Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2022 CCI 128

Date : 20221101

Dossier : 2016-1689(IT)G


ENTRE :

THOMAS HUNT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Observations écrites sur les dépens présentées après l’audience

Devant : l’honorable juge Randall S. Bocock

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me David R. Davies
Me Alexander Demner

Avocats de l’intimé :

Me David Everett
Me Lisa Macdonell

 

 

ORDONNANCE ET MOTIFS SOMMAIRES MODIFIÉS SUR LES DÉPENS

ATTENDU QUE, dans son ordonnance et motifs de l’ordonnance datés du 23 juin 2022, la Cour a provisoirement adjugé les dépens à l’intimé conformément au tarif applicable établi dans les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »);

 

ET ATTENDU qu’à la fin de l’audience relative à la demande présentée en application de l’article 58 des Règles (la « requête »), la Cour a expliqué qu’elle rendait cette ordonnance sous réserve du droit des parties de présenter d’autres observations sur les dépens dans les 30 jours;

ET ATTENDU QUE la pratique bien établie de notre Cour est de rendre une ordonnance préliminaire sur les dépens uniquement conformément au tarif, au lieu de demander des observations sur les dépens avant de statuer sur l’appel et d’exposer ses motifs du jugement;

ET ATTENDU QUE l’intimé et l’appelant n’ont pas pu s’entendre sur les dépens et qu’ils ont donc présenté, sur autorisation, des observations écrites datées du 25 juillet 2022 pour examen par la Cour;

APRÈS AVOIR LU les observations écrites de l’appelant et de l’intimé sur les dépens de l’appel;

ET COMPTE TENU DES CIRCONSTANCES ET DES ARGUMENTS SUIVANTS PRÉSENTÉS DANS LES OBSERVATIONS :

  • a)Dans les motifs de sa décision, la Cour a initialement adjugé de façon provisoire les dépens à l’intimé, parce qu’il est la partie qui a obtenu gain de cause, conformément au tarif applicable établi dans les Règles;

  • b)L’intimé réclame le total de 50 915 $ au titre de dépens globaux majorés;

  • c)L’appelant soutient que l’intimé a droit aux dépens uniquement selon le tarif applicable;

  • d)Les dépens de l’intimé selon le tarif seraient d’environ 2 100 $ ou 1,39 % des frais juridiques engagés;

  • e)En outre, l’intimé soutient dans son mémoire de frais ce qui suit :

  • i)Les deux conseillers juridiques de l’intimé ont consacré beaucoup de temps au dossier, dont la valeur consignée atteint pour les deux la somme d’environ 169 000 $ à des « taux publiés »;

  • ii)Ces taux horaires publiés varient de 262 $ à 283 $ pour le travail effectué par chacun des deux avocats;

  • iii)Le temps consacré au produit du travail non lié à la requête a été déduit;

  • iv)À la suite des procédures de recouvrement des dépens du gouvernement du Canada, certains montants de débours mineurs sont intégrés aux frais judiciaires consignés;

  • v)Il existe d’autres appels dont la Cour est saisie qui soulèvent les mêmes questions que les requêtes entendues et tranchées par la Cour;

  • vi)Les tarifs publiés comprennent une méthode de recouvrement intégral du coût total des services juridiques fournis par l’avocat à l’intimé;

  • f)Chaque partie a présenté des observations concernant les facteurs du paragraphe 147(3) applicables pour l’adjudication des dépens, qui sont résumés ci-dessous;

  • g)L’intimé soutient que le paragraphe 147(3), compte tenu de tous les facteurs, justifie l’adjudication d’une somme globale supplémentaire équivalant à 30 % des frais judiciaires engagés par l’intimé;

  • h)L’appelant soutient que le tarif applicable est suffisant, que la Cour ne devrait pas s’en écarter et qu’aucuns dépens supplémentaires ne devraient être accordés.

ET ATTENDU QUE la Cour fournit les motifs écrits quant aux dépens qui suivent :

La Cour a l’entière discrétion d’adjuger des dépens supérieurs à ce que prévoit le tarif applicable en vertu de qui suit :

  • i)Bien que le tarif B de l’annexe II devrait être l’étape secondaire sur la voie de l’adjudication des dépens, l’attention principale et sans faille du juge devrait porter sur les facteurs énoncés au paragraphe 147(3) des Règles : Velcro Canada Inc. c. La Reine, 2012 CCI 273, au paragraphe 17;

  • ii)La Cour s’écarte régulièrement du paragraphe 147(3) : Ford du Canada Limitée c. La Reine, 2015 CCI 185, aux paragraphes 7(4) et 25; dans les motifs de son ordonnance rendue dans le présent appel, la Cour a autorisé les parties à présenter d’autres observations pour qu’elles puissent exposer des circonstances qui n’auraient pas été présentées au juge des requêtes, comme des offres de règlement, une conduite qui n’était pas apparente devant la Cour, des retards, etc.

