Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2018-1216(GST)G

ENTRE :

DAVILLE TRANSPORT INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 3 et 4 novembre 2020, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge B. Russell


Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Osborne G. Barnwell

Avocat de l'intimée :

Me Sébastien Budd

 

JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie le 15 février 2017 en application de la Loi sur la taxe d'accise (Canada) par le ministre du Revenu national (le ministre) en ce qui concerne les demandes de l'appelante pour les périodes de déclaration mensuelles de TVH s'étalant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016 est accueilli, et les dépens sont fixés à 4 000 $. Cette cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte de ce qui suit :

1. la TVH établie pour les remboursements de 76 cents le mille pour les fournitures de carburant diésel doit être réduite de 69 %;

2. la TVH établie pour les remboursements de 8 cents le mille pour les fournitures concernant l'entretien du véhicule doit être réduite de 95 %;

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 29e jour de juillet 2021.

« B. Russell »

Le juge Russell


Référence : 2021 CCI 47

Date : 20210729

Dossier : 2018-1216(GST)G

ENTRE :

DAVILLE TRANSPORT INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

I. Introduction

[1] À toutes les époques pertinentes, l'appelante Daville Transport Inc. (DTI), établie à Brampton (Ontario), exploitait une entreprise de camionnage et de logistique aux États-Unis et au Canada. DTI interjette appel de la cotisation établie le 15 février 2017 en application de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), qui fixait à 118 301 $ la taxe de vente harmonisée (TVH) pour les périodes de déclaration mensuelles allant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016.

[2] Selon l'intimée, le ministre du Revenu national (le ministre) a établi cette cotisation en tenant compte du fait que DTI fournissait du carburant diésel à ses camionneurs contractuels et fournissait également l'entretien des tracteurs ou remorques de DTI qu'ils utilisaient. Le taux de la TVH imposée pour ces deux types de fourniture était de 13 % [1] .

II. Les questions en litige

[3] Les questions soulevées dans le présent appel sont les suivantes :

a) les fournitures qu'on dit taxables étaient‑elles détaxées?

b) DTI a‑t‑elle reçu des fournitures taxables de carburant diésel?

c) DTI a‑t‑elle effectué à ses camionneurs contractuels des fournitures taxables d'accès au système de paiement « T‑Chek » servant au ravitaillement en carburant diésel?

d) DTI a‑t‑elle effectué des fournitures taxables de carburant diésel à ses camionneurs contractuels et, le cas échéant, ces fournitures ont‑elles été effectuées au Canada?

e) DTI a‑t‑elle effectué des fournitures taxables d'entretien de véhicule à ses camionneurs contractuels et, le cas échéant, ces fournitures ont‑elles été effectuées au Canada?

III. La preuve

[4] Il y a eu deux témoins, soit R. Dickson, chargé de la sécurité et de la conformité chez DTI, et l'agent des appels E. Wang de l'Agence du revenu du Canada (ARC). Le témoignage pertinent de M. Dickson se résume ainsi. DTI a transporté pour ses clients des marchandises dans toute l'Amérique du Nord au cours de la période pertinente de deux années et demie, sur ses propres réseaux ou sur d'autres réseaux. DTI possédait plusieurs tracteurs et remorques et avait une dizaine de conducteurs contractuels de tracteur‑remorque ayant de l'expérience dans le transport de fret à bord d'un véhicule de DTI. Les camionneurs contractuels de DTI sortaient d'une période économiquement difficile (de 2008 à 2012) pour le camionnage, ce qui a causé des revers financiers personnels dans bien des cas, jusqu'à la perte de leur propre tracteur ou remorque, mais ils ont tout de même conservé quelques clients.

[5] DTI a conclu une [TRADUCTION] « convention d'entrepreneur indépendant » avec ses camionneurs contractuels. Selon cette convention, les parties étaient [TRADUCTION] « des entreprises commerciales indépendantes et égales entre elles ». De plus, [TRADUCTION] « les parties ne sont ni des employés, ni des mandataires, ni des coentrepreneurs, ni des associés l'un de l'autre, à quelque fin que ce soit ». En outre, les camionneurs contractuels devaient [TRADUCTION] « assumer les coûts et les dépenses de leurs activités commerciales, notamment [...] le carburant [...] les réparations [...] et l'entretien » [2] .

[6] Pour chaque transport de marchandises, DTI et le camionneur contractuel concluaient une entente qui fixait les « frais de transport » que DTI devait verser au camionneur après le transport. Si le fret transporté était celui de DTI, DTI renonçait aux frais de location du tracteur‑remorque au camionneur, et cela, même si une partie du fret transporté appartenait à un client du camionneur. DTI ne facturait la location du véhicule que si on ne transportait aucun fret de DTI, ce qui, à une exception près, n'est jamais arrivé.

[7] De plus, DTI et les camionneurs contractuels ont convenu que le camionneur contractuel rembourserait à DTI le carburant diésel au taux de 76 cents le mille parcouru et l'entretien au taux de 8 cents le mille parcouru. Ces remboursements sont déduits des frais de transport que DTI doit payer au camionneur contractuel.

[8] Les registres de DTI indiquaient à tort les remboursements pour le carburant diésel et l'entretien du véhicule comme étant des paiements pour la location des tracteurs‑remorques de DTI. Ce problème a été résolu avec l'ARC lors de l'opposition.

