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Dossier : 2021-1143(IT)I

ENTRE :

TERRY BURKE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 15 novembre 2022, à Kelowna (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Katherine Matthews

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE la Cour a, en ce jour, rendu les motifs de son jugement dans le présent appel;

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. L’appel concernant les années d’imposition 2014, 2015 et 2016 est accueilli pour les motifs suivants :

    • a) conformément à ce qui a été concédé par l’avocate de l’intimé au début des observations finales, les pénalités prévues au paragraphe 163(2) sont annulées;

    • b) les années d’imposition 2014 et 2015 sont frappées de prescription et la ministre n’a pas établi qu’il est plus probable qu’une présentation erronée des faits a été faite par négligence, inattention ou omission volontaire dans les déclarations de revenus produites par l’appelant pour ces années;

    • c) plus précisément, le revenu non déclaré de l’appelant pour l’année d’imposition 2016 est de 38 713 $.

  2. L’affaire est renvoyée à la ministre du Revenu national pour un nouvel examen et l’établissement d’une nouvelle cotisation.

  3. Le montant des dépens auxquels a droit l’appelant sera fixé à 500 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 2022.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock


Référence : 2022TCC158

Date : 20221209

Dossier : 2021-1143(IT)I

ENTRE :

TERRY BURKE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

I. INTRODUCTION

[1] La ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, M. Burke, pour les trois années d’imposition suivantes : 2014, 2015 et 2016 (les « années visées par l’appel »). De l’avis des représentants de la ministre, les fonctionnaires de l’ARC, le montant de revenu inscrit par M. Burke dans sa déclaration de revenus n’était pas crédible, et ses livres et registres n’étaient pas fiables. Par conséquent, le paragraphe de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch. 1, dans sa version modifiée (la « Loi ») a été invoqué. En vertu de ce paragraphe, la ministre a établi autrement une nouvelle cotisation pour les années visées par l’appel en utilisant la méthode de cotisation fondée sur l'avoir net. Pour remonter aux deux premières années frappées de prescription, soit 2014 et 2015, la ministre fait valoir une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire (« la question en litige de la présentation erronée des faits »); ces années étaient autrement frappées de prescription. Les pénalités, en application du paragraphe 163(2), ont été imposées pour les trois années, sur les motifs que M. Burke a commis une lourde faute ou produit de fausses déclarations. À titre de question préliminaire, l’avocate de l’intimé s’est levée au début des observations finales, après une journée complète consacrée à la preuve, pour reconnaître que la ministre ne s'était pas acquittée du fardeau qui lui incombait concernant les pénalités prévues à l’article 163(2). La Cour confirme que de telles pénalités sont annulées. L’avocate soutient que la ministre s’est acquittée du fardeau qui lui incombe concernant la question en litige de la présentation erronée des faits pour les années 2014 et 2015 en application du paragraphe 152(4).

Observations soumises après l’audience

[2] À l’audience, M. Burke a éprouvé des difficultés du fait de ses blessures. Il a utilisé les services de TTRC offerts par la Cour, c’est-à-dire qu’une personne transcrivait en temps réel les observations orales de chaque personne que M. Burke n’aurait pu entendre autrement. La production de pièces était donc quelque peu confuse. Certaines annexes étaient initialement manquantes dans la pièce principale A‑1 de M. Burke. Ces annexes ont été présentées à l’ARC après l’audit. Finalement, avec l’aide du transcripteur des services de TTRC, une copie des annexes a été produite vers la fin de l’audience. Comme l’audience s’est déroulée à distance, hors du tribunal, et que la technologie du Service administratif des tribunaux judiciaires disponible à la Cour canadienne de l’impôt était limitée dans cet hôtel, il n’y a pas eu de photocopies produites pendant l’audience. M. Burke a fait référence à ces annexes dans les observations. La Cour a procédé à un examen de ces annexes en temps voulu. Pour que l’avocate de l’intimé puisse en faire de même, la Cour lui a fourni des copies ultérieurement durant cette semaine. Une ordonnance a été rendue pour expliquer comment cela s’est déroulé et pour demander de brèves observations. Ces observations de l’avocate ont été reçues et examinées par la Cour.

