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Dossier : 2021-2764(EI)

2021-2765(CPP)

ENTRE :

L’UNIVERSITÉ DU NOUVEAU-BRUNSWICK,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Preuve dans le cadre de l’appel entendu le 5 décembre 2022, à Fredericton (Nouveau-Brunswick), avec observations écrites subséquentes présentées le 24 février 2023.

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock

Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Paul M. Harquail

Avocats de l’intimé :

Me Sam Perlmutter

Me Stan McDonald

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE la Cour a, en ce jour, rendu les motifs de son jugement dans les présents appels;

PAR CONSÉQUENT, les appels visant à contester la décision rendue par le ministre du Revenu national le 6 août 2021 en application de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, et du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, sont accueillis, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2023.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


Référence : 2023 CCI 72

Date : 20230525

Dossier : 2021-2764(EI)

2021-2765(CPP)

ENTRE :

L’UNIVERSITÉ DU NOUVEAU-BRUNSWICK,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

I. INTRODUCTION

[1] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a rendu une décision selon laquelle une certaine boursière de recherches postdoctorales était une employée de l’appelante, l’Université du Nouveau-Brunswick (l’« Université »), de mars 2018 à août 2020 (la « période »).

[2] L’Université a interjeté appel de cette décision. Quatre personnes ont témoigné à l’audience. La boursière de recherches postdoctorales elle-même, Suzanne Lanery, a été appelée à témoigner par l’intimé, et deux professeurs de la faculté ainsi que le gestionnaire du Bureau du vice-président (Recherche) ont été appelés à témoigner par l’Université.

[3] Les boursiers de recherches postdoctorales sont des titulaires de doctorat qui sont embauchés par voie universitaire dans les universités en vue de faire des études, des recherches et des expérimentations, selon le cas, dans leur propre domaine d’expertise intellectuelle. Ce faisant, ils perfectionnent leurs compétences en matière d’enseignement universitaire et améliorent l’environnement général de l’enseignement supérieur de l’Université. Comme on le verra dans les présents motifs, outre cette noble rhétorique, une question demeure : qui bénéficie le plus du travail des boursiers de recherches postdoctorales?

II. EXPOSÉ DES FAITS

[4] La majeure partie des éléments de preuve factuels n’a pas été contestée. La disparité réside dans l’importance et l’interprétation de la question pure et simple posée ci-dessus.

Droit des boursiers de recherches postdoctorales de rester et d’étudier au Canada

[5] Dans le présent appel, la boursière de recherches postdoctorales, Mme Lanery, n’était ni Canadienne ni résidente du Canada. Elle devait donc détenir un permis de travail. Son permis de travail, délivré par les services d’immigration, a été produit au procès. Le permis de travail élude la question de son statut et de ses obligations à l’Université. Tout particulièrement, s’agissait-il d’un contrat « d’entreprise » ou « de travail »? Son titre, « Permis de travail », et la fonction indiquée, [traduction] « Boursière de recherches postdoctorales », éludent justement cette question. Sur le permis, les renseignements préimprimés vis-à-vis des champs « Employeur » et « Emplacement de l’emploi » s’appliquent aux travailleurs étrangers engagés par contrat « de travail » et « d’entreprise ». Chose intéressante, la carte d’identité de l’Université délivrée à la boursière de recherches postdoctorales lui conférait le titre de [traduction] « membre du corps professoral/personnel ».

Quel travail un boursier d’études postdoctorales est-il censé accomplir au titre du contrat écrit?

[6] L’expression « milieu universitaire », vague et anachronique, procure de plus une orientation imprécise. Le contrat pertinent n’est pas plus utile. L’offre d’origine proposée à la boursière de recherches postdoctorales et sa prorogation contenaient des éléments se rapportant tant à un contrat de travail qu’à un contrat d’entreprise. La description élargie de « boursière de recherches postdoctorales » fait penser à un remue-méninges communautaire. La rémunération est décrite comme une bourse annuelle. Par contre, les déductions du revenu ont été effectuées par l’Université et un feuillet d’information T4 a été délivré.

[7] Le « montant de la bourse » allouée à la boursière de recherches postdoctorales a été précisément circonscrit : [traduction] « il ne constitue pas un revenu d’emploi, il n’est pas assujetti aux déductions pour les cotisations au RPC, à l’AE [...] ou à d’autres avantages sociaux accordés au corps professoral [de l’Université] [...] ». Les boursiers de recherches postdoctorales reçoivent de la reconnaissance pour leur travail de recherche dont ils assument la responsabilité et conservent la propriété. L’Université retient une licence libre de redevance pour utiliser une telle propriété intellectuelle (PI).

