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Dossier : 2013-1136(IT)G

ENTRE :

THOR CHOPTIANY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

Dossiers : 2013-4459(IT)G

2016-1259(IT)G

ET ENTRE :

SANDRA MCPHERSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

Dossiers : 2014-4245(IT)G

2016-2630(IT)G

ET ENTRE :

WAYNE RICHTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête entendue le 29 mars 2022 à Toronto (Ontario) et le 7 avril 2022 à Ottawa (Ontario)

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Jeff Pniowsky

Me Matthew Dallo

Avocates de l’intimé :

Me Natasha W. Tso

Me Annette Evans

 

ORDONNANCE

APRÈS avoir entendu la requête déposée par les appelants;

ET APRÈS avoir entendu les allégations des parties;

La requête est accueillie conformément aux motifs écrits joints aux présentes et les présents appels sont accueillis, avec dépens.

Signé à Montréal, Canada, ce 5e jour d’octobre 2022.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de juin 2023.

François Brunet, réviseur


Référence : 2022 CCI 112

Date : 20221005

Dossier : 2013-1136(IT)G

ENTRE :

THOR CHOPTIANY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

Dossiers : 2013-4459(IT)G

2016-1259(IT)G

ET ENTRE :

SANDRA MCPHERSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

Dossiers : 2014-4245(IT)G

2016-2630(IT)G

ET ENTRE :

WAYNE RICHTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge Boyle

I. Précis

[1] Les appelants ont déposé une requête pour tenter de faire accueillir leurs appels, l’intimé ayant omis à plusieurs reprises de se conformer

  1. aux règles de l’interrogatoire préalable, en omettant de donner des réponses officielles exactes et informées à des questions légitimes et pertinentes, en omettant de produire les documents pertinents demandés et en omettant de corriger des réponses ou de les terminer,

  2. à deux ordonnances de notre Cour qui ordonnent précisément à l’intimé de le faire.

Il s’agit de la troisième requête qui porte essentiellement sur les mêmes manquements et inobservations de la part de l’intimé. À ce jour, l’intimé a fait l’objet de trois interrogatoires préalables et il n’a toujours pas respecté ses obligations. Dans ces circonstances particulières, pour les motifs énoncés ci-dessous, j’accueille ces cinq appels. Il n’existe pas en effet de mesure moins radicale que celle qui consiste à accueillir les appels, dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils corrigent la tendance de l’intimé à ne pas se conformer aux règles et ordonnances de notre Cour, et à ce qu’ils assurent à ces appelants l’équité procédurale et permettent que leurs appels soient instruits sur le fond. Par conséquent, ces appels sont accueillis, même si ces appelants contestent les pénalités imposées pour participation à des stratagèmes fiscaux qui s’apparentent, à de nombreux égards, aux pratiques de détaxation de citoyens souverains, quoique les aspects sectaires non fiscaux soient moins présents – stratagèmes pour lesquels au moins un promoteur a été déclaré coupable et condamné à une peine d’emprisonnement. Seul l’intimé est à blâmer.

[2] Ces trois appelants ont déposé une requête pour faire accueillir leurs appels sans réserve, avec dépens avocat-client. Ils soutiennent que la présente requête correspond à la troisième ou quatrième fois où ils ont dû s’adresser à la Cour pour demander à l’intimé de produire des renseignements qu’il aurait dû avoir dûment produits à l’étape de l’interrogatoire préalable, comme notre Cour l’a déjà expressément statué.

[3] La présente requête a été déposée le 3 juin 2021 et les observations écrites des appelants l’ont été le 30 juin 2021. Les appelants ont demandé que leur requête soit entendue par vidéoconférence. Étant donné que la mesure sollicitée, si elle était accordée, permettrait de trancher enfin les présents appels, la Cour a recommandé aux parties l’audition en personne de la requête et elles ont accepté. Les dates d’audience concernant la présente requête ont été fixées lors d’une conférence de gestion de l’instance en novembre 2021 tenue à cette fin. Les observations écrites de l’intimé ont été déposées le 15 mars 2022. La requête a été débattue à Toronto toute la journée du 29 mars 2022. Le débat sur la requête s’est poursuivi virtuellement le 7 avril 2022.

[4] Les questions de fond visées par les présents appels se rapportent toutes à la participation des appelants aux stratagèmes fiscaux de Fiscal Arbitrators ou du cabinet connexe DeMara Consulting. Par les présents appels, n’est pas controversée l’imposition des prétendues pénalités pour faute lourde aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). La Cour gère depuis de nombreuses années les appels en matière d’impôt interjetés par Fiscal Arbitrators et DeMara Consulting, qui forment un grand appel collectif, et depuis quelques années, je suis le juge chargé de la gestion de l’instance[1]. Les parties ont accepté que ces trois appels soient les principaux appels relativement à un plus grand nombre d’appelants de Fiscal Arbitrators et de DeMara, qui sont représentés par les avocats des appelants et leur cabinet. Cependant, l’issue de la présente requête n’a une incidence que sur les appels des trois appelants auteurs de la requête, dans leurs cinq appels particuliers. Plus récemment, et pour des motifs non liés, un nouveau juge chargé de la gestion de l’instance a été nommé afin de gérer le groupe d’appels restant en instance devant la Cour, à l’exception de la présente requête. Il appartiendra aux autres appelants, à leurs avocats, aux avocats de l’intimé et au juge chargé de la gestion de l’instance (ou à un juge qui préside) d’établir dans quelle mesure, le cas échéant, la décision dans la présente requête a une incidence sur les appels d’autres membres du groupe qui sont suspendus en attendant l’issue des présents appels, à mesure qu’ils progressent.

II. Chronologie afférente aux présentes instances

[5] Les avis d’appel et les réponses dans les présents appels des appelants ont été déposés entre 2012 et 2017.

[6] Les présents appels ont été inscrits pour instruction pendant cinq jours, à partir du 25 mars 2019 (la « semaine d’inscription de 2019 »). Les appelants ont présenté une demande d’ajournement le 15 mars 2019 qui a été accueillie le 21 mars 2019 (le « premier ajournement »).

[7] Les présents appels ont été de nouveau inscrits pour la semaine du 27 janvier 2020 (la « semaine d’inscription de 2020 »).

[8] Les appelants ont déposé une requête en octobre 2019 en vue d’obtenir de la part de l’intimé la divulgation de documents supplémentaires avant l’instruction en janvier 2020. J’ai entendu et tranché cette requête en octobre 2019, en faveur des appelants (la « requête d’octobre 2019 »).

[9] En janvier 2020, avant le commencement de la semaine d’audience prévue le 27 janvier, les appelants ont déposé une nouvelle requête en vue de demander à ce que l’intimé soit contraint de respecter pleinement mon ordonnance de divulgation dans la requête d’octobre 2019 (la « requête de janvier 2020 »). Cette requête devait être présentée au plus tard le 27 janvier, le jour où l’instruction d’une durée d’une semaine devait commencer. La juge qui présidait a judicieusement estimé que la requête de janvier 2020 devait non pas être entendue et tranchée par elle, mais par moi-même, car elle ne concernait qu’une allégation faite par l’intimé, selon laquelle mon ordonnance concernant la requête d’octobre 2019 était ambiguë (le « deuxième ajournement »).

[10] J’ai entendu la requête de janvier 2020 en novembre 2020. J’ai tranché la requête de janvier 2020 en novembre 2020, en faveur des appelants. Il a été ordonné que de nouveaux interrogatoires préalables oraux soient menés auprès de l’enquêteur de l’ARC de l’intimé, M. Matheson. Ils se sont déroulés en mai 2021, mais uniquement après une conférence de gestion de l’instance tenue en mars 2021.

[11] Comme cela a été indiqué précédemment, la présente requête a été déposée par les appelants en juin 2021.

III. Le premier ajournement

[12] Les appelants ont demandé le premier ajournement dix jours avant la semaine d’inscription de 2019 des appels. Leurs principaux motifs étaient les suivants :

  1. ils ont été informés par l’intimé une semaine auparavant que son seul témoin devait être l’un des principaux agents des enquêtes criminelles de l’ARC, M. David Matheson, qui était chargé de l’enquête sur DeMara Consulting;

  2. au moment de l’interrogatoire préalable initial, le représentant de l’intimé était le responsable des agents d’appel de l’ARC, M. Sean Irwin. M. Irwin n’avait connaissance d’aucune enquête criminelle et ne s’était pas lui-même renseigné au sujet du rôle de la Division des enquêtes criminelles avant son interrogatoire préalable en janvier 2018 (le « premier interrogatoire préalable »);

  3. au moment du premier interrogatoire préalable, les avocates de l’intimé ne disposaient pas du dossier de la Division des enquêtes criminelles de l’ARC;

  4. l’intimé a produit 250 pages de documents supplémentaires relatifs au témoignage prévu de l’enquêteur criminel à peu près au même moment et ces documents faisaient mention des appelants;

  5. les appelants ont demandé l’ajournement afin qu’on leur accorde du temps pour examiner les documents et pour déposer les requêtes nécessaires, dont l’une visait à demander l’intervention d’un déposant bien informé afin de mener de nouveaux interrogatoires préalables. J’ai accueilli la demande d’ajournement, en reconnaissant les tentatives typiques lors d’un procès par embuscade, plus particulièrement le non-respect de l’article fondamental (article 95 des Règles) concernant l’interrogatoire préalable, selon lequel la personne qu’une partie choisit comme représentant pour participer à l’interrogatoire préalable doit être bien informée et doit avoir fait toutes les recherches raisonnables portant sur les points en litige auprès de tous les dirigeants, employés et mandataires, passés ou présents, de cette partie. J’ai demandé aux parties de sélectionner une nouvelle semaine d’inscription à partir de celles à venir et qui sont disponibles à Vancouver à l’automne 2019 et en hiver 2020.

IV. La requête d’octobre 2019

[13] Après l’octroi du premier ajournement, les appelants ont déposé la requête d’octobre 2019 en vue d’obtenir une ordonnance les autorisant à mener un nouvel interrogatoire préalable auprès de l’intimé et de désigner David Matheson, principal enquêteur de l’ARC, comme le représentant à interroger.

[14] J’ai accordé aux appelants la mesure demandée lors de l’audition de la requête. Les motifs étaient notamment les suivants :

  1. lors du premier interrogatoire préalable, la Couronne a omis de présenter un représentant bien informé, comme cela est requis – voir les paragraphes 93(3) et 95(2) des Règles. Il n’y avait aucune preuve portant que l’agent des appels, M. Irwin, avait déployé des efforts pour s’informer lui-même, comme cela est exigé. Son choix a en substance empêché les appelants d’obtenir les rapports et les dossiers de la Division des enquêtes criminelles ou des réponses aux questions concernant le rôle de la Division des enquêtes criminelles auprès de ces appelants;

  2. par conséquent, la Couronne avait également omis, lors du premier interrogatoire préalable, de se conformer au paragraphe 95(1) des Règles, les réponses données aux bonnes questions pertinentes ayant émané d’un déposant mal informé qui affirmait qu’il ignorait le rôle de la Division des enquêtes et qu’il ne travaillait pas au sein de cette division;

  3. La Couronne avait omis de se conformer à son obligation constante après les interrogatoires préalables de corriger les réponses données pour informer immédiatement les appelants que les réponses étaient inexactes ou qu’elles n’étaient plus exactes, après avoir appris le rôle de la Division des enquêtes, et de déposer le renseignement, une fois que les avocates de l’intimé avaient reçu le dossier de la Division des enquêtes criminelles, après le premier interrogatoire – voir l’article 98 des Règles. La réponse donnée lors de l’interrogatoire préalable, selon laquelle l’intimé ignorait le rôle de la Division des enquêtes, était clairement inexacte, à la connaissance des avocates de l’intimé, au plus tard, une fois que les avocates ont commencé à considérer l’enquêteur principal comme un témoin, et encore moins lorsqu’il a été considéré comme leur unique témoin. C’est le fait que la partie, à savoir sa Majesté le Roi et non le déposant, sache qu’il s’agit d’une réponse inexacte qui fait jouer l’application du paragraphe 98(1) des Règles et les obligations qui découlent de ce paragraphe sont clairement imposées à cette partie. Le fait de croire que la réponse du déposant était véridique au moment où il l’a donnée ne constitue pas un moyen de défense en ce qui concerne le paragraphe 98(1) des Règles.

  4. La Couronne n’a communiqué aucun dossier de la Division des enquêtes criminelles au moment de préparer sa liste de documents en vue d’une communication partielle aux termes de l’article 81 des Règles ou comme l’exige l’article 87, lorsque la Couronne a appris que la liste initiale était incomplète. Fondamentalement, la communication partielle prévue par l’article 81 des Règles diffère de la communication intégrale à l’article 82 en ce sens que celle-ci exige la production de tous les documents qui sont pertinents quant à toute question en litige dans l’appel, tandis que la communication partielle prévue par l’article 81 des Règles exige uniquement qu’une partie, alors qu’elle prépare sa liste, détermine les documents qui pourraient servir d’éléments de preuve pour l’aider à établir les faits qu’elle alléguait ou à réfuter les faits allégués par l’autre partie. En d’autres termes, la communication partielle, aux termes de l’article 81 des Règles, exige uniquement qu’une partie énumère les documents qui pourraient lui être utiles, et non ceux qui pourraient être utiles pour l’autre partie, comme l’exige une communication intégrale. Lorsque les avocates de la Couronne ont envoyé aux appelants les documents, peu de temps avant la semaine d’inscription de 2019, elles ont précisé que ces documents étaient utilisés par leur unique témoin en vue de la préparation de son témoignage au procès. Il s’ensuit, sans lire les documents, qu’au moment de la préparation de la liste de documents, ces documents de la Division des enquêtes « pourraient être présentés comme preuve » pour aider la Couronne à s’acquitter de son fardeau de la preuve. Dans la version française de l’article 81 des Règles, le verbe « pouvoir », qui correspond aux verbes « may » ou « might » en anglais, est aussi utilisé, ce qui signifie qu’on ne se limite pas aux documents que la partie entend utiliser - que les documents puissent être utilisés à cette fin suffit.

[15] La version française de l’article 81 des Règles diffère de la version anglaise, en ce sens que l’expression utilisée dans la version française est « pourraient être présentés comme preuve ». Je n’ai pas besoin de me prononcer sur cette distinction. Même si la Couronne a décidé de n’utiliser que les documents de la Division des enquêtes pour rafraîchir la mémoire de son témoin avant son témoignage, cela ne change pas le fait que lorsque la Couronne a préparé sa liste de documents, il s’agissait de documents qui pouvaient être utilisés pour être déposés en preuve, n’était-ce que pour corroborer le témoignage de leur témoin ou si leur témoin avait besoin de rafraîchir sa mémoire à l’aide de son dossier lorsqu’il subissait un interrogatoire principal ou un contre-interrogatoire.

[16] L’intimé a simplement tort de dire que cette interprétation de l’utilisation a pour effet d’assimiler une communication partielle aux termes de l’article 81 des Règles à une communication intégrale aux termes de l’article 82 des Règles. La communication partielle reste limitée aux documents qui sont utiles à la cause de la partie et les documents qui ne seraient pas utiles sa cause ne sont pas inclus.

