Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossiers : 2012-1765(GST)G

2015-2123(GST)G

ENTRE :

MARINE ATLANTIQUE S.C.C.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus du 27 au 29 septembre 2021, à Vancouver (Colombie‑Britannique), devant l’honorable juge Johanne D’Auray; le 26 octobre 2021, le 16 décembre 2021, et les 11, 12 et 21 janvier 2022, par Zoom, devant l’honorable juge Johanne D’Auray et le 27 février 2023, à Vancouver (Colombie-Britannique), devant l’honorable juge Steven D’Arcy

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Kimberley Cook

Me Florence Sauve

Me Chris Canning

Avocats de l’intimé :

Me Lynn Burch

Me Spencer Landsiedel

Me Selena Sit

 

JUGEMENT

Conformément à mes motifs du jugement :

Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») à l’égard de l’appelante pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 janvier 2012 sont accueillis, avec dépens. Les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations tenant compte du fait que, pour chaque période de déclaration de l’appelante se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2011, les crédits de taxe sur les intrants auxquels a droit l’appelante seront déterminés en appliquant le pourcentage final de l’appelante de 24,52 % au montant total de la taxe de vente harmonisée (la « TVH ») qui a été payé ou qui devait être payé par l’appelante au cours de chacune de ces périodes, et du fait que, pour chaque période de déclaration de l’appelante ayant pris fin entre le 1er avril 2011 et le 31 janvier 2012, les crédits de taxe sur les intrants auxquels a droit l’appelante seront déterminés en appliquant le pourcentage final de l’appelante de 18,11 % au montant total de la TVH qui a été payé ou qui devait être payé par l’appelante au cours de chacune de ces périodes. Ces crédits de taxe sur les intrants serviront à calculer la taxe nette de l’appelante pour chacune des périodes en cause et le remboursement pour organismes de services publics en application de l’article 259 de la Loi auquel elle a droit.

Les parties disposent de 60 jours à compter de la date du présent jugement pour présenter des observations écrites sur le montant des dépens que la Cour devrait adjuger à l’appelante. Les observations écrites ne doivent pas excéder 15 pages. Si aucune observation n’est déposée, les dépens seront adjugés à l’appelante, conformément au tarif.

Signé à Antigonish (Nouvelle-Écosse), ce 10e jour de juillet 2023.

« S. D’Arcy »

Le juge D’Arcy

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de novembre 2025.

Sébastien D’Auteuil, jurilinguiste


Référence : 2023 CCI 95

Date : 20230710

Dossiers : 2012-1765(GST)G

2015-2123(GST)G

ENTRE :

MARINE ATLANTIQUE S.C.C.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge D’Arcy

[1] La question en litige dans les deux appels dont est saisie la Cour porte sur le droit de l’appelante à des crédits de taxe sur les intrants relativement à la taxe sur les produits et services (la « TPS ») et à la taxe de vente harmonisée (la « TVH ») (collectivement, la « TPS/TVH ») payées sur les produits et services qu’elle a acquis dans le cadre de son entreprise de fourniture de services de traversier entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Le montant en cause dans les deux appels est substantiel et dépasse 7 millions de dollars.

[2] Le premier appel de l’appelante (le « premier appel ») concerne les nouvelles cotisations établies à son égard pour les périodes de déclaration de la TPS/TVH se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2010. Son deuxième appel (le « deuxième appel ») concerne les nouvelles cotisations établies à son égard pour les périodes de déclaration de la TPS/TVH se terminant entre le 1er avril 2010 et le 31 mars 2012. La Cour a entendu les deux appels ensemble sur preuve commune.

[3] Mon ancienne collègue, la juge D’Auray, préside la présentation des éléments de preuve et des observations finales. Toutefois, elle prend sa retraite de la Cour au début de 2022, peu après la fin de l’audience.

[4] Lors d’une conférence téléphonique tenue le 30 mars 2022, le juge en chef informe les parties qu’il nommera un autre juge pour rendre le jugement dans les présents appels. Il offre aux parties les deux options suivantes :

  • -la tenue d’un nouveau procès devant un autre juge;

  • -la désignation d’un autre juge qui rendrait un jugement à partir du dossier d’instruction.

[5] Le même jour, les parties écrivent à la Cour pour lui demander de désigner un autre juge pour trancher les appels à partir du dossier dont la Cour est déjà saisie.

[6] Je suis ensuite désigné pour présider les présents appels. Après un examen approfondi du dossier, y compris les transcriptions de toutes les audiences, les diverses observations écrites déposées par les parties concernant les arguments et la procédure, et les éléments de preuve documentaires sur le fond, j’informe les parties que je leur enjoindrai de comparaître devant la Cour pour résumer leurs arguments et répondre à plusieurs questions. Les parties comparaissent devant moi le 27 février 2023 (l’« audience de février 2023 »).

[7] Pendant la partie de l’audience consacrée à la preuve, l’appelante convoque deux témoins : M. Murray Hupman et M. Shawn Leamon.

[8] M. Hupman, ingénieur de formation, travaille pour l’appelante depuis 22 ans. Depuis avril 2019, il est président et chef de la direction de l’appelante. Précédemment, il a occupé divers autres postes dans l’organisation, y compris celui de vice-président des opérations et de dirigeant principal de l’information.

[9] M. Leamon, comptable général agréé et comptable professionnel agréé, est vice-président des finances de l’appelante depuis 15 ans, ce qui comprend les années en cause. Il a commencé à travailler pour l’appelante en 1989 dans le cadre d’un emploi d’été.

[10] L’avocate de l’intimé indique au début de l’audience qu’elle n’a pas l’intention de convoquer des témoins, mais qu’elle entend déposer un affidavit. Je traite ci-dessous du dépôt de cet affidavit.

[11] En raison de problèmes liés au dépôt de son affidavit, l’intimé fait témoigner M. Bryan Roach. M. Roach est retraité, mais il a travaillé pour l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») entre mars 1992 et octobre 2012. Il n’a pas participé à la vérification de la TPS auprès de l’appelante qui a donné lieu aux cotisations dont est saisie la Cour. Toutefois, il a effectué une vérification de la TPS auprès de l’appelante au début des années 2000, qui comprenait une vérification des remboursements de la taxe d’accise sur le carburant demandés par l’appelante pour la période se terminant le 31 décembre 2001. Comme j’en discute ci-dessous, son témoignage ne porte que sur ces remboursements de taxe d’accise et n’apporte aucune information sur les périodes en cause.

[12] Au début du témoignage de M. Roach, l’avocate de l’intimé pose à M. Roach la question suivante : [traduction] « Outre votre souvenir général d’avoir été présent dans les bureaux de [l’appelante] et d’avoir participé à une rencontre sur les demandes de remboursement de la taxe d’accise présentées par [l’appelante] pour un bureau à la carte, avez-vous un souvenir distinct des personnes avec qui vous avez parlé, de ce qu’elles vous ont dit ou de quelque chose de ce genre? » M. Roach répond : [traduction] « Non, je ne me souviens pas[1] ».

[13] L’avocate de l’intimé soutient ensuite que le document de travail de M. Roach daté du 27 novembre 2002 (qui a déjà été inscrit comme pièce A-3 et que j’appelle le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002) devrait être accepté par la Cour en raison de ce qu’elle a appelé le concept du [traduction] « souvenir accordé ». Le document de travail fait à peine plus d’une page.

[14] L’avocate de l’appelante ne s’oppose pas à ce que la Cour accepte le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002.

[15] L’intimé invoque de toute évidence le principe de l’enregistrement du souvenir. Ce principe autorise les témoins incapables de se souvenir de [traduction] « certains événements » à s’aider de documents lors de leur témoignage, comme le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002, sous réserve des conditions suivantes:

  • -l’enregistrement du souvenir doit être fiable;

  • -pour présenter une précision probable, le souvenir doit à l’époque avoir été suffisamment frais et vif;

  • -le témoin doit être en mesure d’affirmer que l’enregistrement représente exactement sa connaissance et son souvenir à l’époque;

  • -il faut utiliser l’enregistrement original, s’il est possible de l’obtenir[2].

[16] L’avocate de l’intimé présente ensuite le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002 à M. Roach et lui pose un certain nombre de questions dirigées à son sujet. À en juger par les réponses de M. Roach à ces questions (principalement [traduction] « Oui, c’est exact », « Oui, c’est ça », « Je ne m’en souviens pas directement » et « [O]ui, je crois que, dans ce cas, c’est ce qu’on m’aurait dit »), le document de travail n’a pas servi à rafraîchir sa mémoire – il ne se souvient pas du tout des événements qui y sont mentionnés.

[17] Par conséquent, je traite le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002 comme un document admis par la Cour à titre d’enregistrement du souvenir.

[18] Étant donné que les documents de travail n’ont pas rafraîchi la mémoire de M. Roach, c’est le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002, et non le témoignage de M. Roach, qui est la source des renseignements dont la Cour dispose.

[19] L’intimé semble considérer que le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002 prouve que des discussions ont eu lieu entre M. Roach et un certain M. David Penney, qui, en 2002, travaillait pour l’appelante comme comptable. Il s’agit d’une preuve par ouï-dire. Je n’accorde aucun poids aux renvois à ces discussions dans le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002, d’autant plus que les témoins de l’appelante ont démontré qu’un certain nombre des conclusions de fait formulées par M. Roach sont erronées. Si l’intimé avait voulu présenter une preuve des prétendus commentaires de M. Penney à la Cour, il aurait dû le faire témoigner.

[20] De plus, le document de travail sur la vérification de la taxe d’accise de 2002 concerne une vérification qui a eu lieu des années avant la période en cause, dont l’objet est la taxe d’accise sur le carburant, et non la TPS. Il n’est donc pas pertinent pour les appels dont est saisie la Cour.

[21] Dans la mesure où les demandes de remboursement de la taxe d’accise relative au carburant présentées par l’appelante au cours des périodes en cause sont pertinentes, je préfère m’appuyer sur le témoignage de M. Leamon plutôt que sur un document d’une page. M. Leamon s’est informé de la raison pour laquelle l’appelante a demandé le remboursement de la taxe d’accise pour les périodes en cause et de la façon dont elle a calculé le remboursement pour ces périodes.

[22] Les parties ont également déposé un exposé conjoint partiel des faits (l’« ECPF »), ainsi qu’un recueil conjoint des documents comptant sept volumes. Bien qu’elles aient omis de l’indiquer au dépôt des recueils auprès de la Cour, les parties déclarent à l’audience de février 2023 qu’elles s’entendent sur l’admissibilité et l’authenticité des documents inclus dans le recueil conjoint des documents. Toutefois, elles ne s’entendent pas sur la véracité de leur contenu.

Affidavit déposé par l’intimé

[23] Le 29 septembre 2021, immédiatement après la fin de la présentation des éléments de preuve de l’appelante, l’intimé tente de présenter un affidavit de M. Jonathan Shimizu, spécialiste des cas d’appels en matière d’impôt de l’ARC, souscrit le 20 septembre 2021. L’affidavit concerne les demandes de remboursement de la taxe d’accise présentées par l’appelante entre le 1er janvier 2006 et le 31 janvier 2012. Dans l’affidavit, M. Shimizu donne son opinion sur les cas où la Loi autorise le remboursement de la taxe d’accise payée sur le carburant et explique comment l’ARC consigne les renseignements relatifs aux demandes de remboursement. De plus, il renvoie aux 90 pages de documents joints à son affidavit. Ces 90 pages comprennent un fichier Excel de 10 pages qui montrerait la consignation par l’ARC des demandes de remboursement pour le carburant diesel effectuées pendant la période du 1er janvier 2006 au 31 janvier 2009, ainsi qu’un document de 80 pages qui montrerait la consignation par l’ARC des demandes de remboursement pour le carburant diesel effectuées pendant la période du 1er février 2009 au 31 janvier 2012.

[24] L’avocate de l’intimé dit déposer l’affidavit en vertu du paragraphe 335(5) de la Loi. Elle déclare que si la Couronne remplit les conditions du paragraphe 335(5), elle peut déposer les éléments de preuve sans qu’il soit nécessaire de convoquer un témoin pour qu’il les présente à la Cour[3]. Autrement dit, l’avocate considère que, si les conditions du paragraphe 335(5) sont remplies, la Cour doit admettre l’affidavit.

[25] Elle déclare également que, pour ce type d’affidavit, aucun contre‑interrogatoire de M. Shimizu [traduction] « n’est requis et aucun contre-interrogatoire n’est possible[4] ». De plus, elle soutient que les actions de l’intimé n’enfreignent pas l’article 89 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »).

[26] Il y a lieu d’examiner l’article 89 des Règles, car les 90 pages de documents jointes à l’affidavit ne figurent pas dans la liste des documents de l’appelante ou dans celle de l’intimé, ne sont pas fournies dans les réponses aux engagements pris lors de l’interrogatoire préalable et n’ont même pas été remises de manière informelle à l’appelante avant la fin de la présentation de ses éléments de preuve.

[27] En outre, les documents joints à l’affidavit ne sont pas mentionnés dans les actes de procédure, et l’appelante n’a pas renoncé à la communication des documents.

[28] L’avocate de l’appelante s’oppose fermement à l’admission de l’affidavit et des 90 pages de documents qui y sont jointes. Elle explique en termes clairs pourquoi la conduite de l’intimé pose problème :

[traduction]

Madame la juge, on nous met dans une position très difficile ici parce que, essentiellement, mon collègue affirme qu’il s’agit d’une « preuve non controversée », ce qui est loin d’être la vérité. Il y est question du fondement d’une partie importante de la demande de l’appelante. […] Et ce qui m’exaspère particulièrement, c’est que l’intimé a attendu jusqu’à maintenant pour nous fournir ces éléments de preuve. L’affidavit a été souscrit le 20, mais il ne nous l’a même pas remis lundi matin, quand nos clients étaient présents. Il a pris soin d’attendre la fin de notre présentation pour nous surprendre avec un affidavit. Je ne parle même pas de son contenu ou de ce qu’ils comptent faire avec. Bien sûr, le but du processus de communication que les parties aient la chance d’examiner ces choses[5].

[…]

Le problème, madame la juge, c’est que nous ne pouvons pas poursuivre. En effet, nous ne pouvons pas présenter nos arguments et plaider notre cause si la Couronne présente soudainement à 16 h 30, un mercredi après-midi, des éléments de preuve dont nous ne pouvons évaluer la pertinence et l’importance en vue de l’audience du vendredi. Elle n’offre aucune justification pour sa conduite. Si elle nous avait fourni l’affidavit quand nous l’avions demandé, nous aurions pu l’examiner. Mais qu’elle nous le transmette maintenant est franchement scandaleux[6].

[29] Je suis tout à fait d’accord avec l’avocate de l’appelante; il s’agit d’une tentative flagrante de guet-apens au procès à l’égard d’une question clé dans les appels.

[30] Les actions de l’intimé vont à l’encontre de l’objectif de la communication. Comme le fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Juman c. Doucette, « […] l’étape de l’enquête préalable est essentielle pour éviter les surprises ou les “litiges par guet‑apens”, pour encourager les règlements une fois les faits connus et pour circonscrire les questions en litige même lorsqu’un règlement s’avère impossible[7] ».

[31] L’article 89 des Règles vise principalement à éviter les procès par guet-apens. Cet article prévoit qu’aucun document ne doit être utilisé en preuve par une partie, à moins que :

  • -le document soit mentionné dans les actes de procédure, ou dans une liste de documents d’une partie ou une déclaration sous serment avec la liste de documents;

  • -le document ait été produit au cours d’un interrogatoire préalable;

- le document ait été produit par un témoin qui n’est pas sous le contrôle de la partie.

[32] Dans les présents appels, aucune de ces conditions n’est remplie. Par conséquent, le document n’est pas admissible, à moins que l’intimé n’obtienne le consentement de l’appelante ou que la Cour n’ordonne l’admission de l’affidavit.

[33] Comme j’en discute ci-dessous, l’appelante finit par retirer son opposition à l’affidavit, et la Cour l’admet. Toutefois, cela a coûté cher.

[34] En outre, le fait que l’affidavit a été admis ne change rien au fait que l’intimé a essayé de tendre un guet-apens.

[35] Je suis également très préoccupé par la tentative de l’intimé d’utiliser un affidavit vu la nature des appels dont la Cour est saisie, surtout que l’intimé, à ce moment, n’avait pas l’intention de convoquer des témoins des faits.

[36] Comme l’explique l’ouvrage Sopinka on the Trial of an Action[8], [traduction] « la règle générale veut que les témoins soient tenus de comparaître devant le tribunal pour témoigner oralement. La preuve par affidavit peut être admise de façon exceptionnelle pour prouver des faits qui ne sont pas contestés, mais ne sera généralement pas permise lorsque la preuve est contestée, ou que la crédibilité du témoin est remise en question[9] ».

[37] À mon avis, il n‘est pas approprié de présenter un affidavit lors d’un procès où les faits sont contestés, comme c’est le cas en l’espèce. La Cour est un tribunal de première instance; les éléments de preuve doivent être présentés par l’entremise de témoins pour qu’ils puissent être vérifiés en contre-interrogatoire.

[38] La Cour n’accepte les preuves par affidavit que dans des circonstances exceptionnelles, et encore, elles ne sont admises que si les faits ne sont pas contestés. À mon avis, la preuve par affidavit ne devrait jamais être admise lorsque sa présentation constitue une tentative de contournement des Règles et qu’elle mènerait à un guet-apens au procès.

[39] Comme le souligne l’avocate de l’appelante, et comme en témoignent mes motifs, le droit de l’appelante de demander des crédits de taxe sur les intrants pour la TPS payée sur le carburant est une question clé en l’espèce. Or, l’intimé base son argument sur les demandes de remboursement de la taxe d’accise de l’appelante.

[40] Les actions de l’intimé en l’espèce s’inscrivent dans une tendance troublante de sa part consistant à ne pas convoquer de témoins à l’audition d’appels de contribuables pour ensuite tenter de présenter une preuve par affidavit. La Cour a observé cette tendance dans le cadre de plusieurs instances récentes régies par la procédure informelle. En l’espèce, l’intimé semble utiliser la même approche mal avisée dans une instance régie par la procédure générale.