  • iii)Lorsque la Cour s’écarte du tarif, elle doit le faire en se fondant sur des principes, de manière cohérente et en tenant compte des facteurs énoncés à l’article 147 : Duffy c. La Reine, 2020 CCI 135, aux paragraphes 20 et 21, et CIBC World Markets v. HMQ, 2019 TCC 201, au paragraphe 9;

  • iv)La Cour a déjà adjugé des dépens conformément au tarif applicable, et elle l’a fait, non pas par routine ou pour des motifs préjudiciables ou déterminants concernant des dépens supplémentaires, mais plutôt pour obtenir des observations précises sur des faits dont elle ne peut avoir connaissance sans ces observations;

  • v)Étant donné que les parties conviennent en grande partie dans les observations des facteurs et des éléments à prendre en compte en matière d’adjudication des dépens, qui sont énoncés au paragraphe 147(3) des Règles, ceux-ci sont énumérés dans le tableau ci-dessous. La Cour utilisera ce tableau pour analyser les facteurs et établir à la fin une somme pour les dépens supplémentaires en faisant référence à un facteur lorsque les circonstances relatives à la présente instance portées à la connaissance de la Cour le justifient;

 

Facteur énoncé au paragraphe 147(3) qui est en litige

Résumé de la thèse de l’intimé

Résumé de la thèse de l’appelant

Observations de la Cour, s’il y a lieu

a) le résultat de l’instance

L’intimé a eu totalement gain de cause sur les deux questions et a défendu la constitutionnalité de la loi.

L’intimé a eu gain de cause, mais le tarif s’applique par défaut pour cette raison.

Il y avait deux motifs à la requête et des fondements distincts à la requête; même si chaque fondement était binaire, mis ensemble, ils ne constituaient pas une requête ou une décision « tout ou rien » faite d’un seul bloc.

b) les sommes en cause

Les sommes, en soi, ne sont pas importantes, mais dans l’ensemble, elles ne sont pas négligeables. Des appels semblables dont la Cour est saisie sont suspendus en attendant l’issue du présent appel.

Les sommes en cause sont modestes.

Une requête présentée en application de l’article 58 des Règles a été accueillie par la Cour dans la première phase parce que la Cour est saisie d’appels fondées sur des motifs semblables.

c) l’importance des questions en litige

Il s’agissait de questions nouvelles, nécessaires pour régler la question de la pénalité par opposition à l’impôt et de la constitutionnalité de l’impôt relatif aux CELI (et maintenant applicable à d’autres régimes enregistrés d’épargne).

La décision n’est pas tout à fait sans importance. Toutefois, elle s’applique aux parties entre elles. Il ne s’agissait pas d’une cause type, et ce facteur ne devrait pas être pris en compte.

Contrairement aux questions qui concernent uniquement des contribuables en particulier, qui sont fondées sur des faits, la présente requête présentée au titre de l’article 58 contestait la nature légale d’un article et la validité constitutionnelle d’un autre. Ce sont des considérations importantes.

d) la charge de travail

Les thèses défendues ont nécessité une interprétation législative complète du texte, du contexte et de l’objet des articles 207.05 et 207.06.

La question constitutionnelle a fait l’objet d’une analyse complète dans la décision Hunt no 1. La Cour d’appel fédérale a posé une question hypothétique, qui a mené à la requête Hunt no 2 présentée en application de l’article 58 des Règles. La question de l’impôt par opposition à la pénalité ne demandait aucun nouvel élément de preuve et, bien que nouvelle, il n’existait aucune jurisprudence.

En raison de leur nature, les demandes présentées en application de l’article 58 des Règles comportent rarement des éléments de preuve factuels en litige.

f) la complexité des questions en litige

619,08 heures ont été consacrées au dossier et, généralement, aux questions juridiques importantes suivantes :

i) Pénalité par opposition à impôt (et, par conséquent, les défenses potentielles de diligence raisonnable sont retenues);

ii) Validité du CELI et d’autres dispositions d’avantages fiscaux, largement souscrits et utilisées par les contribuables;

iii) Analyse complète de la constitutionnalité : texte, contexte et objet;

iv) Pouvoir ministériel d’accorder des allégements fiscaux et ses extensions de droit administratif.

La question de la pénalité par opposition à l’impôt n’était pas complexe; la question constitutionnelle était une répétition de l’affaire Hunt no 2.

 

f) toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens

Sous réserve de l’issue de l’appel, cette décision a une grande valeur de précédent, et les frais engagés recouvrables par l’adjudication des dépens à 30 % sont plus que justifiés.

Pas d’autres facteurs.

 

 

EN RENDANT sa décision sur la question de la demande de dépens majorés, la Cour relève les éléments suivants concernant les facteurs énoncés au paragraphe 147(3) à prendre en compte dans l’adjudication des dépens.