[17] Même si je devais supposer que les avocates de l’intimé ignoraient que la Division des enquêtes criminelles avait joué un rôle auprès des participants de Fiscal Arbitrators ou de DeMara, notamment les appelants, ce qu’il m’est impossible de faire dans ces circonstances, l’article 87 des Règles exigeait que la liste de documents de la Couronne soit mise à jour au plus tard dès qu’elle prenait connaissance de l’existence de ces enquêtes et qu’elle s’apercevait que les dossiers de la Division des enquêtes sur Fiscal Arbitrators ou DeMara comprenaient des documents qui impliquaient ces appelants. L’un de ces documents aurait été une dénonciation de crime en vue d’obtenir un mandat de perquisition dans laquelle l’un de ces appelants est nommé plus de cinquante fois et à laquelle sont jointes ses déclarations de revenus, notamment des feuillets d’information.

[18] À l’issue du premier interrogatoire préalable, au moins deux de ces appelants ne savaient pas avec certitude si l’intervention de la Division des enquêtes criminelles de l’ARC auprès de Fiscal Arbitrators et de DeMara les concernait. Si au lieu d’avoir corrigé et fourni les renseignements et documents peu de temps avant la semaine du procès, ils avaient été corrigés et produits plus tôt, les appelants auraient également eu la possibilité, lors de l’interrogatoire préalable, de poser d’autres questions au sujet des nouveaux renseignements et documents et de notamment demander une copie du dossier intégral de la Division des enquêtes criminelles se rapportant à ces appelants. Les appelants ont manqué cette occasion du fait de la négligence de la Couronne.

[19] Il est très difficile de croire que les événements exposés aux sous-paragraphes 1 à 4 ci-dessus auraient pu se produire sans que l’ARC dans son ensemble, et au sein de ses divisions des appels et des enquêtes, et que les avocats de l’intimé, à un certain niveau au sein du groupe qui gérait le groupe d’appels Fiscal Arbitrators et DeMara, n’aient été au courant. Il ne peut s’agir que d’aveuglement volontaire[2]. Lors de l’interrogatoire préalable, l’intimé a nié connaître les activités de la Division des enquêtes, mais au moment du procès, il espérait que l’affaire porte sur des pénalités dans laquelle la charge de la preuve incomberait uniquement à l’enquêteur principal qui avait obtenu, examiné ou autorisé ces documents.

[20] Les appelants avaient une très bonne raison de soulever les réponses insatisfaisantes de la Couronne lors du premier interrogatoire préalable, un an plus tard et peu avant le procès. Les avocates de l’intimé venaient seulement de leur dire que l’un des enquêteurs principaux serait l’unique témoin et qu’il se servirait des documents du dossier de la Division des enquêtes pour rafraîchir sa mémoire, alors que lors de l’interrogatoire préalable, elles avaient répondu qu’elles ignoraient que les activités de la Division des enquêtes étaient menées à l’encontre de ces appelants.

[21] Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, à la conclusion de l’audience, j’ai ordonné un interrogatoire préalable et la production de documents supplémentaires limités et que l’enquêteur, M. Matheson, soit la personne devant subir un nouvel interrogatoire. En ce qui concerne la portée limitée de cet interrogatoire préalable supplémentaire, mes observations ont été les suivantes :

[traduction]

La portée se circonscrit intentionnellement d’une façon restrictive autour de la communication sur le rôle de la Division des enquêtes et des documents relatifs aux enquêtes visant ces trois appelants et cette limite s’applique à la fois aux questions liées à l’interrogatoire préalable et aux documents et dans les deux cas, les droits s’étendent aux questions ou à d’autres documents sur des questions pertinentes qui découlent des premiers.

Je n’ai donc pas l’intention de laisser le champ libre aux appelants s’ils veulent poser des questions relatives à l’enquête menée par la Division des enquêtes visant [les promoteurs] ou toute autre personne, sauf dans la mesure où l’enquête visant une autre personne implique l’un de ces trois contribuables, à savoir M. Richter, Mme McPherson et M. Choptiany.

Avez-vous des questions au sujet de mon ordonnance?

[22] Aucune des parties n’avait de questions.

[23] Plus tôt lors de l’audience, j’avais qualifié l’interrogatoire [traduction] d’« interrogatoire préalable supplémentaire qui doit se limiter au rôle de la Division des enquêtes et à ses documents relatifs aux enquêtes qui [...] ne sont limités que dans la mesure où ils concernent ces trois appelants ainsi que [...] les questions pertinentes qui en découlent ou qui découlent des réponses » et j’avais indiqué que l’interrogatoire [traduction] « se limitait aux enquêtes qui portaient non pas sur les trois appelants, mais qui impliquaient ces trois appelants [...] » et que je [traduction] « ne pensais pas qu’il fût opportun [...] de donner à M. Pniowsky toute la latitude voulue pour qu’il pose des questions sur [les promoteurs] et [...] que les questions devraient se limiter aux éléments dans ces enquêtes visant d’autres personnes qui impliquent leurs trois contribuables appelants [...], que ces trois appelants pourraient ne pas avoir fait l’objet de l’enquête, mais y avoir été impliqués dans l’esprit, les notes ou les documents de l’enquêteur ». Il aurait dû apparaître très évident pour les parties que j’utilisais le verbe [traduction] « impliquer » au sens large, à l’instar des expressions « relativement à », « par rapport à », « concernant » et « quant à » discutées dans les arrêts Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 RCS 29 et Canada c. Basserman, (1994) 169 N.R. 109 (CAF).

[24] J’ai observé précédemment « Que les choses soient claires. Je pars du principe que si l’ARC a pensé qu’un fait concernant l’appelante qui est survenu pendant l’année d’imposition en cause valait la peine d’être consigné et a décidé que le meilleur endroit pour ce faire était le dossier de l’appelante pour cette année bien précise, alors, de prime abord, le document dans lequel le fait en question est consigné atteint le niveau de pertinence voulu pour qu’il doive être communiqué au cours d’un interrogatoire préalable », voir la décision Concept Plastics Limited c. La Reine, 2009 CCI 79, par. 5.

[25] De même, je pars du principe que si l’ARC enquête sur une autre personne, entité ou sur un stratagème qui nomme un appelant, dans autre chose qu’une liste de participants ou d’investisseurs ou d’une façon similaire, relativement à une question soulevée en appel par le contribuable appelant devant notre Cour, alors, de prime abord, le document dans lequel un appelant est nommé atteint le niveau de pertinence voulu pour qu’il doive être communiqué au cours d’un interrogatoire préalable. Cela ne veut pas dire que l’appelant peut prendre un document obtenu lors d’une recherche effectuée à l’aveuglette sur l’enquête. Demander de produire le document ou demander s’il existe lors de l’interrogatoire préalable serait, de prime abord, une question légitime, à l’instar de toute autre question relative à la participation de l’appelant à l’enquête ou à son implication dans celle-ci[3].

[26] Le 17 octobre 2019, deux jours après l’audience, l’ordonnance par écrit a été rendue. Elle est rédigée comme suit :

[traduction]

1. Les appelants peuvent mener et achever un nouvel interrogatoire préalable, formuler de nouvelles réponses et questions et réponses de suivi dans les 60 jours suivant la date de la requête, seulement dans la mesurel’un ou l’autre des appelants a participé à l’enquête, où des documents se rapportant à l’enquête concernent l’un ou l’autre des appelants et où des questions pertinentes découlent de ceux-ci.

[Non souligné dans l’original.]

V. Le deuxième ajournement

[27] Le 20 janvier 2020, les appelants ont déposé leur avis de requête concernant la requête de janvier 2020 et ils l’ont présente le 27 janvier 2020, lors du premier jour du procès, pour l’audience prévue pour leurs appels.

[28] La présente requête des appelants repose sur une inobservation alléguée par l’intimé de mon ordonnance dans la requête d’octobre 2019 : l’intimé a continué à refuser de divulguer les renseignements faisant l’objet d’une ordonnance, a choisi, à tort, d’interpréter de façon restrictive la formulation dans mon ordonnance d’octobre 2019 et a affirmé que son déposant, M. Matheson, n’était ni préparé ni informé ou qu’il était réticent à répondre aux questions relevant de cette ordonnance lors du nouvel interrogatoire préalable oral (le « deuxième interrogatoire préalable »).

[29] L’affidavit à l’appui comprenait comme pièce une lettre du 15 novembre 2019 rédigée par l’avocate de l’intimé qui commence par le paragraphe suivant [traduction] : « Nous avons maintenant eu l’occasion d’examiner l’intégralité des documents qui nous donnent à penser qu’ils font partie de l’ordonnance du juge Boyle. Les cinq reliures de documents qui accompagnent la présente lettre se limitent aux ‘documents se rapportant à l’enquête [de LaValley et Stancer] qui concernent l’un ou l’autre des appelants [...] ».

[30] Le deuxième interrogatoire préalable s’est déroulé le 10 décembre 2019 et certaines des questions posées par les appelants à M. Matheson n’ont pas eu de réponses. Après le dépôt de la requête de janvier 2020, l’intimé a transmis aux appelants ses réponses aux engagements à 23 h, le mercredi précédant le début de leur audience prévue le lundi 27 janvier 2020.

[31] Les avocats des appelants ont informé la Cour que le Dr Choptiany avait déclaré faillite et qu’il avait confirmé par écrit, le 20 janvier 2020, que le syndic avait donné pour consigne de poursuivre la procédure d’appel.

[32] La mesure demandée par les appelants était que leurs appels soient accueillis, avec dépens adjugés sur la base avocat-client.

[33] À l’ouverture de l’audience, le 27 janvier 2020, la juge Lyons a refusé d’entendre la requête, car elle concernait principalement l’interprétation de mon ordonnance relative à la requête d’octobre 2019 et elle a ajourné l’audience du procès pour me permettre d’entendre et de trancher la requête de janvier 2020. L’intimé a contesté avec vigueur l’ajournement et a soutenu avec fermeté que ce procès devait avoir lieu, l’interrogatoire préalable ayant été correctement mené.

VI. La requête de janvier 2020

[34] Dans la requête de janvier 2020, il était demandé que les appels soient accueillis avec dépens. Les motifs invoqués par les appelants étaient les suivants :

  1. la thèse écrite de l’intimé, selon laquelle il pensait que mon ordonnance d’octobre 2019 se limitait aux enquêtes sur les deux promoteurs nommés, LaValley et Stancer, bien que ce ne soit pas ce que j’ai écrit ou dit, excluant ainsi toute divulgation des enquêtes visant d’autres personnes qui impliquaient les appelants ou des enquêtes visant les appelants eux-mêmes;

  2. Les appelants savaient que la Division des enquêtes criminelles de l’ARC avait concrètement mené une enquête sur le Dr Choptiany, jusqu’au point d’interroger des témoins et qu’elles ont été clôturées, sans qu’aucune autre mesure ne soit prise, que ces documents de la Division des enquêtes auraient dû être divulgués, que M. Matheson aurait dû répondre à leurs questions, étant donné que l’enquête atteindrait le niveau de pertinence voulu à l’étape de l’interrogatoire préalable pour leurs appels concernant les pénalités administratives, et qu’ils avaient déjà été visés par mon ordonnance d’octobre 2019. La réponse écrite de l’intimé portait que l’enquête sur le Dr Choptiany n’était pas visée par l’ordonnance d’octobre 2019, car il ne s’agissait pas d’une [traduction] « enquête en bonne et due forme » sur lui, bien que sa vérification ait été menée entièrement par les enquêteurs au sein de la Division des enquêtes et non au sein de la Division de la vérification. Les mots [traduction] « en bonne et due forme » ne figurent pas dans mon ordonnance ou ne furent pas utilisés lors de l’audience et aucun mot ayant une portée similaire n’a été utilisé. Les mots [traduction] « en bonne et due forme » n’ont pas été utilisés dans les questions posées à M. Matheson et auxquelles il a répondu qu’il n’avait connaissance d’aucune enquête visant l’un des appelants;

  3. les appelants savaient aussi que M. Richter a été nommé plus de soixante-deux‑ fois dans le rapport de la Division des enquêtes sur l’un des deux promoteurs nommés, notamment dans la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition, et ce fait a également été visé par mon ordonnance d’octobre 2019. Néanmoins, les appelants n’ont pas pu obtenir de réponses à leurs questions au sujet de cette enquête, alors qu’ils recherchaient des faits disculpatoires relatifs à l’imposition de pénalités en cause qui concernait M. Richer;

  4. après mon ordonnance d’octobre 2019, l’intimé n’avait pas communiqué aux appelants d’autres documents contenant des notes d’information, des notes de service ou des courriels internes de la Division des enquêtes de l’ARC relatifs aux appelants;

  5. l’intimé refusait de produire des documents relatifs à la prise de décisions, à la rédaction et à la diffusion de la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition impliquant M. Richter;

  6. l’intimé refusait de répondre aux questions relatives à Fiscal Arbitrators, les avocates soutenant à tort que ces appels étaient des causes types de DeMara – même si l’appel interjeté par le Dr Choptiany concerne Fiscal Arbitrators et l’un des appels interjetés par Mme McPherson ne concerne que Fiscal Arbitrators;

  7. l’interprétation atténuée par l’intimé de mon ordonnance d’octobre 2019 empêchait les avocats des appelants et l’appelante, Mme McPherson elle-même, de savoir également si l’ARC menait une enquête criminelle la visant et interrogeait des témoins;

  8. les réponses de l’intimé aux engagements pris deux jours ouvrables avant le procès, qui devait commencer en janvier 2020, n’étaient pas suffisantes;

  9. l’intimé n’aurait pas dû faire une interprétation atténuée des mots [traduction] « de LaValley et de Stancer » ou [traduction] « en bonne et due forme » dans mon ordonnance d’octobre 2019, mais il aurait dû me faire part de toute véritable question qu’il se posait concernant la portée de mon ordonnance aux fins d’éclaircissements. Dans l’arrêt Canada c. Basserman, 114 DLR (4th) 104, la Cour d’appel fédérale a confirmé que l’omission par l’intimé de demander ces éclaircissements était possiblement fatale et qu’elle justifiait l’accueil des appels;

  10. l’intimé a continué à manquer à son obligation de présenter un représentant bien informé pour participer à l’interrogatoire (paragraphes 93(3) et 95(2) des Règles), de répondre aux questions pertinentes (paragraphe 95(1) des Règles) et de corriger le dossier une fois qu’il a appris qu’une réponse était inexacte ou incomplète (article 87 des Règles).

[35] L’intimé a déposé ses observations écrites dans la requête de janvier 2020. Il n’a pas bien expliqué pourquoi il a choisi d’interpréter de manière tendancieuse mon ordonnance d’octobre 2019 pour traiter ses manquements passés lors de l’interrogatoire préalable de ces trois appels.

[36] Les éléments de preuve relativement à la présente requête étayaient la version des faits des appelants sur laquelle reposait leur requête.

[37] Cependant, je ne leur ai pas accordé la mesure demandée. J’ai conclu que la position adoptée par l’intimé, qui se fondait sur l’interprétation tendancieuse de mon ordonnance, lorsque l’ARC se renseignait sur les documents et les connaissances nécessaires et tentait de les trouver, selon les termes de mon ordonnance d’octobre 2019, était déraisonnable et intentionnelle, mais je ne l’ai pas condamné pour outrage au tribunal ou je n’ai pas encore considéré qu’on était à un stade où la mesure demandée par les appelants était appropriée. Même si l’intimé pourrait n’avoir « interprété » mon ordonnance que par inadvertance dans sa lettre de novembre qu’il a envoyée, restreignant ainsi sa portée, je ne pouvais pas croire que cela ait pu se reproduire le lundi 27 janvier, lorsque l’intimé a fermement contesté un ajournement au moment où il avait certainement examiné les questions soulevées par les avocats des appelants. Si je ne peux pas le croire le 27 janvier, cela m’amène à douter quant au fait que cela fût vrai en novembre, lorsque ça s’est produit[4]. J’ai plutôt ordonné un nouvel interrogatoire préalable oral (le « troisième interrogatoire préalable ») par une personne bien informée, M. Matheson (ou une autre personne dont les parties pourraient convenir), après avoir communiqué l’ensemble des documents décrits dans mon ordonnance d’octobre 2019. J’ai expressément laissé aux appelants la possibilité de présenter, à l’issue de cet interrogatoire, une requête en vue d’accueillir les appels et d’accorder les dépens sur la base avocat-client ou des dépens indemnitaires substantiels tout au long de la procédure, s’ils pensaient que l’intimé ne présentait pas les documents ayant fait l’objet d’une ordonnance ou qu’ils n’étaient pas correctement informés lorsqu’il répondait aux questions pertinentes posées au cours du troisième interrogatoire préalable. Je n’étais disposé à me prononcer que sur la question des dépens payables immédiatement par l’intimé et relatifs à la requête de janvier 2020, dont je suis saisi, ainsi qu’à la requête connexe d’octobre 2019.