[41] À mon avis, cette conduite doit cesser. La Cour rend des jugements fondés sur les éléments de preuve à sa disposition. Si l’intimé veut se fonder sur des faits qu’il ne peut pas obtenir en contre-interrogeant les témoins de l’appelante, il doit convoquer ses propres témoins. Compte tenu des vastes ressources de l’ARC, cela ne devrait poser aucun problème.

[42] Mon troisième motif de préoccupation relatif à l’affidavit concerne l’argument de l’intimé portant sur l’application du paragraphe 335(5) de la Loi.

[43] Le paragraphe 335(5) prévoit que l’affidavit dûment souscrit d’un fonctionnaire de l’ARC indiquant qu’il a la charge des registres pertinents et qu’un document qui y est annexé est un document, la copie conforme d’un document ou l’imprimé d’un document électronique fait par ou pour le ministre fait preuve de la nature et du contenu du document. Dans les appels et les demandes dont est saisie la Cour, le renvoi à un document fait par ou pour le ministre constitue habituellement un renvoi à un document fait par l’ARC.

[44] L’intimé ne semble pas comprendre que le paragraphe 335(5) n’a rien à voir avec la véracité du contenu du document, et indique simplement que l’affidavit fait preuve de la nature et du contenu du document de l’ARC. À mon avis, les mots « preuve de la nature et du contenu » renvoient à l’authenticité du document de l’ARC et au fait que l’affidavit démontre ce qui est énoncé dans le document de l’ARC.

[45] Par exemple, l’affidavit de M. Shimizu établit que les documents qui y sont joints sont des copies de documents authentiques de l’ARC, qui démontrent ce qui est énoncé dans les documents de l’ARC. Les documents joints à l’affidavit de M. Shimzu établissent comment l’ARC a consigné les demandes de remboursement de l’appelante; ils ne prouvent pas la véracité (ou l’« exactitude ») du contenu des documents.

[46] L’intimé soutient que le paragraphe 335(5) permet la présentation d’un document sans contre-interrogatoire et qu’il permet au ministre de déposer des documents sans convoquer de témoin.

[47] Le libellé du paragraphe 335(5) n’étaye nullement cette position. Il indique simplement que l’affidavit fait preuve de la nature et du contenu du document de l’ARC joint à l’affidavit. Il n’indique pas que le document est admissible à l’audience ou qu’il peut être présenté sans contre-interrogatoire.

[48] De telles décisions ne peuvent être prises que par la Cour en vertu de son pouvoir de contrôler ses propres processus.

[49] La décision de la Cour Carcone c. La Reine[10] (Carcone), sur laquelle s’appuie l’intimé, illustre le danger de sa position. Le demandeur dans l’affaire Carcone demande la prorogation du délai de signification des avis d’opposition à de nouvelles cotisations. À l’audience, l’intimé dépose un affidavit en vertu du paragraphe 244(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui ressemble de près au paragraphe 335(5) de la Loi. Le libellé du paragraphe 244(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu indique également que l’affidavit fait preuve de la nature et du contenu des documents de l’ARC.

[50] Tout comme l’affidavit de M. Shimizu, l’affidavit en cause dans l’affaire Carcone fait preuve des renseignements contenus dans les dossiers de l’ARC. Toutefois, dans l’affaire Carcone, l’agent de l’ARC qui a souscrit l’affidavit témoigne à l’audience et est contre-interrogé par l’avocat du demandeur. Ce contre‑interrogatoire démontre que les renseignements provenant des dossiers de l’ARC sont erronés; les renseignements indiqués dans l’affidavit ne correspondent pas à ceux fournis par le contribuable[11]. En résumé, la vérification des éléments de preuve en contre-interrogatoire permet d’établir qu’ils sont erronés. L’affaire Carcone montre pourquoi, dans les appels comme ceux dont la Cour est saisie en l’espèce, les éléments de preuve non vérifiés fournis dans un affidavit ne devraient être présentés à la Cour que dans des circonstances exceptionnelles.

[51] Mon quatrième motif de préoccupation relatif à l’affidavit de M. Shimizu est qu’il a une portée plus large que celle permise par le paragraphe 335(5). Le paragraphe 4 de l’affidavit contient un témoignage d’opinion sur le droit en matière de taxe d’accise, et les paragraphes 5 à 8 contiennent des éléments de preuve concernant les systèmes internes de l’ARC.

[52] Dans les présents appels, après que l’avocate de l’appelante a soulevé ses préoccupations, la juge D’Auray suspend l’audience pour lui permettre de consulter sa cliente. L’appelante dépose ensuite des observations écrites le 6 octobre 2021, puis l’intimé dépose des observations écrites le 18 octobre 2021. Le 26 octobre 2021, juste avant que la juge D’Auray rende sa décision sur l’admissibilité de l’affidavit, l’appelante écrit à la Cour pour retirer son opposition à l’admission de l’affidavit et l’informer que l’intimé a accepté que l’appelante rappelle l’un de ses témoins ou les deux pour qu’ils soient soumis à un interrogatoire principal sur le contenu de l’affidavit. L’appelante consent également au contre-interrogatoire de son témoin.

[53] La Cour accepte ensuite l’affidavit.

[54] MM. Leamon et Roach témoignent le 16 décembre 2021 par Zoom. M. Leamon est en mesure de fournir des éléments de preuve détaillés concernant les demandes de remboursement de la taxe d’accise de l’appelante pour les périodes en cause. Comme je le mentionne ci-dessus, je me fonde sur le témoignage de M. Leamon pour ce qui est des remboursements de la taxe d’accise de l’appelante.

[55] Les observations finales sont présentées les 11, 12 et 21 janvier 2022 par Zoom.

[56] Les actions de l’intimé ont entraîné la perte de jours d’audience et nécessité la préparation et le dépôt d’observations écrites supplémentaire, ainsi que l’ajout d’une journée supplémentaire de témoignage pour entendre deux témoins. En outre, l’argumentation, initialement prévue pour le 1er octobre 2021, a été reportée à janvier 2022. Je traite des actions de l’intimé dans l’adjudication des dépens.

Résumé des faits

[57] L’appelante est une société d’État fédérale qui exploite un réseau de transport maritime commercial et de passagers requis par la Constitution entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse.

[58] Le service de traversier requis par la Constitution relie Port aux Basques (Terre-Neuve) et North Sydney (Nouvelle-Écosse). La traversée dure entre six et huit heures. L’appelante exploite également une liaison saisonnière entre Argentia (Terre-Neuve) et North Sydney (Nouvelle-Écosse) offerte de la mi-juin à la fin septembre. La traversée saisonnière prend environ 16 heures et n’est pas requise par la Constitution.

[59] L’appelante exploite des terminaux à Port aux Basques, à Argentia et à North Sydney (les « terminaux »). Son siège social est situé à St. John’s (Terre‑Neuve), et elle a des bureaux à Port aux Basques (Terre-Neuve).

[60] Au cours des périodes en cause, l’appelante fournit ses services au moyen d’une flotte de quatre navires (les « navires »). Les navires sont de taille importante. Ils peuvent transporter entre 600 et 700 personnes, ainsi que leurs véhicules. Les navires comprennent des zones pour le transport de véhicules et, à l’exception du navire appelé Atlantic Freighter[12], des zones destinées aux passagers, comme des cabines, des sièges individuels, des restaurants, des magasins de détail et des bars.

[61] Début 2006, la flotte se compose des navires Ericson, Caribou, Smallwood et Atlantic Freighter. En avril 2011, le Caribou, le Smallwood et l’Atlantic Freighter sont remplacés par les navires Atlantic Vision, Blue Puttees et Highlanders (les « nouveaux navires »)[13].

[62] L’appelante importe les nouveaux navires au Canada avant de les mettre en service.

[63] Au cours des périodes en cause, l’appelante effectue des fournitures assujetties à la TPS (les « fournitures taxables ») et des fournitures exonérées de la TPS. Les diverses fournitures taxables effectuées par l’appelante sont énumérées au paragraphe 11 de l’ECPF et à l’onglet 14 de la pièce A-1. Les fournitures taxables énumérées par l’appelante sont les suivantes :

  • -la fourniture de cabines passagers;

  • -la fourniture de dortoirs;

  • -la fourniture de sièges réservés (également appelés [traduction] « sièges de jour ou de nuit »);

  • -la vente d’articles dans des magasins de détail (notamment des boutiques de cadeaux et des boutiques spécialisées);

  • -la vente de nourriture et de boissons dans des salles à manger à la carte;

  • -la vente de nourriture et de boissons dans des cafétérias;

  • -la vente de nourriture et de boissons dans des bars;

  • -la fourniture de chenils;

  • -la vente d’articles dans des distributeurs;

- la fourniture de machines de divertissement.

[64] Comme j’en discute ci-dessous, vu le peu d’éléments de preuve à la disposition de la Cour, il lui est difficile de déterminer comment le ministre a calculé les crédits de taxe sur les intrants de l’appelante lorsqu’il a établi ses cotisations. Toutefois, lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2010 (les périodes de déclaration visées par le premier appel), le ministre semble avoir reconnu que l’appelante avait effectué chacune des fournitures taxables indiquées. Pourtant, avant de confirmer les avis de cotisation pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2010, l’ARC a changé d’avis et déterminé que les fournitures de cabines passagers, de dortoirs et de sièges réservés sont des fournitures exonérées[14]. Elle était du même avis lorsqu’elle a établi les cotisations de l’appelante pour les périodes de déclaration visées par le deuxième appel.

[65] Le 17 septembre 2021, peu avant le début de l’audience, l’avocate de l’intimé dépose une lettre auprès de la Cour (la « lettre de concession ») dans laquelle elle déclare que le ministre admet que les cabines passagers, les dortoirs et les sièges réservés sont des [traduction] « zones d’activité taxable ».

[66] Les deux parties conviennent que l’appelante a effectué une fourniture exonérée, à savoir la fourniture d’un service de traversier. Plus précisément, l’appelante a effectué la fourniture suivante, désignée comme fourniture exonérée à l’article 1 de la partie VIII de l’annexe V de la Loi :

La fourniture, sauf une fourniture détaxée, d’un service de navette par bateau, dont l’objet principal consiste à transporter des véhicules à moteur et des passagers entre les parties d’un réseau routier qui sont séparées par une étendue d’eau.

[67] La seule question dont est saisie la Cour concerne le droit de l’appelante à des crédits de taxe sur les intrants pour les biens et services acquis ou importés pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[68] M. Hupman explique que l’exploitation de chaque navire s’effectue dans un environnement intégré. Pour reprendre ses mots, [traduction] « tout dépend de tout[15] ». L’intérieur des navires de l’appelante a été aménagé pour contenir ce dont l’appelante a besoin pour fournir les services. Par exemple, chaque navire contient le nombre de cabines passagers, de cabines d’équipage, de restaurants, de casse-croûtes, de places assises pour les passagers et de places de stationnement pour les véhicules requis par l’appelante.

[69] Il note que l’un des facteurs les plus importants dans la conception des navires est la navigabilité, en particulier la stabilité en cas d’avarie et la stabilité à l’état intact. Les bateaux doivent avant tout être stables.

[70] M. Hupman décrit chacune des fournitures taxables effectuées par l’appelante, en mettant l’accent sur la nature de la fourniture et sur la façon dont l’espace physique et les sous-systèmes des navires sont utilisés dans la fourniture.

[71] Les cabines passagers sont la fourniture taxable qui génère le plus de revenus, soit entre 4,5 et 4,6 millions de dollars annuellement; toutefois, après la mise en service des nouveaux navires, ces revenus ont atteint entre 6,1 et 7,3 millions de dollars[16].

[72] M. Hupman compare les cabines à des chambres d’hôtel. Chaque cabine est dotée d’une salle de bain (avec douche), d’un système électrique (pour recharger des appareils) et d’une télévision. De plus, chaque cabine dispose de son propre système de chauffage, de ventilation et de conditionnement d’air (« CVCA »), ce qui permet à l’occupant de contrôler le chauffage et la climatisation.

[73] Il indique que les cabines occupent beaucoup d‘espace sur les navires. Par exemple, la superficie d’une cabine hébergeant deux ou trois personnes est égale à l’espace occupé par 40 à 50 places assises dans la zone des sièges réservés.

[74] En outre, les cabines alourdissent considérablement les navires. M. Hupman souligne qu’il s’agit d’un facteur important dans leur conception. Il explique que plus le navire est lourd, plus les systèmes et les moteurs internes doivent être gros pour faire fonctionner le navire et le propulser.

[75] Les systèmes d’alimentation en eau et de traitement des eaux usées du navire doivent avoir une capacité suffisante pour prendre en charge les cent cabines et leurs cent douches, éviers et toilettes.

[76] L’entretien et le nettoyage des cabines emploient un grand nombre de personnes. Comme tous les membres d’équipage vivent sur le navire pendant deux semaines, diverses parties du navire, en particulier les cabines d’équipage, sont pensées en conséquence.

[77] Les services de traiteur sont une autre source importante de fournitures taxables. La cuisine, les cafétérias, les salles à manger, les bars et les casse-croûtes des navires servent à fournir ces services. Bon an mal an, ces fournitures génèrent des revenus d’environ 3 millions de dollars.

[78] M. Hupman note que les services de traiteur sont un facteur important dans la conception des navires. Les services de traiteur prennent beaucoup d’espace et dépendent de nombreux sous-systèmes. Il donne les exemples suivants :

  • -La cuisine utilisée pour préparer la nourriture des différents points de service occupe un espace important. Du matériel de qualité spécialisé pour usage maritime est nécessaire.

  • -Un espace distinct est nécessaire pour ramasser et nettoyer la vaisselle et les couverts afin d’éviter la contamination croisée.

  • -Les restaurants, qui accueillent environ 100 personnes, prennent beaucoup de place. De plus, les navires doivent prévoir un certain espace pour permettre le roulement des clients des restaurants. M. Hupman explique que, bien qu’un restaurant puisse accueillir environ 100 passagers, chaque navire transporte entre 600 et 700 personnes. Le navire doit donc avoir suffisamment d’espace pour permettre au plus grand nombre de personnes possible d’utiliser le restaurant pendant les six à huit heures de la traversée. C’est ce qu’il appelle le roulement des clients.

  • -Les services de traiteur nécessitent un espace d’entreposage important. Chaque navire dispose d’une chambre froide, d’entrepôts de vrac, de congélateurs et de réfrigérateurs. La nourriture nécessaire pour nourrir des milliers de passagers et de membres de l’équipage y est stockée.

  • -L’espace utilisé pour fournir les services de traiteur utilise ce qui est appelé les systèmes techniques, notamment :

  • §les systèmes de CVCA;

  • §le système d’alimentation en eau potable, qui est bue et utilisée pour laver la vaisselle et les couverts;

  • §le système de traitement des eaux usées;

  • §l’espace de compostage utilisé pour les déchets alimentaires des services de traiteur.

[79] Par conséquent, la taille des divers réservoirs utilisés dans les navires pour stocker l’eau potable (l’appelante ne produit pas d’eau; les réservoirs sont remplis avant la traversée) et faire fonctionner le système de traitement des eaux usées a été fixée en fonction des besoins des services de traiteur. Par exemple, la taille des réservoirs est largement attribuable aux eaux usées produites par les services de traiteur.

[80] Chaque navire emploie du personnel pour fournir les services de traiteur. Ce personnel passe lui aussi deux semaines à bord du navire. Par conséquent, les navires contiennent des cabines réservées au personnel des services de traiteur.

[81] Les sièges de jour et de nuit sont une autre source de fournitures taxables. Ces sièges sont plus grands que les sièges généraux et se trouvent dans une zone distincte. L’appelante facture des frais supplémentaires pour ces sièges. Les revenus annuels provenant de ces fournitures taxables oscillaient entre 60 000 $ et 89 000 $ les premières années, mais ont atteint 254 000 $ après l’ajout des nouveaux navires à la flotte. M. Hupman note que ces sièges occupent plus d’espace que les sièges généraux. Cette zone utilise les systèmes de chauffage et de climatisation.

[82] Les magasins de détail sont une autre source de fournitures taxables. Ils vendent des produits de consommation courante, des souvenirs et des confiseries. Les magasins et l’entreposage de leurs marchandises nécessitent un certain espace. La plupart des années visées par les appels, les magasins de détail ont généré entre 500 000 $ et 600 000 $ en revenus.

[83] Les autres sources de fournitures taxables comprennent les chenils, les distributeurs automatiques et les machines de divertissement, qui nécessitent tous un certain espace et consomment de l’électricité pour l’éclairage, le chauffage et la climatisation. Les machines de divertissement, en particulier, consomment beaucoup d’électricité.

[84] M. Hupman témoigne que la moitié de l’équipage de chaque navire travaille directement dans les zones où sont effectuées les fournitures taxables. Des cabines sont nécessaires pour héberger tous les membres d’équipage.

[85] Il explique que les cabines d’équipage sont comparables aux cabines passagers et font peser la même charge sur les systèmes du navire. Toutefois, comme des membres d’équipage sont leur [traduction] « second chez-soi », elles contiennent quelques commodités supplémentaires, notamment des mini-réfrigérateurs et un plus grand nombre de prises électriques pour permettre l’utilisation de divers appareils. Par conséquent, les cabines d’équipage consomment plus d’électricité que les cabines passagers.

[86] M. Hupman note que l’appelante considère que deux zones des navires servent exclusivement à effectuer la fourniture exonérée du service de traversier. L’une est la zone où les passagers garent leurs véhicules. L’appelante appelle cette zone le pont-garage. Les passagers n’ont pas accès au pont-garage pendant la traversée.

[87] M. Hupman reconnaît qu’il est possible de tracer un lien assez net entre les ponts-garages et les fournitures taxables. Par exemple, les passagers qui réservent des cabines doivent garer leurs voitures sur le pont-garage avant de gagner leur cabine à pied. L’appelante estime que le fait de traiter les ponts-garages comme une zone utilisée exclusivement pour la fourniture exonérée est compatible avec une répartition juste et raisonnable des coûts entre les fournitures taxables et les fournitures exonérées. Il s’agit d’une décision prudente.

[88] La deuxième zone des navires qui, selon l’appelante, est utilisée exclusivement pour la fourniture exonérée du service de traversier est celle des sièges généraux. Tous les passagers qui reçoivent la fourniture exonérée du service de traversier ont le droit de les utiliser.

