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Dossier : 2019-2111(IT)I

ENTRE :

MARK G. FOLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 1er novembre 2021, à Halifax (Nouvelle-Écosse)

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Edward R. Sawa

Me Shani B. Frugtniet

Avocat de l’intimée :

Me Devon E. Peavoy

 

JUGEMENT

L’appel interjeté par l’appelant relativement à l’année d’imposition 2017 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2021.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 


Référence : 2021 CCI 92

Date : 20211202

Dossier : 2019-2111(IT)I

ENTRE :

MARK G. FOLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

I. APERÇU

[1] L’appelant a demandé un crédit d’impôt (le « crédit d’impôt pour frais d’adoption » ou « CIFA ») en application de l’article 118.01 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») du Canada, relativement à des dépenses engagées dans le cadre d’un accord de maternité de substitution non génétique (l’« accord de maternité de substitution ») conclu dans les circonstances décrites ci-dessous.

[2] L’appelant reconnaît que les dépenses qu’il a déclarées ne le rend pas admissible aux termes du CIFA. Il affirme néanmoins avoir droit à cet avantage, car la disposition viole ses droits à l’égalité prévus à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). L’appelant demande, à titre de mesure de redressement de cette violation alléguée, un élargissement du CIFA afin de couvrir les dépenses qu’il souhaite déduire.

[3] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le CIFA n’empiète pas sur les droits à l’égalité qui sont garantis à l’appelant par la Charte. Par conséquent, son appel est rejeté.

II. FAITS

[4] Les faits dans le présent appel ne sont pas contestés. Un bref résumé des faits suffira aux fins de la présente affaire.

[5] Le 10 juillet 2017, l’appelant et son épouse se sont inscrits auprès de l’organisme « La maternité de substitution au Canada en ligne » (« Surrogacy in Canada Online, ou « SCO »). Peu de temps après, le couple a conclu un accord de maternité de substitution avec une femme qui a agi comme mère porteuse de l’enfant de l’appelant, issu d’un embryon provenant de l’appelant et de son épouse. Après la naissance de leur enfant, l’appelant et son épouse ont confirmé leur filiation au moyen d’une ordonnance déclaratoire établie en conformité avec la Vital Statistics Act [1] de la province. Dans ses observations écrites et orales, l’appelant est décrit comme un parent de substitution. J’utiliserai cette expression dans l’ensemble du jugement pour établir une distinction entre la relation parent-enfant de l’appelant et celle établie par des parents adoptifs.

[6] Lors de la production de sa déclaration de revenus pour l’année 2017, l’appelant a déduit les sommes suivantes au titre du CIFA :

Type de dépenses

Somme

Commissions d’aiguillage et frais de soutien versés à « La maternité de substitution au Canada en ligne »

6 497,00 $

Avis juridique indépendant donné à la mère porteuse relativement à l’accord de maternité de substitution

1 695,00 $

Honoraires d’avocat pour la préparation de l’accord de maternité de substitution

2 116,00 $

Total des dépenses demandées au titre du CIFA

10 308,00 $

[7] Le ministre du Revenu national a refusé le CIFA, car les dépenses n’étaient pas des « dépenses d’adoption admissibles » au sens de l’article 118.01 de la LIR. Premièrement, SCO n’était pas un organisme d’adoption agréé par une administration provinciale ou territoriale. La somme de 6 497 $ ne pouvait donc pas constituer une dépense admissible aux termes de l’alinéa 118.01(1)a) de la LIR. Deuxièmement, la somme de 3 811 $ en honoraires d’avocat n’a pas été versée à l’égard d’une ordonnance d’adoption, comme le prévoit l’alinéa 18.01(1)b) de la définition de « dépense d’adoption admissible ».

III. THÈSES DES PARTIES

[8] L’appelant prétend faire partie, en sa qualité de parent de substitution, d’un groupe distinct dont les membres sont défavorisés en raison de la manière dont se crée leur relation parent-enfant. Cela constitue donc un motif analogue aux motifs énumérés à l’article 15 de la Charte qui confèrent une protection contre la discrimination.

