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Dossier : 2018-4204(IT)G

ENTRE :

JASBIR RAI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 30 mai 2022, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Karen A. Truscott

 

JUGEMENT

VU les observations des parties;

EN CONSÉQUENCE, LA COUR ORDONNE que l’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2013, 2014 et 2015 de l’appelante soit accueilli uniquement dans la mesure où les pénalités pour faute lourde imposées en application du paragraphe 163(2) de la Loi sont annulées, comme l’a concédé l’intimée. L’intimée a droit aux dépens en l’espèce.


 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de juin 2022.

« F.J. Pizzitelli »

Le juge Pizzitelli

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de juillet 2023.

François Brunet, réviseur


Référence : 2022 CCI 59

Date : Le 13 juin 2022

Dossier : 2018-4204(IT)G

ENTRE :

JASBIR RAI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Pizzitelli

[1] L’appelante interjette appel des avis de nouvelle cotisation du ministre pour l’année d’imposition 2013, une année par ailleurs frappée de prescription, et pour les années d’imposition 2014 et 2015 aux termes desquels le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante, sur la base de la valeur nette conformément au paragraphe 152(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), pour des revenus non déclarés de 960 805 $, 113 556 $ et 112 133 $ respectivement, et a imposé des pénalités pour faute lourde au titre du paragraphe 163(2) de la Loi.

[2] À titre préliminaire, au début de l’instruction, l’intimée a présenté une requête en dépôt d’une réponse modifiée qui corrigeait simplement l’ancienne réponse déposée après l’appel initial afin d’inclure un renvoi à l’année 2015 et de supprimer quelques chiffres des numéros de cartes de crédit énumérés pour des raisons de confidentialité. L’appelante avait déposé un avis d’appel modifié pour inscrire l’année 2015 après que la réponse initiale a été signifiée. Il n’y a pas eu de changement dans les tableaux de calcul de la valeur nette qui incluent l’année 2015 et les renseignements relatifs à celle-ci. Cette requête a été accueillie malgré l’objection de l’appelante, car il n’y avait tout simplement pas de préjudice pour l’appelante et il s’agit plutôt d’une mesure d’ordre administratif.

[3] L’intimée a également demandé l’autorisation de déposer une liste supplémentaire de documents qu’elle a notifiée à la Cour le 24 mai 2022 et qui énumère de nombreux documents nouveaux et étendus par rapport à la liste initiale. L’appelante s’est fortement opposée à ce dépôt, dont elle n’a reçu l’avis que quelques jours avant l’instruction, et j’ai convenu avec elle qu’un tel dépôt à un moment aussi tardif ne lui aurait pas permis de se préparer adéquatement pour sa cause. Aucune explication n’a été donnée quant à la raison pour laquelle cette liste n’a pas été déposée beaucoup plus tôt. Bien qu’un tel dépôt aurait pu permettre d’instruire l’action plus efficacement, l’appelante n’était pas prête à accepter un ajournement pour avoir suffisamment de temps pour examiner ces documents et se préparer pour l’instruction et l’intimée elle-même a indiqué qu’elle préférait procéder avec sa liste originale plutôt que d’avoir un ajournement. L’autorisation a donc été refusée et les parties sont passées à l’étape de l’instruction.

[4] L’intimée a concédé au début de l’instruction qu’aucune pénalité pour faute lourde n’est applicable, de sorte que les deux seules questions que notre Cour doit trancher sont de savoir si les nouvelles cotisations pour les revenus non déclarés mentionnés précédemment sont correctes et si l’appelante a fait une présentation erronée des faits imputable à la négligence, à l’inattention, à une omission volontaire, ou à une fraude qui permettrait au ministre d’établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2013 de l’appelante au-delà de la période normale de cotisation conformément au paragraphe 152(4) de la Loi.