[89] En plus des zones des navires servant exclusivement à effectuer des fournitures exonérées et des zones servant exclusivement à effectuer des fournitures taxables, M. Hupman explique que de nombreuses zones servent à la fois aux fournitures taxables et à la fourniture exonérée du service de transport. Il s’agit de toutes les zones des navires qui ne sont pas utilisées uniquement pour effectuer des fournitures taxables ou des fournitures exonérées. L’appelante les appelle les zones communes.

[90] Les zones communes, présentées aux onglets 3 à 9 de la pièce A-1, varient d’un navire à l’autre selon son aménagement. Elles comprennent les couloirs, les allées, les escaliers, les toilettes publiques, le pont extérieur (aussi appelé les sièges extérieurs, le pont découvert ou le pont promenade), la cuisine, les entrepôts des cuisines, l’infirmerie, la passerelle, les cabines d’équipage, le mess des officiers et des membres d’équipage, la salle de lavage de l’équipage, la timonerie, la salle des machines auxiliaires, la salle de climatisation, la salle des pompes, les ateliers de réparation, le système de traitement des eaux usées, la chaudière, les réservoirs de carburant, les ballasts, les espaces vides[17], le compartiment du générateur, la salle de commande, les postes d’amarrage, les compartiments des machines hydrauliques[18], la salle de stabilisation et la salle de contrôle des incendies.

Le droit

[91] La TPS est prélevée en vertu de quatre sections distinctes de la Loi : la section II, la section III, la section IV et la section IV.1. Chacune de ces sections impose une taxe. Par exemple, une même transaction peut être taxée en vertu des sections II et III.

[92] La taxe visée à la section II est prélevée sur les fournitures taxables effectuées au Canada. Elle est calculée au taux de TPS de 5 % ou au taux de TVH de 13 % ou 15 %. Le taux de TPS de 5 % s’applique aux marchandises et aux services consommés dans les provinces dites non participantes (le Québec et toutes les provinces à l’ouest de l’Ontario). Le taux de TVH de 13 % s’applique aux marchandises et aux services consommés en Ontario, et le taux de TVH de 15 % s’applique aux marchandises et aux services consommés dans les provinces de l’Atlantique. L’Ontario et les provinces de l’Atlantique sont les provinces dites participantes.

[93] La taxe visée à la section II est perçue par le fournisseur de la marchandise ou du service.

[94] La taxe visée à la section III est prélevée sur toutes les marchandises importées au Canada, qu’elles soient assujetties ou non aux droits de douane canadiens. La taxe est prélevée et perçue par l’Agence des services frontaliers du Canada au moment de l’importation. Toutes les importations commerciales sont assujetties à la taxe au taux de 5 %. Les importations non commerciales sont assujetties à la taxe au taux de TPS de 5 % ou au taux de TVH de 13 % ou 15 %, selon que l’importateur est résident d’une province non participante ou d’une province participante.

[95] La taxe visée à la section IV est prélevée sur les services importés et les biens meubles incorporels. L’acquéreur du service importé ou du bien meuble incorporel paie la taxe par voie d’autocotisation directement à l’ARC. En règle générale, l’acquéreur ne doit effectuer une autocotisation que s’il importe le service ou le bien meuble incorporel pour les utiliser dans des activités qui ne constituent pas des activités commerciales assujetties à la TPS[19].

[96] La section IV.1 a pour but d’empêcher les consommateurs d’une province participante de contourner le taux supérieur de TVH en acquérant des marchandises et des services dans des provinces non participantes. La taxe visée à la section IV.1 s’applique aux marchandises et services importés dans une province participante. Comme la taxe visée à la section IV, la taxe visée à la section IV.1 est imposée par voie d’autocotisation et ne s’applique pas si la personne a le droit de demander la totalité des crédits de taxe sur les intrants à l’égard du bien ou du service importé.

[97] Comme il est mentionné ci-dessus, l’appelante effectue un certain nombre de fournitures taxables sur les navires. Chacune d’entre elles est assujettie à la taxe visée à la section II. L’appelante était tenue d’inclure cette taxe dans le calcul de sa taxe nette pour une période de déclaration donnée effectué conformément au paragraphe 225(1).

[98] Au moment de calculer sa taxe nette, l’appelante a le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants pour la taxe visée aux sections II, III, IV et IV.1 qu’elle a payée.

[99] Les éléments de preuve dont je dispose montrent qu’au cours des périodes en cause, l’appelante a payé la taxe visée aux sections II, III et IV.1. Elle a payé la taxe visée à la section II sur les marchandises et services qu’elle a acquis au Canada pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de l’exploitation de son service de traversier, la taxe visée à la section III sur l’importation des nouveaux navires au Canada, et la taxe visée à la section IV.1 au transfert des nouveaux navires dans une province participante (Terre-Neuve-et-Labrador ou Nouvelle-Écosse[20]).

[100] Lorsqu’une personne, comme l’appelante, calcule sa taxe nette conformément au paragraphe 225(1), elle peut demander des crédits de taxe sur les intrants. Le paragraphe 169(1) de la Loi énonce les règles générales en matière de demande de crédits de taxe sur les intrants. Les passages pertinents du paragraphe 169(1) sont ainsi libellés :

Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

A x B

où :

A représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

B :

[…]

c) […] le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[101] Le paragraphe 169(1) prévoit des crédits de taxe sur les intrants pour la taxe visée aux sections II, III, IV et IV.1. Le renvoi, à la première phrase du paragraphe 169(1), à la personne qui acquiert un bien ou un service et à la taxe relative à la fourniture payée ou payable renvoie à la taxe visée à la section II. Le renvoi à la personne qui importe un bien ou un service et à la taxe relative à l’importation payée ou payable renvoie à la taxe visée à la section III ou à la section IV. Le renvoi à la personne qui transfère un bien ou un service dans une province participante et à la taxe relative au transfert payée ou payable renvoie à la taxe visée à la section IV.1.

[102] L’appelante a le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants pour la taxe visée aux sections II, III et IV.1 qu’elle a payée, à condition qu’elle remplisse les conditions du paragraphe 169(1) pour chaque fourniture, importation ou transfert dans une province participante d’une marchandise ou d’un service. Plus précisément, le crédit de taxe sur les intrants que l’appelante a le droit de demander est le produit de la multiplication de la taxe qu’elle a payée relativement à la fourniture ou à l’importation d’un bien ou d’un service donné, ou au transfert d’un bien ou d’un service dans une province participante, par un pourcentage qui représente la mesure dans laquelle l’appelante a acquis ou importé le bien ou le service concerné, ou l’a transféré dans une province participante, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[103] Aux termes du paragraphe 169(1), la personne peut demander des crédits de taxe sur les intrants si l’utilisation prévue ou réelle du bien ou du service a lieu dans le cadre de ses « activités commerciales ». Le terme « activité commerciale » est défini au paragraphe 123(1). La partie importante de la définition pour les présents appels est « a) l’exploitation d’une entreprise […], sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées ».

[104] Le mot « entreprise » est défini ainsi au paragraphe 123(1) :

entreprise Sont compris parmi les entreprises les commerces, les industries, les professions et toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif, ainsi que les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable. En sont exclus les charges et les emplois.

[105] Comme je le mentionne dans les décisions Stewardship Ontario c. La Reine[21] et University of Calgary c. La Reine (University of Calgary)[22], au sens de la Loi, l’entreprise d’une personne est plus vaste que son activité commerciale. L’entreprise englobe toutes les activités d’une personne, que ces activités comprennent ou non la réalisation de fournitures taxables ou de fournitures exonérées. Toutefois, l’activité commerciale ne comprend que les activités de l’entreprise qui n’impliquent pas la réalisation de fournitures exonérées.

[106] Compte tenu des éléments de preuve à ma disposition, je conclus que l’appelante n’exploite qu’une seule entreprise, à savoir le transport de personnes et de véhicules par traversier entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Dans le cadre de cette entreprise, l’appelante effectue à la fois des fournitures taxables et des fournitures exonérées. Par conséquent, les activités exercées par l’appelante dans le cadre de son entreprise de transport constituent des activités commerciales, sauf dans la mesure où l’entreprise implique la réalisation de fournitures exonérées.

[107] Étant donné que l’appelante effectue des fournitures taxables et exonérées, elle doit déterminer, pour chaque acquisition ou importation d’un bien ou d’un service, la mesure dans laquelle elle a acquis ou importé le bien ou le service en question pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Elle doit se livrer au même exercice pour les biens qu’elle a transférés en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador, soit les nouveaux navires.

[108] L’appelante doit faire cette détermination pour les biens et services qu’elle a utilisés directement et indirectement pour effectuer une fourniture donnée. Pour déterminer la mesure dans laquelle une personne peut demander des crédits de taxe sur les intrants pour des biens et des services utilisés indirectement pour effectuer une fourniture donnée, il faut tenir compte des règles d’octroi de crédits de taxe sur les intrants énoncées à l’article 141.01.

[109] J’explique en détail l’application des paragraphes 141.01(2) et (3) aux paragraphes 94 à 109 de mes motifs dans la décision University of Calgary (voir l’annexe A).

[110] Le point clé dans les présents appels est que pour déterminer les crédits de taxe sur les intrants auxquels une personne a droit, il faut attribuer à la réalisation de fournitures tous les coûts que la personne a supportés dans le cadre de son entreprise, y compris les coûts directs et indirects.

[111] Une fois tous les coûts attribués, il faut déterminer individuellement, pour chaque coût direct ou indirect, la mesure dans laquelle le bien ou le service concerné a été acquis, importé ou transféré dans une province participante pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre des activités commerciales de la personne.

[112] Le paragraphe 141.01(2) dispose que les biens et services sont réputés acquis, importés ou transférés dans une province participante pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales d’une personne dans la mesure où ils sont acquis afin d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie dans le cadre de son entreprise.

[113] Dans la plupart des cas, lorsqu’un inscrit à la TPS effectue des fournitures taxables et exonérées, il est tenu d’élaborer une méthode ou une formule d’attribution.

[114] Pour ce faire, l’inscrit doit se conformer au paragraphe 141.01(5) et à l’alinéa 141.01(5)a), qui disposent que les méthodes utilisées par une personne au cours d’un exercice pour déterminer la mesure dans laquelle elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante des biens ou des services afin d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie ou à d’autres fins doivent être justes et raisonnables, et qu’elles doivent être suivies tout au long de l’exercice.

[115] L’alinéa 141.01(5)b) établit une règle identique pour la consommation ou l’utilisation des biens ou des services. Il dispose que les méthodes utilisées par une personne au cours d’un exercice pour déterminer la mesure dans laquelle les biens ou les services sont consommés ou utilisés en vue de la réalisation de fournitures taxables pour une contrepartie ou à d’autres fins doivent être justes et raisonnables, et qu’elles doivent être suivies tout au long de l’exercice.

[116] La question de ce qui est juste et raisonnable a été abordée par mon collègue le juge Owen dans la décision Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie c. La Reine[23]. Il y déclare ce qui suit concernant la méthode proposée par l’appelante, Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie :

[37] Une définition du mot anglais « fair » (juste) dans le dictionnaire Oxford English Dictionary (deuxième édition) laisse entendre que la méthode adoptée par Sun Life doit être équitable, honnête et impartiale (voir « fair », adverbe, (définition) 4.), ce qui, à mon avis, est une interprétation appropriée du mot tel qu’il est employé au paragraphe 141.01(5). L’utilisation du mot « justes » dans la version française de la disposition appuie cette interprétation.

[38] L’exigence concernant le caractère raisonnable dans les lois fiscales a été prise en compte dans d’autres contextes. Dans la décision Bailey v. M.N.R., [1989] T.C.J. No. 602 (QL), 89 D.T.C. 416, la Cour a déclaré ce qui suit (à la page 420) :

[traduction]

Ce n’est pas l’opinion subjective de l’appelant ou de l’intimé sur ce qui est « raisonnable » qui importe, mais plutôt celle d’un observateur impartial qui aurait une connaissance de tous les faits importants : Canadian Propane Gas & Oil Limited v. M.N.R., 73 DTC 5019, le juge Cattanach, à la page 5028.

[39] Dans la décision Maege c. La Reine, 2006 CCI 117, la Cour a adopté l’approche générale visant à déterminer le caractère raisonnable qui avait été énoncée dans la décision Tsiantoulas c. Canada, [1994] A.C.I. no 984 (QL) (C.C.I.), où la Cour a affirmé ce qui suit, au paragraphe 11 :

[…] Le caractère raisonnable est une question de fait et il requiert que l’on fasse preuve de jugement et de bon sens. […]

[40] Je ne vois pas pourquoi l’approche générale visant à déterminer le caractère raisonnable dans ces affaires ne s’appliquerait pas aussi pour décider si une méthode en particulier est juste et raisonnable. En d’autres termes, ce qui est juste et raisonnable est une question de fait et requiert que l’on fasse preuve de jugement et de bon sens. La détermination n’est pas fondée sur l’opinion subjective de l’appelante ou de l’intimée, mais sur l’avis d’un observateur impartial qui aurait une connaissance de tous les faits pertinents. Il est aussi important de reconnaître que le fisc ne peut pas simplement substituer sa méthode à celle de Sun Life et qu’il peut y avoir plus d’une méthode juste et raisonnable dans les circonstances (voir Ville de Magog c. La Reine, précité).

[117] À mon avis, cela résume avec justesse les principes de droit applicables au critère de la méthode juste et raisonnable visée au paragraphe 141.01(5). L’inscrit à la TPS a le droit d’utiliser toute méthode qui est juste et raisonnable, pourvu qu’elle soit conforme aux dispositions de la Loi. L’ARC ne peut pas simplement substituer sa méthode à celle de l’inscrit à la TPS.

[118] Il s’agit donc de déterminer si la méthode de l’inscrit à la TPS attribue de manière raisonnable la TPS payée sur les intrants à ses fournitures taxables (c’est-à-dire à ses activités commerciales). Pour ce faire, il faut examiner les activités de l’entreprise de l’inscrit à la TPS, en particulier les activités qui consomment ou utilisent les intrants taxables. La méthode d’attribution ne doit pas déformer la réalité financière de l’activité commerciale[24].

[119] La Cour d’appel fédérale déclare ce qui suit dans l’arrêt Ville de Magog c. La Reine :

À cet égard, il est important de souligner que la Loi n’oblige pas l’appelante à mettre en place les systèmes comptables qui lui permettraient de départager chaque bien et chaque service qui est consommé ou utilisé dans le cadre de ses activités mixtes. Le législateur était conscient du fait qu’une telle imposition pourrait engendrer des frais d’assujettissement qui dépassent la taxe prélevée. Il a donc laissé au contribuable le soin de choisir une méthode convenable tout en exigeant que la méthode choisie soit « juste et raisonnable[25] ».

[120] Pour la même raison que dans la décision University of Calgary, l’inscrit à la TPS devrait avoir le droit de déterminer ses crédits de taxe sur les intrants sur la foi des renseignements dont il dispose, sans avoir à retenir les services coûteux d’autres parties, comme des évaluateurs, ou, comme j’en discute ci-dessous, sans devoir engager des ingénieurs pour mesurer les zones de ses navires ou des experts pour de déterminer le pourcentage de carburant consommé pour propulser un navire et le pourcentage consommé pour produire de l’électricité, de la chaleur ou de l’eau chaude.

[121] Sous réserve de l’application de l’article 141, le pourcentage établi à l’aide de la méthode choisie par l’inscrit à la TPS détermine le montant des crédits de taxe sur les intrants que l’inscrit a le droit de demander dans sa déclaration de TPS. L’article 141 établit le critère de la « quasi-totalité ». Il prévoit que si la consommation ou l’utilisation d’un bien ou d’un service se fait presque en totalité dans le cadre des activités commerciales de l’inscrit à la TPS, la consommation ou l’utilisation du bien ou du service est réputée se faire en totalité dans le cadre de ses activités commerciales. À l’inverse, le paragraphe 141(3) prévoit que si la consommation ou l’utilisation d’un bien ou d’un service se fait presque en totalité dans le cadre d’activités non commerciales de l’inscrit à la TPS, la consommation ou l’utilisation est réputée se faire en totalité dans le cadre de ses activités non commerciales[26].

Application du droit aux faits

[122] Au cours des périodes en cause, l’appelante a effectué des fournitures taxables et exonérées. Par conséquent, elle était tenue d’établir une méthode ou une formule d’attribution afin de déterminer la mesure dans laquelle chacun de ses coûts directs et indirects se rapporte à des biens ou des services acquis, importés ou transférés dans une province participante pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[123] Avant 2006, l’appelante utilisait une méthode fondée sur les extrants pour calculer ses crédits de taxe sur les intrants. Une telle méthode n’associe pas les intrants aux fournitures qui s’y rattachent, mais examine plutôt la nature des revenus du fournisseur des biens et des services.

[124] Selon cette méthode, l’appelante calcule d’abord le pourcentage de son revenu total provenant de fournitures taxables. Elle applique ensuite ce pourcentage à la TPS qu’elle a payée pour déterminer ses crédits de taxe sur les intrants. Le pourcentage se situait entre 11 % et 12 %[27].

[125] L’ARC semble avoir accepté ce pourcentage.

[126] Dans certaines situations, la Cour accepte la méthode fondée sur les extrants. Toutefois, cette méthode peut causer des déformations, puisqu’elle n’associe pas les intrants aux fournitures correspondantes. Par exemple, si les fournitures taxables d’un inscrit à la TPS utilisent moins d’intrants taxables que ses fournitures exonérées, le montant des crédits de taxe sur les intrants sera surestimé. Cela peut se produire lorsque les fournitures taxables ont une marge bénéficiaire importante (parce qu’ils nécessitent peu d’intrants taxables) ou lorsqu’elles impliquent des intrants non taxables ayant une valeur élevée, comme des salaires. Dans cette situation, la méthode fondée sur les extrants ne reflèterait pas fidèlement les activités de l’entreprise qui consomment ou utilisent les intrants taxables.

[127] M. Leamon explique qu’en 2005, un certain nombre de consultants communiquent avec l’appelante pour l’informer qu‘elle doit revoir sa méthode de calcul des crédits de taxe sur les intrants dans la foulée de la décision Bay Ferries de notre Cour.

[128] Par la suite, l’appelante retient les services du cabinet comptable Deloitte et, après discussion, décide de remplacer sa méthode d’attribution par une méthode fondée sur les intrants, dans laquelle les intrants sont associés aux fournitures correspondantes.

