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Dossier : 2016-4984(IT)G

ENTRE:

CAE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu les 3 et 4 juin 2019 et les 24 et 25 août 2020 à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Sylvain Ouimet


Comparutions:

Avocats de l’appelante:

Me Wilfred Lefebvre

Me Marc-Olivier Plante

Avocats de l'intimée:

Me Dany Leduc

Me Antonia Paraherakis

 

JUGEMENT

L’appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2012 et 2013 est rejeté, avec dépens, selon les motifs ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2021.

« Sylvain Ouimet »

Juge Ouimet

 


Référence: 2021 CCI 57

Date : 20211108

Dossier : 2016-4984(IT)G

ENTRE:

CAE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

Le juge Ouimet

I. INTRODUCTION

[1] CAE Inc. (« CAE ») interjette appel de deux cotisations établies le 15 décembre et le 26 octobre 2016 par le ministre du Revenu national (le « ministre »). Lesdites cotisations concernent les années d’imposition 2012 et 2013. Par ces cotisations, le ministre a conclu que les sommes reçues par CAE en vertu d’une entente conclue avec le ministre de l’Industrie du Canada intitulée « - SADI Agreement NO. 780-503924 - Initiative Stratégique pour l’Aérospatiale et la Défense - Projet Falcon » (« Entente ISAD ») constituaient une « aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c.1 (5e suppl.) (« LIR »). Plus précisément, le ministre a conclu que les sommes de 57 084 395 $ et 59 148 888 $ que CAE a reçues ou qu’elle était en droit de recevoir en vertu de l’Entente ISAD au cours des années d’imposition 2012 et 2013 respectivement constituaient une forme d’« aide gouvernementale ».

[2] Ayant conclu que les sommes de 57 084 395 $ et 59 148 888 $ constituaient une forme d’« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la LIR, le ministre a conclu que les sommes de 41 003 491 $ et de 40 652 951 $ reçues par CAE en vertu de l’Entente ISAD au cours des années d’imposition 2012 et 2013 et utilisées à des fins de recherche scientifique et développement expérimental (« RS&DE ») devaient être soustraites du montant des dépenses déductibles de RS&DE de CAE en vertu de l’alinéa 37(1)d) de la LIR pour ces années d’imposition.

[3] De plus, en application du paragraphe 127(18) de la LIR, le ministre a conclu que les sommes que CAE a reçues ou était en droit de recevoir en vertu de l’Entente ISAD au cours des années d’imposition 2012 et 2013, soit 57 084 395 $ et de 59 148 888 $ respectivement, devaient être soustraites du montant des dépenses de RS&DE admissibles aux fins du crédit d’impôt à l’investissement de CAE pour ces années d’imposition.

[4] Finalement, en vertu des sous-alinéas 12(1)x)(iv) et 12(1)x)(v) de la LIR, le ministre a conclu que la somme de 14 806 939 $, soit la différence entre la somme reçue par CAE au cours de l’année d’imposition 2012 en vertu de l’Entente ISAD (55 810 430 $) et la somme des dépenses de RS&DE de CAE au cours de cette même année en lien avec l’entente (41 003 491 $), devait être incluse dans le calcul du revenu de CAE pour l’année d’imposition 2012.

[5] Les personnes suivantes ont témoigné pour l’intimée lors de l’audience :

  • - Jean Lemieux, employé du Fonds d’innovation stratégique au sein du ministère de l’Industrie du Canada.

  • - Neil de Gray, témoin expert.

[6] Les personnes suivantes ont témoigné pour l’appelante lors de l’audience :

  • - Constantino Malatesta, vice-président aux finances de CAE.

  • - Sylvie Brossard, vice-présidente du département de fiscalité de CAE.

II. LES QUESTIONS EN LITIGE

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

1. Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que les sommes de 57 084 395 $ et 59 148 888 $ que CAE a reçues ou qu’elle était en droit de recevoir en vertu de l’Entente ISAD au cours des années d’imposition 2012 et 2013 respectivement, constituaient une « aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la LIR?

2. Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que les sommes de 57 084 395 $ et 59 148 888 $ que CAE a reçues ou qu’elle était en droit de recevoir en vertu de l’Entente ISAD devaient être soustraites du montant de ses dépenses de RS&DE admissibles aux fins du calcul du crédit d’impôt à l’investissement de CAE pour les années d’imposition 2012 et 2013 respectivement, en vertu du paragraphe 127(18) de la LIR?

3. Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que les sommes de 41 003 491 $ et de 40 652 951 $ [1] reçues par CAE en vertu de l’Entente ISAD pour les années d’imposition 2012 et 2013 devaient être soustraites du montant des dépenses de RS&DE déductibles du revenu de CAE pour les années d’imposition 2012 et 2013 respectivement, en vertu de l’alinéa 37(1)d) de la LIR?

4. Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que la somme de 14 806 939 $ devait être incluse dans le calcul du revenu de CAE pour l’année d’imposition 2012 en vertu du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la LIR?

[8] Subsidiairement, si la Cour devait conclure que les sommes reçues par CAE en vertu de l’Entente ISAD ne constituaient pas une forme d’« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la LIR, la Cour devra répondre à la question suivante :

Est-ce que les sommes reçues par CAE en vertu de l’Entente ISAD au cours des années d’imposition 2012 et 2013 respectivement constituaient des paiements incitatifs, des remboursements ou des contributions au sens des alinéas 12(1)x)(iii) et (iv) de la LIR?

III. LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[9] Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.)

12 (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien, au cours d’une année d’imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :

x) un montant (à l’exclusion d’un montant prescrit) reçu par le contribuable au cours de l’année pendant qu’il tirait un revenu d’une entreprise ou d’un bien :

(i) soit d’une personne ou d’une société de personnes (appelée « débiteur » au présent alinéa) qui paie le montant, selon le cas :

(A) en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien,

(B) en vue d’obtenir un avantage pour elle-même ou pour des personnes avec qui elle a un lien de dépendance,

(C) dans des circonstances où il est raisonnable de conclure qu’elle n’aurait pas payé le montant si elle n’avait pas reçu des montants d’un débiteur, d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration visés au présent sous-alinéa ou au sous-alinéa (ii),

(ii) soit d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration,

s’il est raisonnable de considérer le montant comme reçu :

(iii) soit à titre de paiement incitatif, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l’impôt ou d’indemnité, ou sous toute autre forme,

(iv) soit à titre de remboursement, de contribution ou d’indemnité ou à titre d’aide, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l’impôt ou d’indemnité, ou sous toute autre forme, à l’égard, selon le cas :

(A) d’une somme incluse dans le coût d’un bien ou déduite au titre de ce coût,

(B) d’une dépense engagée ou effectuée,

dans la mesure où le montant, selon le cas :

(v) n’a pas déjà été inclus dans le calcul du revenu du contribuable ou déduit dans le calcul, pour l’application de la présente loi, d’un solde de dépenses ou autres montants non déduits, pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure,

(v.1) n’est pas une somme reçue par le contribuable relativement à une clause restrictive, au sens du paragraphe 56.4(1), qui a été incluse, en application du paragraphe 56.4(2), dans le calcul du revenu d’une personne liée au contribuable,

(vi) sous réserve des paragraphes 127(11.1), (11.5) ou (11.6), ne réduit pas, pour l’application d’une cotisation établie en vertu de la présente loi, ou pouvant l’être, le coût ou le coût en capital du bien ou le montant de la dépense,

(vii) ne réduit pas, en application du paragraphe (2.2) ou 13(7.4) ou de l’alinéa 53(2)s), le coût ou coût en capital du bien ou le montant de la dépense,

(viii) ne peut raisonnablement être considéré comme un paiement fait au titre de l’acquisition par le débiteur ou par l’administration d’une participation dans le contribuable, d’un intérêt ou, pour l’application du droit civil, d’un droit sur son entreprise ou d’un intérêt ou, pour l’application du droit civil, d’un droit réel sur son bien;

37 (1) Le contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d’une année d’imposition peut déduire dans le calcul du revenu qu’il tire de cette entreprise pour l’année un montant qui ne dépasse pas l’excédent éventuel du total des montants suivants:

[…]

c) le total des montants dont chacun représente une dépense que le contribuable a faite au cours de l’année ou d’une année d’imposition antérieure se terminant après 1973 sous forme de remboursement de montants visés à l’alinéa d);

[…]

sur le total des montants suivants :

d) le total des sommes représentant chacune une aide gouvernementale ou une aide non gouvernementale, au sens du paragraphe 127(9), au titre d’une dépense visée aux alinéas a) ou b), dans leur version applicable relativement à la dépense, que le contribuable a reçue, est en droit de recevoir ou peut vraisemblablement s’attendre à recevoir à la date d’échéance de production qui lui est applicable pour l’année;

67. Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

127 (9) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

aide gouvernementale Aide reçue d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l’impôt ou allocation de placement ou sous toute autre forme, à l’exclusion d’une déduction prévue au paragraphe (5) ou (6). (government assistance)

aide non gouvernementale Somme qui serait incluse dans le revenu en application de l’alinéa 12(1)x) si cet alinéa s’appliquait compte non tenu de ses sous-alinéas (v) à (vii). (non-government assistance)

127 (18) Dans le cas où un contribuable — personne ou société de personnes — reçoit, est en droit de recevoir ou peut vraisemblablement s’attendre à recevoir, au plus tard à la date d’échéance de production qui lui est applicable pour son année d’imposition, un montant qui représente une aide gouvernementale, une aide non gouvernementale ou un paiement contractuel qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental, l’excédent de ce montant sur les montants appliqués pour les années d’imposition antérieures en vertu du présent paragraphe ou des paragraphes (19) ou (20) relativement à ce montant est appliqué en réduction des dépenses admissibles du contribuable engagées par ailleurs au cours de l’année qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant aux activités

Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21

Règles d’interprétation

Propriété et droits civils

Tradition bijuridique et application du droit provincial

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991

LIVRE QUATRIÈME – DES BIENS

TITRE DEUXIÈME – DE LA PROPRIÉTÉ

CHAPITRE PREMIER – DE LA NATURE ET DE L’ÉTENDUE DU DROIT DE PROPRIÉTÉ

947. La propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien, sous réserve des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi.

Elle est susceptible de modalités et de démembrements.

LIVRE CINQUIÈME – DES OBLIGATIONS

TITRE PREMIER – DES OBLIGATIONS EN GÉNÉRAL

CHAPITRE DEUXIÈME – DU CONTRAT

SECTION IV – DE L’INTERPRÉTATION DU CONTRAT

1425. Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

1426. On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

1427. Les clauses s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble du contrat.

1428. Une clause s’entend dans le sens qui lui confère quelque effet plutôt que dans celui qui n’en produit aucun.

1429. Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.

1430. La clause destinée à écarter tout doute sur l’application du contrat à un cas particulier ne restreint pas la portée du contrat par ailleurs conçu en termes généraux.

1431. Les clauses d’un contrat, même si elles sont énoncées en termes généraux, comprennent seulement ce sur quoi il paraît que les parties se sont proposé de contracter.

1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.

TITRE DEUXIÈME – DES CONTRATS NOMMÉS

CHAPITRE DOUZIÈME – DU PRÊT

SECTION I – DES ESPÈCES DE PRÊT ET DE LEUR NATURE

2312. Il y a deux espèces de prêt: le prêt à usage et le simple prêt.

2314. Le simple prêt est le contrat par lequel le prêteur remet une certaine quantité d’argent ou d’autres biens qui se consomment par l’usage à l’emprunteur, qui s’oblige à lui en rendre autant, de même espèce et qualité, après un certain temps

2315. Le simple prêt est présumé fait à titre gratuit, à moins de stipulation contraire ou qu’il ne s’agisse d’un prêt d’argent, auquel cas il est présumé fait à titre onéreux

SECTION III – DU SIMPLE PRÊT

2327. Par le simple prêt, l’emprunteur devient le propriétaire du bien prêté et il en assume, dès la remise, les risques de perte.

IV. LES FAITS

A. Le contexte

[10] CAE est une entreprise canadienne fondée en 1947 et son siège social est situé à ville Saint-Laurent dans la province de Québec [2] . CAE est une société publique cotée à la bourse de Toronto [3] . CAE œuvre principalement dans le domaine de la fabrication, de la vente et de l’entretien de simulateur de vols. L’entreprise offre aussi des séances de formation utilisant des simulateurs de vols pour les industries de l’aviation civile et militaire. L’entreprise exerce ses activités dans plus d’une trentaine de pays et emploie environ 9,000 employés dans le monde [4] .

[11] En 2007, dans le cadre d’une initiative stratégique visant les industries de l’aérospatial et de la défense, le ministre de l’Industrie du Canada a créé le programme d’initiative stratégique pour l’aérospatial et la défense « Programme ISAD » [5] .

[12] Les objectifs du Programme ISAD étaient les suivants :

  1. Encourager les travaux de recherche et développements stratégiques menant à l’innovation et à l’excellence dans les produits, services et processus;

  2. Accroître la compétitivité des entreprises canadiennes;

  3. Favoriser la collaboration entre les instituts de recherche, les universités, les collèges et le secteur privé [6] .

[13] En vertu du Programme ISAD, une contribution financière à un projet de recherche et développement pouvait être octroyée à une entreprise œuvrant dans les secteurs de l’aérospatial, de l’espace ou de la défense [7] . L’Office des technologies industrielles du ministère de l’Industrie du Canada était chargé d’administrer ce programme [8] .