[38] Après avoir prononcé ma décision à la fin de la longue audience, les avocates de l’intimé m’ont demandé de mettre au clair certaines questions concernant la portée de ma décision et de mon ordonnance d’octobre 2019 [traduction] « simplement pour éviter d’autres erreurs de la part de l’intimé ». J’ai autorisé les deux avocates de l’intimé à me poser des questions auxquelles j’ai répondu et elles ont confirmé qu’elles étaient satisfaites de mes réponses.

[39] Aucune ordonnance écrite n’a été rendue, les parties ayant demandé et obtenu dix jours pour tenter de s’entendre sur les dépens relatifs à la présente requête et sur un projet d’ordonnance, à défaut de quoi elles devaient me présenter les derniers projets d’ordonnance qu’elles s’étaient échangés, afin que je puisse concentrer mon attention sur les questions au sujet desquelles les parties n’arrivaient pas à s’entendre, lors de la préparation de mon ordonnance, ainsi que leurs observations sur les dépens en vue d’établir une somme fixe pour les dépens.

[40] Aucun projet d’ordonnance n’a été reçu, mais les parties ont procédé à la planification du troisième interrogatoire préalable et à la communication de plus de renseignements dans les délais établis dans ma décision lors de l’audience, bien que cela n’ait été effectué qu’à l’occasion d’une nouvelle conférence de gestion de l’instance.

[41] Ma décision selon laquelle un troisième interrogatoire préalable était nécessaire, après la communication d’autres documents relatifs à des enquêtes impliquant les promoteurs de Fiscal Arbitrators ou de DeMara, ou d’autres personnes, qui concernaient l’un des appelants ou qui visaient les appelants eux-mêmes, était fondée sur les manquements évidents suivants à mon ordonnance d’octobre 2019 :

  1. l’intimé avait circonscrit de façon inappropriée la portée de la recherche par l’ARC de documents faisant l’objet d’une ordonnance en ajoutant de manière incorrecte, déraisonnable et intentionnelle des mots dont le sens était restreint dans ce qu’il avait demandé à l’ARC de rechercher et en m’en rendant responsable. Cela ne résultait pas d’une inattention. Cela ressort clairement de l’utilisation par l’intimé des expressions [traduction] « qui croient à partir d’une partie de l’ordonnance du juge Boyle » et de l’ajout des mots [traduction] « [chez LaValley et Stancer] » où il me cite. Cela a eu pour effet d’exclure de la conformité à mon ordonnance toutes les enquêtes sur les personnes qui ne sont pas les deux promoteurs de DeMara ou l’un des appelants eux-mêmes;

  2. l’intimé a de façon incorrecte, inappropriée et intentionnelle omis de communiquer une enquête concrète menée par la Division des enquêtes criminelles de l’ARC et visant l’un des appelants, le Dr Choptiany, en choisissant d’interpréter un renvoi à une enquête comme un renvoi à des [traduction] « enquêtes en bonne et due forme » uniquement. Il semble que l’intimé a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une enquête en bonne et due forme après avoir décidé de ne pas la communiquer et M. Matheson a répondu qu’il n’était pas au courant qu’une enquête visant l’un ou l’autre des appelants était menée. Il n’a aucunement tenté de justifier cela en renvoyant à mes propos tenus dans la requête d’octobre 2019, à ma décision lors de cette audience ou à mon ordonnance d’octobre 2019. Il n’a pas non plus tenté de justifier cela en renvoyant à la manière dont la question avait été formulée lors du deuxième interrogatoire préalable. Compte tenu de cela et du point 1 mentionné précédemment, j’en ai déduit que l’inobservation par l’intimé de mon ordonnance d’octobre 2019 était motivée par le fait qu’il ne souhaitait pas communiquer ce renseignement avec moi;

  3. après mon ordonnance d’octobre 2019, l’intimé a omis de communiquer tout autre dossier de la Division des enquêtes impliquant M. Richter qui était expressément mentionné lors de la requête d’octobre 2019;

  4. Le déposant de l’intimé, M. Matheson, qui était l’enquêteur principal relativement aux dossiers portant sur DeMara, mais non en ce qui concerne les dossiers liés à Fiscal Arbitrator, ne s’est même pas renseigné pour savoir, à l’occasion du deuxième interrogatoire préalable, si une enquête visant l’un de ces trois appelants eux-mêmes était menée. Lorsqu’on lui a posé directement la question lors du deuxième interrogatoire préalable, il a simplement répondu par la négative;

  1. Voici les propos qui ont été échangés :

[traduction]

Q. : Savez-vous si des enquêtes relatives à l’un des appelants expressément nommés en l’espèce sont menées?

R. : Non.

Q. : Vous êtes-vous renseigné pour savoir s’il y aurait ou s’il y avait des enquêtes impliquant précisément les appelants en l’espèce?

R. : Est-ce que je me suis renseigné précisément pour savoir si des enquêtes étaient menées?

Q. : Oui.

R. : Non.

[…]

Q. : Il y a eu également une enquête criminelle concernant Fiscal Arbitrators, n’est-ce pas?

R. : Je ne sais pas.

[…]

Q. : Je crois comprendre que des enquêtes impliquant au moins l’un des appelants nommés dans le présent interrogatoire préalable ont été activement menées.

R. : Ah bon.

Q. : Et vous n’êtes pas au courant de ça?

R. : Non.

Q. : Il est donc inutile que je vous pose plus de questions à ce sujet?

R. : Oui. Je ne suis pas au courant.

  1. L’intimé n’a pas communiqué ses dossiers de la Division des enquêtes visant le Dr Choptiany qui ont fait l’objet d’une ordonnance, même lorsque les appelants ont renouvelé leur demande. Il ne fait aucun doute que la Division des enquêtes criminelles de l’ARC a mené une enquête visant le Dr Choptiany.

  2. La réponse de M. Matheson à une question imprévisible, qui était que l’ARC avait une stratégie qui consistait à axer les enquêtes sur les promoteurs, était floue et ne répondait pas à la question de savoir si ces trois appelants faisaient l’objet d’une enquête. Il semblait en ressortir une réponse négative, mais les documents déposés à la Cour indiquent clairement l’existence d’une enquête visant le Dr Choptiany menée par la Division des enquêtes criminelles de l’ARC et celle d’une enquête préliminaire visant Mme McPherson;

  3. l’intimé a clarifié l’une des réponses de M. Matheson pour indiquer que l’enquête visant le Dr Choptiany ne s’étendait pas aux entrevues d’enquête. Cela est totalement faux, même après un examen superficiel des notes de l’enquête le visant menée par la Division des enquêtes criminelles. L’intimé n’a jamais corrigé cela;

  4. Lors du deuxième interrogatoire préalable, M. Matheson a dit qu’il ignorait l’existence d’une enquête criminelle concernant Fiscal Arbitrators. Cela confirmait clairement qu’il a été totalement pris au dépourvu, qu’il était peu coopératif ou qu’il mentait. L’intimé a soutenu à tort que mon ordonnance d’octobre 2019 ne visait que les enquêtes des enquêtes connexes relatives à DeMara et non les enquêtes relatives à Fiscal Arbitrators. Compte tenu de cela, parmi ces trois appelants, un appelant (M. Richter) interjette appel à l’égard de DeMara, un appelant (M. Choptiany) interjette appel à l’égard de Fiscal Arbitrators et une appelante (Mme McPherson) interjette appel relativement aux deux stratagèmes fiscaux; cette position indéfendable empêchait une communication appropriée et un interrogatoire préalable efficace conformes à mon ordonnance d’octobre 2019 pour ces appelants. Il convient de noter que les avocats des appelants ont très clairement expliqué cela aux avocates de l’intimé. Les avocates de l’intimé ont répondu qu’elles maintenaient leur refus. Cette réponse, combinée à l’ignorance prétendue de M. Matheson, a empêché de mener un interrogatoire adéquat lors du deuxième interrogatoire préalable;

  5. L’intimé a eu tort de retarder la diffusion de ces documents relatifs à Fiscal Arbitrators qu’il a divulgués quelques jours avant la deuxième semaine d’inscription en raison de la faillite du Dr Choptiany, jusqu’à ce que son syndic confirme qu’il interjetterait appel. Mme McPherson faisait partie des appelants et son appel se rapporte au rôle qu’elle a joué dans Fiscal Arbitrators. Il semble qu’il se soit agi d’une étape délibérée de la stratégie contentieuse de l’intimé et il s’est servi de la faillite comme prétexte pour ne pas se conformer à ses obligations claires. Il semble que, au final, Mme McPherson n’ait toujours pas su si elle faisait l’objet d’une enquête, information qui serait pertinente pour son appel à l’étape des interrogatoires préalables. La faillite d’un appelant et la législation sur la faillite n’ont pas eu pour effet de modifier mon ordonnance d’octobre 2019. Si l’intimé s’inquiétait de façon légitime de l’incidence, le cas échéant, que cela avait sur l’ordonnance judiciaire, il aurait dû entrer en contact avec moi – voir l’arrêt Basserman précité. L’intimé a maintes fois communiqué avec la Cour au sujet de questions relatives à la gestion des instances concernant le plus grand groupe d’appels relatif à Fiscal Arbitrators (comprenant DeMara);

  6. lors de l’audience en 2020, les avocates de l’intimé ont soutenu qu’elles pensaient que ces trois affaires (et vraisemblablement les autres affaires en suspens en regard desquelles elles étaient les causes types) n’impliquaient que DeMara. Non seulement il ressort clairement des actes de procédure que tel n’est pas le cas, mais lors du premier interrogatoire préalable de M. Irwin, il y eut notamment les échanges suivants au début de l’interrogatoire :

[traduction]

Q. : Et vous êtes au courant de l’existence d’un projet sous-jacent qui a généré ces dossiers, n’est-ce pas?

R. : Oui.

Q. : Et ils sont, je les appellerai des dossiers de projet, mais je pense que vous savez de quoi je veux parler. Nous parlons de ceux qui ont participé au projet, nous l’appellerons la méthode de production des déclarations de revenus de Fiscal Arbitrators et la méthode de production des déclarations de revenus de DeMara?

R. : Oui. Ce sont les deux projets qui sont en cause[5].

  1. Les réponses de l’intimé aux engagements n’étaient pas suffisantes;

  2. Lorsque M. Matheson, lors du deuxième interrogatoire préalable, a demandé à l’intimé de satisfaire à un engagement, celui de produire des documents de l’ARC contenant des délibérations, des discussions ou une décision sur la question de savoir s’il fallait mener une enquête criminelle sur les participants aux projets de DeMara ou de Fiscal Arbitrators, l’intimé a eu tort de refuser. Il était évident, vu le contexte, que l’avocat des appelants limitait sa demande aux documents dans lesquels ces trois appelants étaient nommés. L’avocate de l’intimé a ainsi répondu : « je ne donnerai pas un engagement [...] relativement à l’un des participants ». Les autres réponses de l’avocate de l’intimé à des questions similaires étaient vagues;

  3. l’intimé a eu tort de ne produire que l’extrait de la première page du renvoi à une enquête ou de l’enquête principale de la Division des enquêtes, en alléguant qu’elle était produite gracieusement, c’est-à-dire en prétendant que cela dépassait la portée de mon ordonnance d’octobre 2019. On a fait très peu de cas de l’argument des avocates de l’intimé, selon lequel en mentionnant par écrit que la première page était produite gracieusement, elles ne voulaient pas dire que mon ordonnance ne l’exigeait pas;

  4. ces appels n’avaient pas encore été de nouveau inscrits au rôle pour audition après le deuxième ajournement et les appelants n’avaient subi aucun préjudice évident qui ne pouvait pas être compensé au moyen des dépens, en cas de nouvelle ordonnance exigeant une nouvelle communication et un nouvel interrogatoire préalable, selon les mêmes modalités, bien que cette question ait été totalement réglée, sous la forme de mon ordonnance d’octobre 2019.

[42] Au cours de l’audition de novembre 2020, à l’occasion de laquelle cette requête de janvier 2020 a été tranchée, il convient de noter les aspects suivants de ce qui a été discuté.

[43] J’ai expliqué que l’ajout par l’intimé des mots entre crochets, au moment de citer mon ordonnance, indiquait clairement que j’avais auparavant mentionné ces personnes nommées dans ma déclaration. Or, dans l’extrait cité, un pronom, comme « les, lui, elle ou l’ » avait été utilisé. Que l’intimé ait fait précéder la citation de la mention selon laquelle il pensait que c’était ce que j’avais dit ne change rien à cela.

[44] J’ai qualifié de différentes façons cette manière d’agir : [traduction] « outrageusement trompeuse et inappropriée », [traduction] « elle pourrait être considérée comme méprisante », [traduction] « elle n’était pas juste », [traduction] « elle militait en faveur de la thèse défendable, alors qu’il ne devrait s’agir que d’un éclaircissement », [traduction] « je ne pense pas qu’elle soit raisonnable ou défendable », [traduction] « elle était profondément troublante », [traduction] « extrêmement inappropriée » et [traduction] « que je ne pense pas que vous ayez raisonnablement fait erreur ».

[45] Lors de cette audience, les avocates de l’intimé ont admis que l’interprétation tendancieuse de mon ordonnance [traduction] « a créé une certaine confusion ». Elles ont dit que l’erreur commise était liée à la façon d’interpréter mon ordonnance.

[46] J’ai dit [traduction] : « je ne pense pas que ces contribuables aient obtenu l’interrogatoire préalable et la communication que j’ai ordonnés. Cela a été contrecarré le 15 novembre ».

[47] J’ai dit que le défaut par M. Matheson de s’informer lui-même quant à la question de savoir si des enquêtes visant ces trois appelants étaient en cours [traduction] « pourrait être considéré comme méprisant », que cela était [traduction] « choquant », que je ne pouvais pas croire qu’il n’avait pas reçu de directive du ministère de la Justice l’enjoignant à se renseigner dans le cadre de sa préparation, que cela semblait vicier l’intégralité de l’interrogatoire préalable, que je me demandais comment ses réponses pouvaient être jugées satisfaisantes et que les présents appels étaient désormais compromis par la manière dont l’intimé avait choisi d’interpréter mon ordonnance.

[48] J’ai dit que la restriction de la portée de mon ordonnance ainsi que le défaut par M. Matheson de s’informer lui-même correctement, afin de savoir si des enquêtes visant les appelants eux-mêmes auraient même été menées, ont eu, de concert, pour effet de contrecarrer l’interrogatoire préalable et la communication que j’avais accordés dans mon ordonnance d’octobre 2019 et que [traduction] « cela constitue un comportement gravement répréhensible ».