[129] Pour choisir une méthode, l’appelante tient compte du fait que la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus proviennent des fournitures effectuées sur les navires : la fourniture exonérée du service de transport par traversier et les nombreuses fournitures taxables. Elle décide donc d’attribuer tous ses intrants à ses fournitures taxables et exonérées en fonction de son utilisation de l’espace sur chaque navire.

[130] Elle classe les zones des navires en trois catégories :

  • -les zones utilisées pour effectuer des fournitures exonérées (les zones exonérées);

  • -les zones utilisées pour effectuer des fournitures taxables (les zones taxables);

- les zones utilisées pour effectuer des fournitures à la fois taxables et exonérées (les zones communes).

[131] M. Hupman explique que l’appelante classe chaque zone des navires selon son utilisation réelle. Si la zone n’est utilisée que pour générer des revenus grâce à des fournitures taxables (comme les cabines passagers et les restaurants), elle est classée comme zone taxable. Si la zone n’est utilisée que pour générer des revenus grâce à des fournitures exonérées (comme les ponts-garages et les sièges généraux), elle est classée comme zone exonérée. Enfin, si la zone sert à effectuer à la fois des fournitures taxables et des fournitures exonérées, en ce qu’elle est utilisée directement ou indirectement pour effectuer les deux types de fournitures, elle est considérée comme une zone commune.

[132] L’appelante considère qu’elle peut déterminer la mesure dans laquelle elle a acquis, importé ou transféré des biens ou des services dans une province participante pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales en divisant la superficie totale en mètres carrés de toutes les zones des navires qui sont utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie par la somme de la superficie en mètres carrés de toutes les zones des navires qui sont utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie et de la superficie en mètres carrés de toutes les zones des navires qui sont utilisés exclusivement pour effectuer des fournitures exonérées.

[133] Initialement, l’appelante utilise la formule suivante : la superficie totale en mètres carrés des zones des navires utilisées pour effectuer des fournitures taxables, divisée par la différence entre la superficie totale des navires et la superficie totale en mètres carrés des zones communes des navires[28]. Ce calcul mène au même résultat que le calcul décrit au paragraphe précédent, puisque la superficie totale des navires moins la superficie totale en mètres carrés des zones communes est égale à la somme de la superficie des zones utilisées pour effectuer les fournitures taxables et des zones utilisées pour effectuer les fournitures exonérées. Avec la méthode retenue par l’appelante, il n’est pas nécessaire de mesurer les zones communes.

[134] En utilisant cette méthode, l’appelante arrive aux pourcentages suivants (les « pourcentages finaux de l’appelante » ou les « pourcentages finaux »)[29] :

  • -pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2011 : 24,52 %;

- pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er avril 2011 et le 31 janvier 2012 : 18,11 %.

[135] Le pourcentage passe de 24,52 % à 18,11 % à la suite de changements à la composition de la flotte de navires, soit le remplacement du Caribou, du Smallwood et de l’Atlantic Freighter par les nouveaux navires.

[136] L’appelante applique le pourcentage final approprié au montant total de TVH qu’elle a payé pour chaque période de déclaration. Ce montant comprend la TVH payée pour les biens et les services consommés ou utilisés sur les navires, dans les terminaux et dans les bureaux de l’appelante, ainsi que la taxe visée aux sections III et IV.1 payée sur l’importation des nouveaux navires.

[137] En appliquant les pourcentages finaux au montant total de TVH payé, y compris la TVH payée par l’appelante sur les marchandises et services acquis pour consommation ou utilisation dans l’exploitation des terminaux et des bureaux de l’appelante, cette dernière traite les terminaux et ses bureaux comme des zones communes, c’est-à-dire des zones utilisées pour soutenir la réalisation de fournitures taxables et exonérées sur les navires. En effet, la formule employée par l’appelante ne comprend que les zones utilisées directement pour effectuer les fournitures taxables et les fournitures exonérées sur les navires. Par conséquent, toutes les zones restantes, y compris les autres zones des navires, les bureaux et les terminaux, sont les zones qui, selon l’appelante, servent à soutenir la réalisation des fournitures taxables et exonérées sur les navires.

[138] MM. Hupman et Leamon expliquent de façon assez détaillée comment l’appelante est arrivée à ses pourcentages finaux. En 2005, l’appelante rencontre des représentants de Deloitte pour choisir la méthode servant à déterminer le montant des crédits de taxe sur les intrants auquel elle a droit. L’appelante fournit à Deloitte des plans de coupe détaillés de tous ses navires. Deloitte examine les plans avec l’appelante, discute des diverses zones des navires et visite les navires. Durant les visites, Deloitte discute de l’exploitation des navires avec le personnel à bord.

[139] À partir de ces renseignements, Deloitte et l’appelante parviennent au pourcentage de 24,52 % que l’appelante utilise pour établir le montant des crédits de taxe sur les intrants demandé au moment de déterminer sa taxe nette pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2010.

[140] L’appelante n’utilise pas le pourcentage de 24,52 % pour établir le montant des crédits de taxe sur les intrants qu’elle demande au moment de déterminer sa taxe nette pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er avril 2010 et le 31 mars 2011. Elle utilise plutôt le pourcentage de 15,57 % que lui impose l’ARC. Cette dernière informe l’appelante que si elle utilise le pourcentage de 24,52 % plutôt que le pourcentage de 15,57 %, l’ARC établira à son égard une cotisation qui réduira ses crédits de taxe sur les intrants à un montant calculé à partir du pourcentage de 15,57 % et lui imposera des pénalités. M. Hupman explique à la Cour que même si l’appelante considère que le pourcentage approprié a toujours été 24,52 %, elle décide d’utiliser le pourcentage de l’ARC puisque, en tant que société d’État, elle ne pouvait pas adopter délibérément une position qui entraînerait l’imposition de pénalités.

[141] Je suis troublé par la conduite de l’ARC. Cette dernière ne devrait jamais menacer d’imposer des pénalités pour forcer un inscrit à accepter sa méthode d’attribution. Le droit est clair : l’ARC ne peut pas simplement substituer son approche à celle de l’appelante, et plus d’une méthode peut être juste et raisonnable dans des circonstances données. L’appelante a proposé une méthode élaborée à la suite d’un examen approfondi de ses activités. Dans cette situation, il est inconcevable que sa conduite justifie l’imposition d’une pénalité pour faute lourde. L’ARC semble avoir utilisé la menace de pénalités pour forcer l’appelante à accepter son pourcentage de 15,57 %, dont le calcul n’a été expliqué ni à la Cour ni à l’appelante.

[142] L’appelante revoit le pourcentage de 24,52 % lorsque les nouveaux navires sont mis en service en mars 2009 (l’Atlantic Vision), en avril 2011 (le Blue Puttees) et en avril 2011 (le Highlanders). Elle retient les services d’un architecte et consultant maritime pour préparer les plans de coupe (avec mesures) nécessaires pour les nouveaux navires. Les plans de coupe sont requis parce que l’appelante a apporté un certain nombre de modifications aux nouveaux navires avant leur mise en service.

[143] L’appelante travaille avec Deloitte pour déterminer les zones taxables et exonérées de l’Atlantic Vision, puis les détermine elle-même pour le Blue Puttees et le Highlanders. Elle arrive à un nouveau pourcentage de 18,11 %. Toutefois, elle ne l’utilise pas pour calculer ses crédits de taxe sur les intrants. Pour les périodes de déclaration se terminant entre le 1er avril 2011 et le 31 janvier 2012, elle demande plutôt des crédits de taxe sur les intrants calculés à l’aide d’un pourcentage de 12 %. Ce pourcentage est fondé sur la [traduction] « méthode de l’ARC ». L’appelante s’oppose à cette méthode, mais comme pour les périodes de déclaration antérieures, elle décide d’utiliser le pourcentage de 12 % pour éviter les pénalités.

[144] Pour remplir un engagement pris au cours d’un interrogatoire préalable réalisé dans le cadre des présents appels, l’appelante retient les services d’une firme d’ingénierie pour déterminer les mesures et la superficie totale des navires. Les mesures de la firme d’ingénierie mènent au pourcentage calculé par l’appelante pour la période d’avril 2011 à janvier 2012, soit 18,11 %, et à des pourcentages ayant moins de 0,25 % d’écart par rapport aux pourcentages calculés pour les autres périodes. Malheureusement, l’appelante doit consacrer plus de 1 000 heures de travail à l’interne et débourser plus de 70 000 $ pour ce travail. Les inscrits à la TPS ne devraient pas avoir à faire de telles dépenses, et devraient plutôt avoir le droit de déterminer leurs crédits de taxe sur les intrants à partir des renseignements qu’ils détiennent, sans avoir à retenir les services coûteux d’autres parties.

[145] Au cours de l’audience, M. Hupman examine les plans de coupe détaillés de chaque navire, qui décrivent chaque zone des navires et son utilisation.

[146] En résumé, l’appelante estime qu’entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2011, 24,52 % des biens et services qu’il a acquis, importés ou transférés dans une province participante l’ont été pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Le pourcentage est de 18,11 % pour la période du 1er avril 2011 au 31 janvier 2012.

[147] Comme il est mentionné ci-dessus, l’ARC rejette les calculs de l’appelante. Les éléments de preuve dont je dispose indiquent que ce qui constitue une méthode d’attribution raisonnable pour l’intimé est fluide et change fréquemment depuis l’établissement des cotisations. Une partie de ces changements surviennent quand l’intimé (ou le ministre) constate que certaines de ses hypothèses de fait sont erronées, tandis que d’autres constituent un changement de position sur ce qui est considéré comme juste et raisonnable.

[148] Pour les périodes de déclaration de l’appelante se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2009, l’ARC calcule séparément les crédits de taxe sur les intrants liés à la TVH que l’appelante a payée à l’acquisition de carburant et ceux liés à la TVH qu’elle a payée à l’acquisition de tous les autres biens et services. Lorsqu’il établit les cotisations de l’appelante, le ministre accorde des crédits de taxe sur les intrants équivalant à 15,57 % de la TVH payée par l’appelante sur les intrants autres que le carburant. Il accorde également des crédits de taxe sur les intrants équivalant à 12,456 % de la TVH payée par l’appelante sur le carburant acheté pour les moteurs auxiliaires des navires. Il n’accorde aucun crédit de taxe sur les intrants pour la TVH payée par l’appelante à l’acquisition de carburant pour les moteurs principaux des navires.

[149] Pour les périodes de déclaration de l’appelante se terminant entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010, le ministre établit de nouvelles cotisations afin d’accorder des crédits de taxe sur les intrants équivalant à 17,20 % de la TVH payée par l’appelante sur les intrants autres que le carburant et à 13,76 % de la TVH payée par l’appelante sur le carburant acheté pour les moteurs auxiliaires des navires. Il refuse d’accorder des crédits de taxe sur les intrants pour la TVH payée par l’appelante à l’acquisition de carburant pour les moteurs principaux des navires.

[150] La Division des appels de l’ARC confirme ces nouvelles cotisations.

[151] Pour les périodes de déclaration de l’appelante se terminant entre le 1er avril 2010 et le 31 janvier 2012, qui font l’objet du deuxième appel, le ministre invoque l’article 141 pour refuser d’accorder le moindre crédit de taxe sur les intrants au motif que la consommation ou l’utilisation des biens et des services acquis par l’appelante au cours de cette période s’est faite presque en totalité dans le cadre d’activités exonérées. Le paragraphe 24 de la réponse de l’intimé à l’avis d’appel modifié une seconde fois pour le deuxième appel (la « réponse du deuxième appel ») indique que le [traduction] « ministre a déterminé que le ratio moyen d’attribution indirecte des [crédits de taxe sur les intrants] était inférieur à 10 % pour la période visée par l’appel ».

[152] En ce qui concerne les périodes de déclaration qui font l’objet du premier appel, l’intimé ne convoque aucun témoin pour expliquer comment l’ARC a calculé les pourcentages de 15,57 % et de 17,20 % pour les intrants autres que le carburant et les pourcentages de 12,456 % et de 13,76 % pour le carburant utilisé dans les moteurs auxiliaires. L’appelante indique qu’elle n’a jamais réussi à déterminer comment l’ARC a calculé les pourcentages.

[153] La réponse formulée par l’intimé dans le cadre du premier appel, c’est-à-dire la réponse à l’avis d’appel modifié une seconde fois (la « réponse du premier appel »), ne permet pas de déterminer comment l’ARC a calculé les pourcentages.

[154] Le paragraphe 19 de la réponse du premier appel indique que le ministre s’est fondé sur les hypothèses suivantes pour établir la dette fiscale nette de l’appelante pour les périodes visées par l’appel :

  • -il est injuste et déraisonnable de considérer les espaces d’hébergement payants offerts dans les navires (dortoirs, cabines et sièges réservés) comme des zones utilisées exclusivement dans le cadre d’activités taxables;

  • -la fourniture d’espaces d’hébergement payants fait partie de la fourniture unique et exonérée du service de traversier pour le transport de passagers;

  • -il est juste et raisonnable de considérer la fourniture d‘espaces d’hébergement payants comme une fourniture exonérée[30].

[155] Toutefois, ce ne sont pas les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est fondé pour établir les cotisations de l’appelante. Comme le confirme l’avocate de l’intimé à l’audience de février 2023, lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante, le ministre a traité la fourniture d’espaces d’hébergement payants comme une fourniture taxable.

[156] Les hypothèses contenues dans la réponse du premier appel reflètent les hypothèses formulées par la Division des appels de l’ARC après avoir examiné l’avis d’opposition de l’appelante. Le paragraphe 19hh) de la réponse du premier appel indique qu’une application juste et raisonnable de la méthode de l’appelante donne des pourcentages de 7,6 % et de 8,1 %, et non les pourcentages de 15,57 % et de 17,20 % utilisés par le ministre lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante. Les pourcentages de 7,6 % et de 8,1 % ont été établis par la Division des appels de l’ARC. Toutefois, la Division a confirmé les cotisations établies par le ministre, qui étaient fondées sur les pourcentages de 15,57 % et de 17,20 %.

[157] Les hypothèses énumérées au paragraphe 19 de la réponse du premier appel semblent être les hypothèses formulées par la Division des appels de l’ARC pour étayer les pourcentages de 7,6 % et de 8,1 %. Ce ne sont pas les hypothèses qui étayent les pourcentages de 15,57 % et de 17,20 % que le ministre a utilisés lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante, cotisations que la Division des appels de l’ARC a confirmées.

[158] En résumé, la Cour n’a pas été informée de la façon dont le ministre a calculé les pourcentages de 15,57 % et de 17,20 % qu’il a utilisés lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante pour les périodes visées par le premier appel. Toutefois, le ministre semble avoir considéré les terminaux et le siège social comme des zones communes dans le calcul des pourcentages. J’en arrive à cette conclusion parce que l’ECPF indique que si les terminaux sont considérés comme des zones exonérées, le pourcentage se situe entre 2,78 % et 3,44 %[31]. L’intimé reconnaît que le siège social de l’appelante est une zone commune.

[159] Les paragraphes 19ll) à ww) de la réponse du premier appel concernent les pourcentages de 12,456 % et de 13,76 % qui s’appliquent à la TVH payée sur le carburant acquis pour les moteurs auxiliaires. La réponse du premier appel indique que les moteurs auxiliaires sont utilisés dans le cadre d’activités taxables et exonérées, mais que moins de 10 % du carburant consommé et utilisé par les moteurs principaux l’est pour la fourniture de services taxables.

[160] Comme pour les pourcentages liés aux intrants autres que le carburant, aucun témoin n’explique à la Cour comment le ministre a calculé les pourcentages de 12,456 % et 13,76 % qu’il a utilisés pour déterminer les crédits de taxe sur les intrants pour la TVH que l’appelante a payée à l’acquisition de carburant pour les moteurs auxiliaires. La Cour n’a pas non plus été informée des éventuels pourcentages que le ministre aurait calculés concernant la TVH payée sur le carburant consommé par les moteurs principaux.

[161] L’intimé ne convoque aucun témoin pour expliquer comment le ministre est arrivé à la conclusion que pendant les périodes visées par le deuxième appel, moins de 10 % des biens et services consommés ou utilisés par l’appelante l’ont été dans le cadre de ses activités commerciales. Toutefois, contrairement aux hypothèses formulées dans la réponse du premier appel, les hypothèses énoncées au paragraphe 28 de la réponse du deuxième appel semblent contenir les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est fondé lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante.

[162] Les alinéas 19l), 19n), 19p) à ee), et 19ii) à uu) de la réponse du deuxième appel énoncent les hypothèses suivantes sur lesquelles le ministre s’est fondé lorsqu’il a établi les cotisations pour les périodes visées par le deuxième appel :

  • -Le ministre présume que les cabines passagers et les sièges de jour et de nuit font partie de la même fourniture exonérée du service de traversier pour le transport de passagers. L’appelante présumait que les deux sont utilisés pour effectuer des fournitures taxables.

  • -Le ministre présume que les zones communes des navires (appelées [traduction] « les autres zones des navires, y compris les salles des machines, les cabines de l’équipage et des officiers, et les ponts de navigation » dans la réponse du deuxième appel) ne sont pas utilisées pour effectuer des fournitures taxables et exonérées, mais plutôt pour effectuer exclusivement des fournitures exonérées.

  • -Le ministre présume que les sièges extérieurs font partie d’une même fourniture exonérée du service de traversier pour le transport de véhicules. L’appelante considère que cette zone fait partie des zones communes des navires.

  • -Le ministre conclut que le montant des crédits de taxe sur les intrants pour la TVH payée sur le carburant devrait être calculé séparément du montant des crédits de taxe sur les intrants pour la TVH payée sur les biens et les services autres que le carburant. Le ministre conclut que l’appelante n’a pas le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants pour la TVH payée sur le carburant, puisque plus de 90 % du carburant consommé et utilisé par les navires l’est pour la fourniture de services exonérés. L’appelante ne fait aucune distinction entre le carburant et les intrants autres que le carburant dans sa demande de crédits de taxe sur les intrants.

  • -Le ministre conclut que l’appelante a acquis et importé les nouveaux navires pour les utiliser comme immobilisations. Le ministre refuse ensuite tous les crédits de taxe sur les intrants pour la taxe visée aux sections III et IV.1 payée sur l’importation des nouveaux navires, au motif que les nouveaux navires n’ont pas été acquis, importés ou transférés dans une province participante pour utilisation principale dans le cadre d’activités commerciales. Si les nouveaux navires étaient des immobilisations de l’appelante, l’application du paragraphe 199(2) donnerait ce résultat.

