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Dossier : 2015-3607(IT)G

ENTRE :

MARIA CSAK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 11 et 12 septembre 2023, à Toronto (Ontario).

Devant : l’honorable juge John R. Owen


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me John Buote

Avocate de l’intimé :

Me Meaghan Mahadeo

 

JUGEMENT

APRÈS avoir entendu la preuve et les arguments présentés par les avocats de l’appelante et de l’intimé;

CONFORMÉMENT aux motifs du jugement ci-joints, l’appel visant la cotisation établie en application de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) par avis du 14 août 2012 (la « cotisation ») est accueilli, avec dépens en faveur de l’appelante, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que les nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 1988 et 1989 de Charles Csak par les avis du 21 avril 1994 étaient prescrites.

Les parties ont 60 jours à compter de la date du présent jugement pour s’entendre sur les dépens. À défaut d’entente, l’appelante aura 30 jours de plus pour déposer des observations écrites sur les dépens. L’intimé aura 30 jours de plus pour déposer des observations écrites sur les dépens en réponse aux observations de l’appelante. Les observations écrites de chacune des parties ne peuvent dépasser 10 pages.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2024.

« J. R. Owen »

Le juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d’octobre 2025.

Guillaume Chénard, jurilinguiste principal


Référence : 2024 CCI 9

Date : 20240118

Dossier : 2015-3607(IT)G

ENTRE :

MARIA CSAK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Owen

I. Introduction

[1] Maria Csak (l’« appelante ») interjette appel d’une cotisation d’un montant de 1 200 000 $ établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] (la « LIR ») par avis du 14 août 2012 (la « cotisation »).

[2] La cotisation est fondée sur le transfert à l’appelante par feu son époux, Charles Csak (« CC »), d’un bien d’une juste valeur marchande de 1 200 000 $ à une date à laquelle CC était redevable d’une somme totale de 536 625 $, plus les intérêts courus, au titre de la LIR pour ses années d’imposition 1988 à 1991[2]. L’appelante a épousé CC en octobre 1992, le transfert du bien a eu lieu le 8 janvier 1993 et CC est décédé le 9 mars 2002.

II. Faits

A. Hypothèses de fait du ministre

[3] Le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes pour établir la dette fiscale de l’appelante en vertu du paragraphe 160(1) de la LIR :

[traduction]

a) Le 8 janvier 1993, Charles Csak a transféré [un bien sis au 7286 Tenth Line, Mississauga (Ontario)[3] (le « bien »)] à l’appelante;

b) [Le 8 janvier 1993], l’appelante et Charles Csak étaient mariés.

c) Aucune contrepartie n’a été versée par l’appelante à Charles Csak en échange du transfert du bien, ledit transfert ayant été effectué par [traduction] « amour et affection »;

d) La juste valeur marchande du bien au [8 janvier 1993] était de 1 200 000 $;

e) Charles Csak est décédé le 9 mars 2002 ou vers cette date;

f) À la suite du décès de Charles Csak, l’appelante était l’exécutrice ou la fiduciaire de la succession;

g) Au 14 août 2012, la dette fiscale en souffrance de la succession de feu Charles Csak sous le régime de la [Loi de l’impôt sur le revenu] et de la Loi de l’impôt sur le revenu (Ontario) au regard des années d’imposition antérieures au [8 janvier 1993], intérêts compris, était la suivante[4] :

Année d’imposition

1998

1999

1990

1991

Total

Impôt à payer et intérêt

938 264 $

3 899 677 $

14 433 $

24 450 $

4 876 824 $

 

Les cotisations sous-jacentes

h) De nouvelles cotisations ont été établies à l’égard de Charles Csak pour les années d’imposition 1988, 1989 et 1990 le 21 avril 1994 et pour l’année d’imposition 1991 le 15 août 1994 (les « cotisations sous-jacentes »);

i) Les cotisations sous-jacentes portaient sur des pertes d’une société de personnes déclarées par Charles Csak, que le ministre a refusées;

j) En 1996, Charles Csak ainsi que d’autres personnes qui avaient pris part à la ou aux mêmes sociétés de personnes ont interjeté appel des cotisations sous-jacentes devant la Cour canadienne de l’impôt;

k) L’appelante, en sa qualité d’exécutrice ou de fiduciaire de la succession de Charles Csak, a pris la relève et la direction de l’appel en Cour canadienne de l’impôt après le décès de son époux;

l) [Retirée par l’avocate de l’intimé à l’audience sur l’appel];

m) L’appelante était une bénéficiaire de la succession de feu Charles Csak;

n) Le 13 juillet 2006, le juge en chef Bowman de la Cour canadienne de l’impôt a rendu un jugement rejetant l’appel porté par la succession de feu Charles Csak contre les cotisations sous-jacentes;

o) La dette fiscale de la succession de feu Charles Csak, d’un montant de 4 876 825 $, demeure impayée;

Les renonciations

p) Charles Csak a signé une renonciation à la période normale de nouvelle cotisation relativement à l’année d’imposition 1988 le 10 septembre 1992 et l’a envoyée au ministre le 11 septembre 1992, ce dernier l’ayant reçue le 14 septembre 1992;

q) Charles Csak a signé une renonciation à la période normale de nouvelle cotisation relativement à l’année d’imposition 1989 le 27 mai 1993 et l’a envoyée au ministre le 27 mai 1993, ce dernier l’ayant reçue le 31 mai 1993[5].

B. Faits admis dans les actes de procédure

[4] Au paragraphe 1 de la réponse modifiée, l’intimé admet les faits énoncés aux paragraphes 14 et 15 de l’avis d’appel, reproduits ci-après :

[traduction]

14. Des cotisations ont été établies pour les années d’imposition 1988 à 1991 de Charles Csak aux dates suivantes :

a) le 20 septembre 1989 (concernant 1988);

b) le 30 mai 1990 (concernant 1989);

c) le 8 novembre 1991 (concernant 1990);

d) le 9 octobre 1992 (concernant 1991);

15. L’Agence du revenu du Canada a établi de nouvelles cotisations à l’égard des années d’imposition 1988 à 1991 de Charles Csak aux dates suivantes (collectivement, les « nouvelles cotisations à l’égard de l’auteur du transfert »);

a) le 21 avril 1994 (concernant 1988) (la « nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1988 »);

b) le 21 avril 1994 (concernant 1989) (la « nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1989 »);

c) le 21 avril 1994 (concernant 1990) (la « nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1990 »);

d) le 15 août 1994 (concernant 1991) (la « nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1991 »).

[5] Au paragraphe 3 de la réponse modifiée, l’intimé admet que les années d’imposition 1988 et 1989 de CC avaient fait l’objet de la nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1988 et de la nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1989 établies après la période normale de nouvelle cotisation applicable à ces années d’imposition. Je désigne la nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1988 et la nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1989, collectivement, par l’expression « nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC ».

C. Exposé conjoint partiel des faits

[6] Les parties ont déposé un exposé conjoint partiel des faits (l’« exposé conjoint »), accompagné des documents qui y sont mentionnés (le « recueil conjoint » de documents). Une copie de l’exposé conjoint figure à l’annexe A des présents motifs.

[7] Les parties conviennent que la juste valeur marchande du bien à la date du transfert du bien, le 8 janvier 1993, était de 950 000 $. Les parties conviennent également que les périodes normales de nouvelle cotisation pour les années d’imposition 1988 et 1989 de CC avaient pris fin respectivement les 20 septembre 1992 et 30 mai 1993.

D. Témoignages

[8] L’appelante a témoigné pour son compte.

[9] L’intimé a fait entendre deux témoins :

  1. M. Azharul Hassan, aujourd’hui chef d’équipe au service de perception de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et à l’époque agent de perception à l’ARC;

  2. M. John Hussey, aujourd’hui directeur adjoint de l’administration pour la région du Grand Toronto à l’ARC.

[10] J’ai trouvé tous les témoins crédibles.

[11] L’appelante a déclaré qu’elle n’était pas d’accord avec les hypothèses de fait énoncées aux alinéas 11c), k) et m) de la réponse modifiée.

[12] S’agissant de l’alinéa 11c) de la réponse modifiée, l’appelante a témoigné qu’elle avait donné une contrepartie au transfert du bien, à savoir son engagement à épouser CC et à prendre soin de lui. Elle a décrit son consentement à épouser CC comme la contrepartie la plus importante à ses yeux.

[13] À cet égard, l’appelante a expliqué qu’elle avait prévu d’épouser CC en 1988 ou 1989, mais qu’il avait épousé une autre femme (l’« ex-conjointe de CC ») en juillet 1989, à l’insu de l’appelante.

[14] L’ex-conjointe de CC a quitté ce dernier après quelques jours et s’est installée en Europe. Par suite de cet incident, la relation de l’appelante et de CC s’est détériorée pendant quelques mois, mais ils se sont remis en couple à la fin de l’année 1989.

[15] CC a divorcé de son ex-conjointe vers 1991. Toutefois, l’appelante continuait de craindre que CC ne la [traduction] « trahisse » de nouveau et que l’ex-conjointe de CC revienne et réclame la maison de CC (c.-à-d. le bien). L’appelante a informé CC qu’elle ne l’épouserait que s’il lui transférait sa maison.