 

Quant au résultat de la requête, l’intimé a eu entièrement gain de cause sur les deux questions dont la Cour était saisie : la question de la pénalité par opposition à l’impôt et celle de la constitutionnalité de l’article. En théorie, il y avait quatre résultats possibles pour l’une ou l’autre des parties : gain de cause sur les deux questions, défaite sur la question de la peine et gain de cause sur la question de la constitutionnalité, vice versa et défaite sur les deux questions. L’intimé a eu gain de cause sur les deux question. La nature et l’objet des requêtes présentées en application de l’article 58 des Règles ont pour effet, au pire, de restreindre les questions et, au mieux, ils règlent l’appel de manière presque déterminante. La présente demande présentée en application de l’article 58 des Règles va au-delà de la requête en vue d’assurer la mise en œuvre des engagements non respectés.

 

Bien qu’elle ne soit pas entièrement connue, la décision rendue en vertu de l’article 58 des Règles pourrait bien mettre fin à l’appel devant la Cour de l’impôt, sous réserve de l’issue de l’appel en instance. Cette audience de deux jours avec des faits pleinement acceptés ne mènerait vraisemblablement pas à un procès qui durerait beaucoup plus longtemps ou qui nécessiterait plus de témoins. Ce facteur milite en faveur de dépens supérieurs à ce que prévoit le tarif.

 

Les sommes en cause à première vue ne sont pas exagérément élevées. L’élément présent dans la décision de la Cour d’accueillir une deuxième requête présentée en application de l’article 58 des Règles lors de la formulation des questions de la phase I était l’existence imminente d’appels d’autres contribuables relatifs à des faits semblables devant la Cour.

 

Les questions sont objectivement importantes : le caractère légal du prélèvement – impôt ou pénalité. La question est au cœur des droits procéduraux en conséquence du contribuable lorsqu’il conteste légalement une cotisation. La contestation de la constitutionnalité des articles met en question le caractère exécutoire de l’imposition en cas de violation des règles relatives au CELI, au REER, au FRR, au REEE, au RAP, etc. De nombreux Canadiens utilisent ces instruments d’économie d’impôt, et certains d’entre eux se heurtent parfois à une cotisation d’impôt établie à l’égard d’un avantage non conforme. Le résultat de la présente requête présentée en application de l’article 58 des Règles a des répercussions transparentes et généralisées sur le public. L’aspect de l’intérêt public est omniprésent dans la question de la validité et de la nature de l’impôt applicable à ces avantages fiscaux ainsi que de la constitutionnalité de celui-ci.

 

La charge de travail avant l’audience est représentée par les heures consignées; l’avocat de l’appelant n’a pas contesté sérieusement le nombre d’heures travaillées par les avocats de l’intimé, les taux horaire ou l’applicabilité de ces heures. La recherche pour déterminer qu’il n’existe aucun précédent contraignant, la consultation pour obtenir des directives appropriées des clients dans de telles circonstances et la manière innovatrice de défendre des intérêts pour obtenir un précédent analogue et informatif prennent autant de temps que de travailler sur des questions juridiques connues, quantifiables et prévisibles. Ce sont ces traitements qui donnent lieu à des décisions de justice constituant de futurs « éléments de preuve de droit ». La généralisation simpliste de l’intimé concernant les répercussions de la requête présentée en application de l’article 58 des Règles, la décision et l’utilité substantielle de la présente requête est rejetée.

 

Une décision juridique a été rendue sur des questions qui n’avaient pas encore été tranchées. C’est un critère pertinent qui favorise l’octroi de dépens majorés.

 

Tout bien pesé, tous les facteurs applicables, sans exception, orientent la Cour et lui indique d’accorder des dépens majorés supérieurs à ceux prévus au tarif lequel est désuet, archaïque et insuffisant lorsqu’il est appliqué à la portée de la requête présentée en application de l’article 58 des Règles reflétée dans les principes de l’article 147. De plus, le mémoire de frais de l’intimé et le taux d’indemnisation demandé de 30 % du temps consigné sont parfaitement raisonnables, voire un peu modestes. Enfin, il n’y a aucune contestation concernant les heures consignées, les taux horaires relativement concurrentiels et la nature et la qualité des précisions décrivant le temps que les avocats ont consacré à l’affaire.

 

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE :

  1. Les dépens ci-après sont adjugés à l’intimé dans la présente requête présentée en application de l’article 58 des Règles :

  • i)des dépens calculés selon la formule relative au paragraphe 147(3) conformément au tarif B de l’annexe II de 2 100 $, comme la Cour l’a ordonné initialement dans son jugement;

  • ii)des dépens supplémentaires de 48 800 $ au-delà du tarif.

  1. La somme globale de 1 000 $ pour les présentes observations sur les dépens.

Pour tous ces motifs, des dépens majorés sont adjugés selon les sommes indiquées ci-dessus.

Les présents ordonnance et motifs sommaires modifiés sur les dépens remplacent les ordonnance et motifs sommaires sur les dépens datés du 1er novembre 2022 afin de corriger l’erreur d’inadvertance dans la partie mentionnée au paragraphe 1 ci-dessus.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de novembre 2022.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juillet 2023.

Elisabeth Ross, jurilinguiste

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