Dossier : 2015-2318(IT)G
ENTRE :
et
intimé.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
Appels entendus les 30 et 31 mai 2023, à Toronto (Ontario).
Devant : l’honorable juge David E. Spiro.
Comparutions :
JUGEMENT
Les appels des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 de l’appelant sont rejetés, avec dépens calculés selon le tarif B de l’annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).
Signé à Toronto (Ontario), ce 16e jour d’août 2023.
ce 20e jour d’août 2024
Sébastien D’Auteuil, jurilinguiste
Référence : 2023 CCI 121
Date : 20230816
ENTRE :
SAMUEL TWENEBOAH,
appelant,
et
SA MAJESTÉ LE ROI,
intimé.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011, l’appelant a déduit des pertes d’entreprise de 55 728 $ pour 2008, de 37 975 $ pour 2009, de 41 229 $ pour 2010 et de 17 779 $ pour 2011[1]. En établissant la nouvelle cotisation de l’appelant pour ces années, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé de reconnaître les pertes déclarées au motif que l’appelant n’avait aucune source de revenu et, par conséquent, aucune entreprise.
[2] La principale question en litige était de savoir si l’appelant avait une source de revenu pour les deux activités qui ont donné lieu aux pertes d’entreprise déclarées, à savoir son site Web et ses activités de peinture et de nettoyage.
[3] L’autre question en litige découle du fait que la ministre a établi la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2008 de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. L’intimé devait prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant avait fait une présentation erronée des faits lors de la production de sa déclaration pour cette année-là et que la présentation erronée avait été effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire.
[4] L’appelant est titulaire d’un baccalauréat en sciences et est un ingénieur de contrôle de la qualité agréé. Au cours des années en cause, il vivait à Brampton, en Ontario, avec sa femme et quatre de leurs cinq enfants. De 2008 à 2011, il travaillait comme ingénieur de contrôle de la qualité pour divers fournisseurs de l’industrie automobile. Il travaillait de 8 h à 17 h tous les jours de la semaine. En 2008, il faisait la navette entre son travail et Oakville, en Ontario, pendant environ une heure, à l’aller comme au retour. Cela signifiait qu’il partait pour le travail vers 7 heures du matin et qu’il revenait vers 18 heures.
Question en litige no 1 : L’appelant avait-il une « source de revenu » au cours des années d’imposition en cause?
[5] Pour pouvoir déduire une perte d’entreprise dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition en vertu de l’article 9 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), le contribuable doit avoir une source de revenu. Dans l’arrêt Stewart c. Canada, 2002 CSC 46 (Stewart), la Cour suprême du Canada a énoncé les lignes directrices à suivre :
50 Il est manifeste que, pour que l’art. 9 s’applique, le contribuable doit d’abord déterminer s’il a une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien. Comme nous l’avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d’un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d’un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l’existence d’une source :
(i) L’activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit-il d’une démarche personnelle?
(ii) S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?
Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s’il y a ou non une source de revenus; dans le deuxième volet, on qualifie la source d’entreprise ou de bien.
51 Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité. De même, la distinction entre le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240. Il est donc logique de conclure qu’une activité exercée en vue de réaliser un profit, quel que soit le niveau d’activité du contribuable, sera une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien.
52 Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles et, comme nous l’avons vu, il se peut fort bien que telle ait été à l’origine l’intention du juge Dickson lorsqu’il a mentionné l’« expectative raisonnable de profit » dans l’arrêt Moldowan. Vus sous cet angle, les critères énoncés par le juge Dickson représentent une tentative de dresser une liste objective de facteurs permettant de déterminer si l’activité en cause est de nature commerciale ou personnelle. Ces facteurs sont ce que le juge Bowman a qualifié d’« indices de commercialité » ou de « caractéristiques commerciales » : Nichol, précité, par. 13. Ainsi, lorsque la nature de l’entreprise du contribuable comporte des aspects indiquant qu’elle pourrait être considérée comme un passe-temps ou une autre activité personnelle, mais que l’entreprise est exploitée d’une manière suffisamment commerciale, cette entreprise sera considérée comme une source de revenu aux fins d’application de la Loi.