[9] Par ailleurs, DTI offrait à chaque camionneur contractuel (aucun n'ayant refusé) l'utilisation d'une carte T‑Chek, dont l'utilisation est courante dans l'industrie du camionnage, surtout pour le paiement du carburant lors du transport. DTI déposait de temps à autre des sommes importantes dans son compte T‑Chek. Les sommes déposées dans ce compte étaient accessibles à ceux à qui DTI avait remis une carte T‑Chek. DTI n'autorisait pas l'utilisation de ces cartes pour les trajets lors desquels les marchandises de DTI n'étaient pas transportées.

[10] Les cartes T‑Chek de DTI étaient acceptées au Canada aux postes d'essence de Shell Canada et aux États‑Unis aux postes d'essence Flying J, Petro et Travel Center of America, notamment.

[11] DTI fournissait ces cartes T‑Chek pour assurer un transport continu de son fret, pour éviter les retards lors d'un trajet si les camionneurs contractuels avaient de la difficulté à payer eux‑mêmes le carburant [3] . On savait quel camionneur avait quelle carte T‑Chek.

[12] Les paiements effectués par carte T‑Chek pour le ravitaillement en carburant diésel au Canada comprenaient bien sûr la TVH ou la TPS. Dans son témoignage, M. Dickson a déclaré que, lors de la période pertinente, environ 69 % de tous les paiements par carte T‑Chek pour du carburant étaient effectués aux États‑Unis, le reste étant des achats de carburant diésel au Canada [4] .

[13] DTI n'a pas inclus dans les remboursements les frais administratifs de 1,50 $ par opération facturés par le service T‑Chek établi aux États‑Unis. DTI a assumé ces coûts. DTI n'a pas non plus fait de majoration pour établir le montant des remboursements.

[14] DTI a demandé des crédits de taxe sur les intrants (CTI) pour la TPS/TVH qui avait été payée par carte T‑Chek. Dans son témoignage, M. Dickson a déclaré que lors d'une réunion, l'ARC avait conseillé à DTI de laisser aux camionneurs contractuels le soin de déduire les CTI disponibles, et DTI pourrait déduire les CTI que les camionneurs ne déduisaient pas, par exemple parce qu'ils ne sont pas inscrits en application de la Loi. Mme Wang de l'ARC n'a pas contesté cette déclaration lorsqu'elle a témoigné. Il n'y avait apparemment qu'un seul camionneur contractuel qui était un inscrit en application de la Loi et il n'a pas demandé les CTI disponibles et, par conséquent, DTI les a déduits.

[15] Dans son témoignage, Mme Wang a déclaré qu'elle était l'agent des appels affecté à l'avis d'opposition de DTI dans la présente affaire. Elle a dit avoir écouté le témoignage de M. Dickson et n'y avoir rien appris de nouveau [5] . Dans son témoignage, Mme Wang a renvoyé à l'avis de ratification [6] du 12 janvier 2018, selon lequel les remboursements que DTI exigeait des camionneurs contractuels pour le carburant et l'entretien étaient des fournitures distinctes de DTI aux camionneurs. Mme Wang a déclaré que le ministre avait conclu que DTI achetait le carburant diésel et fournissait ensuite ce carburant aux camionneurs pour une contrepartie égale aux remboursements que les camionneurs versaient à DTI [7] .

[16] DTI affirme avoir « démoli » les quatre hypothèses suivantes dans la réponse du ministre [8] :

[DTI] a demandé des CTI pour le carburant que les contractuels payaient à l'aide des cartes (al. 14(j));

[DTI] a fourni du carburant et des tracteurs‑remorques à ses contractuels au Canada (al. 14(l));

le carburant et les tracteurs-remorques fournis aux contractuels sont assujettis à la TVH au taux de 13 % (al. 14(m));

la fourniture de carburant et de tracteurs‑remorques [par DTI] à ses contractuels s'élève à 910 003,54 $ (par. 14(n)).

[17] L'avocat de DTI affirme que, selon la première de ces hypothèses, l'appelante a demandé des CTI pour tous les achats de carburant effectués par carte T‑Chek, et non seulement pour les achats effectués au Canada. Je ne crois pas que l'intimée voulait que sa réponse soit interprétée de la sorte. Il va de soi que les CTI ne peuvent être demandés que si la TPS ou la TVH est exigible, ce qui n'est possible qu'en sol canadien, car la TPS ou TVH canadienne ne s'applique pas aux États‑Unis.

[18] DTI s'oppose aux trois autres hypothèses précitées du ministre pour le motif que chacune d'elles suppose que DTI a fourni du carburant à ses camionneurs contractuels. La question de savoir si DTI a fourni du carburant à ses camionneurs contractuels ou non est une question de droit ou une question mixte de fait et de droit que j'examinerai ci‑dessous. Aucune des trois hypothèses du ministre n'est qu'une hypothèse de fait, comme il se doit. Quoi qu'il en soit, le témoignage de M. Dickson a établi assez de faits pertinents non contestés pour le présent appel. Les parties ne contestent peu ou pas les faits, mais sont fortement en désaccord quant aux conclusions de droit.

IV. Les thèses des parties

[19] DTI affirme que les biens et les services fournis pour ses activités en utilisant les réseaux d'autres entreprises, dont le carburant diésel et l'entretien des véhicules, sont détaxés. DTI affirme également qu'elle n'a pas reçu de carburant diésel et qu'il lui était par conséquent impossible d'en fournir à ses camionneurs contractuels. DTI allègue que la loi n'envisage pas de fourniture au moyen de l'utilisation d'une carte de crédit ou d'un moyen semblable pour acquérir du carburant et qu'aucun élément de preuve n'établit que DTI n'ait pris de mesure préalable pour obtenir du carburant [9] .

