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Dossier : 2017-1882(IT)G

ENTRE :

RICK HANSEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête relative aux dépens présentée par voie d'observations écrites

Devant : L'honorable juge Johanne D'Auray

Comparutions :

Avocates de l'appelant :

Me Susan Tataryn

Me Asha Bradford

Avocate de l'intimée :

Me Élise Rivest

 

ORDONNANCE

VU la requête de l'appelant en vue d'obtenir l'adjudication des dépens;

ET VU les observations écrites de l'appelant relativement aux dépens, les observations écrites de l'intimée relativement aux dépens, les observations présentées par l'appelant en réplique, les observations écrites sur les dépens présentées par l'intimée en réponse, ainsi que les diverses lettres des avocates de l'appelant et de l'intimée;

LA COUR ORDONNE que :

1. l'appelant ait droit à des dépens indemnitaires substantiels majorés correspondant à 85 % pour la période suivant l'offre de règlement du 10 janvier 2018, ainsi qu'à des dépens établis conformément au tarif pour la période précédant le 10 janvier 2018, plus les débours et les taxes applicables;

2. l'appelant ait droit aux dépens de la présente requête.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2021.

« Johanne D'Auray »

La juge D'Auray


Référence : 2021 CCI 39

Date : 20210521

Dossier : 2017-1882(IT)G

ENTRE :

RICK HANSEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

La juge D'Auray

I. Aperçu

[1] La Cour a rendu son jugement le 14 septembre 2020, à l'issue d'un procès de quatre jours qui s'est tenu en juin 2019. Le jugement était plus favorable que l'offre de règlement présentée par l'appelant le 10 janvier 2018.

[2] L'appelant demande maintenant à notre Cour de lui adjuger des dépens majorés à la fois pour les périodes précédant et suivant l'offre de règlement.

[3] Les facteurs généraux qui orientent le pouvoir discrétionnaire de la Cour dans l'adjudication des dépens sont énoncés au paragraphe 147(3) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles »). Lorsque l'appelant fait une offre de règlement, le paragraphe 147(3.1) des Règles, qui prévoit un facteur supplémentaire, s'applique. Ce paragraphe dispose que, sauf directive contraire de la Cour, lorsque l'appelant fait une offre de règlement et qu'il obtient un jugement qui est au moins aussi favorable que l'offre de règlement, l'appelant a droit aux dépens entre parties jusqu'à la date de la signification de l'offre et, après cette date, aux dépens indemnitaires substantiels. Selon le paragraphe 147(3.5) des Règles, les dépens « indemnitaires substantiels » correspondent à 80 % des dépens établis sur une base procureur‑client.

[4] L'appelant invoque les facteurs énoncés au paragraphe 147(3) pour appuyer sa demande visant à obtenir des dépens majorés pour la période précédant l'offre de règlement ainsi que des dépens supérieurs aux dépens indemnitaires substantiels de 80 % pour la période suivant l'offre. Dans ses observations écrites, l'appelant expose trois adjudications des dépens possibles, à savoir :

a) des dépens majorés correspondant à 50 % des honoraires indiqués dans son mémoire de frais, plus la TVH, pour la période précédant le 10 janvier 2018;

b) des dépens majorés correspondant à 90 % des honoraires indiqués dans son mémoire de frais, plus la TVH, pour la période suivant le 10 janvier 2018;

c) la totalité des débours, plus la TVH, pour ces deux périodes.

Subsidiairement :

a) des dépens majorés correspondant à 50 % des honoraires indiqués dans son mémoire de frais, plus la TVH, pour la période précédant le 10 janvier 2018;

b) des dépens indemnitaires substantiels correspondant à 80 % au moins des honoraires indiqués dans son mémoire de frais, plus la TVH, pour la période suivant le 10 janvier 2018;

c) la totalité des débours, plus la TVH, pour ces deux périodes.