[5] Au cours des années visées par l’appel, l’appelante était la seule administratrice et actionnaire de Tantra Trading Ltd. (« Tantra ») qui exploitait une boutique de cadeaux sous la marque de commerce Bobby Dazzler dans un centre commercial. L’appelante était également actionnaire de Kabbalah Trading Ltd (« Kabbalah ») et de Sharper Advancement Resources Inc. (« Sharper ») qui, selon son témoignage, ont cessé leurs activités en 2005 et 2012 respectivement et qu’elle a dissoutes en 2015 et 2013 respectivement. L’appelante a également cessé d’exploiter sa boutique de cadeaux au détail mentionnée ci-dessus en 2017 pour les motifs énoncés de la forte concurrence d’Amazon et en raison des augmentations de loyer et de la dissolution de Tantra en juillet 2017. L’appelante a admis que Tantra avait fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour les années en cause afin d’inclure les mêmes sommes que celles qui ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation à l’encontre de l’appelante à titre de revenu non déclaré, mais elle a retiré les appels relatifs à Tantra en raison de sa dissolution.

[6] Les nouvelles cotisations établies par le ministre selon la valeur nette pour les années en cause étaient fondées principalement sur une analyse des dépôts bancaires et des dépenses personnelles pour laquelle les dépôts et les retraits bancaires inexpliqués de comptes à son nom ou en fiducie pour deux enfants ou les dépenses par carte de crédit ont été traités comme des revenus non déclarés appropriés en provenance de Tantra ou Kaballah et Sharper.

[7] À titre d’exemple, le témoin du ministre allègue qu’elle a retiré un total de 429 500 $ de son compte bancaire Coast Capital en 2013 par l’intermédiaire d’une série de 18 retraits plus petits de moins de 10 000 $ chacun, qui, selon le ministre, provenaient de Kabbalah et de Sharper, ainsi que 87 133 $ de son compte bancaire CIBC en 2013 et 51 242 $ des comptes bancaires de ses enfants à la BMO qu’elle contrôlait, censés provenir de Tantra. En outre, il ressort également des preuves que l’appelante a acheté un véhicule de luxe en le payant intégralement par carte de crédit et chèques, sans obtenir de prêt, pour une somme d’environ 117 000 $ en 2013, ce que l’appelante a admis dans le cadre de son contre-interrogatoire du témoin de l’intimée.

[8] Globalement, les moyens de l’appelante étaient fondés sur ses allégations selon lesquelles son ancien partenaire commercial avait commis une fraude et était coupable de racket commercial, et que c’était lui qui était responsable d’effectuer les dépôts bancaires douteux dans les comptes bancaires en cause, ainsi que les dépôts bancaires douteux de ceux-ci, si bien qu’il s’agit d’un cas d’erreur d’identité et de fraude. Elle a témoigné qu’elle avait déposé des plaintes criminelles auprès de la police de Coquitlam, de la GRC et de l’UMECO (un groupe de travail conjoint de la GRC sur les crimes financiers) qui sont restées sans suite. Elle allègue également que les nouvelles cotisations ont eu lieu juste après le dépôt des plaintes, ce qui laisse penser qu’elles étaient en quelque sorte une réponse au dépôt de ces allégations criminelles en raison de leur proximité dans le temps ainsi que de la suggestion que l’ARC a envoyé une correspondance proposant d’établir de nouvelles cotisations à son égard le 13 septembre 2017 à l’adresse de Tantra, un numéro de boîte postale, au lieu de son adresse personnelle, ce qui, selon elle, a soulevé ses préoccupations quant à la légitimité du processus. Il ressort clairement des nombreux échanges qu’elle a eus avec le vérificateur qu’elle a requalifié la vérification en « enquête » et qu’elle a fermement refusé, par écrit à plusieurs reprises, de produire tout document, toute information ou tout fait substantiel relatif à la vérification, malgré la mention claire dans la correspondance qu’il s’agissait d’une vérification. Elle a décliné l’invitation du vérificateur de l’ARC et, plus tard, de l’agent des appels, qui ont propose de reporter leur décision de 30 jours à chaque fois pour lui donner la possibilité de présenter des observations ou de communiquer avec eux au moyen des numéros de téléphone directs fournis, qui, selon l’appelante, n’étaient pas de vrais numéros ou étaient liés d’une manière ou d’une autre à son ancien partenaire commercial. Elle a même refusé la proposition que lui a faite le vérificateur de le rencontrer dans les bureaux de l’ARC à Burnaby pour apaiser ses craintes quant au fait qu’il était un vérificateur légitime de l’ARC.