II. RAPPEL DES FAITS

Difficultés éprouvées par M. Burke durant les années visées par l’appel

[3] Hormis le processus d'établissement d’une cotisation fondée sur l'avoir net, la vie de M. Burke n’a pas été facile durant et après les années visées par l’appel. Il exploite son entreprise de peinture et de décoration, Abstract Design and Painting (« Abstract Painting ») depuis quelque 25 années. En novembre 2014, il a été impliqué dans un grave accident de la route qui lui a causé une déficience auditive sévère. Cela n’est pas mis en doute, ni la violence imputée à cet accident pour causer un tel préjudice indirect. La ministre a adjugé un crédit d’impôt pour personnes handicapées pour toutes les années à compter de 2014 et la Cour ne s’est pas saisie de cette question en litige. La déficience auditive importante de M. Burke a compliqué les observations, discussions et communications durant et après l’audit mené avec l’ARC concernant les années visées par l’appel. La Cour a pu constater elle-même qu’il s’agit d’un homme âgé, qui ne peut plus entendre et qui suit le cours normal des événements sans grande aide technologique ou d’un tiers. Comme cela a été mentionné, ces mêmes difficultés ont été observées durant les tractations avec l’ARC.

Historique de l’audit et de l’examen effectué dans le cadre de l’appel

[4] L’historique de l’audit nécessite quelques explications. Vers la fin de 2018, les représentants de la ministre ont entrepris un audit d’Abstract Painting et de M. Burke. La raison de cet audit n'est pas claire. M. Burke produisait ses déclarations de revenus et de TPS dans les délais. Un audit précédent n’avait rien révélé de particulier. Son entreprise, établie de longue date et dont il menait les activités pratiquement tout seul, lui donnait beaucoup de travail. Au début, l’ARC a demandé ses livres et ses registres. Ils étaient tenus à l’ancienne, par écrit. Les registres produits pour 2015, qui figurent aux annexes mentionnées au procès, comprenaient les livres de comptabilité en partie double des bons de commande/commandes client et des copies d’un journal à colonnes des recettes et des dépenses. Dans le livre des commandes client, chaque travail de peinture achevé détaillait les fournitures, la main-d'œuvre et les taxes de vente (TPS et TVP séparément en Colombie-Britannique). Il ne s’agissait pas de gros travaux, mais un ou deux contrats étaient entrepris chaque mois par le seul propriétaire de l’entreprise, uniquement aidé, à l’occasion, par son fils.

Registre de M. Burke

[5] Le livre des bons de commande/commandes client fait le suivi de chaque facture de façon séquentielle, et la mention « Merci » est inscrite au moment du paiement. Les totaux des montants de ces travaux réalisés par Abstract Painting sont inscrits manuellement dans un grand livre tenu à l’ancienne comprenant 20 colonnes. Sur une page figurent les recettes et sur une autre les dépenses. M. Burke a témoigné que les sommes totalisées étaient ensuite transmises à un comptable qui compilait les relevés et effectuait les rajustements de fin d’année, puis remplissait la déclaration du revenu tiré d’un travail indépendant dans le cadre de la déclaration de revenus. Les conclusions raisonnables tirées de ces livres découlent de l’analyse de la Cour. Les livres ont été fournis à la Cour en tant que partie des annexes à la pièce A‑1.

Réponse de l’auditeur aux corrections de l’examen des dossiers et de l’audit

[6] Ces dossiers rudimentaires n’ont pas impressionné les représentants du ministre, bien qu’on ne sache pas précisément quand ils ont été effectivement examinés par l’ARC. Un audit de l’analyse préliminaire des dépôts pour 2016 a déclenché le calcul d’une cotisation fondée sur l’avoir net complète pour chacune des années, à savoir 2014, 2015 et 2016. Les observations faites par l’avocat avec lequel M. Burke traitait à ce moment-là ont eu pour effet de réduire le revenu non déclaré soumis à la cotisation fondée sur l’avoir net pour les deux années frappées de prescription, soit 2014 et 2015, de quelque 20 % et 45 %, respectivement, après l’examen de l’agent des litiges (« examen effectué dans le cadre de l’appel »). Après les observations et avant l’appel, M. Burke n’a plus retenu les services de l’avocat en raison des coûts. Il a agi pour son propre compte à l’audience. Dans le calcul de la cotisation fondée sur l’avoir net originale, l’auditeur de l’ARC a omis les retraits du REEE et du REER, ignoré les déductions pour amortissement qui avaient été consignées mais non déclarées et confondu les reconductions des placements avec les dépôts initiaux. Même si M. Burke a pensé que ces erreurs n’avaient pas été abordées, la Cour a confirmé au procès que l’agent des appels avait réduit le revenu non déclaré en conséquence.