[9] L’appelant prétend que la LIR est discriminatoire à l’égard des parents de substitution, car elle les prive des déductions auxquelles les parents adoptifs ont droit. Les honoraires versés à un organisme de maternité de substitution, de même que les frais juridiques et administratifs afférents à une maternité de substitution, ne sont pas déductibles comme ils le seraient dans le cas d’une adoption. Selon l’appelant, le CIFA, en excluant les dépenses de maternité de substitution, contrevient à l’article 15, car l’exclusion des dépenses afférentes à la maternité de substitution perpétue ou accentue les désavantages dont sont victimes les parents de substitution du fait de leur situation.

[10] Bien entendu, l’intimée défend la thèse contraire. L’intimée prétend que le dossier de la preuve est pratiquement inexistant en ce qui a trait au contexte de la demande de l’appelant. Il n’a donc pas été établi que la situation familiale de l’appelant, à titre de parent de substitution, constitue un motif analogue aux fins de l’article 15. Cela rend irrecevable la demande de l’appelant.

[11] L’intimée affirme en outre que l’objectif du CIFA est d’encourager l’adoption nationale et internationale d’enfants qui sont privés de relations parentales stables. Ces enfants souffrent de nombreux désavantages du fait de leur situation.

[12] Le CIFA encourage les adoptions en offrant des économies d’impôt pour les dépenses engagées en lien avec l’adoption. Le CIFA exclut les dépenses liées à la maternité de substitution, car leur inclusion irait à l’encontre de l’objectif de cet incitatif fiscal particulier.

[13] Selon l’intimée, le CIFA n’établit pas une discrimination directe, car personne ne peut demander ce crédit d’impôt pour des dépenses afférentes à la maternité de substitution. Il n’établit pas non plus de discrimination indirecte, car l’exclusion des dépenses afférentes à la maternité de substitution est conforme à l’esprit et à l’objet de ce crédit d’impôt. Par conséquent, la décision du législateur de limiter le CIFA aux dépenses afférentes à l’adoption ne perpétue aucun préjugé ou désavantage préexistant de l’appelant, au sens du paragraphe 1 de la Charte.

[14] Enfin, l’intimée note que le paragraphe 15(2) de la Charte permet au législateur d’établir des programmes destinés à améliorer la situation de groupes défavorisés. Le CIFA sert cet objectif, car il a été conçu pour favoriser l’adoption nationale et internationale d’enfants vulnérables qui ne bénéficient pas de relations parentales stables. Ces enfants souffrent de nombreux autres désavantages du fait de leur situation vulnérable. Ils sont défavorisés, lorsqu’on les compare à des enfants nés d’accords de maternité de substitution qui sont intégrés à une famille dès leur naissance.

IV. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[15] Le CIFA a été ajouté à la LIR en 2006 [2] .

[16] Le CIFA pour l’année d’imposition 2017 prévoit un crédit d’impôt non remboursable de 15 % des « dépenses d’adoption admissibles », jusqu’à concurrence de 15 670 $.

[17] L’article 15 de la Charte est rédigé comme suit :

15(1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

(2) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

[18] Il est bien établi que le paragraphe 15(1) de la Charte exige une analyse en deux volets. Dans le contexte du présent appel, pour satisfaire au premier volet, les éléments de preuve doivent démontrer que l’appelant, en sa qualité de parent de substitution, fait partie d’un groupe distinct dont les membres sont victimes de désavantages lors de l’établissement et de l’officialisation de leurs relations parent-enfant. En d’autres termes, l’appelant doit démontrer que le CIFA établit une distinction fondée sur un motif analogue aux motifs énumérés au paragraphe 15(1). Si l’on présume qu’une telle distinction existe, le deuxième volet consiste à déterminer si l’exclusion des dépenses afférentes à la maternité de substitution du CIFA a pour effet de perpétuer ou de renforcer les désavantages dont sont victimes les parents de substitution aux termes de la loi [3] .