[9] Il ressort clairement des pièces déposées en preuve par l’intimée que la lettre de proposition et toute la correspondance relative à sa vérification personnelle ont été envoyées à l’adresse personnelle de l’appelante à West Vancouver et que la lettre de proposition relative à la vérification de Tantra était celle envoyée à la boîte postale. L’appelante semble confondre la correspondance et mélanger les deux vérifications.

[10] L’appelante a également admis que le service de police de Coquitlam et la GRC avaient clos leurs enquêtes et qu’elle n’avait pas entendu parler du groupe de travail conjoint depuis 2014; il est donc clair qu’il n’y a pas d’enquête criminelle en cours sur une fraude alléguée ou une erreur d’identité. Elle n’a présenté absolument aucun élément de preuve de l’existence d’une quelconque activité criminelle perpétrée par son ancien partenaire commercial ou par toute autre personne en lien avec sa vérification et à ses nouvelles cotisations. Bien qu’elle ait déposé en preuve une correspondance avec un agent de l’UMECO en 2010, rien ne rattache cette correspondance aux plaintes qu’elle a déposées en 2017, malgré ses allégations selon lesquelles les crimes ont continué et les enquêtes se poursuivent. En fait, la lettre de l’appelante du 7 novembre 2017 jointe à son avis d’objection renvoie à ces plaintes pénales comme comprenant un éventail d’allégations contre son ancien propriétaire, son partenaire commercial, son gendre et sa gouvernante et d’autres personnes pour la commission de crimes allant de la fraude, du vol, de la tentative d’enlèvement jusqu’à la suggestion d’une tentative de meurtre par noyade, dont aucun n’est lié de près ou de loin à la question des dépôts ou des retraits de ses comptes ou de ses dépenses personnelles, ni même à Tantra, à Sharper et à Kaballah de quelque manière que ce soit. Il n’y a même pas de renvoi aux activités dont elle s’est plainte en 2010 et qui, selon elle, ont continué. Elle a également soutenu, lors de son contre-interrogatoire du vérificateur, que ce dernier menait une enquête sur la fraude fiscale, bien qu’il s’agisse de commentaires allégués qu’elle attribue au vérificateur lors d’une réunion liée à la vérification de Tantra. Il n’existe absolument aucune preuve d’implication du vérificateur de l’ARC dans une enquête sur l’évasion fiscale ni aucune mention de cette implication dans une quelconque correspondance, ce que le vérificateur, que je juge crédible, a catégoriquement nié.

[11] De même, l’appelante n’a produit aucune preuve concernant ses comptes bancaires, notamment des relevés bancaires, des bordereaux de dépôt ou tout autre document de quelque nature que ce soit, y compris toute correspondance relative à ses plaintes émanant d’une autre partie. Au lieu de cela, l’appelante a témoigné que si elle avait bien quelques comptes bancaires, ceux-ci ne correspondaient pas aux numéros de comptes bancaires mentionnés dans les annexes fournies par l’intimée relativement au calcul de la valeur nette et a en fait déposé en preuve un rapport d’Equifax de décembre 2020 qui énumère des comptes bancaires et des cartes de crédit auprès de nombreuses entités, y compris Amex, CIBC, BMO et d’autres, avec des numéros de compte « allégués » qui ne correspondent pas aux numéros des comptes bancaires mentionnés par le ministre dans ses annexes relatives au calcul de la valeur nette, témoignant qu’elle n’aurait aucune raison de changer de compte trois années plus tard, après l’établissement de la nouvelle cotisation. Une fois de plus, elle n’a présenté aucun élément de preuve quant à ses comptes bancaires et de carte de crédit réels au cours des années en cause ou même au moment de la vérification et de la nouvelle cotisation, malgré l’hypothèse du ministre selon laquelle les comptes concernés par la cotisation fondée sur la valeur nette étaient les siens ou en fiducie pour ses enfants. De plus, le vérificateur a témoigné qu’il avait commandé un rapport de solvabilité original au début de sa vérification afin de déterminer les institutions avec lesquelles l’appelante faisait affaire, de sorte qu’il pouvait leur adresser, ce qu’il a effectivement fait, des demandes de renseignements dans lesquelles il a puisé ses renseignements pour préparer les calculs de la valeur nette; directement à partir des comptes bancaires et des comptes de carte de crédit que ces institutions financières ont désignés comme appartenant à l’appelante, avec le même nom, le même numéro d’assurance sociale, la même date de naissance.