B. L’Entente ISAD

[14] Le 30 mars 2009, dans le cadre du Programme ISAD, une entente a été conclue entre le ministre de l’Industrie du Canada et CAE [9] . Cette entente, l’Entente ISAD, a été conclue relativement au projet de RS&DE de CAE dénommé « Projet Falcon ». Ce projet nécessitait des dépenses de RS&DE de 700 000 000 $ sur une période de cinq ans, soit de 2009 à 2014 [10] . Il portait sur le développement de technologies en lien avec les simulateurs de vol ainsi qu’avec certains produits du domaine de la santé [11] . En vertu de cette entente, le ministre de l’Industrie du Canada a contribué financièrement au projet en versant des « contributions » à CAE entre 2009 et 2014 inclusivement. Ces contributions sont définies dans l’entente comme une « aide financière » ayant pour but de financer les activités RS&DE de CAE relativement au Projet Falcon [12] . Ces contributions constituaient 35 % du total des « dépenses éligibles » [13] encourues par CAE relativement au Projet Falcon et ne pouvait pas excéder 250 000 000 $ [14] . Plus spécifiquement, les contributions annuelles pouvant être versées à CAE ne devaient pas excéder les montants suivants [15] :

Années fiscales gouvernementales

Contributions maximales pouvant être versées

2009/2010

31 750 000 $

2010/2011

53 250 000 $

2011/2012

57 100 000 $

2012/2013

63 000 000 $

2013/2014

44 900 000 $

TOTAL

250 000 000 $

[15] CAE a reçu la somme maximale pouvant lui être versée en vertu de l’Entente ISAD, soit 250 000 000 $.

[16] Au cours des années d’imposition 2012 et 2013, les sommes que CAE a reçues ou qu’elle était en droit de recevoir en vertu de l’Entente ISAD étaient de 57 084 395 $ et de 59 148 888 $ respectivement [16] . Une partie seulement de ces sommes a été utilisée par CAE afin de payer des dépenses de RS&DE encourues relativement au Projet Falcon soit 41 003 491 $ en 2012 et 40 652 951 $ en 2013 [17] .

[17] En vertu de l’Entente ISAD, le remboursement des contributions doit être fait en quinze versements annuels. Le total des remboursements correspond à la somme équivalente au total des contributions versées à CAE multipliée par un facteur de 1,35. CAE ayant reçue des contributions totalisant 250 000 000 $, la somme totale devant être remboursée est de 337 500 000 $ (250 000 000 $ X 1,35) [18] .

[18] Selon l’Entente ISAD, le remboursement des contributions est inconditionnel et n’est assorti d’aucune sûreté [19] . Les contributions doivent être remboursées selon l'échéancier et selon les conditions prévues par l’entente. Les remboursements annuels doivent être effectués au plus tard le 31 juillet de chaque année à compter de 2015, soit environ six ans après la réception des premières contributions. Le dernier des quinze remboursements doit être fait le 31 juillet 2029 [20] . En vertu des conditions de remboursements prévues à l’entente, les contributions versées à CAE procurent implicitement au ministre de l’Industrie du Canada un taux de rendement d’environ 2,50 % sur une base annuelle [21] .

[19] Les sommes à rembourser annuellement par CAE en vertu de l’Entente ISAD sont les suivantes [22] :

Remboursements

Versement

Année

1

11 250 000 $

2015

2

11 250 000 $

2016

3

11 250 000 $

2017

4

11 250 000 $

2018

5

22 500 000 $

2019

6

22 500 000 $

2020

7

22 500 000 $

2021

8

22 500 000 $

2022

9

22 500 000 $

2023

10

22 500 000 $

2024

11

33 750 000 $

2025

12

33 750 000 $

2026

13

33 750 000 $

2027

14

33 750 000 $

2028

15

33 750 000 $

2029

TOTAL

337 500 000 $

En blanc/Blank

[20] Aux termes de l’Entente ISAD, certaines restrictions sont imposées à CAE. Par exemple, CAE s’est engagée à fabriquer exclusivement au Canada tous les produits pouvant résulter du Projet Falcon et certaines autres restrictions visent la capacité de CAE à transférer les titres ou les droits de propriété intellectuelle relatifs au projet [23] . CAE a aussi l’obligation d’aviser le ministre de l’Industrie du Canada de toute autre aide financière gouvernementale demandée ou reçue relativement au projet. Si une telle aide devait être reçue, les contributions à recevoir pourraient être revues à la baisse [24] . De plus, pour être admissible à recevoir des fonds aux termes du Programme ISAD, CAE a dû établir un plan de collaboration avec des établissements d’enseignement postsecondaire accrédités au Canada et affecter à ces établissements au moins 1,0 % du total des dépenses de RS&DE admissibles du projet [25] .

[21] L’Entente ISAD stipule que des rencontres peuvent être organisées entre les parties afin d’examiner les résultats des travaux de RS&DE entrepris dans le cadre du Projet Falcon ainsi que pour vérifier si les objectifs de performance du Programme ISAD sont atteints [26] . De plus, CAE doit transmettre périodiquement au ministre de l’Industrie du Canada des rapports portant sur les sujets suivants [27] :

  1. L’avancement des travaux de RS&DE du projet Falcon [28] ;

  2. Les réalisations découlant de l’atteinte des résultats [29] ;

  3. Les rendements du Programme ISAD [30] .

[22] L’Entente ISAD peut être résiliée par CAE advenant un remboursement anticipé de toutes les contributions reçues et le versement d’une somme représentant un retour sur investissement de 2,75 % sur une base annuelle relativement aux sommes remboursées par anticipation [31] .

C. Témoignage de Constantino Malatesta

[23] M. Malatesta est au service de CAE depuis 2006. Il a été nommé vice-président aux finances et contrôleur en 2016. Lors des négociations ayant abouti à la conclusion de l’Entente ISAD, M. Malatesta était chargé du « Complex Accounting Group » de CAE [32] . Il a tout d’abord signalé que, CAE étant une entreprise publique inscrite à la Bourse de Toronto et à la Bourse de New York, ses états financiers sont vérifiés par des vérificateurs indépendants chaque trimestre et un rapport de vérification est produit annuellement [33] .

[24] Selon M. Malatesta, le Programme ISAD était pour CAE un moyen de financement de ses projets de RS&DE [34] . Le rôle de M. Malatesta consistait à donner des opinions quant au financement et à l’aspect comptable de tels projets incluant lors de la conclusion d’entente du type de l’Entente ISAD [35] .

[25] M. Malatesta a témoigné sur les circonstances ayant entouré la signature de l’Entente ISAD. Il n’a pas participé directement aux négociations, mais il a pris part aux discussions de l’équipe de négociation de CAE [36] . Les personnes chargées des négociations étaient Nathalie Bourque pour CAE et M. Lemieux pour le ministre de l’Industrie du Canada [37] . Les négociations ayant abouti à la signature de l’entente ont duré plusieurs mois.

[26] En octobre 2008, CAE considérait une option de remboursement aux termes de laquelle elle pouvait rembourser les contributions effectuées par le gouvernement sur la base d’un pourcentage du revenu gagné établi en fonction de la croissance des ventes (« remboursement conditionnel ») [38] . Cette option n’a finalement pas été retenue. C’est l’option d’un financement comportant un remboursement indépendant de la croissance des ventes qui a été retenue par CAE, soit un programme de paiements effectués sous forme de versements fixes (« remboursement inconditionnel »), car elle a conclu qu’elle disposait ainsi de plus de liquidités et que le taux d’intérêt effectif encouru serait inférieur [39] . Cet aspect de l’entente a fait l’objet de négociations entre les parties [40] .

[27] Les remboursements ont été faits par CAE et, selon M. Malatesta, elle a toujours eu la capacité de les faire [41] . Selon les états financiers consolidés de CAE pour les années 2010 et 2012, les revenus et les actifs étaient de plusieurs milliards de dollars et leurs croissances étaient prévues d’une année à l’autre [42] . Bien que CAE n’ait pas fourni une sûreté pour garantir le remboursement des contributions reçues, elle est une entreprise publique et, par conséquent, sa capacité de remboursement pouvait être évaluée à l’aide de ses états financiers et autres documents publics [43] .

[28] Quant au traitement comptable des contributions reçues du ministre de l’Industrie du Canada, elles ont été qualifiées dans leur ensemble d’obligation à long terme aux états financiers consolidés de CAE [44] . Afin de respecter les principes comptables généralement reconnus (« PCGR ») [45] , certains ajustements comptables ont dû être effectués. Selon M. Malatesta, compte tenu des conditions de remboursement, les contributions reçues ne reflétaient pas réellement l’obligation financière de CAE à leur endroit [46] . Par conséquent, les sommes reçues ont été ajustées afin que soient reflétées leurs valeurs réelles [47] . Le montant des contributions reçues a été diminué en fonction du taux d’intérêt en vigueur sur le marché pour un financement de ce type [48] . Ces diminutions prennent en compte la durée de l’entente, incluant la période de remboursements.

[29] CAE a conclu que le taux d’intérêt effectif de l’Entente ISAD était d’environ 2,7 % [49] . CAE a ajusté ce taux en fonction du taux d’intérêt qui aurait été payé dans le cadre d’une transaction comparable effectuée au taux d’intérêt en vigueur sur le marché, soit à sa juste valeur marchande [50] . La valeur en argent de la différence entre le taux d’intérêt effectif et celui qui aurait été déterminé dans le cadre d’une transaction effectuée à la juste valeur marchande est ajoutée dans le calcul du revenu pour les fins comptables selon les PCGR [51] . Cette composante d’accroissement, ainsi que le taux effectif, constitue le coût du financement de l’entente pour CAE [52] .

[30] Au final, l’intérêt total qui aurait été payable dans le cadre d’un prêt effectué à sa juste valeur marchande, soit 210 475 399 $, a été déduit comme dépense de financement dans les états financiers [53] . Le montant de 122 975 399 $ constituant la composante d’accroissement était présenté comme un revenu, constituant une réduction des frais d'exploitation ou une réduction des dépenses capitalisées [54] . Le coût du financement de 210 475 399 $ a effectivement été réduit par la composante d’accroissement, ramenant les frais d’intérêt dans les états financiers à 87 500 000 $, soit le montant des intérêts réellement payé par CAE aux termes de l’entente [55] .

[31] Afin de déterminer la juste valeur marchande du taux d’intérêt d’une entente comparable à l’Entente ISAD, CAE a examiné le taux d’intérêt convenu entre des entreprises privées pour de telles transactions [56] . Elle a examiné le taux d’intérêt payé sur des obligations [57] ainsi que les taux d’autres transactions où la partie qui devait recevoir des fonds avait une cote de crédit similaire à celle de CAE [58] . Elle a retenu les plus hauts taux sur le marché puisque son entente comportait un plus grand risque considérant qu’elle ne fournissait pas les mêmes garanties et protections au gouvernement qu’à l'occasion de transactions similaires et considérant que les sommes à recevoir serviraient à des activités de RS&DE [59] .

[32] Selon M. Malatesta, la différence entre le montant total des intérêts payables sur les contributions reçues en vertu de l’Entente ISAD et le montant total des intérêts qui aurait dû être payé par CAE si elle avait eu à payer des intérêts sur ces contributions au taux d’intérêt du marché, soit 122 975 399 $ (210 475 399 $ -87 500 000 $) a été qualifiée de « government benefit » aux états financiers de CAE [60] .

D. Témoignage de Sylvie Brossard

[33] Mme Brossard est au service de CAE depuis 2007. Au moment du procès, elle occupait le poste de vice-présidente du département de fiscalité de CAE. Le témoignage de Mme Brossard a porté en majeure partie sur le traitement comptable des contributions reçues par CAE en vertu de l’Entente ISAD.

[34] Selon le témoignage de Mme Brossard, CAE n’a pas inclus dans ses revenus les sommes reçues à titre de contributions en vertu de l’Entente ISAD, car CAE considérait qu’il s’agissait de sommes reçues en vertu d’un contrat de prêt et non reçues à titre d’« aide gouvernementale » [61] . Pour la même raison, ces sommes n’ont pas été utilisées par CAE afin de diminuer ses dépenses de RS&DE admissibles [62] .

[35] CAE a inclus dans ses états des résultats de l’année 2012 un bénéfice fictif généré par ce prêt obtenu à un taux préférentiel. CAE a aussi inclus dans ces mêmes états une dépense fictive d’intérêt correspondant à la différence entre les sommes payées à titre d’intérêts en vertu de l’Entente ISAD et les sommes qui aurait dû être payées à ce titre si le prêt avait été consenti au taux d’intérêt du marché. Ladite somme a été « compensée » par l’ajout d’une dépense non déductible annulant ainsi le bénéfice fictif généré par le taux d’intérêt préférentiel aux états financiers de CAE [63] .

E. Témoignage de Jean Lemieux

[36] M. Lemieux est au service du Fonds d’innovation stratégique du ministère de l’Industrie du Canada depuis 2006. Il était le gestionnaire et analyste principal des investissements et, à ce titre, il est la personne qui a préparé les documents nécessaires à la conclusion de l’Entente ISAD.

[37] Selon M. Lemieux, le Programme ISAD a été mis en place en 2007 par l’Office des technologies industrielles afin d’encourager les projets de recherche et de développement ainsi que la collaboration avec les universités, collèges, établissements postsecondaires et les instituts de recherche dans le cadre de tels projets. Le programme avait aussi pour but d’encourager le développement économique de l’industrie de l’aérospatial, de la défense, de l’espace et de la sécurité en contribuant financièrement à des projets de recherche et de développement d’entreprises œuvrant dans ces secteurs. Toujours selon M. Lemieux, ces secteurs d’activités sont importants pour le Canada et, traditionnellement, ils ont toujours été fortement subventionnés [64] .