[49] En ce qui concerne les dépens, j’ai clairement indiqué que je pensais qu’il vaudrait peut-être mieux attendre et déterminer le degré de conformité de l’intimé à ma décision relative à la requête de janvier 2020, avant que l’on me demande de fixer les dépens si les parties ne parvenaient pas à s’entendre sur leur montant. J’ai renvoyé l’intimé à ce que j’ai dit au paragraphe 20 de la décision sur les dépens Jolly Farmer. J’ai mentionné ma pratique publiée qui consiste à accorder des dépens majorés, s’ils étaient demandés et appropriés, en pourcentage des dépens réels raisonnables. J’ai indiqué aux parties que le comportement déraisonnable et inacceptable de l’intimé n’avait pas encore atteint le seuil suffisant pour adjuger les dépens sur la base avocat-client, mais qu’il y avait un aspect d’accumulation à prendre en considération, ce qui explique pourquoi je n’autoriserais des dépens qu’après la prochaine étape, si elle était nécessaire.

[50] En donnant les grandes lignes de ma décision à la fin de l’audience, j’ai dit que [traduction] « l’agent à présenter est soit un agent nommé sur lequel nous nous entendons aujourd’hui, soit un agent que je choisis aujourd’hui et qui doit être pleinement informé au sujet de toute enquête de toute sorte visant l’un de ces trois contribuables nommés » et que [traduction] « si l’ARC songeait à mentionner leur nom dans le dossier ou à lier leur nom au dossier, il y figurera, et ce, expressément, sans porter atteinte aux droits des contribuables de présenter une nouvelle requête au besoin, à la fin de cet interrogatoire préalable ou si les contribuables pensent que cet interrogatoire préalable a été contrecarré de nouveau ».

[51] J’ai indiqué que [traduction] « si ce que vous faites en ce qui concerne Al Capone impliquait les appelants, s’il était fait mention de leur nom, si vous pensiez qu’il était pertinent d’y inscrire leur nom, vous disposiez de toute la latitude voulue pour le faire dès le 15 octobre ».

[52] J’ai en outre précisé que s’il existait des enquêtes qui ne visaient pas une personne nommée, mais un dossier de projet ou un dossier principal qui concernait ou nommait l’un de ces trois appelants, cela relevait de mon ordonnance. J’ai précisé que l’intimé ne devait communiquer que les pages portant sur les questions qui concernaient ces appelants, mais que si des questions relatives à ces pages étaient posées, cela pourrait amener à une demande de production d’autres documents et j’ai rappelé à l’intimé que le seuil de la pertinence à l’étape de l’interrogatoire préalable est bas. J’ai indiqué que seules ces pages devaient être produites immédiatement.

[53] J’ai dit que je pensais que ma décision ne devait pas porter atteinte au droit des appelants de déposer une requête similaire fondée sur un abus ou un outrage au tribunal en vue de faire accueillir les présents appels si l’intimé ne se conformait toujours pas à mon ordonnance.

[54] En bref, l’intimé est parti en novembre 2020 sans avoir de doute quant à mes réserves concernant ce qu’il avait fait et ce qu’il n’avait pas fait après l’ordonnance d’octobre 2019 et sans avoir de doute ou de questions laissées sans réponse concernant sa signification ou sa portée, ce qui était attendu de lui et les conséquences possibles s’il ne se conformait pas une nouvelle fois à mon ordonnance.

[55] Plusieurs de mes réserves ont été répétées lors de la conférence de gestion de l’instance tenue en mars 2021. Cette conférence téléphonique de gestion d’instance s’est tenue le 9 mars 2021, à la demande des parties, étant donné qu’elles n’avaient pas été en mesure de s’entendre sur un projet d’ordonnance ou sur un montant fixe des dépens après l’audience du 6 novembre 2020 et la décision relative à la requête de janvier 2020. J’ai accepté d’examiner les questions relatives aux échéanciers concernant le troisième interrogatoire préalable ordonné qui restait. Par contre, je n’entendrais pas les aspects de fond pour fixer les dépens à ce moment-là. L’audience devait se limiter à la gestion de l’instance et ne devait pas constituer la poursuite de la partie de l’audience sur les dépens de janvier 2020 relative à la requête de janvier 2020 des appelants. J’ai bien autorisé les parties à communiquer leurs questions quant aux méthodes possibles pour adjuger les dépens relativement à la requête de janvier 2020, de manière à leur permettre de poursuivre leurs discussions pour tenter de s’entendre sur le montant fixe des dépens, dans l’espoir que cela aboutisse et pour complètement éliminer la nécessité de poursuivre la requête sur les dépens. La décision de gestion de l’instance portait que les documents ayant auparavant fait l’objet de l’ordonnance seraient communiqués au plus tard le 16 avril et que le troisième interrogatoire préalable s’achèverait le 31 mai. On a aussi ordonné aux parties de consulter un coordonnateur des audiences et de s’entendre sur une troisième nouvelle semaine d’inscription au rôle des présents appels qui seront entendus à Toronto. Enfin, selon l’ordonnance de gestion de l’instance, chaque partie aviserait la Cour, au plus tard le 30 juin 2021, de toute nouvelle requête anticipée, sous réserve de toute nouvelle requête après cela, sans mon autorisation ou celle du juge qui préside.

[56] Les parties ont ensuite déposé leurs observations écrites sur les dépens relativement à la requête de janvier 2020 qui devait être tranchée en fonction des observations écrites. Cette requête n’avait pas été tranchée lorsque la requête actuelle de juin 2021 a été déposée par l’appelant le 3 juin. Dans la dernière requête de juin 2021, il était demandé que les appels soient accueillis et que les dépens avocat-client soient adjugés sur toute la période considérée. Les dépens relatifs à la requête de janvier 2020 seront maintenant determinés en même temps que la décision relative à la requête de juin 2021.

VII. La présente requête de juin 2021

[57] Dans leur requête dont est saisie la Cour à l’heure actuelle, les appelants demandent que leurs appels soient accueillis sans réserve, avec dépens adjugés sur la base avocat-client.

[58] Les motifs invoqués par les appelants à l’appui de la présente requête sont les suivants :

  1. l’intimé a manqué à mon ordonnance rendue lors de l’audience du 6 novembre 2020 relative à leur requête de janvier 2020 (l’« ordonnance de novembre 2020 ») qui découlait de l’inobservation par l’intimé de l’ordonnance d’octobre 2019 qui, à son tour, découlait de l’inobservation par l’intimé de ses obligations de transmettre des documents et de se soumettre à un interrogatoire préalable oral;

  2. lors du troisième interrogatoire préalable de l’intimé du 31 mai 2021, imposé par l’ordonnance de novembre 2020 et établi lors de la conférence de gestion de l’instance de mars 2021, le déposant de l’intimé s’est abstenu de s’informer suffisamment lui-même, rendant ainsi une nouvelle fois l’un interrogatoire préalable inefficace ou il s’est lui-même informé, mais il s’est volontairement abstenu de produire des réponses pertinentes;

  3. l’intimé a omis de répondre à des questions légitimes, a mis à tort des questions en délibéré et a généralement recouru à des faux-fuyants pour produire le moins de renseignements possible, notamment :

    1. en refusant d’admettre connaître les rôles des enquêteurs sur la question ou en alléguant ignorer ces rôles, bien que ces enquêteurs semblent être les signataires de divers rapports relatifs aux appelants;

    2. en refusant de confirmer les mots rédigés en termes clairs dans la propre dernière communication de l’intimé;

    3. en refusant d’admettre que les notes manifestement rédigées par l’un des enquêteurs étaient en fait écrites par un enquêteur;

    4. en alléguant ne pas connaître l’auteur des documents dans sa propre communication;

    5. en alléguant ne pas connaître les questions pertinentes ou en refusant sinon de répondre à des questions légitimes si les appelants n’établissaient pas d’abord la preuve du fondement des questions en indiquant certains documents;

  4. les documents communiqués par l’intimé depuis l’ordonnance de novembre 2020 ne comprenaient pas des documents dont on connaissait l’existence, comme des lettres provenant des appelants ou de leurs avocates;

  5. la description des circonstances de l’enquête et la raison pour laquelle elle avait été abandonnée ont été supprimées du rapport d’annulation de l’enquête visant le Dr Choptiany. La deuxième page du rapport de trois pages n’avait pas été communiquée et son absence n’a pas non plus été confirmée au moment de la communication du rapport, bien qu’il s’avère que l’intimé et ses avocates l’ont su;

  6. les manquements permanents à l’obligation imposée à l’intimé enlèvent toute valeur aux règles de l’interrogatoire préalable, démontrent une tendance à ne pas tenir compte, de manière intentionnelle et méprisante, des règles et des ordonnances de notre Cour, ont gaspillé les ressources de la Cour et ont fait perdre du temps et de l’argent aux appelants en raison des mesures coûteuses et répétées qui ont été prises à l’étape de la stratégie d’instance de l’intimé qui a duré plusieurs années et elles exposeront l’administration de la justice à controverse si la Cour n’impose pas des sanctions appropriées à cette étape.

[59] La présente requête a été débattue pendant deux jours et contenait près d’un millier de pages en preuve, notamment :

  1. la transcription intégrale de 100 pages du troisième interrogatoire préalable;

  2. un affidavit de M. Matheson concernant les efforts supplémentaires qu’il a déployés pour repérer les documents faisant l’objet de mon ordonnance de novembre 2020, aux fins de l’interrogatoire préalable, auquel étaient jointes des copies de sa correspondance visant à mener la recherche plus poussée, ainsi que des copies des 550 pages des documents qui se trouvaient au sein des Divisions des enquêtes criminelles de l’ARC et qui résultaient de ses efforts.

[60] Les deux parties ont déposé des observations écrites portant sur les questions de fond relatives à la présente requête. Les deux parties se sont contentées d’invoquer surtout leurs observations écrites antérieures sur les dépens qui avaient été déposées après la requête précédente de janvier 2020.

[61] Lors de l’audition de la présente requête, l’intimé a reconnu à plusieurs reprises que son ajout de la phrase [traduction] « [de LaValley et Stancer] » dans sa citation de mon ordonnance d’octobre 2019 n’était ni raisonnable ni justifiable. Lors de la requête de janvier 2020, l’intimé a seulement admis qu’il s’agissait d’une erreur. Cela ne signifie pas qu’elle était intentionnelle, mais cela pourrait simplement vouloir dire qu’il s’agissait d’une décision prise sans l’attention minimale nécessaire. Cependant, si elle n’était pas intentionnelle, elle n’a pas non plus reçu le niveau d’attention minimal nécessaire lorsque l’intimé s’est néanmoins fermement opposé au deuxième ajournement devant la juge Lyons et soutenu qu’il convenait toutefois que l’instruction se fasse devant elle. Cela tend bel et bien à établir que l’on a suivi une stratégie contentieuse. Je ne peux pas deviner à quel niveau et dans quelle mesure elle a été adoptée.

[62] Lors de l’audition de la présente requête, l’intimé n’avait pas modifié sa liste de documents ou davantage corrigé sa réponse antérieure donnée lors du deuxième interrogatoire préalable, selon laquelle il ignorait l’existence de toute enquête visant les appelants, comme cela a déjà été une fois [traduction] « clarifié » par l’intimé pour indiquer que M. Matheson n’avait connaissance d’aucune enquête [traduction] « en bonne et due forme ». Comme cela est mentionné ci-dessous, les documents communiqués par l’intimé après mon ordonnance de novembre 2020 utilisaient en fait l’expression [traduction] « en bonne et due forme » pour définir la portée de l’enquête visant le Dr Choptiany et menée par la Division des enquêtes criminelles. Étant donné que les documents que l’intimé a communiqués révèlent le caractère incomplet et inexact de sa réponse déjà modifiée une fois et de sa liste de documents, les tentatives de l’intimé dans son argumentation pour minimiser ces manquements à ses obligations aux termes des Règles sont simplement inacceptables à cette étape et dans les circonstances. La Cour pourrait ne pas pouvoir contraindre les parties à coopérer à l’étape de l’interrogatoire préalable, mais elle peut mettre en application ses règles et ordonnances et elle le fera. Elle s’assurera sinon que les droits des deux parties à une procédure équitable soient respectés.

[63] Il est évident qu’il existait aussi une enquête visant Mme McPherson, du moins une [traduction] « enquête préliminaire », comme l’a qualifiée l’ARC dans ses dossiers de la Division des enquêtes criminelles, qui n’a pas été poursuivie. Cet aspect de la réponse inexacte de M. Matheson doit encore être corrigé, quel qu’il en soit.

[64] L’intimé soutient qu’il a été corrigé par une explication écrite envoyée aux avocats des appelants, selon laquelle [traduction] « ma réponse initiale portait sur la question de savoir si j’avais connaissance d’une enquête en bonne et due forme visant les appelants ». L’intimé écrit cela comme s’il s’agissait de la question qui avait été posée à M. Matheson, ce qui n’était pas le cas. Le problème le plus grave est que son [traduction] « explication » se termine par [traduction] « il n’y a [...] aucun interrogatoire des témoins et aucun document qui indiquerait qu’une enquête en bonne et due forme a eu lieu ». Ainsi, non seulement il s’agit d’une tentative de falsifier une réponse inexacte, en affirmant que ma réponse ne répondait pas à la question posée, mais qu’elle répondait à une autre question et qu’elle serait exacte si une question différente était posée, mais on obtient finalement deux nouvelles réponses inexactes. La Division des enquêtes criminelles a mené des interrogatoires et a expliqué ce qu’elle a fait en guise d’enquête en bonne et due forme visant le Dr Choptiany. Je n’arrive pas à comprendre comment l’intimé peut continuer à soutenir qu’aucune explication supplémentaire n’était ou n’est nécessaire. La première explication semble d’abord avoir été soigneusement rédigée de manière à être trompeuse. L’indication, selon laquelle il n’y a pas eu d’interrogatoire des témoins ni d’autres documents, est simplement inexacte, après examen des rapports des dossiers de la Division des enquêtes criminelles mis à la disposition de l’intimé.

[65] Lors du troisième interrogatoire préalable :

  1. L’intimé n’avait pas encore transmis les échanges de courriels de M. Matheson avec les plus ou moins cinq autres divisions des enquêtes criminelles au Canada, qui menaient éventuellement des enquêtes sur ces appelants, dans lesquels il demandait qu’elles recherchent, trouvent et lui envoient tout dossier de la Division des enquêtes impliquant l’un de ces appelants. M. Matheson a confirmé que ces documents ont tous été envoyés à la Division des enquêtes de l’ARC et qu’aucun d’entre eux ne comprenait des avis juridiques. L’intimé a mis cette demande en délibéré. Cela empêchait et contrecarrait l’interrogatoire au sujet de la portée réelle des recherches à l’étape de l’interrogatoire préalable. Comme cela est expliqué ci-dessous, maintenant que cette correspondance a été produite, les réserves quant à cette question demeuraient. La demande de M. Matheson se limitait aux enquêtes visant Fiscal Arbitrators, ses promoteurs et les présents appelants. Encore une fois, ce n’est pas ce que mon ordonnance de février 2019 indiquait, même si son courriel commence par [traduction] « [d]ans une ordonnance de la Cour canadienne de l’impôt ». Au moins un destinataire l’a confondu avec l’ordonnance.