Subsidiairement encore :

a) des dépens établis selon le tarif, plus la TVH, pour la période précédant le 10 janvier 2018;

b) des dépens indemnitaires substantiels correspondant à 80 % au moins des honoraires indiqués dans son mémoire de frais, plus la TVH, pour la période suivant le 10 janvier 2018;

c) la totalité des débours, plus la TVH, pour ces deux périodes.

[5] L'intimée ne nie pas que le jugement est plus favorable que l'offre de règlement de l'appelant. L'intimée prétend toutefois que, compte tenu des concessions qu'elle a faites avant l'audition de l'appel, l'appelant devrait recevoir des dépens établis conformément au tarif B pour les instances de la catégorie C, jusqu'à un maximum de 30 % des dépens procureur‑client admissibles de l'appelant, plus les débours raisonnables.

II. Les faits

[6] La question en litige dans le présent appel était de savoir si la vente par l'appelant de cinq maisons donnait lieu à un revenu d'entreprise, à un revenu tiré d'un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial ou à un gain en capital admissible à l'exemption pour résidence principale en application de l'alinéa 40(2)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

[7] Les questions à trancher étaient les suivantes :

a) Le ministre du Revenu national avait‑il le droit d'établir de nouvelles cotisations pour l'appelant après la fin de la période normale de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 2007, 2008 et 2009?

b) L'appelant avait‑il droit, en application de l'alinéa 40(2)b) et de l'article 54 de la Loi, à l'exemption pour résidence principale relativement à la disposition des maisons situées rue Lakeforest et promenade Pebblewoods, de la première maison située rue Meadowshire et des maisons situées rue Cedardown et promenade Kilbirnie (les « maisons ») pour les années d'imposition 2007, 2008, 2009, 2011 et 2012?

c) L'épouse de l'appelant, Mme Tanya Weiland, était‑elle copropriétaire des maisons (chacun en détenant 50 %)?

d) L'appelant a‑t‑il correctement établi le prix de base rajusté (le « PBR ») de chaque maison?

e) L'appelant pouvait‑il déduire les frais de gestion de 6 600 $ versés à son épouse, Mme Weiland, pendant chacune des années d'imposition 2009 et 2011?

f) L'appelant pouvait‑il déduire des frais de publicité de 878 $ pour l'année d'imposition 2009?

g) L'appelant pouvait‑il déduire des frais de représentation de 1 459 $ et de 2 317 $ pour les années d'imposition 2009 et 2011 respectivement?

h) Le ministre a‑t‑il établi à juste titre les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi?

[8] L'offre de règlement faite par l'appelant le 10 janvier 2018 prévoyait ce qui suit :

a. le ministre du Revenu national ne pouvait établir de nouvelles cotisations pour l'appelant après la fin de la période normale de nouvelle cotisation. Par conséquent, l'appelant avait droit à l'exemption pour résidence principale pour les maisons situées rue Lakeforest, promenade Pebblewoods et rue Meadowshire. Quant aux nouvelles cotisations établies durant la période normale de cotisation, l'appelant avait droit à l'exemption pour la maison située rue Cedardown (année d'imposition 2010), mais pas pour celle située promenade Kilbirnie (année d'imposition 2012);

b. le ministre tiendra compte du fait que Mme Tanya Weiland était copropriétaire des maisons, de sorte que l'appelant n'a à payer d'impôt que pour 50 % du revenu provenant de la disposition des maisons;

c. les frais d'achat et de rénovation indiqués par l'intimée sont exacts. En d'autres termes, le prix d'achat de la maison située promenade Kilbirnie était de 379 051,52 $, et non de 400 646 $ comme le prétendait l'appelant. Cette concession augmente de 21 594,48 $ les bénéfices tirés de cette maison;

d. le calcul des dépenses admissibles fait par l'intimée est exact. En d'autres termes, les dépenses admissibles s'élèvent à 33 374,94 $, et non à 55 253 $ comme le prétendait l'appelant. Cela a pour effet d'augmenter d'une somme supplémentaire de 21 878,06 $ les bénéfices réalisés sur la maison Kilbirnie;