[38] L’objectif du Programme ISAD n’était pas de générer un rendement sur les contributions versées et le programme ne comporte pas de taux de rendement cible. Cependant, une entente conclue dans le cadre du programme ne pouvait se limiter à prévoir le remboursement des contributions versées à une entreprise. L'entente devait prévoir un taux de rendement sur « investissement » raisonnable afin de respecter les règles de l’Organisation mondiale du Commerce [65] .

[39] Selon M. Lemieux, les sommes reçues des entreprises dans le cadre du Programme ISAD sont transférées au fonds consolidé du gouvernement pour la majeure partie. Une partie seulement de ces sommes est conservée et incluse dans le budget du programme.

[40] Le Programme ISAD est un programme dit « de contributions » et c’est pour cette raison, selon M. Lemieux, que l’Entente ISAD ne la qualifie pas de prêt. De plus, les documents gouvernementaux pertinents ne prévoient pas que l’on puisse obtenir un prêt aux termes du programme [66] .

[41] Le critère le plus important devant être rempli par une entreprise afin de bénéficier du Programme ISAD est d’être en mesure de démontrer que le Canada bénéficiera du projet [67] . Selon M. Lemieux, CAE a pu bénéficier du programme, car elle a démontré qu’elle était une entreprise bien établie dans l’industrie des simulateurs de vol et que les sommes obtenues aux termes du programme permettraient au Canada et à l’entreprise de conserver son leadership dans cette industrie. De plus, la main-d’œuvre canadienne bénéficierait de la formation qui lui serait dispensée suite à une participation de CAE au programme et la population canadienne de même puisque l’utilisation de simulateurs de vol aux fins de formation est bénéfique pour l’environnement. Finalement, les entreprises canadiennes collaborant avec CAE bénéficieraient indirectement de sa participation au programme [68] .

[42] M. Lemieux a expliqué qu’aux termes du Programme ISAD, une contribution maximale correspondant à 30 % du total des dépenses de RS&DE encourues pour un projet pouvait être versée. Lors de la négociation de l’Entente ISAD, le ministre de l’Industrie du Canada a proposé à CAE deux options de remboursements des contributions devant lui être versées, soit un remboursement conditionnel et un remboursement inconditionnel. L’option qui a été initialement proposée était une entente comportant un remboursement conditionnel en fonction des ventes de l’entreprise. Afin d’établir les conditions d’un remboursement conditionnel, une formule mathématique était utilisée pour déterminer un taux de redevances qui était ensuite appliqué aux ventes de l’entreprise. Le résultat de ce calcul était majoré par un facteur de redressement qui variait en fonction des revenus de l’entreprise. Lorsque les ventes de l’entreprise augmentent, le facteur de redressement était majoré; par conséquent, dans les années où les ventes d’une entreprise étaient en croissance, les sommes remboursées étaient d’autant plus grandes. Une entreprise pouvait aussi opter pour un remboursement inconditionnel. Selon cette option, une somme fixe déterminée à l’avance devait être remboursée annuellement [69] . Il était cependant possible de choisir un plan de remboursement selon lequel les sommes remboursées augmentaient graduellement au fil des années.

[43] M. Lemieux a expliqué que le processus ayant abouti à la conclusion de l’Entente ISAD a débuté après une demande de CAE. À la suite de cette demande, les discussions pour conclure une entente de contribution ont été entamées. Conformément au Guide de préparation d’une demande ISAD, CAE a présenté une proposition initiale et l’a fait parvenir au ministère de l’Industrie du Canada au mois d’octobre 2008. Dans le cadre de cette proposition, CAE a demandé une contribution totale constituant 35 % des dépenses de RS&DE du Projet Falcon. Le plan de remboursement proposé prévoyait un remboursement conditionnel et un taux de redevance de 0,28 %. M. Lemieux a effectué une vérification afin de déterminer si l’information produite par CAE dans sa proposition était conforme aux normes en vigueur et il a commencé un processus de diligence raisonnable incluant une analyse de risque. À la suite de ce processus, il a proposé deux options à CAE, soit une option comportant un remboursement conditionnel et une option comportant un remboursement inconditionnel.

[44] Les conditions de remboursement des contributions présentées par CAE ainsi que le ratio de partage des dépenses défini dans sa proposition initiale n’étaient toutefois pas conformes aux normes établies par le ministère d’Industrie Canada. En janvier 2009, une deuxième proposition a été présentée par CAE, laquelle était conforme aux normes en vigueur. Dans cette proposition, CAE demandait une contribution totale équivalente à 30 % des dépenses de RS&DE encourues. La contribution totale ne devait pas être supérieure à 250 000 000 $. Le remboursement des contributions devait être effectué sur une période de quinze ans et la somme remboursée par CAE devait correspondre à la somme totale des contributions reçues multipliées par un facteur de redressement minimal de 1,5. Le facteur de redressement à utiliser pouvait augmenter selon les ventes de l’entreprise ou selon la croissance de ses ventes [70] .

[45] Les négociations ont porté sur la somme totale des contributions à être versées ainsi que sur la période pendant laquelle les remboursements seraient échelonnés. Le ratio de remboursement a été établi à 1,35 et le montant total des contributions à être versées a été augmenté à un montant équivalent à 35 % des dépenses de recherche et développement encourues [71] . En contrepartie, le ministère de l’Industrie du Canada a renoncé à certaines des activités de recherches jugées plus risquées. Quant aux remboursements, le ministère a proposé deux options. Dans les deux cas, un délai de grâce de cinq ans était prévu. La première option de remboursement proposée était conditionnelle et fonction de la croissance des ventes de CAE. Le remboursement des contributions devait être effectué sur une période de huit ans [72] . Quant à la deuxième option, le remboursement des contributions était inconditionnel et prévoyait des sommes déterminées devant être remboursées sur une période de quinze ans [73] . CAE a choisi la deuxième option [74] . Selon M. Lemieux, aucune garantie ou sûreté n’a été exigée de CAE parce que cela n’est habituellement pas requis par le Programme ISAD.

[46] M. Lemieux a témoigné que la clause 8.17 de l’entente en vertu de laquelle CAE peut mettre fin prématurément à l’entente en remboursant les contributions reçues en plus d’un « retour sur l’investissement annuel » de 2,75 % a été ajoutée à la demande de CAE. Le ministre de l’Industrie du Canada ne s’y est pas opposé même si l’ajout de cette clause pouvait faire diminuer son rendement dans l’éventualité ou CAE déciderait de s’en prévaloir [75] . Quant à la clause 6 aux termes de laquelle CAE avait l’obligation de déclarer l’obtention de toute assistance gouvernementale, elle a été incluse dans l’entente, car, en vertu d’une directive du Conseil du Trésor, le pourcentage total d’aide gouvernementale qu’une entreprise peut recevoir à titre de contributions dans le cadre du Programme ISAD est de 75 % [76] . Les prêts faits à un faible taux d’intérêt doivent être pris en compte dans ce cumul [77] . Par ailleurs, selon cette directive, les contributions doivent être remboursables à une entreprise à but lucratif [78] . La clause d’interdiction de verser des dividendes fait partie des clauses que l’on retrouve habituellement dans toutes les ententes conclues en vertu du Programme ISAD. Il s’agit cependant de clauses qui ne trouvent application que dans l’éventualité où, après vérification, une entreprise déclare être incapable d’effectuer les remboursements prévus dans l’entente ou si les délais prévus dans l’entente ne sont pas respectés [79] .

[47] Les projets de RS&DE font l’objet d’un suivi sur une base annuelle ou trimestrielle en fonction du niveau de risque associé au projet. Une vérification est effectuée dès qu’une demande de remboursement de dépenses de RS&DE est déposée puisqu’un rapport doit y être joint.

[48] Selon M. Lemieux, dans l’éventualité où CAE aurait eu des difficultés financières, une nouvelle analyse de risque aurait été effectuée et les conditions de l’Entente ISAD auraient été renégociées [80] . Ce n’est qu’en dernier recours que CAE aurait été mise en défaut par le ministre de l’Industrie du Canada [81] . Dans certains cas, la dette peut être radiée [82] . Si des renégociations avaient eu lieu, elles auraient visé à s’assurer que le Canada bénéficie toujours de l’entente [83] . Lors de son contre-interrogatoire, M. Lemieux a dit que le gouvernement agissait ainsi afin de protéger ses droits [84] .

F. Témoignage de Neil de Gray

1. Le mandat de M. de Gray

[49] M. de Gray est directeur du service des différends et des enquêtes de la société Duff & Phelps. Depuis 2010, son cabinet est spécialisé dans l’évaluation d’entreprises et de titres, la quantification des dommages et les services de conseil en financement aux entreprises [85] . L’intimée a retenu ses services en tant qu’expert en financement des entreprises ainsi qu’en évaluation des instruments d’emprunt et des titres. Les services de M. de Gray ont été retenus afin d’aider la Cour; on a demandé à M. de Gray d’indiquer si, selon lui, l’Entente ISAD possède les attributs d’un « commerce » et constitue une « entente commerciale ordinaire ». Plus précisément, l’intimée lui a demandé si, selon lui, les paiements effectués conformément à l’Entente ISAD ont été faits [traduction] « exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur » [86] . M. de Gray était au courant que les parties étaient en désaccord quant à savoir si l’entente constituait une entente de prêt ou un autre type d’entente. On ne lui a pas demandé son opinion à ce sujet [87] .

2. Analyse de M. de Gray

[50] Lorsqu’il a évalué la « nature » de l’Entente ISAD et qu’il a cherché à déterminer si cette entente possède les attributs d’une « entreprise commerciale » et constitue une « entente commerciale ordinaire », M. de Gray a examiné les principales conditions de l’entente qui, selon lui, sont les suivantes :

  • a) remboursement;

  • b) taux de rendement interne de l’Entente ISAD;

  • c) clauses et restrictions;

  • d) autres conditions [88] .

 

[51] L’analyse des conditions de l’Entente ISAD a amené M. de Gray à conclure qu’en général, ces conditions supposaient un profil de risque plus élevé et par conséquent un rendement se situant à l’extrémité supérieure de la gamme des rendements offerts par des « instruments » comparables sur le marché [89] . La Cour a résumé ci-dessous les conclusions de M. de Gray quant à chacune de ces conditions.

a) Remboursement

[52] L’annexe 3 de l’Entente ISAD fixe les conditions de remboursement des contributions. Elles exigent le remboursement inconditionnel complet de toutes les contributions reçues par CAE. Les remboursements doivent être effectués au cours d’une période de quinze ans à partir de 2015. Les montants en souffrance accumulent des intérêts au « taux bancaire » plus 3 %, composé mensuellement [90] . M. de Gray a conclu que l’obligation de rembourser toutes les contributions reçues aux termes de l’entente et les intérêts accumulés sur les montants en souffrance est généralement compatible avec les conditions d’une « entente commerciale » [91] .

[53] En ce qui concerne le report de paiement des intérêts et du capital au cours des cinq premières années de l’Entente ISAD et la période de remboursement de quinze ans, M. de Gray estime que ces deux facteurs augmentent le risque du prêteur relatif à l’entente. Selon M. de Gray, il est inhabituel pour une entente de prêt commerciale de prévoir un report de paiement de cinq ans des intérêts et du capital. M. de Gray a déclaré qu’une entente de prêt commerciale requiert habituellement un remboursement sous une forme ou une autre au cours de la durée de l’entente, et que les périodes de report sont habituellement inférieures à cinq ans [92] .

b) Taux de rendement interne implicite de l’Entente ISAD

[54] M. de Gray a constaté que l’Entente ISAD offre au ministre de l’Industrie du Canada un taux de rendement sur les fonds avancés à CAE. Conformément à l’entente, CAE doit rembourser la valeur nominale complète du montant total des contributions reçues, plus une somme équivalant à ce montant multiplié par un facteur maximal de 0,35 sur une période de quinze ans [93] .

[55] Pour déterminer si l’Entente ISAD possède les attributs d’une « entreprise commerciale » et constitue une « entente commerciale ordinaire », M. de Gray a recherché si le taux de rendement « implicite » de l’entente correspondait à un juste taux de rendement du marché compte tenu du profil de risque de l’« investissement ». Il s’agit d’un taux de rendement « implicite » parce qu’il n’est fait référence, dans l’entente, à aucun taux de rendement.

[56] D’après les contributions totales reçues par CAE (250 000 000 $) et les remboursements totaux à effectuer (337 500 000 $), M. de Gray a conclu que l’Entente ISAD offrait un rendement de 87 500 000 $ (337 500 000 $-250 000 000 $) [94] . M. de Gray a établi ce que ce rendement en dollars signifiait du point de vue du taux de rendement annuel. Il a calculé le taux de rendement implicite d’après les projections de trésorerie figurant dans l’entente et les modifications subséquentes de l’entente. Il a conclu que le taux de rendement interne implicite de l’entente est d’environ 2,5 % [95] .

[57] Afin de déterminer si ce taux correspondait à un juste taux du marché pour un tel « investissement », M. de Gray a examiné les éléments suivants :

  1. Les conditions de l’entente et leur impact sur un juste taux de rendement du marché;

  2. Les taux de rendement de référence sans risque en vigueur sur le marché à la date à laquelle les parties ont conclu l’entente;

  3. Le rendement des obligations corporatives au Canada et aux États-Unis pour les obligations de la catégorie dite « investment grade » pendant la période en cause;

  4. Les taux de rendement implicites associés à l’émission d’obligations corporatives dans les industries de l’aérospatial et de la défense pendant la période en cause;

  5. Les taux de rendement implicites associés aux créances commerciales existantes de CAE envers des tiers sans lien de dépendance;

  6. Le taux de rendement du marché implicite de l’Entente ISAD tel que déterminé par CAE et se retrouvant dans ses rapports financiers [96] .

