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Dossier : 2017-3876(IT)I

ENTRE :

JOHN MICHALUK

appelant

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 17 août 2022, à Toronto (Ontario)

Devant : l’honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Avery Kalpin

Me Jeff Kirshen

Avocat de l’intimé :

Me George Lin

 

JUGEMENT

L’appel interjeté par l’appelant à l’encontre des nouvelles cotisations datées du 20 octobre 2016 et établies par la ministre du Revenu national, en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, à l’égard de ses années d’imposition 2014 et 2015, est rejeté sans dépens, conformément aux motifs ci-joints du présent jugement.

Signé à Montréal, Canada, ce 25e jour de janvier 2023.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau


Référence : 2023 CCI 15

Date : 20230125

Dossier : 2017-3876(IT)I

ENTRE :

JOHN MICHALUK

appelant

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1] Il s’agit d’un appel visant de nouvelles cotisations datées du 20 octobre 2016 et établies par la ministre du Revenu national (la « ministre »), en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), telle qu’elle est modifiée (la « Loi »), à l’égard des années d’imposition 2014 et 2015 de l’appelant.

[2] Au titre des nouvelles cotisations, la ministre a rejeté les déductions des dépenses d’emploi de 17 604,50 $ pour l’année d’imposition 2014 et de 20 407,60 $ pour l’année d’imposition 2015 déclarées par l’appelant.

[3] La question soulevée dans le présent appel est de savoir si l’appelant a le droit de déduire les dépenses d’emploi qu’il a déclarées pour ses années d’imposition 2014 et 2015.

[4] Les parties ont déposé un exposé conjoint (partiel) des faits substantiels suivants :

  1. La période pertinente va du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, inclusivement, et couvre les années d’imposition 2014 et 2015.

  2. Durant la période pertinente, l’appelant, John Michaluk, était employé chez Bombardier Transportation Inc. (« Bombardier ») en tant que conducteur de train de banlieue.

  3. À ce titre, l’appelant devait travailler à partir de différentes gares de l’Ontario.

  4. L’appelant résidait dans la communauté non constituée en personne morale de Picton, située dans le comté Prince-Édouard (Ontario).

  5. La gare d’attache de Bombardier était la gare commune située dans le district administratif d’Etobicoke de la ville de Toronto (Ontario).

  6. L’appelant a produit par voie électronique ses déclarations de revenus pour ses années d’imposition 2014 et 2015 le 7 mai 2015 et le 30 avril 2016, respectivement.

  7. Dans le calcul de son revenu net pour les années d’imposition 2014 et 2015, l’appelant :

  1. a déclaré une déduction de dépenses d’emploi de 17 605 $ et 20 407 $, respectivement;

  2. a déclaré un revenu imposable de 130 640 $ et 110 729 $, respectivement.

  1. L’appelant a déclaré les montants suivants de dépenses d’emploi :

 

2014

2015

Hébergement

11 082,00 $

14 695,60 $

Autres dépenses d’entreprise

547,00 $

S.O.

Repas

5 975,50 $

5 712,00 $

Total

17 604,50 $

20 407,60 $

  1. La ministre a établi une première cotisation pour les années 2014 et 2015 de l’appelant conformément aux déclarations produites; les avis étaient datés du 19 mai 2015 et du 9 mai 2016, respectivement. Veuillez-vous reporter aux annexes « A » et « B » ci-jointes.

  2. La ministre du Revenu national (la« ministre ») a établi une nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2014 et 2015 de l’appelant, conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »). Les avis des nouvelles cotisations (« nouvelles cotisations ») étaient datés du 20 octobre 2016. Veuillez-vous reporter à l’annexe « C ».

  3. Dans ses nouvelles cotisations, la ministre a rejeté les déductions des dépenses d’emploi de 17 604,50 $ pour l’année d’imposition 2014 et de 20 407,60 $ pour l’année d’imposition 2015 déclarées par l’appelant.

  4. Le 3 novembre 2016, l’appelant a signifié un avis d’opposition aux nouvelles cotisations de la ministre pour les années d’imposition 2014 et 2015. Veuillez-vous reporter à l’annexe « D » ci-jointe.