e. le produit de la vente comprend 2 493,31 $ au titre des rajustements pour l'impôt foncier et pour les frais de location du chauffe‑eau versés en sus du prix de vente indiqué à l'annexe A de la réponse. Aux fins du règlement, le revenu d'entreprise provenant de la maison située promenade Kilbirnie s'établirait donc à 190 066,85 $;

f. l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») annule les pénalités pour faute lourde imposées à l'appelant;

g. le rejet global par l'ARC des frais de publicité et de représentation engagés pour l'entreprise de coulage de béton de l'appelant est déraisonnable et le modèle utilisé pour déterminer les frais de gestion « raisonnables » est inapplicable (notamment du fait de l'utilisation de données nationales plutôt que locales).

[9] À la suite de l'offre de règlement, l'intimée a écrit à l'avocat de l'appelant pour lui demander des éléments de preuve documentaire pour la première maison située rue Meadowshire. L'appelant a envoyé les documents demandés. L'intimée n'a jamais répondu à l'offre de règlement de l'appelant après avoir reçu ces documents.

[10] Durant l'interrogatoire préalable du représentant de l'intimée tenu le 24 mai 2018, le représentant a déclaré qu'à la lumière des documents qui lui avaient été présentés durant l'interrogatoire préalable, [TRADUCTION] « s'il avait à faire la vérification à nouveau, ce serait 50 % à M. Hansen et 50 % à Tanya ».

[11] En 2019, l'intimée a désigné une nouvelle avocate pour traiter le dossier. Après avoir examiné le dossier, l'avocate a envoyé une offre de règlement le 10 mai 2019, dans laquelle il était indiqué que l'intimée était disposée à reconnaître que l'appelant et son épouse étaient copropriétaires à parts égales des maisons. Dans cette offre, l'intimée était également disposée à reconnaître que les frais de gestion de 6 600 $ que l'appelant avait versés à son épouse durant chacune des années d'imposition 2009 et 2011 étaient des dépenses d'entreprise déductibles du revenu de l'appelant. L'offre est venue à échéance 30 jours avant le début de l'audience.

[12] L'appelant a présenté une contre‑offre le 10 juin 2019. Cette offre était elle aussi plus favorable que le jugement rendu par notre Cour. Le dossier ne précise pas clairement ce qu'il est advenu de cette offre, mais l'intimée a dû la rejeter, puisque la Cour a été saisie de l'appel de l'appelant.

[13] Une semaine avant le début de l'audience, soit le 17 juin 2019, l'intimée a reconnu que l'appelant et son épouse étaient copropriétaires à parts égales des maisons. L'avocate de l'intimée a indiqué qu'elle ferait part de cette concession au début de l'audience, ce qu'elle a fait.

[14] L'appel a été entendu les 24, 25, 26 et 27 juin 2019.

[15] Le 27 juin 2019, les parties ont déposé un consentement partiel à jugement dans lequel l'intimée reconnaissait que l'appelant pouvait déduire de son revenu les frais de gestion, les frais de publicité et les frais de représentation demandés. Le jugement rendu le 14 septembre 2020 tient compte de ce fait.

[16] Lors du procès, faute de temps, on n'a pas discuté du prix de base rajusté de chaque maison. Les parties ont indiqué qu'elles tenteraient de parvenir à une entente sur cette question et qu'elles communiqueraient ensuite les chiffres à la Cour. Cependant, la Cour a reçu une lettre des parties qui l'informaient qu'elles n'arrivaient pas à s'entendre sur le prix de base rajusté de toutes les maisons et qui demandaient qu'une date soit fixée pour la reprise du procès. C'est à ce moment que l'intimée a désigné un nouvel avocat.

[17] La Cour a fixé au 22 septembre 2020 la date de la reprise du procès. Le 2 septembre 2020, les parties ont informé la Cour qu'elles s'étaient entendues sur le prix de base rajusté des maisons.