[12] Au cours de l’interrogatoire principal du vérificateur par l’avocat de l’intimée et vérifié en contre-interrogatoire par l’appelante, le vérificateur a témoigné qu’une cotisation fondée sur la valeur nette n’est utilisée que lorsqu’un contribuable ne fournit pas suffisamment de documents nécessaires pour lui permettre d’effectuer un examen dans le cadre d’une vérification normale des faits. Il ressort clairement des éléments de preuve que l’appelante a refusé de coopérer avec le vérificateur et l’ARC en général tout au long du processus de vérification et d’appel, refusant de produire toute documentation demandée au vérificateur, à l’agent des appels après le dépôt de l’avis d’opposition, et même à l’instruction puisque l’appelante n’a présenté aucun des documents demandés en preuve. Le ministre a le pouvoir légal, aux termes de l’article 232.1 de la Loi, d’adresser des demandes de renseignements à des tiers afin d’obtenir de tels renseignements et, comme il a été mentionné précédemment, il l’a fait, même si l’appelante a affirmé qu’il avait besoin de sa permission. Le vérificateur a témoigné qu’il a examiné les détails de toutes les données bancaires et de cartes de crédit obtenues et qu’il a créé un calcul de la valeur nette présentant l’actif et le passif personnels de l’appelante afin de déterminer sa valeur nette pour les années 2012 à 2015 et de calculer la variation de la valeur nette par rapport à l’année précédente pour chacune des années 2013, 2014 et 2015, tous ces éléments montrent que les revenus déclarés de l’appelante n’ont pas pu financer de telles variations de la valeur nette. Le vérificateur a ensuite ajouté les dépenses personnelles et les autres paiements que l’appelante aurait dû financer au cours de chacune de ces années à la variation de la valeur nette, puis a soustrait le revenu déclaré et les autres sources de revenu comme les remboursements d’impôt, les crédits d’impôt et les prestations sociales qui ne sont pas imposables. Les résultats constituent la base des montants des nouvelles cotisations pour chacune des années mentionnées plus haut. Il ressort clairement des détails des analyses que le vérificateur a été minutieux et transparent et que l’appelante n’a contesté aucun des renseignements, si ce n’est pour soutenir que les comptes bancaires répertoriés dans les actifs n’étaient peut-être pas les siens en raison de l’incohérence, comme elle l’avait précédemment allégué, des numéros de comptes bancaires ou des comptes bancaires en tant que tels dans un rapport Equifax qui a répertorié ses comptes, sans les numéros complets, trois ans plus tard et qui n’a aucun fondement. Les comptes bancaires utilisés par le vérificateur dans son calcul appartiennent à l’appelante et ont été appariés à son nom, à sa date de naissance et à son numéro d’assurance sociale, tel qu’il a été mentionné précédemment. Même l’appelante a implicitement reconnu qu’ils lui appartiennent en faisant valoir qu’ils ont été illégalement manipulés par son ancien partenaire commercial en premier lieu.

[13] L’appelante a également déposé en preuve les déclarations T2 de Tantra pour les années en litige, qui démontrent clairement que les soldes de caisse à la fin de l’année au 31 décembre étaient d’environ 10 000 $ et que la société enregistrait de petits revenus nets ou de petites pertes au cours de ces années, et qu’elle n’aurait donc pas pu être à l’origine de ces retraits. Elle n’a cependant apporté aucun élément de preuve des dépôts et des retraits effectués et n’a fait aucune observation sur l’un quelconque de ces retraits en particulier dans l’exposé de ses moyens. Les soldes de trésorerie de fin d’année ne sont guère déterminants pour l’activité du compte bancaire d’une entreprise tout au long de l’année, et les états financiers ne sont pas non plus censés être automatiquement exacts dans le cadre d’une nouvelle cotisation alléguant une appropriation de fonds. De plus, l’appelante n’avait produit aucun renseignement sur Kabbalah et Sharper, la source évidente des fonds pour le retrait important de son compte auprès de Coast Capital, même si l’appelante a affirmé qu’elles n’étaient plus en activité à ce moment-là. Elles avaient manifestement des fonds.