Les corrections apportées lors de l’examen effectué dans le cadre de l’appel découlant de l’audit n’ont aucune incidence sur les pénalités

[7] Les corrections apportées après l’audit et basées sur les observations découlant de l’examen effectué dans le cadre de l’appel n’ont pas eu grand effet. Même si les nouvelles cotisations relatives au revenu non déclaré ont été réduites pour 2014 et 2015, certains faits connexes n’ont pas été véritablement pris en compte. La diminution de l’ampleur concernant les pénalités, la chute des revenus de M. Burke en raison de la gravité du préjudice physique subi en 2014 et certaines créances irrécouvrables déduites en 2015 sur les déclarations de revenus n’ont pas entraîné un réexamen des pénalités lors de l’examen effectué dans le cadre de l’appel. Les détails précis des créances irrécouvrables radiées n’étaient d’aucune façon vérifiables lors du procès parce que la Cour ne s’est pas saisie des déclarations de revenus pour 2015.

Sources de revenus non imposables

[8] M. Burke a indiqué qu’il a reçu un revenu non imposable plusieurs années auparavant. M. Burke a divorcé en 2005. Une preuve crédible dont la Cour s’est saisie montre qu’il a reçu quelque 82 000,00 $ à titre de la part qui lui revenait de la vente de son domicile conjugal. Il s’est alors acheté une maison mobile qui lui a coûté près de 45 000 $, pour y habiter, et a conservé le solde de 37 000 $. Il fait valoir qu’il a dépensé cet argent entre 2014 et 2016, après la perte partielle de sa capacité à travailler à cause de son accident, et après avoir fini par accepter, tant du point de vue physique qu’émotionnel le trouble médical grave qui l’affectait : son incapacité à entendre. Il avait un coffre-fort dans lequel il gardait en réserve une certaine somme résiduelle pour les dépenses imprévues. Il a fait une copie du reçu pour la location du coffre-fort que son avocat avait également fournie à l’ARC en 2019. Ce reçu couvrait précisément la période allant de 2005, lorsque les espèces y ont été déposées, à 2019. Ni l’auditeur ni l’agent des appels n’ont tenu compte de cette preuve.

Le manque d’expérience de l’auditeur de l’ARC en matière de cotisation fondée sur l’avoir net

[9] La première cotisation fondée sur l’avoir net établie par l’auditeur de l’ARC était certainement celle qui a été appliquée à M. Burke et Abstract Painting. Toutefois, cela n’a été révélé que lors de l’interrogatoire qui s’est tenu dans le cadre de l’audience. Durant le témoignage en interrogatoire principal, l’auditeur était certain qu’il avait déjà « établi quatre ou cinq cotisations fondées sur l’avoir net ». Lorsqu’il a été interrogé par la Cour, l’auditeur a révisé cette vague référence à quatre ou cinq cotisations fondées sur l’avoir net à la date du procès. La majorité, et très certainement la totalité, de ces cotisations étaient postérieures à l’établissement de la cotisation que l’auditeur a effectué pour M. Burke. Durant cet appel soumis à la procédure informelle, la Cour a posé des questions sur le manquement à la déclaration par l’auditeur des transferts de placements ou des retraits de REEE et de REER dans les demandes de renseignements d’une certaine banque. L’auditeur a déclaré qu’il pensait que cette information n’était pas correctement formulée dans la demande de renseignements de la banque. De la même façon, il n’a fourni dans les documents de travail aucune description comparative ni fait état d’aucun écart entre les livres et les registres de M. Burke pour 2014 et 2015 et son analyse préliminaire des dépôts bancaires, qui n’a d’ailleurs été réalisée que pour 2016. La Cour ne s’est pas saisie de cette analyse préliminaire des dépôts bancaires de 2016. Malgré cela, d’après l’auditeur, la comparaison de 2016 qui n’a pas été mentionnée ni produite justifiait la cotisation fondée sur l’avoir net complète pour les trois années et la réouverture des deux années frappées de prescription, soit 2014 et 2015.