[16] L’appelante et CC se sont mariés en octobre 1992 et le bien a été transféré à l’appelante le 8 janvier 1993. En contre-interrogatoire, l’appelante a déclaré qu’elle et CC n’avaient pas conclu d’entente écrite concernant le bien, à l’exception des documents nécessaires au transfert du bien de CC à l’appelante.

[17] Quant à son engagement à prendre soin de CC, l’appelante a témoigné que CC, âgé de près de 80 ans au moment de leur mariage, souffrait de plusieurs problèmes de santé graves et que prendre soin de lui était une tâche de tous les instants.

[18] En contre-interrogatoire, l’appelante a admis qu’elle avait continué de travailler pendant son mariage – précisant qu’elle avait un horaire souple – et qu’elle n’avait pas de formation ou d’expérience pertinente dans le domaine des soins à la personne. L’appelante et l’avocate de l’intimé ont eu l’échange suivant :

[traduction]

Me MAHADEO : D’accord. Donc, ce que je comprends de ce que vous dites, et vous pouvez simplement répondre par oui ou par non, c’est que c’est uniquement a posteriori, lorsque vous avez repensé à tout ce que vous aviez fait, que vous vous êtes rendu compte du temps et de l’énergie que vous aviez consacrés aux soins que vous dispensiez. Est-ce exact?

Mme CSAK : Oui, parce qu’on ne peut pas savoir ce que le futur nous réserve, oui[6].

[19] L’avocate de l’intimé a invité l’appelante à lire une copie d’un affidavit quant à la résidence et à la valeur de la contrepartie (l’« affidavit ») et un acte de transfert d’un bien-fonds (l’« acte de transfert ») relatifs au bien, tous deux figurant à l’onglet 3 du recueil conjoint.

[20] L’appelante a admis qu’elle avait signé l’affidavit et que celui-ci indiquait à la rubrique 4 que la contrepartie totale du bien était « néant » et à la rubrique 7 que :

[traduction]

Le présent transfert est un transfert fait par un époux en faveur de sa femme par amour et affection et il n’y a aucune contrepartie, de sorte qu’aucun droit de mutation n’est exigible.

[21] L’appelante a identifié les signatures aux rubriques 8 et 9 de l’acte de transfert comme étant respectivement celle de CC et la sienne.

[22] Quant à l’alinéa 11m) de la réponse modifiée, l’appelante a témoigné en interrogatoire principal qu’elle n’avait rien reçu de la succession de CC. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’elle était l’exécutrice et une bénéficiaire de la succession de CC, mais a réaffirmé qu’elle n’en avait rien reçu.

[23] L’appelante a également reconnu qu’elle avait le devoir d’agir dans l’intérêt de la succession, déclarant qu’elle s’y était employée, notamment en payant 382 000 $ à l’ARC.

[24] Quant à l’alinéa 11k) de la réponse modifiée, l’appelante et son avocat ont eu l’échange suivant :

[traduction]

Me BUOTE : […] Est-il vrai que vous avez pris la relève et la direction de l’appel à la Cour canadienne de l’impôt après le décès de Charles?

Mme CSAK : Absolument pas. Je n’ai fait que signer le chèque et je n’ai pas compris l’affaire et j’ai laissé les avocats se charger de tout[7].

[25] En contre-interrogatoire, l’appelante et l’avocate de l’intimé ont eu l’échange suivant :

[traduction]

Me MAHADEO : Et vous aviez connaissance de l’appel fiscal avant le décès de Charlie.

Mme CSAK : Non, pas vraiment.

Me MAHADEO : Non.

Mme CSAK : Pas vraiment. Tout ce que je savais c’était que – quelque chose se passait, mais à l’époque, il disait seulement ne t’inquiète pas, tout – tout ce qu’on lui a demandé c’était pourquoi nous avions même besoin d’un avocat, le premier. Et celui-là a simplement répondu, ne vous inquiétez pas, tout a été préparé selon la loi et n’a qu’une seule fois – après la réunion on a demandé à – à cet avocat pourquoi on était là. Y avait-il quelque chose qui n’allait pas dans la préparation? Et l’avocat a dit « ne vous inquiétez pas. On corrige ça. » C’est tout.

Et lui a seulement dit « ne vous inquiétez pas. Tout a été préparé selon la loi. »

C’était ce qu’on savait. Il y avait – c’était la dernière année où il était en vie. C’était ce qu’on savait déjà. Mais nous ne comprenions même pas ce qu’il se passait[8].

[26] Lorsque l’avocate a interrogé l’appelante sur la réunion mentionnée lors de l’échange, cette dernière a répondu :

[traduction]

Il y avait peu de personnes, parce que je sais qu’il y avait des parties de ça, vous savez. Il y avait une liste des noms de la partie de ça, vous savez. Et lui, c’était un des noms.

Charlie ou moi, on ne connaissait pas ce – ces gens. On ne savait pas qui était qui. Tout ce qu’on savait c’était le nom et il y avait comme (inaudible) un avocat de la défense et il y a eu très peu de temps. Et après la réunion, on a seulement demandé pourquoi on était là, pourquoi on avait besoin d’un avocat[9].

[27] L’appelante a témoigné qu’après le décès de CC, elle remettait les chèques à un comptable, qui était l’un des appelants dans le cadre du groupe d’appels. Le comptable lui a dit que l’avocat ne rencontrait pas tous les membres du groupe, et l’appelante a affirmé ne jamais avoir rencontré l’avocat ou reçu de mises à jour de celui-ci.

[28] L’avocat de l’appelante a reconnu que l’appelante avait subi un interrogatoire au préalable par écrit dans le cadre de l’appel de CC et que CC n’avait pas soulevé la question de la prescription en appel. L’appelante et l’avocate de l’intimé ont alors eu l’échange suivant :

[traduction]

Me MAHADEO : Vous n’avez pas soulevé la validité des cotisations sous-jacentes lors de l’appel fiscal de Charlie, n’est-ce pas?

Mme CSAK : Je n’étais associée à rien de tout ça. Je ne faisais que signer le chèque. Je ne comprends pas toute – [10]

[29] Au sujet des renonciations relatives aux années d’imposition 1988 et 1989 de CC (collectivement, les « renonciations » et individuellement, la « renonciation pour 1988 » et la « renonciation pour 1989 »), l’appelante a déclaré être certaine à 80 % que la signature sur la renonciation pour 1988 n’était pas celle de CC et que la signature sur la renonciation pour 1989 était celle de CC. L’appelante a affirmé qu’elle avait souvent vu CC signer des chèques au fil des ans.

[30] L’appelante a fait deux commentaires sur l’adresse manuscrite figurant sur la renonciation pour 1988. Premièrement, CC avait la cinquantaine lorsqu’il a quitté la Hongrie pour le Canada et il ne maîtrisait pas suffisamment l’anglais pour écrire son adresse de sa propre main. Deuxièmement, la personne qui avait apporté la correction manuscrite avait rayé la bonne adresse de CC et ajouté une mauvaise adresse. Au contraire, l’adresse de CC sur la renonciation pour 1989 est tapée à la machine et est la bonne.

[31] Les copies des renonciations déposées par l’appelante[11] portaient toutes deux un tampon indiquant [traduction] « COMMUNIQUÉ CONFORMÉMENT À LA LPRP ».

[32] L’appelante ignorait qui avait rédigé les renonciations. La copie de la renonciation pour 1988 soumise par l’appelante ne portait pas le tampon de Revenu Canada[12]. La copie de la renonciation pour 1989 soumise par l’appelante portait un tampon dans la zone réservée à l’administration indiquant que la renonciation avait été remise en main propre et reçue au service d’acheminement du courrier de Revenu Canada le 31 mai 1993[13].

[33] L’intimé a produit une copie de la renonciation pour 1988, accompagnée d’une copie d’une lettre de Barry Witkin, CA, EEE, BDO Dunwoody Ward Mallette adressée à M. Derek Potopsingh au bureau de Revenu Canada du district de Mississauga[14]. La copie de la renonciation pour 1988 figurant à la pièce R-1 est identique à celle qui figure à la pièce A-1, à l’exception qu’elle ne porte pas le tampon Loi sur la protection des renseignements personnels. L’intimé n’a pas produit de copie de la renonciation pour 1989 ne portant pas de tampon de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais s’est plutôt fié à la pièce A-2.

[34] La lettre figurant à la pièce R-1 est datée du 11 septembre 1992 et porte un tampon indiquant qu’elle a été reçue par Revenu Canada Impôt à Mississauga le 14 septembre 1992. Rien dans la lettre n’indique qu’une pièce jointe ait accompagné la lettre (autrement dit, il n’y a pas la mention « p.j. » sous la ligne de signature, uniquement les initiales : « ag »). La lettre est reproduite ci-dessous :

[traduction]

Objet : Charles Csak et Howard Deverett

À la demande de John Campbell de Miller Thomson, j’ai fait signer les renonciations pour les clients nommés en objet, afin que vous et Me Campbell puissiez poursuivre votre discussion à propos du dossier Claridge Holdings #1. Je crois qu’il s’agit de ce que vous avez demandé.

N’hésitez pas à communiquer avec moi pour toute question que vous pourriez avoir concernant ce qui précède.

Veuillez noter que chaque client a changé d’adresse.