53 Nous soulignons que ce critère de l’existence d’une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l’objet d’une analyse que dans les situations où l’activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. En toute déférence, nous estimons que les tribunaux ont commis une erreur, dans le passé, en appliquant le critère de l’ERP à des activités comme l’exercice du droit et la restauration qui ne comportent aucun aspect personnel de cette nature : voir, par exemple, Landry, précité; Sirois, précité; Engler c. Canada, [1994] A.C.F. no 483 (QL) (1re inst.). Lorsqu’une activité est clairement de nature commerciale, il n’est pas nécessaire d’analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d’un profit. Il existe donc par définition une source de revenu et il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin.
54 Il y a également lieu de souligner que la détermination de l’existence d’une source de revenu n’est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l’arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.
55 Les facteurs objectifs énumérés par le juge Dickson dans Moldowan, précité, p. 486, étaient (1) l’état des profits et pertes pour les années antérieures, (2) la formation du contribuable, (3) la voie sur laquelle il entend s’engager, et (4) la capacité de l’entreprise de réaliser un profit. Comme nous le concluons plus loin, il n’est pas nécessaire pour les besoins du présent pourvoi d’ajouter d’autres facteurs à cette liste; nous nous abstenons donc de le faire. Nous tenons cependant à réitérer la mise en garde du juge Dickson selon laquelle cette liste ne se veut pas exhaustive et les facteurs diffèrent selon la nature et l’importance de l’entreprise. Nous tenons également à souligner que, même si l’expectative raisonnable de profit constitue un facteur à prendre en considération à ce stade, elle n’est ni le seul facteur, ni un facteur déterminant. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale. Cette détermination ne devrait toutefois pas servir à évaluer après coup le sens des affaires du contribuable. C’est la nature commerciale de son activité qui doit être évaluée, et non son sens des affaires.
[6] Plus récemment, dans l’arrêt Canada c. Paletta, 2022 CAF 86 (Paletta)[2], la Cour d’appel fédérale a statué qu’une activité qui ne comporte aucun aspect personnel doit avoir pour objet la réalisation de profits pour constituer une source de revenu :
[36] Suivant l’arrêt Stewart, dans les cas où l’activité ne comporte pas d’aspect personnel ou récréatif, qu’il semble s’agir d’une activité manifestement commerciale et que la preuve étaye la thèse selon laquelle l’activité en question a pour objet la réalisation de profits, il n’est pas nécessaire pour le tribunal de poursuivre l’analyse pour conclure à l’existence d’une source de revenus tirés d’une entreprise ou d’un bien pour les fins de la Loi. Or, dans les cas où la preuve révèle, comme en l’espèce, que, malgré des airs d’activité commerciale, l’activité en question n’a pas pour objet cette réalisation de profits, l’on ne saurait conclure à l’existence d’une source de revenus tirés d’une entreprise ou d’un bien.
[7] Plus récemment, dans l’arrêt Brown c. Canada, 2022 CAF 200 (Brown), la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’une activité qui ne comporte aucun aspect personnel doit être exercée dans le but de réaliser un profit pour constituer une source de revenu :
[24] Dans l’arrêt Canada c. Paletta, 2022 CAF 86, rien n’indiquait que l’activité en cause comportait un aspect récréatif ou personnel. Notre Cour a confirmé que l’activité devait néanmoins être exercée dans le but de réaliser un profit pour être considérée comme une source de revenu. Il ne fait aucun doute qu’il existe de nombreuses activités qui ne comportent aucun aspect récréatif ou personnel. La personne qui exerce ces activités n’aura une source de revenu que si elle les exerce dans le but de réaliser un profit.