Conditions de l’Entente ISAD

[58] M. de Gray a examiné les conditions qui, selon lui, ont une incidence sur le profil de risque de l’Entente ISAD. Ces conditions sont les suivantes :

(a) durée moyenne jusqu’à l’échéance;

(b) sûreté;

(c) clauses et restrictions;

(d) classement;

(e) conditions de remboursement;

(f) remboursement anticipé;

(g) taux de rendement fixe et taux d’intérêt.

(a) Durée moyenne jusqu’à l’échéance

[59] M. de Gray a considéré que l’Entente ISAD était d’une durée de vingt ans, c’est-à-dire une période de contribution de cinq ans suivie de la période de remboursement de quinze ans. Il a déclaré que plus l’échéance est lointaine, plus le risque inhérent à une entente est élevé et, par conséquent, plus le taux de rendement est élevé [97] .

(b) Sûretés

[60] Les « contributions » aux termes de l’Entente ISAD ne sont assorties d’aucune sûreté. Étant donné que les instruments non garantis présentent un risque inhérent plus élevé pour le fournisseur des contributions, le taux de rendement applicable à ces instruments est plus élevé.

(c) Clauses et restrictions

[61] Les clauses visent à offrir des protections au prêteur; le risque pour le prêteur est donc accru si une entente contient des clauses minimales. Après avoir examiné l’Entente ISAD, M. de Gray a conclu que les protections prévues étaient minimales. Par conséquent, le rendement requis et le profil de risque de l’entente sont plus élevés [98] .

(d) Classement

[62] Selon M. de Gray, l’Entente ISAD n’aborde pas expressément le classement de l’« instrument » par rapport aux autres « instruments » d’emprunt émis et en circulation de CAE. M. de Gray a déclaré que le classement d’un « instrument » d’emprunt correspond à l’ordre d’admissibilité de l’« instrument » ou à sa priorité sur les actifs de la société emprunteuse par rapport aux autres prêteurs de la société. Un « instrument » d’emprunt occupant un rang élevé dans le classement a un profil de risque plus faible puisque le prêteur est plus susceptible de recevoir les fonds dus, comparativement au prêteur détenant un instrument d’emprunt occupant un rang inférieur dans le classement. M. de Gray a conclu que puisque l’entente est muette sur la question du classement, cela augmente l’exposition au risque pour le ministre de l’Industrie du Canada [99] .

(e) Remboursement

[63] M. de Gray a déclaré que l’exposition au risque du ministre de l’Industrie du Canada était accrue parce que l’Entente ISAD ne prévoit aucun remboursement au cours des cinq premières années de versement des contributions et que le remboursement augmente graduellement au cours des quinze années qui suivent cette période. Il a affirmé que, habituellement, les prêteurs exigent au moins le paiement d'intérêts [100] . Ainsi, le taux de rendement de l’entente devrait être plus élevé.

(f) Remboursement anticipé

[64] L’Entente ISAD permet à CAE de mettre fin prématurément à l’entente et de rembourser de manière anticipée la totalité des sommes dues, en plus d’une prime de 2,75 %. Selon M. de Gray, cette option est généralement avantageuse pour le bénéficiaire du capital. Par ailleurs, l’option est désavantageuse pour le bailleur de fonds parce qu’elle réduit sa capacité à prévoir le niveau de ses liquidités futures. Par conséquent, les instruments financiers avec des options de remboursement anticipé présentent des taux de rendement supérieurs [101] .

(g) Taux de rendement fixe et taux d’intérêt

[65] Le taux de rendement prévu dans l’Entente ISAD est fixe. Il reste le même pendant toute la durée de l’entente, quel que soit le taux d’intérêt du marché. Par conséquent, les taux fixes sont supérieurs aux taux variables ou flottants puisque le prêteur, dans le cadre d’une entente fixe, est exposé aux fluctuations des taux du marché pendant la durée de l’entente [102] .

Taux de rendement de référence sans risque en vigueur sur le marché à la date à laquelle les parties ont conclu l’entente

[66] Selon M. de Gray, le taux sans risque constitue le taux de rendement théorique auquel un investisseur s’attendrait dans le cas d’un investissement sans risque au cours d’une période donnée. Le taux sans risque correspond à un taux de base ou à un taux plancher garanti. Par conséquent, le taux de rendement d’un instrument donné doit être accompagné d’une prime afin de compenser la hausse du profil de risque. En pratique, le rendement des obligations du gouvernement canadien et du gouvernement américain est considéré par beaucoup comme une indication d’un taux sans risque au Canada et aux États-Unis, respectivement [103] .

[67] La durée approximative de l’Entente ISAD étant de 20 ans, M. de Gray a examiné le taux de rendement sans risque des obligations sur 20 ans mesuré par le gouvernement canadien et le Trésor américain [104] . M. de Gray a comparé le taux de rendement implicite de l’Entente ISAD aux taux de rendement sans risque pour la période allant du 31 mars 2007 au 31 mars 2014; il a conclu que le taux de rendement implicite de l’entente (2,50 %) était inférieur d’environ 1,15 % au taux de rendement sans risque (3,65 %) au Canada en date du 30 mars 2009. D’après cette observation, il a conclu que, compte tenu du profil de risque plus élevé de l’Entente ISAD par rapport aux obligations d’État sans risque, l’Entente ISAD aurait dû donner lieu à un taux de rendement supérieur au taux sans risque [105] .

Rendement des obligations corporatives accessibles au Canada et aux États-Unis pour les obligations de première qualité

[68] M. de Gray a examiné le taux de rendement d’obligations corporatives canadiennes de notation BBB ayant des conditions jusqu’à l’échéance semblables à celles de l’Entente ISAD, pendant la période allant de 2008 à 2014. Selon M. de Gray, les obligations corporatives ayant une notation BBB ou supérieure sont généralement considérées comme étant de catégorie investissement, c’est-à-dire de très bonne qualité.

[69] Le 30 mars 2009, il a conclu que le taux de rendement des obligations corporatives canadiennes ayant un niveau de risque comparable à celui de CAE et ayant une échéance de 20 ans était d’environ 8,54 %. Compte tenu du profil de risque de CAE, ceci a amené M. de Gray à conclure qu’il s’attendait à ce que le taux de rendement de l’Entente ISAD dépasse 8,54 % [106] .

Taux de rendement implicites associés à l’émission d’obligations corporatives dans les industries de l’aérospatial et de la défense pendant la période en cause

[70] M. de Gray a fait remarquer que, de 2007 à 2014, plusieurs entreprises au sein des industries de l’aérospatial et de la défense avaient émis des obligations corporatives non garanties dont les échéances allaient de dix à trente ans. Le taux de rendement des obligations ayant une notation A à BB+ pendant la période se situait entre 2,5 % et 7,75 %, le taux moyen étant de 5,13 %.

[71] Examinant notamment l’analyse comparative de crédit interne de CAE, M. de Gray a conclu que le taux de rendement de l’Entente ISAD est inférieur au taux de rendement du marché des obligations des industries de l’aérospatial et de la défense. Il a conclu que le taux de rendement de l’entente est nettement inférieur au taux de rendement du marché [107] .

Taux de rendement implicites associés à la créance commerciale existante de tiers sans lien de dépendance de CAE

[72] M. de Gray a déclaré que le taux d’intérêt implicite des ententes de créance commerciale existante de CAE avec des tiers sans lien de dépendance constitue un indicateur de taux de rendement du marché pour l’Entente ISAD. M. de Gray a constaté, dans les notes des rapports annuels de CAE, que CAE était partie à plusieurs ententes de prêt au cours de la période de 2008 à 2014. M. de Gray a trouvé particulièrement intéressante la somme de 120 000 000 $ de dollars américains obtenue par CAE en 2010 au moyen d’un placement privé. Il s’agissait d’un placement non garanti ayant une durée moyenne jusqu’à l’échéance de 8,5 ans et un taux d’intérêt combiné de 7,15 % avec intérêts payables semestriellement. Compte tenu de la proximité de la date d’émission du placement privé et celle la conclusion de l’Entente ISAD, du montant du prêt et du fait qu’il n’était assorti d’aucune garantie, M. de Gray a conclu que ce placement privé constituait un indicateur raisonnable d’un juste taux de rendement du marché pour l’entente.

[73] Selon M. de Gray, le taux de rendement de l’Entente ISAD aurait dû être supérieur au taux de 7,15 % du placement privé, vu les éléments suivants :

1. L’entente avait une durée plus longue que le placement privé, soit quinze à vingt ans au lieu de huit ans;

2. Le placement privé bénéficiait d’un classement préférentiel (créance prioritaire);

3. L’entente était assortie de clauses minimales comparativement au placement privé;

4. L’entente comportait des conditions de remboursement différé.

Taux de rendement du marché implicite associé aux rapports financiers de CAE concernant l’Entente ISAD

[74] Selon M. de Gray, les états financiers annuels consolidés et vérifiés de CAE, de même que l’information présentée en annexe, permettent de mieux comprendre l’évaluation, par la direction de CAE, d’un juste taux de rendement du marché pour l’Entente ISAD.

[75] Aux fins des états financiers, CAE a ajusté la valeur nominale des contributions reçues en application de l’Entente ISAD en fonction de leur juste valeur marchande. CAE a retenu, pour les obligations de l’entente ISAD, un juste taux de rendement du marché allant de 6 % pour les contributions reçues en 2014 à 13 % pour les contributions reçues en 2010. Le taux de rendement du marché cumulatif pondéré implicite calculé par M. de Gray est de 10,1 % à la fin de l’exercice 2014 [108] . D’après les documents de CAE, les obligations de l’entente (contributions à rembourser) s’alignaient sur la gamme supérieure des références du marché [109] .

[76] Par exemple, les contributions reçues par CAE, totalisant 33 805 358 $ pour l’exercice 2010, ont été actualisées pour représenter une obligation de 9 125 957 $ sur les états financiers de CAE. CAE a ensuite retenu un juste taux de rendement du marché de 13 % pour les contributions versées au cours de l’exercice 2010. Pendant toute la période au cours de laquelle des contributions ont été versées, CAE a actualisé le montant total de son obligation, le faisant ainsi passer de 250 000 000 $ à 139 095 006 $.

c) Clauses et restrictions

[77] M. de Gray a déclaré que les ententes commerciales sont généralement soumises à plusieurs clauses protectrices et restrictions qui protègent les intérêts du bailleur de fonds [110] . Il s’agit notamment de clauses financières qui sont des mesures ou des ratios de rendement d’exploitation précis utilisés pour surveiller l’entreprise de l’emprunteur et évaluer sa capacité de remboursement [111] . Il s’agit également de clauses positives nécessitant que l’entreprise exécute certaines activités ou continue de respecter certains règlements et certaines clauses restrictives qui limitent les activités de l’emprunteur et établissent des limites pour l’entreprise [112] .

[78] M. de Gray a conclu que l’Entente ISAD comporte certaines clauses protectrices et restrictions mais en moins grand nombre comparativement à une entente commerciale habituelle. De plus, elle ne contient pas de clauses financières précises. Par conséquent, il estime que le ministre de l’Industrie du Canada assume, avec l’entente, un risque plus élevé qu’un prêteur commercial habituel [113] .

d) Autres conditions

[79] Selon M. de Gray, l’Entente ISAD comporte un certain nombre de restrictions limitant la capacité de CAE de se départir de toute propriété intellectuelle ou de tout équipement conçu à l’aide des fonds obtenus dans le cadre de l’entente. L’entente limite également la quantité de travail et les coûts qui peuvent être occasionnés hors du Canada. Selon M. de Gray, ces restrictions illustrent les objectifs politiques et nationaux du gouvernement du Canada et sont inhabituelles dans une entente commerciale ordinaire [114] . M. de Gray a ajouté qu’il y a également des raisons politiques aux responsabilités en matière de communication avec le public qui sont présentées à l’annexe 4 de l’entente et qui couvrent la publication d’information et de documents de marketing. Ces responsabilités ne sont pas courantes dans les ententes commerciales ordinaires [115] . Enfin, M. de Gray a déclaré qu’il était également inhabituel, dans des ententes commerciales ordinaires, que le bénéficiaire (en l’occurrence, CAE) soit obligé d’établir des partenariats avec certaines parties sans lien de dépendance et organismes sans but lucratif afin d’être admissible au financement aux termes d’une l’entente [116] .

3. Conclusion de M. de Gray

[80] M. de Gray conclut que l’Entente ISAD ne possède pas les attributs d’un « entreprise commerciale » et ne constitue pas une « entente commerciale ordinaire ». Par conséquent, il conclut également que les paiements versés à CAE en application de l’entente n’ont pas été fait exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur [117] .

[81] M. de Gray est arrivé à cette conclusion après avoir établi qu’un « instrument financier » tel que l’Entente ISAD, compte tenu de son profil de risque, offrait un taux de rendement trop faible comparativement à ce qu’un « investisseur normal » s’attendrait à obtenir de ce type d’« investissement » [118] . Plus précisément, il a tiré les trois conclusions suivantes :

1. Le taux de rendement d’environ 2,5 % présumé par l’entente est nettement inférieur au juste taux de rendement du marché pour un instrument financier dont le profil de risque est comparable à celui de l’entente [119] .

