les commentaires du ministre des Finances dans le budget fédéral du 23 mai 1985 mentionné ci‑dessus.

[592] J'estime donc que l'objet et l'esprit du paragraphe 146(4) sont d'empêcher un rentier de verser des cotisations déductibles de l'impôt (à grands frais pour le Trésor, du moins à court terme) et d'utiliser ensuite ces fonds à des fins commerciales et de profiter ainsi de l'exonération fiscale du régime.

[593] Bien qu'un administrateur ou un fiduciaire doive administrer le REÉR, j'estime que la disposition en cause vise principalement le rentier. Elle doit signifier que le revenu tiré de placements admissibles, c'est‑à‑dire de placements qui ne sont pas des « placements non admissibles », sera exonéré d'impôt, mais qu'il ne le sera pas si le rentier a réussi d'une manière ou d'une autre à utiliser les cotisations ou les actifs accumulés dans le REÉR pour exploiter une entreprise avec laquelle il a un lien de dépendance.

[594] J'estime que le principe qu'il ne doit généralement pas y avoir de lien de dépendance avec les placements détenus par un REÉR est la seule interprétation plausible de l'exclusion du revenu tiré d'« une ou plusieurs entreprises ». Il semble évident que la disposition vise à éliminer ou à éviter les abus qui existent lorsqu'un rentier administre des actifs assimilables à des régimes de retraite. Cela devient plus évident si l'on examine les placements autorisés décrits dans la Loi et le Règlement, soit la liste complète des placements admissibles.

[595] L'appelant a raison d'affirmer que les unités de fiducies de fonds commun de placement ou de sociétés en commandite cotées en bourse ou les actions de sociétés cotées en bourse sont des placements admissibles et qu'il n'y a aucune restriction quant au pourcentage des unités ou des actions pouvant être détenues par un rentier. J'estime que le législateur l'a prévu ainsi parce que le rentier n'a généralement aucun lien de dépendance avec elles, ou qu'elles sont au moins assujetties à un niveau minimal de surveillance réglementaire conformément à la législation sur les valeurs mobilières. De même, les « rentes » doivent être établies « par un fournisseur de rentes autorisé » et les obligations, billets ou titres semblables doivent être émis par une « caisse de crédit » ou une « société coopérative » ou par une banque de développement international reconnue, par exemple. Tous ces « émetteurs » sont assujettis à une certaine forme de surveillance réglementaire.

[596] La liste des placements admissibles comprend les pièces d'or et d'argent ou les lingots produits par la « Monnaie royale canadienne » et acquis par le REÉR « directement de la Monnaie royale canadienne » ou d'une « société déterminée ».

[597] Il existe de nombreux autres exemples où le législateur était manifestement convaincu que le niveau de surveillance réglementaire était suffisant pour qu'il soit sans importance si un rentier avait un lien de dépendance ou non avec l'émetteur.

[598] Comme le fait remarquer l'appelant, il existe d'autres cas où le législateur a utilisé un libellé différent et a fait expressément référence au lien de dépendance avec le rentier. Par exemple, les hypothèques sont des placements admissibles pour les REÉR, à la condition que le débiteur ou toute personne ayant un lien de dépendance avec le débiteur ne soit pas le rentier. Si le débiteur est le rentier ou une personne ayant un lien de dépendance avec le rentier, le prêt doit être assuré par un assureur agréé ou reconnu. De plus, comme l'a reconnu l'appelant, rien n'empêche un rentier d'acquérir une position importante, y compris une position de contrôle, dans des fiducies de fonds commun de placement ou des sociétés cotées en bourse, mais dans d'autres cas, comme les actions de sociétés fermées ou les sociétés en commandite, le législateur a interdit aux REÉR d'acquérir plus de 10 % des actions ou des unités.

[599] J'en viens à l'alinéa 4801d) du Règlement, qui définit le terme « fiducie de fonds commun de placement ». J'ai déjà conclu qu'il est conjonctif, de sorte qu'il exige qu'il y ait un appel public légal à l'épargne dans une province à au moins 150 souscripteurs d'unités ayant fait un placement minimal de 500 $.

[600] L'appelant a raison d'affirmer que rien dans le libellé de la Loi n'indique que tous les souscripteurs doivent investir la même somme (sous réserve de la somme minimale fixée dans la notice d'offre) ou qu'un ou plusieurs souscripteurs ne peuvent acquérir une position de contrôle dans la fiducie de fonds commun de placement lors de l'appel public légal à l'épargne. Bien sûr, comme la Cour l'a déjà noté, aucun des souscripteurs en l'espèce n'a effectivement acquis plus que le nombre minimal d'unités de l'un des fonds de revenu. Toutefois, étant donné que les unités de la fiducie de fonds commun de placement ne seraient pas cotées en bourse et seraient donc assujetties à une surveillance réglementaire limitée, ou même à aucune surveillance, j'estime que l'objet et l'esprit de la disposition étaient de faire en sorte que la propriété soit largement répartie entre au moins 150 souscripteurs. Bien que la disposition ne dise rien de la question du contrôle par un ou plusieurs souscripteurs ni n'établit de critère précis, j'estime que l'acquisition par la fiducie REÉR de 99 % des unités des fonds de revenu va à l'encontre de l'objet et de l'esprit de la disposition et est contraire à l'intention du législateur qui voulait qu'une fiducie de fonds commun de placement ait un grand nombre de souscripteurs. Le législateur n'a certainement pas envisagé qu'une fiducie de fonds commun de placement qui était un placement admissible pour un REÉR devienne en fait le prête‑nom d'un souscripteur.

[601] En ce qui concerne les modifications apportées en 2011, je ne suis pas d'accord avec l'affirmation de l'appelant selon laquelle elles ont modifié la Loi ou que le ministre essayait de les appliquer de manière rétroactive en l'espèce. J'estime que la Loi se contente de clarifier et d'apporter un certain degré de précision aux dispositions existantes relatives aux REÉR, notamment le nombre ou le pourcentage de participation qu'un REÉR peut détenir dans divers placements admissibles. Fondamentalement, elles n'abordent pas ou ne modifient pas la règle de base du paragraphe 146(4) selon laquelle les fonds détenus dans un REÉR ne peuvent être utilisés pour exploiter une entreprise qui est associée au rentier ou avec laquelle il a un lien de dépendance.

[602] Je n'ai donc aucune difficulté à conclure que l'appelant a cherché à faire un usage abusif du régime des REÉR et des dispositions de la Loi en établissant les fonds de revenu et que cela était contraire au paragraphe 245(4) de la Loi.

[603] L'appelant l'a fait en prenant d'abord des mesures pour répondre aux exigences précises minimales de l'article 4801 du Règlement. Une fois les fonds de revenu constitués, et en sa qualité de rentier de la fiducie REÉR autogérée, il a fait en sorte que celle‑ci acquière plus de 99 % des unités de chaque fonds de revenu (seul ou avec les autres initiés). J'estime qu'il a cherché à obtenir un résultat que les dispositions de la Loi étaient censées empêcher. J'estime que cela va à l'encontre de l'objet et de l'esprit du paragraphe 146(4) et de la définition d'une fiducie de fonds commun de placement, pour laquelle le législateur voulait qu'il y ait un grand nombre de souscripteurs.