[20] DTI fait également valoir qu'elle a fourni les cartes T‑Chek pour son propre compte et non pour fournir un service [10] . En outre, DTI affirme que la cotisation portée en appel applique à tort la TVH aux remboursements à l'égard du carburant diésel et de l'entretien fournis aux États‑Unis [11] .

[21] Selon l'intimée, les fournisseurs de carburant ont fourni à DTI le carburant diésel et DTI l'a fourni à son tour aux camionneurs contractuels. Selon l'intimée, ces fournitures de carburant diésel par DTI ont toutes eu lieu au Canada parce que c'est au Canada qu'on a remis les factures et calculé les remboursements selon les milles parcourus à la fin d'un trajet [12] . L'intimée affirme que les fournitures de carburant diésel et d'entretien en cause sont des intrants pour les activités de DTI qui utilisent les réseaux d'autres entreprises et qu'elles ne sont pas détaxées [13] .

[22] De plus, l'intimée affirme que DTI a également fourni un service à ses camionneurs contractuels, soit l'utilisation du système de paiement T‑Chek qui simplifie le ravitaillement en carburant en route.

V. Analyse

Les fournitures en cause sont‑elles détaxées?

[23] DTI fait valoir que les fournitures qu'elle avait effectuées sont détaxées plutôt qu'être assujetties à la TVH au taux de 13 %. L'annexe VI de la Loi porte sur les « fournitures détaxées ». La partie VII de l'annexe, intitulée « Services de transport », donne une liste de services de transport qui sont détaxés.

[24] Plus précisément, l'article 11 de la partie VII — la seule disposition de la partie VII que les parties ont invoquée comme pouvant établir que les fournitures en cause sont détaxées — dispose que la fourniture d'un « service de transport de marchandises » effectuée par le transporteur au profit d'un autre transporteur, si le service fait partie d'un service continu de transport, est détaxée. Le terme « service de transport de marchandises » est défini au paragraphe 1(1) de la partie VII. En voici les passages pertinents :

Service de transport d'un bien meuble corporel, y compris

[...]

b) tout autre bien ou service fourni à l'acquéreur du service de transport en question par la personne qui fournit celui-ci, dans le cas où le bien ou le service fait partie du service de transport en question, ou y est accessoire, indépendamment du fait que des frais distincts soient exigés pour ce bien ou service

[...]

[25] Il semble, en l'espèce, que chaque camionneur contractuel a fourni à DTI un « service de transport d'un bien meuble corporel », soit un service de transport de marchandises. Ce service de transport de marchandises inclut‑il les fournitures de carburant diésel et d'entretien de véhicule que DTI aurait effectuées à chaque camionneur contractuel, ce qui est le fondement des remboursements versés par les camionneurs à DTI? De façon générale, il serait possible de dire que la fourniture de carburant diésel et d'entretien de véhicule fait partie du « service de transport d'un bien meuble corporel » ou y est accessoire.

[26] Cependant, selon la définition du terme « service de transport de marchandises », la fourniture qui « fait partie du service de transport en question, ou qui y est accessoire », doit être effectuée et reçue par les personnes qui ont fourni le « service de transport [...] d'un bien meuble corporel ». Or, ce n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'on affirme que c'est DTI qui a effectué les fournitures aux camionneurs contractuels. C'est l'inverse de la fourniture d'un « service de transport d'un bien meuble corporel » à DTI par les camionneurs contractuels pour laquelle DTI a payé des « frais de transport » aux camionneurs contractuels.

[27] Puisque les personnes qui ont effectué ou reçu la fourniture du « service de transport d'un bien meuble corporel » et les services qui en feraient partie ou y seraient accessoires ne sont pas les mêmes, on ne peut dire que les fournitures en question ne sont pas des services de transport de marchandises. Par conséquent, les fournitures en cause ne sont pas détaxées.

DTI a-t-elle reçu des fournitures taxables de carburant diésel?

[28] DTI fait valoir avec force qu'elle n'était pas acquéreur de fournitures de carburant diésel et que, par conséquent, elle n'a pas pu fournir à son tour ce carburant aux camionneurs contractuels, comme le suppose la cotisation en cause.

[29] Comme le prévoit le paragraphe 165(1) de la Loi, « l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer [...] une taxe calculée au taux de 5 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture ». Selon les paragraphes 221(1) et 228(2), le fournisseur doit percevoir la taxe payable par l'acquéreur et est tenu de la verser.

[30] Sont également pertinentes les définitions suivantes tirées du paragraphe 123(1) :

« fourniture » Sous réserve des articles 133 [convention portant sur une fourniture] et 134 [transfert à titre de garantie], livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

« fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale.

« bien » À l'exclusion d'argent, tous biens — meubles et immeubles — tant corporels qu'incorporels, y compris un droit quelconque, une action ou une part.

« service » Tout ce qui n'est ni un bien, ni de l'argent, ni fourni à un employeur par une personne qui est un salarié de l'employeur, ou a accepté de l'être, relativement à sa charge ou à son emploi.

« acquéreur » a) Personne qui est tenue, aux termes d'une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture. [...]