  2. Les avocates de l’intimé ont à tort refusé de laisser M. Matheson répondre aux questions concernant l’une des notes manuscrites de l’enquêteur, soutenant que toutes étaient illisibles, qu’elles ne pouvaient pas lire chacun des mots. Lorsqu’on leur a demandé lors du troisième interrogatoire préalable ce qu’elles ne pouvaient pas lire, cette demande a été mise en délibéré. M. Matheson n’a pas dit qu’il avait du mal à la lire. Seules les avocates de l’intimé l’ont dit. M. Matheson a confirmé qu’elle indiquait ce que les avocats des appelants avaient lu. Lors de l’audition de la requête, j’ai conclu qu’elle était entièrement lisible et que son écriture, caractérisée par des lettres majuscules bien espacées, facilitait sa lecture par rapport à d’autres écritures. La seule chose que les avocates de l’intimé pouvaient qualifier de peu claire, lors de l’audience, était l’heure de la réunion de l’enquêteur, qui aurait pu être 12 h 45 ou 14 h 45, étant donné qu’il avait écrit sur le deuxième chiffre. Sur la copie du document, il apparaissait clairement que le chiffre « 4 » était beaucoup plus foncé que le chiffre « 2 », ce qui indique qu’il s’agissait du chiffre exact et que l’enquêteur avait d’abord commis une erreur courante lorsqu’on convertit l’heure au format d’affichage 24 heures. Je remarque qu’on pourrait peut-être aussi se demander si l’année « 2010 » dans la date était claire, bien que cela importe peu et n’ait pas été soulevé par l’intimé. Ces quelques nombres, dans l’heure et la date sans importance, sont des chiffres – tous les mots étaient lisibles et les avocates de l’intimé l’ont désormais admis.

  3. Si un témoin bien informé ne sait pas répondre à une question pertinente posée, des engagements sont autorisés et acceptables. Il ne faut pas utiliser les engagements et la mise en délibéré pour nommer un déposant, dont les connaissances sur des questions connues comme étant pertinentes par la partie et au sujet desquelles cette dernière s’attend à être interrogée se limitent à ce qu’on saurait à la lecture des documents communiqués. Ils ne doivent pas être utilisés pour empêcher l’avocat de la partie interrogatrice de poursuivre la série de questions de son interrogatoire. Les déposants doivent être prêts à répondre à cette série de questions portant sur des sujets pertinents. Il est manifeste que M. Matheson ne l’était pas.

  4. Il n’y a toujours aucun élément de preuve dont il ressort que M. Matheson, au moment de se préparer pour subir le troisième interrogatoire préalable, aurait même tenté de discuter de sujets liés aux dossiers avec la directrice adjointe, Mme Callis, qui avait signé le rapport d’annulation de l’enquête, le rapport sur les pénalités et le rapport de vérification et qui avait reçu la lettre prévue à l’article 241 de la Loi envoyée par les appelants, ainsi que l’accusé de réception de cette lettre par le Service des poursuites pénales ou celui envoyé par l’un des deux enquêteurs, à savoir l’enquêteur principal, M. Hartman, et son chef d’équipe, M. Tataryn, qui ont également signé les rapports de vérification et sur les pénalités. Si M. Matheson l’avait fait, il n’aurait pas pu limiter ses réponses lors du troisième interrogatoire préalable, qui était son deuxième interrogatoire préalable, à la confirmation de ce que les documents des dossiers rédigés par d’autres personnes indiquaient ou à leur lecture pour répondre à des questions légitimes et pertinentes qui lui avaient été posées. Ce n’est qu’après le troisième interrogatoire et le dépôt de la présente requête, l’intimé a confirmé que l’enquêteur principal avait rapidement reconnu qu’il était l’auteur de toutes les notes manuscrites. Je crois comprendre que la directrice adjointe, le chef d’équipe et l’enquêteur principal responsable de l’enquête visant M. Choptiany sont vivants et ont vécu au Canada pendant toute la période au cours de laquelle ces interrogatoires préalables ont été menés. Lors du deuxième ou du troisième interrogatoire préalable, alors que la Cour a défini la portée de l’enquête plus poussée, une fois que l’avocat de la partie interrogatrice a établi le manque de connaissances général notable du déposant ou son défaut de s’être lui-même informé sur les sujets déjà définis, la thèse de l’intimé, selon laquelle toutes les questions auraient dû avoir été posées et les engagements auraient dû avoir été acceptés ne peut être retenue.

  5. Lorsque les avocats des appelants ont été interrogés au sujet de la lettre prévue à l’article 241 de la Loi qui concernait l’enquête visant le Dr Choptiany, de son absence dans les documents communiqués et de l’absence de toutes les notes d’information, notes de service ou de toute la correspondance traitant de cette enquête, ils ont mis cette question [traduction] « en délibéré » afin de produire ces documents. La réponse écrite de l’intimé provenait d’une personne travaillant au sein de la Division des enquêtes criminelles pertinente et commençait par indiquer que ces documents demandés [traduction] « auraient déjà été produits lors de la précédente divulgation des documents », dans la présente instance relative à l’enquête visant Fiscal Arbitrators. Ces documents, qui auraient été acheminés à M. Matheson, ne sont jamais parvenus aux appelants. Un autre élément douteux est le fait que la fin de la réponse indiquait que le Service des poursuites pénales du Canada (le « SPPC ») aurait traité cette question [traduction] « pour le compte de l’ARC » et que les documents qui pourraient avoir été générés à la suite d’une plainte déposée en application de l’article 241 de la Loi auraient été générés par ce Service.

  6. Ni M. Matheson ni les avocates de l’intimé n’ont effectué un suivi auprès du SPPC, malgré l’affirmation du représentant de l’ARC au bureau des enquêtes criminelles pertinent, selon laquelle le SPPC aurait traité cette question pour le compte de l’ARC. La thèse de l’intimé, selon laquelle il n’était nullement obligé d’aller au-delà de l’ARC, est indéfendable dans les circonstances et à cette étape de cet interrogatoire préalable mené par ces appelants. Le paragraphe 95(3) des Règles impose précisément aux parties l’obligation de se renseigner de façon raisonnable auprès de leurs mandataires. Une partie ne peut pas se soustraire à ses obligations en matière de communication. En outre, l’intimé est Sa Majesté le Roi. L’ARC et le SPPC font tous les deux partie de cette Couronne fédérale.

[66] Il convient de tenir compte de ce qui suit en ce qui concerne les autres productions effectuées par l’intimé en réponse à ses engagements, à ses mises en délibéré et à ses refus lors du troisième interrogatoire préalable et après le dépôt de la présente requête :

  1. Des centaines de pages d’autres productions ne mentionnaient pas une lettre envoyée par les avocats des appelants à l’ARC et au SPPC en 2010 concernant les violations alléguées par la Division des enquêtes de l’article 241 de la Loi et la confidentialité des contribuables relativement à l’enquête visant le Dr Choptiany. Cette lettre a été envoyée à la directrice adjointe Gail Callis de la Division de l’exécution de l’ARC. Le SPPC a accusé réception de cette lettre et a mis en copie Mme Callis. Mme Callis a laissé un message vocal aux avocats des appelants qui l’ont transcrit. Les autres productions relatives à l’enquête visant le Dr Choptiany comprennent la correspondance du bureau du ministre, qui figurait dans le dossier de la Division des enquêtes criminelles, ainsi que la correspondance avec l’ombudsman de l’ARC. Cependant, les dossiers de la Division des enquêtes criminelles ne contiennent absolument aucune correspondance ou note à l’intention ou en provenance de la directrice adjointe ou des deux enquêteurs concernant les allégations des appelants selon lesquelles la Division des enquêtes violait l’article 241 de la Loi. Il convient de noter que l’ARC est à juste titre bien connue pour prendre au sérieux ses obligations aux termes de l’article 241 de la Loi.

  2. Étant donné que les dossiers communiqués de la Division des enquêtes criminelles ne contenaient rien sur ce sujet, M. Matheson ne connaissait absolument rien à cela à l’étape du deuxième interrogatoire préalable. Comme il n’y a aucune preuve portant qu’il s’était préparé pour le troisième interrogatoire préalable, il n’est pas évident que cela aurait fait une grande différence si des pages avaient été communiquées. M. Matheson a répondu qu’il ne pouvait pas penser que la directrice adjointe et les enquêteurs n’auraient rien fait après avoir reçu cette lettre. Cette réponse n’a jamais été mise à jour ou clarifiée, même après que M. Matheson eut parlé avec M. Hartman au sujet de ses notes.

  3. Le rapport d’annulation de l’enquête était un rapport composé de trois pages. Lorsqu’il a été communiqué, l’intimé et ses avocates étaient au courant qu’il manquait la deuxième page, la seule page complète et la page qui devait expliquer les résultats de l’enquête visant le Dr Choptiany et les raisons de l’abandon de l’enquête. À la fin de la première page, il est indiqué que le Dr Choptiany a été avisé du fait qu’il faisait l’objet d’une enquête criminelle et au début de la troisième page figure la recommandation d’interrompre la [traduction] « poursuite intentée ». Les deux pages ont été envoyées telles quelles, parmi des centaines d’autres pages, sans que soit signalée aux avocats des appelants la page manquante, bien que l’ARC ait tenté une nouvelle fois, avant de communiquer ces pages, de trouver la page manquante et qu’elle ait conclu qu’il est possible qu’elle se soit retrouvée au verso de la première page, au moment où elle a été numérisée, et qu’elle pourrait désormais ne plus exister. M. Matheson n’a pas tenté de communiquer avec les auteurs du rapport d’annulation de l’enquête pour déterminer s’ils se souvenaient de ce que la deuxième page contenait ou pour savoir ce qu’ils avaient retenu de leurs réflexions, conclusions et raisonnements. Compte tenu de l’importance de l’intention coupable dans le cas d’une accusation criminelle et de l’importance semblable d’une interprétation erronée commise intentionnellement, notamment par aveuglement volontaire, dans le cas de la pénalité civile pour faute lourde contestée dans la présente instance, il s’agirait d’un thème pertinent sur lequel les questions posées dans le cadre de l’interrogatoire préalable porteraient. Quelle que soit la raison pour laquelle la deuxième page n’avait pas été communiquée par l’intimé, qu’elle ait été en quelque sorte intentionnelle, se manifestant par des recherches pas suffisamment assidues ou qu’elle réside dans le fait que l’ARC a fait preuve de négligence en matière de reproduction ou de conservation des dossiers, l’absence de cette page dans ce rapport pose des questions d’équité procédurale. L’explication de l’intimé, selon laquelle il n’a pas signalé que la deuxième page était manquante, car il ne comprenait pas pourquoi les appelants voulaient voir ce document, n’a absolument aucun sens, surtout compte tenu du fait qu’il s’agissait d’un document qui faisait l’objet d’une ordonnance de divulgation et qu’il a été divulgué, bien que très tardivement.

  4. En l’espèce, la thèse de l’intimé, selon laquelle il n’existe aucune obligation précise de signaler des pages manquantes dans des documents qui doivent être communiqués, est choquante. La jurisprudence ne considère pas l’interrogatoire préalable comme un jeu et cela est particulièrement décevant lorsque la Couronne est la partie fautive. Dans ces circonstances particulières, le fait que ce soit cette page de ce document qui était concernée, alors qu’il savait qu’elle était manquante, vient corroborer la supposition des appelants selon laquelle l’intimé cache aux appelants, à la Cour et aux Canadiens la manière dont ces enquêtes ont été menées et dont ces appelants ont été interrogés[6].

  5. Il semble au mieux douteux que l’intimé ait invoqué l’article 241 de la Loi pour supprimer seulement le nom de certains témoins dans les renseignements qu’il a produits à la Division des enquêtes concernant l’appelant Dr Choptiany. Si l’intimé pensait que mon ordonnance était contraire à l’article 241 de la Loi, malgré l’alinéa 241(4)a), il aurait dû m’en aviser ou interjeter appel de mon ordonnance. Ces documents faisaient partie d’une enquête qui visait un appelant.

  6. Les notes de M. Hartman révèlent les menaces qui ont été proférées contre le Dr Choptiany, le fait qu’il parlera à d’autres personnes, à savoir la famille et les collègues. Il indique également s’être entretenu avec le responsable de l’organisme de réglementation provincial de la profession et avoir pris des dispositions pour qu’il confirme avoir informé l’appelant du fait qu’il s’était entretenu avec lui. Ces trois catégories de personnes n’étaient pas les sources de revenus que le Dr Choptiany a allégué percevoir en tant que mandataire, dans le cadre de ces stratagèmes.

  7. Il ressort clairement, du rapport d’annulation de l’enquête incomplet divulgué, qu’après [traduction] « confirmation [...] du fait qu’il était visait par une enquête » et après une [traduction] « enquête », [traduction] « l’enquêteur a informé M. Choptiany qu’il faisait l’objet d’une enquête criminelle » et que des [traduction] « poursuites intentées » continuaient jusqu’à ce qu’elles soient annulées. La lettre qui en informait M. Choptiany de cela a été envoyée par la directrice adjointe, Mme Callis, et elle mentionne l’enquêteur principal. La directrice adjointe, Mme Callis, qui supervisait l’enquête visant le Dr Choptiany, a signé elle-même la lettre qui informait l’appelant qu’il faisait l’objet [traduction] d’« une enquête criminelle en cours ». Dans d’autres courriels communiqués qui ont été échangés entre les deux enquêteurs et leur directrice adjointe, les expressions [traduction] « enquête criminelle », [traduction] « faisant l’objet d’une enquête » et [traduction] « très important de poursuivre cette enquête visant cette personne » ont été utilisées. Le renvoi à la Division de l’exécution conclut à la fin [traduction] : « [d]écision : acceptée aux fins d’enquête préliminaire ». L’acceptation est signée par une personne travaillant au sein de la Division des enquêtes criminelles. La lettre de cotisation proposée adressée au Dr Choptiany provenait de la directrice adjointe de la Division de l’exécution et conclut en indiquant que [traduction] « la présente proposition ne suspend pas l’enquête criminelle en cours dont vous faites l’objet ».

  8. Le rapport du vérificateur est signé par l’enquêteur principal et son chef d’équipe. Dans la case sur la portée de la vérification, il est indiqué [traduction] « enquête criminelle en bonne et due forme » et la vérification est qualifiée dans le rapport [traduction] d’« enquête ».

  9. Le rapport sur les pénalités, composé d’une page et demie et signé par les deux enquêteurs et la directrice adjointe, décrit sa participation à [traduction] « Fiscal Arbitrators » et son paiement à Fiscal Arbitrators. Il utilise le nom Fiscal Arbitrators six fois dans trois paragraphes et renvoie à [traduction] l’« enquête » et aux [traduction] « enquêteurs ». Il est signé par l’enquêteur principal, son chef d’équipe et la directrice adjointe. Ces documents révèlent simplement à quel point le représentant de l’intimé était mal préparé et informé ou peu coopératif et trompeur lors des deuxième et troisième interrogatoires préalables. M. Matheson était l’enquêteur principal lors de l’enquête visant DeMara. Le stratagème fiscal de DeMara constituait un sous-ensemble du stratagème de Fiscal Arbitrators et la Division des enquêtes criminelles a mené une enquête parallèle sur Fiscal Arbitrators qui a entraîné l’emprisonnement d’au moins l’un de ses promoteurs.

  10. Les documents divulgués tout récemment révèlent que la Division des enquêtes criminelles possédait les dossiers fiscaux de Mme McPherson, lorsque la Division des appels les recherchait pour la période pertinente, et qu’une directrice adjointe de la Division de l’exécution consigne dans les documents des dossiers de la Division des enquêtes qu’elle a évalué les renseignements disponibles et [traduction] « a décidé de ne pas poursuivre cette enquête pour le moment » et qu’elle ne pouvait pas justifier [traduction] « mener une enquête en bonne et due forme ». Les dossiers connexes comprenaient la mention [traduction] suivante : « [r]ecommandation : je recommande que nous nous dessaisissions de cette affaire en raison d’un manque d’éléments de preuve ou d’une intention coupable ».