[604] Deuxièmement, en tant que rentier de la fiducie REÉR, l'appelant était également le promoteur des fonds de revenu. Il était le fiduciaire ou déterminait qui serait le fiduciaire et assumait la gestion quotidienne des fonds de revenu, y compris les entreprises ou les placements sous‑jacents, dont l'achat était essentiellement payé dans tous les cas (sauf lorsque les autres initiés jouaient un rôle) par les actifs détenus dans la fiducie REÉR. J'estime que cela va à l'encontre de l'objet et de l'esprit du paragraphe 146(4) qui vise à exclure le revenu tiré d'« une ou plusieurs entreprises » avec laquelle le rentier a un lien de dépendance.

[605] De plus, il est évident que l'appelant était en mesure d'accéder directement ou indirectement aux fonds de la fiducie REÉR au moyen de prêts des fonds de revenu à lui‑même personnellement ou à des entités juridiques qu'il possédait ou contrôlait. J'estime qu'il s'agit là de l'abus même que le législateur visait à empêcher lorsqu'il a disposé que le revenu tiré de placements dans « une ou plusieurs entreprises » liées ou ayant un lien de dépendance avec le rentier ne s'accumulerait pas en franchise d'impôt dans le REÉR, mais serait imposable. Cet abus était contraire au paragraphe 146(4).

[606] Je n'ai donc aucune difficulté à conclure que le stratagème établi par l'appelant était une opération d'évitement qui a entraîné un abus des dispositions de la Loi et du Règlement de l'impôt sur le revenu et qu'il « entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l'application de ces dispositions [...] lues dans leur ensemble », comme le dispose le paragraphe 245(4).

[607] Pour reprendre les propos du juge Rothstein dans l'arrêt Copthorne Holdings, j'estime que les opérations d'évitement entreprises par l'appelant (1) ont produit un résultat que les dispositions législatives visaient à empêcher, (2) sont allées à l'encontre de la raison d'être des dispositions, (3) ont contourné l'application des dispositions de manière à contrecarrer leur objet ou leur esprit.

[608] J'estime qu'il ne serait pas raisonnable de conclure que les opérations d'évitement entreprises par l'appelant étaient conformes à l'objet et à l'esprit de l'article 4801 du Règlement ou du paragraphe 146(4), qui visaient à conférer un avantage.

d) Détermination des attributs fiscaux

[609] Puisque j'ai conclu que les opérations d'évitement fiscal de l'appelant étaient abusives, l'étape suivante est de déterminer les attributs fiscaux. Dans l'arrêt Lipson, la Cour suprême du Canada s'est prononcée de façon succincte :

[51] Appelé à se prononcer sur l'application du par. 245(5), le tribunal doit être convaincu qu'il y a opération d'évitement satisfaisant aux exigences du par. 245(4), que le par. 245(5) prévoit les conséquences fiscales et que les avantages fiscaux découlant des opérations abusives devraient de ce fait être supprimés. Il doit ensuite déterminer si ces attributs fiscaux sont raisonnables dans les circonstances. [...]

[610] Le paragraphe 245(5) dispose que « a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu [...] peut être en totalité ou en partie admise ou refusée; b) tout ou partie [...] peuvent être attribué à une personne; c) la nature d'un paiement ou d'un autre montant peut être qualifiée autrement; d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l'application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte ». La Cour détermine les « attributs fiscaux d'une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l'avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d'une opération d'évitement ».

La thèse des appelants

[611] La Compagnie Trust CIBC affirme que si la RGAÉ s'applique, la fiducie REÉR [TRADUCTION] « ne devrait pas être imposée en vertu de la partie I et de la partie XI.1 afin de supprimer l'avantage fiscal qui en résulterait par ailleurs » et que le ministre aurait dû établir une cotisation à l'égard de [TRADUCTION] « M. Grenon directement en vertu du paragraphe 146(8) ou du paragraphe 146(10) afin de supprimer l'avantage fiscal ».

[612] Elle affirme que le ministre [TRADUCTION] « ne devrait pas pouvoir avoir recours à la RGAÉ » à l'encontre de la fiducie REÉR lorsque le ministre [TRADUCTION] « a choisi de ne pas établir de cotisation au titre des articles de la Loi qui aurait éliminé les avantages fiscaux allégués par la Couronne ».

[613] La Compagnie Trust CIBC affirme que le paragraphe 146(8) s'applique lorsqu'un rentier a tiré un avantage d'un REÉR, bien qu'elle nie qu'il y ait eu un avantage en l'espèce. De plus, elle affirme que si le ministre avait conclu que les fonds de revenu étaient des placements non admissibles, M. Grenon aurait dû simplement faire l'objet d'une cotisation en vertu du paragraphe 146(10) (tel qu'il était libellé pendant la période pertinente) et, si cela avait été fait, il n'aurait pas été nécessaire d'établir de cotisation en vertu de l'article 201.7 à la partie XI.1.

[614] De plus, et à titre subsidiaire, elle affirme que la RGAÉ ne devrait pas s'appliquer pour imposer la valeur des unités de la FMO (détenues dans la fiducie REÉR avant la période pertinente) qui ont été transférées au fonds de revenu 2003‑4 en échange d'unités de celui‑ci de valeur équivalente. Elle affirme que cette opération n'a pas augmenté la valeur de la fiducie REÉR et qu'elle ne devrait donc pas être assujettie à la RGAÉ.

[615] Elle affirme également que, bien que le paragraphe 207.1(2) utilise le mot « impôt », il s'agit en réalité d'une [TRADUCTION] « pénalité visant à décourager les rentiers de conserver des placements non admissibles dans un REÉR ». Elle affirme que la Cour [TRADUCTION] « doit déterminer la véritable nature d'un paiement obligatoire, peu importe sa description, pour en déterminer la véritable nature » et [TRADUCTION] qu'« une taxe vise à générer des recettes, alors qu'une pénalité vise à dissuader un comportement ». Puisque le paragraphe 207.1(1) [TRADUCTION] « impose des sanctions pour un comportement que l'on veut décourager », il présente la [TRADUCTION] « caractéristique fondamentale d'une pénalité ».

[616] À l'appui de cette thèse, les appelants invoquent la décision Copthorne Holdings Ltd. c. La Reine, 2007 CCI 481 (conf. pour d'autres motifs, 2009 CAF 163, [2009] 4 R.C.F. F‑6), qui portait sur l'imposition d'une pénalité de 10 % en vertu du paragraphe 227(8) à « toute personne qui ne déduit pas ou ne retient pas » l'impôt. On a affirmé [TRADUCTION] qu'« une pénalité ne devrait pas être imposée par suite de l'application fructueuse de la DGAÉ [...] étant donné que le contribuable ne peut jamais déposer ou payer quoi que ce soit en se fondant sur le fait que la DGAÉ s'applique sans que le ministre ait d'abord déclenché l'application de la DGAÉ ». La Cour de l'impôt était d'accord qu'« une cotisation fondée sur la DGAÉ qui est bien fondée empêche le ministre d'appliquer des pénalités en vertu du paragraphe 227(8) » [91] . La juge Campbell a indiqué ce qui suit :

[77] Ce n'est qu'à cause de l'application de la DGAÉ que l'obligation de payer l'impôt retenu existe. Il s'agit donc de savoir si l'appelante est passible d'une pénalité en vertu du paragraphe 227(8) puisque, en théorie, elle n'était pas obligée de retenir un impôt en vertu des dispositions pertinentes de la Loi. Je ne crois pas qu'une cotisation fondée sur la DGAÉ puisse donner lieu à des pénalités pour inobservation des dispositions techniques de la Loi. En premier lieu, la DGAÉ n'est pas une disposition prévoyant une pénalité. Si une opération, ou une série d'opérations, va à l'encontre de la DGAÉ, la mesure corrective mentionnée au paragraphe 245(2) prévoit que les attributs fiscaux doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances, de façon à supprimer un avantage fiscal qui découlerait par ailleurs de l'opération. Le paragraphe 245(2) n'indique pas qu'une cotisation fondée sur la DGAÉ qui est bien fondée remédiera à une lacune de la Loi, mais simplement que l'avantage fiscal résultant de l'application technique de la disposition sera supprimé.