« contrepartie » Est assimilé à une contrepartie tout montant qui, par effet de la loi, est payable pour une fourniture.

[31] Les camionneurs contractuels se sont servis des cartes T‑Chek de DTI pour que celle‑ci puisse plus facilement acheter le carburant. Le terme « fourniture » signifie « livraison de biens [...] notamment par vente ». Le carburant diésel est un bien meuble corporel. Ce carburant était vendu par des fournisseurs en carburant.

[32] Par conséquent, chaque ravitaillement en carburant était une « livraison de biens », c'est‑à‑dire une fourniture de carburant effectuée par un fournisseur donné. De plus, ces fournitures sont des « fournitures taxables », car elles sont effectuées dans le cadre des activités commerciales des fournisseurs en carburant.

[33] Comme il a déjà été mentionné, l'« acquéreur » d'une fourniture est la personne qui est tenue de payer la contrepartie de la fourniture lorsqu'il faut effectivement payer une contrepartie, comme en l'espèce. Le mode de paiement accepté par les fournisseurs en carburant pour l'achat de carburant diésel était la carte T‑Chek qu'on lisait et que DTI devait payer.

[34] Lorsqu'on lisait la carte, les pompes des fournisseurs s'ouvraient et on pouvait obtenir le carburant. À ce moment, DTI est l'« acquéreur » de la fourniture taxable de carburant par le fournisseur, car DTI devient alors la personne tenue de payer la contrepartie.

[35] DTI utilisait le système de paiement par carte T-Chek pour que ce soit elle, et non les camionneurs contractuels, qui achète le carburant nécessaire en route. Comme il a été mentionné, DTI a souhaité qu'il en soit ainsi pour éviter le risque de retard durant un trajet en raison de l'incapacité de payer d'un camionneur. DTI a cherché à être la personne qui serait tenue de payer le carburant fourni par les fournisseurs, et ceux‑ci ont accepté qu'il en soit ainsi.

[36] En outre, il faut reconnaître que, ce faisant, DTI agissait de son propre chef et non à titre de mandataire de ses camionneurs contractuels. DTI et chaque camionneur contractuel avaient convenu de se considérer comme des entreprises indépendantes et non pas comme un mandataire de l'autre. Aucune partie n'a prétendu que, malgré la disposition contractuelle, DTI avait acquis le carburant à titre de mandataire.

[37] L'intimée affirme que DTI était l'acquéreur des fournitures taxables de carburant diésel effectuées par les fournisseurs de carburant pour une autre raison, à savoir que DTI demandait des CTI pour la TPS/TVH qu'elle avait payée lors des achats au Canada de carburant au moyen de son compte T‑Chek.

[38] L'intimée s'appuie sur l'arrêt Vanex Truck Service Ltd. c. Canada, 2001 CAF 159, [2001] 4 R.C.F F‑4. Dans l'arrêt Vanex, les camionneurs contractuels de l'appelante se servaient de cartes de crédit de l'entreprise de transport Vanex pour payer le carburant lors du transport de marchandises. Les conducteurs avaient l'obligation contractuelle de rembourser Vanex à la fin des trajets. Vanex a demandé des CTI pour la TPS/TVH qu'elle avait payée en raison de l'utilisation de ses cartes de crédit par les conducteurs contractuels qui achetaient du carburant d'un fournisseur établi au Canada. Le juge Malone de la Cour d'appel fédérale a affirmé, au paragraphe 20 :

[...] En outre, en réclamant le crédit de taxe sur les intrants (CTI) pour le carburant et l'huile qu'elle achetait, l'appelante reconnaissait qu'elle achetait ces biens, non pas en tant que mandataire, mais en son propre nom, et qu'elle les redistribuait aux [conducteurs] qu'elle facturait. Par conséquent, selon mon analyse, elle était tenue de percevoir la TPS sur cette nouvelle fourniture.

[39] Cependant, je ne m'appuie pas particulièrement sur cette observation relative aux CTI compte tenu du témoignage de M. Dickson, selon lequel l'ARC avait conseillé à DTI de demander les CTI dans le cas où les conducteurs ne les demandaient pas.

[40] En tenant compte de tout ce qui précède, je conclus que la Loi et le droit des contrats établissent bien que DTI était l'acquéreur des fournitures de carburant diésel effectuées par les fournisseurs de carburant au Canada et aux États-Unis et qui acceptaient le paiement au moyen de la carte T‑Chek de DTI.

Y a‑t‑il eu fourniture de l'utilisation du système T-Chek?

[41] L'avocat de l'intimée a fait valoir lors des plaidoiries que DTI avait fourni un service à ses camionneurs contractuels, soit l'utilisation du système T‑Chek [14] . La réponse de l'intimée n'invoquait pas cette prétendue fourniture. Elle n'apparaissait pas non plus dans l'avis de ratification du ministre de la cotisation visée par le présent appel, et l'avocat de l'intimée ne l'avait pas mentionnée lors de ses observations préliminaires. Ainsi, par souci d'équité pour l'appelante, je ne suis pas enclin à traiter cette observation.

[42] Dans le cas où j'aurais commis une erreur en ne traitant pas cette question, j'ajoute les observations suivantes. La preuve indique clairement que DTI distribuait les cartes T‑Chek afin d'atteindre ses propres objectifs, c'est‑à‑dire la ponctualité des services de ramassage et de livraison des marchandises de ses clients.