III. LE DROIT

Années frappées de prescription; paragraphe 152(4)

[10] La Loi empêche la ministre de revenir plus de trois années d’imposition en arrière pour établir une nouvelle cotisation. Toutefois, il y a une exception. La ministre pourrait établir une cotisation pour les années d’imposition frappées de prescription si elle est convaincue et si elle convainc finalement la Cour en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, que :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi [...].

[11] Pour les années visées par l’appel 2014 et 2015, la ministre fait valoir qu’elle s’est acquittée de la justification des nouvelles cotisations. Le critère est conjonctif : il doit y avoir une présentation erronée des faits dans la déclaration de revenus et elle doit découler d’une négligence, d’une inattention ou d’une omission volontaire, ou d’une fraude [1] . Bien que la fraude soit à la base de la nouvelle cotisation dans la réponse, judicieusement, l’intimé ne lui a pas donné suite au procès [2] .

La cotisation subsidiaire : paragraphe 152(7)

[12] La Cour s’est également saisie de la façon dont la ministre a établi la cotisation de M. Burke. Pour toutes les années visées par l’appel, la ministre a utilisé une cotisation subsidiaire. Cette cotisation subsidiaire est assujettie au paragraphe 152(7) de la Loi prescrivant que :

(7) […] Le ministre n’est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou en son nom et, lors de l’établissement d’une cotisation, il peut, indépendamment de la déclaration ou des renseignements ainsi fournis ou de l’absence de déclaration, fixer l’impôt à payer en vertu de la présente partie.

[13] La nouvelle cotisation subsidiaire fixée par la ministre pour toutes les années visées par l’appel, qu’elles soient frappées ou non de prescription, est fixée en vertu de cet article, uniformément. La question en litige de la présentation erronée des faits n’est pertinente qu’aux années visées par l’appel 2014 et 2015. Toutefois, c’est à la ministre qu’incombe la charge de la question en litige de la présentation erronée des faits, mais pour établir la cotisation subsidiaire, elle peut se reposer sur ses présomptions pour la seule année 2016.

Les questions en litige

[14] En tenant cela pour acquis, les questions à trancher sont les suivantes :

  1. Pour les années 2014 et 2015, la ministre s’est-elle acquittée du fardeau d’établir :

  • a) que la déclaration des revenus contenait une présentation erronée des faits;

  • b) que cette présentation erronée était imputable à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire;

que cela justifiait de rouvrir une année frappée de prescription?

2. Si c’est le cas, la cotisation subsidiaire, sous forme de cotisation fondée sur l’avoir net a-t-elle été réfutée ou réduite par l’appelant pour l’une ou l’autre des années visées par l’appel?

IV. ANALYSE

a) Intersection entre la présentation erronée des faits et la cotisation fondée sur l’avoir net

[15] Même dans le cas d’une cotisation fondée sur l’avoir net, il incombe à la ministre d’établir les éléments de présentation erronée des faits et les facteurs attributifs lorsque des cotisations sont établies pour des années frappées de prescription [3] . Dans l’appel, l’intimé s’appuie sur la cotisation fondée sur l’avoir net en tant que preuve de présentation erronée des faits pour les années 2014 et 2015. Par conséquent, la ministre doit établir la preuve et la Cour doit conclure que le contribuable a gagné le revenu non déclaré et n’a pas fourni d’explication crédible avant que la ministre se soit acquittée de ce fardeau [4] .