[35] M. Hassan a déclaré qu’il avait trouvé la lettre et la renonciation pour 1988 dans le dossier physique de CC lorsqu’il s’est vu confier le dossier en 2019, en tant qu’agent de perception. En contre-interrogatoire, M. Hassan a reconnu qu’il n’y avait aucune indication à la pièce R-1 que la lettre et la renonciation aient été agrafées ensemble.

[36] L’avocate de l’intimé a invité M. Hassan à se référer à la pièce A-2, qui consiste en une copie de la renonciation pour 1989 portant un tampon Loi sur la protection des renseignements personnels. M. Hassan et l’avocate de l’intimé ont alors eu l’échange suivant :

[traduction]

Me MAHADEO : Avez-vous vu déjà vu ce document?

M. HASSAN : Je crois que oui.

Me MAHADEO : Et où pensez-vous avoir vu ce document?

M. HASSAN : Il se serait également trouvé dans le dossier physique.

[…]

Me MAHADEO : Et vous avez dit que vous croyiez l’avoir vu dans le dossier. Donc la – est-ce que la renonciation était au dossier lorsque vous l’avez pris en charge?

M. HASSAN : Cette renonciation?

Me MAHADEO : Oui.

M. HASSAN : Je crois que oui[15].

[37] S’agissant du tampon [traduction] « reçu » de Revenu Canada sur la lettre, M. Hussey a affirmé que le service de l’acheminement du courrier de l’ARC avait pour politique de n’apposer son tampon que sur la première page des documents comportant plusieurs pages. En contre-interrogatoire, il a été demandé à M. Hussey pourquoi, compte tenu de l’importance de la date sur une renonciation, l’ARC n’aurait pas apposé de tampon sur une renonciation lorsqu’elle était accompagnée d’une lettre. M. Hussey a répondu :

[traduction]

M. HUSSEY : Ce n’est pas moi qui ai rédigé la politique, mais je suppose que les personnes sous ma direction au service de l’acheminement du courrier ne sont pas des vérificateurs fiscaux. Ils ne savent pas si la première page est plus importante que la dernière, donc je suppose que c’est pour cela que notre politique dit de mettre un tampon sur la première page.

Et puis, on pourrait avoir un – on pourrait avoir un document épais comme ça.

On reçoit 1 000 courriers par jour. On n’a pas le temps de les regarder. Donc on met un tampon sur le premier, puis on passe au suivant.

Encore une fois, je crois que la raison principale est que les employés ne savent pas si – ce que c’est qu’une renonciation[16].

[38] Concernant la renonciation pour 1989, en contre-interrogatoire, M. Hussey a affirmé que si la renonciation pour 1989 avait été envoyée à Revenu Canada par Postes Canada, alors elle [traduction] « n’aurait pas » dû porter un tampon remis en main propre[17]. M. Hussey a également confirmé que les services d’acheminement du courrier de l’ARC suivaient les mêmes pratiques dans l’ensemble du pays.

E. Connaissance d’office des faits qui sont de notoriété publique

[39] Le juge en chef Bowman a rendu son jugement et ses motifs sur l’appel de CC le 12 juillet 2006 (référence : Makuz c. La Reine[18]). L’intitulé nomme 16 appelants, dont CC, mais non la succession de CC. Les numéros de dossier de la Cour indiquent que les appels des 16 appelants (collectivement, le « groupe ») ont été déposés en 1996 et 1997. Le numéro de dossier de la Cour pour l’appel de CC indique que l’appel a été déposé en 1996, ce que le ministre tient pour acquis.

[40] Au paragraphe 4 de ses motifs, le juge en chef Bowman définit comme suit la question en litige dans les appels interjetés par le groupe (les « appels du groupe ») :

La question en litige, dans tous les appels, est la même pour tous les appelants. Il s’agit de savoir si une perte, dans le cas d’une société en nom collectif, dans laquelle les appelants ont déclaré avoir une participation, est déductible par les appelants lors du calcul de leur revenu pour les années 1988, 1989, 1990 et 1991. […]

[41] Aux paragraphes 6 et 7 de ses motifs, le juge en chef Bowman écrit :

Les faits sont complexes et comprennent une multitude d’opérations. Plusieurs sociétés et trois sociétés en nom collectif sont impliquées. […]

En bref, le problème est le suivant : l’exercice de la société en nom collectif A se terminait le 31 décembre 1987. L’exercice de la société en nom collectif B se terminait le 31 mars 1988. La société en nom collectif B a acquis une part dans la société en nom collectif A le 31 décembre 1987. La société en nom collectif A [a] subi une perte avant la fin de son exercice qui se terminait le 31 décembre 1987. Par conséquent, la part de cette perte de la société en nom collectif B devrait être comprise dans le calcul de son revenu ou de ses pertes pour la période se terminant le 31 mars 1988. Les appelants soutiennent qu’ils ont acquis des parts dans la société en nom collectif B avant le 31 mars 1988. Ils ont donc réclamé leur part proportionnelle de la perte de la société en nom collectif B.

[42] Je conviens que les observations du juge en chef Bowman constitueraient du ouï-dire si elles étaient citées en preuve de leur véracité. Toutefois, je m’y reporte uniquement comme une indication de l’impression qu’avait le juge en chef Bowman des appels du groupe.

[43] Les motifs du juge en chef Bowman s’étendent sur 76 paragraphes, auxquels sont joints deux annexes, A et B, consistant en une déclaration commune des parties sur certains faits, longue de 33 paragraphes, et en 15 diapositives décrivant les opérations pertinentes.

III. Observations des parties

A. Appelante

[44] L’appelante soutient qu’elle a le droit de s’opposer aux nouvelles cotisations établies à l’égard des années d’imposition 1988 à 1991 de CC, sur lesquelles est fondée la dette fiscale de l’appelante au titre du paragraphe 160 : Gaucher c. Canada, 2000 CanLII 16513 (C.A.F.) [Gaucher], par. 7 et 9.

[45] L’intimé a admis que le ministre a établi les nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour les années d’imposition 1988 et 1989 de CC. La question est de savoir si, pour chacune de ces années d’imposition, la condition prévue au sous‑alinéa 152(4)a)(ii) a été remplie avant l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour cette année.

[46] La renonciation pour 1988 n’est pas datée par un tampon, et il n’existe aucune preuve établissant que la lettre incluse à la pièce R-1 a été jointe à la renonciation pour 1988 ou insérée dans la même enveloppe que cette dernière.

[47] Selon le témoignage de l’appelante, la signature sur la renonciation pour 1988 n’est pas celle de CC, l’écriture manuscrite sur la renonciation pour 1988 n’est pas celle de CC et l’adresse pour CC inscrite à la main sur la renonciation pour 1988 n’est pas celle de CC. L’appelante a indiqué que, selon elle, CC n’aurait pas signé la renonciation pour 1988 portant la mauvaise adresse[19].

[48] Le ministre a établi la cotisation initiale pour l’année d’imposition 1989 de CC le 30 mai 1990. Le tampon sur la renonciation pour 1989 indique que celle-ci a été remise en main propre à Revenu Canada le 31 mai 1993. Cette date se situe après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation fixée par l’alinéa 152(3.1)b) relativement à l’année d’imposition 1989 de CC.

[49] L’article 26 de la Loi d’interprétation[20] prolonge le délai d’accomplissement de « tout acte ou formalité ». Aucun délai n’est prévu pour le dépôt d’une renonciation et, par conséquent, il n’y a pas d’obligation de proroger le délai de dépôt d’une renonciation. Par conséquent, l’article 26 de la Loi d’interprétation ne trouve pas application à l’égard du dépôt de la renonciation pour 1989.

[50] En l’espèce, le seul « acte ou formalité » nécessitant d’être prorogé est la période pendant laquelle le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 1989 de CC. Or, ce n’est que le 21 avril 1994 que le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1989 de CC, de sorte qu’il importe peu que le délai d’établissement d’une nouvelle cotisation ait ou non été prorogé au 31 mai 1993.

[51] Pour ce qui est de la contrepartie, la question n’est pas de savoir s’il existait un contrat ayant force exécutoire entre CC et l’appelante. La question est de savoir si l’appelante a donné une contrepartie à CC en échange du bien. La preuve établit l’existence d’une opération donnant-donnant : CC a transféré le bien à l’appelante en contrepartie de l’engagement de celle-ci à l’épouser et à prendre soin de lui.

[52] Enfin, les parties conviennent que le 19 septembre 2003, en sa qualité d’exécutrice de la succession de CC, l’appelante a payé la somme de 382 377 $ au titre de la dette fiscale de CC relativement à son année d’imposition 1988[21]. L’appelante soutient qu’il n’existe aucune preuve que ce paiement a réduit le solde dû pour l’année d’imposition 1988 de CC. L’appelante demande à la Cour d’ordonner que le paiement soit imputé au solde dû par CC pour son année d’imposition 1988.

B. Intimé

[53] L’intimé soutient que l’appelante n’a fourni aucune contrepartie à CC en échange du transfert du bien. L’appelante a confirmé qu’au moment du transfert du bien, elle n’avait versé et ne s’était engagée à verser aucune somme d’argent, n’avait pas assumé de prêt hypothécaire ou remboursé CC et ne lui avait transféré aucun bien ni aucune contrepartie à titre onéreux assujettie à un droit de mutation en échange du bien.