[163] Comme il est indiqué ci-dessus, l’intimé fait certaines concessions avant le début de l’audition de l’appel.

[164] La première concession est que les cabines passagers et les sièges de jour et de nuit sont des [traduction] « zones d’activité taxable ».

[165] La deuxième concession est que l’intimé reconnaît que les [traduction] « zones d’infrastructure à bord des traversiers sont des zones communes qui soutiennent à la fois les activités taxables et des activités exonérées ». À l’audience de février 2023, l’avocate de l’intimé confirme à la Cour que le terme « infrastructure » dans la lettre de concession renvoie, à une exception près, aux zones communes des navires décrites par les témoins de l’appelante[32] et présentées aux onglets 3 à 9 de la pièce A-1. L’exception est le pont extérieur.

[166] L’intimé n’admet pas que le pont extérieur, qui comprend les sièges extérieurs, le pont ouvert et la promenade extérieure, est une zone commune.

[167] La troisième concession concerne les nouveaux navires. L’intimé reconnaît que le paragraphe 199(2) ne s’applique pas à la taxe visée aux sections III et IV.1 payée sur l’importation des nouveaux navires et que, [traduction] « pour cette raison, le ratio d’attribution des [crédits de taxe sur les intrants] “juste et raisonnable” peut s’appliquer à la TPS/TVH payée sur l’importation ». La concession de l’intimé semble fondée sur le fait que l’appelante loue les nouveaux navires.

[168] Le 27 septembre 2021, au début de l’audience, l’avocate de l’intimé fait une concession concernant la méthode de l’appelante. Elle souligne que l’intimé n’a aucun problème avec l’utilisation de la méthode d’attribution indirecte des intrants en soi. Les réserves de l’intimé concernent les calculs effectués par l’appelante à l’aide de cette méthode[33].

[169] La position actuelle de l’intimé sur la méthode choisie par l’appelante est énoncée en ces termes au paragraphe 124 de ses observations écrites :

[traduction]

[…] [l]e ministre ne conteste pas la méthode fondée sur l’analyse de l’espace utilisé pour effectuer des fournitures taxables et exonérées. Le ministre ne considère pas que la méthode de calcul par zone fondée sur les intrants et utilisant des mesures en mètres carrés est en soi injuste ou déraisonnable. Le ministre affirme plutôt que même si la méthode fondée sur les mesures était juste et raisonnable, elle n’a pas été appliquée de manière uniforme à l’ensemble des activités de [l’appelante], ce qui fait qu’elle n’était pas juste et raisonnable et n’a pas été suivie tout au long des périodes en cause.

[170] En réponse à mes questions à l’audience de février 2023, l’avocate de l’intimé fait remarquer que les réserves de l’intimé concernent des éléments qui, pour reprendre ses mots, sont [traduction] « exclus de la formule », ce qui renvoie aux terminaux et au pont extérieur, que l’appelante considère comme des zones communes[34].

[171] En résumé, les parties conviennent que la méthode fondée sur l’utilisation réelle de l’espace par l’appelante est une méthode juste et raisonnable pour déterminer la mesure dans laquelle l’appelante a acquis des biens et des services, autres que le carburant, pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales. En outre, les parties s’entendent sur les mesures prises par l’appelante.

[172] Toutefois, l’intimé estime que l’appelante n’a pas appliqué sa méthode fondée sur les mesures de façon juste et raisonnable et ne l’a pas suivie tout au long des périodes en cause. L’intimé soutient également qu’une autre méthode devrait être utilisée pour attribuer la TVH payée à l’acquisition de carburant.

[173] À mon avis, la méthode de l’appelante attribue de façon juste et raisonnable la TVH payée sur ses intrants taxables à ses activités commerciales.

[174] L’appelante exerce une activité commerciale importante qui nécessite la réalisation de nombreuses fournitures, dont la grande majorité est effectuée à bord des navires[35]. Comme c’est souvent le cas, la détermination de la mesure dans laquelle elle a acquis des biens ou des services individuels pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales ne sera jamais exacte.

[175] Comme je le mentionne dans la décision University of Calgary, il ne s’agit pas de déterminer si la méthode de l’appelante permet d’établir de manière exacte la mesure dans laquelle l’appelante a acquis des biens ou des services pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales, ou si l’une des méthodes de l’intimé est meilleure que la méthode de l’appelante. Il faut plutôt déterminer si la méthode de l’appelante permet d’obtenir une estimation juste et raisonnable de la mesure dans laquelle l’appelante a acquis des biens ou des services précis pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales.

[176] Comme il est indiqué ci-dessus, la méthode de l’appelante est fondée sur la superficie totale en mètres carrés de toutes les zones des navires qui sont utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie, la superficie totale en mètres carrés de toutes les zones des navires qui sont utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures exonérées et le montant total de TVH que l’appelante a payé au cours d’une période donnée à l’acquisition des biens et des services qui ont été consommés ou utilisés dans le cadre de toutes ses activités, y compris celles réalisées à terre.

[177] Selon cette méthode, en particulier en raison de l’inclusion du montant total de TVH payé au cours des périodes en cause, les zones d’activités qui ne sont pas utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures taxables ou exonérées sont traitées comme des zones qui contribuent à la réalisation de fournitures taxables et exonérées – les zones dites communes. Compte tenu des éléments de preuve dont je dispose, il s’agit d’une hypothèse raisonnable. L’exploitation de chaque navire s’effectue dans un environnement intégré. Pour reprendre les mots de M. Hupman, tout dépend de tout. Dans un tel environnement, les zones communes facilitent et soutiennent toutes les fournitures effectuées sur les navires. Comme je l’explique ci-dessous, j’en arrive à une conclusion similaire en ce qui concerne les zones communes situées à terre, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve.

[178] Au cours des périodes en cause, l’appelante exploite sept navires ayant une superficie combinée de 111 083 mètres carrés[36]. Elle effectue un examen détaillé de toutes les zones des navires, dans le cadre duquel elle les mesure toutes. Même si elle n’est pas tenue de le faire puisqu’elle a conclu que les terminaux sont des zones communes, elle mesure également toutes les zones des terminaux, qui occupent des terrains d’environ 257 000 mètres carrés, et fournit à la Cour une description détaillée de l’utilisation de chacune des zones des terminaux.

[179] À mon avis, une méthode fondée sur l’utilisation réelle de l’espace utilisé pour exploiter une entreprise intégrée comme celle de l’appelante et qui comprend un examen détaillé de toutes les zones d’activités est juste et raisonnable. L’appelante peut donc l’utiliser pour déterminer la mesure dans laquelle elle a acquis des biens et des services pour utilisation dans le cadre de ses activités commerciales.

[180] C’est sur les navires que sont générés 95 % des revenus de l’appelante, ce qui signifie qu’elle effectue la plupart de ses fournitures sur les navires. Par conséquent, une méthode fondée sur l’espace des navires qui est utilisé exclusivement pour effectuer des fournitures taxables et l’espace qui est utilisé exclusivement pour effectuer des fournitures exonérées reflète fidèlement les activités de l’entreprise de l’appelante et ne déforme pas la réalité financière de ses activités commerciales.

[181] L’intimé se préoccupe du fait que l’appelante applique son pourcentage final à la totalité de la TVH qu’elle a payée au cours des périodes en cause, même la TVH faisant partie des taxes payées sur les biens et les services consommés uniquement pour effectuer des fournitures taxables ou des fournitures exonérées. L’intimé n’a fourni aucun élément de preuve concernant ces biens ou services.

[182] Compte tenu des éléments de preuve dont je dispose, les seuls intrants importants qui pourraient avoir été consommés ou utilisés exclusivement pour effectuer une fourniture en particulier sont certains des biens et des services consommés pour effectuer des fournitures taxables liées aux cabines passagers et aux services de traiteur. Les éléments de preuve dont la Cour dispose n‘indiquent pas clairement pourquoi, si de tels intrants existent vraiment, l’appelante n’a pas séparé la TVH payée sur ces intrants de la taxe payée sur les autres intrants. Quoi qu’il en soit, la séparation de la TVH payée sur ces intrants aurait augmenté les crédits de taxe sur les intrants accordés à l’appelante, puisqu’elle aurait pu demander des crédits pour la totalité de cette taxe.

[183] Comme il est mentionné ci-dessus, l’intimé soutient que comme l’appelante n’a pas appliqué sa méthode de façon uniforme à l’ensemble de ses activités, cette méthode n’est pas juste et raisonnable et n’a pas été suivie tout au long des périodes en cause. L’avocate de l’intimé soutient que l’appelante a exclu des éléments, plus précisément les terminaux et le pont extérieur. L’argument de l’intimé est erroné. L’appelante a appliqué sa méthode à l’ensemble de ses activités, sans exclure d’élément. Elle a traité les terminaux et le pont extérieur comme des zones communes.

[184] Comme l’appelante a décidé que ces zones étaient des zones communes, leur taille n’a pas été prise en compte dans le calcul des pourcentages pour les périodes en cause. Les pourcentages ne sont fondés que sur les zones utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures taxables et des fournitures exonérées.

[185] La question à trancher n’est pas si l’appelante a exclu des éléments, mais plutôt si l’appelante pouvait traiter ces espaces comme des zones communes. Comme j’en discute ci-dessous, l’intimé estime qu’une partie importante des terminaux aurait dû être traitée comme des zones utilisées presque en totalité pour effectuer des fournitures exonérées. L’intimé soutient également que l’appelante utilise le pont extérieur presque en totalité pour effectuer des fournitures exonérées.

[186] Il est important de reconnaître qu’en raison de la position de l’intimé concernant le carburant, celui-ci propose que la Cour utilise une méthode différente de celle de l’appelante. Plus précisément, comme j’en discute ci-dessous, il demande à la Cour de n’utiliser la méthode proposée par l’appelante que si elle aboutit à un pourcentage inférieur à 10 %. Si elle aboutit à un pourcentage de 10 % ou plus, il demande à la Cour de n’utiliser la méthode de l’appelante qu’à l’égard de la TVH payée sur les intrants autres que le carburant. Pour la TVH payée sur le carburant, l’intimé demande à la Cour de tenter de déterminer la quantité de carburant consommée par l’appelante pour propulser les navires et la quantité consommée pour l’alimentation en électricité et en eau chaude, et le chauffage.

[187] J’examine maintenant les arguments de l’intimé concernant les terminaux, le pont extérieur et le carburant.

Les terminaux

[188] Comme il est indiqué ci-dessus, selon la méthode de l’appelante, les terminaux font partie des zones communes. La méthode de l’appelante n’est fondée que sur les zones des navires qui sont utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures taxables et les zones qui sont utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures exonérées. Par conséquent, lorsque la méthode de l’appelante est utilisée pour déterminer un pourcentage, la taille des zones communes (c’est-à-dire les zones qui contribuent à la réalisation de fournitures taxables et exonérées) n’est pas utile. Selon l’appelante, cela comprend les zones communes des navires, tous les terminaux et les bureaux de l’appelante.

[189] Si les terminaux et les bureaux de l’appelante sont considérés comme des zones communes, comme il est indiqué ci-dessus, les diverses zones des trois terminaux et des bureaux de l’appelante n’ont aucune incidence sur les pourcentages déterminés selon sa méthode.

[190] Selon l’appelante, les terminaux n’existent que pour soutenir l’exploitation des navires; ils fournissent l’infrastructure nécessaire pour soutenir toutes les activités, exonérées et taxables, des navires.

[191] La position de l’intimé a considérablement changé depuis que le ministre a établi les cotisations. L’avocate de l’intimé affirme que le ministre a ignoré les terminaux lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante. Ce n’est pas le cas. Pour les périodes visées par le premier appel, le ministre a établi les cotisations de l’appelante à l’aide de la méthode de l’appelante et est arrivé aux pourcentages de 15,57 % et de 17,20 %. Il a ensuite appliqué ces pourcentages au montant total de TPS payé par l’appelante sur les intrants autres que le carburant, ce qui comprend la TPS payée sur les coûts supportés relativement aux terminaux. Par conséquent, le ministre a établi les cotisations de l’appelante en traitant les terminaux comme des zones communes.

[192] À l’audience de février 2023, l’avocate de l’intimé note que la question des terminaux n’a été soulevée dans les présents appels qu’après le dépôt des réponses de l’intimé.

[193] Dans ses réponses, l’intimé présente des faits supplémentaires concernant les terminaux qu’il entend invoquer à l’audition des appels. L’un de ces faits supplémentaires est que les terminaux des traversiers, les stationnements des terminaux et les zones d’embarquement font partie de la fourniture unique et exonérée du service de traversier pour le transport de véhicules et de passagers. Il me semble que ces faits supplémentaires ne s’appliquent qu’à une partie de l’espace occupé par les terminaux, à savoir les zones que les passagers utilisent pour embarquer dans les navires, et non les zones des terminaux qui servent à l’entretien des navires, comme les entrepôts, les bâtiments des débardeurs, les bâtiments d’entretien et le dépôt de carburant.

[194] Toutefois, les paragraphes 43 à 61, 138 et 139 des observations écrites de l’intimé indiquent clairement que, lorsqu’il renvoie aux terminaux, l’intimé renvoie maintenant à tout l’espace qu’ils occupent. La position finale de l’intimé est ainsi résumée au paragraphe 161 de ses observations écrites :

[traduction]

Il est déterminé que les dépenses liées aux terminaux se rapportent presque en totalité à des intrants directement utilisés dans la fourniture exonérée par [l’appelante] de services de transport de personnes, de voitures et de marchandises commerciales. Par conséquent, lorsque les terminaux sont correctement classés comme zones exonérées, une méthode juste et raisonnable fondée sur la mesure en mètres carrés donne un ratio inférieur à 10 %, de sorte qu’aucun [crédit de taxe sur les intrants] ne peut être accordé. Ce ratio s’applique à tout, y compris aux dépenses en carburant.

[195] Au paragraphe 126 de ses observations écrites, l’intimé soutient que l’appelante n’a pas examiné les différentes zones des terminaux et a simplement présumé qu’elles sont toutes [traduction] « communes », sans analyser cette proposition. Il soutient que, par conséquent, la méthode de l’appelante n’a pas été appliquée de façon uniforme.

[196] Avant l’audience de février 2023, je demande aux parties de ne pas présenter de nouveaux arguments. Au cours de l’audience, l’avocate de l’intimé soulève un argument qui diffère de ceux énoncés dans ses observations écrites.

[197] Comme je l’indique ci-dessus, l’intimé déclare au paragraphe 161 de ses observations écrites que, lorsque les terminaux sont correctement catégorisés, l’appelante n’a droit à aucun crédit de taxe sur les intrants. Toutefois, au cours de l’audience de février 2023, quand je lui demande s’il est juste et raisonnable de refuser à l’appelante tous les crédits de taxe sur les intrants, l’avocate de l’intimé répond qu’il n’est pas garanti que l’appelante se voie refuser tous les crédits de taxe sur les intrants. Elle revient à la position de l’intimé énoncée dans la réponse, à savoir que seules certaines zones des terminaux sont utilisées exclusivement pour effectuer des fournitures exonérées[37]. Il m’est impossible de savoir si l’avocate de l’intimé a présenté cet argument dans ses observations orales initiales. Quoi qu’il en soit, mes motifs abordent indirectement cet argument dans ma conclusion de fait selon laquelle l’application de la méthode de l’appelante d’une façon qui traite les terminaux comme des zones communes est juste et raisonnable.

Conclusion de la Cour concernant les terminaux

[198] La méthode de l’appelante présume que l’appelante a utilisé indirectement les terminaux pour effectuer des fournitures taxables et exonérées sur les navires.

[199] MM. Hupman et Leamon expliquent en détail la raison d’être et l’utilisation des divers éléments des terminaux.

[200] Comme il est mentionné ci-dessus, l’appelante exploite des terminaux toute l’année à Port aux Basques (Terre-Neuve) et à North Sydney (Nouvelle-Écosse). Elle exploite aussi un terminal saisonnier à Argentia (Terre-Neuve).

[201] L’appelante n’est pas propriétaire des terminaux, qui appartiennent au gouvernement canadien. M. Hupman explique que l’appelante est la gardienne des terminaux. Elle ne verse aucun loyer au gouvernement fédéral.

[202] M. Hupman explique comment sont utilisées les diverses zones des terminaux. L’onglet 12 de la pièce A-1 présente chacune des zones auxquelles renvoie M. Hupman, ainsi que leur taille. Comme il est indiqué ci-dessus, l’appelante n’a pas mesuré les zones des terminaux lorsqu’elle a calculé ses pourcentages. Elle n’a mesuré les zones qu’après avoir interjeté appel, afin de remplir un engagement pris au cours d’un interrogatoire préalable réalisé dans le cadre des présents appels.

[203] Les terminaux de Port aux Basques et de North Sydney sont grands. Celui de Port aux Basques occupe un terrain de 121 660 mètres carrés, tandis que celui de North Sydney occupe un terrain de 100 423 mètres carrés. Le terminal d’Argentia est beaucoup plus petit, avec un terrain de 36 037 mètres carrés seulement.

[204] Chaque terminal comprend un bâtiment. À Port-aux-Basques et à North Sydney, les bâtiments occupent une petite partie de la superficie totale des terminaux : 1,2 % à Port-aux-Basques (1 527 mètres carrés) et 1 % à North Sydney (912 mètres carrés). Le bâtiment du terminal saisonnier d’Argentia occupe 4 % du terrain total du terminal (1 588 mètres carrés).

[205] Les bâtiments comprennent des installations pour les passagers, y compris des toilettes, des salles d’attente, des kiosques d’information saisonniers occupés par des employés de Terre-Neuve ou de la Nouvelle-Écosse, des boutiques de cadeaux et des cafétérias. Les boutiques de cadeaux et les cafétérias sont exploitées par des tiers, qui paient un loyer à l’appelante.