[19] Pour établir le premier volet, je dois également déterminer si le CIFA constitue un programme d’amélioration aux fins du paragraphe 15(2) de la Charte. Si le CIFA satisfait aux exigences du paragraphe 15(2), la demande de l’appelant sera rejetée sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième volet [4] .

V. DISCUSSION

[20] À titre d’observation préliminaire, je note que l’audition d’un appel sous le régime de la procédure informelle ne constitue pas une tribune idéale pour statuer sur une question complexe liée à la Charte. La procédure informelle vise à promouvoir l’accès à la justice en offrant une procédure expéditive qui tient compte du faible montant d’impôt en litige. La procédure informelle accélère la procédure en éliminant les phases préalables à l’instruction coûteuses, qui s’appliquent à la procédure générale. Elle permet d’entendre et de trancher de manière expéditive les appels qui y sont soumis. Les règles de preuve sont assouplies pour faciliter la possibilité de se représenter soi-même. En contrepartie, toutefois, les décisions rendues selon la procédure informelle n’ont pas valeur de précédent.

[21] Bien que l’avocate de l’appelant ait présenté, dans ses observations orales et écrites, un bref aperçu de la manière dont la loi provinciale traite différemment les parents de substitution des parents adoptifs, elle m’a fourni peu d’éléments à examiner quant au contexte historique, politique et juridique dans lequel ces distinctions ont été apportées. De fait, le dossier de la preuve sur ces points est particulièrement inexistant. Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’a pas été établi que la demande de l’appelant est justifiée par un motif analogue aux fins du paragraphe 15(1) de la Charte. Il s’agit d’une conclusion suffisante pour rejeter le présent appel.

[22] Même si j’ai tort sur ce premier point, j’estime néanmoins que la demande de l’appelant doit être rejetée, car le fait de restreindre le CIFA aux dépenses afférentes à l’adoption ne perpétue ni ne renforce quelque désavantage ou préjugé préexistant au sens de l’article 15 de la Charte.

[23] Bien que le dossier de la preuve soit peu étoffé, la jurisprudence établit que je peux prendre acte d’office des conditions sociales, si elles ne font pas l’objet d’un litige raisonnable aux fins pour lesquelles elles sont invoquées [5] .

[24] À cet égard, il est de notoriété publique que les enfants vulnérables sont placés en vue d’une adoption dans les cas où les parents ne peuvent pas offrir des soins parentaux appropriés. Ayant subi de nombreux désavantages sur ce plan, les enfants qui sont placés en vue d’une adoption peuvent rester sous la charge de l’État durant de longues périodes, ce qui ne fait que rendre encore plus difficile l’établissement de liens affectifs significatifs. En termes clairs, les enfants placés en vue d’une adoption sont défavorisés du fait de leur situation. Les enfants nés d’accords de maternité de substitution ne font pas face aux mêmes difficultés. Ils ont des parents qui les attendent dès la conception et ils font partie d’une famille dès leur naissance [6] .

[25] J’ai mentionné à l’avocate de l’appelant, durant sa plaidoirie, que le législateur a adopté le CIFA pour favoriser les adoptions nationales et internationales. À cette fin, le CIFA prévoit une subvention à caractère fiscal pour les « dépenses d’adoption admissibles ».

[26] L’avocate de l’appelant a reconnu que le CIFA a été adopté en partie pour favoriser les adoptions, mais elle prétend qu’il ne s’agit pas de la seule raison.

[27] Pour appuyer sa prétention, elle invoque une mention figurant dans un document budgétaire accompagnant le texte législatif présenté au parlement concernant le CIFA. Cette mention renvoie aux coûts particuliers que doivent assumer les parents adoptifs pour créer une relation parent-enfant par l’adoption. L’avocate prétend que les parents de substitution doivent assumer des coûts particuliers semblables et donc que le législateur, en limitant le CIFA aux dépenses afférentes à l’adoption, a fait preuve envers les parents de substitution d’une discrimination fondée sur leur situation familiale particulière.