[54] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas conclu d’entente écrite avec CC concernant les soins. Elle n’avait aucune formation d’infirmière ou de travailleuse de soutien professionnelle. Elle ne s’était pas engagée à prendre soin de CC pour une période déterminée et n’avait pas évalué la valeur des services fournis. Son témoignage sur les soins offerts reposait sur son expérience a posteriori plutôt que sur une entente conclue au moment du transfert. L’appelante a admis que prendre soin de CC s’était avéré bien plus accaparant qu’elle ne l’avait anticipé.

[55] La jurisprudence n’appuie pas la position selon laquelle des services domestiques constituent une contrepartie aux fins du paragraphe 160(1) : MacLeod c. La Reine, 2012 CCI 379, par. 33 à 37, et Raphael c. La Reine, 2000 CanLII 479 (C.C.I.).

[56] La jurisprudence enseigne que le fardeau de prouver que le transfert du bien a été effectué conformément à une véritable entente contractuelle incombe à l’appelante : Konyi c. La Reine, 2017 CCI 175 [Konyi], par. 19. Cela suppose que l’appelante établisse toutes les conditions essentielles d’un contrat, notamment une contrepartie à verser et des modalités de paiement précises : Konyi, par. 20, et Madsen c. La Reine, 2005 CCI 110, par. 28. Le moment pertinent dans l’évaluation de la contrepartie est celui du transfert du bien : Hardtke c. La Reine, 2015 CCI 135, par. 33, conf. par 2016 CAF 138.

[57] Le principe de l’arrêt Gaucher ne s’applique pas à l’appelante. Cet arrêt porte sur une situation dans laquelle le contribuable n’avait ni la possibilité ni le droit de contester la validité de la cotisation sous-jacente. L’appelante était l’exécutrice de la succession de CC, de sorte qu’elle était partie au litige sur les cotisations sous-jacentes et avait le droit de contester celles-ci.

[58] Les règles de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure empêchent l’appelante de s’opposer aux nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC. Le principe de l’autorité de la chose jugée comporte deux conséquences généralement reconnues : la préclusion fondée sur la cause d’action et la préclusion liée à une question en litige.

[59] En l’espèce, la question de la justesse des nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC a déjà été tranchée. Les parties au présent appel et à l’appel de CC sont les mêmes ou l’une est l’ayant droit de l’autre. Autrement dit, soit l’appelante était partie à l’appel de CC en sa qualité d’exécutrice de la succession de CC, soit l’appelante était l’ayant droit de la succession de CC en cette qualité. Au sujet des ayants droit, l’avocate de l’intimé cite les décisions et arrêts Carl Zeiss Stiftung v. Rayner & Keeler Ltd. (No. 2), [1967] 1 A.C. 853, Ethel Annabelle Angle c. Ministre du Revenu National, [1975] 2 R.C.S. 248, Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, par. 60, et Stallan v. Palleson, 2015 BCSC 1463 [Stallan], par. 30.

[60] À titre subsidiaire, la règle de l’abus de procédure s’applique et fait obstacle à l’opposition de l’appelante aux nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC. Compte tenu du niveau de participation de l’appelante dans la poursuite de l’appel de CC, notamment le fait qu’elle avait le contrôle juridique de l’instance pour le compte de la succession de CC, qu’elle a participé aux interrogatoires préalables en qualité de représentante de la succession, qu’elle a pris des décisions relativement au litige et qu’elle a été tenue informée par l’appelant principal, les principes de caractère définitif des décisions de justice, de cohérence et d’administration de la justice étayent la conclusion selon laquelle invoquer la prescription pour s’opposer aux nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC, après avoir omis de le faire dans le cadre de l’appel de CC, constituerait pour l’appelante un abus de procédure.

[61] À titre subsidiaire encore, les nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC sont valides, car CC a déposé des renonciations à l’égard des périodes normales de nouvelle cotisation applicables à ses années d’imposition 1988 et 1989.

[62] L’appelante n’a pas allégué dans son avis d’appel ou pendant son interrogatoire préalable qu’elle contestait l’authenticité de la signature de la renonciation pour 1988; par conséquent, la préclusion l’empêchait de le faire à l’audience dans le présent appel. L’appelante n’a pas appelé l’auteur de la lettre dans le dossier physique de l’ARC, et son témoignage à lui seul ne saurait suffire à faire conclure que CC n’avait pas signé la renonciation pour 1988.

[63] Il est établi en preuve que la renonciation pour 1988 a été déposée le 14 septembre 1992 et la renonciation pour 1989 le 31 mai 1993. Le 30 mai 1993 étant un dimanche, le délai de dépôt de la renonciation pour 1989 a été prorogé au 31 mai 1993 par l’effet de l’article 26 de la Loi d’interprétation.

[64] En application de l’alinéa 160(1)e), la cotisation incluait à bon droit l’intérêt couru sur la dette de CC sous le régime de la LIR jusqu’au 14 août 2012 : 1455257 Ontario Inc. c. La Reine, 2021 CAF 142, par. 44 à 50.

[65] Il n’est pas contesté qu’un paiement de 382 377 $ au titre de la dette fiscale de CC a été effectué le 19 septembre 2003 ou vers cette date. Conformément à l’article 224.1, le ministre a imputé ce paiement à la dette de CC en application de la LIR pour son année d’imposition 1988.

[66] Toutefois, l’appelante ne peut invoquer le paragraphe 160(3) pour réduire sa dette pour deux raisons. Premièrement, l’appelante n’était pas responsable au titre de l’article 160 au moment du paiement, puisqu’une cotisation n’avait pas été établie à son égard au titre de l’article 160 à ce moment. Deuxièmement, le paiement n’a pas été effectué au titre de la dette de l’appelante en vertu de l’article 160.

IV. Analyse

A. Vue d’ensemble du paragraphe 160(1)

[67] La version du paragraphe 160(1) en vigueur au moment de la cotisation était libellée ainsi :

(1) Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance – Lorsqu’une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon à l’une des personnes suivantes :

a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

les règles suivantes s’appliquent :

d) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d’une partie de l’impôt de l’auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d’imposition égale à l’excédent de l’impôt pour l’année sur ce que cet impôt aurait été sans l’application des articles 74 à 75.1 de la présente loi et de l’article 74 de la Loi de l’impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts [révisés] du Canada de 1952, à l’égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l’égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens;

e) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d’un montant égal au moins élevé des montants suivants :

(i) l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

(ii) le total des montants représentant chacun un montant que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi (notamment un montant ayant ou non fait l’objet d’une cotisation en application du paragraphe (2) qu’il doit payer en vertu du présent article) au cours de l’année d’imposition où les biens ont été transférés ou d’une année d’imposition antérieure ou pour une de ces années;

Toutefois, le présent paragraphe n’a pas pour effet de limiter la responsabilité de l’auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi ni celle du bénéficiaire du transfert quant aux intérêts dont il est redevable en vertu de la présente loi sur une cotisation établie à l’égard du montant qu’il doit payer par l’effet du présent paragraphe[22].

[68] Dans l’arrêt Eyeball Networks Inc. c. Canada[23], le juge en chef Noël résume l’application et l’objet du paragraphe 160(1) en ces termes :

Le paragraphe 160(1) dispose que, dans le cas d’un transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance, le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables de toute somme payable par l’auteur du transfert en application de la Loi pour l’année d’imposition au cours de laquelle le transfert a eu lieu et les années précédentes. Aux termes de l’alinéa 160(1)e), le bénéficiaire du transfert est responsable du paiement jusqu’à concurrence de l’excédent de la juste valeur marchande des biens transférés sur la juste valeur marchande de la contrepartie offerte. […]

Comme le confirme notre Cour, le paragraphe 160(1) a pour objet de supprimer pour le fisc toute vulnérabilité découlant d’un transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance fondé sur une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande des biens transférés. […][24]

[69] J’ajoute qu’il faut également tenir compte des observations faites par le juge Rothstein au paragraphe 75 de l’arrêt Canada c. McLarty, 2008 CSC 26 :

Le ministre dispose de nombreux moyens pour contester les déductions demandées par un contribuable. Il peut se fonder sur la notion de simulacre ou sur la règle générale anti-évitement, pour n’en nommer que deux. Il ne l’a pas fait dans ce cas. En matière de nouvelle cotisation, le rôle du tribunal se borne à trancher les différends entre le ministre et le contribuable. Il n’est pas le protecteur des revenus de l’État. Le tribunal doit uniquement décider si le ministre, selon le fondement qu’il a choisi pour établir la cotisation, a raison ou a tort.

[Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.]

[70] Par conséquent, la question n’est pas de savoir si le ministre est ou non par ailleurs en mesure de percevoir l’impôt que, selon lui, CC lui doit. La question est de savoir si la cotisation établie à l’égard de l’appelante en vertu du paragraphe 160(1) est correcte ou non.

[71] On peut diviser le paragraphe 160(1) en deux parties. La première, qui s’arrête au passage intercalaire (c.-à-d. aux mots « les règles suivantes s’appliquent »), établit les conditions à satisfaire pour que le paragraphe s’applique. La seconde, qui commence après le passage intercalaire, énonce les règles qui s’appliquent lorsque les conditions établies à la première partie sont remplies.

[72] Le 8 janvier 1993, CC a transféré le bien à l’appelante (le « transfert »), qui était alors son épouse. L’appelante convient que les conditions énoncées dans la première partie du paragraphe 160(1) sont réunies.