e) Analyse et conclusion

[617] Comme l'a noté la majorité de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Lipson, l'application de la RGAÉ peut créer de l'incertitude pour les contribuables, mais elle ne peut être écartée :

52. [...] Dans la mesure où il n'est pas toujours manifeste qu'une opération d'évitement ou une série d'opérations d'évitement contrecarre ou non l'objet d'une disposition, la RGAÉ peut rendre la planification fiscale quelque peu incertaine, mais il en va de même pour toute application de la loi à des circonstances particulières. La RGAÉ n'est ni une disposition pénale ni un instrument de soumission du contribuable. Dans le cadre complexe de la LIR, elle vise à empêcher l'évitement fiscal abusif et à préserver l'équité du régime fiscal. La volonté d'éviter l'incertitude ne saurait justifier que l'on fasse abstraction d'une disposition de la LIR à laquelle le législateur a clairement voulu assujettir des opérations qui sont par ailleurs valables à première vue.

[Non souligné dans l'original.]

[618] On a examiné le fait que la RGAÉ entraîne une certaine incertitude et qu'un contribuable ne peut s'autocotiser à l'égard de la RGAÉ dans la décision Quinco Financial Inc. c. La Reine, 2016 CCI 190, où le juge Bocock a fait remarquer ce qui suit : « l'avantage fiscal et l'opération d'évitement [...] relèvent du contribuable qui en est à l'origine et qui les exécute, et qui porte le fardeau de réfuter les hypothèses du ministre au procès. Ils relèvent de la connaissance du contribuable » (par. 32).

[619] En l'espèce, il faut supposer que M. Grenon savait et comprenait qu'il assumait certains risques inhérents au stratagème fiscal qu'il avait choisi de mettre en œuvre. Plus précisément, la notice d'offre a averti tous les souscripteurs éventuels que si les unités du fonds proposé étaient acquises dans un régime en franchise d'impôt et qu'on décidait ultérieurement que les unités n'étaient pas un « placement admissible », les souscripteurs seraient tenus de payer de l'impôt sur le revenu et de payer un impôt de 1 % calculé mensuellement sur la valeur des unités acquises jusqu'à ce qu'elles soient retirées du régime en franchise d'impôt. J'estime qu'il s'agit d'une référence directe à l'impôt de la partie XI.1, que les appelants soutiennent maintenant être une pénalité fiscale.

[620] Comme il est indiqué ci‑dessus, lorsqu'un contribuable acquiert un placement non admissible dans un REÉR, le ministre a (ou avait pendant la période pertinente) la possibilité d'établir une cotisation à l'égard du rentier selon la juste valeur marchande du placement non admissible au moment de son acquisition, conformément au paragraphe 146(10). Si le ministre ne l'avait pas fait, la fiducie REÉR devait produire un formulaire prescrit et payer un impôt de 1 % calculé mensuellement sur la valeur du placement non admissible jusqu'à ce qu'il soit retiré du REÉR. Les appelants n'ont pas fait valoir que l'impôt découlant du paragraphe 146(10) est une pénalité et je ne vois aucune raison de conclure que l'impôt qui peut être établi en remplacement de celui-ci, en vertu de la partie X.1, devrait être qualifié de pénalité. De plus, je n'accepte pas l'argument des appelants selon lequel le ministre aurait pu « éviter » l'impôt fondé sur la partie XI.1 pour la fiducie REÉR s'il avait établi une cotisation à l'égard du rentier lui‑même aux termes du paragraphe 146(10). Le ministre peut choisir de faire l'un ou l'autre.

[621] J'examine maintenant les « attributs fiscaux » découlant de la conclusion selon laquelle la RGAÉ s'applique.

[622] En ce qui concerne la nouvelle cotisation établie conformément au paragraphe 56(2) visée par l'appel de M. Grenon, il est évident que les sommes versées par les fonds de revenu à la fiducie REÉR au cours des années d'imposition 2008 et 2009 peuvent être qualifiées de revenus provenant de placements non admissibles, que j'ai appelés les distributions.

[623] Bien que j'aie déjà conclu que le paragraphe 56(2) ne s'appliquerait normalement pas au revenu tiré de placements non admissibles, j'estime que le ministre aurait pu « qualifier autrement » la « nature du paiement » en vertu de l'alinéa 245(5)c) et, par conséquent, n'eût été les cotisations visées par l'appel de la fiducie REÉR, j'aurais confirmé la nouvelle cotisation établie en fonction de la RGAÉ. Toutefois, étant donné que les sommes que le ministre a cherché à imposer aux termes du paragraphe 56(2) font partie des distributions, j'estime que cela entraînerait un dédoublement de l'impôt que le ministre a également cherché à imposer à la fiducie REÉR aux termes du paragraphe 146(10.1). J'estime que cela ne peut être considéré comme « raisonnable dans les circonstances », comme le dispose le paragraphe 245(5), et je conclus donc que le ministre ne pouvait établir une cotisation à l'égard des distributions qu'aux termes du paragraphe 56(2) ou du paragraphe 146(10.1), mais pas des deux. L'intimée l'a également reconnu.

[624] En ce qui concerne la nouvelle cotisation établie en vertu du paragraphe 204.2(1) de la Loi visée par l'appel de M. Grenon, soit la cotisation fondée sur la partie X.1, il est de nouveau évident que les sommes versées par les fonds de revenu à la fiducie REÉR à l'égard des années d'imposition 2004 à 2011 constituaient un revenu tiré de placements non admissibles, que j'ai appelé les distributions, qui font l'objet d'une cotisation établie en application du paragraphe 146(10.1) visée par l'appel de la fiducie REÉR. Bien qu'il eût été possible de conclure que le ministre aurait pu « qualifier autrement » la « nature du paiement » effectué en « cotisations excédentaires » en vertu de l'alinéa 245(5)c), j'estime que cela ne peut être considéré comme « raisonnable dans les circonstances », comme le dispose le paragraphe 245(5), puisque le ministre a établi une cotisation à l'égard de la fiducie REÉR pour les mêmes sommes en vertu du paragraphe 146(10.1).

[625] En ce qui concerne les cotisations établies à l'encontre de la fiducie REÉR conformément au paragraphe 146(10.1), en vertu desquelles le ministre a établi une cotisation à l'égard des paiements que j'ai appelés les distributions, j'estime que le ministre aurait pu « qualifier autrement » la « nature du paiement » effectué en tant que revenu ou gain provenant de placements non admissibles conformément à l'alinéa 245(5)c). Par conséquent, sous réserve de ce qui précède, j'aurais confirmé la nouvelle cotisation établie en vertu de la RGAÉ.

[626] Après avoir conclu ainsi, je serais de nouveau d'accord avec les appelants que la fiducie REÉR aurait droit à un crédit de 136 654 427 $ que le ministre a inclus comme distributions pour l'année d'imposition 2005, puisque cette somme représentait la valeur des unités émises par le fonds de revenu 2003‑4 en échange des unités de la FMO. Cette somme devrait donc être exclue du calcul, car elle tenait compte d'un échange qui n'a pas réellement augmenté la valeur de la fiducie REÉR et ne constituait pas un revenu.