[18] Le jugement et les motifs du jugement ont été rendus le 14 septembre 2020. L'appel a été accueilli sur le fondement suivant :

a. L'intimée n'a pas fait la preuve que l'appelant avait fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, au sens du sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») n'était donc pas autorisé à établir de nouvelles cotisations pour l'appelant après la période normale de nouvelle cotisation pour les ventes faites durant les années d'imposition 2007, 2008 et 2009 à l'égard des maisons situées rue Lakeforest, promenade Pebblewoods et rue Meadowshire. Par conséquent, l'appelant avait droit à l'exemption pour résidence principale pour ces maisons.

b. L'appelant n'avait pas droit à l'exemption pour résidence principale pour les ventes faites durant les années d'imposition 2011 et 2012 à l'égard des maisons situées rue Cedardown et promenade Kilbirnie. Par conséquent, ces opérations étaient imposables en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi. Le ministre devait toutefois tenir compte du fait que l'appelant était copropriétaire de ces maisons avec Mme Weiland. L'appelant ne devrait donc être imposé que pour 50 % du produit net.

c. Lors du calcul du prix de base rajusté de la maison rue Cedardown, un montant supplémentaire de 8 531 $ était admissible au titre des dépenses.

d. Lors du calcul du prix de base rajusté de la maison promenade Kilbirnie, un montant supplémentaire de 54 387,53 $ était admissible au titre des dépenses.

e. Les pénalités imposées par le ministre pour les années d'imposition 2007, 2008, 2009, 2011 et 2012 ont été supprimées.

[19] L'appelant a donc obtenu un jugement plus favorable que l'offre présentée le 10 janvier 2018, le gain étant de 13 681 $ (réduction de 5 249 $ du revenu provenant des maisons et dépenses admissibles supplémentaires de 8 432 $).

III. La thèse de l'appelant

[20] L'appelant fait valoir que l'offre de règlement qu'il a présentée le 10 janvier 2018 répondait à toutes les exigences des paragraphes 147(3.1) et 147(3.3) des Règles, à savoir le jugement était plus favorable que l'offre, l'offre a été signifiée plus de 30 jours après la clôture de la procédure écrite et au moins 90 jours avant le début de l'audience, l'offre n'a pas été retirée et elle n'a pas expiré. De plus, il existait un rapport entre la teneur de l'offre de règlement et le jugement, de sorte que l'offre répondait aux exigences du paragraphe 147(3.4) des Règles.

[21] Par conséquent, l'appelant prétend que, selon les paragraphes 147(3.1) et 147(3.5) des Règles, il devrait recevoir au moins des dépens indemnitaires substantiels correspondant à 80 % des dépens procureur‑client. L'appelant fait valoir que le paragraphe 147(3.1) s'applique si aucune autre règle ne s'applique. Si les conditions énoncées dans ce paragraphe sont satisfaites, la Cour doit l'appliquer, à moins de circonstances exceptionnelles. L'appelant prétend qu'il n'existe aucune circonstance exceptionnelle empêchant l'application de cette disposition.

[22] L'appelant soutient également que, selon les facteurs énoncés au paragraphe 147(3) des Règles, il devrait obtenir des dépens supérieurs à ceux prévus au tarif pour la période précédant l'offre du 10 janvier 2018, ainsi que des dépens supérieurs aux dépens indemnitaires substantiels habituels de 80 % pour la période suivant cette date, à savoir des dépens correspondant à 90 % des dépens procureur‑client.

IV. La thèse de l'intimée

[23] L'intimée ne conteste pas le fait que l'offre de règlement de l'appelant satisfait aux critères énoncés aux paragraphes 147(3.1) et (3.3) des Règles. Elle prétend toutefois que les circonstances précises du présent appel justifient que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire pour adjuger des dépens inférieurs aux dépens indemnitaires substantiels de 80 % prévus au paragraphe 147(3.5) des Règles.