[73] L’appelante soulève deux moyens de défense à l’encontre de l’application de la seconde partie du paragraphe 160(1) à l’appelante.

[74] Le premier moyen de défense est que l’appelante a versé une contrepartie au transfert du bien, à savoir son engagement à épouser CC et à prendre soin de lui. Elle affirme que ces engagements font du transfert du bien une opération donnant-donnant.

[75] Le second moyen de défense est que les nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC étaient prescrites, et que CC n’avait aucune dette découlant de ces nouvelles cotisations utilisées pour déterminer le montant visé au sous‑alinéa 160(1)e)(ii) à l’égard de CC.

B. Contrepartie donnée par l’appelante en échange du bien

[76] La valeur de la contrepartie du transfert d’un bien est appréciée au moment du transfert. Au paragraphe 52 de l’arrêt Eyeball Networks, le juge en chef Noël écrit :

[…] un transfert de biens intervient instantanément, tant en droit civil qu’en common law. Le moment précis et manifeste où le transfert a lieu sous le régime de chacun des systèmes juridiques fonde le choix du législateur qui a prévu, d’une part, que la valeur des biens est déterminée « au moment du transfert » et, d’autre part, que la valeur de la contrepartie est déterminée « à ce moment ». […]

[Caractère gras ajouté.]

[77] L’appelante admet qu’elle n’avait pas conclu d’entente écrite avec CC concernant la contrepartie du transfert du bien. En Ontario, le paragraphe 1(1) de la Loi relative aux preuves littérales[25] dispose que :

1 (1) Les domaines ou les intérêts francs et les intérêts incertains sur des maisons d’habitation, des biens-fonds, des tènements ou des héritages sont constitués par un écrit, signé par les parties qui les constituent, ou par leurs mandataires licitement autorisés par écrit à cette fin. S’ils ne sont pas ainsi constitués, ils n’ont que la force obligatoire et l’effet d’un domaine à discrétion et ne sont pas réputés avoir une force ou un effet différents ou plus grands.

[78] Les seuls éléments de preuve écrits relatifs au transfert du bien de CC à l’appelante sont l’acte de transfert et l’affidavit, dont une copie figure à l’onglet 3 du recueil conjoint.

[79] L’acte de transfert n’aborde pas la question de la contrepartie du transfert du bien.

[80] L’appelante a déclaré avoir signé l’affidavit. Dans l’affidavit, il est énoncé que l’appelante n’a versé aucune contrepartie en échange du bien, et que le transfert a été effectué d’un mari à sa femme par amour et affection. L’appelante ne conteste pas l’exactitude des renseignements figurant dans l’affidavit.

[81] Sur la base de la preuve documentaire et du témoignage de l’appelante sur l’affidavit en contre-interrogatoire, je conclus que l’appelante n’a donné aucune contrepartie en échange du bien. Toutefois, par souci d’exhaustivité, je discute de la contrepartie précisément invoquée par l’appelante.

[82] S’agissant de l’engagement à épouser CC, le transfert est survenu ultérieurement au mariage de l’appelante et de CC. Il n’y a aucune preuve de l’existence d’une entente juridiquement contraignante entre CC et l’appelante désignant le mariage comme une contrepartie offerte par l’appelante en échange du bien, et il n’y a pas de preuve quant à la juste valeur marchande d’une telle promesse. Une promesse de se marier qui a déjà été honorée par l’appelante au moment du transfert ne saurait constituer une contrepartie donnée par l’appelante en échange du bien au moment du transfert.

[83] S’agissant de l’engagement à prendre soin de CC, il ressort du témoignage de l’appelante que ce n’est qu’a posteriori qu’elle a compris le volume de travail que supposait la fourniture de soins à CC. L’appelante a conservé son emploi à l’extérieur de son foyer après avoir épousé CC et elle n’avait aucune formation particulière la rendant apte à prodiguer à CC plus de soins que ceux qu’on attendrait de tout conjoint. Qui plus est, il n’y a aucune preuve de l’existence d’une entente juridiquement contraignante désignant les soins qui seraient fournis à CC à l’avenir comme la contrepartie du bien et il n’y a aucune preuve de la valeur de tels soins futurs.

[84] Par conséquent, je conclus que les deux promesses invoquées par l’appelante ne constituaient pas une contrepartie offerte par l’appelante en échange du bien au moment du transfert.

C. Nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC

(1) Application du principe de l’arrêt Gaucher

[85] Dans l’affaire Gaucher, le ministre avait établi une cotisation à l’égard de l’appelante en vertu de l’article 160. Le juge Rothstein, plus tard juge à la Cour suprême, a décrit le contexte ainsi :

L’ancien mari de l’appelante a été imposé pour une somme s’élevant à environ 350 000 $. La cotisation a été confirmée par la Cour canadienne de l’impôt. Peu de temps avant que la Cour canadienne de l’impôt ne prononce cette confirmation, l’ancien mari de l’appelante a transféré la résidence à cette dernière. Quelques mois plus tard, l’ex-mari a fait faillite[26].

[86] L’épouse s’est opposée à la cotisation à l’égard de son ex-mari, invoquant que la cotisation avait été établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel de l’appelante. Le juge Rothstein a infirmé cette décision, statuant que :

J’estime pour ma part que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur lorsqu’il a tiré cette conclusion. Il existe une règle fondamentale relevant de la justice naturelle selon laquelle, sous réserve d’une disposition législative à l’effet contraire, une personne non partie à une instance ne saurait être liée par le jugement qui y est prononcé à l’égard d’autres parties. L’appelante n’était pas partie à l’instance intervenue entre le ministre et son ex-mari au sujet de la nouvelle cotisation. Cette instance n’avait aucunement pour objet de lui imposer une obligation fiscale. Bien qu’elle ait pu être témoin dans cette instance, elle n’y était pas partie et ne pouvait donc pas y soulever des moyens de défense à l’égard de la cotisation de son ancien mari.

Lorsque le ministre établit une cotisation à titre dérivé en application du paragraphe 160(1), il invoque une disposition législative particulière qui l’autorise à demander paiement à une seconde personne pour la cotisation d’impôt visant un premier contribuable. Cette seconde personne doit jouir d’un plein droit de défense pour contester la cotisation établie à son endroit, y compris celui de s’opposer à la cotisation primaire sur laquelle se fonde la cotisation touchant la seconde personne[27].

[Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.]

[87] Plus récemment, dans l’arrêt Canada c. 594710 British Columbia Ltd., 2018 CAF 166 [594710], la Cour d’appel fédérale a confirmé le principe énoncé dans l’arrêt Gaucher :

La société de portefeuille a interjeté appel devant la Cour de l’impôt de la cotisation établie en application de l’article 160 au motif, entre autres, que la société partenaire n’avait pas d’obligation fiscale. Dans un appel interjeté à l’encontre d’une cotisation établie en application de l’article 160, la société de portefeuille a le droit de contester la cotisation établie à l’endroit de la société partenaire pour quelque motif que ce soit qu’aurait pu invoquer la société partenaire si elle avait interjeté appel directement (Gaucher c. Canada, 2000 CanLII 16513 (C.A.F.))[28].

[Caractère gras ajouté.]

[88] L’intimé soutient que l’approche retenue dans l’arrêt Gaucher repose sur le fait que l’appelante dans cette affaire n’était pas partie à l’instance sous-jacente. Il fait valoir que l’appelante en l’espèce était une partie à l’appel de CC en sa qualité d’exécutrice de la succession de CC.

[89] Je ne souscris pas à la caractérisation par l’intimé du rôle de l’appelante dans l’appel de CC. L’appelante n’était pas partie à l’appel de CC et la succession de CC n’est pas nommée dans l’intitulé du jugement et des motifs du juge en chef Bowman.

[90] Même si la succession de CC était une partie de facto à l’appel de CC par suite de son décès, le rôle de l’appelante dans l’appel était celui de représentante personnelle de la succession de CC[29]. Dans la mesure où l’appelante avait un intérêt dans l’appel de CC, c’était en qualité de représentante. Je fais mienne l’observation du juge Rothstein, au paragraphe 6 de l’arrêt Gaucher, et conclus que l’appel de CC ne visait pas à imposer une dette à l’appelante, même quand elle est devenue l’exécutrice de la succession de CC.

[91] En qualité d’exécutrice de la succession de CC, l’appelante avait une obligation envers les créanciers et les bénéficiaires de la succession. Waters résume en ces termes la tâche incombant au représentant personnel du défunt :

[traduction]

Le représentant personnel du défunt a pour tâche de réunir les biens de ce dernier, d’acquitter les frais des funérailles, les frais testamentaires et les dettes et de distribuer les actifs restants aux personnes y ayant droit[30].

[92] L’appelante a déclaré qu’elle avait fait de son mieux pour s’acquitter de ses devoirs d’exécutrice. Je ne vois aucune raison de remettre en cause cette affirmation.

[93] L’appel de CC était un appel parmi 16 intentés par le groupe et entendus par le juge en chef Bowman en même temps et tranchés sur la même preuve. Le groupe était représenté par un avocat, bien qu’il semble que l’avocat initial ait été remplacé avant l’audition des appels du groupe[31].