[206] M. Hupman décrit ainsi l’utilisation des autres structures des terminaux :

  • -Le terminal de North Sydney comprend un bâtiment d’entretien (1 249 mètres carrés), tandis que le terminal de Port aux Basques comprend un bâtiment d’entretien et d’entreposage (2 164 mètres carrés). Les bâtiments d’entretien soutiennent l’exploitation des terminaux. L’entrepôt sert à entreposer divers articles qui sont consommés quotidiennement sur les navires. Selon M. Hupman, ces articles comprennent des produits de nettoyage, des matériaux, de la bière, de l’alcool et de la nourriture (essentiellement, tout ce qui est consommé au quotidien sur les navires).

  • -Le terminal de Port aux Basques comprend un parc à réservoirs (7 738 mètres carrés) utilisé pour ravitailler les navires. Il comprend des réservoirs de carburant et les installations nécessaires pour le faire parvenir aux navires. Il est protégé contre les déversements par une levée de terre. Cette zone comprend également une station de pompage (221 mètres carrés) qui sert à ravitailler les véhicules utilisés pour les activités du quai.

  • -Le terminal de North Sydney comprend une zone d’entreposage (2 624 mètres carrés) utilisée pour l’équipement de chargement et de déchargement.

  • -Le terminal de North Sydney comprend un bâtiment administratif (1 526 mètres carrés). Le personnel administratif l’utilise pour soutenir les activités des navires.

  • -Le terminal de Port aux Basques comprend un petit atelier de radeaux de sauvetage (656 mètres carrés), qui sert à l’entretien du système d’évacuation maritime de l’appelante.

  • -Chaque terminal comprend un bâtiment pour les débardeurs (367 mètres carrés à Port aux Basques, 251 mètres carrés à North Sydney et 801 mètres carrés à Argentia), où sont gérés le chargement et le déchargement des navires.

  • -Chaque terminal comprend une billetterie (445 mètres carrés à Port aux Basques, 280 mètres carrés à North Sydney et 132 mètres carrés à Argentia). Les passagers s’y procurent leurs billets et obtiennent les clés de leur cabine. Le terminal de North Sydney comprend également un petit poste de sécurité (113 mètres carrés), qui contrôle l’accès aux installations. Les passagers peuvent avoir à subir un contrôle de sécurité. Habituellement, environ 3 % des passagers et des véhicules sont sélectionnés aléatoirement pour un contrôle.

  • -Chaque terminal comprend un quai et des rampes de circulation. Les quais occupent une superficie de 10 130 mètres carrés au terminal de Port aux Basques, de 20 530 mètres carrés au terminal de North Sydney et de 2 318 mètres carrés au terminal d’Argentia. Les navires sont arrimés aux quais pour permettre aux passagers et aux véhicules d’embarquer et de débarquer. Les rampes de circulation occupent une superficie de 1 742 mètres carrés au terminal de Port aux Basques et de 5 429 mètres carrés au terminal de North Sydney. Les rampes de circulation relient les navires aux quais.

[207] Trois des zones mesurées aux terminaux ne contiennent aucune structure physique :

  • -la zone de chaque terminal composée d’espaces verts, de routes et de voies d’accès. Cette zone représente plus de 50 % de la superficie des terminaux de Port aux Basques et d’Argentia et environ 45 % de celle du terminal de North Sydney. Elle mesure 64 884 mètres carrés à Port aux Basques, 45 424 mètres carrés à North Sydney et 20 076 mètres carrés à Argentia;

  • -la zone de transit pour les véhicules et les remorques. Cette zone mesure 25 557 mètres carrés à Port aux Basques, 19 445 mètres carrés à North Sydney et 8 785 mètres carrés à Argentia. Les véhicules s’y arrêtent avant de monter sur les navires. La zone de transit pour les véhicules est utilisée par les véhicules de tourisme et les semi-remorques commerciaux. Les clients laissent leurs remorques sans tracteur dans la zone de transit des remorques;

  • -les stationnements pour les visiteurs et le personnel : cette zone mesure 6 229 mètres carrés à Port aux Basques, 2 640 mètres carrés à North Sydney et 2 303 mètres carrés à Argentia.

[208] M. Hupman affirme que les activités de l’appelante aux terminaux fournissent du soutien aux navires. Il souligne que presque tous les revenus de l’appelante et une bonne partie de ses dépenses sont liés aux activités des navires. Le témoignage de M. Hupman est étayé par le témoignage de M. Leamon, qui affirme que 95 % des revenus totaux de l’appelante proviennent de l’exploitation des navires[38].

[209] À partir des chiffres contenus dans les états financiers de l’appelante, M. Leamon indique où l’appelante effectue la majorité des dépenses pour lesquelles elle demande des crédits de taxe sur les intrants. M. Leamon fournit les éléments de preuve suivants concernant la TVH payée à l’acquisition de carburant, les dépenses en matériaux, en fournitures et en services, et les dépenses en réparations et en entretien :

  • -98 % des achats de carburant se rapportent aux navires et 2 % se rapportent aux terminaux;

  • -90 % des dépenses en réparations et en entretien se rapportent aux navires et 10 % se rapportent aux terminaux;

  • -57 % des dépenses en matériaux, en fournitures et en services se rapportent aux navires, 26 % se rapportent à l’administration centrale et 17 % se rapportent aux terminaux[39].

[210] L’onglet B des annexes des observations écrites de l’appelante résume bien le témoignage de M. Leamon. Il démontre que selon les éléments de preuve dont dispose la Cour, 86,54 % des dépenses pour lesquelles l’appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants se rapportent aux navires, 7,59 % se rapportent aux terminaux et 5,87 % se rapportent au siège social de l’appelante.

[211] Selon l’appelante, tout ce qu’elle possède et tout ce qu’elle fait ont pour but de permettre la prestation des services taxables et exonérés à bord des navires, y compris les activités des terminaux et des bureaux de l’appelante.

[212] Je suis d’accord avec l’appelante.

[213] L’article 141.01 exige que l’appelante attribue tous les coûts qu’elle supporte dans le cadre de son entreprise de transport de personnes et de véhicules par traversier entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve à la réalisation de fournitures.

[214] À l’exception de la location de locaux à des concessionnaires, l’appelante n’effectue aucune fourniture dans les terminaux. La fourniture exonérée du service de traversier et les diverses fournitures taxables effectuées sur les navires englobent presque toutes les fournitures effectuées par l’appelante. L’appelante effectue toutes ces fournitures sur les navires.

[215] Par conséquent, l’appelante devait attribuer tous les coûts supportés dans les terminaux aux fournitures effectuées sur les navires[40]. Ni l’appelante ni l’intimé n’ont relevé de biens ou de services achetés pour utilisation ou consommation dans les terminaux qui pourraient être directement liés à une fourniture en particulier effectuée sur les navires. Tous les biens et services sont consommés ou utilisés indirectement dans la réalisation des fournitures sur les navires.

[216] La Cour doit donc déterminer si ces coûts sont, comme l’avance l’appelante, supportés indirectement dans le cadre de la réalisation de fournitures taxables et exonérés, ou, comme l’avance l’intimé, si tous les coûts sont supportés indirectement dans le cadre de la réalisation de la fourniture exonérée du service de traversier.

[217] À mon avis, les éléments de preuve dont dispose la Cour permettent de conclure que les coûts indirects supportés aux terminaux servent à soutenir toutes les fournitures, taxables et exonérées, effectuées sur les navires. Les coûts sont comparables aux coûts dits d’infrastructure supportés pour les navires.

[218] Par exemple, l’entrepôt sert à stocker les articles consommés sur les navires, le parc à réservoirs contient le carburant consommé par les navires, qui sert donc à effectuer les fournitures taxables et exonérées, et le bâtiment administratif accueille le personnel qui soutient l’exploitation des navires.

[219] Aucune fourniture, taxable ou exonérée, ne pourrait être effectuée sur les navires si les passagers n’étaient pas en mesure de monter à bord. Par conséquent, les quais, les rampes de circulation, les bâtiments des terminaux et les billetteries soutiennent toutes les fournitures taxables et exonérées effectuées sur les navires de la même façon que les couloirs et autres aires partagées des navires permettent aux passagers d’embarquer et d’accéder aux sièges généraux, aux sièges payants, aux cabines, aux restaurants et aux bars. L’intimé admet que les couloirs et autres aires partagées des navires sont utilisés indirectement pour effectuer des fournitures taxables et exonérées.

[220] L’intimé demande à la Cour de traiter la superficie totale des terminaux comme une zone utilisée exclusivement pour effectuer des fournitures exonérées. Une telle conclusion priverait l’appelante du droit de demander des crédits de taxe sur les intrants. Cette conclusion n’est pas étayée par les éléments de preuve et entraînerait un résultat déraisonnable.

[221] Les terminaux représentent entre 70 % et 83 % de la superficie combinée des navires et des terminaux. Toutefois, seulement 7,59 % des fonds consacrés par l’appelante aux dépenses effectuées au cours des périodes en cause se rapportent aux terminaux. La position de l’intimé priverait l’appelante de crédits de taxe sur les intrants uniquement en raison de la superficie relativement importante des terminaux, même si ceux-ci consomment ou utilisent moins de 10 % des intrants (selon la valeur) que l’appelante consomme ou utilise pour effectuer les fournitures.

[222] Par conséquent, la position de l’intimé est déraisonnable, puisqu’elle ne reflète pas les activités de l’entreprise de l’appelante, en particulier ses activités qui consomment ou utilisent les intrants taxables.

[223] Quoi qu’il en soit, je conclus, au regard des éléments de preuve dont dispose la Cour, que, comme l’a présumé le ministre lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante, toutes les zones des terminaux sont des zones communes pour l’application de la méthode de l’appelante.

Pont et sièges extérieurs

[224] L’appelante traite le pont et les sièges extérieurs comme une zone commune. Elle considère que, comme les couloirs intérieurs, ils sont utilisés par tous les passagers des navires, y compris ceux qui occupent des cabines et des sièges payants.

[225] L’avocate de l’intimé reconnaît que le traitement du pont et des sièges extérieurs a peu d’incidence sur la détermination du pourcentage selon la méthode de l’appelante. Elle soutient que, puisque le pont et les sièges extérieurs comprennent des endroits où les passagers peuvent s’asseoir, ils devraient être traités de la même façon que les sièges généraux à l’intérieur des navires, c’est-à-dire comme une zone utilisée exclusivement pour effectuer une fourniture exonérée.

[226] Je ne suis pas d’accord.

[227] Le pont extérieur contient un espace où les passagers peuvent aller prendre l’air, ou regarder l’océan ou les ports. M. Hupman indique que la zone extérieure est fermée lorsque les conditions sont défavorables, notamment lorsque la mer est houleuse, qu’il neige ou qu’il y a de la glace.

[228] Le pont extérieur comprend des bancs où les passagers peuvent s’asseoir. M. Hupman note que ces bancs n’ont pas été pris en compte dans la détermination de la capacité en passagers des navires. Il explique que l’un des éléments utilisés pour déterminer la capacité en passagers est le nombre de sièges disponibles. Ce calcul n’est fondé que sur le nombre de sièges intérieurs; les bancs extérieurs ne sont pas inclus.

[229] L’appelante fournit à la Cour des photographies montrant les sièges extérieurs et intérieurs[41]. Ces photographies montrent que les sièges extérieurs sont en plastique. Ce ne sont pas des sièges rembourrés, contrairement aux sièges généraux situés à l’intérieur. Les sièges généraux et les sièges de jour et de nuit sont des sièges confortables semblables aux sièges d’un avion ou d’un train. Les sièges extérieurs sont semblables aux bancs d’un parc extérieur.

[230] À mon avis, le pont extérieur, qui comprend l’espace où se trouvent les bancs, fait partie de l’infrastructure des navires au même titre que les couloirs intérieurs; cette zone doit donc, comme l’admet l’intimé, être considérée comme une zone commune.

Carburant

[231] Les moteurs principaux, les moteurs auxiliaires et les chaudières des navires consomment du carburant. Les moteurs principaux fonctionnent lorsque les navires se déplacent. Ils servent à propulser les navires et à produire de l’électricité, de la chaleur et de l’eau chaude. Les moteurs principaux ne fonctionnent pas lorsque les navires sont amarrés au quai. Les moteurs auxiliaires ne fonctionnent que lorsque les navires sont amarrés. Ils ne servent pas à propulser les navires. Lorsque les navires se déplacent entre les terminaux, les moteurs auxiliaires sont éteints.

[232] Les témoins de l’appelante affirment que les activités taxables ont une incidence importante sur la consommation de carburant sur les navires parce qu’elles consomment de l’électricité et de l’eau chaude et nécessitent de chauffer et de refroidir les zones utilisées pour effectuer les fournitures taxables. En outre, il a été nécessaire d’augmenter la taille du moteur principal des navires pour prendre en charge le poids supplémentaire attribuable à l’espace et à l’équipement requis pour effectuer les fournitures taxables.

[233] Lorsque les navires se déplacent, les moteurs principaux produisent l’électricité qui y est consommée en faisant tourner des alternateurs attelés. Les moteurs auxiliaires produisent de l’électricité lorsque les navires sont amarrés. Des générateurs d’urgence produisent également de l’électricité, mais ils sont rarement utilisés.

[234] L’électricité est utilisée dans les diverses zones des navires pour alimenter des appareils d’éclairage, des machines, des climatiseurs et d’autres appareils. Comme l’électricité est générée par les moteurs principaux et les moteurs auxiliaires, la production d’électricité consomme du carburant.

[235] Les moteurs principaux génèrent aussi la chaleur utilisée pour chauffer les navires pendant qu’ils se déplacent. M. Hupman explique que lorsque les moteurs principaux fonctionnent, ils produisent beaucoup d’air chaud. Les navires disposent d’un système d’échappement doté de dispositifs de captage de l’air chaud appelés « économiseurs ». L’air chaud capté est redistribué partout dans les navires.

[236] Les chaudières à combustibles sont la deuxième source de chaleur des navires. Elles servent à chauffer les navires lorsqu’ils sont amarrés et que les moteurs principaux sont éteints.

[237] Les moteurs principaux fournissent l’eau chaude utilisée par les navires lorsqu’ils se déplacent. En plus de capter l’air chaud, le réseau d’économiseurs capte l’eau chaude. Lorsque les navires sont amarrés, l’eau chaude est fournie par les chaudières à combustibles.

[238] Il ressort clairement des éléments de preuve dont je dispose que les activités réalisées sur les navires pour effectuer les fournitures taxables consomment beaucoup d’électricité, de chaleur et d’eau chaude.

[239] Les quelque cent cabines passagers des navires consomment beaucoup d’électricité, de chaleur et d’eau chaude. Les cabines sont essentiellement des chambres d’hôtel et consomment l’électricité nécessaire pour alimenter les lumières, les téléviseurs, les climatiseurs, les petits appareils et tous les autres appareils électriques que les passagers utilisent ou rechargent dans leur chambre. Chaque cabine passager a sa propre salle de bain avec douche, qui consomme beaucoup d’eau chaude. Chaque cabine est également dotée de son propre système de CVCA, qui permet à l’occupant de contrôler le chauffage et la climatisation.

[240] M. Hupman témoigne que la moitié de l’équipage d’un navire travaille directement dans les zones où sont effectuées les fournitures taxables. Tous les membres d’équipage sont hébergés dans des cabines.

[241] Il indique que les cabines d’équipage sont comparables aux cabines des passagers et font peser la même charge sur les systèmes des navires, particulièrement en ce qui concerne la consommation d’électricité, de chaleur et d’eau chaude. Toutefois, comme les cabines des membres d’équipage sont leur second chez-soi, elles contiennent quelques commodités supplémentaires, notamment des mini-réfrigérateurs et un plus grand nombre de prises électriques pour permettre l’utilisation de divers appareils. Par conséquent, les cabines d’équipage consomment plus d’électricité que les cabines passagers.

[242] Les fournitures taxables effectuées par les différents services de traiteur consomment également beaucoup d’électricité, de chaleur et d’eau chaude. M. Hupman témoigne que les systèmes de CVCA ont été conçus pour répondre aux besoins des services de traiteur.

[243] Les fournitures des services de traiteur sont effectuées dans les salles à manger, cafétérias, bars et casse-croûtes des navires, qui servent à boire et à manger à quelque 600 à 700 passagers pendant les six à huit heures de traversée entre Port aux Basques et North Sydney, et les 16 heures de traversée entre Argentia et North Sydney. Toutes les zones où les passagers consomment de la nourriture et des boissons sont chauffées et climatisées.

[244] La cuisine sert les salles à manger et les autres zones où la consommation de nourriture et de boissons est permise.

[245] M. Hupman indique que la cuisine consomme beaucoup d’électricité : tout l’équipement de cuisine fonctionne à l’électricité, et les fours et réchauds sont particulièrement énergivores. La cuisine consomme également beaucoup d’eau chaude. En outre, la cuisine devient très chaude en été et consomme donc une quantité considérable de l’air froid produit par les climatiseurs.

[246] Il ajoute que les services de traiteur nécessitent beaucoup d’espace de rangement, y compris des entrepôts frigorifiques, des congélateurs et des réfrigérateurs pour les aliments. Tous ces appareils consomment de l’électricité et, à l’exception des congélateurs et des refroidisseurs, du chauffage.

[247] M. Hupman note que le chauffage et la climatisation sont distribués partout dans les navires, tout comme l’éclairage. Autrement dit, le carburant est utilisé pour produire l’air chaud, l’air froid et l’éclairage consommés dans les autres zones des navires qui servent exclusivement à effectuer des fournitures taxables, comme les sièges réservés, les magasins de détail, les chenils et les arcades.

[248] De même, la chaleur et l’électricité produites par les moteurs sont consommées dans toutes les zones communes des navires. Ces zones soutiennent la réalisation de fournitures taxables et exonérées.

[249] En résumé, le carburant est consommé par les moteurs principaux et auxiliaires pour produire de la chaleur, de l’électricité et de l’eau chaude, qui sont consommés ou utilisés directement ou indirectement pour effectuer des fournitures taxables. Le lien entre les fournitures taxables et la consommation d’électricité est indéniable.

[250] Vu l’espace nécessaire à leur réalisation, les activités taxables ont également une incidence sur la consommation de carburant. M. Hupman donne l’explication suivante :

[traduction]

Plus le bateau est petit, plus son moteur est petit, et moins il consomme de carburant. Pour réaliser des activités taxables et fournir des services taxables, il faut beaucoup plus d’espace, donc d’un navire beaucoup plus grand et lourd. Cela nécessite un moteur plus grand, qui consomme plus de carburant. Il y a donc un lien direct entre le coût du carburant et le coût de réalisation des activités taxables à bord[42].