  11. L’enquêteur principal dans l’enquête visant le Dr Choptiany a écrit des notes dans lesquelles il est notamment indiqué ce qui suit [traduction] : « j’ai dit qu’il me dérangeait » et [traduction] « je n’interagirai pas avec son avocat et il ne dirige pas l’enquête » (souligné dans l’original). Dans une autre note, il était notamment indiqué ce qui suit : [traduction] « je lui ai dit que je n’avais aucune confiance en [avocat nommé], car j’ai estimé qu’il était fourbe; je ne lui accordais pas ma confiance et je ne communiquerais pas avec ce genre de personnes » et [traduction] « je suis lié au Dr envers qui je dois accomplir un travail et je préférerais préserver sa dignité et sa vie privée », suivi de [traduction] « je lui ai encore dit que pour réfuter la déclaration de son agent, je parlerais aux voisins, amis, proches, etc. ». Que l’enquêteur ne mentionne même pas les personnes qui versent au Dr Choptiany un ou des revenus, cela était révélateur surtout de la relation qu’entretenait le mandataire du Dr Choptiany avec lui-même. Il est très difficile de voir en quoi les voisins et les amis seraient utiles pour trancher la véritable question.

  12. Parmi les toutes premières personnes que l’enquêteur a interrogées, il y avait le psychiatre provincial en chef du ministère de la Santé du Manitoba, même si le Dr Choptiany ne percevait aucun revenu de cette source. C’est auprès de lui que l’enquêteur a obtenu et consigné le nom du registraire du Collège des médecins et chirurgiens du Manitoba. Il a demandé au psychiatre provincial en chef d’informer le Dr Choptiany quant à cette discussion et il a plus tard indiqué le message qu’il lui avait laissé pour lui dire que cette discussion avait eu lieu.

  13. L’enquêteur semblait aussi avoir rencontré un représentant de l’Association des psychiatres du Canada à Ottawa.

  14. De même, les dossiers décrivent [traduction] l’« impôt auquel on cherchait à se soustraire ».

[67] En bref, il est évident qu’une enquête importante visait le Dr Choptiany, qu’elle comportait des interrogatoires importants menés auprès de tiers importants, qui étaient tous clairement et bien établis dans les documents de l’enquêteur, dont j’avais clairement ordonné la communication dans mon ordonnance d’octobre 2019. Il ressort aussi clairement des documents maintenant divulgués que la Division des enquêtes criminelles a mené une enquête qui visait Mme McPherson. Depuis la divulgation des documents avant la semaine d’inscription de 2019, qui a donné lieu au premier ajournement et à la requête d’octobre 2019, il est également évident que M. Richter a joué un rôle important dans l’enquête criminelle menée par l’ARC sur DeMara. Comme cela a été expliqué précédemment, M. Matheson était l’enquêteur principal dans l’enquête visant DeMara et il a affirmé qu’à cette époque, il n’avait pas connaissance des enquêtes visant Mme McPherson et M. Choptiany.

[68] Au moment du troisième interrogatoire préalable, qui était son deuxième interrogatoire préalable, M. Matheson n’avait toujours pas pris connaissance de l’enquête visant Mme McPherson et il était mal informé sur l’enquête visant M. Choptiany, ce qui corrobore simplement le fait qu’il ne s’était pas lui-même informé, qu’il n’était pas bien renseigné et qu’il a omis de communiquer avec d’autres personnes bien informées, comme le précisent les Règles. Cela a eu pour effet de gravement porter atteinte aux droits des appelants en matière d’interrogatoire préalable et, outre le fait que cela était contraire aux Règles, l’intimé a ainsi manqué à mon ordonnance d’octobre 2019 et à mon ordonnance de novembre 2020[7].

[69] Lorsque M. Matheson a écrit à plusieurs divisions des enquêtes criminelles afin de tenter de repérer les documents supplémentaires communiqués plus récemment, il ne s’est intéressé qu’aux documents qui avaient été créés et obtenus au cours d’une enquête visant les appelants ou Fiscal Arbitrators et ses promoteurs, en lien avec les trois appelants. En d’autres termes, désormais, il ne faisait pas référence aux enquêtes visant d’autres personnes et entités ou dossiers de projet et dossiers principaux qui étaient toutes exigées par l’ordonnance d’octobre 2019 et à celle de novembre 2020. Deux personnes ayant répondu à ses demandes de renseignements ont clairement indiqué que lorsqu’elles les ont lues pour la première fois, elles ne pensaient pas qu’elles engloberaient même DeMara Consulting.

[70] Il convient aussi de signaler que l’intimé savait que l’une des pièces de son affidavit relatif à la présente requête était manquante. Il a fourni aux appelants une copie après l’avoir découvert. Cependant, inexplicablement, l’intimé n’a pas mis à jour la copie qu’il avait déposée auprès de la Cour. Des erreurs peuvent se produire et sont souvent peu préoccupantes si elles sont décelées et corrigées. Cependant, en l’espèce, l’intimé a ensuite tenté en vain de priver les appelants du droit de présenter de très brèves observations écrites au sujet de la pièce après l’audience, au motif qu’il la leur avait fournie avant le procès, alors que je ne l’avais pas en main lors de l’audience et que je ne l’ai reçue qu’après avoir demandé à la Cour d’écrire à l’intimé pour la lui demander pendant que j’étais en train d’écrire mes motifs.

VIII. Le droit

[71] Les cours supérieures canadiennes, y compris notre Cour, ont la compétence inhérente de prendre les mesures appropriées lorsque des parties abusent de leurs procédures.

[72] Plusieurs des règles de notre Cour étaient en cause dans plusieurs des requêtes à ce jour, dans la présente instance. Les règles les plus pertinentes relatives à la présente requête de juin 2021, qui s’appliquaient aux sanctions en cas de défaut, sont les suivantes :

110 Si une personne ne se présente pas à l’heure, à la date et au lieu fixés pour un interrogatoire dans l’avis de convocation ou le subpœna, ou à l’heure, à la date et au lieu convenus par les parties, ou qu’elle refuse de prêter serment ou de faire une affirmation solennelle, de répondre à une question légitime, de produire un document ou un objet qu’elle est tenue de produire ou de se conformer à une directive rendue en application de l’article 108, la Cour peut :

a) en cas d’objection jugée injustifiée à une question, ordonner ou permettre à la personne interrogée de se présenter à nouveau, à ses propres frais, pour répondre à la question, auquel cas elle doit répondre aussi aux autres questions légitimes qui découlent de sa réponse;

b) rejeter ou accueillir l’appel, selon le cas, si cette personne est une partie ou, dans le cas d’un interrogatoire préalable, une personne interrogée à la place ou au nom d’une partie;

c) radier, en totalité ou en partie, la déposition de cette personne, y compris une déclaration sous serment faite par cette personne;

d) ordonner à toute partie ou à toute autre personne de payer sans délai et personnellement les dépens de la requête, ceux qui ont été engagés inutilement et ceux de la poursuite de l’interrogatoire.

[…]

116 (1) Si la partie interrogatrice n’est pas satisfaite d’une réponse ou qu’une réponse soulève une nouvelle série de questions, la partie interrogatrice peut, dans les quinze jours suivant la réception de la réponse, signifier un autre questionnaire. La partie interrogée répond à ce questionnaire dans les trente jours qui suivent sa signification.

(4) Si une personne refuse ou omet de répondre à une question légitime posée dans un interrogatoire écrit ou de produire un document qu’elle est tenue de produire, la Cour peut, en plus d’imposer les sanctions prévues aux paragraphes (2) et (3) :

a) rejeter ou accueillir l’appel, selon le cas, si la personne interrogée est une partie ou une personne interrogée à la place ou au nom d’une partie;

[…]

126 (1) De son propre chef ou à la demande d’une partie, le juge en chef peut à tout moment ordonner qu’un appel ou un groupe d’appels soit régi dans le cadre de la gestion de l’instance, et il peut désigner un ou plusieurs juges qui seront chargés de la gestion de l’instance.

(3) Le juge chargé de la gestion de l’instance peut se pencher sur toutes les questions qui se posent avant l’audition de l’appel et peut, notamment :

e) rendre toute ordonnance ou donner toute directive qu’il estime appropriée.

(4) Si une partie ne respecte pas les délais fixés dans un échéancier établi en vertu du présent article, ne se conforme pas aux exigences des présentes règles ou ne se présente pas à une conférence sur la gestion de l’instance, le juge chargé de la gestion de l’instance peut selon le cas :

a) radier en tout ou en partie tout document déposé par cette partie;

b) soit rejeter l’appel, soit rendre jugement en faveur de l’appelant;

c) modifier l’échéancier afin de permettre à la partie de le respecter;

d) condamner la partie aux dépens, dont le montant est fixé par le juge ou sera à taxer;

e) rendre toute autre ordonnance qu’il estime juste dans les circonstances.

[73] Ces Règles sont pertinentes quant au rejet ou à l’accueil d’un appel et quant à la comprehension de la jurisprudence sur la nécessité de choisir d’abord la sanction appropriée la moins extrême.

[74] La jurisprudence concernant les parties qui ne se montrent guère coopératives à l’étape de l’interrogatoire préalable devant notre Cour est abondante et est très claire et cohérente en ce qui concerne l’approche à retenir et ce qu’il faut prendre en considération.

[75] Dans l’arrêt MacIver c. Canada, 2009 CAF 89, la Cour d’appel fédérale a observé :

[1] Les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (les Règles), prévoient le règlement sommaire d’un appel lorsqu’une partie refuse sa collaboration à l’étape de l’interrogatoire préalable. Bien que cette règle puisse paraître rigoureuse, il arrive qu’un appel soit rejeté ou accueilli pour sanctionner le manquement répété aux dispositions des Règles par l’une des parties ou une intention évidente de retarder l’instance et de recourir de manière abusive au tribunal.

[…]

[3] [...] [l]a juge des requêtes a conclu que l’appelant « avait manifestement pour objet d’éviter » de répondre ou a simplement refusé de répondre aux « questions pertinentes » liées à des « sujets entiers ». [...] « [L’]attitude délibérée d’obstruction » adoptée par l’appelant [...].

[4] La juge des requêtes a également conclu que certaines des réponses données par l’appelant étaient conflictuelles, abusives et scandaleuses en ce qu’elles laissent entendre que des actes répréhensibles avaient été commis par [d’autres].

[5] L’inconduite de l’appelant et son attitude défiante ont été aggravées par le fait que, bien qu’il ait plaidé pour son propre compte, il est un avocat chevronné [...].

[76] En confirmant le rejet par la juge Campbell de l’appel interjeté par M. MacIver, la Cour d’appel fédérale a conclu : « [e]n fin de compte, l’importance de protéger l’intégrité du processus judiciaire l’a emporté sur les prétentions de l’appelant » et que son pouvoir de rejet « devait être exercé uniquement lorsque les violations des Règles sont multiples, graves et délibérées » et elle a plus particulièrement fait remarquer que « l’appelant n’avait fait aucun effort pour répondre aux questions ou pour respecter des engagements ».

[77] À la fin de ses motifs, la Cour a observét qu’elle avait conclu « que la gravité du rejet de l’appel de l’appelant [a] été dûment pris[e] en compte par la juge des requêtes qui a finalement conclu que l’attitude délibérée de l’appelant visant à faire obstacle au processus de communication préalable de la Cour canadienne de l’impôt risquait de continuer ». La Cour a ensuite fait remarquer que « [c]ette attitude a continué devant notre Cour. L’appelant a fait fi d’une manière flagrante d’une ordonnance de notre Cour [...] ».

[78] En tranchant la requête relative à M. MacIver (2007 CCI 554) devant la Cour de l’impôt, la juge Campbell a écrit les passages suivants qui sont pertinents quant à la requête de juin 2021 des appelants dont je suis saisi :

[5] La Cour d’appel fédérale a reconnu l’importance essentielle de la communication préalable dans un passage du paragraphe 13 de la décision Yacyshyn c. La Reine, [1999] A.C.I. no 196, auquel on renvoie souvent :

[13] En fait, l’époque où une partie pouvait tendre un guet-apens à son adversaire ou le prendre par surprise est heureusement révolue, et une partie à une instance doit dévoiler les éléments de preuve qu’elle entend faire valoir et, en retour, elle a droit à ce que l’autre partie en fasse autant. Cette règle de pratique tout à fait saine a pour but d’assurer l’équité et la célérité des procédures.

[9] [...] En général, la Cour a d’abord tendance à ordonner à l’appelant de produire les documents qu’il retient ou à restreindre son droit de présenter des éléments de preuve plutôt qu’à rejeter l’appel. Elle prononcera la sanction la plus rigoureuse que constitue le rejet de l’appel seulement en présence de manquements répétés ou lorsque le refus touchant les documents est conjugué au manquement à d’autres dispositions des Règles ou encore lorsqu’il existe une intention évidente de retarder l’instance et de recourir de manière abusive au tribunal (Rusnak c. La Reine, [2000] A.C.I. no 247, et Lichman c. La Reine, [2004] A.C.I. no 166).

[10] Dans l’arrêt Yacyshyn, aux paragraphes 12 et 18, la Cour d’appel fédérale a reconnu que le présent tribunal a le pouvoir de veiller à l’intégrité de sa procédure :

[12] […] la Cour de l’impôt a compétence inhérente pour prévenir un abus de ses procédures. [...]

[18] Il est de droit constant qu’un abus de procédure peut, dans des circonstances appropriées, entraîner le rejet ou la suspension de l’instance.

[11] Il ne fait aucun doute que la Cour jouit du pouvoir discrétionnaire de décider des conséquences appropriées que le manquement entraîne. Cependant, lorsque la sanction définitive et la plus rigoureuse que constitue le rejet est prononcée, le tribunal doit exercer ce pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable en accordant un poids suffisant à toutes les circonstances pertinentes liées à l’appel. [...] Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une affaire où l’appelant devrait bénéficier d’une « dernière chance » de se conformer aux règles et à la procédure de la Cour. Je ne crois pas non plus que le fait de lui donner des instructions rigoureuses et claires et de lui ordonner de respecter des échéances serrées inciterait l’appelant en l’espèce à se conformer aux mesures prononcées. En réalité, une ordonnance de cette nature dans la présente affaire aurait uniquement pour effet d’obliger l’intimée à présenter ultérieurement encore une nouvelle requête de ce genre parce que je suis convaincue que l’appelant en l’espèce continuera, de manière évidente et flagrante, de faire preuve d’outrage envers les ordonnances judiciaires et d’adopter la conduite délibérée et répétée d’obstruction systématique qu’il a manifestée jusqu’à maintenant dans la présente instance. Des réprimandes de ma part et une ordonnance lui enjoignant de se conformer aux mesures prononcées seraient sans effet en l’espèce. Je crois que je serais arrivée à une conclusion identique même si l’appelant n’avait pas été un avocat expérimenté. Le fait qu’il soit avocat et qu’il connaisse fort bien les conséquences de manquements répétés aux Règles me conforte simplement davantage dans ma décision d’imposer la sanction la plus sévère.

[13] [...] Quand une partie refuse de répondre à ce genre de questions [pertinentes et légitimes], elle contrevient au paragraphe 95(1) des Règles. Comme dans le cas des manquements relatifs à la production de documents, la Cour préfère d’abord ordonner à l’appelant de se présenter à nouveau à l’interrogatoire pour qu’il réponde aux questions ou restreindre son droit de produire des éléments de preuve plutôt que de rejeter l’appel.