[94] Le juge en chef Bowman a déclaré au paragraphe 6 de ses motifs dans la décision Makuz que « [l]es faits [étaient] complexes et compren[ai]ent une multitude d’opérations. » Le juge en chef Bowman ne considérait manifestement pas l’objet des appels du groupe comme simple.

[95] L’appelante a déclaré qu’elle et CC avaient assisté à une réunion à laquelle l’avocat du groupe était présent, mais qu’ils n’avaient pas compris la nature de l’appel de CC ou la nécessité des services d’un avocat. Sur la base du témoignage de l’appelante dans son ensemble et de la description de l’objet des appels du groupe par le juge en chef Bowman, cela me paraît plausible, si ce n’est fort probable.

[96] L’appelante a témoigné qu’après le décès de CC, elle remettait des chèques à un autre appelant du groupe, mais qu’elle ne comprenait pas la nature de l’appel. Je ne vois aucune raison de penser que l’appelante comprenait mieux l’appel de CC parce qu’elle avait été désignée exécutrice de sa succession. Le groupe était encore représenté par un avocat, dont il est raisonnable de supposer qu’il dirigeait la stratégie employée dans les appels du groupe.

[97] Le fait que l’appelante ait dû répondre à un interrogatoire au préalable par écrit dans le cadre de l’appel de CC est sans importance. Cela s’explique vraisemblablement par le décès de CC. Il n’y a aucune raison de croire que l’appelante avait une connaissance significative des faits fondant l’appel de CC, étant donné que CC avait commencé à participer à l’abri fiscal en cause avant le 31 mars 1988 et qu’il n’a épousé l’appelante qu’en octobre 1992. En tout état de cause, devoir répondre à un interrogatoire au préalable en qualité de représentante personnelle de la succession de CC ne fait pas de l’appelante une partie à l’appel de CC.

[98] Des renonciations ont été déposées auprès de Revenu Canada pour les années d’imposition 1988 et 1989 de CC. La lettre produite par l’intimé avec la renonciation pour 1988[32] énonce que les signatures sur la renonciation pour CC et une autre personne ont été obtenues à la demande d’un avocat nommé dans la lettre afin que les discussions sur les appels du groupe puissent se poursuivre. Par conséquent, l’avocat du groupe doit avoir eu connaissance de la question de la prescription pour l’année l’imposition 1988 de CC.

[99] Bien qu’il n’existe aucune preuve semblable concernant la renonciation pour 1989, le témoignage de l’appelante concernant CC et la participation minimale de l’appelante aux appels du groupe permettent de penser que tout acte posé à l’égard d’une renonciation pour 1989 l’a été à l’initiative de l’avocat du groupe et qu’il est peu probable que CC ou l’appelante ait compris la nature de la question.

[100] Selon les enseignements de la jurisprudence, toute question de prescription devait être soulevée dans l’avis d’appel de CC; à défaut, l’intimé n’était pas tenu de prouver l’existence d’une renonciation valide[33]. Sur la base des numéros de dossier de la Cour des appels du groupe, les avis d’appel pour les membres du groupe ont été déposés en 1996 et 1997. L’une des hypothèses de fait du ministre est que l’appel de CC a été déposé en 1996, c.-à-d. environ six ans avant son décès, le 9 mars 2002[34].

[101] L’argument de l’intimé voulant que l’appelante ait eu la responsabilité de soulever une question de prescription après le décès de CC, du seul fait qu’elle était l’exécutrice de sa succession, ne se tient pas. En effet, j’ignore comment on pouvait s’attendre à ce que l’appelante repère une question de prescription concernant les années d’imposition 1988 et 1989 de CC compte tenu du fait que cette question découlait de l’expiration des périodes normales de nouvelle cotisation pour les années d’imposition en 1992 et 1993 et compte tenu du fait que l’appel de CC avait été déposé quelques six ans avant son décès.

(2) Autorité de la chose jugée et abus de procédure

[102] L’intimé soutient par ailleurs que les règles de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure font obstacle à ce que l’appelante soulève l’argument de la prescription des nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC. S’agissant de la règle de l’autorité de la chose jugée, l’intimé soulève la préclusion liée à une question en litige, qui est l’un des aspects de cette règle. Les règles de l’abus de procédure et de l’autorité de la chose jugée reposent sur des préoccupations et des principes sous-jacents communs. Toutefois, la règle de l’abus de procédure est plus souple[35].

[103] L’observation formulée par le juge Rothstein dans l’arrêt Gaucher, dont il ressort que le droit de l’appelante de faire opposition aux nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC est « une règle fondamentale relevant de la justice naturelle », permet de penser que cet axe d’attaque de l’intimé est mal fondé. Néanmoins, j’examinerai la position de l’intimé.

[104] L’intimé soutient que les trois conditions permettant de conclure à la préclusion liée à une question en litige et à l’abus de procédure sont réunies.

[105] La première condition, selon l’intimé, est que la question doit être la même que celle qui a été tranchée par une décision antérieure. Dans la décision CIBC, le juge Hogan fait l’observation suivante :

En général, lorsqu’une partie invoque la préclusion liée à une question en litige, la première exigence est la plus difficile à satisfaire. Pour satisfaire à la première exigence, il ne suffit pas que la question ait été soulevée de façon incidente dans l’affaire antérieure. Comme nous l’enseigne l’arrêt Angle, « [l]a question qui est censée donner lieu à la fin de non-recevoir doit avoir été “fondamentale pour la décision à laquelle on est arrivé” dans l’affaire antérieure »[36].

[Notes de bas de page omises, souligné dans l’original.]

[106] La question soulevée par l’appelante dans le présent appel est que les nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC étaient prescrites et que, par conséquent, les montants visés dans ces cotisations ne pouvaient être pris en compte dans le calcul du montant en application du sous-alinéa 160(1)e)(ii). La question tranchée dans la décision Makuz était de savoir si les nouvelles cotisations dont le groupe faisait appel étaient correctes. Il ne s’agit pas de la même question.

[107] La question de savoir si une nouvelle cotisation est prescrite et celle de savoir si une nouvelle cotisation est correcte sont deux questions distinctes. La première doit être tranchée en faveur du ministre avant même que l’on se pose la seconde. En effet, une nouvelle cotisation qui est prescrite est invalide[37] et, par conséquent, la question de sa justesse ne se pose pas.

[108] Les deux fardeaux de la preuve distincts applicables à ces deux questions rendent plus apparente la différence entre celles-ci. Lorsqu’une question de prescription est soulevée et que le ministre soutient que la nouvelle cotisation n’est pas invalide, c’est au ministre qu’incombe le fardeau de la preuve[38], alors que la question de savoir si une cotisation est correcte impose un fardeau de la preuve au contribuable. Le ministre doit s’acquitter de son fardeau de la preuve, sans quoi il n’y a pas de nouvelle cotisation dont on puisse évaluer la justesse.

[109] Dans le présent appel, le fardeau de la preuve du ministre porte sur la question de savoir si le ministre pouvait établir de nouvelles cotisations valides à l’égard des années d’imposition 1988 et 1989 de CC après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour ces années, au motif que CC avait déposé des renonciations valides pour ces années. J’analyse la validité des renonciations ci-dessous.

[110] La troisième condition selon l’intimé est que les parties aux deux instances soient les mêmes ou que l’une soit l’ayant droit de l’autre. Dans la décision Stallan, la Cour suprême de la Colombie-Britannique écrit au paragraphe 30 :

[traduction]

Pour l’application de la règle de l’autorité de la chose jugée, une personne est un « ayant droit » d’une partie à un litige lorsqu’il y a entre elles un degré suffisant d’intérêts communs et d’identification, qui fait en sorte qu’il est équitable que la décision soit opposable à elles deux. […]

[111] Pour les motifs que j’ai déjà énoncés, les parties au présent appel ne sont pas les mêmes que les parties à l’appel de CC. Qui plus est, l’appelante n’était pas un ayant droit de CC relativement à l’appel fiscal de celui-ci, car elle n’avait pas d’intérêt personnel dans l’objet dudit appel, bien qu’elle soit l’exécutrice et l’une des bénéficiaires de la succession de CC[39].

[112] Un appel en matière d’impôt sur le revenu concerne un contribuable en particulier et la dette de celui-ci en vertu de la LIR pour une ou plusieurs années d’imposition. L’objet de l’appel en matière d’impôt sur le revenu de CC ne peut être amalgamé à celui de, par exemple, une instance introduite par CC concernant la propriété d’un bien. Ce n’est que dans le cas d’une instance sur un bien que l’appelante, en tant qu’héritière de CC, pourrait être considérée comme ayant un intérêt dans l’objet de l’instance.

[113] Le fait qu’une issue favorable à l’appel en matière d’impôt sur le revenu de CC aurait pour résultat d’augmenter l’actif à la disposition de l’appelante en sa qualité d’héritière de CC est une conséquence indirecte de l’issue dudit appel. Cette conséquence indirecte n’établit pas que l’appelante aurait un degré suffisant d’intérêt commun dans l’objet de l’appel en question pour faire d’elle une ayant droit de CC à l’égard de l’appel.

[114] Par conséquent, je conclus que la première et la troisième des conditions énoncées par l’intimé ne sont pas remplies.