[251] Les éléments de preuve dont dispose la Cour vont dans ce sens. La consommation importante d’électricité, de chaleur et d’eau chaude par les cabines, les restaurants, les cuisines et les arcades entraîne une augmentation de la taille des moteurs du navire, ce qui l’alourdit.

[252] M. Hupman souligne que les cabines occupent beaucoup d’espace, espace qu’il faut éclairer, chauffer et refroidir. Habituellement, les cabines sont occupées par deux ou trois personnes. Un espace équivalent dans la zone des sièges généraux peut accueillir de 40 à 50 personnes. En outre, comme l’explique M. Hupman, les cabines alourdissent substantiellement les navires. Le poids additionnel était un facteur important dans l’aménagement. Il explique que plus les cabines ajoutent du poids, plus les systèmes, y compris les moteurs, doivent être gros pour alimenter les cabines en ressources tout en propulsant les navires.

[253] Les services de traiteur alourdissent aussi beaucoup les navires. Outre l’importante superficie occupée par les salles à manger et la cuisine, les services de traiteur utilisent de grands espaces de stockage. Cela comprend les zones occupées par l’entrepôt frigorifique, les congélateurs et les réfrigérateurs, et les entrepôts de vrac.

[254] M. Hupman indique qu’il est impossible de mesurer directement la quantité de carburant consommée pour effectuer les fournitures taxables et celle consommée pour effectuer les fournitures exonérées. Lorsqu’on lui demande si [traduction] « il est possible de mesurer […] la consommation de carburant qui résulte des activités taxables effectuées sur le navire », M. Hupman répond ce qui suit :

[traduction]

Non, ce n’est pas possible. Il n’est pas possible de faire une ventilation et de mesurer individuellement les parties attribuables aux différentes activités taxables. Vous avez un ou deux moteurs qui alimentent une multitude de points en énergie. Et en l’espèce, les moteurs principaux propulsent aussi les navires. Il n’y a donc aucun moyen de déterminer ce qui va à un point donné. Ce n’est pas possible.

Si vous avez besoin de chaleur ou d’électricité, vous allumez le moteur et le moteur brûle du carburant. Et même si le navire est immobile, du carburant est consommé. Il faut quand même que le moteur fonctionne pour que le service puisse être fourni. C’est donc… Non, il n’y a aucun moyen de calculer ça[43].

[255] J’accepte le témoignage de M. Hupman sur ce point. M. Leamon et lui sont tous deux cohérents sur ce point, y compris lorsque leurs témoignages sont vérifiés en contre-interrogatoire.

[256] Étant donné qu’il est impossible de mesurer directement la quantité de carburant consommée pour effectuer des fournitures taxables ou exonérées, l’appelante doit utiliser une méthode d’attribution.

[257] L’appelante estime que, puisque les moteurs principaux des navires servent à propulser les navires et à produire de l’électricité, de la chaleur et de l’eau chaude, ils sont utilisés dans le cadre d’activités taxables et exonérées. Par conséquent, le carburant consommé par les moteurs principaux est acquis, en partie, pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de l’appelante. L’appelante soutient également que le carburant consommé par les moteurs auxiliaires est aussi acquis, en partie, pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales, car ce sont les moteurs auxiliaires qui produisent l’électricité, la chaleur et l’eau chaude lorsque les navires sont amarrés.

[258] L’appelante soutient que le coût du carburant doit être traité de la même façon que les autres coûts directs et indirects qu’elle supporte : il doit être attribué aux fournitures taxables selon la méthode de l’appelante.

[259] À l’instar de sa position sur d’autres questions, la position de l’intimé concernant le carburant change au fil du temps.

[260] Comme il est indiqué ci-dessus, lorsqu’il a établi les cotisations de l’appelante pour les périodes de déclaration visées par le premier appel, le ministre a accordé des crédits de taxe sur les intrants équivalant à 12,456 % et à 13,76 % de la TVH que l’appelante a payée sur le carburant acheté pour utilisation dans les moteurs auxiliaires des navires au cours de ses périodes de déclaration se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2009, et entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010, respectivement. Il n’a accordé aucun crédit de taxe sur les intrants pour la TVH payée sur le carburant acheté au cours de ces périodes pour utilisation dans les moteurs principaux des navires.

[261] Il n’a accordé aucun crédit de taxe sur les intrants pour la TVH payée sur le carburant que l’appelante a acquis au cours des périodes visées par le deuxième appel.

[262] L’intimé soutient maintenant que le ministre a commis une erreur et n’aurait pas dû accorder de crédits de taxe sur les intrants pour le carburant acheté par l’appelante. Il soutient que tout le carburant consommé et utilisé par l’appelante constitue un coût direct de sa fourniture exonérée du service de transport par traversier et lui est attribuable. Selon l’intimé, le carburant n’a pas contribué aux activités commerciales de l’appelante[44].

[263] L’intimé invoque les arguments supplémentaires suivants à l’appui de sa position actuelle selon laquelle l’appelante n’a pas le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants pour la TVH qu’elle a payée à l’acquisition du carburant :

  • -Il soutient que, si le pourcentage déterminé à l’aide de la méthode de l’appelante est inférieur à 10 %, l’appelante ne peut pas demander de crédits de taxe sur les intrants pour quelque intrant que ce soit, y compris le carburant.

  • -Toutefois, il soutient que si le pourcentage déterminé à l’aide de la méthode de l’appelante dépasse 9 %, il ne devrait pas être appliqué au carburant. Les crédits de taxe sur les intrants pour la TVH payée à l’acquisition du carburant devraient être calculés séparément des crédits de taxe sur les intrants pour toutes les autres dépenses indirectes. Il soutient que, quel que soit le pourcentage déterminé à l’aide de la méthode de l’appelante, cette dernière n’a pas le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants pour la TVH qu’elle a payée à l’acquisition du carburant.

  • -Il soutient également que l’appelante n’a présenté aucun élément de preuve réfutant l’hypothèse du ministre selon laquelle plus de 90 % du carburant consommé par les moteurs des navires de l’appelante sert à la réalisation de fournitures exonérées. Par conséquent, en application du paragraphe 141(3), tout le carburant utilisé sur les navires est réputé servir à la réalisation de fournitures exonérées. Dans le cadre de cet argument, l’intimé tient l’appelante responsable des hypothèses erronées concernant sa consommation de carburant formulées par l’ARC.

  • -Il soutient également que le principe de la courtoisie judiciaire devrait s’appliquer, puisque la même question concernant les crédits de taxe sur le carburant a été tranchée dans la décision B.C. Ferry.

[264] Il ressort clairement des éléments de preuve dont dispose la Cour que, contrairement à la position de l’intimé, l’appelante a utilisé le carburant directement et indirectement pour effectuer des fournitures taxables et exonérées. La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve étayant la position de l’intimé selon laquelle le carburant n’a été utilisé que pour effectuer des fournitures exonérées.

[265] Étant donné qu’il est impossible de déterminer la quantité exacte de carburant consommée par les moteurs pour propulser les navires et la quantité consommée pour produire de l’électricité, de la chaleur et de l’eau chaude, une méthode d’attribution doit être utilisée pour effectuer cette détermination.

[266] Comme je conclus que la méthode de l’appelante est une méthode juste et raisonnable pour attribuer les coûts directs et indirects aux fournitures taxables et aux fournitures exonérées, je ne vois aucune raison de ne pas l’utiliser pour tous les coûts supportés par l’appelante, y compris le coût du carburant.

[267] Les éléments de preuve dont je dispose montrent que, comme les moteurs principaux et auxiliaires des navires produisent de l’électricité, de la chaleur et de l’eau chaude, et comme les activités taxables ont entraîné l’augmentation de la taille des navires et de leurs moteurs, la réalisation des fournitures taxables sur les navires consomme une quantité importante de carburant, lequel constitue un coût indirect de ces fournitures.

[268] Plus précisément, le carburant est utilisé pour produire l’électricité, la chaleur et l’eau chaude consommées dans les zones des navires utilisées pour effectuer des fournitures taxables. Ces zones sont utilisées par 600 à 700 passagers pendant les six à huit heures de traversée (16 heures pour la traversée saisonnière entre North Sydney et Argentia). Les passagers utilisent l’électricité, la chaleur et l’eau chaude directement et indirectement lorsqu’ils utilisent les sièges, passent du temps dans leur cabine, mangent et prennent une douche.

[269] Il n’y a pas de méthode d’attribution parfaite permettant de déterminer la quantité de carburant consommée comme intrant indirect dans la réalisation des fournitures taxables. Les éléments de preuve montrent qu’il est impossible de mesurer séparément le carburant consommé par les moteurs pour propulser les navires et celui consommé pour produire l’électricité, la chaleur et l’eau chaude. Les coûts indirects sont souvent difficiles à mesurer séparément. C’est pourquoi la plupart des inscrits à la TPS doivent élaborer une méthode d’attribution.

[270] Comme il est mentionné ci-dessus, la méthode d’attribution de l’appelante, fondée sur l’utilisation des diverses zones des navires, est une méthode juste et raisonnable pour estimer l’utilisation faite des divers intrants consommés ou utilisés par l’appelante au cours des périodes en cause. L’appelante a choisi d’utiliser cette méthode pour les coûts directs et indirects. Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas être utilisée pour le carburant, qui est un intrant indirect important pour la réalisation des fournitures taxables, d’autant plus que les éléments de preuve indiquent qu’il existe une corrélation directe entre les zones des navires utilisées pour effectuer des fournitures taxables et la quantité de carburant consommée pour produire de l’électricité, de la chaleur et de l’eau chaude.

[271] L’intimé ne présente aucun élément de preuve réfutant ceux de l’appelante. Il s’appuie uniquement sur les hypothèses formulées dans ses réponses, lesquelles ont été démolies par l’appelante, son contre-interrogatoire des témoins de l’appelante et une vérification de la taxe d’accise effectuée quatre ans avant les périodes en cause. Je traite de chacun de ces points ci-dessus.

[272] L’avocate de l’intimé avance qu’un expert pourrait être en mesure de déterminer la quantité exacte de carburant consommée par les moteurs pour propulser les navires et la quantité exacte consommée pour produire de l’électricité, de la chaleur et de l’eau chaude. Retenir les services d’un expert pour vérifier ce qui n’est qu’une supposition entraînerait des coûts substantiels pour l’appelante. À mon avis, si l’intimé considère qu’un expert est en mesure d’effectuer cette détermination, il aurait dû retenir ses services et déposer son rapport auprès de la Cour.

[273] L’argument de l’intimé voulant que l’appelante ne puisse pas demander de crédits de taxe sur les intrants pour quelque intrant que ce soit, y compris le carburant, si le pourcentage qu’il détermine est inférieur à 10 % est théorique, puisque le pourcentage est supérieur à 10 %.

[274] En outre, son argument voulant qu’un pourcentage de 10 % ou plus ne s’applique pas au carburant est contraire à l’alinéa 141.01(5)b), car il ferait en sorte que la méthode n’est pas utilisée de façon uniforme. La méthode de l’appelante ne serait appliquée que si elle produisait le résultat souhaité par l’intimé, à défaut de quoi une autre méthode serait utilisée.

[275] Je ne sais pas quelle méthode d’attribution l’intimé propose d’utiliser si le carburant est traité séparément de tous les autres coûts directs ou indirects. L’intimé n’a déposé aucun élément de preuve auprès de la Cour concernant une autre méthode d’attribution pour le carburant; il se contente de tenir pour acquis qu’aucun crédit de taxe sur les intrants ne peut être accordé pour la TVH payée sur les achats de carburant. Quoi qu’il en soit, la loi indique clairement que l’ARC ne peut pas simplement substituer sa méthode à celle de l’appelante. L’appelante a le droit d’utiliser toute méthode qui est juste et raisonnable, à condition qu’elle soit conforme aux dispositions de la Loi. J’ai déjà conclu que la méthode de l’appelante est juste, raisonnable et conforme à la Loi.

[276] Je ne souscris pas à l’argument de l’avocate de l’intimé selon lequel l’appelante n’a présenté aucun élément de preuve réfutant l’hypothèse du ministre voulant que plus de 90 % du carburant consommé par les moteurs des navires de l’appelante serve à la réalisation de fournitures exonérées. À mon avis, les éléments de preuve de l’appelante démontent cette hypothèse.

[277] En effet, je conclus, à la lumière des éléments de preuve dont je dispose, que moins de 90 % du carburant est consommé par les moteurs des navires de l’appelante pour effectuer des fournitures exonérées.

[278] La réponse du premier appel énonce, aux paragraphes 19ll) à ww), douze hypothèses concernant le carburant formulées par le ministre lorsqu’il a déterminé la taxe nette de l’appelante. Quatre de ces hypothèses renvoient aux pourcentages de 12,456 % et de 13,76 % utilisés pour déterminer les crédits de taxe sur les intrants pour la TVH payée sur le carburant consommé par les moteurs auxiliaires. Les huit autres hypothèses concernent le refus du ministre d’accorder des crédits de taxe sur les intrants pour la TVH payée sur le carburant consommé par les moteurs principaux. Ces hypothèses sont les suivantes :

[traduction]

ll) les navires sont tous dotés d’un générateur auxiliaire distinct servant à produire de la chaleur et de l’électricité et à faire fonctionner les navires;

mm) les générateurs auxiliaires fonctionnent séparément des moteurs principaux utilisés pour propulser les navires;

nn) les moteurs principaux des navires consomment et utilisent un carburant différent de celui utilisé par les générateurs auxiliaires;

[…]

ss) le carburant consommé pour la propulsion des navires est directement lié au service exonéré de traversier pour le transport de véhicules et de passagers;

tt) moins de 10 % du carburant consommé et utilisé par les moteurs principaux l’est pour la fourniture de services taxables;

uu) plus de 90 % du carburant consommé et utilisé par les moteurs principaux l’est pour la fourniture de services exonérés;

vv) il n’est pas juste et raisonnable de ne pas retirer la taxe sur le carburant consommé et utilisé par les moteurs principaux de l’assiette fiscale avant d’appliquer le ratio d’attribution indirecte pour calculer les [crédits de taxe sur les intrants] indirects;

ww) il est juste et raisonnable de retirer la taxe sur le carburant consommé et utilisé par les moteurs principaux de l’assiette fiscale avant d’appliquer le ratio d’attribution indirecte pour calculer les [crédits de taxe sur les intrants] indirects.

[279] Les huit mêmes hypothèses ont été formulées dans la réponse du deuxième appel, mais les mots [traduction] « utilisé par les moteurs principaux » aux paragraphes tt) et uu) ont été remplacés par [traduction] « utilisé par les navires », et [traduction] « consommé et utilisé par les moteurs principaux » aux paragraphes vv) et ww) ont été supprimés. Par conséquent, ces hypothèses s’appliquent aux moteurs principaux et aux moteurs auxiliaires, ce qui signifie que, pour les périodes visées par le deuxième appel, le ministre a établi les cotisations sur la base du fait qu’aucun crédit de taxe sur les intrants ne pouvait être accordé pour le carburant, qu’il ait été consommé par les moteurs principaux ou par les moteurs auxiliaires.

[280] Tout d’abord, je souligne que les hypothèses vv) et ww) ne sont pas des hypothèses de fait; ce sont des hypothèses mixtes de fait et de droit, qui sont en fait des arguments.

[281] Les hypothèses ll) et mm) indiquent que les moteurs principaux ne servent qu’à propulser les navires et que les moteurs auxiliaires servent à produire de l’électricité de la chaleur, et à [traduction] « faire fonctionner les navires ». Les éléments de preuve de l’appelante démontent ces hypothèses.

[282] Comme il est expliqué plus haut, les moteurs principaux propulsent les navires et génèrent de l’électricité et de la chaleur. Ils produisent également de l’eau chaude. Les moteurs auxiliaires ne sont pas utilisés lorsque les moteurs principaux sont en fonction; ils ne sont utilisés que lorsque les navires sont amarrés.

[283] L’hypothèse du ministre selon laquelle plus de 90 % du carburant consommé et utilisé par les moteurs principaux l’est pour la réalisation de fournitures exonérées est une conclusion de fait fondée sur les hypothèses fausses selon lesquelles les moteurs principaux ne servent qu’à propulser les navires et les moteurs auxiliaires produisent l’électricité et la chaleur lorsque les navires se déplacent. À mon avis, en démontant les hypothèses selon lesquelles les moteurs principaux ne servent qu’à propulser les navires et l’électricité et la chaleur sont fournies par les moteurs auxiliaires, l’appelante démonte également la conclusion de fait fondée sur ces hypothèses selon laquelle plus de 90 % du carburant consommé et utilisé par les moteurs principaux l’est pour la réalisation de fournitures exonérées.

[284] Je conclus aussi que les éléments de preuve factuels de l’appelante au sujet de la consommation d’électricité, de chaleur et d’eau chaude sur les navires démontent également l’hypothèse de fait du ministre.

[285] L’intimé discute longuement du fondement de l’hypothèse erronée du ministre selon laquelle les moteurs principaux des navires consomment et utilisent un autre carburant que les générateurs auxiliaires. Je ne vois pas comment le type de carburant utilisé dans les moteurs est utile pour déterminer l’utilisation faite des moteurs principaux et des moteurs auxiliaires. Cette question ne me semble plus pertinente vu que l’hypothèse de l’intimé selon laquelle les moteurs auxiliaires fournissent toute l’électricité, la chaleur et l’eau chaude a été démontée par l’appelante.

[286] En ce qui concerne la question de la courtoisie judiciaire, je souligne d’abord que ce principe ne s’applique qu’aux questions de droit. La mesure dans laquelle l’appelante a acquis le carburant pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales est une question de fait. Les faits en cause dans l’affaire B.C. Ferry sont sensiblement différents de ceux en l’espèce. En outre, dans l’affaire B.C. Ferry, l’appelante fait deux admissions sur lesquelles la juge Campbell se fonde pour déterminer que l’appelante n’a droit à aucun crédit de taxe sur les intrants liés au carburant. Premièrement, il est admis dans l’exposé conjoint des faits déposé dans le cadre de l’appel que le carburant a été presque en totalité consommé pour la propulsion. Deuxièmement, l’appelante admet qu’elle est incapable de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que plus de 10 % du carburant a été consommé directement pour les activités commerciales du navire.