[14] L’intimée avance que l’appelant en l’espèce mérite tout particulièrement une sanction rigoureuse parce qu’il est [traduction] « un avocat en exercice expérimenté et que sa conduite ne découle pas d’une ignorance déplacée, mais d’un outrage en toute connaissance de cause » [...].

[21] Il ressort également sans équivoque des réponses de l’appelant qu’il a refusé de donner des engagements ou de demander des renseignements sur les questions liées à ses propres affaires.

[22] [...] Il ne s’agit pas d’un appelant dénué d’expérience. À titre d’avocat chevronné, il sait bien qu’il ne doit pas se livrer à des actes à ce point délibérés, obstructifs et malhonnêtes qui ne visent qu’à entraver l’administration de la justice.

[26] En résumé, il ne s’agit pas d’une affaire intéressant la pertinence de plusieurs questions posées à un appelant au cours d’un interrogatoire préalable. Après avoir examiné la transcription de l’interrogatoire et d’autres documents, il est évident que l’appelant n’a fait absolument aucun effort pour répondre à certaines questions légitimes qui lui étaient posées, et qu’il a plutôt adopté une attitude délibérée visant à contrecarrer le processus d’interrogatoire préalable de la Cour. Il s’est intentionnellement montré peu coopératif et évasif, et il a délibérément fait preuve d’obstruction et de malhonnêteté pendant toute sa participation à l’instance jusqu’à maintenant. Malheureusement, je ne pense pas que ce comportement va changer dans l’avenir. [...]. Il est tout simplement inutile de fournir à l’appelant en l’espèce une autre occasion d’agir de la sorte puisque je suis convaincue qu’il continuera de faire preuve de sa mauvaise conduite habituelle. Compte tenu des circonstances de la présente affaire, il convient de faire savoir de manière catégorique que la Cour ne tolérera pas une conduite à ce point inacceptable[8].

[79] À l’occasion de l’affaire Basserman, dans laquelle notre Cour a accueilli un appel après l’omission par l’intimé de se conformer à une ordonnance de production de certains documents rendue par la Cour, à l’étape de l’interrogatoire préalable; la Cour d’appel fédérale (la « CAF ») a observé :

[traduction]

[12] Dans leur demande, les parties ont demandé au juge de la Cour de l’impôt d’accueillir l’appel en raison d’un manquement à l’ordonnance. L’ordonnance n’avait pas été respectée et on ne peut pas dire que le juge de la Cour de l’impôt avait commis une erreur en accueillant l’appel pour ce motif. À l’instar de tout particulier, le ministre est tenu d’obéir aux ordres légitimes donnés par la Cour de l’impôt, tant qu’ils sont en instance. Si le ministre n’est pas d’accord, il peut faire appel, mais il ne peut pas ignorer un ordre. La Cour de l’impôt a le même pouvoir discrétionnaire que toute autre Cour pour refuser d’entendre une partie coupable d’outrage. [...] On ne peut pas dire que le juge a commis une erreur de principe en exerçant ce pouvoir discrétionnaire en l’espèce.

[80] Dans l’arrêt Yacyshyn c. Canada, A-416-98 1999, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel dont elle avait été saisie et qui avait été interjeté par l’appelante à l’encontre d’une décision rendue par l’ancien juge en chef Bowman de notre Cour, dans laquelle celui-ci a radié des parties de l’avis d’appel de l’appelante après que cette dernière eut omis, à deux reprises, de se présenter aux interrogatoires préalables ordonnés par la Cour et de répondre aux engagements. La Cour d’appel fédérale a observé :

[12] Bien que les prétentions de l’appelante puissent donner lieu à un débat théorique quant à la portée réelle ou prévue de ces Règles, on peut, néanmoins, y répondre de façon simple et pratique : la Cour de l’impôt a compétence inhérente pour prévenir un abus de ses procédures.

[13] En fait, l’époque où une partie pouvait tendre un guet-apens à son adversaire ou le prendre par surprise est heureusement révolue, et une partie à une instance doit dévoiler les éléments de preuve qu’elle entend faire valoir et, en retour, elle a droit à ce que l’autre partie en fasse autant. Cette règle de pratique tout à fait saine a pour but d’assurer l’équité et la célérité des procédures. Aucun tribunal ne peut accepter qu’une partie ne se soumette pas à l’interrogatoire préalable, sans se justifier, ce qui pourrait causer un préjudice à l’autre partie ou retarder indûment les procédures et compromettre un règlement juste. La justice différée est souvent un déni de justice, surtout quand elle est différée sans justification.

[14] En l’espèce, il y a de nombreux éléments de preuve pour appuyer la conclusion du juge selon laquelle le refus de l’appelante de se conformer rapidement et de façon appropriée à l’ordonnance de la Cour émise le 10 octobre 1997 ont entraîné des retards et causé un préjudice.

[15] En fait, une semaine avant le début de l’instruction prévue pour le 8 juillet 1998, l’appelante ne s’était toujours pas conformée à son obligation de communication. Par conséquent, l’intimée n’était pas en position avant le début imminent de l’audience de répondre de façon adéquate à la prétention de l’appelante concernant la non-existence de la dette fiscale de son mari.

[…]

[17] À notre avis, il y avait devant le juge de la Cour de l’impôt une preuve amplement suffisante pour lui permettre de conclure que l’appelante s’était délibérément dérobée à ses obligations concernant la communication des éléments sur lesquels elle comptait s’appuyer et qu’elle avait retardé la procédure.

[18] Il est de droit constant qu’un abus de procédure peut, dans des circonstances appropriées, entraîner le rejet ou la suspension de l’instance. Le juge de la Cour de l’impôt était manifestement conscient que le rejet d’un appel est une solution draconienne et un recours ultime réservé aux cas exceptionnels ou à ceux pour lesquels il n’existe pas de solution de rechange ou de redressement moins rigoureux.

[19] En l’espèce, nous sommes convaincus que le juge de la Cour de l’impôt a trouvé un redressement approprié qui assure l’équité aux deux parties et qui évite la sanction ultime contre la partie qui est en défaut. Il a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire et nous ne voyons absolument aucune raison d’intervenir. En fait, il a été généreux avec l’appelante.

[81] Dans l’arrêt Rezek c. Canada, 2000 DTC 6029, la Cour d’appel fédérale a accueilli un appel dont elle avait été saisie qui avait été interjeté à l’encontre d’une ordonnance rendue par la Cour de l’impôt rejetant l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre d’une requête initiale concernant des refus de produire certains documents demandés et de répondre à certaines questions lors de l’interrogatoire préalable. La Cour d’appel fédérale a observé :

[4] Les motifs invoqués par le juge de la Cour de l’impôt pour rejeter les neuf appels sont identiques. Ils sont notamment rédigés comme suit :

Après avoir examiné l’avis de requête en date du 15 septembre 1999 visant à obtenir le rejet de l’appel, et après avoir examiné la déclaration sous serment de Richard Holt et le dossier;

Il est ordonné que l’appel soit rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée, pour les deux motifs suivants :

1. Le refus de l’appelant de [traduction] « fournir tous les relevés de courtage mensuels relatifs à chaque opération de couverture en cause, pour la période allant du début jusqu’à la fin de chacune de ces opérations ». À mon avis, la position prise par la Couronne en demandant cette information est valablement fondée sur la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Schultz. C’est à l’appelant qu’incombe la charge de la preuve à cet égard. Il doit fournir l’information et est en mesure de le faire, ayant les connaissances ainsi que les documents nécessaires à cette fin.

2. Le refus de l’appelant de répondre, à l’interrogatoire préalable, à des questions concernant le fondement de la décision d’imputer les pertes sur le revenu et de déclarer les gains comme des gains en capital. Selon moi, ce concept de « fondement » est un concept de fait : sur quels faits se fonde l’assertion selon laquelle il est question de revenu dans un cas et de capital dans l’autre?

L’impact de cette décision est évidemment brutal. Il faut toutefois examiner s’il y a lieu d’intervenir dans ces jugements, étant donné qu’ils ont été rendus dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour de l’impôt. On notera que les allégations de l’intimée quant au retard à procéder de chacun des appelants ne sont pas mentionnées dans les jugements en première instance.

[…]

[10] Pour ces motifs, nous sommes convaincus que le juge de la Cour de l’impôt n’a pas accordé suffisamment d’importance à toutes les considérations pertinentes dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire le 28 septembre 1999 et que, en conséquence, les appelants en l’instance se voient priver d’une audition de leurs appels au fond. Compte tenu des circonstances, il n’est pas dans l’intérêt de la justice, à notre avis, de priver les appelants d’un droit aussi important.

[82] Dans l’arrêt Lichman c. Canada, 2005 CAF 226, le juge Rothstein était l’auteur des motifs confirmant la décision rendue par la juge Campbell de notre Cour (2004 DTC 2547) de rejeter l’appel de l’appelant pour défaut de répondre à des questions et de se conformer aux Règles de la Cour. Dans sa décision sur la requête, la juge Campbell a observé :

[traduction]

25 Si l’appelant avait démontré toute forme d’effort pour répondre aux demandes, j’aurais peut-être éprouvé plus de sympathie à l’égard de sa thèse. Cependant, son comportement relève d’une attitude cavalière qui témoigne d’un mépris total des procédures de notre Cour, de ses règles et formulaires, ainsi que des demandes légitimes de l’intimée.

26 Il incombe à un appelant de faire avancer son appel à un rythme et d’une manière raisonnables. L’obtention par l’intimée du peu de renseignements et de documents auprès de l’appelant a pris trois ans. Ce qu’elle a reçu est vague et superficiel. L’intimée a pris toutes les mesures raisonnables pour permettre à l’appelant de se conformer au processus de communication préalable. Tout au long du processus, l’appelant n’a eu de cesse d’omettre ou de refuser de préciser les documents qu’il entendait invoquer pour appuyer son allégation de perte déductible au titre d’un placement d’entreprise. Son défaut de fournir les listes adéquates, qui est une exigence procédurale, comporte des conséquences sur la preuve lors de l’audience [...].

27 [...] La tendance à l’inaction de l’appelant au cours des trois dernières années est demeurée constante. Si chaque appelant se comportait de cette manière et si ce genre de comportement était autorisé, cela prendrait des années pour faire avancer les appels dans le système.

28 La mesure de réparation que demande l’intimée, en l’espèce le rejet de l’appel, n’est pas une mesure qui peut ou devrait être facilement accordée. Chaque cas repose sur un ensemble de circonstances uniques. Bien que j’hésite toujours à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour rejeter une demande à ce stade, il existe des cas qui justifient une ordonnance de ce type. Nous sommes en présence d’un tel cas en l’espèce.

29 Après avoir examiné l’ensemble des documents et des observations présentés par l’intimée et l’appelant, je conclus qu’il existe des motifs justifiables de rejeter le présent appel. L’appelant a omis de répondre à ses engagements. Il a clairement eu la possibilité de répondre à plusieurs de ces engagements bien avant aujourd’hui, mais il n’a simplement pas pris la peine de le faire, et ce, malgré les demandes répétées et souvent détaillées de l’intimée. Les listes qu’il a fournies étaient vagues et incomplètes et il n’a pas indiqué les documents qu’il entendait invoquer pour défendre sa cause.

30 En outre, il a omis de se conformer à l’ordonnance du juge Margeson de notre Cour. Finalement, la conduite de l’appelant était conforme à son intention, à savoir celle de faire obstacle au processus et de le retarder.

[83] Dans l’arrêt 3488063 Canada Inc. c. Canada, 2016 CAF 233 le juge Webb confirme, au paragraphe 57, qu’« une sanction, à mon avis, doit se rapporter à l’appel particulier à l’égard duquel l’inconduite est liée. S’il y a défaut de divulguer des documents liés à un contribuable pour une année d’imposition qui fait l’objet d’un appel, pourquoi les appels de ce contribuable en particulier pour d’autres années d’imposition ou les appels d’autres contribuables pour d’autres années d’imposition seraient-ils accueillis, même si les appels sont réunis?

[84] Dans la décision Cameco Corporation c. La Reine, 2014 CCI 367, de la Cour canadienne de l’impôt, le juge Pizzitelli a rejeté la requête de l’appelante en vue d’imposer à l’intimée des sanctions pour défaut de se conformer aux règles à l’égard de l’interrogatoire préalable. Après avoir renvoyé aux décisions MacIver et Yacyshyn de la Cour d’appel fédérale, il a observé :

[30] Dans la présente affaire, comme je l’ai indiqué plus tôt, je n’ai relevé aucune violation d’une règle ou d’une ordonnance et je suis d’avis que l’on a répondu aux questions lors de l’interrogatoire. Par ailleurs, l’appelante sollicite cette réparation radicale sans même avoir posé de questions complémentaires ou demandé plus de détails, sans avoir déposé une requête quelconque en vue de déterminer si sa question était appropriée, si l’on y a répondu de manière appropriée ou si elle a été rejetée, comme elle l’allègue, ou autrement en vertu des Règles. L’appelante n’a rien fait pour poursuivre des mesures moins radicales en vertu des Règles.

[44] L’appelante ne m’a pas persuadé qu’elle a droit à une ordonnance au sujet de l’une quelconque des mesures de réparation demandées dans le cadre de la requête. Je suis d’avis que l’appelante n’a pas de motifs raisonnables pour justifier les réparations demandées et, à vrai dire, elle n’a pas pris les mesures prévues par les Règles pour solliciter en premier une réparation moins radicale que celle qu’elle a demandée [...].

[85] À l’instar de la décision Cameco, dans la décision Teelucksingh c. The Queen, 2010 CCI 94, le juge Bowie de notre Cour a observé, lors de la présentation d’une requête visant à faire accueillir les appels pour cause d’omission lors de l’interrogatoire préalable et de retard :

[traduction]

[6] Je me pencherai d’abord sur l’argument de l’appelant selon lequel l’appel doit être accueilli, ainsi que les appels de plusieurs centaines d’autres personnes pour lesquelles la présente affaire sert de cause type. Il s’agit clairement de la mesure la plus radicale que la Cour pourrait appliquer. Pour la justifier, il faudrait que je conclus que l’intimée a causé un retard délibéré et continu ou, comme la juge Campbell l’a formulé dans la décision Lichman c. Canada, [traduction] « [...] une tendance à l’inaction systématique [...] ». Assurément, il y a eu un retard important. Une partie du retard est survenue à la suite d’événements indépendants de la volonté des parties. À un moment donné, l’interrogatoire préalable du représentant de l’intimée a dû être reporté en raison du décès d’un membre de la famille de l’avocat. Une partie est attribuable à ce que M. Aitken a qualifié de trois erreurs commises par l’intimée. Je retiens son explication selon laquelle ces erreurs découlaient d’une inattention plutôt que du genre de conduite d’obstruction qui a amené la juge Campbell à rejeter l’appel dans la décision MacIver c. La Reine. Certaines sanctions pourraient être prévues, mais il n’y a certainement pas lieu d’appliquer la mesure de réparation la plus radicale qui existe en l’espèce.

[86] Les contraintes et les facteurs applicables à l’exercice du pouvoir discrétionnaire par les juges des requêtes, pour accueillir ou rejeter des appels ou pour radier des actes de procédure ou des parties d’actes de procédure qui donnent lieu à une question sur laquelle la Cour n’a plus à statuer sur le fond, peuvent être ainsi définis :

  • Le juge des requêtes doit exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire, notamment en étudiant d’autres mesures moins radicales en cas d’inobservation par une partie des règles de la Cour et des ordonnances qu’elle a rendues avant l’instruction.