Conclusions de fait concernant les activités de site Web de l’appelant
[8] L’appelant appelle les activités effectuées sur son site Web [traduction] « l’entreprise de commerce électronique »
. L’avocate de l’intimé a demandé ce qui l’avait mené à lancer cette entreprise :
[traduction]
R. Parce que je me rends compte que je souhaite avoir ma propre entreprise. En toute honnêteté, je souhaite avoir ma propre entreprise privée et, compte tenu de mon travail, c’était l’entreprise la plus facile à exploiter après mon travail. Elle me permet de travailler à n’importe quel moment, nuit ou jour, n’importe quand, et je peux répondre n’importe quand. Et si je fais bien les choses, je peux utiliser l’automatisation pour générer des réponses automatiquement. C’était donc ce qui était le plus facile pour moi[3].
[9] Les enfants de l’appelant ont largement participé à la création du site Web, à la saisie des données, à la distribution de dépliants et à la mise en place d’affiches faisant la promotion du site Web. L’un des enfants de l’appelant, Kwasi Tweneboah, a témoigné au sujet de sa propre participation et de celle de ses frères et sœurs à une myriade d’activités liées au site Web.
[10] L’appelant voulait faire du site Web une plateforme où des particuliers pourraient vendre leur maison et leurs articles personnels. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il avait fait pour rentabiliser le site Web, l’appelant a répondu ce qui suit :
a)il a commencé à vendre des produits vitaminés « Forever Living » sur le site en 2011[4];
b)il entend modifier le site Web pour qu’il puisse être affiché dans les médias sociaux et sur les appareils mobiles;
c)il a augmenté sa publicité.
[11] Malgré ses pertes ininterrompues, l’appelant était convaincu que [traduction] « un jour – un jour, l’entreprise serait rentable[5] ». Le motif de l’optimisme de l’appelant demeure inexpliqué, d’autant plus qu’il a déclaré des pertes dans toutes ses déclarations de revenus depuis 1993[6]. L’appelant a fermé son site Web en 2017 sans avoir connu une seule année de rentabilité.
Conclusions de fait concernant les activités de peinture et de nettoyage de l’appelant
[12] L’appelant appelle ses activités de peinture et de nettoyage [traduction] « l’entreprise de nettoyage et de peinture Samtee »
. L’avocate de l’intimé a demandé à l’appelant pourquoi il avait démarré cette entreprise :
[traduction]
Tout a commencé quand je me suis rendu compte que j’avais du temps libre le week-end pour faire quelque chose. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à occuper mon temps libre de cette façon. Et je le faisais avec un ami qui était aussi intéressé[7].
[13] Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il faisait pour rentabiliser ces activités , il a répondu qu’il distribuait des dépliants et qu’il participait à des activités promotionnelles. L’appelant a avoué que ses activités de peinture et de nettoyage n’étaient pas très actives. Quelle que soit leur nature, ces activités ont pris fin en 2010.
Conclusion concernant la « source de revenu »
[14] Je conclus que les deux activités de l’appelant comportaient des aspects personnels. Étant donné que les enfants de l’appelant ont participé activement à la création du site Web, à la saisie des données, à la distribution de dépliants et à la mise en place d’affiches faisant la promotion du site Web, ces activités ont permis à l’appelant et à sa famille de passer du temps ensemble en exerçant une activité commune. En outre, étant donné que l’appelant menait des activités de peinture et de nettoyage pour occuper ses temps libres, ces activités étaient elles aussi personnelles. Rien ne prouvait que l’une ou l’autre activité était menée avec une commercialité suffisante pour constituer une source de revenu.