[28] Il est un principe bien établi en matière d’interprétation de la loi que l’on doit commencer par examiner la disposition en cause pour en déterminer la justification ou l’objet. Les moyens extrinsèques constituent une source secondaire à laquelle on peut recourir pour résoudre des ambiguïtés ou pour déterminer la justification ou l’objet d’une disposition [7] . Les fonctionnaires ou parlementaires invoquent de nombreux éléments différents pour promouvoir l’adoption ou l’élargissement d’un incitatif fiscal. C’est pourquoi nous devons examiner les moyens extrinsèques avec prudence. Pour déterminer le but ou l’objet d’une disposition, il est préférable d’examiner ce que cette disposition prévoit, ou ne prévoit pas. Cette approche est souvent très instructive.

[29] La LIR prévoit de nombreux incitatifs fiscaux visant à favoriser des actions ou des activités que le législateur souhaite encourager, car il considère que ces actions ou activités servent le bien collectif ou qu’elles sont bénéfiques pour l’ensemble de la société. C’est particulièrement le cas des crédits d’impôt qui visent à couvrir des dépenses engagées en lien avec le type d’actions ou d’activités que le législateur cherche à promouvoir. Les crédits d’impôt encouragent les contribuables à réaliser certaines activités ou actions, en ciblant les dépenses y afférentes. Les dépenses qui ne sont pas engagées dans l’atteinte de l’objectif visé sont exclues, car elles ne sont pas compatibles avec l’objet précis de l’incitatif fiscal.

[30] Je suis d’avis que le CIFA n’établit pas de distinction fondée sur la situation de famille, entre les parents adoptifs et les parents de substitution. C’est plutôt parce que l’enfant de l’appelant n’a pas été adopté, et que les dépenses qu’il souhaite déduire n’ont pas été engagées au titre d’une adoption, que l’appelant n’est pas admissible à l’avantage du CIFA. Le CIFA vise expressément les dépenses d’adoption, car le législateur voulait simplement encourager les adoptions nationales et internationales dans l’intérêt des enfants vulnérables. Dans ce contexte, l’inclusion dans le CIFA des dépenses afférentes à la maternité de substitution, comme le demandait l’appelant, va à l’encontre de la raison d’être du CIFA qui est de promouvoir les adoptions.

[31] Eu égard à tout ce qui précède, je suis d’avis que le CIFA ne contrevient pas à l’article 15 pour les motifs suivants énoncés dans Ali c. Canada [8] :

[11] Comme je l’ai signalé précédemment, je suis d’avis que, pour trancher la question du paragraphe 15(1), la juge de la Cour d’impôt n’avait pas besoin de procéder à l’analyse élaborée dans Law comme elle l’a fait et je m’abstiens expressément de commenter son analyse

[12] À mon avis, il s’agit d’un cas où la question du paragraphe 15(1) peut être tranchée de manière simple. Dans Auton, la Cour suprême du Canada a conclu que le paragraphe 15(1) de la Charte ne sera pas enfreint si l’avantage recherché n’en est pas un qui est prévu par la loi contestée. Dans la présente affaire, l’avantage recherché par les appelantes est le CIFM pour le coût des suppléments diététiques achetés en vente libre. C’est ce qu’elles ont demandé dans leur déclaration de revenus et c’est le droit à cette déduction qu’elles cherchaient à établir dans leur avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt. Dans Ray, notre Cour a confirmé que pareil avantage n’est pas prévu par l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR. En quoi alors peut‑il être discriminatoire de refuser aux appelantes un avantage (à savoir le CIFM pour le coût des médicaments en vente libre) qui n’est accordé à personne?

[13] Les appelantes veulent que le CIFM soit étendu de manière à couvrir les médicaments en vente libre, mais le législateur n’a pas choisi de le faire. À cet égard, les propos suivants tenus par la juge en chef McLachlin, au paragraphe 41 de l’arrêt Auton, sont pertinents :

41 Il n’est pas loisible au Parlement ou à une législature d’adopter une loi dont les objectifs de politique générale et les dispositions imposent à un groupe défavorisé un traitement moins favorable : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203. Par contre, la décision du législateur de ne pas accorder un avantage en particulier, lorsque l’existence d’un objectif, d’une politique ou d’un effet discriminatoire n’est pas établie, ne contrevient pas à ce principe ni ne justifie un examen fondé sur le par. 15(1). Notre Cour a conclu à maintes reprises que le législateur n’a pas l’obligation de créer un avantage en particulier, qu’il peut financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l’avantage offert ne soit pas lui‑même conféré d’une manière discriminatoire : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, 2000 CSC 28, par. 61; Nouvelle‑Écosse (Procureur général) c. Walsh, [2002] 4 R.C.S. 325, 2002 CSC 83, par. 55; Hodge, précité, par. 16. [Non souligné dans l’original.]