[8] La responsabilité contractuelle particulière de la boursière de recherches postdoctorales est de [traduction] « poursuivre [son] travail de recherche dans la théorie quantique projective des champs et les applications à la théorie quantique », qui est le domaine de Mme Lanery. Il est clair que la boursière de recherches postdoctorales est responsable de la « recherche »; les questions de savoir pour qui, quand et à quelle fin demeurent sans réponse.

Qui paie la rémunération de la boursière de recherches postdoctorales?

[9] Contre toute attente, la source de provenance de la « bourse » de la boursière de recherches postdoctorales n’est pas aussi simple à déterminer qu’il n’y paraît. L’Université effectue le versement de chaque dépôt toutes les deux semaines sur le compte bancaire de la boursière de recherches postdoctorales. Cela étant dit, la source des fonds provient de différents endroits, à différents moments. Ainsi, les sources tripartites des fonds versés à Mme Lanery par les différents organismes de financement la première année et la deuxième année n’étaient pas les mêmes. Les administrateurs de l’Université et les membres du corps professoral s’efforçaient constamment de faire concorder les sources de financement avec le besoin de payer la « bourse annuelle » de la boursière de recherches postdoctorales. Si le financement n’avait pas été mis en concordance, il ne fait aucun doute pour la Cour que la boursière de recherches postdoctorales aurait été autrement payée, et qu’après-coup, l’« écheveau » comptable aurait été débrouillé. Bien que vague, la description des sources des fonds figurait dans une annexe à l’offre et au contrat remis à la boursière de recherches postdoctorales, flanquée de flèches, de chiffres et d’annotations illisibles.

Quelles étaient les tâches « particulières », et qui « supervisait » les boursiers de recherches postdoctorales?

[10] Les boursiers de recherches postdoctorales faisaient l’objet d’une surveillance et d’une supervision minimales. Tous les témoins en ont convenu. La gamme des descripteurs du poste (exception faite du revenu d’emploi d’enseignant) était vaste. Elle couvrait des buts ambitieux [traduction] : (i) possibilité pour […] [les boursiers de recherches postdoctorales] […] d’effectuer des travaux de recherche de façon individuelle, de participer pleinement aux activités de recherche, d’enseignement et de supervision à l’[Université]; […] d’améliorer leurs perspectives en matière de recherche et d’enseignement; et de mener […] des recherches et d’en diffuser les résultats dans le cadre de tâches, dans des documents et lors de réunions de groupe hebdomadaires.

[11] Les témoins ont tous utilisé un langage « pompeux » adapté au langage courant. Les boursiers de recherches postdoctorales étaient « librement engagés dans la recherche fondamentale » pour « effectuer d’une manière générale les travaux de recherche sans aucune limite de portée » et faire partie d’un « incubateur » de compétences en recherche qui ferait « croître » l’expertise universitaire dans son ensemble.

[12] Un « superviseur » était spécialement affecté et supervisait très peu. Le témoignage a clairement montré qu’à moins d’une absence de travail prolongée – aucune présence sur le campus ou autre manquement ou inattention excessive envers la recherche générique – aucune critique ou conséquence ne s’ensuivait. À moins de l’apparition de ces « signaux d’alerte », la boursière de recherches postdoctorales était libre d’explorer la recherche universitaire, quand et comme elle le souhaitait.

[13] Conformément à cette approche « autonomisante », il n’y avait aucune « carte de pointage » universitaire ou heure de présence imposée, ni aucun examen obligatoire. Des discussions hebdomadaires avaient lieu pour échanger sur les concepts et les conclusions découlant de cet environnement de recherche libre.

[14] Les boursiers de recherches postdoctorales n’étaient tenus d’effectuer aucune autre tâche ou activité : des rôles d’enseignant étaient disponibles, mais pas obligatoires. Comme les horaires de travail n’étaient pas définis, les boursiers de recherches postdoctorales étaient libres d’explorer d’autres possibilités et de demander d’autres contributions là, où et quand ils le souhaitaient.

Qui fournissait quoi et à qui?