[24] L'intimée rappelle qu'elle a reconnu que l'appelant et son épouse étaient copropriétaires des maisons avant le procès et qu'elle a informé l'appelant de cette concession le 17 juin 2019.

[25] L'intimée mentionne également le consentement à jugement déposé le 27 juin 2019, dans lequel l'intimée a fait droit à la demande de l'appelant concernant la déduction des frais de gestion, de publicité et de représentation.

[26] L'intimée note par ailleurs qu'elle et l'appelant se sont entendus sur le prix de base rajusté des maisons et qu'ils ont pu ainsi éviter la reprise du procès le 22 septembre 2020.

[27] L'intimée fait valoir que les sommes convenues par les parties et concédées par l'intimée avant le jugement ont eu une grande incidence sur l'issue. Cela justifie, à son avis, que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire et adjuge des dépens inférieurs aux dépens indemnitaires substantiels de 80 % prévus au paragraphe 147(3.5) des Règles. L'intimée affirme que le but du paragraphe 147(3.1) des Règles est d'encourager les parties à parvenir à un règlement avant le procès, et qu'il faudrait tenir compte non seulement de l'offre de règlement initiale du 10 janvier 2018, mais également des nombreuses discussions qui ont eu lieu entre les parties en vue de régler les questions en litige.

[28] L'intimée est donc d'avis que l'appelant devrait se voir adjuger des dépens établis selon le tarif B pour les instances de la catégorie C, jusqu'à un maximum de 30 % des dépens procureur‑client admissibles de l'appelant, plus les débours raisonnables.

V. Le droit

[29] L'article 147 des Règles s'applique à la présente requête. Les passages pertinents de l'article 147 des Règles sont rédigés ainsi :

147(1) La Cour peut fixer les frais et dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les supporter.

[...]

(3) En exerçant sa discrétion conformément au paragraphe (1), la Cour peut tenir compte :

a) du résultat de l'instance;

b) des sommes en cause;

c) de l'importance des questions en litige;

d) de toute offre de règlement présentée par écrit;

e) de la charge de travail;

f) de la complexité des questions en litige;

g) de la conduite d'une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de l'instance;

h) de la dénégation d'un fait par une partie ou de sa négligence ou de son refus de l'admettre, lorsque ce fait aurait dû être admis;

i) de la question de savoir si une étape de l'instance,

(i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

(ii) a été accomplie de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

[...]

j) de toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens.

147(3.1) Sauf directive contraire de la Cour, lorsque l'appelant fait une offre de règlement et qu'il obtient un jugement qui est au moins aussi favorable que l'offre de règlement, l'appelant a droit aux dépens entre parties jusqu'à la date de la signification de l'offre et, après cette date, aux dépens indemnitaires substantiels que fixe la Cour, plus les débours raisonnables et les taxes applicables.

147(3.2) Sauf directive contraire de la Cour, lorsque l'intimée fait une offre de règlement et que l'appelant obtient un jugement qui n'est pas plus favorable que l'offre de règlement, ou que l'appel est rejeté, l'intimée a droit aux dépens entre parties jusqu'à la date de la signification de l'offre et, après cette date, aux dépens indemnitaires substantiels que fixe la Cour, plus les débours raisonnables et les taxes applicables.

147(3.3) Les paragraphes (3.1) et (3.2) ne s'appliquent que si l'offre de règlement :

a) est faite par écrit;

b) est signifiée au moins trente jours après la clôture de la procédure écrite et au moins quatre‑vingt‑dix jours avant le début de l'audience;

c) n'est pas retirée;

d) n'expire pas moins de trente jours avant le début de l'audience.

147(3.4) Il incombe à la partie qui invoque le paragraphe (3.1) ou (3.2) de prouver :

a) qu'il existe un rapport entre la teneur de l'offre de règlement et le jugement;

b) que le jugement est au moins aussi favorable que l'offre de règlement ou qu'il n'est pas plus favorable que l'offre de règlement, selon le cas.