2. L’entente est assujettie à des clauses positives et restrictives minimales et ne contient aucune des clauses financières qui seraient caractéristiques de ce type d’entente commerciale ordinaire [120] .

3. L’entente contient plusieurs autres conditions qui ne sont pas habituelles dans une entente commerciale ordinaire. Ces conditions sont surtout motivées par des considérations politiques ou par l’action du gouvernement, plutôt que par des motifs d’ordre commercial [121] .

V. POSITION DES PARTIES

A. Position de l’appelante

[82] L’appelante soutient que les sommes de 57 084 395 $ et 59 148 888 $ reçues par CAE en vertu de l’Entente ISAD au cours des années d’imposition 2012 et 2013 respectivement ne constituent pas une « aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la LIR [122] .

[83] Selon l’appelante, l’alinéa 12(1)x) et le paragraphe 127(18) de la LIR trouvent application lorsqu’un contribuable obtient une « aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la LIR. Or, puisque ces dispositions font référence à l’expression « montant reçu », elles ne peuvent trouver application que si un montant a été « reçu » à titre d’« aide gouvernementale ».

[84] L’appelante soutient que le montant qui a été « reçu » par CAE est la somme de 250 000 000 $. Selon l’appelante, afin de déterminer si un montant d’« aide gouvernementale » a été « reçu », il est nécessaire de qualifier l’entente. L’appelante a soutenu que l’Entente ISAD constitue un simple prêt puisque, en vertu de celle-ci, le ministère de l’Industrie du Canada a prêté une somme de 250 000 000 $ à CAE sur une période de cinq ans et vu que CAE s’est, quant à elle, engagée à rembourser cette somme inconditionnellement [123] .

[85] L’appelante soutient que la définition d’un simple prêt se retrouve à l’article 2314 C.c.Q et que, selon cette définition, un prêt est un contrat par lequel le prêteur remet une certaine quantité d’argent ou d’autres biens qui se consomment par l’usage à un emprunteur. L’emprunteur s’oblige de son côté à lui en rendre autant, de même espèce et qualité et ce après un certain temps. Selon l’appelante, l’Entente ISAD établit clairement une relation « prêteur-emprunteur » entre le ministre de l’Industrie du Canada et CAE et l’entente a été conclue conformément aux pratiques commerciales habituelles en matière de prêts commerciaux. Plus particulièrement, l’entente contient des clauses en cas de remboursements tardifs et en cas de défaut de remboursement.

[86] L’appelante soutient que la définition de l’« aide gouvernementale » au paragraphe 127(9) de la LIR ainsi que le libellé du paragraphe 127(18) de la LIR impose une condition pour que l’on puisse qualifier un paiement fait en vertu d’une entente d’« aide gouvernementale ; il faut que le montant ait été reçu par un contribuable. Selon l’appelante, tel est le cas en l'occurrence car l’on retrouve l’expression « aide reçue » au paragraphe 127(9) et l’expression « montant reçu » au paragraphe 127(18). Enfin, l’appelante soutient que, étant donné que le législateur a utilisé le verbe « recevoir », il doit y avoir transfert de propriété pour qu’un montant ait été « reçu » au sens de ces dispositions.

[87] L’appelante soutient que, dans le cadre de l’application de la LIR, le prêteur ne transfère pas la propriété de la somme prêtée à l’emprunteur. À l'appui de sa position, l’appelante a cité la jurisprudence suivante : Dunkelman c. M.N.R. [124] et Fonthill Lumber Ltd. c. R. [125] . Selon l’appelante, il n’y a pas transfert de propriété lors d’un prêt parce que le prêteur sera éventuellement remboursé. Pour ces motifs, les sommes versées à CAE en vertu de l’Entente ISAD n’ont pas été reçues à titre d’« aide gouvernementale ».

[88] Enfin, l’appelante soutient que la valeur exprimée en argent de la différence entre le taux d’intérêt implicite de l’Entente ISAD et le taux d’intérêt sur le marché pour un prêt similaire ne peut constituer une « aide gouvernementale » car aucun montant n’a été reçu par CAE de ce fait. L’appelante soutient que cette question n’a toutefois pas été déférée à notre Cour et par conséquent, elle n’a pas souhaité faire de plus amples observations sur ce point, même si la Cour lui a donné la possibilité de le faire.

B. Position de l’intimée

[89] L’intimée soutient que la somme de 250 000 000 $ reçues par CAE en vertu de l’Entente ISAD a été reçue à titre d’« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la LIR. Par conséquent, CAE devait soustraire dans le calcul de ses dépenses de RS&DE déductibles les sommes de 41 003 491 $ et de 40 652 951 $ au cours de ses années d’imposition 2012 et 2013 respectivement et ce, en vertu de l’alinéa 37(1)d) de la LIR.

[90] Pour le même motif, mais selon le paragraphe 127(18) de la LIR, CAE devait soustraire dans le calcul de ses dépenses de RS&DE admissibles aux fins du calcul du crédit d’impôt à l’investissement les sommes 57 084 395 $ et de 59 148 888 $, car elles ont été reçues ou étaient à recevoir en vertu de l’entente au cours desdites années d’imposition.

[91] Enfin, l’intimée soutient que la somme de 14 806 945 $, soit la différence entre la somme reçue ou à recevoir par CAE au cours de son année d’imposition 2012 (55 810 430 $) et la somme effectivement reçue au cours de ladite année (41 003 491 $) devait être incluse dans le revenu de CAE aux termes du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la LIR.

[92] Selon l’intimée, les dispositions de la LIR ont pour but de donner des encouragements fiscaux aux entreprises sur les coûts nets relatifs à l’exécution de travaux de RS&DE au Canada. Les dispositions en cause restreignent l’accès aux allègements fiscaux au titre des dépenses de RS&DE et aux crédits d’impôt à l’investissement. Sur ce point, la position de l’intimée est essentiellement la même que celle qui fut défendue par le procureur général du Canada à l'occasion de l’affaire Immunovaccine [126] . Le paragraphe 37(1) de la LIR énumère les dépenses de RS&DE déductibles. Les éléments figurant aux alinéas 37(1)a) à 37(1)c.3) de la LIR augmentent le compte de dépenses et ceux figurant aux alinéas 37(1)d) à 37(1)h) le diminuent. L’aide gouvernementale réduit, aux termes de l'alinéa 37(1)d) de la LIR, le compte de dépenses de RS&DE déductibles si elle se rapporte à une dépense de RS&DE du contribuable qui exploite une entreprise au Canada au cours d’une année d’imposition. Lorsque des montants reçus à titre d’aide gouvernementale et utilisés aux fins de RS&DE doivent être remboursés, il sera possible de déduire ces montants du revenu du contribuable, une fois qu’ils auront été emboursés en vertu de l’alinéa 37(1)c) de la LIR.

[93] En ce qui concerne le crédit d’impôt à l’investissement, selon le paragraphe 127(18) de la LIR, l’aide gouvernementale reçue ou à recevoir par le contribuable se rapportant aux activités de RS&DE doit être déduite dans le calcul des dépenses de RS&DE admissibles au calcul de son crédit d’impôt à l’investissement. Quant au paragraphe 127(10.7) de la LIR, il précise que le montant d’aide qui est remboursé peut-être ajouté au crédit d’impôt à l’investissement dans l’année où il est remboursé. Dans le cas où le montant d’aide excède le montant des dépenses de RS&DE relatives à un projet en particulier, l’excédent doit être ajouté au revenu dans l’année d’imposition aux termes de l'alinéa 12(1)x) de la LIR.

[94] L’intimée est d’avis que, vu le cadre législatif dans lequel ces dispositions s’inscrivent, il est clair que les contributions remboursables du gouvernement peuvent tout de même constituer une « aide gouvernementale ». L’intimée soutient qu’il n’est pas nécessaire de qualifier l’entente. La définition de l’« aide gouvernementale » n’exige pas de déterminer la classification juridique de l’entente aux termes de laquelle les paiements sont effectués. Cette définition n’exclut aucun type de contrat et énumère de façon non exhaustive différentes catégories d’aide.

[95] Selon l’intimée, dans l’arrêt Immunovaccine [127] , la Cour d’Appel fédérale précise qu’il faut donner un sens large à l’expression « aide gouvernementale ». S’appuyant sur le paragraphe 15 de cet arrêt, l’intimée soutient que l’« aide gouvernementale » peut découler d’ententes dont les sommes versées doivent être remboursées et dont le remboursement inclut une composante de rendement.

[96] L’intimée soutient que, selon le critère consacré par l'arrêt CCLC Technologie [128] , la question à laquelle il faut répondre afin de déterminer si un paiement fait par un organisme gouvernemental a été fait à titre d’« aide gouvernementale » est celle-ci : l’entente a-t-elle été conclue « exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées », c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur? Selon l’intimée, les ententes de ce type qualifiées par la jurisprudence « d’ententes commerciales ordinaires » visent les paiements faits par un organisme public en vertu d’ententes conclues dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise. Elles visent également les paiements faits en vertu d’ententes conclues pour faire l’acquisition de biens et de services qui sont accessoires aux activités d’un organisme public. Ces catégories de paiements sont donc exclues du sens du mot « aide ».

[97] Selon l’intimée, puisque M. de Gray a conclu que l’Entente ISAD n’est pas une entente commerciale ordinaire, le ministre de l’Industrie du Canada n’a pas agi « exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les entreprises privées », c’est-à-dire pour protéger ses intérêts commerciaux. Il cherchait plutôt à promouvoir les intérêts d’entreprises œuvrant dans un secteur important de l’industrie canadienne, incluant ceux de CAE. Par conséquent, les contributions versées en vertu de l’entente peuvent être qualifiées d’« aide gouvernementale ».

[98] L’intimée soutient que plusieurs éléments démontrent que l’objectif de l’Entente ISAD était de promouvoir un secteur d’activités important pour le Canada et non de faire avancer les intérêts commerciaux du ministre de l’Industrie du Canada. Il ressort des objectifs du Programme ISAD qu’il a été conçu pour encourager la RS&DE stratégique et encourager l’innovation et l’excellence des entreprises œuvrant dans le domaine de l’aérospatial et de la défense au Canada; encourager les travaux de RS&DE stratégique menant à l’innovation et à l’excellence; accroître la compétitivité des entreprises canadiennes; favoriser la collaboration entre les instituts de recherche, les universités, les collèges et le secteur privé. En outre, l’avancement des intérêts commerciaux du gouvernement et la possibilité d’un retour sur l’investissement ne sont pas des critères d’évaluation d’une demande de contribution [129] . Le ministre de l’Industrie du Canada examine les propositions en fonction des avantages que peut en retirer le Canada, comprenant les retombées technologiques, sociales et économiques [130] , notamment la création d’emploi au Canada, la formation de la main-d’œuvre, la collaboration avec les universités, les collèges et les instituts de recherche, l’exécution du travail exclusivement ou presque au Canada et dans des installations canadiennes. Selon l’intimée, ces objectifs traduisent clairement la volonté du gouvernement de promouvoir une politique gouvernementale de nature sociale et économique et non ses propres intérêts financiers.

[99] Quant aux taux de rendement interne de l’Entente ISAD, ils s’expliquent ainsi : d’une part, les modalités du programme exigent que le bénéficiaire des contributions rembourse une somme plus élevée que la contribution versée; d’autre part, le gouvernement demande un retour sur investissement afin de réduire le risque que l’assistance donnée aux entreprises soit considérée comme non conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce.

[100] Si la Cour devait conclure que les sommes versées à CAE en vertu de l’Entente ISAD ne peuvent être qualifiées d’« aide gouvernementale », ces sommes (toutes les contributions) devront tout de même être imposées selon l’alinéa 12(1)x) de la LIR à titre de remboursement ou de contribution [131] . D’une part, les montants versés sont clairement définis comme étant des contributions. Par ailleurs, ces contributions sont versées à titre de remboursement des dépenses encourues par CAE relativement au projet Falcon. Toutes les contributions reçues par l’appelante au cours de ses années d’imposition terminées les 31 mars 2012 et 2013 doivent donc être incluses dans le calcul de son revenu pour chacune de ces années en vertu de l’article 12 de la LIR, et ce, dans la mesure où l’inclusion d’un montant n’augmente pas l’impôt actuellement en cause.

[101] Enfin, comme l’appelante, l’intimée soutient que la question de savoir si la valeur exprimée en argent de la différence entre le taux d’intérêt implicite de l’Entente ISAD et le taux d’intérêt sur le marché pour un prêt similaire peut constituer une « aide gouvernementale » n’a pas été soumise à la Cour. L’intimée a aussi dit ne pas souhaiter faire de plus amples observations sur ce point, même si la Cour lui a donné la possibilité de le faire.

VI. DISCUSSION

[102] Afin de répondre aux questions en litige, la Cour doit déterminer si les paiements faits à CAE en vertu de l’Entente ISAD constituent de l’« aide gouvernementale » aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR.

[103] Il convient tout d’abord d’examiner les différentes formes que peut prendre de l’« aide gouvernementale » aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR afin de déterminer si elle peut prendre la forme des paiements faits à CAE en vertu de l’Entente ISAD. Ensuite, la Cour examinera le critère établi par la jurisprudence afin de déterminer si des paiements faits par un gouvernement, une municipalité ou une autre administration constituent de l’« aide gouvernementale » aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR. Enfin, la Cour déterminera si les paiements totalisant 250 000 000 $ faits à CAE en vertu de l’Entente ISAD constituent de l’« aide gouvernementale » aux termes de cette disposition.