[15] En bref, les boursiers de recherches postdoctorales recevaient les avantages d’un établissement universitaire dans lequel ils pouvaient mener leurs travaux de recherche libre (dans le domaine d’expertise qu’ils avaient choisi) dans le but de perfectionner leurs compétences en matière de recherche et d’expression. Cela se déroulait dans le cadre de la collégialité universitaire, l’établissement comprenant le corps professoral, d’autres boursiers de recherches postdoctorales et les membres du personnel. Chacun d’eux recevait une « bourse » provenant de sources de financement chiffrées pour permettre la recherche libre.

[16] De son côté, l’Université avait l’avantage de disposer d’un plus grand nombre de jeunes universitaires et de titulaires de doctorat qui donnaient plus de poids à la faculté : des penseurs jeunes, agiles qui affinaient leurs travaux dans le cadre de discussions et de conférences, et affûtaient leurs réflexions, leur savoir, leur érudition et leurs idées. D’un point de vue pratique, cela lui fournissait également un ensemble stable d’assistants enseignants et d’instructeurs, bien que ces postes fassent l’objet d’un contrat et d’une rémunération séparés.

Syndicalisation des boursiers de recherches postdoctorales : coïncidence ou conséquence?

[17] Ce qui caractérise curieusement le présent appel, c’est qu’il sera probablement le dernier du genre pour l’Université. La période de l’appel s’applique à la période de travail de Mme Lanery, qui va de mars 2018 à août 2020.

[18] En septembre 2020, l’Université a signé une convention collective qui incluait une unité de négociation pour les boursiers de recherches postdoctorales. Aux termes de cette convention écrite, tous les boursiers de recherches postdoctorales ainsi que certains autres employés de l’Université au sein de l’unité de négociation étaient syndiqués. Après cette date, la convention collective, contrairement aux précédentes lettres-contrats des boursiers de recherches postdoctorales, stipulait par contrat que tous les boursiers de recherches postdoctorales étaient des employés.

[19] Par pure coïncidence, le témoin de l’intimé, Mme Lanery, était membre de l’équipe de négociation pour l’unité de négociation et signataire représentante à la convention collective. Bien entendu, elle considère et a toujours considéré que les boursiers de recherches postdoctorales étaient des employés de l’Université.

III. QUESTION EN LITIGE

[20] Dans leurs observations écrites, les parties conviennent en général que le point en litige qui doit être tranché est la caractéristique dominante ou l’objet des paiements versés à Mme Lanery durant cette période. La caractéristique dominante des paiements versés à Mme Lanery est-elle :

  1. le travail qu’elle fournissait à l’Université au profit de l’Université; ou

  2. l’avancement de ses études universitaires ou de ses travaux de recherche?

IV. LE DROIT

[21] Les parties conviennent également que le critère approprié à appliquer au présent appel est illustré dans l’arrêt Caropreso c. La Reine, 2012 CCI 212 [Caropreso]. Au paragraphe 20 de cet appel, qui porte précisément sur les boursiers de recherches postdoctorales, la juge Woods déclare :

La difficulté fondamentale a trait au fait que les sommes versées aux boursiers de recherches postdoctorales ont souvent une double vocation. Elles permettent aux stagiaires de recherche de poursuivre leurs études tout en les rémunérant pour leurs travaux. Si elles sont reçues dans le contexte d’un emploi, cet aspect a préséance. Cependant, pour trancher la question, il faut s’interroger sur la caractéristique dominante des sommes versées, afin de déterminer si elles relèvent de la rémunération d’un travail ou d’une aide aux études.

[22] L’interprétation du critère de la juge Wood a conduit à des résultats différents. La Cour a pour tâche d’apprécier la preuve et de déterminer si la caractéristique dominante des paiements résidait dans la nature :

  • a)de l’aide financière, tel que cela a été déterminé dans l’affaire Bekhor c. M.N.R., 2005 CCI 443 [Bekhor]; ou

 

  • b)du revenu du travail et des services fournis à l’établissement d’enseignement, tel que cela a été déterminé dans l’affaire Chabaud c. La Reine, 2011 CCI 438.

[23] Dans l’affaire Caropreso, la juge Woods n’a pas précisément cité les facteurs ou indices essentiels pour déterminer quel était le résultat dominant, et par déduction celui qui était secondaire. Différentes affaires ont analysé, selon le cas, les sources de financement pour la rémunération des boursiers de recherches postdoctorales, le contrôle de leurs activités, les études universitaires qui étaient suivies et l’intention des parties (ainsi que la réalité compatible ou incompatible subséquente). De plus, les autres facteurs courants, comme les outils, la possibilité de profit ou le risque de perte et la partie qui bénéficie des activités, peuvent également jouer un rôle dans l’analyse.