147(3.5) Pour l'application du présent article, les dépens « indemnitaires substantiels » correspondent à 80 % des dépens établis sur une base procureur‑client.

VI. Analyse

[30] Il est bien établi que la Cour dispose d'un vaste pouvoir discrétionnaire lors de l'adjudication de dépens. Cela dit, la Cour ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire illimité. Comme l'a déclaré le juge Nadon de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt R. c. Landry [1] , le pouvoir discrétionnaire de la Cour doit s'exercer selon les principes établis. Il doit être exercé d'une manière prudente et non arbitraire.

[31] L'intimée reconnaît que le jugement était plus favorable que l'offre de règlement présentée par l'appelant. Elle fait toutefois valoir que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de passer outre au paragraphe 147(3.1) des Règles.

[32] Je conviens que la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas appliquer le paragraphe 147(3.1) des Règles. Les premiers mots de ce paragraphe le montrent clairement : « Sauf directive contraire de la Cour [...] ». Cependant, lorsque j'examine le libellé du reste de ce paragraphe, je suis d'avis qu'il doit exister des circonstances exceptionnelles ou extraordinaires pour que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire. La version française de la disposition parle d'un droit : « l'appelant a droit [...] aux dépens indemnitaires substantiels ». La version anglaise du paragraphe 147(3.1) utilise le terme « entitled » : « the appellant is entitled to . . . substantial indemnity costs ».

[33] La décision rendue par mon collègue le juge Owen dans Sun Life du Canada, compagnie d'assurance‑vie c. La Reine [2] , corrobore mon interprétation du paragraphe 147(3.1). Au paragraphe 19 de sa décision, il a déclaré ce qui suit :

[19] L'intimée affirme également que sa conduite a été irréprochable, que sa position se justifiait dans une mesure raisonnable et qu'il n'y avait pas de circonstances inhabituelles qui justifieraient de la condamner à des dépens majorés. Bien que je ne conteste pas ces prétentions, le but du paragraphe 147(3.1) des Règles est de conférer un droit par défaut à des dépens indemnitaires substantiels en rapport avec les offres de règlements conformes aux exigences applicables. Aucun des facteurs évoqués par l'intimée ne m'incite à penser que la règle supplétive ne devrait pas s'appliquer. Conclure autrement diluerait sensiblement, sans justification, le « droit » par ailleurs créé par le libellé clair de la règle — un droit qui s'accorde avec l'objet de la règle et le contexte dans lequel il figure. Si cela se trouve, il faudrait qu'il y ait des circonstances inhabituelles (c'est‑à‑dire, exceptionnelles ou extraordinaires) qui m'amènent à conclure que je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire de passer outre à la règle supplétive sur le fondement d'une analyse selon les principes établis. Comme l'avocat de l'intimée l'a affirmé dans ses observations écrites, il n'y a pas de circonstances inhabituelles en l'espèce. Par conséquent, la règle supplétive du paragraphe 147(3.1) devrait s'appliquer en conformité avec ses dispositions.

[34] Dans la présente requête, l'intimée affirme que la Cour devrait tenir compte des concessions qu'elle a faites sur certaines questions en litige durant la semaine précédant le procès ainsi que des efforts faits par les avocats en vue de régler certaines questions, notamment le prix de base rajusté de chaque maison.

[35] Je ne suis pas d'accord avec l'intimée.

[36] Dans l'appel interjeté par l'appelant, les questions qui avaient une incidence appréciable sur les sommes en cause étaient celles de savoir si le ministre était autorisé à établir une nouvelle cotisation après le délai prescrit et si l'appelant et son épouse, Mme Weiland, étaient copropriétaires à parts égales des maisons.

[37] Il aurait été relativement facile pour l'intimée de déterminer tôt durant la procédure si l'appelant et Mme Weiland étaient copropriétaires des maisons. Et il ne fait aucun doute que l'intimée le savait lors de l'interrogatoire préalable tenu le 24 mai 2018. Le représentant de l'intimée a reconnu, lors de l'interrogatoire préalable, que l'appelant et Mme Weiland détenaient chacun 50 % des maisons. Pourtant, ce n'est que le 17 juin 2019, à savoir une semaine avant le début du procès, que l'intimée a reconnu que l'appelant et Mme Weiland étaient copropriétaires.