[627] En ce qui concerne les nouvelles cotisations établies en vertu du paragraphe 207.1(2), soit les nouvelles cotisations fondées sur la partie XI.1, puisque j'ai conclu que les opérations d'évitement fiscal effectuées par l'appelant étaient abusives et contraires à la RGAÉ, je conclus également que le ministre avait le droit d'imposer à la fiducie REÉR un impôt de 1 % calculé mensuellement sur « la juste valeur marchande du placement non admissible au moment de son acquisition » (ce que j'ai appelé les « opérations d'acquisition »), soit les attributs fiscaux normaux qui s'appliquent aux placements non admissibles lorsque le ministre choisit de ne pas établir de cotisation à l'égard du rentier en vertu du paragraphe 146(10).

[628] En ce qui concerne les pénalités pour production tardive, j'aurais adopté le raisonnement de la juge Campbell dans la décision Copthorne, précitée, et supprimé ces pénalités.

[629] Par souci de clarté, j'ajouterais que la cotisation établie en vertu du paragraphe 207.1(2) comprendrait la somme de 152 874 000 $ décrite comme faisant partie des opérations d'acquisition, soit la juste valeur marchande des unités de la FMO transférées de la fiducie REÉR au fonds de revenu 2003‑4 en novembre 2005.

[630] En tant que fiducie de fonds commun de placement cotée en bourse, la FMO était un placement admissible pour un REÉR tant qu'elle demeurait dans la fiducie REÉR, mais elle ne l'était plus une fois que ses unités ont été transférées au fonds de revenu en échange d'unités de ce dernier.

[631] Je rejetterais également l'argument selon lequel la fiducie REÉR devrait avoir droit à un crédit pour la perte qu'elle aurait subie en 2008 lors de la disposition des unités acquises du fonds de revenu 2003‑4, comme décrit ci‑dessus. Je parviens à cette conclusion parce que le régime des REÉR ne prévoit pas la déduction des pertes subies dans un REÉR. De plus, le paragraphe 207.1(1) prévoit un impôt de 1 % calculé mensuellement selon la juste valeur marchande des placements non admissibles « au moment où ils ont été acquis par la fiducie ». Cela comprendrait toutes les unités du fonds de revenu 2003‑4.

VIII. CONCLUSION

[632] La Cour a conclu que les mesures prises par l'appelant pour établir les fonds de revenu n'avaient pas d'effet juridique, de sorte qu'ils ne sont pas des placements admissibles pour un REÉR. Je passe maintenant aux différentes cotisations, en tenant compte du fait que les appels ont été entendus sur preuve commune.

L'appel de M. Grenon

[633] La Cour a déjà conclu qu'en l'absence d'un trompe‑l'œil, d'un artifice ou d'autres circonstances viciant l'opération (Neuman, par. 33, et Ludco, par. 69), l'application du paragraphe 56(2) ne devrait pas s'étendre aux revenus générés par les placements détenus dans un REÉR, même si l'on conclut qu'il s'agit de placements non admissibles. Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus qu'une cotisation fondée sur la RGAÉ ne serait pas « raisonnable dans les circonstances », comme le dispose le paragraphe 245(5). J'accueillerais donc l'appel interjeté à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu du paragraphe 56(2).

[634] La Cour a également conclu qu'en l'absence de trompe‑l'œil, d'artifice ou d'autres circonstances viciant l'opération, le revenu tiré des placements détenus dans un REÉR ne devrait pas être qualifié de « cotisation excédentaire » et faire l'objet d'une cotisation en vertu du paragraphe 204.1(2.1). Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus qu'une cotisation fondée sur la RGAÉ ne serait pas « raisonnable dans les circonstances », comme le dispose le paragraphe 245(5). J'accueillerais donc l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu du paragraphe 204.1(2.1).

L'appel du REÉR

[635] Puisque la Cour a conclu que les fonds de revenu n'étaient pas des placements admissibles pour un REÉR, il s'ensuit que le ministre avait le droit d'établir pour la fiducie REÉR une cotisation pour le revenu tiré des fonds de revenu aux termes du paragraphe 146(10.1), avec les pénalités pour production tardive applicables.

[636] Comme nous l'avons indiqué ci‑dessus dans le cas de la RGAÉ, cela exclurait la somme de 136 654 427 $ (la somme décrite par l'intimée comme faisant partie des distributions pour l'année d'imposition 2005), puisque cette somme découlait du transfert des unités de la FMO détenues dans la fiducie REÉR au fonds de revenu 2003‑4 et n'était donc pas un revenu provenant d'un placement non admissible. J'accueillerais donc l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu du paragraphe 146(10.1) et je déférerais l'affaire au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation à la lumière de cette conclusion.

[637] Enfin, puisque la Cour a conclu que les fonds de revenu n'étaient pas des placements admissibles, il s'ensuit que le ministre avait le droit d'établir une cotisation pour la fiducie REÉR en vertu des paragraphes 207.1(1) et 207.2(3). Par souci de clarté, cela comprend les unités du fonds de revenu 2003‑4 acquises par la fiducie REÉR au cours de l'année d'imposition 2005 évaluées à 152 874 000 $ en échange des unités de la FMO. Je rejetterais donc l'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie conformément à ces dispositions.

[638] Les parties ont 60 jours à compter de la date des présentes pour déposer des observations écrites relatives aux dépens. Ces observations ne doivent pas dépasser 15 pages.

Les présents motifs du jugement modifiés une seconde fois remplacent les motifs du jugement modifiés du 27 avril 2021 afin de corriger des erreurs typographiques.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2021.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Annexe A — Extraits des interrogatoires préalables

[1] Comme indiqué dans les motifs du jugement qui précèdent, la Cour a ordonné aux parties de présenter des observations écrites sur la question des extraits des interrogatoires préalables en raison du paragraphe 100(1) des Règles, qui dispose ce qui suit :

100(1) Une partie peut, à l'audience, consigner comme élément de sa preuve, après avoir présenté toute sa preuve principale, un extrait de l'interrogatoire préalable :

a) de la partie opposée;

b) d'une personne interrogée au préalable au nom, à la place ou en plus de la partie opposée, sauf directive contraire du juge,

si la preuve est par ailleurs admissible et indépendamment du fait que cette partie ou que cette personne ait déjà témoigné.

[...]

(3) Si un extrait seulement d'une déposition recueillie à l'interrogatoire préalable est consigné ou utilisé en preuve, le juge peut, à la demande d'une partie opposée, ordonner la présentation d'autres extraits qui la nuancent ou l'expliquent.

[2] La directive sur la procédure no 8 de la Cour canadienne de l'impôt intitulée « Utilisation des interrogatoires préalables/engagements » du 19 juillet 2001 régit l'utilisation des interrogatoires préalables et des engagements comme preuve au procès, de la façon suivante [92] :

i. La partie qui entend déposer un extrait de l'interrogatoire préalable signifie à toute autre partie un avis écrit au plus tard quatre jours avant le début de l'audience. Cet avis indique le numéro de la page et les lignes de la transcription où se trouve l'engagement ou la partie de la réponse que la partie a l'intention de consigner en preuve.

ii. La partie opposée qui entend demander au juge l'autorisation de déposer des extraits de l'interrogatoire préalable qui nuancent ou qui expliquent les extraits de l'autre partie conformément au paragraphe 100(3) des Règles signifie à toute autre partie un avis semblable par écrit au plus tard deux jours avant le début de l'audience.