[14] L’appelante a fait valoir que la position de l’intimée dans sa vérification de Tantra, selon laquelle les fonds appropriés par l’appelante résultent en un revenu non déclaré de Tantra, va à l’encontre des lettres de proposition envoyées à elle et à Tantra en date du 13 septembre 2017 qui contenaient une note à l’annexe III du calcul fondé sur la valeur nette ci-jointe indiquant que Kabbalah et Sharper étaient la source des fonds retirés du compte de Coast Capital. Bien que cela semble vrai, il est également clair que le vérificateur a obtenu les relevés bancaires de ce compte de Coast Capital qui montrent que 18 retraits totalisant la somme en question ont été effectués à partir de ce compte appartenant à l’appelante, indépendamment de la ou des sociétés à l’origine des fonds. Les sociétés qui sont à l’origine des fonds pourraient bien faire valoir, dans le cadre d’une nouvelle cotisation, qu’elles ne devraient pas se voir attribuer un revenu non déclaré si elles n’étaient pas à l’origine des fonds, comme Tantra aurait sans doute pu le faire si elle n’avait pas retiré son appel, mais, selon la preuve du ministre, l’appelante a retiré ces fonds indépendamment de leur origine et l’appelante n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que l’origine de ces fonds était un événement non imposable pour l’appelante.

[15] Honnêtement, les éléments de preuve produits par l’appelante ne réfutent pas les hypothèses faites par le ministre et ne sont rien de plus que des allégations de fraude par un tiers sans aucune preuve, pas même la preuve que la police enquêtait sur de tels actes. Ces plaintes sont également postérieures à la lettre de proposition de nouvelles cotisations envoyées par le ministre le 13 septembre 2017, plus particulièrement dans le cadre de l’avis d’opposition de l’appelante du 7 novembre 2017, sans aucune preuve d’une correspondance continue avec les forces de l’ordre après 2010 jusqu’au moment de la lettre de proposition du 13 septembre 2017. Ses moyens ne consistent qu’une pléthore d’allégations non fondées et quelque peu absurdes qu’elle tente d’attribuer à une supposée activité criminelle d’une tierce personne pour manipuler ses comptes bancaires ou à une supposée conduite fautive de l’ARC. Dans l’exposé de ses moyens, elle semble s’être concentrée sur des processus tels que la question de savoir s’il était pratique d’envoyer la correspondance par courrier recommandé plutôt que par courrier ordinaire et sur la tentative d’assimiler l’envoi de la correspondance de Tantra à une adresse différente comme étant sa correspondance personnelle envoyée à la mauvaise adresse, ce qui, selon les éléments de preuve, est faux, plutôt que sur les détails du traitement des retraits et des dépenses personnelles présumés qui ont résulté en la nouvelle cotisation à l’aide de la méthode de la valeur nette. Aucune des dépenses qui lui sont attribuées n’a été mentionnée ou contestée. En ce qui concerne les retraits de ses comptes bancaires, non seulement aucun relevé bancaire, bordereau de dépôt ou toute autre preuve documentaire n’a été produit en preuve par elle, mais elle a refusé d’accepter la proposition du vérificateur, lors du contre-interrogatoire, de lui montrer les renseignements qu’il avait obtenus lors de ses enquêtes. En outre, l’argument selon lequel d’autres tiers s’amusaient avec ses comptes bancaires n’est pas crédible si l’on considère que s’ils ont détourné des fonds en 2013, pourquoi l’appelante n’a-t-elle jamais allégué le vol de ses fonds dans ces comptes auprès des autorités avant sa vérification et sa nouvelle cotisation en 2017. Comme je l’ai mentionné, elle n’a fait aucune mention de ce vol allégué dans sa lettre jointe à son avis d’objection dont il a été question précédemment et il est peu crédible de soutenir qu’en tant que propriétaire et contrôleur de ces comptes pour lesquels elle aurait reçu des relevés mensuels, elle n’aurait pas été au courant d’une quelconque activité inappropriée les concernant pendant plus de 3 ans. Ce n’est qu’à l’époque des nouvelles cotisations que des lettres semblent avoir été envoyées à ses banques pour les avertir d’une éventuelle activité criminelle.