[38] Je suis également d'accord avec l'affirmation de l'appelant selon laquelle, si je tiens compte des concessions faites par l'intimée la semaine précédant le procès, je devrais également tenir compte de l'offre de règlement de l'appelant faite le 10 juin 2019. Cette offre était plus avantageuse pour l'intimée que celle présentée le 10 janvier 2018.

[39] Je ne dis pas que les concessions faites par une partie immédiatement avant un procès ne devraient jamais être prises en compte pour déterminer le montant des dépens indemnitaires substantiels. Cela dépend des circonstances propres à chaque affaire.

[40] En l'espèce, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi il a fallu plus d'un an pour que l'intimée reconnaisse que l'appelant était copropriétaire des maisons à parts égales avec son épouse. Qui plus est, cette concession n'a été faite qu'une semaine avant la date du procès. Quant aux autres concessions faites par l'intimée, elles n'ont eu qu'une incidence minimale sur les sommes en litige et, par surcroît, elles n'ont été faites qu'après le début du procès.

[41] Vu les circonstances, je suis d'avis que l'intimée n'a pu établir l'existence de circonstances exceptionnelles ou extraordinaires qui justifieraient que l'on fasse abstraction du paragraphe 147(3.1) des Règles. Par conséquent, l'appelant a droit aux dépens indemnitaires substantiels, qui, selon la définition présentée au paragraphe 147(3.5) des Règles, correspondent à 80 % des dépens procureur‑client.

[42] L'appelant affirme toutefois que les dépens indemnitaires substantiels devraient être augmentés à 90 % et que les dépens pour les frais versés avant le 10 janvier 2018 devraient correspondre à 50 % des honoraires indiqués au mémoire de frais (sur la base procureur‑client).

[43] Il est bien établi que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de majorer les dépens indemnitaires substantiels accordés. La Cour doit toutefois exercer ce pouvoir discrétionnaire avec prudence. Dans Repsol Canada Ltd. c. La Reine [3] , le juge Miller explique, au paragraphe 10 de ses motifs, pourquoi il doit en être ainsi :

[...] L'adjudication de dépens dépassant 80 % s'approche des dépens avocat‑client et il nous faut à mon avis agir avec prudence. Les facteurs qui sous‑entendent des actes douteux de la part des parties acquièrent à mon avis une importance accrue : actes qui prolongent la durée, refus d'admettre, actes inappropriés, vexatoires ou inutiles — tous ces actes sont à prendre en compte. J'irais jusqu'à affirmer que c'est le caractère flagrant des actes qui m'inciterait à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour accorder des dépens au-delà des dépens indemnitaires substantiels. En l'espèce, je ne décèle pas d'acte qui justifierait une adjudication de dépens se rapprochant d'une indemnisation totale. Les appelantes se fondent sur l'observation que le juge Bocock a formulée dans l'affaire Thomas O'Dwyer c. La Reine, où il a adjugé des dépens équivalents à 90 % des dépens avocat‑client, après avoir conclu que l'État avait [TRADUCTION] « constamment évalué de façon étroite, superficielle et hâtive le bien‑fondé de la cotisation (ce qu'en définitive reflète la réponse) ». Je remarque que cette adjudication portait sur une requête dans laquelle la Cour a radié l'ensemble de la réponse compte tenu du fait qu'elle ne faisait pas valoir de motifs raisonnables. Telle n'est pas la situation dont je suis saisi. Les parties se sont battues avec acharnement, et l'intimée ne me semble pas s'être inutilement acharnée indûment ou délibérément. [...]

[44] L'appelant invoque les facteurs énoncés au paragraphe 147(3) des Règles pour faire valoir qu'il devrait avoir droit à 90 % de ses dépens établis sur une base procureur‑client.