[115] Cette conclusion n’est pas injuste envers l’intimé. L’intimé a été pleinement avisé qu’une question de prescription serait soulevée dans le présent appel et il a présenté une preuve sur cette question. L’affirmation de l’appelante selon laquelle les nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC sont prescrites ne porte pas préjudice au ministre, mais l’appelante subirait un préjudice si elle ne pouvait pas soulever cette question dans le cadre du présent appel.

[116] Je reconnais que le passage du temps peut avoir émoussé la capacité du ministre à s’acquitter de son fardeau de la preuve concernant les renonciations. Toutefois, cela tient au fait que le ministre a établi la cotisation à l’égard de l’appelante sur le fondement de l’article 160 près de 20 ans après le transfert et après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation; ce n’est pas le fait d’une action ou d’une omission de l’appelante.

[117] Compte tenu de ce qui précède, les principes de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure n’empêchent pas l’appelante de soulever la question de la prescription des nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC.

(3) Validité des renonciations

a) La renonciation pour 1988

[118] L’appelante soutient que la renonciation pour 1988 n’a pas été signée par CC. L’intimé s’oppose au témoignage de l’appelante selon lequel la signature sur la renonciation de 1988 pourrait ne pas être celle de CC.

[119] Il ne fait aucun doute qu’on observe dans la signature sur la renonciation pour 1988 une certaine fermeté qu’on ne retrouve pas dans les signatures de l’acte de transfert et de la renonciation pour 1989. Toutefois, je ne suis pas en mesure de conclure que la signature sur la renonciation de 1988 n’est pas celle de CC. Les lettres dans les trois signatures et l’apparence et le mouvement de ces lettres se ressemblent suffisamment pour empêcher une telle conclusion. Par conséquent, même si j’autorisais le témoignage de l’appelante sur la signature, je conclurais que CC a signé la renonciation pour 1988.

[120] Je retiens le témoignage de l’appelante selon lequel CC ne savait pas écrire en anglais et je conviens qu’il est étrange que la renonciation pour 1988 comporte une adresse manuscrite erronée pour CC. Toutefois, cette anomalie, en elle-même, ne rend pas la renonciation pour 1988 invalide.

[121] Reste la question de la date à laquelle la renonciation pour 1988 a été déposée auprès du ministre. Le contenu de la lettre figurant en pièce R-1 n’aborde pas le dépôt de la renonciation pour 1988. Le paragraphe principal de la lettre est rédigé ainsi :

[traduction]

À la demande de John Campbell de Miller Thomson, j’ai fait signer les renonciations pour les clients nommés en objet, afin que vous et Me Campbell puissiez poursuivre votre discussion à propos du dossier Claridge Holdings #1. Je crois qu’il s’agit de ce que vous avez demandé.

[Non souligné dans l’original, caractère gras ajouté.]

[122] Le corps de la lettre indique uniquement que l’auteur de celle-ci a pris des dispositions pour obtenir la signature des renonciations, mais ne précise pas que les renonciations sont jointes à la lettre. Par conséquent, l’énoncé « je crois qu’il s’agit de ce que vous avez demandé » est à tout le moins ambigu quant au fait que la renonciation pour 1988 accompagne ou non la lettre.

[123] M. Hassan a déclaré qu’en 2019, il avait trouvé la lettre et la renonciation pour 1988 dans le dossier physique de CC. Il a reconnu qu’il n’y avait aucune indication que la lettre et la renonciation pour 1988 aient été agrafées ensemble. De plus, rien dans la lettre elle-même n’indique l’existence d’une pièce jointe (autrement dit, il n’y a pas la mention « p.j. » sous la ligne de signature, uniquement les initiales : « ag »).

[124] M. Hussey a témoigné que le service d’acheminement du courrier de l’ARC avait pour pratique de n’apposer un tampon que sur la première page des documents comportant plusieurs pages. Toutefois, en l’absence de preuve que la renonciation pour 1988 était attachée ou jointe à la lettre, il n’existe aucun fondement factuel permettant de conclure que la lettre et la renonciation pour 1988 formaient un document de plusieurs pages.

[125] Le témoignage de M. Hassan selon lequel, en 2019, la lettre et la renonciation pour 1988 se trouvaient dans le même dossier physique n’est ni une preuve établissant que la lettre et la renonciation pour 1988 formaient un seul document de plusieurs pages ni que la lettre et la renonciation pour 1988 avaient été reçues en même temps. Les documents dans un dossier physique peuvent avoir été versés à tout moment.

[126] L’inférence que l’avocate de l’intimé me demande de tirer des témoignages de M. Hassan et de M. Hussey est circulaire. Il s’agit de l’inférence selon laquelle, puisque la lettre et la renonciation pour 1988 figuraient dans le même dossier physique en 2019 et puisque seule la lettre portait un tampon, la renonciation pour 1988 devait avoir été attachée ou jointe à la lettre. En retour, cette inférence expliquerait pourquoi le personnel du service d’acheminement du courrier avait apposé un tampon uniquement sur la lettre. Je refuse de tirer une telle inférence, car, vu l’insuffisance de la preuve étayant une telle inférence, celle-ci relève de la pure conjecture.

[127] L’absence d’un tampon « reçu » sur la renonciation pour 1988 est particulièrement problématique puisque le formulaire de renonciation comprend une case [traduction] « réservé à l’usage de l’administration » et que, si l’on se fie à la renonciation pour 1989, le personnel du service d’acheminement du courrier de Revenu Canada avait connaissance de cette case et savait qu’un tampon « reçu » devait y être apposé.

[128] M. Hussey a supposé que la raison pour laquelle le service d’acheminement du courrier avait pour politique de n’apposer de tampon que sur la première page des documents comptant plusieurs pages était que les membres du personnel de ce service n’étaient pas des vérificateurs et n’étaient pas qualifiés pour repérer une renonciation. Toutefois, le formulaire de renonciation pour 1988 comprend la mention suivante en majuscules et en gras de grande taille :

RENONCIATION À L’APPLICATION DE

LA PÉRIODE NORMALE DE NOUVELLE COTISATION

[129] Une renonciation a un effet sur un droit essentiel d’un contribuable au bénéfice du ministre[40]. Le formulaire de renonciation est clairement présenté comme une renonciation à l’application de la période normale de nouvelle cotisation et comporte une case pour le tampon « reçu ». Si le ministre a choisi de se fier à une politique du service d’acheminement du courrier qui réduit la force probante des formulaires de renonciation qu’il reçoit, c’est lui, et non l’appelante, qui doit assumer les conséquences de ce choix.

[130] À la lumière de ce qui précède, je conclus qu’il existe une preuve insuffisante pour établir la date à laquelle le ministre a reçu la renonciation pour 1988. Par conséquent, relativement à la renonciation pour 1988, le ministre ne s’est pas déchargé de son fardeau de la preuve en application du sous-alinéa 152(4)a)(ii) selon la prépondérance des probabilités.

[131] Par conséquent, je conclus que la nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1988 était prescrite et que le montant visé par cette nouvelle cotisation ne peut être pris en compte dans le calcul du montant dû en application de l’alinéa 160(1)e).

b) La renonciation pour 1989

[132] Les parties ne contestent pas que le ministre ait reçu la renonciation pour 1989 à la date indiquée par le tampon apposé sur ladite renonciation par le service d’acheminement du courrier de Revenu Canada. L’appelante soutient que le tampon apposé par Revenu Canada sur la renonciation pour 1989 indique que la renonciation a été déposée le 31 mai 1993, c.-à-d. le lendemain de la date à laquelle la période normale de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1989 de CC a expiré.

[133] M. Hussey a témoigné que si la renonciation pour 1989 avait été envoyée à Revenu Canada, elle « n’aurait pas dû » porter un tampon de remise en main propre[41].

[134] Sur la foi du tampon sur la renonciation pour 1989 et du témoignage de M. Hussey, je conclus que la renonciation pour 1989 a été remise en main propre à Revenu Canada et a été reçu par Revenu Canada le 31 mai 1993, hors de la période normale de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1989 de CC.

[135] L’intimé soutient que le délai de dépôt de la renonciation pour 1989 a été prorogé du 30 mai 1993 au 31 mai 1993 par l’effet de la règle à l’article 26 de la Loi d’interprétation. Par conséquent, la renonciation pour 1989 permet au ministre d’établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1989 de CC après la période normale de nouvelle cotisation pour cette année.

[136] Le sous-alinéa 152(4)a)(ii) permet au ministre d’établir une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation si le contribuable a déposé une renonciation. Le sous-alinéa 152(4)a)(ii) est libellé en ces termes :

152 (4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenus pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

[…]

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

[Non souligné dans l’original.]

[137] La question soulevée par la position de l’intimé est celle de savoir si l’article 26 de la Loi d’interprétation a pour effet que la renonciation pour 1989 est réputée avoir été déposée pendant la période normale de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1989 de CC, bien qu’elle ait été déposée après dans les faits.

[138] L’article 26 de la Loi d’interprétation dispose :

Tout acte ou formalité peut être accompli le premier jour ouvrable suivant lorsque le délai fixé pour son accomplissement expire un jour férié[42].

[139] L’article 26 de la Loi d’interprétation est une des dispositions de ladite loi qui s’applique à l’interprétation d’une loi fédérale (y compris la Loi d’interprétation)[43]. L’article 12 de la Loi d’interprétation prévoit que :

Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

[Caractère gras ajouté.]