  • Le juge des requêtes doit examiner l’ensemble des circonstances et des faits pertinents, notamment ce qui suit, le cas échéant :

  • §accueillir ou rejeter un appel constitue une étape radicale, compte tenu de son caractère définitif et du fait qu’elle est généralement réservée à des défauts qui sont multiples, graves et délibérés;

  • §elle peut ne pas constituer une mesure appropriée en cas de défaut initial de répondre à des questions, à des engagements ou de communiquer des documents demandés, bien que des circonstances graves et délibérées la justifie;

  • §généralement, notre Cour tend à d’abord ordonner qu’une réponse soit donnée aux questions ou engagements demandés, que la partie se présente encore une fois à un interrogatoire ou que les documents demandés soient produits, pour assurer l’équité procédurale et permettre de trancher l’appel sur le fond;

  • §Ces mesures de réparation radicales pourraient être jugées appropriées si au moins l’une des situations suivantes est rapportée :

    • le défaut répété de se conformer aux règles de l’interrogatoire préalable. La tendance à une inobservation provocatrice ou à un manque d’effort lors de l’interrogatoire préalable initial peut suffire si elle visait à contrecarrer le processus d’interrogatoire préalable et s’il est probable qu’elle perdure;

    • une ordonnance judiciaire à l’égard d’une divulgation précise a été obtenue contre la partie en défaut qui a choisi de ne pas s’y conformer;

    • les défauts étaient intentionnels ou délibérés;

    • il y a eu une omission de se préparer, d’être bien renseigné, informé ou de demander des renseignements sur des questions liées aux propres affaires des parties;

    • faire preuve d’obstruction, se montrer hostile, fourbe, irrespectueux, évasif, malhonnête, peu coopératif, avoir une attitude cavalière, manifester un mépris total et l’inaction pourraient révéler des défauts dont on pourrait s’attendre à ce que la partie les répète.

  • L’atteinte portée à la partie qui présente la requête et les retards dans le processus judiciaire.

  • Devrait-on s’attendre à remédier au défaut, à changer le comportement de la partie et à offrir une équité procédurale à la partie qui présente la requête en donnant une autre chance à la partie en défaut?

  • Le comportement de la partie en défaut.

  • Les connaissances et l’expérience de la partie en défaut en matière d’interrogatoire préalable et concernant les règles de la cour.

  • L’approche retenue par la partie plaignante à l’égard du processus d’interrogatoire préalable peut constituer un élément pertinent; a-t-elle pris des mesures raisonnables pour obtenir un interrogatoire préalable en bonne et due forme?

  • La partie en défaut abuse-t-elle des processus et des procédures de la cour?

  • Le juge des requêtes doit examiner l’importance de protéger l’intégrité du processus judiciaire et soupeser la thèse de la partie en défaut par rapport à cet aspect important des règles de droit qui nous régissent tous. Des messages forts peuvent s’imposer.

IX. CONCLUSION

[87] Les appelants ont présenté à la Cour deux requêtes antérieures concernant les manquements et l’inobservation de l’intimé. Notre Cour a été claire en expliquant en détail à l’intimé ce qu’il était nécessaire de faire dans ces affaires précises.

[88] L’intimé a maintes fois omis de se conformer aux exigences de l’ordonnance d’octobre 2019 et aux ordonnances et directives subséquentes connexes. L’intimé continue de ne pas se conformer totalement à ce qui a été ordonné. Aucune explication satisfaisante n’a été donnée. Si l’intimé pensait que mes ordonnances n’étaient pas claires, il aurait pu me demander des éclaircissements. S’il pensait que mes ordonnances étaient erronées, il aurait pu interjeter appel de celles-ci. L’intimé a choisi de ne faire ni l’un ni l’autre.

[89] L’intimé a omis à maintes reprises de s’assurer que ses représentants soient bien renseignés et préparés à l’un ou l’autre des trois interrogatoires préalables oraux, en omettant notamment de s’informer lui-même sur des questions qui étaient clairement pertinentes lors de l’interrogatoire préalable et auxquelles on pouvait s’attendre à ce qu’elles fassent l’objet de l’interrogatoire. Le représentant de l’intimé, lors des deuxième et troisième interrogatoires préalables, s’est également montré peu coopératif, confus, évasif et a fait preuve d’obstruction. Il a donné des réponses inexactes à des questions pertinentes qui lui ont été posées et elles n’ont pas été entièrement et correctement corrigées. D’autres réponses étaient désinvoltes. D’autres semblent être des tentatives pde gagner du temps. Ces manquements aux des Règles de notre Cour n’ont toujours pas été résolues.

[90] L’intimé n’a pas modifié sa liste de documents, comme l’exigent les Règles.

[91] L’intimé est représenté par le ministère de la Justice qui est fondamentalement le plus grand cabinet d’avocats du Canada et qui emploie un nombre important d’avocats spécialisés en contentieux fiscal qui connaissent parfaitement les Règles et les processus de notre Cour ainsi que les règles généralement applicables à l’interrogatoire préalable. La Division des enquêtes criminelles de l’ARC est rattachée aux forces de l’ordre canadiennes.

[92] L’intimé a adopté et manifesté une tendance systématique à ne pas se conformer aux ordonnances et Règles de notre Cour en ce qui concerne les vérifications et les enquêtes de l’ARC visant les appelants. Je conclus que cette tendance était délibérée et qu’elle visait à porter atteinte aux droits de ces appelants à mener un interrogatoire préalable concernant l’enquête de l’ARC qui les vise et qui porte sur leurs appels.

[93] Je conclus que l’approche inacceptable de l’intimé à l’égard de l’interrogatoire préalable dans les présents appels porte atteinte aux trois appelants à qui on a refusé de donner la possibilité, après trois interrogatoires, d’obtenir des réponses à des questions pertinentes au moyen d’une série de questions posées à une personne bien informée et d’obtenir des réponses et de poser des questions concernant des documents pertinents. Ce recours abusif par l’intimé à l’interrogatoire préalable a résulté en un retard et des frais considérables pour ces trois appelants en ce qui concerne leurs appels. Il a également résulté une utilisation inefficace des ressources publiques financées par l’ensemble des Canadiens.

[94] Lors de l’audition de la présente requête, l’intimé n’a pas proposé une autre mesure si la Cour estimait qu’il était toujours en situation de défaut dans mes ordonnances et les Règles concernant l’interrogatoire préalable oral et la communication de documents par rapport à ce que les appelants demandaient. Au lieu de cela, l’intimé a soutenu qu’aucune mesure n’était justifiée, car des réponses ont été obtenues à toutes les questions posées. Lorsque je lui ai demandé s’il songeait à des mesures de réparation possibles moins radicales, si je devais décider qu’une mesure était nécessaire, l’intimé a simplement répondu qu’un quatrième interrogatoire préalable mené devant la Cour, en présence d’un autre officier de justice ou de moi-même, ou peut-être au moyen de questions écrites, pourrait éventuellement ordonné.

[95] Je n’ai plus aucune raison de penser qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’en ordonnant un nouvel interrogatoire préalable et une nouvelle communication, à l’oral ou à l’écrit, devant un officier judiciaire ou non, selon les mêmes modalités que celles qui avaient déjà fait l’objet d’une ordonnance à deux reprises, l’intimé se conforme correctement et entièrement à l’ordonnance. L’intimé savait clairement, à partir de la requête d’octobre 2019 et de celle de janvier 2020, ce qui était attendu et exigé. Au cours de la requête de janvier 2020, la Cour a porté à l’intimé un message fort pour indiquer que notre Cour était disposée à recevoir une autre requête pour accueillir les appels et l’intimé a continué à ne pas se conformer aux ordonnances et aux Règles.

[96] Sans excuse ni motif, l’intimé a continué à ne pas se conformer à mes ordonnances répétées relatives à la même divulgation. Aucune partie dans cette situation, qu’il s’agisse d’un appelant ou d’un intimé, ne doit s’attendre à recevoir une nouvelle ordonnance l’enjoignant à se conformer aux règles de la Cour déjà établies et aux ordonnances déjà rendues par la Cour qui portent sur l’interrogatoire préalable. Ce genre d’ordonnance rendue me rappelle un épisode de Monty Python dans lequel l’agent de police britannique d’une autre époque crie aux contrevenants : « Arrêtez-vous! Arrêtez-vous! Arrêtez-vous ou je vais encore crier de vous arrêter! ».

[97] L’historique inacceptable de l’intimé en matière de manquements et d’inobservations dans les présents appels, le fait qu’il n’existe aucune autre mesure qui permettrait de raisonnablement s’attendre à ce que l’intimé se conforme désormais aux ordonnances et le fait que cela a porté atteinte aux appelants sont des motifs suffisants pour accueillir les présents appels. Cette mesure est également nécessaire pour protéger l’intégrité du processus judiciaire et les règles de droit qui s’appliquent à toutes les parties.

[98] Dans les présents appels, l’intimé doit s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe concernant la question quant à l’intention ou à la négligence des appelants qui ont fait de fausses déclarations dénuées de sens dans leurs déclarations de revenus, dans lesquelles ils ont allégué qu’ils étaient eux-mêmes des mandataires et ils ont déduit les sommes qu’ils avaient déclarées. Notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont démontré qu’elles pouvaient traiter des affaires semblables à celles-ci, notamment celles impliquant le même stratagème. Éventuellement, si l’intimé s’était conformé aux ordonnances et Règles à l’étape de l’interrogatoire préalable, les appelants n’auraient pas obtenu d’éléments de preuve suffisamment pertinents pour obtenir gain de cause à l’étape de l’instance. Cependant, l’intimé ne doit pas court-circuiter le processus parce qu’il pense que sa these l’emportera au procès, si ce qu’il fait prive les contribuables canadiens de leur droit d’être entendus lors d’un procès équitable ou, chose presque tout aussi importante, si cela est contraire à certaines ordonnances judiciaires qui leur sont adressées concernant l’interrogatoire préalable et la communication.

[99] Pour les motifs exposés ci-dessus, les présents appels sont accueillis, avec dépens.

X. DÉPENS

[100] Les dépens sont intégralement adjugés aux appelants, notamment relativement à la présente requête, sauf en ce qui concerne le deuxième ajournement lui-même qui demeure tel qu’il a été établi par la juge Lyons.

[101] À ce jour, les instances dans les présents appels ayant été entendues et ayant progressé ensemble, en retenant les services d’un seul avocat, le total des dépens payables par l’intimé pourra être attribué et versé à chacun des trois appelants, proportionnellement aux sommes payées ou qui restent dues par chacun d’eux à leur même avocat.


 

[102] Comme cela a été souligné précédemment, j’ai déjà reçu les observations écrites sur les dépens des deux parties avant le dépôt de la présente requête. J’accorde aux parties le temps nécessaire pour qu’elles tentent d’arriver à un accord quant au montant total des dépens payables par l’intimé aux appelants. Si les parties ne parviennent pas à arriver à un accord, elles peuvent chacune déposer des observations écrites supplémentaires, lesquelles ne compteront pas plus de dix pages chacune (sans compter les pièces jointes) dans les 60 jours suivant la date de la présente ordonnance. J’aurai besoin de recevoir des renseignements à jour des avocats des appelants concernant les frais engagés et le temps consacré par les appelants qui ont été consignés depuis la préparation des avis d’appel de leurs appels. Si je ne reçois pas de tels renseignements de la part de l’intimé concernant le temps et les frais interministériels consignés par ses avocates, je pourrais certainement en inférer que l’intimé ne conteste pas le caractère raisonnable du temps consacré par les avocats des appelants.

Signé à Montréal, Canada, ce 5e jour d’octobre 2022.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de juin 2023.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 112

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2013-1136(IT)G

2013-4459(IT)G

2016-1259(IT)G

2014-4245(IT)G

2016-2630(IT)G

INTITULÉS :

THOR CHOPTIANY, SANDRA MCPHERSON ET WAYNE RICHTER c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario) et Ottawa, Canada

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 mars 2022 et le 7 avril 2022

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Patrick Boyle

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 5 octobre 2022

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Jeff Pniowsky

Me Matthew Dallo

Avocates de l’intimé :

Me Natasha W. Tso

Me Annette Evans

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Jeff Pniowsky

Me Matthew Dallo

Cabinet :

Thompson Dorfman Sweatman

1700-242, rue Hargrave

Winnipeg, Manitoba R3C 0V1

Pour l’intimé :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] La gestion par la Cour d’appels collectifs pose certains défis. L’un des défis de taille est le fait que l’ARC et le ministère de la Justice de l’intimé déterminent qui sont les membres du groupe avant que la Cour utilise le pouvoir de confirmation de l’ARC à l’étape de l’avis d’opposition. Cela permet à l’intimé de confirmer les contribuables qu’ils veulent voir comparaître devant notre Cour qui tranchera les questions. Ils ne confirment pas le groupe de contribuables dans son ensemble, dont la situation est semblable et qui s’oppose à la même initiative ou au même projet d’établissement de cotisations de l’ARC. Cela soulève des questions qui portent sur l’équité procédurale pour ces contribuables qui sont confirmés et qui doivent aller devant la Cour dont on prévoit qu’elle sélectionnera les causes types, sans savoir qui, dans le même groupe, est mis de côté lors des appels de l’ARC. Cette approche soulève aussi des questions d’accès à la justice pour ces contribuables laissés pour compte, du fait qu’ils ne sont pas confirmés et qu’ils ne font pas partie du groupe qui comparaît devant la Cour, et concernant lesquels on pourrait ne pas présumer qu’ils savent qu’ils ont le droit de soumettre unilatéralement leur différend à la Cour et de devenir membres du groupe si l’ARC n’a pas répondu à leur opposition dans un délai de 90 jours. Bien que compte tenu des circonstances, il ne soit pas nécessaire d’examiner ces questions et d’y répondre dans les cinq présents appels, déterminer ces questions épineuses en l’espèce pourrait exonérer la Cour de son devoir d’y répondre à l’avenir.

[2] Les avocats ayant comparu sur ces questions ont changé de temps à autre. Le lecteur ne doit pas faire de suppositions quant à tel ou tel avocat.

[3] Une discussion plus approfondie sur la pertinence de prime abord à l’étape des interrogatoires préalables figure dans la décision Coopers Park Real Estate Development Corporation c. The Queen, 2022 CCI 82, par. 14 à 30 et 60.

[4] Au cours des auditions de la requête de juin 2021, l’intimé a indiqué que, selon son interprétation restrictive de mon ordonnance d’octobre 2019, celle-ci n’était ni raisonnable ni justifiable. Entre sa lettre du 15 novembre 2019 et la présentation par les appelants, le 27 janvier 2020, de la demande d’ajournement et de la requête de janvier 2020, l’intimé aurait assurément déployé des efforts pour justifier de manière raisonnable les mots qu’il a ajoutés dans mon ordonnance.

[5] Je crois aussi comprendre que dans la transcription de l’interrogatoire par l’intimé du Dr Choptiany, le nom de Fiscal Arbitrators est mentionné près de vingt fois.

[6] Je ne suis pas appelé à me prononcer sur cette question.

[7] Le déposant n’est pas nécessairement la personne à blâmer, étant donné que les dossiers transmis sur sa correspondance avec les diverses divisions des enquêtes criminelles, après ma décision de novembre 2020, comprenaient des interactions avec les avocates de l’intimé qui ont été caviardées.

[8] Il convient de faire remarquer qu’en ce qui concerne la décision MacIver, l’avocat des appelants dans les appels dont je suis saisi, M. Pniowsky, était l’avocat de l’intimée dans l’affaire MacIver entendue par la juge Campbell, devant notre Cour, et que l’avocate de l’intimée dans l’arrêt MacIver de la Cour d’appel fédérale était son épouse, Mme Tracey Pniowsky.

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