[43] De plus, il n'est pas apparent qu'il y aurait eu une contrepartie pour la fourniture alléguée. Elle aurait été une fourniture offerte gratuitement aux camionneurs contractuels. DTI a assumé les frais de transaction de 1,50 $ qu'elle devait payer. Les seuls paiements que les camionneurs contractuels ont faits à DTI étaient les remboursements pour le carburant et les services d'entretien de véhicule. On n'a pas affirmé que ces remboursements visaient en tout ou en partie l'utilisation des cartes T‑Chek.

[44] Il faut ajouter que l'accès au système T‑Chek était lié au carburant que les fournisseurs vendaient à DTI et non au carburant que DTI fournissait à son tour aux camionneurs contractuels. Par conséquent, il ne semble pas que la fourniture alléguée par DTI de l'accès au système T‑Chek aux camionneurs contractuels puisse faire partie de la fourniture de carburant aux conducteurs ou y être accessoire.

DTI a‑t‑elle fourni à son tour du carburant diésel à ses camionneurs contractuels et, le cas échéant, l'a‑t‑elle fait au Canada?

[45] DTI a‑t‑elle fait une fourniture à son tour, c'est‑à‑dire a‑t‑elle fait la fourniture taxable du carburant qu'elle avait acquis à ses camionneurs contractuels? Ces fournitures de carburant sont les fournitures alléguées par le ministre sur lesquelles la cotisation portée en appel est fondée.

[46] Comme je l'ai indiqué, une « fourniture » est la « livraison de biens [...] notamment par [...] transfert [...] ou aliénation ». En l'espèce, les camionneurs contractuels ont reçu le carburant (le bien) pour utilisation immédiate.

[47] Il est évident que c'était là ce que DTI voulait, puisque l'objectif de tout ce processus était de veiller à ce que les camionneurs transportent les marchandises sans encombre, sans problème de ravitaillement en route. Il est évident qu'on s'attendait à ce que le carburant soit utilisé dès le départ du site du fournisseur du carburant.

[48] S'agissait‑il de fournitures taxables effectuées par DTI aux camionneurs contractuels? Oui, car elles ont été effectuées dans le cadre des activités commerciales de DTI, et DTI s'efforçait de transporter les marchandises de ses clients sans retard.

[49] Les camionneurs contractuels étaient‑ils les « acquéreurs » de ces fournitures taxables? L'acquéreur d'une fourniture est la personne tenue de payer la contrepartie (s'il y a lieu) de la fourniture. En l'espèce, les fournitures en question avaient une contrepartie, car chaque camionneur devait verser à DTI le montant convenu, soit 76 cents le mille parcouru. Les camionneurs contractuels tenus de payer cette contrepartie étaient donc les acquéreurs des fournitures de carburant diésel effectuées par DTI.

[50] Les fournitures taxables de carburant effectuées par DTI aux acquéreurs, les chauffeurs contractuels, ont‑elles été effectuées au Canada, comme l'exige le paragraphe 165(1) de la Loi pour que la taxe soit exigible? L'article 142 de la Loi prévoit les règles déterminant le lieu de la fourniture. Voici le texte des alinéas 142(2)a), 142(2)b) et 142(2)g) :

142(2) Pour l'application de la présente partie, un bien ou un service est réputé fourni à l'étranger si :

a) s'agissant d'un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l'acquéreur à l'étranger ou est, ou sera, mis à sa disposition à l'étranger;

b) s'agissant d'un bien meuble corporel fourni autrement que par vente, sa possession ou son utilisation est accordée à l'acquéreur à l'étranger ou est mise à sa disposition à l'étranger;

[...]

g) s'agissant de tout autre service [sauf un service afférent à un immeuble ou un service visé par règlement], il est, ou sera, rendu entièrement à l'étranger.

[51] Par conséquent, selon l'alinéa 142(2)b), qui traite d'un bien meuble corporel fourni autrement que par vente, il faut se demander où sa possession ou son utilisation (du carburant) a été accordée ou a été mise à la disposition des acquéreurs, les camionneurs contractuels.

[52] Il semble logique et clair que la possession du carburant a été donnée aux camionneurs contractuels lorsque les fournisseurs ont mis le carburant que DTI venait d'acquérir dans les réservoirs des véhicules des camionneurs contractuels. Plus précisément, cette possession a été accordée en divers lieux, aux établissements des fournisseurs de carburant au Canada et aux États‑Unis, et l'utilisation du carburant a commencé presque aussitôt.

[53] Il n'est pas raisonnable de considérer que DTI a fourni le carburant aux camionneurs contractuels à un moment ultérieur, disons des heures ou des jours plus tard, de retour en Ontario à la fin du trajet. Après tout, le carburant n'existerait plus ou pratiquement plus à ce moment, puisqu'il aura été consommé lorsque les véhicules des camionneurs contractuels se sont déplacés.

[54] Par conséquent, l'intimée fait erreur en prétendant que les fournitures taxables de carburant que DTI a effectuées aux camionneurs contractuels ont eu lieu au Canada à la fin de chaque trajet, au moment où la contrepartie de ces fournitures, soit les remboursements, est calculée et payée chez DTI en Ontario [15] .