Revue des erreurs de l’auditeur

[16] Parallèlement à cette analyse, la Cour mentionne que l’avocate de l’intimé a concédé les pénalités prévues au paragraphe 163(2) parce qu’elle ne s’est pas acquittée de son fardeau. Le fardeau de la présentation erronée des faits demeure différent; l’imposition des pénalités prévues au paragraphe 163(2), par comparaison va au-delà de la démonstration de diligence raisonnable pour atteindre un degré élevé de négligence selon lequel le contribuable a agi sciemment sans se préoccuper de se conformer à la loi [5] . Dans son évaluation de la présentation erronée de faits, la Cour présente les éléments suivants liés précisément aux années visées par l’appel 2014 et 2015. Les sommes imposées pour ces années visées par l’appel ont été considérablement réduites après l’examen effectué dans le cadre de l’appel. Ces sommes erronées résultaient des erreurs de débutant de l’auditeur : versements de TPS, retraits du REEE et du REER, transferts de placements et DPA consignées mais non déduites qu’il avait omis. Ces erreurs ne constituaient pas une présentation erronée des faits de l’appelant; il s’agissait d’applications et de calculs erronés de la part de son auditeur. Lorsqu’il a été interrogé par la Cour, l’auditeur a semblé suggérer que les omissions ou les « inclusions excessives » résultaient de l’insuffisance de l’information fournie par le contribuable, des réponses partielles fournies par les institutions financières ou même de la consignation interne inadéquate des versements de TPS par l’ARC. En fait, ces erreurs d’application et de calcul n’avaient pas été faites dans la déclaration de revenus ou dans l’information d’appui du contribuable, mais dans le calcul de la cotisation fondée sur l’avoir net, et elles avaient été commises ou « omises » par l’auditeur.

Allégation relative à l’autre source de revenus non imposables

[17] Certaines observations, tout particulièrement en lien avec les années 2014 et 2015, concernaient les produits latents de la vente de la maison de M. Burke lorsque son mariage a pris fin en 2005. M. Burke a expliqué qu’il avait conservé cette somme, soit quelque 37 000 $ d’après les calculs de la Cour, pour les cas où il en aurait besoin. Une telle somme représente un capital, et non un revenu. Il a témoigné qu’un tel besoin était survenu en 2014, lors de sa perte auditive. L’utilisation d’un coffre-fort, comme en témoigne le paiement des frais annuels et le paiement de certaines dettes en espèces d’une façon modérée et méthodique, révélés dans les propres documents de travail de la ministre et dont M. Burke a témoigné de façon crédible, sont pris en compte dans l’établissement de la cotisation de la Cour. La réduction du revenu et les difficultés que M. Burke a éprouvées durant les années 2014 et 2015, jusqu’à ce que sa situation se stabilise en 2016, justifient probablement et logiquement l’utilisation de ces fonds qu’il avait gardés, y compris les retraits séparés du REEE, que l’auditeur avaient d’ailleurs omis initialement. Alors que la ministre a simplement rejeté la déclaration de la somme économisée en espèces, de l’avis de la Cour, il est probable que de telles sommes devaient être utilisées à titre de source de revenus non imposables en 2014 et 2015. Ceci résulterait en une surestimation encore plus importante du revenu non déclaré.

La décision de procéder à une nouvelle cotisation pour 2014 et 2015 date de 2016

[18] L’analyse initiale des dépôts de l’auditeur qui a donné lieu à l’augmentation de la cotisation fondée sur l’avoir net n’a porté que sur l’année visée par l’appel 2016, et jamais sur les autres années, soit 2014 et 2015. Bien que ces appels soumis à la procédure informelle ne soient pas déterminants pour la question en litige, leur utilisation est quelque peu incongrue. La force considérable d’une cotisation fondée sur l’avoir net complète sur trois années visées par l’appel alors que 2016 est par coïncidence la seule année visée par l’appel qui n’est pas frappée de prescription a été vérifiée initialement dans le cadre de l’analyse des dépôts bancaires. Comme l’auditeur l’a indiqué, cette analyse des dépôts (qui n’est comprise dans aucun des éléments de preuve présentés à la Cour) a révélé en 2016 un écart dans les revenus déclarés qui a été considéré comme suffisant pour déclencher une cotisation fondée sur l’avoir net pour toutes les années, bien que deux de ces années d’imposition étaient frappées de prescription, sans qu’une analyse distincte des dépôts ne soit entreprise.