[15] Or, même si j’avais jugé qu’aucune de ces activités ne comportait d’aspect personnel, j’aurais conclu que ni l’une ni l’autre n’avait été réalisée dans le but de réaliser un profit, comme l’exigent les arrêts Stewart, Paletta et Brown. La question aurait alors été de savoir si le contribuable avait démontré, selon la prépondérance des probabilités, que chaque activité avait été entreprise dans le but de réaliser un profit. À cet égard, les éléments de preuve produits au procès sont déterminants. Comme Brian Arnold l’a fait remarquer :
[traduction]
[…] L’arrêt Stewart établit que le premier volet du critère de la source du revenu consiste à déterminer si l’activité est exercée dans l’intention de réaliser un profit et s’il existe des éléments de preuve étayant cette intention (au par. 54, non souligné dans l’original). L’arrêt Paletta indique que tous les éléments de preuve doivent être pris en considération, car une activité en apparence de nature commerciale peut, en réalité, ne pas être menée dans l’intention de réaliser un profit : « dans les cas où la preuve révèle […] que, malgré des airs d’activité commerciale, l’activité en question n’a pas pour objet cette réalisation de profits, l’on ne saurait conclure à l’existence d’une source de revenus tirés d’une entreprise ou d’un bien » (au par. 36)[8].
[16] En l’espèce, l’appelant n’a présenté aucun élément de preuve concernant la façon dont il entendait rentabiliser l’une ou l’autre des activités. De combien d’annonces immobilières sur le Web aurait-il besoin chaque année pour réaliser des profits? Combien de maisons lui faudrait-il peindre ou nettoyer chaque année pour couvrir ses dépenses? Ces questions fondamentales, entre autres, demeurent sans réponse.
[17] L’absence de réponse aux questions suivantes incite à penser que l’appelant n’a pas exercé ses activités dans le but de réaliser un profit :
Recettes
· Comment a-t-il décidé de facturer ses biens ou services? Demandait-il un tarif horaire ou à la tâche, ou a-t-il employé une autre méthode?
Comment a-t-il déterminé si sa méthode de facturation était appropriée?
Dépenses
· Comment faisait-il le suivi de ses dépenses au cours de l’année? Classait-il et organisait-il ses dépenses? Dans l’affirmative, de quelle façon?
Comment déterminait-il s’il dépensait trop ou pas assez pour chaque catégorie de dépenses?
Comment l’appelant avait-il l’intention de réaliser un profit?
· Quels problèmes financiers a-t-il rencontrés et pourquoi?
· Comment a-t-il déterminé les sources de chaque problème?
· Quelles stratégies a-t-il explorées pour régler chaque problème?
· Laquelle de ces stratégies a-t-il adoptée? Pourquoi?
· La stratégie qu’il a retenue a-t-elle fonctionné? Dans la négative, pourquoi? Qu’a-t-il fait ensuite?
[18] Pour tous ces motifs, je considère que l’appelant n’avait aucune source de revenu provenant de ses activités au cours de ses années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011, de sorte que les pertes déclarées ne sont pas déductibles dans le calcul de son revenu en vertu de l’article 9 de la Loi.
Question no 2 : La nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2008 est-elle frappée de prescription?
[19] La ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2008 de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Selon le sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, la Couronne doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis une fraude, en produisant sa déclaration de revenus de 2008 :
152 (4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenus pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :
a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :
(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,
(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;
[20] Un processus en deux étapes s’applique pour déterminer si la ministre avait le droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Premièrement, l’intimé doit prouver que l’appelant a fait une présentation erronée des faits en produisant sa déclaration de 2008. Deuxièmement, l’intimé doit prouver que la présentation erronée était imputable à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire, ou que l’appelant a commis une fraude en produisant sa déclaration. L’intimé n’a pas allégué l’omission volontaire ou la fraude.
[21] Au cours de la première journée du procès, l’avocate de l’intimé a attiré l’attention de l’appelant sur ses demandes de remboursement de frais afférents à un véhicule à moteur. Dans sa déclaration de revenus pour 2008, l’appelant a prétendu qu’il avait parcouru cette année-là 49 000 kilomètres pour son site Web et 31 000 kilomètres pour ses activités de peinture et de nettoyage.
[22] Étant donné que l’appelant travaillait à temps plein en 2008, il est absurde de prétendre qu’il a parcouru un total de 80 000 kilomètres pour son site Web et ses activités de peinture et de nettoyage la même année. En 2008, l’appelant partait travailler à 7 h et revenait à 18 h tous les jours de la semaine. Il ne fait aucun doute que tenter de faire passer des dépenses principalement liées à une automobile personnelle pour des dépenses d’entreprise constitue une présentation erronée des faits. La seule question est de savoir si cette présentation erronée était imputable à la négligence ou à l’inattention.
