Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2018-3073(IT)G


ENTRE :

LLOYD WARREN MURPHY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 29 septembre 2022, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :

Me Cindy Mah

 

JUGEMENT

L'appel de la cotisation que le ministre du Revenu national a établie le 7 juin 2017 à l'égard de l'appelant au titre de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, relativement à des dividendes qu'une société dont il était un actionnaire contrôlant lui a versés, est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs ci-joints.

Signé à Québec (Québec), ce 11jour d'octobre 2022.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mai 2023.

 

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2022 CCI 111

Date : 20221011

Dossier : 2018-3073(IT)G

ENTRE :

LLOYD WARREN MURPHY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1] La Cour est saisie de l'appel d'une cotisation que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établie le 7 juin 2017 au titre de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »), relativement à des dividendes que la société 591985 British Columbia Ltd. (la « société ») a versés à l'appelant en décembre 2015, à une époque où la société avait une dette fiscale.

[2] De façon générale, l'article 160 de la Loi permet au ministre d'établir une cotisation à l'égard d'une personne (le « bénéficiaire du transfert ») concernant une partie ou la totalité de la dette fiscale impayée d'une autre personne (le « débiteur fiscal »), si le débiteur fiscal transfère des biens au bénéficiaire du transfert alors qu'un lien de dépendance existe entre les deux personnes.

[3] En l'espèce, le transfert de biens s'est fait sous la forme d'un dividende de 140 500 $ versé à l'appelant (le « transfert ») et d'un dividende de 1000 $ versé à la fiducie Murphy Family Trust. L'unique administrateur de la société a déclaré les deux dividendes par résolution écrite le 21 décembre 2015. À l'époque, l'appelant était l'unique administrateur et l'actionnaire contrôlant de la société.

[4] La société avait une dette fiscale lorsque le transfert a été fait. Le 7 juin 2017, cette dette fiscale s'élevait à 109 460,96 $, soit le total de l'impôt fédéral et provincial exigible, plus les intérêts courus à cette date.

[5] La question en litige est de savoir si l'appelant est, au titre de l'article 160 de la Loi, solidairement responsable de la somme de 109 460,96 $ que devait la société.

[6] L'appelant fait valoir que les dividendes lui ont été versés en contrepartie de services qu'il a fournis à la société à titre de syndic autorisé en insolvabilité.

[7] À l'audience, l'appelant a expliqué que la société avait une filiale en propriété exclusive dénommée LW Murphy Ltd. (« LWM »), laquelle possédait et exploitait un cabinet comptable. Conformément à un contrat de gérance que la société et LWM ont conclu le 10 septembre 1999, LWM a engagé la société pour que cette dernière lui fournisse des services de gestion. Dans les faits, c'est l'appelant qui a offert ces services.

[8] L'appelant affirme que les dividendes lui ont été versés personnellement afin de retenir ses services, et que le transfert de dividendes avait une contrepartie. Selon l'appelant, de nos jours, dans le monde des affaires, le versement de dividendes constitue une façon légitime et valable de rémunérer les dirigeants et le personnel essentiel d'une société.

[9] Les paragraphes 160(1) et (2) de la Loi prescrivent :

160(1) Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon à l'une des personnes suivantes :

a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

les règles suivantes s'appliquent :

d) le bénéficiaire du transfert et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition égale à l'excédent de l'impôt pour l'année sur ce que cet impôt aurait été sans l'application des articles 74.1 à 75.1 de la présente loi et de l'article 74 de la Loi de l'impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts révisés du Canada de 1952, à l'égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l'égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens;

e) le bénéficiaire du transfert et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants :

(i) l'excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

(ii) le total des montants représentant chacun un montant que l'auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi (notamment un montant ayant ou non fait l'objet d'une cotisation en application du paragraphe (2) qu'il doit payer en vertu du présent article) au cours de l'année d'imposition où les biens ont été transférés ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années.

Toutefois, le présent paragraphe n'a pas pour effet de limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi ni celle du bénéficiaire du transfert quant aux intérêts dont il est redevable en vertu de la présente loi sur une cotisation établie à l'égard du montant qu'il doit payer par l'effet du présent paragraphe.

[…]

(2) Le ministre peut, en tout temps, établir une cotisation à l'égard d'un contribuable pour toute somme à payer en vertu du présent article. Par ailleurs, les dispositions de la présente section, notamment celles portant sur les intérêts à payer, s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux cotisations établies en vertu du présent article comme si elles avaient été établies en vertu de l'article 152 relativement aux impôts à payer en vertu de la présente partie.

[10] Le paragraphe 160(1) énonce les conditions qui doivent être remplies pour que cette disposition s'applique. En l'espèce, les parties reconnaissent les faits suivants :

  • a)la société avait une dette impayée aux termes de la Loi;

  • b)la société a transféré des biens à l'appelant, sous la forme de dividendes, alors qu'elle avait une dette fiscale impayée;

  • c)il existait un lien de dépendance entre la société et l'appelant.

[11] Pendant toute la période pertinente, l'appelant contrôlait la société; il ne peut donc pas être réputé n'avoir eu aucun lien de dépendance avec la société au sens du sous-alinéa 251(2)b)(i) et de l'alinéa 251(1)a) de la Loi.

[12] En l'espèce, il faut déterminer si l'appelant a fourni une contrepartie pour le bien que la société lui a transféré et, dans l'affirmative, si la juste valeur marchande de cette contrepartie était supérieure à la juste valeur marchande du bien que la société lui a transféré.

[13] Dans l'arrêt Neuman c. M.R.N., [1998] 1 R.C.S. 770, la Cour suprême du Canada a conclu qu'un dividende est lié à la possession d'actions, et non à toute autre contrepartie que l'actionnaire pourrait avoir fournie. Notre Cour a souscrit à cette thèse dans une décision plus récente, Valovic c. La Reine, 2020 CCI 101.

[14] Notre Cour a, à de maintes occasions, rejeté l'argument selon lequel une contrepartie peut être fournie en échange de dividendes, y compris dans le cas de l'article 160 de la Loi (voir Côte c. La Reine, 2002 CanLII 30, Valovic, précitée, et Pauzé c. La Reine, 1998 CanLII 536).

[15] Le fait que l'appelant a déclaré les dividendes dans sa déclaration de revenus personnelle et payé des impôts à l'égard de ces dividendes ne change en rien le fait que des dividendes ne sauraient constituer un paiement pour des services rendus.

[16] En droit des sociétés, la déclaration d'un dividende correspond à la répartition des bénéfices non distribués d'une société à ses actionnaires et n'est pas tributaire de la conduite d'un actionnaire donné.

[17] En l'espèce, l'appelant n'a fourni aucune contrepartie pour les dividendes. Par conséquent, l'appelant est solidairement responsable de la dette fiscale, conformément au paragraphe 160(1) de la Loi.

[18] Pour les motifs qui précèdent, l'appel doit être rejeté, avec dépens.

Signé à Québec (Québec), ce 11e jour d'octobre 2022.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mai 2023.

 

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 111

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-3073(IT)G

INTITULÉ :

LLOYD WARREN MURPHY c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 29 septembre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 octobre 2022

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimé :

Me Cindy Mah

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l'intimé :

Me François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.