[287] L’appelante ne fait aucune admission du genre en l’espèce. Au contraire, les témoins de l’appelante expliquent en détail pourquoi ils estiment que plus de 10 % du carburant a été consommé directement ou indirectement dans la réalisation des activités commerciales des navires.

[288] J’ai également examiné les éléments de preuve présentés par M. Leamon au sujet des remboursements de la taxe d’accise de l’appelante. À mon avis, la méthode utilisée par l’appelante pour calculer les remboursements de la taxe d’accise payée sur le carburant n’est pas pertinente pour déterminer la taxe nette de l’appelante selon la Loi. En outre, le témoignage de M. Leamon au sujet des remboursements de la taxe sur le carburant ne contredit nullement son témoignage ou celui de M. Hupman au sujet de la consommation ou de l’utilisation de carburant par l’appelante dans le cadre de ses activités commerciales.

Autres admissions

[289] Juste avant l’audience de février 2023, les parties font chacune une admission dans une lettre datée du 24 février 2023 adressée à la Cour et signée par les deux parties.

[290] L’intimé informe la Cour qu’il n’entend plus défendre l’argument soulevé dans ses observations écrites selon lequel les demandes révisées de crédits de taxe sur les intrants de l’appelante sont prescrites.

[291] L’appelante informe la Cour qu’elle n’entend plus défendre l’argument selon lequel une prescription interdit au ministre de modifier le remboursement pour organismes de services publics en application de l’article 259 auquel elle a droit si la Cour lui accorde les crédits de taxe sur les intrants demandés.

Conclusion

[292] Pour les motifs susmentionnés, les appels sont accueillis, avec dépens. Les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations tenant compte du fait que, pour chaque période de déclaration se terminant entre le 1er janvier 2006 et le 31 mars 2011, les crédits de taxe sur les intrants auxquels a droit l’appelante seront déterminés en appliquant le pourcentage final de l’appelante de 24,52 % au montant total de la TVH qui a été payé ou qui devait être payé par l’appelante pour chacune de ces périodes, et du fait que, pour chaque période de déclaration se terminant entre le 1er avril 2011 et le 31 janvier 2012, les crédits de taxe sur les intrants auxquels a droit l’appelante seront déterminés en appliquant le pourcentage final de l’appelante de 18,11 % au montant total de la TVH qui a été payé ou qui devait être payé par l’appelante pour chacune de ces périodes. Ces crédits de taxe sur les intrants serviront à calculer la taxe nette de l’appelante pour chacune des périodes en cause et le remboursement pour organismes de services publics en application de l’article 259 de la Loi auquel elle a droit.

[293] Les parties disposent de 60 jours à compter de la date du présent jugement pour présenter des observations écrites sur le montant des dépens que la Cour devrait adjuger à l’appelante. Les observations écrites ne doivent pas excéder 15 pages. Si aucune observation n’est déposée, les dépens seront adjugés à l’appelante conformément au tarif.

Signé à Antigonish (Nouvelle-Écosse), ce 10e jour de juillet 2023.

« S. D’Arcy »

Le juge D’Arcy

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de novembre 2025.

Sébastien D’Auteuil


Annexe A

University of Calgary c. La Reine, 2015 CCI 321

Paragraphes 94 à 109 (y compris les notes en bas de page)

[94] L’application du paragraphe 169(1) à la taxe payée pour les biens ou les services acquis par un inscrit pour son entreprise pour consommation ou utilisation directe lors d’une fourniture donnée est relativement simple. Par exemple, si l’inscrit acquiert le bien ou le service uniquement aux fins de consommation ou d’utilisation directe lors d’une fourniture taxable, alors le bien est consommé ou utilisé dans le cadre de l’activité commerciale de l’inscrit et l’inscrit a le droit de demander la totalité du crédit de taxe sur les intrants relativement à la taxe payée lors de l’acquisition du bien ou du service. En revanche, aucun crédit de taxe sur les intrants ne peut être demandé si l’inscrit acquiert le bien ou le service uniquement afin de le consommer ou de l’utiliser directement pour effectuer des fournitures exonérées.

[95] L’application du paragraphe 169(1) aux « coûts indirects », soit ceux liés aux biens ou aux services qui ne sont pas utilisés directement pour effectuer une fourniture taxable ou une fourniture exonérée, n’est pas aussi simple. Pour trancher une telle question, il faut tenir compte des règles sur la répartition des crédits de taxe sur les intrants à l’article 141.01.

[96] Les coûts indirects comprennent notamment les frais administratifs, les frais généraux et les frais à l’égard des aires communes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’un édifice. Par exemple, dans la plupart des cas, le service de la paie d’une société qui réalise à la fois des fournitures taxables et des fournitures exonérées ne participera pas directement à la réalisation de fournitures par cette société.

[97] Les dépenses du service de la paie sont engagées dans le cadre de l’entreprise de l’inscrit. La totalité de l’entreprise de l’inscrit constitue son activité commerciale, sauf pour les activités de l’entreprise qui ont trait à la réalisation de fournitures exonérées. On peut soutenir que puisque le service de la paie ne participe pas directement à la réalisation de fournitures exonérées, il ne fait pas partie des activités de l’entreprise de l’inscrit qui consistent à effectuer les fournitures exonérées. S’il fallait accepter cet argument, alors toutes les activités du service de la paie seraient considérées comme ayant été exercées dans le cadre de l’activité commerciale de l’inscrit. Une telle interprétation permettrait à un inscrit qui réalise à la fois des fournitures taxables et des fournitures exonérées de demander la totalité des crédits de taxe sur les intrants pour compenser les coûts indirects comme ceux engagés par son service de la paie.

[98] Le législateur a abordé cette question par l’ajout de l’article 141.01 en 1994, avec entrée en vigueur rétroactive à l’introduction de la TPS. Les paragraphes 141.01(2) et 141.01(3) précisent qu’au moment d’établir les crédits de taxe sur les intrants pour un inscrit qui se livre à la fois à des activités taxables et à des activités exonérées, il convient d’affecter tous les coûts de l’inscrit à la réalisation de fournitures.

[99] Le paragraphe 141.01(2) énonce une règle déterminative qui s’applique à l’acquisition d’un bien ou d’un service59. Le paragraphe est libellé comme suit :

La personne qui acquiert ou importe un bien ou un service, ou le transfère dans une province participante, pour consommation ou utilisation dans le cadre de son initiative est réputée, pour l’application de la présente partie, l’acquérir, l’importer ou le transférer dans la province, selon le cas, pour consommation ou utilisation :

a) dans le cadre de ses activités commerciales, dans la mesure où elle l’acquiert, l’importe ou le transfère dans la province afin d’effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable dans le cadre de l’initiative;

b) hors du cadre de ses activités commerciales, dans la mesure où elle l’acquiert, l’importe ou le transfère dans la province :

(i) afin d’effectuer, dans le cadre de l’initiative, une fourniture autre qu’une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie,

(ii) à une fin autre que celle d’effectuer une fourniture dans le cadre de l’initiative.

[100] Le paragraphe 141.01(1) définit le terme « initiatives » comme signifiant les entreprises d’une personne, ses projets à risque et ses affaires de caractère commercial, et la réalisation de fournitures d’immeubles lui appartenant.

[101] Par exemple, les initiatives d’une personne exploitant une seule entreprise englobent toutes les activités de l’entreprise, y compris la réalisation de fournitures taxables et la réalisation de fournitures exonérées.

[102] Le paragraphe 141.01(2) s’applique à un bien ou à un service acquis60 par la personne pour consommation ou utilisation dans le cadre de son entreprise. Conformément à l’alinéa 141.01(2)a), la personne est réputée, pour les besoins de la Loi, avoir acquis le bien ou le service pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales dans la mesure où elle l’acquiert afin d’effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable dans le cadre de l’initiative.

[103] En revanche, en vertu du sous‑alinéa 141.01(2)b)(i), la personne est réputée avoir acquis le bien ou le service pour consommation ou utilisation hors du cadre de ses activités commerciales dans la mesure où elle l’acquiert afin d’effectuer, dans le cadre de son initiative, une fourniture autre qu’une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie. Normalement, cette fourniture serait considérée comme une fourniture exonérée et une fourniture taxable réalisée sans contrepartie ou pour une contrepartie symbolique61.

[104] De plus, en vertu du sous‑alinéa 141.01(2)b)(ii), la personne est réputée avoir acquis le bien ou le service afin de le consommer ou de l’utiliser hors du cadre de ses activités commerciales dans la mesure où elle acquiert le bien ou le service à une fin autre que celle d’effectuer une fourniture dans le cadre de l’initiative. Cette disposition s’applique lorsqu’une personne supporte des dépenses qui ne sont pas liées à l’entreprise de cette personne. D’ordinaire, ces dépenses sont des dépenses personnelles du propriétaire de l’entreprise ou d’une personne liée au propriétaire.

[105] Le paragraphe 141.01(2) vise le but poursuivi par la personne lorsqu’elle acquiert le bien ou le service, c’est‑à‑dire la consommation ou l’utilisation prévue du bien ou du service. Il s’agit notamment d’établir si l’intention était d’utiliser le bien ou le service pour effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie, pour effectuer des fournitures exonérées ou pour réaliser une combinaison de ces fournitures62. La personne n’a le droit de demander un crédit de taxe sur les intrants relativement à la taxe payée pour le bien ou le service que dans la mesure où elle avait l’intention d’utiliser le bien ou le service pour effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie.

[106] À mon avis, si une société engage une dépense dans le cadre de son entreprise (ou de son initiative), alors cette dépense sera toujours engagée dans le but d’effectuer une ou plusieurs fournitures. L’objet de l’entreprise est de tirer un revenu, c.‑à‑d. d’effectuer des fournitures. Par conséquent, le paragraphe 141.01(2) vise à ce que tous les coûts engagés par une personne dans le cadre de son entreprise soient liés à une fourniture donnée ou à plusieurs fournitures à l’égard desquelles ils ont été engagés.

[107] Il s’agit là d’un exercice relativement facile pour les biens ou les services qui peuvent être liés directement à la réalisation d’une fourniture taxable ou d’une fourniture exonérée. Le défi est de lier les coûts indirects aux diverses fournitures connexes.

[108] Mon avis correspond à celui exprimé par le ministère des Finances dans sa note technique de février 1994, laquelle explique de la manière suivante l’objet de l’article 141.01 en ce qui concerne les coûts indirects :

De nombreux biens et services nécessaires à l’exploitation d’une entreprise ne servent pas directement à effectuer une fourniture. Appelons‑les des « intrants indirects ». À titre d’exemple, citons ceux relatifs aux frais généraux et les intrants affectés aux services de « soutien » de l’entreprise, comme ceux du personnel et de la vérification interne. Les fonctions de soutien, notamment celles du personnel, de la gestion et de l’administration d’une entreprise, font partie des mesures prises afin d’effectuer des fournitures, puisque ces fonctions sont exécutées pour que l’entreprise puisse atteindre son objectif ultime qui consiste à effectuer des fournitures. […]

L’ajout de l’article 141.01 vise uniquement à renforcer le principe selon lequel la fin ultime qui consiste à effectuer une fourniture quelconque fait appel à tous les éléments d’une entreprise. En fait, cet article prévoit la répartition de tous les coûts engagés dans la réalisation d’une fourniture. […]

[Non souligné dans l’original.]

[109] Le paragraphe 141.01(3) renferme des règles identiques, sauf qu’il s’applique à la consommation ou à l’utilisation réelle du bien ou du service plutôt qu’à la consommation ou à l’utilisation prévue du bien ou du service au moment de son acquisition. Ce paragraphe est pertinent lorsqu’il est question des dispositions de la Loi qui visent la consommation ou l’utilisation réelle d’un bien ou d’un service au cours d’une période donnée, comme les règles sur le changement d’utilisation à l’article 206.

___________________________

59 Cette règle s’applique aussi à l’importation d’un bien ou d’un service.

60 Ce paragraphe s’applique aussi aux biens ou aux services importés au Canada et aux biens ou aux services transférés dans une province participante.

61 Le paragraphe 141.01(4) prévoit que les biens ou les services acquis dans le but d’effectuer une fourniture taxable sans contrepartie ou pour une contrepartie symbolique peuvent être réputés avoir été acquis en vue d’effectuer une fourniture taxable pour une contrepartie.

62 En plus des fournitures taxables pour une contrepartie et des fournitures exonérées, la personne peut effectuer des fournitures taxables sans contrepartie ou pour une contrepartie symbolique. En règle générale, en vertu du paragraphe 141.04(4), ces fournitures sont considérées soit comme des fournitures taxables pour une contrepartie, soit comme des fournitures exonérées.


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 95

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-1765(GST)G

2015-2123(GST)G

INTITULÉ :

Marine Atlantique S.C.C. c. Sa Majesté le Roi

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATES DE L’AUDIENCE :

Du 27 au 29 septembre 2021

Le 16 décembre 2021

Les 11 et 12 janvier 2022

Le 21 janvier 2022

Le 27 février 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Steven K. D’Arcy

DATE DU JUGEMENT :

Le 10 juillet 2023

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Kimberley Cook

Me Florence Sauve

Me Chris Canning

Avocats de l’intimé :

Me Lynn Burch

Me Spencer Landsiedel

Me Selena Sit

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Kimberley Cook

Me Florence Sauve

Me Chris Canning

Cabinet :

Thorsteinssons LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous‑procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Transcription de l’audience du 16 décembre 2021, p. 99.

[2] R. c. Fliss, 2002 CSC 16, par. 63.

[3] Transcription de l’audience du 29 septembre 2021, p. 539.

[4] Transcription de l’audience du 27 septembre 2021, p. 15.

[5] Transcription de l’audience du 29 septembre 2021, p. 570.

[6] Transcription de l’audience du 29 septembre 2021, p. 573.

[7] 2008 CSC 8, [2008] 1 R.C.S. 157, par. 24.

[8] 3édition (Toronto, LexisNexis Canada Inc., 2016), p. 101 et 102, par. 4.81.

[9] Voir aussi Good Spirit School Division No. 204 v. Christ the Teacher Roman Catholic Separate School Division No. 212, 2016 SKQB 148, par. 16, et Mitchell v. Pytel, 2021 ABQB 403, par. 12 à 19.

[10] 2011 CCI 550.

[11] Voir Carcone, par. 54 à 60.

[12] L’Atlantic Freighter est beaucoup plus petit que les autres navires et sert uniquement au transport de véhicules commerciaux

[13] ECPF, par. 6.

[14] Voir l’onglet 25 du volume 2 du recueil conjoint des documents, p. 56.

[15] Transcription de l’audience du 27 septembre 2021, p. 30.

[16] Les revenus pour l’exercice clos le 31 mars 2007 sont sensiblement inférieurs parce que l’exercice était plus court. L’appelante a modifié la date de clôture de son exercice en 2007, de sorte que l‘exercice clos le 31 mars 2007 n’a duré que trois mois. Voir la transcription de l’audience du 28 septembre 2021, p. 338.

[17] L’aménagement des navires comporte des espaces vides. Certains servent de ballast afin de stabiliser le navire.

[18] Les machines servent à charger et à décharger les navires.

[19] La section IV peut également s’appliquer à certaines fournitures de biens meubles corporels qui sont assujetties aux règles dites de livraison directe.

[20] Dans son avis d’appel, l’appelante qualifie de taxe provinciale la taxe qu’elle a payée au transfert des nouveaux navires en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador. Je n’ai connaissance d’aucune taxe provinciale qui s’appliquerait dans une telle situation. Comme l’a confirmé l’avocate de l’appelante à l’audience de février 2023, l’appelante désignait en fait la TPS/TVH fédérale sur les nouveaux navires visée à la section IV.1 de la Loi.

[21] 2018 CCI 59.

[22] 2015 CCI 321.

[23] 2015 CCI 37.

[24] Voir, par exemple, British Columbia Ferry Services inc. c. La Reine, 2014 CCI 305 (B.C. Ferry), par. 60, et Bay Ferries Limited c. La Reine, 2004 CCI 663 (Bay Ferries), par. 46.

[25] 2001 CAF 210, par. 17.

[26] Les paragraphes 141(2) et (4) contiennent des règles identiques pour la consommation ou l’utilisation projetée.

[27] Transcription de l’audience du 28 septembre 2021, p. 340 et 341.

[28] L’onglet 2 de la pièce A-1 utilise les termes « Common » (« zone commune » en français) et « Common Excluded » (« zone commune exclue » en français). Les « zones communes exclues » s’entendent des zones qui n’ont pas été mesurées lorsque l’appelante a effectué le calcul pour la première fois. Étant donné que les « zones communes exclues » n’étaient pas initialement incluses dans la superficie totale du navire, le calcul demeure le même lorsque ces zones sont incluses dans le total, puis soustraites du total.

[29] Voir la pièce A-1, onglet 2, et l’ECPF, par. 12.

[30] Réponse à l’avis d’appel modifié pour le premier appel, al. s, t et u.

[31] Voir l’ECPF, par. 69, 80 et 91.

[32] Transcription de l’audience du 27 février 2023, p. 17.

[33] Transcription de l’audience du 27 septembre 2021, p. 7.

[34] Transcription de l’audience du 27 février 2023, p. 17 à 19.

[35] Transcription de l’audience du 28 septembre 2021, p. 339.

[36] Voir la pièce A-1, onglet 2.

[37] Transcription de l’audience du 27 février 2023, p. 105.

[38] Transcription de l’audience du 28 septembre 2021, p. 339.

[39] Transcription de l’audience du 28 septembre 2021, p. 360 à 371. M. Leamon note également que la totalité de la TPS/TVH payée sur l’importation des nouveaux navires se rapporte aux navires.

[40] Je reconnais que des biens ou des services peuvent être achetés pour utilisation dans la location de locaux à des concessionnaires, mais je présume que la TVH payée sur ces biens et services est sans importance, vu la taille relativement petite des locaux des concessions.

[41] Voir la pièce A-1, onglet 13, p. 2, 3, 17 et 25 pour les sièges intérieurs. Voir la pièce AR-1, vol. 7, onglet 75, p. 16 et 19, et onglet 77, p. 2 pour les sièges extérieurs.

[42] Transcription de l’audience du 27 septembre 2021, p. 81.

 

[43] Transcription de l’audience du 27 septembre 2021, p. 84.

[44] Observations écrites de l’intimé, par. 227.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.