La thèse de l'appelant

[3] Dans ses observations écrites, l'appelant a indiqué 19 extraits qu'il souhaitait présenter pour expliquer les extraits moins nombreux que le ministre souhaite maintenant déposer [93] . L'appelant affirme que le ministre devrait soit être tenu de déposer tous les extraits qui apparaissaient dans sa première liste, auquel cas l'appelant devrait pouvoir déposer tous ses extraits, soit être autorisé à ne déposer que les extraits moins nombreux, auquel cas l'appelant devrait pouvoir déposer les extraits qui expliquent les extraits moins nombreux du ministre [94] .

[4] L'appelant affirme que ni l'article 100 des Règles ni la directive sur la procédure no 8 ne permettent ou n'envisagent qu'une partie réduise la liste des extraits qu'elle souhaite déposer entre l'avis préalable au procès et la date à laquelle les extraits sont déposés à la Cour [95] . Cela irait à l'encontre de l'objet de la directive sur la procédure no 8, qui vise à éviter les surprises au procès et à éviter une mauvaise utilisation de la transcription de l'interrogatoire préalable en exigeant un préavis et en permettant à une partie opposée d'examiner et de déposer des extraits supplémentaires pour ajouter le contexte [96] . L'appelant affirme que les extraits proposés sont appropriés et proportionnels et qu'ils fournissent un contexte qui explique, ajoute, contredit ou limite [97] .

[5] De plus, l'appelant rejette l'argument du ministre selon lequel certains de ses extraits proposés sont inadmissibles en tant que ouï‑dire au motif que le ministre ne peut pas soutenir qu'une partie de ses propres éléments de preuve sont du ouï‑dire [98] . Plus précisément, l'appelant affirme que ces extraits font partie de la preuve du ministre, de sorte que s'il faut ajouter un contexte qui est du ouï‑dire, alors tous les extraits sont une preuve par ouï‑dire, et non seulement le contexte. L'appelant affirme que la thèse du ministre lui permettrait de [TRADUCTION] « choisir des parties de la transcription, en omettant certaines parties qui fournissent le contexte, puis soutenir que la Cour devrait accepter la preuve sans le contexte parce que le contraire rendrait cette preuve inadmissible » [99] .

La thèse du ministre

[6] Le ministre prétend qu'il était tout à fait approprié qu'il présente une liste qui comprend moins d'extraits, puisque les extraits auxquels il a renoncé reprenaient des éléments de preuve déjà présentés lors de l'interrogatoire principal ou du contre‑interrogatoire des témoins de l'appelant [100] .

[7] En ce qui concerne les extraits que l'appelant souhaite déposer conformément au paragraphe 100(3) des Règles pour expliquer ceux du ministre, le ministre affirme que le paragraphe 100(3) ne confère à l'appelant aucun droit absolu de déposer des extraits [101] . Le ministre s'oppose à quatre des éléments proposés par l'appelant au motif qu'ils constituent des témoignages justificatifs (« oath‑helping ») ou une preuve par ouï‑dire ou n'expliquent pas les extraits du ministre [102] . Les extraits contestés sont les suivants [103] :

 

Extrait de l'intimée

Extrait explicatif de l'appelant [104]

Objection de l'intimée

 

Témoin

Questions

Témoin

Question

 

 

1.

M. Grenon

979 à 981

M. Grenon

973

N'explique pas l'extrait du ministre; le témoin, M. Grenon, aurait dû témoigner au sujet du contexte au procès, et s'il l'a fait, l'extrait équivaut à une tentative de déposer des déclarations antérieures cohérentes ou des témoignages justificatifs.

 

2.

M. Grenon

309 à 330

M. Grenon, selon des renseignements fournis par Devon Wagner, un représentant de Grant Thornton

 

Engagement no 5A

L'extrait proposé est une preuve par ouï‑dire et les appelants n'ont pas fourni la preuve qu'une exception à la règle interdisant le ouï‑dire s'applique.

3.

M. Grenon

2090 à 2099

M. Grenon

Engagement no 85

La dernière phrase de l'extrait est du ouï‑dire et on n'indique pas la source de l'information, de sorte que la Cour ne peut évaluer si une exception à la règle interdisant le ouï‑dire peut s'appliquer.

 

4.

M. Grenon

76 à 83

M. Grenon

84 à 87

N'explique pas l'extrait du ministre, qui est admissible comme preuve autonome.

Analyse

[8] En déposant une liste réduite d'extraits au procès, le ministre s'appuie sur la décision de la Cour dans Envision Credit Union c. La Reine [105] , 2010 TCC 353, dans laquelle le juge Webb (maintenant juge de la Cour d'appel fédérale) a examiné l'application de l'article 100 des Règles. Il a conclu qu'une partie qui cherche à déposer des questions des interrogatoires préalables devrait modifier la liste de manière à ce que les extraits déposés ne portent que sur des questions qui n'ont pas été posées au témoin pendant l'audience [106] . Plus précisément, il a conclu que le fait de [TRADUCTION] « consigner en preuve des questions qui sont les mêmes que celles qui ont été posées à l'audience et auxquelles les mêmes réponses ont été données n'est pas [...] approprié ». De telles questions et réponses ne seraient pas admissibles, car elles ne font que répéter le témoignage du témoin et seraient donc exclues en tant que déclarations antérieures cohérentes (par. 34).

[9] Ainsi, le ministre affirme qu'il était approprié qu'il modifie sa liste d'extraits à la suite des interrogatoires principaux et des contre‑interrogatoires à l'audience afin de supprimer les extraits traitant de la preuve déjà présentée au procès [107] .

[10] En bref, le paragraphe 100(3) permet à une partie, autre que la partie qui consigne une partie de l'interrogatoire préalable, de demander à la Cour l'autorisation de déposer des extraits supplémentaires de l'interrogatoire préalable pour donner le contexte des extraits proposés. Comme l'a confirmé la juge Campbell dans Blackmore c. La Reine [108] , 2012 TCC 108 (Blackmore), le paragraphe 100(3) accorde au juge le pouvoir discrétionnaire de permettre le dépôt d'extraits supplémentaires de l'interrogatoire préalable et n'accorde pas un droit absolu à une partie opposée de déposer des extraits supplémentaires.

[11] Dans la décision GlaxoSmithKline Inc. c. La Reine, 2008 CCI 324 (GlaxoSmithKline), le juge en chef Rip a exposé une approche détaillée pour décider si le juge devrait autoriser le dépôt d'extraits supplémentaires. Il [109] a comparé le paragraphe 100(3) des Règles à l'article 289 des Règles de la Cour fédérale, qui, selon la Cour fédérale dans Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Odynsky, [1999] A.C.F. no 1389 (QL) (C.F. 1re inst.) (Odynsky) [110] , avait pour but de « faire en sorte que le passage tiré de la transcription d'un interrogatoire préalable consigné comme élément de preuve au cours de l'instruction soit placé dans un contexte approprié afin qu'il soit vu et consigné équitablement, sans qu'un préjudice ne soit causé à une autre partie, si une seule partie du contexte nécessaire à une bonne compréhension de la preuve consignée était dévoilée ».