[55] La conclusion voulant que les fournitures de carburant ont été effectuées aux postes d'essence des fournisseurs est étayée par la formulation de mon collègue le juge D'Arcy dans la décision Roberge Transport Inc. c. La Reine, 2010 CCI 155. Dans cette affaire, l'appelante était une entreprise de transport interprovincial et international établie en Saskatchewan. L'appelante avait engagé des « chauffeurs à contrat » pour effectuer des transports et leur fournissait des cartes de crédit, pour lesquelles l'appelante était responsable, pour l'achat de carburant [16] . Les chauffeurs à contrat remboursaient à l'appelante le coût du carburant et d'autres coûts à la fin de chaque trajet.

[56] Une des questions dans la décision Roberge, même s'il ne s'agissait pas de la question principale, était de savoir s'il fallait payer de la TPS/TVH sur les remboursements pour l'achat de carburant aux postes d'essence aux États‑Unis et au Canada au moyen des cartes de crédit de l'appelante qu'avaient les chauffeurs à contrat. La Cour a affirmé : « Je suppose que la TPS n'était pas perçue sur les remboursements relatifs au carburant acheté aux États‑Unis [...] parce que les fournitures visées étaient effectuées à l'étranger [17] . »

[57] L'avocat de l'intimée a affirmé qu'il était pertinent que les remboursements pour le carburant diésel n'étaient pas de simples remboursements complets des achats de carburant effectués avec la carte T‑Chek et qu'ils étaient calculés au taux de 76 cents le mille parcouru. Cela ne modifie en rien, à mon avis, le lieu où les fournitures ont été effectuées, soit les postes des fournisseurs en carburant. Il appartient à DTI et aux camionneurs contractuels de négocier la façon dont les camionneurs doivent remplir leurs obligations contractuelles de payer le carburant. Aucune des parties n'a demandé à M. Dickson pourquoi on avait fixé à 76 cents le mille le remboursement pour le carburant.

[58] Le fait essentiel est le témoignage non contesté de M. Dickson selon lequel environ 69 % des frais de carburant payés avec la carte T‑Chek durant la période pertinente étaient pour des achats à des stations‑service aux États‑Unis et que le reste était pour des achats au Canada.

[59] Il est clair, d'après l'alinéa 142(2)b), que les fournitures de carburant diésel par DTI aux camionneurs contractuels à un poste d'essence aux États‑Unis n'ont pas été effectuées au Canada.

[60] Par conséquent, je conclus qu'il convient que le montant de la TVH établi dans la cotisation au taux unique de 13 % soit réduit de 69 %. Puisque 69 % des frais de carburant ont été engagés aux États‑Unis, il semble que ces fournitures ont un lien raisonnable avec 69 % de la distance parcourue et donc avec 69 % du montant des remboursements pour les fournitures de carburant.

[61] Dans le cas où j'aurais commis une erreur en écartant l'affirmation, qui n'apparaissait pas dans les actes de procédure, voulant que DTI ait fourni aux camionneurs contractuels un service, soit l'accès au système T‑Chek, je fais remarquer que l'utilisation des cartes T‑Chek a sans doute eu lieu 69 % des fois à un poste d'essence aux États‑Unis. Ainsi, d'après l'alinéa 142(2)g), il serait raisonnable de conclure que la fourniture alléguée d'un service n'a pas été effectuée au Canada dans le cas de 69 % des remboursements.

[62] En outre, il semble que lorsque le carburant a été fourni aux camionneurs contractuels dans des ressorts au Canada autres que l'Ontario, la fourniture ne devrait pas être taxée au taux de 13 % applicable en Ontario. Ces fournitures devraient plutôt être taxées, conformément au paragraphe 165(2) de la Loi, au taux en vigueur dans ces ressorts au Canada, notamment le Québec, le Manitoba, l'Alberta et la Colombie‑Britannique. Je doute fort que le taux ontarien de 13 % devrait s'appliquer dans tous les cas, comme le fait la cotisation. Il n'a pas été question de cet aspect lors de l'audience et je ne pense pas que la Cour ait assez d'éléments de preuve pour tirer une conclusion. La question devra donc être résolue à un autre moment.

[63] Pour contester l'affirmation selon laquelle DTI a reçu une fourniture de carburant, puis l'a fourni elle‑même, DTI invoque une décision du juge Bowie de la Cour canadienne de l'impôt, Drug Trading Company Limited c. La Reine, 2001 CanLII 526, [2001] A.C.I. no 214 (QL), à laquelle renvoie la juge Sheridan, également de la Cour canadienne de l'impôt, dans la décision 613259 Saskatchewan Ltd. c. La Reine, 2007 CCI 421, pour affirmer que le ministre aurait dû se poser la question suivante, fondée sur le bon sens : « Qu'est‑ce que le fournisseur a fourni [18] ? »

[64] J'accepte en l'espèce que le ministre s'est bel et bien demandé, en tenant évidemment compte des dispositions de la Loi, ce que DTI a effectivement fourni. DTI a fourni ce pour quoi elle avait payé les fournisseurs de carburant au moyen des cartes T‑Chek, soit le carburant diésel que les fournisseurs de carburant ont pompé dans les réservoirs de carburant des véhicules des camionneurs contractuels. DTI n'était expressément pas mandataire. Par conséquent, DTI a reçu le carburant non pas pour le compte des camionneurs, mais pour son propre compte, afin de le fournir à son tour aux camionneurs, pour une consommation quasi immédiate par ces véhicules. Ces fournitures ont déclenché la responsabilité des camionneurs contractuels de rembourser le carburant à DTI.