[14] Il ressort de cet extrait tiré de l’arrêt Auton que la décision du législateur d’accorder un avantage particulier en vertu du texte de loi à l’étude peut permettre de soutenir valablement que le paragraphe 15(1) de la Charte a été violé. Le paragraphe 42 de l’arrêt Auton nous informe que cette violation peut survenir si le texte de loi établit une discrimination directe par l’adoption d’une politique discriminatoire ou une discrimination indirecte par son effet. À propos de la discrimination qui résulte de l’effet, laquelle est plus difficile à cerner, la Cour suprême du Canada a affirmé, dans ce même paragraphe, que la non‑inclusion d’un avantage ne sera vraisemblablement pas discriminatoire si elle est compatible avec l’objectif et l’économie du régime législatif visé.

[15] En ce qui a trait à la question de la discrimination directe, la définition des frais médicaux énoncée au paragraphe 118.2(2) de la LIR n’exclut pas explicitement le coût des suppléments diététiques. Qui plus est, rien dans les dispositions de la LIR se rapportant au CIFM n’indique que le Parlement ait adopté expressément une politique discriminatoire en vue de ne pas accorder le CIFM pour le coût des suppléments diététiques. Par conséquent, je conclus que la décision du législateur de ne pas étendre le CIFM de manière à inclure le coût des suppléments diététiques dans la définition des frais médicaux du paragraphe 118.2(2) de la LIR ne constitue pas une discrimination directe.

[16] La discrimination résultant de l’effet de la loi exige l’examen de la question de savoir si la non‑inclusion d’un avantage particulier est compatible avec l’objectif et l’économie de la loi contestée. Dans Auton, la juge en chef McLachlin a déterminé que la non‑inclusion de l’avantage recherché était compatible avec l’économie d’un régime législatif qui ne visait pas à répondre à tous les besoins, en affirmant ce qui suit au paragraphe 43 :

43 Le régime législatif constitué en l’espèce de la LCS et de la MPA n’a pas pour objectif de répondre à tous les besoins médicaux. Il garantit seulement le financement intégral des services essentiels, qui s’entendent des services fournis par un médecin. Par ailleurs, les provinces peuvent, dans les limites de leur pouvoir discrétionnaire, offrir certains services non essentiels. Il s’agit par définition d’un régime partiel de soins de santé. L’exclusion d’un service non essentiel en particulier ne saurait donc constituer à elle seule une distinction préjudiciable fondée sur un motif énuméré. C’est au contraire une caractéristique prévisible du régime législatif. On ne peut donc conclure que l’exclusion de la thérapie ABA/ICI des avantages non essentiels équivaut à une discrimination, y compris une discrimination résultant de l’effet de la loi.

[17] En ce qui concerne l’économie de la loi en cause en l’espèce, la définition de « frais médicaux » au paragraphe 118.2(2) de la LIR comporte une énumération des types particuliers de coût qui sont admissibles au CIFM, ce qui indique que la loi avait pour but de limiter le CIFM à une liste d’éléments particuliers. L’alinéa 118.2(2)n) de la LIR exemplifie ce but en traçant une ligne de démarcation entre les produits qui sont « enregistrés par un pharmacien », comme l’exige la disposition, et ceux qui ne le sont pas. Par conséquent, l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR est tout à fait compatible avec l’objectif et l’économie de la loi qui prévoit seulement l’admissibilité au CIFM pour les types de frais médicaux expressément énumérés et non pour tous les types de frais médicaux [9] .