[12] Pour décider si les extraits proposés nuancent ou expliquent la preuve afin que la Cour ne soit pas induite en erreur par l'omission par une partie d'un extrait de la preuve, le juge Rip a tenu compte des facteurs suivants : (i) la continuité des idées ou de l'objet; (ii) le but dans lequel la preuve a été présentée en premier lieu et la question de savoir si elle est complète en elle‑même; (iii) l'équité, en ce sens que la preuve devrait, dans la mesure du possible, représenter la réponse complète du témoin sur l'objet de l'examen selon les réponses que le témoin a données lors de son interrogatoire préalable; (iv) la question de savoir s'il existe réellement un lien entre l'élément et les éléments consignés par la partie adverse ou si cela constitue une preuve qui aurait dû être présentée par le témoignage des témoins de la partie.

[13] Le juge Boyle a suivi cette approche dans Morguard Corporation c. La Reine, 2012 CCI 55 (Morguard) (annexe 1, par. 8) [111] , alors que le ministre avait choisi de ne pas déposer tous les passages qu'il avait d'abord signalés à l'appelante. L'appelante a cherché à consigner les autres passages que le ministre avait d'abord signalés, mais le ministre s'y est opposé. Le juge Boyle a résumé comme suit les questions dont le juge Rip avait tenu compte :

1) si les extraits additionnels que la partie veut consigner en preuve assurent la continuité des idées ou de l'objet dont le témoin a traité dans les extraits de l'interrogatoire préalable consignés en preuve par la partie opposée;

2) si l'extrait consigné en preuve par la partie opposée est complet en lui‑même et peut servir la fin pour laquelle la partie opposée l'a consigné en preuve; autrement dit, si les extraits additionnels font avancer ou complètent la fin visée par la partie opposée, ou s'ils la discréditent ou la contrecarrent;

3) si les extraits additionnels que la partie veut consigner en preuve permettent à la Cour de mieux comprendre ce que le témoin a dit sur le point particulier en question dans les réponses qu'il a données lors de son interrogatoire préalable et assurent l'équité pour les deux parties.

[14] Le juge Boyle a également noté « qu'en cherchant à assurer l'exhaustivité, il faut tenir compte de la ‟réponse” que le témoin a donnée sur l'‟objet de l'examen” lors de l'interrogatoire préalable et non de la réponse précise qu'il a donnée à la question précise qui était posée et que la partie opposée a consignée en preuve » [112] .

[15] Dans la décision Blackmore, la juge Campbell a conclu que, si la décision du juge Boyle dans Morguard est interprétée de manière à permettre de consigner des extraits supplémentaires qui portent non seulement sur les réponses précises données à une question précise, mais aussi sur l'objet de l'instance en général, cela donnerait un sens trop large au paragraphe 100(3) et permettrait aux parties de déposer des extraits pour introduire des éléments de preuve [TRADUCTION] « par la porte arrière » (par. 10) [113] . La juge Campbell a plutôt indiqué que le juge Boyle renvoyait à l'objet de la réponse ou des réponses du témoin lors de l'interrogatoire préalable. Toutefois, la juge Campbell a conclu que ce serait une interprétation beaucoup plus large du paragraphe 100(3) que celle que les tribunaux ont suivie jusqu'à présent. Ainsi, la juge Campbell s'est appuyée sur le raisonnement établi dans la décision GlaxoSmithKline pour appliquer l'approche suivante adoptée à l'égard des extraits déposés pour expliquer le contexte (par. 12) [114] :

[TRADUCTION]

[...] les questions de savoir si la Cour serait induite en erreur par l'omission de cette partie de l'interrogatoire préalable, si les extraits supplémentaires sont des éléments de preuve qui auraient dû être présentés par le témoignage de l'appelant au cours de l'audience et si les éléments de preuve représentent équitablement l'ensemble de la réponse du témoin sur le sujet de cette réponse aux extraits de l'intimée au cours de l'interrogatoire préalable.

[16] Le juge Boyle a affirmé que le paragraphe 100(3) « n'est pas si strictement restreint et limité au caractère exhaustif de la réponse que le témoin a donnée à la question précise qui a été consignée en preuve; il peut s'étendre à toutes les réponses que le témoin a données aux questions portant sur l'objet de l'examen dans des circonstances appropriées ». À mon avis, ce commentaire restreint de façon appropriée la Cour à n'autoriser que les extraits qui placent en contexte les extraits déposés par la partie adverse. Cette interprétation offre suffisamment de souplesse pour garantir que la Cour n'est pas induite en erreur par des extraits consignés en preuve par une partie sans le contexte approprié, tout en étant suffisamment étroite pour garantir que les parties ne peuvent pas utiliser les extraits pour introduire des éléments de preuve qui auraient dû être présentés lors de l'interrogatoire au procès. Par conséquent, pour décider s'il convient d'autoriser l'appelant à introduire les extraits contestés, la Cour doit prendre en compte les éléments suivants :

– si les extraits proposés assurent la continuité des idées ou de l'objet dont le témoin a traité dans les extraits de l'interrogatoire préalable consignés en preuve par la partie adverse;

– si les extraits proposés permettraient à la Cour de bien comprendre ce que le témoin a dit sur le point en question en précisant le contexte;

– si la Cour serait induite en erreur quant à ce que le témoin a affirmé sans les extraits supplémentaires;

– si l'extrait déposé en preuve est complet en soi.

[17] J'examine maintenant les extraits proposés qui restent.

Extrait no 8

[18] Le ministre a déposé en preuve les questions 979 à 981 de l'interrogatoire préalable de M. Grenon, qui portent sur l'interaction entre la fiducie de capital‑risque TOM 2003‑1 et les sociétés externes dont il est directement ou indirectement propriétaire. Plus précisément, l'extrait contient un aveu de M. Grenon selon lequel la fiducie de capital‑risque TOM 2003‑1 avait accordé un prêt à Colborne Capital, une société appartenant directement ou indirectement à M. Grenon.

[19] L'extrait proposé par les appelants semble viser la thèse de M. Grenon selon laquelle les entreprises étaient structurées pour des raisons commerciales véritables, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la structure des fonds de revenu, et que les prêts étaient des opérations légitimes qui avaient un effet juridique véritable à des taux de pleine concurrence [115] .

[20] Le ministre affirme que l'extrait proposé ne place pas en contexte ou n'explique pas l'extrait de la Couronne. Il y a une continuité minime des idées entre l'extrait de l'intimée et l'extrait proposé des appelants; l'extrait de l'intimée présente équitablement le témoignage de M. Grenon, et la Cour ne serait pas induite en erreur par l'exclusion de l'extrait de l'appelant.

[21] Je conclus que l'extrait no 8 est admissible. Il y a continuité de l'objet entre les extraits du ministre et ceux de l'appelant, c'est‑à‑dire les intentions de M. Grenon quant à la structure des fonds de revenu et leur relation avec des entités extérieures à cette structure. L'extrait porte sur les réponses de M. Grenon à peine six pages plus tôt dans la transcription de l'interrogatoire préalable. L'extrait de l'appelant précise l'aveu relatif au prêt mentionné dans l'extrait du ministre.

Élément no 10

[22] Cet élément porte sur les appels des sociétés, mais je vais néanmoins le traiter ici.

[23] Le ministre a déposé en preuve les questions 309 à 330 de l'interrogatoire préalable de M. Grenon, qui portaient sur l'évaluation par Grant Thornton des unités du fonds de revenu TOM Capital 2003‑4 au moment de la réorganisation de Foremost [116] . Plus précisément, aux questions 327 à 330, il est question de savoir si les évaluateurs ont décrit par erreur l'opération comme étant sans lien de dépendance. L'extrait comprend la demande du ministre d'un engagement sur la position de l'appelant sur la question de savoir si la description de M. Grenon dans l'évaluation de Grant Thornton comme étant « sans lien de dépendance » était une erreur.