[23] Dans l’arrêt Paletta, la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que la « négligence » s’entend d’un manque de diligence raisonnable. La discussion de la Cour sur ce qui constitue une « diligence raisonnable » guide la deuxième étape de l’analyse :
[65] La négligence dont il est question au sous-alinéa 152(4)a)(i) renvoie au manque de diligence raisonnable. Le contribuable s’acquitte de son obligation de diligence raisonnable lorsque, « après un examen réfléchi et attentif de la situation, [il] évalue celle-ci et produit une déclaration selon la méthode qu’en bonne foi il croit appropriée » ou, en d’autres mots, lorsqu’il produit sa déclaration « d’une façon que le contribuable croit véritablement appropriée » (Regina Shoppers Mall Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 183, 90 D.T.C. 6427 (C.F. 1re inst.); conf. par Regina Shoppers Mall Ltd. c. Canada, [1991] A.C.F. no 52 (QL) (C.A.F.) voir également Canada c. Johnson, 2012 CAF 253, [2012] A.C.F. no 1249 (QL)). Les parties souscrivent à ce critère. Notre Cour peut également déduire qu’il y a eu négligence par le défaut du contribuable de vérifier la validité de ses certitudes (Robertson c. Canada, 2016 CAF 303, [2016] A.C.F. no 1338 (QL), par. 5 et 6).
[24] L’intimé a démontré que l’appelant n’a pas évalué de façon réfléchie, délibérée et minutieuse le nombre de kilomètres parcourus en 2008 pour chacune de ses prétendues entreprises. Il a affirmé qu’il tenait un registre du nombre de kilomètres parcourus avec son automobile, mais il ne l’a pas présenté au tribunal le premier jour du procès. Il aurait pu le produire le deuxième jour du procès, mais il a choisi de ne pas le faire. Cela porte fortement à croire que ce registre n’existe pas.
[25] La ministre avait tout à fait raison d’établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2008 de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, puisque l’intimé a démontré que l’appelant a fait une présentation erronée dans sa déclaration de 2008 et que cette présentation erronée était imputable à la négligence ou à l’inattention.
Conclusion
[26] Pour tous ces motifs, les appels des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 de l’appelant seront rejetés, avec dépens calculés selon le tarif B de l’annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).
Signé à Toronto (Ontario), ce 16e jour d’août 2023.
« David E. Spiro »
Le juge Spiro
Traduction certifiée conforme
ce 20e jour d’août 2024
Sébastien D’Auteuil, jurilinguiste
RÉFÉRENCE :
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NO DU DOSSIER DE LA COUR :
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INTITULÉ :
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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DATE DE L’AUDIENCE :
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MOTIFS DU JUGEMENT :
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DATE DU JUGEMENT :
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COMPARUTIONS :
L’appelant lui-même
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Avocate de l’intimé :
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Me Angela Slater
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Pour l’appelant :
Nom :
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Cabinet :
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Pour l’intimé :
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Shalene Curtis-Micallef
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[1] L’appelant a également déclaré une perte nette de commissions de 2 186 $ pour 2011.
[2] La demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été rejetée le 16 mars 2023.
[3] Transcription du 30 mai 2023, page 86, lignes 10 à 17.
[4] Ce stratagème de commercialisation à paliers multiples a entraîné une perte de commissions de 2 186 $ en 2011.
[5] Transcription du 30 mai 2023, page 18, lignes 9 et 10.
[6] Transcription du 30 mai 2023, page 151, lignes 11 à 14.
[7] Transcription du 30 mai 2023, page 92, lignes 21 à 24.
[8] Brian J. Arnold, « The Source of Income - The Source of Much Confusion: The Brown Case », The Arnold Report, no 251 (21 février 2023), site Web de la Fondation canadienne de fiscalité.