  5. La ministre a confirmé les nouvelles cotisations au moyen d’un avis de confirmation daté du 17 août 2017. Veuillez-vous reporter à l’annexe « E » ci-jointe.

  6. Les parties conviennent que l’appelant a engagé les dépenses de 17 604,50 $ et 20 407,60 $ pour les années d’imposition 2014 et 2015, respectivement.

  7. L’employeur de l’appelant, Bombardier, a fourni à l’appelant les formulaires T2200 pour les années visées. Veuillez-vous reporter aux annexes « F » et « G » ci-jointes.

  8. Sous la section « Conditions d’emploi », Bombardier a indiqué que l’appelant devait, pour s’acquitter de ses obligations professionnelles, se rendre dans des endroits qui ne faisaient pas partie de son lieu d’affaires. Bombardier a également indiqué qu’à ce titre, l’appelant devait s’absenter pendant au moins douze (12) heures consécutives de la municipalité et de la région métropolitaine où il se présentait habituellement au travail.

  9. Parallèlement, Bombardier a déclaré sur les formulaires T2200 qu’elle ne remboursait pas les dépenses d’emploi engagées par ses employés.

  10. Les parties ont convenu que le formulaire T2200 n’autorise pas l’appelant à déduire les frais de télécommunication.

[5] M. Michaluk a témoigné à l’audience. Il a expliqué qu’habituellement, durant une semaine de travail, il quitte Picton le dimanche après-midi pour se rendre à Oshawa avec son propre véhicule et revient chez lui le vendredi soir après son quart de travail. La distance entre Picton et Oshawa est d’environ 160 kilomètres, ce qui représente environ 1 h 45 minutes à 2 heures de conduite.

[6] L’appelant a également expliqué que durant les années 2014 et 2015, généralement, il commençait et finissait son travail à la gare GO d’Oshawa et pas à la gare d’attache de Bombardier située à Etobicoke, dans la ville de Toronto.

[7] Lorsqu’il ne rentrait pas chez lui, il séjournait au Travelodge Oshawa, qui était proche de la gare GO d’Oshawa. Toutefois, l’appelant a mentionné qu’en 2014, il avait loué un appartement à Pickering pour une période de six (6) à sept (7) mois au prix de 9 500 $ et qu’en 2015, il avait loué un autre appartement pour une période indéterminée au prix de 5 520 $. Il a déclaré que les appartements de Pickering étaient proches de la gare GO de Pickering et que, même s’il séjournait dans la ville de Pickering, il continuait à se présenter au travail à la gare GO d’Oshawa.

[8] L’appelant a expliqué qu’en tant que conducteur de train de banlieue, il devait travailler à partir de différentes gares qui faisaient partie du réseau GO Transit situé dans la province de l’Ontario.

[9] Comme cela a été déclaré dans l’exposé conjoint (partiel) des faits, Bombardier, l’employeur de l’appelant, a fourni à ce dernier les formulaires T2200 pour les années visées. Lorsqu’il a été contre-interrogé sur les formulaires, l’appelant a déclaré qu’il les avait préparés et fait parvenir à son employeur aux fins de signature.

[10] L’employeur de l’appelant a également signé les formulaires TL2 « Déduction de frais de repas et d’hébergement » que l’appelant a joints à ses déclarations de revenus pour 2014 et 2015. Une fois de plus, l’appelant a déclaré qu’il avait préparé les formulaires et les avait soumis à son employeur aux fins de signature. Le signataire desdits formulaires n’exigeait pas de reçus pour les montants de dépenses déclarées.

[11] Durant son témoignage, l’appelant a déclaré que son quart de travail quotidien consistait en plus de 12 heures de travail et il a fourni les renseignements d’appui sur ces itinéraires spécifiques. Lorsqu’il a été contre-interrogé sur son quart de travail quotidien, l’appelant a reconnu que bon nombre de ses itinéraires prenaient moins de 12 heures et faisaient l’objet de quarts de travail fractionnés avec des temps d’interruption de deux (2) à quatre (4) heures.