[Non souligné dans l’original.]

[32] Il ne fait aucun doute que le CIFA crée un traitement différencié, en autorisant des économies d’impôt pour les « dépenses d’adoption admissibles », mais non pour les dépenses de maternité de substitution. Ce point n’est pas contesté par les parties. La question en litige est de déterminer si ce petit désavantage fiscal est discriminatoire au sens qu’il perpétue l’opinion selon laquelle les parents de substitution méritent moins d’être reconnus ou valorisés en tant que membres de la société canadienne. Je suis d’avis que le CIFA n’alimente pas les préjugés ou les stéréotypes de ce type. La seule impression que crée cette disposition est qu’il faut encourager les adoptions nationales et internationales, en tant que politique sociale, dans l’intérêt des enfants vulnérables.

[33] Après avoir examiné tout ce qui précède, je peux également trancher cette question au motif que le CIFA n’établit pas de discrimination envers l’appelant, par sa conception ou son application fondée sur la situation de famille de l’appelant à titre de parent de substitution. Par conséquent, je vais m’abstenir d’examiner plus à fond les observations de l’appelant fondées sur l’article 15.

[34] En terminant, je suis d’avis que le paragraphe 15(2) de la Charte permet au législateur d’adopter des programmes améliorateurs comme le CIFA pour encourager l’adoption d’enfants qui, souvent, soufrent du fait d’attendre longtemps avant d’être adoptés pour les motifs mentionnés par l’intimée dans ses observations écrites sur cette question. Le paragraphe 15(2) permet au législateur de créer des programmes améliorateurs destinés à un groupe défavorisé particulier, sans être paralysé par l’obligation d’étendre cet avantage à d’autres (notamment à des personnes exposées à des désavantages semblables) [10] . Par conséquent, si le CIFA n’établit pas de distinction fondée sur un motif analogue, alors la distinction n’est pas discriminatoire parce que le CIFA a un objet améliorateur et qu’il vise expressément un groupe défavorisé caractérisé par ce motif analogue [11] .

[35] Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2021.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 92

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2019-2111(IT)I

INTITULÉ :

MARK G. FOLEY c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er novembre 2021

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Robert J. Hogan

DATE DU JUGEMENT :

Le 2 décembre 2021

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Edward R. Sawa

Me Shani B. Frugtniet

Avocat de l’intimée :

Me Devon E. Peavoy

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Edward R. Sawa

Cabinet :

Boyneclarke LLP

99 Wyse Road, bureau 600

Dartmouth (Nouvelle-Écosse) B3A 4S5

Pour l’intimée :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Vital Statistics Act, RSNS 1989, c 494.

[2] Loi d’exécution du budget de 2006, L.C. 2006, ch. 4, par. 61(1).

[3] Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5, par. 185 et 186 [Québec c. A]; Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 RCS 497, par. 88, [1999] A.C.S. No 12 (QL) [Law]; Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, par. 27 [Fraser]; R c. Kapp, 2008 CSC 41, par. 17 [Kapp]; Withler c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 12, par. 33 et 34; Première Nation de Kahkewistahaw c. Taypotat, 2015 CSC 30, par. 19 et 20.

[4] Kapp, précitée, note 3, par. 40 et 41.

[5] Québec c. A, précitée, note 3, par. 237; Law, précitée, note 3, par. 77; Fraser, précitée, note 3, par. 57.

[6] Comité permanent des finances de la Chambre des communes, 41e législature, 1re session, n122 (21 mai 2013), 0845 (Laura Eggertson); Débats du Sénat, 41e législature, 1re session, vol. 150, n178 (20 juin 2013), 1420 (l’honorable Catherine S. Callbeck).

[7] Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2012 CSC 71, par. 95, invoquant Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, par. 29; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, par. 47.

[8] Ali c. Canada, 2008 CAF 190.

[9] Ibid., aux paragraphes 11 à 17.

[10] Alberta (Affaires autochtones et développement du Nord) c. Cunningham, 2011 CSC 37, par. 41.

[11] Kapp, précitée, note 3, par. 40 et 41.

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