Où est la présentation erronée des faits?

[19] La Cour a déclaré que la condition préalable à la présentation erronée des faits doit être établie dans la déclaration de revenus ou les renseignements de référence [6] . C’est à la ministre de démontrer que cette condition est remplie. La seule présentation erronée des faits qui a été établie dans les déclarations de revenus de 2014 et 2015 est l’écart entre le revenu déclaré et le revenu non déclaré découlant de la cotisation fondée sur l’avoir net. La ministre n’a fourni à la Cour aucune déclaration de revenus bien qu’il lui revienne de prouver que ce document précisément contient une présentation erronée des faits lorsqu’il est comparé à la cotisation fondée sur l’avoir net. Le témoignage de l’auditeur n’était pas fondé sur les déclarations de revenus. Le seul élément de preuve de l’écart se trouve dans la réponse. La ministre ne peut se fonder sur ces hypothèses pour les années 2014 et 2015. De plus, le registre, même imparfait, de M. Burke existe. Ainsi, la Cour a examiné le grand livre de M. Burke pour 2015, et le livre des bons de commande/commandes client correspondant. Bien que rudimentaires, ces livres représentent en fait plus précisément les revenus déclarés que la cotisation fondée sur l’avoir net établie par la ministre, même après les corrections découlant de l’examen effectué dans le cadre de l’appel. Lorsque le capital économisé utilisé est inclus, l’écart diminue considérablement. De plus, la cotisation fondée sur l’avoir net pour ces deux années a été elle-même réduite à un point tel qu’elle est proche des sommes minima. Le fardeau de la présentation erronée des faits qui revient à la ministre, pour pouvoir être pris en compte, doit aller au-delà des sommes minima des nouvelles cotisations ultimes fondées sur l’avoir net qui appuient les années d’imposition frappées de prescription. Autrement, la ministre indique simplement que même si un écart aussi faible de revenus découle d’une cotisation fondée sur l’avoir qui est imprécise, « EFFACER! …, les années peuvent faire l’objet d’une cotisation ». Des écarts aussi mineurs seront observés dans les appels soumis à la procédure informelle concernant de petites entreprises qui utilisent une tenue de livres moins moderne. En conclusion, les registres de M. Burke et les autres sources produites en preuve de revenus non imposables sont, tout compte fait, plus fiables que la cotisation fondée sur l’avoir net établie par la ministre [7] .

M. Burke a établi une preuve prima facie non réfutée

[20] Tout compte fait, la cotisation fondée sur l’avoir net établie pour 2014 et 2015, qui est avant tout un « instrument arbitraire », est la seule preuve de présentation erronée des faits utilisée pour rouvrir ces années d’imposition frappées de prescription. Lorsqu’elle est utilisée ainsi, la cotisation fondée sur l’avoir net doit être correctement appliquée et la bonne foi du contribuable doit être reconnue étant donné les circonstances exceptionnelles et manifestes auxquelles il faisait face et qui ont été expliquées. La cotisation fondée sur l’avoir net établie pour 2014 et 2015 n’a pas été appliquée de façon correcte ou fiable; les livres de M. Burke n’ont pas été correctement invoqués et l’élément de preuve crédible concernant l’autre source de revenu non imposable n’a pas été considéré comme crédible ni fait l’objet de recherches particulières. De plus, les créances irrécouvrables déduites dans la déclaration de revenus de 2015 invoquées par M. Burke ne pouvaient pas faire l’objet d’une révision parce que la Cour ne s’est pas saisie de toutes les déclarations de revenus importantes. La preuve prima facie revendiquée n’a pas été « réfutée » de façon satisfaisante [8] . Les années visées par l’appel 2014 et 2015 sont hors de la portée de la ministre car la ministre, étant donné les circonstances, les faits en l’espèce et le fait que la Cour ne s’est pas saisie des déclarations de revenus, n’a pas pu démontrer qu’il y a eu présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en première instance.

b) La cotisation fondée sur l’avoir net pour les années d’imposition présentée en bonne et due forme à la Cour

Aucune présentation erronée des faits n’est nécessaire pour établir une nouvelle cotisation pour 2016

[21] L’année restante visée par l’appel est 2016. Il s’agit d’un cadre législatif différent. Il incombe à la ministre de démontrer qu’il y a eu présentation erronée des faits uniquement pour les années 2014 et 2015. Les faits qui figurent dans sa réponse sont présumés exacts pour 2016. De plus, l’analyse des dépôts de pré-vérification porte précisément sur cette année d’imposition pour justifier la cotisation fondée sur l’avoir net.