[24] Pour notre Cour, ce qui ressort de la jurisprudence, en l’absence d’une décision définitive et de la préférence de la Cour d’appel fédérale, c’est le besoin d’analyser les éléments de preuve pour prendre une décision quant à l’un des deux objets dominants : est-ce que, tout bien pesé, les paiements étaient effectués au titre d’une aide pécuniaire pour perfectionner les compétences pédagogiques et en matière de recherche de la boursière de recherches postdoctorales ou au titre de revenu en contrepartie des différents services fournis par la boursière de recherches postdoctorales à l’Université?

V. ANALYSE

Poids de certains éléments de preuve

[25] Tout d’abord, les éléments de preuve des témoins étaient fiables et non véritablement contestables, à une exception près. De temps à autre, durant l’interrogatoire, Mme Lanery, bien qu’elle ne soit pas partie à l’instance, est passée du rôle de témoin à celui de défenseure de la convention collective et de l’unité de négociation. Certaines questions simples posées au cours de son contre-interrogatoire ont pris un temps infini. Au final, cela était sans conséquence. La convention collective n’a légalement inclus les boursiers de recherches postdoctorales, comme Mme Lanery, qu’en septembre 2020. À ce moment-là, sa période de fonction et ses fonctions en tant que boursière de recherches postdoctorales avaient déjà pris fin. Dans la mesure où ses réponses étaient autrement défendues par le témoin, la Cour leur a accordé le poids approprié, comme elle se doit de le faire à l’égard de celles du témoin et de l’avocat durant le témoignage.

Source de financement

[26] La Cour examine maintenant les éléments de preuve et les facteurs évolutifs afin de déterminer l’objet et la caractéristique dominants des paiements.

[27] L’Université était particulièrement préoccupée par la source du financement des paiements. Elle a incité la boursière de recherches postdoctorales à demander du financement. Elle a tout de même tenu compte, peut-être selon son propre code interne, des sources de financement. Dans le cas où une source en particulier d’un tel financement intégral présentait un risque potentiel, son personnel administratif et financier, conjointement avec le corps professoral, comblait le manque avec d’autres sommes provenant d’autres sources de financement.

Contrôle du produit du travail

[28] La boursière de recherches postdoctorales conservait le contrôle et la propriété de son travail, quel qu’il soit. Cela était stipulé dans le contrat initial. Il était simplement question dans ce contrat d’une licence restreinte pour utiliser la propriété intellectuelle appartenant à la boursière de recherches postdoctorales afin de permettre à l’Université d’assumer son rôle d’établissement d’enseignement. Il n’y a eu aucun autre élément de preuve attestant d’un avantage concret pour l’Université, exception faite d’une contribution conjointe au développement d’une plateforme de site Web. Des éléments de preuve limités ont été présentés à la Cour pour déterminer si cette contribution était liée à un ensemble de compétences extra-universitaires ou à une collaboration. En aucun cas, d’après les éléments de preuve, le produit du travail relatif au site Web ne comprenait une ampleur limitée de travail comparable.

Supervision et contrôle

[29] L’environnement universitaire et de supervision était très « libre ». La réponse du ministre renvoie au vice-président, Recherche, en tant que supérieur immédiat de la boursière de recherches postdoctorales. Il n’y a absolument aucun élément de preuve qui ait pu confirmer cela. Son nom a pu être mentionné une fois au passage. L’élément de preuve de Mme Lanery elle-même évoque une approche générale du type laissez-faire pour ce qui concernait : ses obligations de rendre compte – oralement lorsqu’elle le souhaitait, au cours des réunions hebdomadaires; son assiduité – il n’y avait aucune exigence; ses absences – nul besoin de les justifier, sauf s’il s’agissait d’absence de plusieurs semaines consécutives; et ses évaluations – il n’y en avait aucune. Mme Lanery, selon son propre témoignage, s’imposait ses propres contraintes en se basant sur l’idée qu’elle se faisait des exigences, des besoins et des attentes de l’Université, qui n’avaient jamais été exprimés. Les témoins, les mieux placés pour faire part de leurs points de vue sur de telles contraintes imposées à un travailleur concernant le contrôle, ont suggéré que l’Université ne cherchait pas à imposer un réel contrôle.