[16] Je ne puis tout simplement pas conclure que l’appelante est crédible pour ce qui est de ses positions, de ses allégations ou de son témoignage et je conclus qu’elle ne s’est pas acquittée du fardeau de réfuter les hypothèses du ministre, plus précisément le fait qu’elle a gagné et omis de déclarer des revenus provenant des entreprises pour le montant des nouvelles cotisations établies par le ministre. Par conséquent, les nouvelles cotisations du ministre pour les années en cause sont maintenues.

[17] Il s’ensuit, étant donné qu’elle a produit ses propres déclarations de revenus sur papier et qu’elle a admis avoir signé les déclarations, que son omission du revenu non déclaré lors de la nouvelle cotisation établie par le ministre en 2013 équivaut à présentation erronée des faits visée par le paragraphe 152(4). Vu que l’appelante a admis avoir préparé ses propres déclarations d’impôts et celles de ses sociétés, qu’elle les a produites sur papier et qu’elle les a signées pour certifier qu’elles étaient correctes, complètes et qu’elles révélaient pleinement ses revenus, il en ressort qu’elle avait non seulement de l’expérience en matière fiscale, mais qu’elle était consciente du degré de soin requis pour remplir les déclarations d’impôts et qu’elle savait qu’elle ne déclarait pas les revenus appropriés de ses entreprises. L’appelante est manifestement une femme d’affaires expérimentée qui a été propriétaire d’au moins trois sociétés au fil des ans et qui devrait connaître l’obligation de produire des déclarations de revenus complètes et exactes, même si cette obligation est clairement énoncée dans la disposition de certification dont il a été question précédemment sur chacune de ses déclarations produites. Elle a même témoigné qu’elle avait demandé à son cousin de revoir et de vérifier ses déclarations de revenus personnelles; elle comprenait donc la nécessité de l’exactitude de ses déclarations. Manifestement, elle a fait preuve d’éloquence lors de l’instruction, d’intelligence, elle contrôlait et préparait tous les livres et registres de ses entreprises et contrôlait leurs comptes bancaires; elle devait donc être au courant des revenus gagnés par ces entreprises. Elle contrôlait ses comptes bancaires et ses cartes de crédit et savait quels dépôts et retraits étaient effectués et quelles étaient ses dépenses personnelles. Les montants des revenus non déclarés étaient très importants par rapport à ses revenus déclarés; ils étaient plus de 10 fois supérieurs à ses revenus déclarés en 2013 et constituaient plus de 100 % de ses revenus déclarés en 2014 et 2015, ces dernières années; il en ressort une propension à faire de fausses déclarations sur ses revenus. De plus, sa conduite tout au long de l’affaire a été marquée par une absence totale de coopération avec l’ARC, y compris la remise en question de la légitimité de l’emploi du vérificateur à l’ARC et le refus de produire toute documentation qui aurait pu contribuer à la résolution de cette affaire, ce qui me laisse penser qu’elle souhaitait intentionnellement éviter la divulgation de ces documents. Compte tenu de tous les facteurs et circonstances mentionnés précédemment, je conclus que la fausse déclaration de revenus qu’elle a faite était attribuable à plus qu’une simple inattention ou négligence. Elle était attribuable à une omission volontaire. En conséquence, l’intimée s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait d’établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2013 de l’appelante.

[18] En conclusion, l’appel interjeté par l’appelante concernant la nouvelle cotisation établie par le ministre pour ses années d’imposition 2013, 2014 et 2015 est accueilli uniquement dans la mesure où les pénalités pour faute lourde imposées en application du paragraphe 163(2) de la Loi sont annulées, comme le concède l’intimée. L’intimée a droit aux dépens en l’espèce.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de juin 2022.

« F.J. Pizzitelli »

Le juge Pizzitelli

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de juillet 2023.

François Brunet, réviseur

 

 

 

 

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :

2022 CCI 59

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-4204(IT)G

INTITULÉ :

JASBIR RAI c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 mai 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge F.J. Pizzitelli

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 juin 2022

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Karen A. Truscott

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

Pour l’intimée :

Me Karen A. Truscott

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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