A. Les différentes formes que peut prendre l’aide reçue d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR.

[104] L’expression « aide gouvernementale » est définie au paragraphe 127(9) de la LIR comme suit:

« aide gouvernementale » — Aide reçue d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l’impôt ou allocation de placement ou sous toute autre forme, à l’exclusion d’une déduction prévue au paragraphe (5) ou (6).

[Je souligne.]

[105] Cette définition est claire. En vertu de celle-ci et vu l’utilisation de l’expression « sous toutes autres formes », l’aide reçue d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration peut prendre n’importe quelle forme, à l’exclusion des déductions prévues par les paragraphes 127(5) et (6) de la LIR. L’énumération des formes d’aide au paragraphe 127(9) de la LIR n’est donc pas exhaustive et les formes d’aide énumérées ne sont que des exemples. D’ailleurs, notre Cour a décidé dans l’affaire Immunovaccine Technologies Inc. c. R. [132] , qu’une contribution remboursable à des projets de recherches versée par une agence gouvernementale pouvait constituer une « aide gouvernementale » aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR et ce, bien que cette forme d’aide ne soit pas spécifiquement mentionnée à cette disposition [133] .

[106] Cette interprétation donnant un sens large à l’expression « aide gouvernementale » a été retenue par la Cour d’appel fédérale du Canada (« Cour d’appel fédérale ») lorsque le jugement Immunovaccine Technologies Inc. c. R. [134] a été porté en appel. Dans son arrêt, la Cour d’appel fédérale a dit à ce sujet :

Il convient de souligner que l’expression « aide reçue d’un gouvernement » précède une énumération: prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l’impôt, allocation de placement. Toutefois, l’expression « ou sous toute autre forme » suit immédiatement cette énumération. Contrairement à l’affirmation de l’appelante — et comme l’a conclu la juge au paragraphe 45 de ses motifs — une telle expression ne limite pas la forme de l’aide visée au paragraphe 127(9). Elle donne plutôt un sens large au mot « aide », englobant diverses formes d’aide gouvernementale qui ne font pas nécessairement partie de ladite énumération. Par conséquent, cette définition peut comprendre les ententes qui ne sont pas purement gratuites et unilatérales [135] .

[Je souligne.]

[107] Par conséquent, aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR, il est possible que les paiements faits à CAE en vertu de l’Entente ISAD puissent constituer de l’« aide gouvernementale ».

B. Le critère consacré par la jurisprudence afin de déterminer si un paiement fait par un gouvernement, une municipalité ou une autre administration constitue de l’« aide gouvernementale » aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR.

[108] Afin de déterminer si un paiement constitue de l’« aide gouvernementale » aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR, la Cour doit appliquer le critère consacré par la division d’appel de la Cour fédérale dans l’arrêt Consumers’ Gas Co. c. R. [136] (« Consumers’ Gas ») et repris par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Canada c. CCLC Technologies Inc. [137] (« CCLC Technologies ») et Immunovaccine Technologies Inc. c. R. [138] Immunovaccine »). Le critère établi par ces arrêts est le suivant : si des paiements ont été faits exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que ceux faits par des entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur, il ne s’agit pas d’« aide gouvernementale » aux termes du paragraphe 127(9) de la LIR.

[109] Il convient cependant d’examiner ces arrêts plus en détail afin d’identifier la manière dont ce critère a été appliqué.

[110] Dans l’arrêt Consumers’ Gas, la Cour était appelée à se prononcer sur l’application du paragraphe 13(7.1) d’une ancienne version de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le contribuable était une société publique de distribution de gaz naturel dans la province de l’Ontario qui distribuait du gaz naturel au moyen de pipelines qui suivaient le tracé de rues et de routes. Divers organismes, incluant des autorités publiques, exigeaient à l’occasion que la société déplace certaines parties de son réseau de pipelines pour entreprendre des travaux de construction. Dans ces cas, la société tentait de se faire rembourser le coût total du déplacement des pipelines de l’organisme qui en avait fait la demande, notamment lorsqu’il s’agissait d’autorités publiques [139] .

[111] Dans cette affaire, il était clair que les remboursements faits à Consumers’ Gas ne constituaient pas une forme d’aide gouvernementale, car ces paiements avaient été faits exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que ceux faits par des entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur. Ces paiements avaient été faits en vertu d’une entente commerciale ordinaire. Le passage pertinent de cet arrêt est le suivant :

À mon avis, le mot-clé dans ce texte est « aide », qui, en l’espèce, comporte clairement la notion d’octroi ou de subvention. En l’espèce, il ressort clairement de la preuve que les paiements faits à Consumers’ Gas par des organismes publics comme des municipalités, Hydro-Ontario et d’autres organismes semblables ont été effectués exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur [140]

[Je souligne.]

[112] Dans la même affaire, la Cour s’est aussi appuyée sur certaines observations faites dans le jugement Ottawa Valley Power Co. c. MRN [141] (« Ottawa Valley ») afin de conclure que des paiements faits dans le cadre d’une entente commerciale ordinaire conclue à des fins commerciales ne pouvaient pas être qualifiés d’« aide gouvernementale ». Ces observations sont les suivantes :

Il semble que cette règle vise le cas où un contribuable a acquis des biens moyennant un coût en capital et a aussi reçu un octroi, une subvention ou autre aide d’une autorité publique « à l’égard ou en vue de l’acquisition de biens », auquel cas le coût en capital est censé être « le montant que ces biens ont coûté en capital au contribuable moins ... le montant de l’octroi, de la subvention ou autre aide ». Il ne semble pas que cette règle puisse s’appliquer au cas où une autorité publique a effectivement accordé à un contribuable des avoirs en capital pour les fins de son commerce sans qu’il ne lui en coûte rien. Nonobstant le fait que la règle ainsi interprétée ne s’applique pas au présent cas, je ne pense pas qu’elle puisse s’appliquer aux opérations commerciales ordinaires entre une autorité publique et un contribuable, dans le cas où l’autorité publique fait affaire et négocie avec un particulier de la même façon que toute autre personne exerçant une telle entreprise le ferait. Je ne pense pas que les mots utilisés à l’alinéa h) — « un octroi, une subvention ou une autre aide d’une autorité publique » — puissent s’appliquer à une entente commerciale ordinaire conclue entre les deux parties à l’entente pour des raisons commerciales. Si la législature se servait de l’Hydro-Ontario pour réaliser quelque projet d’ordre législatif visant à accorder des octrois pour encourager les hommes d’affaire à se lancer dans certains types d’entreprises, il me serait alors aisé d’appliquer l’alinéa h) aux octrois en cause. Ici, cependant, me semble-t-il, la législature a simplement autorisé l’Hydro-Ontario à accomplir certaines choses jugées favorables à la réussite de certains changements dans ses méthodes d’exploitation; ce que l’Hydro-Ontario fut ainsi autorisé à accomplir était de même nature que ce que d’autres personnes exploitant une entreprise semblable et obligées de faire des changements similaires pourraient juger utile de faire. Je ne peux considérer ce qui est fait dans de telles circonstances comme étant « une aide » accordée par une autorité publique en tant qu’autorité publique. [142]

[Je souligne.]

[113] Dans les arrêts CCLC Technologie et Immunovaccine, la Cour d’appel fédérale s’est prononcée sur le sens à donner à l’expression « aide gouvernementale » figurant au paragraphe 127(9) de la LIR. Dans l’arrêt Immunovaccine, la Cour a adopté le critère en vertu duquel un paiement, constitue de l’« aide gouvernementale » s’il n’a pas été fait exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons qu’un paiement fait par une entreprise privée, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur.

[114] Le passage pertinent de l’arrêt CCLC Technologie est le suivant :

Le présent appel soulève deux questions.

(1) Les sommes payées par le gouvernement de l’Alberta à l’intimée constituent-elles une forme « d’aide » versée sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l’impôt, allocation de placement ou sous toute autre forme [...] au sens du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi de l’impôt sur le revenu, dans lequel est défini le revenu, et au sens des paragraphes 127(11.1) et 127(9) dans lesquels sont définis les crédits d’impôt à l’investissement?

(2) Si la réponse à la première question est positive, ces sommes ne devraient-elles pas néanmoins être exclues du revenu aux termes du sous-alinéa 12(1)x)(viii) parce qu’elles sont un paiement fait au titre de l’acquisition par le débiteur [...] d’un droit sur le contribuable, dans son entreprise ou dans son bien [...]? Pour ce qui a trait à la première question, nous sommes d’avis que les sommes versées à l’intimée constituent une forme d’aide gouvernementale. Dans l’arrêt La Reine c. Consumers Gas Company Ltd., la Cour a mis en contraste « l’aide gouvernementale » et les paiements faits par des organismes publics.

exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts du payeur.

Dans ce contexte, il est clair que la Cour traitait de paiements effectués afin de promouvoir les intérêts commerciaux du payeur.

3 L’entente, à notre avis, ne constitue pas une convention commerciale ordinaire entre les parties. Le gouvernement de l’Alberta s’est engagé à fournir la technologie et à verser des fonds à l’intimée. Bien que le gouvernement ait obtenu à court terme une participation, il aurait été obligé, si le projet s’était révélé commercialement viable, de vendre sa participation à l’intimée pour une contrepartie équivalant simplement au montant de sa contribution financière, majorée des frais d’intérêt connexes. Si le projet s’avérait n’avoir aucune valeur commerciale, comme ce fut le cas pendant la période en question, le gouvernement n’avait droit à rien, sauf à une participation dans une technologie n’ayant aucune valeur commerciale actuelle. Nous estimons qu’il est impossible de qualifier cette entente de convention commerciale ordinaire. Quelle que soit la valeur de l’entente, du point de vue de la politique publique de l’Alberta, elle ne constitue pas une convention qu’une entreprise accepterait de conclure pour promouvoir ses intérêts commerciaux. Une entreprise qui investirait des fonds dans des projets en acceptant de n’en retirer aucun bénéfice net si ce projet a du succès et de n’en retirer une participation que si l’entreprise n’a pas de valeur commerciale ne survivrait pas longtemps [143] .

[Je souligne.]

[115] Le passage pertinent de l’arrêt Immunovaccine est le suivant :

10 Dans l’arrêt Canada c. CCLC Technologies Inc., [1996] A.C.F. nº 1226 (QL), 1996 CanLII 11571 (CCLC Technologies), notre Cour a adopté un critère pour déterminer si les versements effectués par une autorité publique semblable à l’APÉCA en vertu d’une entente ont les caractéristiques d’une entreprise commerciale. Autrement dit, la question clé est la suivante: l’autorité publique en question agit-elle à titre commercial plutôt que gouvernemental?

11 La juge a renvoyé au critère établi dans l’arrêt CCLC Technologies et l’a appliqué pour savoir si l’organisme gouvernemental a agi « exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts [commerciaux] du payeur » (par. 46 des motifs de la juge) [144] .

[Je souligne.]

[116] À la lecture des arrêts Consumers’ Gas, CCLC Technologies et Immunovaccine, je suis d’avis qu’afin de déterminer si des paiements faits en vertu d’une entente constitue de l’« aide gouvernementale », il ne suffit pas de déterminer si des paiements ont été faits exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que ceux faits par des entreprises privées. Je suis plutôt d’avis qu’afin de déterminer si le critère établi par ces arrêts est rencontré, la Cour doit déterminer si les paiements ont été faits afin de promouvoir les intérêts commerciaux du payeur, c’est-à-dire s’ils ont été faits en vertu d’une « entente commerciale ordinaire » [145] . En effet, je crois qu’une entente peut-être une « entente commerciale ordinaire » même si les paiements faits en vertu de celle-ci n’ont pas été faits exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que ceux faits par des entreprises privées. Compte tenu des circonstances, une entreprise peut très bien déterminer qu’il est opportun pour elle, dans l’intérêt de promouvoir ses intérêts commerciaux, de conclure une entente dont les conditions diffèrent d’ententes comparables intervenues entre des entreprises privées durant la même période. Enfin, je crois aussi que puisque les paiements faits en vertu d’une entente sont effectués conformément à ses conditions, il convient d’examiner lesdites conditions afin de déterminer si elles correspondent aux conditions d’une entente commerciale ordinaire et, si nécessaire, effectuer une analyse comparative [146] . À ce sujet, il est logique de conclure, à moins de preuve du contraire, qu’il est généralement contraire aux intérêts commerciaux d’une entreprise d’être partie à une entente dont les conditions sont substantiellement moins avantageuses que celles d’ententes ordinairement conclues dans les mêmes circonstances.

C. Est-ce que l’Entente ISAD est une « entente commerciale ordinaire »?

[117] À la lecture de l’Entente ISAD et en tenant compte des circonstances, il n’est pas possible de déterminer s’il s’agit ou non d’une « entente commerciale ordinaire ». Les faits démontrent qu’en concluant l’Entente ISAD, le gouvernement du Canada voulait aider un secteur d’activité important pour le Canada et non faire avancer ses intérêts commerciaux. Ceci ne permet pas à la Cour de conclure que l’Entente ISAD n’est pas une entente commerciale ordinaire. Tel que mentionné précédemment, afin de faire cette détermination, je suis d’avis que la Cour doit comparer les conditions de l’Entente ISAD à celles d’ententes commerciales qui ont été conclues par des entreprises privées à la même époque en vue d’obtenir un financement de 250 000 000 $. À cette fin, il est nécessaire de qualifier l’entente. Une fois l’entente qualifiée, la Cour sera en mesure d’identifier les principales conditions de ce type d’entente aux fins de comparaisons et ainsi être en mesure de déterminer s’il s’agit d’une « entente commerciale ordinaire ». Il est donc nécessaire d’effectuer une analyse comparative.