[45] L'appelant affirme avoir eu largement gain de cause. La somme en litige était importante, s'établissant à environ 1 000 000 $ avant les concessions faites par l'intimée. Comme il s'agit d'une affaire fondée sur les faits, les avocats de l'appelant ont dû faire beaucoup de travail pour préparer les témoins et veiller à ce que la documentation sur les cinq maisons soit en règle pour le procès. L'appelant a également souligné l'importance de l'appel, en mentionnant le fait qu'un grand nombre de publications ont fait part du jugement.

[46] Plus important encore, l'appelant a mentionné que l'intimée n'a jamais répondu à son offre de règlement du 10 janvier 2018. La troisième avocate assignée à l'appel par l'intimée, qui n'a traité que de la question des dépens, a reconnu que l'intimée n'a jamais répondu à cette offre de règlement.

[47] L'appelant a aussi fait valoir que le premier avocat de l'intimée avait refusé de reconnaître que l'appelant et son épouse étaient copropriétaires à parts égales des maisons et a maintenu son refus, même après que le représentant de l'intimée eut reconnu ce fait lors de l'interrogatoire préalable. L'appelant a indiqué que ce n'est qu'une semaine avant le début du procès, et plus d'un an après l'interrogatoire préalable, que l'intimée a admis, par l'intermédiaire de sa deuxième avocate, la copropriété des maisons.

[48] Eu égard aux circonstances décrites aux paragraphes 46 et 47, je suis d'avis qu'il est justifié d'augmenter les dépens indemnitaires substantiels à 85 %.

[49] Quant aux dépens antérieurs à l'offre de règlement, l'appelant ne m'a pas convaincu qu'il a droit à des dépens majorés.

[50] L'intimée a soulevé des questions concernant le nombre d'heures facturées par les différents avocats de l'appelant qui ont travaillé à l'appel. Les avocats sont des fonctionnaires judiciaires. Je suis d'avis que la Cour ne doit pas intervenir, à moins qu'il ne soit évident qu'on a exagéré les heures consacrées à une affaire. Comme l'a déclaré le juge Owen dans Sun Life du Canada, compagnie d'assurance‑vie c. La Reine [4] :

[23] Il incombe à la Cour d'évaluer si les coûts réclamés ont été raisonnablement engagés, et chaque cas doit être apprécié en fonction des faits qui lui sont propres. Toutefois, il convient de noter deux points. Premièrement, une évaluation du temps consacré à un appel devrait être faite en fonction des circonstances qui prévalaient à l'époque pertinente. Il n'appartient pas à la Cour de profiter du recul pour remettre en question le jugement des avocats quant au temps consacré à un appel. [...]

[51] En résumé, l'appelant a droit à des dépens indemnitaires substantiels majorés correspondant à 85 % pour la période suivant l'offre de règlement du 10 janvier 2018, ainsi qu'aux dépens établis conformément au tarif pour la période précédant le 10 janvier 2018, plus les débours et les taxes applicables.

[52] L'appelant a droit aux dépens de la présente requête.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2021.

« Johanne D'Auray »

La juge D'Auray

 


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 39

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-1882(IT)G

INTITULÉ :

RICK HANSEN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Requête relative aux dépens présentée par voie d'observations écrites

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

L'honorable juge Johanne D'Auray

DATE DE L'ORDONNANCE :

Le 21 mai 2021

COMPARUTIONS :

Avocates de l'appelant :

Me Susan Tataryn

Me Asha Bradford

Avocate de l'intimée :

Me Élise Rivest

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Me Susan Tataryn et Me Asha Bradford

Cabinet :

Tataryn Law

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] R. c. Landry, 2010 CAF 135.

[2] Sun Life du Canada, compagnie d'assurance‑vie c. La Reine, 2015 CCI 171.

[3] Repsol Canada Ltd. c. La Reine, 2015 CCI 154.

[4] Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie, précité, note 2.

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