[22] Il y a d’autres conclusions probantes pertinentes. L’année visée par l’appel 2016 n’a aucunement varié dans les présentations erronées des faits lors de l’examen effectué dans le cadre de l’appel. À la différence des années 2014 et 2015, M. Burke n’a contesté aucun calcul, aucune omission ou aucun doublon pour l’année 2016. Sa source de capitaux non imposables, de son propre aveu, était épuisée durant les années visées par l’appel 2014 et 2015. Il n’a mentionné aucune créance irrécouvrable en 2016.

[23] De même, toute cotisation fondée sur l’avoir net serait en soi plus crédible en 2016 en raison de la méthode utilisée par l’auditeur et du revenu de l’entreprise de peinture mentionné par M. Burke, qui était plus ou moins « revenu à la normale » durant cette année-là.

[24] Les autres méthodes d’établissement de la cotisation, comme l’analyse continue des dépôts, le ratio entre les coûts des fournitures achetées et les revenus ou les demandes de renseignements, auraient été plus appropriées dans cette situation : une personne ayant une déficience physique propriétaire unique d’une petite entreprise uniservice. Toutefois, le rôle de la Cour n’est pas de contester le besoin d’une cotisation subsidiaire, le choix de la méthode d’établissement de la cotisation fondée sur l’avoir net ou les calculs non contestés en 2016. Cela incombait à M. Burke en 2016. L’analyse initiale des dépôts a justifié une cotisation subsidiaire pour cette année-là. L’auditeur de la ministre a choisi d’établir la cotisation fondée sur l’avoir net. Aucune des observations de l’avocate de M. Burke et aucune contestation de ce dernier lors du procès n’a abordé la cotisation fondée sur l’avoir net durant l’année visée par l’appel 2016. Non seulement le revenu non déclaré n’a pas varié lors des appels, mais il a été légèrement augmenté. Les calculs semblent suffisamment exacts ou tout au moins ne sont pas contestés par M. Burke, comme il se doit. Par conséquent, la cotisation fondée sur l’avoir net de 2016 demeure intacte quant au fait et une nouvelle cotisation est légalement valide.

V. CONCLUSION ET DÉPENS

[25] L’appel est accueilli à tous égards, sauf pour la cotisation fondée sur l’avoir net de 2016 qui a fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour le revenu non déclaré additionnel de M. Burke de 38 713 $.

[26] Étant donné que M. Burke a obtenu un gain de cause appréciable et comparable en ce qui a trait à la question de l’annulation totale des pénalités et de l’annulation de la cotisation fondée sur l’avoir net pour les années visées par l’appel 2014 et 2015, les dépens qui lui sont accordés sont fixés à 500 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 2022.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock


RÉFÉRENCE :

2022TCC158

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2021-1143(IT)I

INTITULÉ :

TERRY RAYMOND BURKE c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Kelowna (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 novembre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 décembre 2022

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Katherine Matthews

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

En blanc

Cabinet :

En blanc

Pour l’intimé :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Deyab c. HMQ, 2022 CAF 222, par. 23.

[2] Lacroix c. HMQ, 2008 CAF 241, par. 26.

[3] Boroumand c. HMQ, 2015 CCI 239, par. 65.

[4] Lacroix, 2018 CAF 241, par. 32.

[5] Venne c. La Reine, (1984) 84 DTC 6247, p. 6256.

 

[6] Ross c. HMQ, 2013 CCI 333, par. 57.

[7] Mensah, 2008 CCI 378, par. 23 et 27.

[8] Saraf c. HMQ, [1994] 1 CTC 2519, par. 12.

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