Intention des parties d’après le contrat

[30] Les documents donnent la première indication de l’intention des parties. Ces documents précisent qu’aucune obligation de fournir à l’Université une aide tutorielle, en laboratoire, ou en matière d’enseignement ou de recherche n’était imposée à la boursière de recherches postdoctorales. Il n’y avait aucun lien entre la « bourse » et la fourniture de services ou d’aide à l’Université par la boursière de recherches postdoctorales. Il n’y avait aucune exigence en matière d’assiduité, de présence ou de travaux universitaires. L’organisation de séminaires hebdomadaires du corps professoral incombait aux boursiers de recherches postdoctorales, qui se répartissaient la tâche. Les boursiers de recherches postdoctorales et les membres du corps professoral qui assistaient aux séminaires bénéficiaient de l’échange mutuel des idées et des découvertes qui étaient débattues. La carte d’identité émise signalait une catégorie de membres du personnel/corps professoral, et non le statut d’étudiant. Aucun témoin n’a suggéré que la Mme Lanery était étudiante, mais cela ne contribue pas à l’analyse de l’objet dominant des paiements. Le contrat fait légèrement pencher la balance vers la poursuite des études plutôt que vers un avantage pour l’Université.

Intention des parties telle qu’en témoignent les actions

[31] Les actions des parties constituent elles-mêmes la seconde source d’information. Aucun élément de preuve ne montre que les services, l’aide ou les activités de Mme Lanery à l’Université étaient liés aux paiements ou fournis en contrepartie de ces paiements. Il n’y avait tout simplement aucun service et aucune activité identifiables, directs ou mesurables fournis par Mme Lanery à l’Université. Pour ce qui est la question des outils, l’Université a fourni une bibliothèque ainsi que des services et installations connexes. Elle a fourni la même chose au corps professoral, aux étudiants, au personnel et aux anciens étudiants, dont certains étaient des employés qui recevaient une rémunération. Cet avantage n’était pas exclusif, unique, ni identifiable en lien avec les services fournis par les boursiers de recherches postdoctorales à l’Université. Les services de bibliothèque sont essentiels à l’amélioration des possibilités d’apprentissage et de recherche, comme ils le seraient en général à tout assistant à la recherche qui est un employé.

[32] La possibilité de réaliser un profit ou le risque de subir une perte peut prêter à confusion. Quelle qu’en soit l’issue, elle peut faire l’objet d’arguments et dépend de l’horizon temporel mesuré. De plus, elle n’est tout simplement pas pertinente à la détermination de la décision dans le présent appel.

[33] En conclusion, l’objet le plus dominant des paiements est la poursuite des études ou de la recherche pour la boursière de recherches postdoctorales. Les documents créés, l’intention reflétée, les actions exécutées et la conduite adoptée par tous les acteurs du présent appel expriment le sentiment suivant : l’Université exhortait ses boursiers de recherches postdoctorales, en l’occurrence Mme Lanery, à poursuivre leurs recherches et leurs discussions afin, du moins en ce qui concerne Mme Lanery, d’améliorer leurs compétences universitaires à long terme au profit de leur apprentissage en général.

[34] D’après les éléments de preuve du présent appel, la Cour conclut que la poursuite des études et des recherches de Mme Lanery représentait l’objet, le but et le résultat dominants du programme de boursier de recherches postdoctorales, et que les paiements de la bourse lui étaient versés dans ce seul but durant cette période.

VI. CONCLUSION ET DÉPENS

[35] La bourse annuelle a été payée en fonction de la caractéristique dominante de poursuite des études et de l’apprentissage de Mme Lanery, la boursière de recherches postdoctorales, au cours de la période allant du 1er mars 2018 au 31 août 2020. Par conséquent, et en se basant sur les principes ci-dessous appliqués aux éléments de preuve, Mme Lanery n’était pas une employée et l’appel est accueilli.

[36] Conformément à la jurisprudence concernant les appels relatifs au RPC et à l’AE, aucuns dépens ne seront adjugés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mai 2023.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 72

No DES DOSSIERS DE LA COUR :

2021-2764(EI); 2021-2765(CPP)

INTITULÉ :

UNIVERSITÉ DU NOUVEAU-BRUNSWICK ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 décembre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 mai 2023

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Paul J.M. Harquail

Avocat de l’intimé :

Me Sam Perlmutter
Me Stan McDonald

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Paul J.M. Harquail

Cabinet :

Stewart McKelvey

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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