[65] DTI a invoqué la décision Maritime‑Ontario Freight Lines Ltd. c. La Reine, 2009 CCI 471. Dans cette affaire, l'appelante, un transporteur de marchandises, a fait l'objet d'une cotisation pour avoir omis de percevoir la TPS des entrepreneurs indépendants qui conduisaient des véhicules pour elle. L'appelante leur avait fourni une carte de crédit pour le ravitaillement en carburant auprès d'un fournisseur donné avec lequel l'appelante avait conclu une entente. L'appelante était responsable de tous les frais portés sur les cartes. Les entrepreneurs devaient rembourser à l'appelante les frais de carburant portés à la carte. L'appelante a demandé des CTI à l'égard de la TPS payée pour le carburant. L'appelante a allégué que la cotisation était erronée, puisqu'elle avait acheté le carburant pour son propre usage et non pour celui de chaque entrepreneur. La Couronne a fait valoir que l'appelante avait fourni à son tour le carburant à ses entrepreneurs.

[66] L'appel a été accueilli. La Cour a conclu que le libellé de l'entente entre chaque entrepreneur et l'appelante indiquait que les entrepreneurs fournissaient leurs véhicules à l'appelante pour qu'elle les utilise et les exploite [19] . La Cour en a conclu que l'appelante et les entrepreneurs avaient l'intention d'exercer leurs activités en tant que coentrepreneurs, ou que l'appelante assumait la responsabilité de l'utilisation des véhicules des entrepreneurs, et que, par conséquent, le carburant était utilisé par l'appelante pour son propre compte plutôt que pour celui des entrepreneurs. Les entrepreneurs n'avaient donc pas reçu la fourniture de carburant. On a supposé qu'il n'y avait pas de mandat entre les parties.

[67] J'établis une distinction avec la décision Maritime‑Ontario parce qu'on avait conclu que les parties étaient des coentrepreneurs et que l'appelante utilisait et exploitait les véhicules des entrepreneurs. Ce n'est pas le cas en l'espèce, même si les véhicules loués (avec renonciation au loyer) aux camionneurs contractuels appartenaient à DTI. Les camionneurs contractuels ont l'entière responsabilité de l'exploitation des véhicules pendant la durée des trajets. De plus, DTI et les camionneurs contractuels avaient explicitement convenu qu'ils n'étaient pas des coentrepreneurs, mais plutôt des entrepreneurs indépendants.

[68] DTI a également invoqué la décision McDavid c. La Reine, 2014 CCI 112. Dans cette affaire, l'appelant, un chauffeur contractuel pour l'entreprise QCI, avait utilisé une carte T‑Chek. L'appelant devait rembourser à QCI le coût du carburant acheté avec la carte T‑Chek de QCI au moyen d'une retenue de son salaire.

[69] On n'avait pas prétendu que l'entreprise avait à son tour fourni le carburant, comme l'intimée le fait en l'espèce. L'appelant avait interjeté appel pour appuyer ses demandes de CTI, et pour ce faire, il devait démontrer qu'il avait payé la TPS à QCI. L'entente conclue entre les parties prévoyait le remboursement. L'appelant a soutenu que c'était lui, et non l'entreprise, qui avait acquis le carburant du fournisseur et que l'entreprise avait tout au plus agi comme simple intermédiaire.

[70] Au paragraphe 47, la Cour a conclu que l'appelant était responsable du paiement de tous les achats de carburant effectués avec la carte T‑Chek, comme il l'aurait été pour les achats de carburant effectués avec n'importe quelle carte. Rien ne prouvait que l'entreprise avait réclamé des CTI, et elle avait effectivement déduit la TPS de la paie de l'appelant. Le contrat entre les parties n'a pas été produit en preuve et le renvoi à un compte entiercé indiquait que l'appelant était responsable de payer la carte T‑Chek, qui fonctionnait comme une carte de débit. Une lettre de l'entreprise indiquait qu'elle ne demandait pas de remboursement de la TPS sur les achats de carburant; cette décision était laissée à chaque conducteur.

[71] On peut établir une distinction entre la décision McDavid et l'espèce : les camionneurs contractuels en l'espèce, contrairement à l'appelant dans la décision McDavid, ne cherchaient pas à déduire des CTI et n'avaient pas eux‑mêmes payé la TPS/TVH; c'est plutôt DTI qui l'a fait. De plus, DTI avait l'intention d'être l'acquéreur du carburant diésel fourni (en prenant des dispositions pour le payer), carburant qu'elle a immédiatement fourni à son tour aux camionneurs contractuels, comme je l'ai conclu ci‑dessus.

Y a‑t‑il eu des fournitures taxables d'entretien de véhicules, et si oui, ont‑elles eu lieu au Canada?

[72] Il faut enfin se pencher sur les fournitures d'entretien de véhicules effectuées par DTI aux camionneurs contractuels qui sont responsables des coûts de ces fournitures en vertu du contrat. Nous avons entendu relativement peu de témoignages et d'observations à ce sujet.

[73] Comme nous l'avons indiqué, le taux de remboursement convenu pour les services d'entretien et de réparation des véhicules était de 8 cents le mille. M. Dickson a témoigné, sans qu'on s'y oppose et sans qu'on prétende le contraire, que 95 % des frais d'entretien et de réparation payés par DTI au cours de la période en cause visaient des services de ce type fournis aux États-Unis [20] . DTI a payé ces services au fur et à mesure qu'ils étaient fournis, y compris en cours de route pendant les trajets. M. Dickson a affirmé que les stations‑service effectuant des travaux d'entretien et de réparation souhaitaient se tourner vers une société telle que DTI pour le paiement plutôt que vers un conducteur donné [21] .