[24] L'extrait proposé par l'appelant est sa réponse à l'engagement de fournir sa thèse lors du procès. La réponse est : [TRADUCTION] « M. Grenon croit comprendre, après avoir parlé à Devon Wagner de Grant Thornton, que ce terme a été utilisé correctement dans l'évaluation et qu'il fait référence à la majorité des souscripteurs de [Tom Capital 2003‑4] avant la souscription, soit lorsqu'il n'y avait aucun lien de dépendance avec lui » [117] .

[25] La thèse du ministre est que ce document est inadmissible en tant que ouï‑dire et qu'il s'agit d'une déclaration extrajudiciaire présentée pour la véracité de son contenu qui aurait dû être fournie par M. Wagner lui‑même lors d'un témoignage oral.

[26] Je conclus que l'extrait n° 10 est admissible. Il porte sur le même objet et fournit à la Cour les renseignements nécessaires pour comprendre pleinement les éléments de preuve présentés par l'extrait du ministre. La réponse est une réponse à une question posée par l'avocat du ministre sur le même objet et l'extrait du ministre contient la question même à laquelle l'extrait de l'appelant fournit une réponse. L'extrait concerne la thèse de M. Grenon et ne constitue pas une preuve de la véracité de la déclaration.

Extrait no 16

[27] Le ministre a déposé en preuve les questions 2090 à 2099 de l'interrogatoire préalable de M. Grenon, qui portent sur certains paiements effectués par Century Services et d'autres payeurs au nom des souscripteurs du fonds de revenu [118] . L'extrait de l'appelant est une réponse à l'engagement de déterminer quelle société est Century Services pour ce qui est de la structure du fonds de revenu. L'extrait de l'appelant décrit la société comme le commandité de Century Services LP, dont le seul commanditaire est le fonds de capital‑risque TOM Capital 2003‑2 [119] . Cependant, la réponse va plus loin et déclare : [TRADUCTION] « On a informé M. Grenon que Mme Bruce a remboursé [Century Services] pour les fonds de souscription peu de temps après. » La thèse du ministre est que l'élément consigné en preuve est inadmissible au motif qu'il constitue du ouï‑dire.

[28] L'extrait no 16 est admissible dans le but de fournir un contexte sur la façon dont Century Services s'inscrit dans la structure du fonds commun de placement. Toutefois, l'extrait no 16 n'est pas admissible pour prouver que Mme Bruce a remboursé Century Services pour les fonds de souscription, car il s'agit de ouï‑dire. Comme il s'agit d'une déclaration extrajudiciaire présentée pour établir la véracité de son contenu, elle constitue un ouï‑dire. Aucune exception à la règle interdisant le ouï‑dire ne s'applique. L'extrait doit être « par ailleurs admissible », selon l'article 100 des Règles.

Extrait no 18

[29] Ce point porte également sur les appels des sociétés.

[30] Le ministre a déposé en preuve les questions 76 à 83 de l'interrogatoire préalable de M. Grenon, qui portent sur les raisons de la réorganisation de Foremost. Plus précisément, l'extrait comprend un aveu de M. Grenon selon lequel la société appelante a acheté des unités lors de la réorganisation de Foremost en raison, du moins en partie, de la possibilité de tirer un avantage fiscal en obtenant un compte de dividendes en capital [120] .

[31] L'extrait de l'appelant porte sur les questions posées immédiatement après l'extrait du ministre [121] . L'extrait de l'appelant porte sur la portée de la réorganisation de Foremost et sur le fait que, pour M. Grenon, les étapes mettant en cause les sociétés appelantes ne faisaient pas partie de la réorganisation de Foremost. L'extrait de l'appelant porte également sur l'aspect fiscal et la manière dont le compte de dividendes en capital devait être créé.

[32] La thèse du ministre est que l'extrait de l'appelant est inadmissible parce qu'il ne nuance pas ou n'explique pas l'extrait du ministre.

[33] L'extrait no 18 est admissible. L'extrait de l'appelant explique davantage l'extrait du ministre concernant l'aspect fiscal de certaines étapes de la réorganisation de Foremost. L'extrait de l'appelant contient des questions de suivi à celles dans l'extrait du ministre, porte sur le même objet, démontre la compréhension et l'intention de M. Grenon dans l'opération et permet de mieux comprendre ce sujet.


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 30

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2014-3401(IT)G

2014-4440(IT)G

INTITULÉS :

JAMES T. GRENON ET LA FIDUCIE REÉR DE JAMES T. GRENON PAR SON FIDUCIAIRE, LA COMPAGNIE TRUST CIBC c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 11, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 21 et 22 février 2019 et les 9, 10, 11, 12 et 13 septembre 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 1er juin 2021

COMPARUTIONS :

Avocats des appelants :

 

Me John J. Tobin

Me Linda Plumpton

Me James Gotowiec

Me Cy M. Fien

Me Brandon Barnes Trickett

Me Ari M. Hanson

Me Aron W. Grusko

Avocats de l'intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

Me Christopher Kitchen

Me Tanis Halpape

Me Jeremy Tiger

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Noms :

Me Cy M. Fien

Me Brandon Barnes Trickett

Me Ari M. Hanson

Me Aron W. Grusko

Cabinet :

Fillmore Riley LLP

 

Noms :

Me John J. Tobin

Me Linda Plumpton

Me James Gotowiec

Cabinet :

Société d'avocats Torys S.E.N.C.R.L.

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[2] Alinéa 19dd) de la nouvelle réponse modifiée une seconde fois.

[3] Adopté par la commission des valeurs mobilières de l'Alberta le 30 mars 2002 et par la commission des valeurs mobilières de la Colombie‑Britannique le 3 avril 2002.

[4] Adopté par la commission des valeurs mobilières de l'Alberta et par la commission des valeurs mobilières de la Colombie‑Britannique le 14 septembre 2005.

[5] Onglet 3 du recueil de documents de l'appelant.

[6] Ce tableau est tiré, avec de légères modifications, des observations écrites de la Couronne (volume 1 sur 3). J'ai corrigé le tableau pour inclure le montant de souscription de 3 999 998 $ pour le fonds de revenu 2006‑5 en 2008. Cela a pour effet d'augmenter le montant total pour les fonds de 2006 à 68 999 995 $ au lieu de 64 999 997 $.

[7] Voir ci‑dessus.

[8] Le ministre a reconnu que ce montant devrait être réduit de 1 806 008 $ et être 3 432 833 $ : observations écrites de la Couronne, volume 1, page 40.

[9] Le ministre a établi une cotisation en vertu du paragraphe 15(1), mais y a ensuite renoncé.

[10] Loi de 2012 apportant des modifications techniques concernant l'impôt et les taxes, L.C. 2013, ch. 34, art. 398.

[11] Securities Act, R.S.A. 2000, ch. S‑4 (l'« ASA »), et Securities Act, R.S.B.C. 1996, ch. 418 (la « BCSA »).

[12] David Johnston, Kathleen Rockwell et Cristie For, Canadian Securities Regulation, 5e édition (Markham (Ont.), Butterworths Canada Ltd., 2014), p. 169 et 170.

[13] Ibid.

[14] Ibid., p. 113.

[15] Ibid., pages 112 et 113.

[16] Ibid., p. 113; Report of the Committee of the Ontario Securities Commission on the problems of disclosure raised for investors by business combinations and private placements (Toronto, Ontario Securities Commission, 1970).