1. Qualification de l’Entente ISAD

[118] L’Entente ISAD n’a pas été qualifiée expressément par les parties. L’intimée soutient qu’il s’agit d’une entente de contribution visant à octroyer une aide financière à un projet de recherche et développement. Quant à l’appelante, elle soutient qu’il s’agit d’un simple prêt au sens de l’article 2314 du C.c.Q. L’entente fait effectivement référence à des « contributions », mais cela n’est pas déterminant en soi. Lors de son témoignage, M. Lemieux a qualifié ces contributions « d’investissement », mais encore là, ceci n’est pas déterminant. Une « contribution » à des travaux de recherche et développement peut prendre des formes différentes, tout comme un investissement dans une entreprise.

[119] En l’espèce, il est nécessaire d’avoir recours au droit civil en vigueur au Québec afin de qualifier l’Entente ISAD. En effet, aux termes de l’article 8.1 de la Loi d’interprétation [147] , en vue d’assurer l’application de la LIR dans la province de Québec, lorsqu’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils, la Cour doit avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur au Québec [148] .

[120] Est-ce que l’Entente ISAD peut être qualifiée de prêt comme le soutient l’appelante? Le simple prêt est défini par l'article 2314 du Code civil du Québec comme suit :

2314. Le simple prêt est le contrat par lequel le prêteur remet une certaine quantité d'argent ou d'autres biens qui se consomment par l'usage à l'emprunteur, qui s'oblige à lui en rendre autant, de même espèce et même qualité.

[121] Selon le droit civil, lorsque le juge doit qualifier une entente, il doit rechercher l’opération juridique envisagée par les parties. Cela peut être fait en déterminant quel était l'objectif des parties lors de la conclusion de l’entente ou, plus fréquemment, en déterminant quelle est la prestation essentielle qui est au cœur de l’entente [149] . L'examen des obligations et autres effets de l’entente peut aussi être utile ou nécessaire afin de qualifier l’entente [150] . Lors de la qualification de l’entente, les éléments extrinsèques à celle-ci, comme les circonstances entourant sa formation et son application par les parties, sont des faits auxquels le juge peut faire référence, mais seulement lorsque l’entente est ambiguë [151] . Il est à noter que le juge n'est jamais lié par la qualification donnée à l’entente par les parties [152] .

[122] Les prestations essentielles des parties à l’Entente ISAD sont facilement identifiables. Pour le ministre de l’Industrie du Canada, il s’agit de verser une contribution totale maximale de 250 000 000 $ à CAE au cours d’une période de 5 ans, soit de 2009 à 2015, selon les conditions prévues à l’entente. Quant à la prestation essentielle de CAE, il s’agit de rembourser les contributions reçues selon les conditions et l’échéancier prévues à l’entente.

[123] Il appert que les prestations essentielles des parties à l’Entente ISAD correspondent aux deux conditions devant être remplies afin qu’une entente puisse être qualifiée de prêt : Selon l’article 2314 C.c.Q soit la remise d’une certaine quantité d’argent d’une partie à l’autre et l’obligation pour la partie qui l’a reçu de la rendre en même espèce et qualité. En vertu de l’entente, le ministre de l’Industrie du Canada a remis 250 000 000 $ à CAE. Par conséquent, la première condition est remplie. Toujours en vertu de l’entente, CAE devait remettre au ministre de l’Industrie du Canada 337 500 000 $. Par conséquent, la deuxième condition est remplie. Puisque les deux conditions prévues par l’article 2314 C.c.Q. sont réunies, la Cour conclut que l’entente est un prêt.

2. Le rapport d’expertise de M. de Gray

[124] Afin de démontrer à la Cour que l’Entente ISAD ne constitue pas une « entente commerciale ordinaire », l’intimée a fait témoigner M. de Gray. L’essentiel des arguments de l’intimée sur ce point repose sur le contenu de son rapport d’expertise. Ce rapport d’expertise a été déposé en preuve lors du procès. De son côté, l’appelante n’a produit ni rapport d’expertise, ni rapport de contre-expertise.

1. Qualifications de M. de Gray à titre d’expert

[125] L'intimée a demandé à la Cour de reconnaître M. de Gray comme expert en financement des entreprises. Plus particulièrement, elle a demandé que M. de Gray soit reconnu comme expert en évaluation d’instruments de dette et de titres de participation. La Cour a accepté cette demande. Cette décision est fondée sur les faits suivants soumis à l’appréciation de la Cour :

- Tout au long de sa carrière, M. de Gray a été l’auteur ou le coauteur d’articles concernant les principes d’évaluation des entreprises. Il rédige depuis plus de dix ans des rapports d’expert, dont bon nombre ont été présentés devant les tribunaux.

- M. de Gray a étudié à l’École de gestion Rotman de l’Université de Toronto, où il a obtenu son baccalauréat en commerce.

- Il a obtenu son titre de comptable agréé après un stage de trois ans au sein de la société Ernst & Young.

- Il a obtenu son titre d’expert en évaluation d’entreprise en 2012.

- Il a obtenu un certificat en juricomptabilité de l’American Institute of CPAs en 2017.

- A l'heure actuelle, il est directeur du service des différends et des enquêtes de la société Duff & Phelps. Ce service est chargé de l’analyse des évaluations, des rapports d’expert, de l’analyse de quantification des dommages ainsi que des rapports de pertes financières.

[126] L'appelante ne s’est pas objectée à la qualification de M. de Gray à titre d’expert.

2. La tâche de M. de Gray et la question devant la Cour

[127] L’intimée a posé à M. de Gray la question suivante : Les paiements faits en vertu de l’Entente ISAD ont-ils été faits exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les paiements faits par les entreprises privées, c’est-à-dire afin de promouvoir les intérêts [commerciaux] du payeur ? Le rapport de M. de Gray porte sur cette question. Afin de répondre à cette question, M. de Gray a tout d’abord déterminé si l’entente constituait une « entente commerciale ordinaire ». Il est donc pertinent pour la Cour d’examiner l’analyse faite par M. de Gray à cette fin.

[128] Après avoir examiné les principales conditions de l’Entente ISAD, M. de Gray a conclu qu’elle ne constituait pas une « entente commerciale ordinaire ». Afin de tirer cette conclusion, M. de Gray a tout d’abord tiré les trois conclusions suivantes:

1. Le taux de rendement implicite de l’entente d’approximativement 2,5 % est nettement inférieur au juste taux de rendement du marché pour un instrument financier dont le profil de risque est comparable à celui de l’entente;

2. L’entente est assujettie à des clauses minimales et ne contient aucune des clauses financières caractéristiques d’une entente commerciale de ce type;

3. L’entente contient plusieurs autres conditions qui ne sont pas habituelles dans une entente commerciale de ce type. Ses modalités sont surtout motivées par des considérations politiques ou par l’action du gouvernement, plutôt que par des motifs d’ordre commercial.

[129] Il convient donc d’examiner plus en détail chacune de ces conclusions.

[130] M. de Gray a conclu que le taux de rendement est l’une des principales conditions d’une entente du type de l’Entente ISAD. La Cour conclut selon le témoignage de M. de Gray et en l’absence d’autre élément de preuve, que le taux de rendement d’une entente ayant le même objet que l’Entente ISAD est l’une des conditions principales d’une telle entente. Pour les mêmes motifs, la Cour conclut aussi que le taux de rendement implicite de l’Entente ISAD d’approximativement 2,5 % est substantiellement inférieur à celui d’instruments financiers ayant un profil de risque similaire. De plus, l’appelante n’a pas présenté de preuve afin d’établir qu’un prêteur aurait conclut, afin de promouvoir ses intérêts commerciaux, une entente telle que l’Entente ISAD à un taux d’intérêt de 2,5 %. Compte tenu de ceci et du fait que la Cour a déjà conclu que le taux de rendement de l’Entente ISAD est l’une de ses conditions principales, la Cour a conclu que l’Entente ISAD n’est pas une « entente commerciale ordinaire ».

[131] Ceci dit, la Cour a tout de même examiné les faits sur lesquels M. de Gray s’est fondé pour conclure que le taux de rendement de l’Entente ISAD est substantiellement inférieur à celui d’instruments financiers ayant un profil de risque similaire.

[132] M. de Gray a examiné, pour la période de 2008 à 2014, les taux d’intérêt des obligations du Gouvernement du Canada, des bons du trésor des États-Unis, des obligations émises par des entreprises canadiennes et celles émises par des entreprises œuvrant spécifiquement dans les secteurs de l’aérospatiale et de la défense. M. de Gray a aussi examiné les prêts commerciaux obtenus par CAE au cours de la même période. Finalement, il a examiné la manière dont CAE a traité l’Entente ISAD dans ses rapports financiers.

[133] Le taux d’intérêt d’un instrument financier considéré sans risque est utile aux fins de l’analyse devant être effectuée par la Cour. Seul le taux des obligations du Gouvernement du Canada est cependant retenu par la Cour, car M. de Gray n’a pas expliqué pourquoi la Cour devrait considérer le taux sans risque en vigueur sur le marché américain. Le 30 mars 2009, soit au moment de la conclusion de l’Entente ISAD, ce taux était de 3,65 % en moyenne. Durant la période de 2008 à 2014, le taux moyen a fluctué de 2,88 % à 4,33 %.

[134] En l’espèce, il n’est pas nécessaire d’étudier les taux d’intérêt des obligations émises par des entreprises sur le marché canadien. Une émission d’obligation ne constitue pas un prêt, il s’agit de transactions complètement différentes. La Cour comprend qu’il est possible de comparer différents « instruments financiers » en fonction du risque associé à chacun d’eux. Cependant, il n’est pas nécessaire de le faire dans le cas présent car M. de Gray a eu accès à de l’information concernant des prêts commerciaux obtenus par CAE. La Cour est d’accord avec la conclusion de M. de Gray portant sur le taux d'intérêt de prêts commerciaux constitue une indication du taux d’intérêt sur le marché applicable à une entente comparable à l’Entente ISAD. Les prêts commerciaux obtenus par CAE constituent effectivement des transactions ayant un plus haut degré de comparabilité que des émissions d’obligations.

[135] Quant aux prêts commerciaux obtenus par CAE, M. de Gray a constaté que CAE a conclu un certain nombre d’ententes de prêts au cours de la période 2008 à 2014. Il a souligné qu’un montant de 120 000 000 $ a été obtenu par CAE en 2010 dans le cadre d'un placement privé. Celui-ci était particulièrement pertinent puisqu’il n'était pas garanti, il avait une durée moyenne jusqu'à l'échéance de 8,5 ans et un taux d'intérêt combiné de 7,15 % avec intérêts payables semestriellement. Compte tenu de la proximité de la date de conclusion de cette entente avec l'Entente ISAD, du montant du prêt et du fait qu’il n'était assorti d’aucune garantie, M. de Gray a conclu que cette entente lui donnait une approximation raisonnable d'un taux d’intérêt en vigueur sur le marché pour une entente comparable à l’Entente ISAD. En fait, il est d’avis que le taux d’intérêt de l'Entente ISAD aurait dû être supérieur à 7,15 % pour les raisons suivantes : l’entente avait une durée plus longue que le placement privé, soit 15-20 ans ; elle bénéficiait d’un classement préférentiel ; enfin, elle ne comportait pas les clauses restrictives habituelles.

[136] Finalement, M. de Gray a remarqué que, dans ses rapports financiers, CAE reconnaissait que les contributions du « prêteur » en vertu de l’Entente ISAD avaient été obtenues à un taux d’intérêt inférieur au taux d’intérêt en vigueur sur le marché.

[137] Compte tenu de ceci et tel que mentionné précédemment, la Cour conclut que l’Entente ISAD ne constitue pas une « entente commerciale ordinaire ». L’appelante n’a pas fait la preuve qu’une entreprise privée aurait, dans le but de promouvoir ses intérêts commerciaux, conclu cette entente. Il ressort plutôt de la preuve que le taux de rendement implicite de l’entente est nettement inférieur au taux de rendement du marché pour un prêt comparable. De surcroît, il est établi, que le taux d’intérêt sans risque sur le marché pour la période en l’espèce était de 3,65 %. La Cour conclut donc qu’il s’agit en l'espèce d’un prêt consenti à un taux substantiellement inférieur au taux du marché et qu’il aurait été contraire aux intérêts commerciaux d’un prêteur privé de consentir un prêt à ce taux.

D. La somme de 250 000 000 $ versée à CAE en vertu de l’Entente ISAD a-t-elle été « reçue » par CAE au sens des paragraphes 12(1), 127(9) et 127(18) de la LIR?

[138] L’appelante soutient que les paragraphes 12(1), 127(9) et 127(18) de la LIR ne peuvent trouver application que si le contribuable a « reçu » un montant à titre d’« aide gouvernementale ». L'appelante soutient que CAE n’a pas « reçu » un montant d’argent aux termes de l’Entente ISAD car il s’agit d’un prêt et qu’un contribuable ne peut avoir « reçu » un montant sans qu’il y ait eu un transfert de propriété du montant en question.

[139] Le verbe « recevoir » n’est pas défini dans la LIR. Il est défini dans le dictionnaire Le Robert comme suit :

« Être mis en possession de (qqch.) par suite d’un envoi, d’un don, d’un paiement, d’une communication, etc. »

[140] Cette définition ne fait aucunement référence à un transfert de propriété. Il suffit donc d’être mis en possession d’un bien pour l’avoir « reçu », qu’il y ait eu transfert de propriété, ou non. Il en va de même quant à la version en langue anglaise de ces dispositions dans lesquelles le verbe « received » figure. Le dictionnaire Merriam-Webster définit le mot « Receive » ainsi :

« To come into possession ».