[74] Je conclus du témoignage de M. Dickson que DTI a accepté la responsabilité générale d'entretenir ses véhicules, afin de se conformer aux obligations réglementaires pour l'exploitation dans de nombreux ressorts américains et canadiens. En outre, des dépenses d'entretien et de réparation pouvaient survenir pendant qu'un camionneur contractuel conduisait un véhicule pour le transport de marchandises. DTI considérait donc que le remboursement de 8 cents le mille était une contribution appropriée aux frais d'entretien et de réparation que DTI payait. M. Dickson a affirmé ceci :

[TRADUCTION]

[...] [le coût de l'entretien] n'est relayé [aux camionneurs contractuels] qu'en raison d'un paiement de 8 cents le mille. Par conséquent, si nous avions des réparations plus importantes, nous ne facturerions pas ces frais plus importants aux camionneurs. Il s'agit simplement d'un frais de 8 cents le mille. C'est ce qu'on appelle la rançon des affaires [22] .

[75] Ces services d'entretien étaient‑ils fournis par DTI aux conducteurs contractuels? La réponse est oui. L'entretien est nécessaire au fonctionnement des véhicules, tout comme le carburant diésel. Les chauffeurs contractuels étaient contractuellement tenus de payer les réparations et l'entretien nécessaires aux déplacements. Le remboursement de 8 cents le mille était le montant convenu et le moyen par lequel les camionneurs contractuels s'acquittaient de cette obligation.

[76] En outre, il s'agissait de fournitures « taxables », puisque DTI les a effectuées dans le cadre de ses activités commerciales.

[77] S'agissait‑il d'une fourniture taxable de services d'entretien « effectuée au Canada » au sens du paragraphe 165(1) de la Loi? L'alinéa 142(2)g), précité, dispose que la fourniture d'un service non afférent à un immeuble et non visé par règlement est réputée fournie à l'étranger si le service est rendu entièrement à l'étranger.

[78] En me fondant sur le témoignage de M. Dickson selon lequel 95 % des frais d'entretien et de réparation de DTI portaient sur des services rendus aux États‑Unis, je conclus que 95 % de ces services n'ont pas été fournis au Canada.

[79] En ce qui concerne les 5 % restants qui ont été engagés au Canada, il y a la question de savoir comment établir la taxe sur ce montant en vertu de la Loi, compte tenu du paragraphe 165(2) qui porte sur la taxe exigible à l'égard d'une fourniture effectuée dans une « province participante ». Je doute fort que la taxe de 13 % de l'Ontario qui a été établie s'applique aux services d'entretien fournis en Alberta, par exemple (qui n'est pas une « province participante »), alors qu'on a affirmé que plusieurs services d'entretien et de réparation des véhicules de DTI ont été fournis dans cette province. Il n'a pas été question de cet aspect lors de l'audience et les éléments de preuve présentés à la Cour ne permettent pas de tirer une conclusion en l'espèce. La question devra également être résolue à un autre moment.

VI. Conclusion

[80] En conclusion, l'appel sera accueilli, et la cotisation sera renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte de ce qui suit : la TVH concernant les remboursements de 76 cents le mille doit être réduite de 69 % et, de même, la TVH concernant les coûts d'entretien et de réparation doit être réduite de 95 %. Ces pourcentages de la TVH pour le carburant, l'entretien et la réparation ne visent pas une fourniture « effectuée au Canada », comme l'exige le paragraphe 165(1).

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 29e jour de juillet 2021.

« B. Russell »

Le juge Russell


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 47

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-1216(GST)G

INTITULÉ :

DAVILLE TRANSPORT INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 3 et 4 novembre 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 juillet 2021

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Osborne G. Barnwell

Avocat de l'intimée :

Me Sébastien Budd

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Noms :

Me Osborne G. Barnwell

 

Cabinet :

Osborne G. Barnwell

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Réponse, par. 5 et 18.

[2] Pièce A‑1, « Independent Contractor Agreement » (convention d'entrepreneur indépendant), dispositions 6.1 et 7.1.

[3] Transcription, 3 novembre 2020, p. 24, lignes 6 à 12; p. 30, lignes 20 à 24.

[4] Ibid., p. 38, lignes 19 à 21.

[5] Ibid., p. 82, lignes 27 et 28; p. 83, lignes 1 et 2.

[6] Pièce A-7.

[7] Ibid., p. 74 et 75.

[8] Observations écrites de l'appelante, par. 8.

[9] Ibid., par. 9 et 10.

[10] Ibid., par. 11.

[11] Ibid., par. 21.

[12] Transcription, 4 novembre 2020, p. 46, lignes 7 à 15; p. 76, lignes 3 à 5.

[13] Ibid., p. 45, lignes 15 à 24.

[14] Transcription, 4 novembre 2020, p. 75, lignes 17 à 23.

[15] Transcription, 4 novembre 2020, p. 70, lignes 3 à 8.

[16] Roberge, au par. 23.

[17] Ibid., au par. 66.

[18] Observations écrites de l'appelante, au par. 15.

[19] Maritime‑Ontario, motifs du jugement, au par. 35.

[20] Transcription, 3 novembre 2020, p. 60, lignes 4 à 9.

[21] Ibid., p. 36, lignes 10 à 12.

[22] Ibid., p. 36, lignes 2 à 6.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.