[12] L’intimé s’appuie sur l’alinéa 8(1)g) et le paragraphe 8(2) de la Loi pour rejeter les demandes de déductions des dépenses d’emploi de l’appelant. L’alinéa 8(1)g) et le paragraphe 8(2) de la Loi sont rédigés comme suit :

Employés des entreprises de transport

(g) lorsque le contribuable a été employé par une personne dont la principale activité d’entreprise était le transport de voyageurs, de marchandises, ou de voyageurs et marchandises et que les fonctions de son emploi l’obligeaient régulièrement :

(i) d’une part, à voyager à l’extérieur de la municipalité dans laquelle était situé l’établissement de son employeur où il devait se présenter pour son travail, et, le cas échéant, hors de la région métropolitaine où était situé cet établissement, dans des véhicules utilisés par l’employeur pour transporter les voyageurs ou marchandises,

(ii) d’autre part, pendant qu’il était ainsi à l’extérieur de cette municipalité et région métropolitaine, à engager des frais pour ses repas et son logement,

les sommes que le contribuable a ainsi déboursées au cours de l’année, dans la mesure où il n’a pas le droit d’être remboursé à cet égard;

Restriction générale

(2) Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi.

[13] L’alinéa 8(1)g) a prévu un allègement pour ces personnes qui sont employées dans le secteur des transports et qui doivent régulièrement séjourner à l’extérieur de leur municipalité.

[14] Dans l’affaire Robert Elwood c. La Reine (2012 CCI 313), la juge Campbell décrit les conditions de l’application de l’alinéa 8(1)g) comme suit :

9 [traduction] Les conditions préalables qui doivent être respectées si l’alinéa 8(1)(g) doit être appliqué sont les suivantes : (1) L’activité principale de l’employeur doit être le transport de passagers, de marchandises ou une combinaison de passagers et de marchandises. (2) Le contribuable doit, pour s’acquitter de ses fonctions professionnelles, voyager régulièrement à l’extérieur de la municipalité dans laquelle se trouve l’établissement de l’employeur où il se présente au travail. (3) Le contribuable doit voyager dans des véhicules utilisés par l’employeur pour transporter ces marchandises ou passagers. (4) Le contribuable doit, pour s’acquitter de ses fonctions professionnelles, voyager régulièrement hors de la région métropolitaine dans laquelle se trouve l’établissement de l’employeur où il se présente au travail. (5) Enfin, le contribuable doit, pour s’acquitter de ses fonctions professionnelles engager des frais pour ses repas et son hébergement pendant qu’il est ainsi à l’extérieur de cette municipalité et région métropolitaine. Si ces conditions préalables sont satisfaites, le contribuable peut déduire les montants engagés dans la mesure où il n’a pas été remboursé et n’est pas autrement en droit d’être remboursé à ce titre.

[15] Dans les cas de ce type, il incombe à l’appelant de démontrer que la nouvelle cotisation est erronée et cela peut être établi selon la prépondérance des probabilités. De plus, comme l’alinéa 8(1)g) est une exception à la règle de la restriction générale du paragraphe 8(2) de la Loi, il devrait être interprété de manière stricte.

[16] D’après les éléments de preuve dont je dispose, l’appelant n’a pas établi que ses fonctions professionnelles exigeaient régulièrement qu’il voyage à l’extérieur d’Oshawa et de la région métropolitaine où se trouve son employeur et que quand il en était ainsi absent, il engage des frais pour ses repas et son hébergement.

[17] La ville d’Oshawa est située dans la région de Durham, elle-même située dans la région du Grand Toronto. L’appelant n’a pas établi que les dépenses d’emploi qu’il a déclarées ont été engagées lorsqu’il se trouvait en dehors de la région métropolitaine dans laquelle il se présente au travail.

[18] L’application des déductions au titre de l’alinéa 8(1)g) de la Loi ne s’adresse pas aux employés qui décident, pour des raisons personnelles, de ne pas retourner chez eux à la fin de chaque journée de travail.

[19] Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté sans dépens.

Signé à Montréal (Québec), ce 25e jour de janvier 2023.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 15

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-3876(IT)I

INTITULÉ :

JOHN MICHALUK ET SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 août 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 janvier 2023

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Avery Kalpin

Me Jeff Kirshen

Avocat de l’intimé :

Me George Lin

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Avery Kalpin

Me Jeff Kirshen

Cabinet :

Rosen Kirshen Tax Law

Pour l’intimé :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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