[141] Il n’y a aucune indication ou élément de preuve démontrant que le législateur ait voulu ajouter cette condition, soit le transfert de la propriété du bien reçu, pour que les paragraphes 12(1), 127(9) et 127(18) de la LIR puissent trouver application. Par conséquent, la Cour conclut que les contributions versées à CAE en vertu de l’Entente ISAD ont bel et bien été « reçues » au sens des paragraphes 12(1), 127(9) et 127(18) de la LIR.

[142] Quant à l’argument de l’appelante s’appuyant sur la jurisprudence Dunkelman, la Cour constate qu'elle porte sur l’interprétation de l’expression « transferred property » tel qu’elle figure dans le paragraphe 22(1) d’une version antérieure de la LIR. Or, puisque la définition d’« aide gouvernementale » ne fait pas référence à cette expression, la Cour est d’avis qu’il n’est pas pertinent de se pencher sur cette jurisprudence en l’espèce.

VII. CONCLUSION

[143] La Cour conclut que l’Entente ISAD ne constitue pas une entente commerciale ordinaire. Par conséquent, les sommes versées à CAE en vertu de l’entente au cours des années d’imposition 2012 et 2013 respectivement constituent des sommes reçues à titre d’« aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(9) de la LIR. Pour le même motif, les sommes que CAE était en droit de recevoir aux termes de l’entente au cours desdites années d’imposition constituent une « aide gouvernementale » au sens du paragraphe 127(18) de la LIR.

[144] Puisque la Cour peut disposer du présent appel selon les conclusions exposées ci-dessus, elle n’examinera pas la question subsidiaire énoncée au paragraphe 8 du présent jugement.

[145] Pour ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens.

Les présents motifs du jugement modifiés remplacent les motifs du jugement daté du 14e jour de septembre 2021.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de novembre 2021.

« Sylvain Ouimet »

Juge Ouimet


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 57

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-4984(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

CAE INC.

ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 3 et 4 juin 2019 et les 24 et 25 août 2020

MOTIFS DE JUGEMENT MODIFIÉS PAR :

L'honorable juge Sylvain Ouimet

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 septembre 2021

DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS :

Le 8 novembre 2021

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Wilfred Lefebvre

Me Marc-Olivier Plante

Avocat de l'intimée :

Me Dany Leduc

MeAntonia Pereharakis

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Wilfred Lefebvre

Me Marc-Olivier Plante

Cabinet :

Norton Rose Fullbright Canada

Pour l’intimée :

Francois Daigle

Sous-procureur générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Les sommes de 41 003 491 $ et de 40 652 951 $ reçues par CAE au cours des années d’imposition 2012 et 2013 respectivement sont incluses dans les sommes de 57 084 395 $ et de 59 148 888 $ mentionnées à la deuxième question en litige.

[2] Entente partielle sur les faits au para 1.

[3] Ibid au para 2.

[4] Ibid.

[5] Ibid au para 4.

[6] Ibid au para 7.

[7] Ibid au para 6.

[8] Ibid au para 5.

[9] Traduction du titre de l’entente en langue anglaise.

[10] Supra note 2 au para 8. L’entente initiale a été amendée à quatre reprises entre les mois de mars 2010 et mars 2013.

[11] Rapport d’expert de l’intimée à la p 5.

[12] Supra note 2 aux para 12-13. Voir aussi les clauses 6.1 et 6.2 de l’Entente ISAD ainsi que la définition du mot « Projet » à « Schedule 1 » ainsi que la description énoncée à la « Schedule 2 » de l’Entente ISAD.

[13] Désigne les frais engagés et payés par le bénéficiaire relativement au projet indiqué à l’annexe 2 et conformément à l’annexe 5, à l’exclusion de ceux qui sont précisément indiqués dans l’énoncé des travaux comme n’étant pas pris en charge, le cas échéant, ou d’autres frais interdits ailleurs dans cette entente.

[14] Supra note 2 au para 10, clause 4.1 de l’Entente ISAD.

[15] Ibid; Pièce A-1, clause 4.3; Pièce A-1, Onglet 3, Quatrième amendement de l’Entente ISAD, clause 3.

[16] Ibid au para 26.

[17] Ibid au para 28.

[18] Ibid aux para 18, 19; Pièce A-1, supra note 15, Onglet 2 « Entente ISAD », Annexe 3, clauses 1, 2.1 et 2.2.

[19] Ibid aux para 16, 37; Pièce A-1, supra note 15, Onglet 2 « Entente ISAD », Annexe 3, clauses 1, 2.1 et 2.2.

[20] Ibid au para 17; Pièce A-1, supra note 15, Onglet 2 « Entente ISAD », Annexe 3, clauses 1, 2.1 et 2.2.

[21] Ibid au para 21.

[22] Ibid au para 20; Pièce A-1, supra note 15, Onglet 2 « Entente ISAD », Annexe 3, clauses 1, 2.1 et 2.2.

[23] Ibid au para 34; Pièce A-1, supra note 15, Onglet 2 « Entente ISAD », clause 8.1(e).

[24] Ibid au para 35.

[25] Ibid au para 36.

[26] Ibid au para 32; Pièce A-1, supra note 15, Onglet 2 « Entente ISAD », Annexe 6, clause 1.2.

[27] Ibid au para 30–31.

[28] Pièce A-1, supra note 15, Onglet 2 « Entente ISAD » Annexe 6, clauses 1.1(a) et 1.2(a).

[29] Supra note 2 clauses 1.2(b), 1.3.

[30] Ibid clause 1.3.

[31] Ibid au para 38; Pièce A-1, supra note 15, Onglet 2 « Entente ISAD », clause 8.17.

[32] Transcriptions de l’audience du 3 juin 2019 à la p 24.

[33] Ibid à la p 23.

[34] Ibid à la p 24.

[35] Ibid à la p 25.

[36] Ibid.

[37] Ibid à la p 26.

[38] Ibid aux pp 29, 31–33.

[39] Ibid à la p 33.

[40] Ibid à la p 69.

[41] Ibid aux pp 34, 36.

[42] Ibid aux pp 36–38.

[43] Ibid à la p 37.

[44] Ibid à la p 40.

[45] Ibid à la p 45.

[46] Ibid à la p 41.

[47] Ibid.

[48] Ibid.

[49] Ibid aux pp 47–48. Le taux d’intérêt effectif a été défini par M. Malatesta comme étant le taux d’intérêt encouru même si aucun remboursement n’était payable dans l’année.

[50] Ibid à la p 41.

[51] Ibid aux pp 52–53.

[52] Ibid aux pp 47, 53.

[53] Ibid à la p 53.

[54] Ibid à la p 73.

[55] Ibid aux pp 53–54.

[56] Ibid à la p 80.

[57] Ibid aux pp 73, 77, 84–85.

[58] Ibid à la p 85.

[59] Ibid aux pp 83–84.

[60] Ibid aux pp 93–94.

[61] Ibid aux pp 112, 118.

[62] Ibid à la p 112.

[63] Pièces A-4 et A-5 « Annexe 1 – Revenu net (perte nette) aux fins de l’impôt sur le revenu »; Transcriptions de l’audition du 3 juin 2019, à la p 111.

[64] Ibid aux pp 122–123.

[65] Ibid aux pp 154–155.

[66] Ibid à la p 171.

[67] Ibid à la p 127.

[68] Ibid aux pp 143–144.

[69] Ibid à la p 133.

[70] Ibid à la p 149; Pièce I-1, « Plan d’affaire du projet Falcon ».

[71] Ibid à la p 133.

[72] Pièce I-2, « Plan d’affaire du projet Falcon » à la p 12.

[73] Ibid à la p 13.

[74] Transcriptions, supra note 32 aux pp 160, 163; Transcriptions de l’audition du 4 juin 2019 à la p 68.

[75] Ibid aux pp 166167.

[76] Pièce A-1, supra note 15, Onglet 1A « Guide de programme SADI d’Industrie Canada », à la p 5; Transcriptions, supra note 32 à la p 167; Pièce I-4, « Directive sur les paiements de transfert ».

[77] Pièce I-4 « Directive sur les paiements de transfert », Annexe C, no 2.

[78] Pièce I-4, supra note 77, Annexe E, à la p 25.

[79] Ibid aux pp 6972.

[80] Ibid à la p 57.

[81] Ibid aux pp 174177.

[82] Ibid à la p 175.

[83] Ibid à la p 81.

[84] Ibid à la p 60.

[85] Respondent’s Expert Report au para 1.10.

[86] Ibid au para 1.4.

[87] Ibid au para 7.1.1.b.

[88] Ibid au para 7.1.1.1.

[89] Ibid au para 7.3.5.

[90] Ibid au para 7.2.1.

[91] Ibid au para 7.2.2.

[92] Ibid au para 7.2.3.

[93] Ibid au para 6.1.

[94] Ibid au para 6.2.

[95] Ibid au para 6.5.

[96] Ibid au para 7.3.2

[97] Ibid au para 7.3.4.

[98] Transcriptions de l’audition du 24 août 2020 aux pp 7576.

[99] Ibid aux pp 7677.

[100] Ibid.

[101] Ibid.

[102] Ibid.

[103] Supra note 85 au para 7.3.7.

[104] Ibid au para 7.3.7.

[105] Ibid au para 7.3.10.

[106] Ibid au para 7.3.13.

[107] Ibid au para 7.3.18.

[108] Ibid au para 7.3.26.

[109] Ibid au para 7.3.28.

[110] Ibid au para 7.4.1.

[111] Ibid au para 7.4.1 a.

[112] Ibid au para 7.4.1 b.

[113] Ibid au para 7.4.4.

[114] Ibid au para 7.5.7.

[115] Ibid au para 7.5.9.

[116] Ibid à la p 30.

[117] Ibid à la p 3.

[118] Ibid.

[119] Ibid au para 3.1 a; Transcriptions, supra note 98 aux pp 57–58.

[120] Ibid au para 3.1 b.

[121] Ibid au para 3.1 c.

[122] Transcriptions, supra note 3 à la p 3, aux para 7–16.

[123] Supra note 2 au para 16.

[124] Dunkelman c MNR, 59 DTC 1242 (C de l’É).

[125] Fonthill Lumber Ltd c R, 81 DTC 5333 (1re inst.).

[126] Immunovaccine Technologies Inc. c R, 2013 CCI 103.

[127] Immunovaccine Technologies Inc. c R, 2014 CAF 196.

[128] The Queen c CCLC Technologies Inc., 96 DTC 6527 (section d’appel).

[129] Pièce A-1, supra note 15, Onglet 1A), « Guide du programme ISAD d’Industrie Canada » à la p 7.

[130] Pièce A-1, supra note 15, Onglet 1B), « Information à propos du programme » à la p 10; Pièce I-3, « Guide de préparation d’une demande », à la p 22.

[131] Transcription de l’audition du 25 août 2020 à la p 156.

[132] Supra note 126.

[133] Ibid au para 45.

[134] Supra note 126.

[135] Supra note 127 au para 15.

[136] Consumers’ Gas Co c R, [1987] 2 FC 60, 1986 CarswellNat 496.

[137] Canada c CCLC Technologies Inc., (1996) ACF no 1226 (QL), 1996 CanLII 11571.

[138] Supra note 127.

[139] Supra note 136 au para 4. À l'occasion de cette affaire, la Cour était appelée à se prononcer sur l’application du paragraphe 13(7.1) de l’ancienne Loi de l’impôt sur le revenu. Plus précisément, elle devait déterminer le sens de l’expression « aide d’un gouvernement, d’une municipalité ou de tout autre organisme public ». La Cour a conclu que le mot-clé de cette expression était le mot « aide ». Selon la Cour, le mot « aide », comporte clairement la notion d’octroi ou de subvention et elle a conclu que, en l’espèce, les remboursements des coûts de déplacement des pipelines fait par des organismes publics avaient été effectués exactement de la même manière et pour exactement les mêmes raisons que les remboursements faits par les entreprises privées ayant présenté des demandes similaires. Par conséquent, les remboursements effectués par les autorités publiques ne constituaient pas une « aide d’un gouvernement, d’une municipalité ou de tout autre organisme public ».

[140] Ibid au para 11.

[141] Ottawa Valley Power Co c MRN, [1969] 2 Ex CR 64, 1969 CarswellNat 283.

[142] Ibid au para 72.

[143] Supra note 137 aux para 13.

[144] Supra note 127 aux para 1011.

[145] Ibid au para 16; supra note 137 au para 3.

[146] Supra note 127 au para 16.

[147] Loi d’interprétation, LRC 1985, c I-21.

[148] À noter que selon la clause 21 de l’Entente ISAD, celle-ci doit être interprétée selon les lois en vigueur au Canada dans la province canadienne où CAE a son siège social. CAE a son siège social à ville Saint-Laurent dans la province de Québec.

[149] Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd, Montréal, Éditions Thémis, 2018, aux para 1733-1734.

[150] Ibid. Voir aussi : Uniprix Inc. c Gestion Gosselin et Bérubé Inc., 2017 CSC 43, au para 38.

[151] Eli Lilly and Co c Novopharm Ltd, [1998] 2 RCS 129, aux para 54–55.

[152] Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina., Les obligations, 7e éd, Cowansville, Yvon Blais, 2013, à la p 85, no. 56.

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