[17] Voir, par exemple, l'article 9 de l'ASA ou l'article 3.3 de la BCSA.

[18] Paragraphe 110(1) de l'ASA et paragraphe 61(1) de la BCSA.

[19] Instruction générale relative au règlement 45-106.

[20] Réponse à l'appel de la fiducie REÉR, alinéas 17p) à u); réponse à l'appel de M. Grenon, alinéas 21r) à v).

[21] ASA, sous‑al. 1p)(i).

[22] BCSA, par. 1(1).

[23] Loi, par. 39(3) et 84(6).

[24] Article 20, Loi sur les banques, L.R.C. (1985), ch. B‑1.

[25] L.R.O. 1960, ch. 222.

[26] ASA, sous‑al. 1(ii).

[27] En Alberta, l'âge de la majorité est de 18 ans (Age of Majority Act, R.S.A. 2000, ch. A-6), et en Colombie‑Britannique, il est de 19 ans (Age of Majority Act, R.S.B.C. 1996, ch. 7).

[28] Paragraphe 19(1), Infants Act, R.S.B.C. 1996, ch. 223.

[29] (1975), 53 Rev. bar. can. (selon le Canadian Encyclopedic Digest, « Business Corporations », vol. 9(b) (Ontario), p. 401).

[30] Observations de l'appelant au procès, par. 133.

[31] Paragraphe 74.1(2) de la Loi.

[32] Article 120.4 de la Loi.

[33] Observations en réplique de la Compagnie Trust CIBC, par. 25.

[34] Observations de l'appelant au procès, par. 137.

[35] Sauf en Saskatchewan et en Ontario.

[36] Règlement de portée pancanadienne 45‑106, par. 7.1(1).

[37] Partie 6 — Déclarations, art. 6.1.

[38] Canadian Securities Regulation, op.cit., p. 113.

[39] Observations de l'appelant au procès, par. 94.

[40] Observations de l'appelant au procès, par. 97.

[41] Observations de l'appelant au procès, al. 101b).

[42] Appelant, p. 13, par. 25.

[43] Appels de la fiducie REÉR et de M. Grenon, réponses modifiées une seconde fois, alinéas 17s), t) et u), et appel de la fiducie REÉR, nouvelle réponse modifiée une seconde fois, alinéas 21t), u) et v).

[44] Observations de l'appelant au procès, p. 35.

[45] Observations de l'intimée, par. 172.

[46] Observations de la Couronne, paragraphe 87.

[47] Règlement de portée pancanadienne 45‑106, par. 2.3(5).

[48] Qualified Investments and Prohibited Investment Rules Applicable to Self‑Directed Registered Plans, Association canadienne d'études fiscales, Joelle Kabouchi et Laura White, 2017 Ontario Tax Conference, p. 26.

[49] Observations de l'appelant, p. 18.

[50] Ibid.

[51] Ibid., p. 51 et 52.

[52] Ibid., p. 54.

[53] Ibid., p. 53.

[54] Ibid., p. 55.

[55] Observations de l'appelant, p. 2.

[56] Appel de M. Grenon, nouvelle réponse modifiée une seconde fois, par. 61, 62, 73 et 74, et appel de la fiducie REÉR, réponse modifiée une seconde fois, par. 37 et 38.

[57] Observations en réplique de l'appelant, p. 48.

[58] Observations de l'appelant, p. 57 et 58.

[59] Observations en réplique de l'appelant, p. 5.

[60] Paragraphe 16(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148.

[61] Aussi intitulée Succession Outerbridge c. Canada.

[62] Ibid., p. 591.

[63] Observations de la Couronne, p. 85.

[64] Ibid.

[65] Ibid.

[66] Ibid.

[67] Ibid., p. 86.

[68] Avis d'appel, par. 31.

[69] Avis d'appel, par. 29.

[70] Observations écrites de la Couronne, vol. 3 sur 3, par. 43.

[71] Observations écrites de la Couronne, vol. 3 sur 3, par. 46.

[72] Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945.

[73] Observations écrites de l'appelante la Compagnie Trust CIBC, p. 29 à 31.

[74] Ibid., p. 31 à 34.

[75] Ibid., p. 35.

[76] Ibid., p. 35 et 36.

[77] Ibid., p. 36.

[78] Ibid., p. 37.

[79] Ibid., p. 38 et 39.

[80] Ibid., p. 39 à 43.

[81] Ibid., vol. 3 sur 3, p. 12.

[82] Ibid., vol. 3 sur 3, p. 26.

[83] Hypothèques Trustco, par. 19.

[84] Ibid., par. 20.

[85] Ibid., par. 34.

[86] Observations écrites de la Compagnie Trust CIBC, par. 270 à 281.

[87] Par. 39.

[88] Par. 49.

[89] Copthorne Holdings, par. 72.

[90] Canada, Ministère des Finances, « Pour assurer le renouveau économique : Documents budgétaires » (Ottawa, Ministère des Finances, 1985).

[91] Par. 78.

[92] Directive sur la procédure no 8 (modifiée), Utilisation des interrogatoires préalables/engagements, 19 juillet 2001.

[93] Dossier de la Cour no 2014‑3401(IT)G, lettre des appelants concernant les extraits des interrogatoires préalables, 4 mars 2019, onglet 2.

[94] Ibid., par. 16.

[95] Ibid., par. 12.

[96] Ibid., par. 10.

[97] Ibid., par. 19.

[98] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, lettre des appelants concernant les extraits des interrogatoires préalables, 29 mars 2019.

[99] Ibid.

[100] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, lettre de l'intimée concernant les extraits des interrogatoires préalables, 13 mars 2019.

[101] Ibid.

[102] Ibid.

[103] Ibid.

[104] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, lettre des appelants concernant les extraits des interrogatoires préalables, 4 mars 2019, onglet 2.

[105] Envision Credit Union c. La Reine, 2010 TCC 353.

[106] Ibid., par. 34.

[107] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, lettre de l'intimée concernant les extraits des interrogatoires préalables, 13 mars 2019.

[108] Blackmore c. La Reine, 2012 TCC 108, par. 4.

[109] GlaxoSmithKline Inc. c. La Reine, 2008 CCI 324, annexe I.

[110] Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Odynsky¸ [1999] A.C.F. no 1389 (QL) (C.F. 1re inst.).

[111] Morguard Corporation c. La Reine, 2012 CCI 55, annexe 1, par. 8.

[112] Ibid., par. 9.

[113] Blackmore c. La Reine, 2012 TCC 108, par. 10.

[114] Ibid., par. 12.

[115] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, lettre des appelants concernant les extraits des interrogatoires préalables, 4 mars 2019, onglet 2:8.

[116] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, recueil des extraits de la Couronne, 22 février 2019, onglet 13.

[117] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, lettre des appelants concernant les extraits des interrogatoires préalables, 4 mars 2019, onglet 2:10.

[118] Dossier de la Cour n° 2014-3401(IT)G, recueil d'extraits de la Couronne, 22 février 2019, onglet 48.

[119] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, lettre des appelants concernant les extraits des interrogatoires préalables, 4 mars 2019, onglet 2:16.

[120] Dossier de la Cour n° 2014-3401(IT)G, recueil des extraits de la Couronne, 22 février 2019, onglet 61.

[121] Dossier de la Cour no 2014-3401(IT)G, lettre des appelants concernant les extraits des interrogatoires préalables, 4 mars 2019, onglet 2:18.

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