[140] Au paragraphe 6 de la décision Lubana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 8674 (C.F.), le protonotaire Lafrenière a décrit l’objet de l’article 26 de la Loi d’interprétation en ces termes :

[…] Le but de l’article 26 de la Loi d’interprétation est d’exempter une partie d’être en défaut aux termes des Règles lorsqu’elle est incapable de prendre une mesure ou de faire une chose le dernier jour d’un délai qui tombe un jour férié et d’établir une présomption voulant que la mesure prise ou la chose faite le jour ouvrable suivant soit réputée prise ou faite à temps. […]

[141] L’avocat de l’appelante soutient qu’il n’y a pas de délai de dépôt d’une renonciation et que, par conséquent, l’article 26 de la Loi d’interprétation ne s’applique pas au dépôt de la renonciation pour 1989. Il fait observer que le délai fixé par la période normale de nouvelle cotisation est celui de l’acte que le ministre doit accomplir (c.-à-d. établir la nouvelle cotisation), et non celui de l’acte que le contribuable doit accomplir.

[142] Ni l’un ni l’autre des avocats n’ont cité de décision portant sur l’application de l’article 26 de la Loi d’interprétation à la présentation d’une renonciation, et je n’ai trouvé aucune telle décision. Par conséquent, l’effet de l’article 26 de la Loi d’interprétation sur l’application du sous-alinéa 152(4)a)(i) est une question d’interprétation législative nouvelle.

[143] Au paragraphe 25 de l’arrêt R. c. Breault, 2023 CSC 9, la Cour suprême du Canada résume ainsi l’approche qu’il convient de suivre pour interpréter une loi :

Tout exercice d’interprétation statutaire consiste à lire les termes d’une disposition [traduction] « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21, citant E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, par. 26; voir aussi R. c. J.D., 2022 CSC 15, par. 21).

[144] Aux paragraphes 41 et 61 de l’arrêt Canada c. Loblaw Financial Holdings Inc., 2021 CSC 51, la Cour suprême du Canada apporte davantage de précisions sur l’approche en contexte fiscal :

Cette question précise d’interprétation législative nous oblige à faire appel au cadre d’analyse bien établi selon lequel « l’interprétation des lois consiste à dégager l’intention du législateur en examinant les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie et l’objet de cette loi » (Michel c. Graydon, 2020 CSC 24, par. 21). Là où l’analyse se corse, c’est lorsqu’il s’agit de déterminer le poids relatif à accorder au texte, au contexte et à l’objet. Lorsque le libellé d’une loi est « précis et non équivoque », le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, par. 10). En matière fiscale, une méthode « textuelle, contextuelle et téléologique unifiée » continue de s’appliquer (Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715, par. 22, citant Trustco Canada, par. 47). Toutefois, dans l’application de cette méthode unifiée, le caractère singulier et précis de nombreuses dispositions fiscales de même que le principe énoncé dans l’arrêt Duke of Westminster (selon lequel les contribuables sont en droit d’organiser leurs affaires pour réduire au minimum l’impôt à payer) commandent de se concentrer attentivement sur le texte et le contexte de la loi pour cerner l’objectif général du régime (Placer Dome, par. 21; Trustco Canada, par. 11). […]

Je réitère que, pour veiller à ce que les contribuables sachent à quoi s’en tenir, il faut donner pleinement effet aux termes précis et sans équivoque employés par le Parlement. […]

[145] Le sous-alinéa 152(4)a)(ii) ne prolonge la période normale de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1989 de CC « que dans les cas suivants : […] soit [CC] a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable » à l’année d’imposition 1989 de CC. Les mots « que dans les cas suivants » montrent bien que ce qui suit est une condition essentielle.

[146] Interprété dans son contexte global compte tenu du sens ordinaire et grammatical, le libellé du sous-alinéa 152(4)a)(ii) énonce ce qui doit s’être produit pour que la renonciation prenne effet : le contribuable doit avoir « présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année ».

[147] Le sous-alinéa 152(4)a)(ii) n’énonce pas un délai pour la présentation d’une renonciation par le contribuable. Il dispose plutôt que pour que le ministre puisse établir une nouvelle cotisation à l’égard d’une année d’imposition d’un contribuable après la période normale de nouvelle cotisation, il faut que le contribuable ait présenté une renonciation avant l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Un contribuable a trois ou quatre ans[44] après une cotisation initiale ou un avis qu’aucun impôt n’est exigible pour présenter une renonciation satisfaisant à la condition énoncée au sous-alinéa 152(4)a)(ii).

[148] Dans l’arrêt Mitchell, la Section d’appel de la Cour fédérale du Canada a fait observer que :

[…] Une renonciation est un privilège reconnu au contribuable et, si elle est envoyée, Revenu Canada ne peut pas omettre d’en tenir compte[45].

[149] Un contribuable qui choisit de ne pas déposer de renonciation ne perd pas un droit, comme le droit de s’opposer à une cotisation ou d’en appeler. Le contribuable choisit plutôt de ne pas donner au ministre le droit d’établir une nouvelle cotisation relativement au contribuable après la période normale de nouvelle cotisation en vertu du sous-alinéa 152(4)a)(ii).

[150] La présentation d’une renonciation pourrait en théorie bénéficier à un contribuable qui souhaite que le ministre établisse une nouvelle cotisation à l’égard d’une année d’imposition qui serait autrement prescrite[46].

[151] Toutefois, la présentation d’une renonciation par un contribuable ne contraint pas le ministre à établir une nouvelle cotisation à l’égard d’une année d’imposition visée par cette renonciation. Dans la décision Imperial Oil Limited c. La Reine, 2003 CCI 46[47], le juge Bowman, plus tard juge en chef, écrit au paragraphe 38 :

L’avocat de l’intimée affirme qu’un contribuable ne peut aucunement se protéger contre les erreurs qui se seraient glissées dans ses propres déclarations de revenus, sauf peut-être en comptant sur l’indulgence du ministre à accepter des déclarations modifiées et à établir une nouvelle cotisation de façon à permettre au contribuable de s’opposer si le ministre refuse de donner effet à la déclaration modifiée. Il n’existe aucun mécanisme obligeant le ministre à accepter une déclaration modifiée ou à y répondre s’il choisit de ne pas le faire. Je ne partage pas la foi de l’avocat en la magnanimité du ministre à satisfaire volontairement les demandes du contribuable de modifier ses déclarations de revenus. Le droit légal du contribuable à forcer le ministre à établir une nouvelle cotisation repose dans le processus d’opposition et d’appel.

[Caractère gras ajouté.]

[152] Par conséquent, en présentant une renonciation, le contribuable ne préserve pas l’un de ses propres droits qu’il perdrait, n’eût été la présentation d’une renonciation. Le contribuable préserve à perpétuité[48] le droit du ministre d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition visée par la renonciation.

[153] L’application de l’article 26 de la Loi d’interprétation à la présentation de la renonciation pour 1989 ne protégerait pas CC des conséquences d’un défaut au regard de la LIR. Son seul effet serait plutôt de dispenser le ministre de respecter le délai prévu par la LIR.

[154] Au paragraphe 17 de l’arrêt Markevich c. Canada, 2003 CSC 9, la Cour suprême du Canada a cerné l’objectif clef servi par les délais de prescription, en déclarant que :

[…] Les délais de prescription, par contre, visent à promouvoir la certitude, à éviter les éléments de preuve périmés, à encourager la diligence et à apporter la tranquillité d’esprit : voir M. (K.) c. M. (H.), [1992] 3 R.C.S. 6, p. 29, le juge La Forest. […]

[155] L’intimé invoque une règle dont l’objet est d’empêcher qu’une personne qui a un délai pour accomplir un acte ou une formalité – comme s’opposer à une cotisation ou en appeler – soit hors délai du fait que la date limite tombe un jour férié.

[156] Un contribuable présentant une renonciation n’est pas assujetti à une date limite qui l’empêcherait d’accomplir tout acte ou toute formalité. Une renonciation n’est valide « que dans les cas » où elle a été présentée pendant la période normale de nouvelle cotisation. Le délai concerne exclusivement la validité de la renonciation elle-même et non l’accomplissement de tout acte ou de toute formalité par la personne présentant la renonciation.

[157] À mon avis, il serait incompatible avec le texte, le contexte et l’objet de l’article 26 de la Loi d’interprétation et du sous-alinéa 152(4)a)(ii) de conclure qu’une renonciation est réputée avoir été présentée pendant la période normale de nouvelle cotisation par application de l’article 26 alors que la règle bénéficie exclusivement au ministre – une personne qui n’a pas d’acte ou de formalité à accomplir – et que le contribuable se retrouverait privé d’un droit important au titre de la LIR.

[158] À la lumière de ce qui précède, je ne vois rien dans le texte, le contexte ou l’objet du sous-alinéa 152(4)a)(ii) ou de l’article 26 de la Loi d’interprétation qui justifierait l’application de l’article 26 de manière à proroger indéfiniment la période normale de nouvelle cotisation applicable à l’année d’imposition 1989 de CC.

[159] Par conséquent, je conclus que la nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert pour 1989 était prescrite et que le montant visé par cette nouvelle cotisation ne peut être pris en compte dans le calcul de la somme due en application du sous-alinéa 160(1)e)(ii).

D. Paiement de la somme de 382 377 $

[160] Les parties conviennent que la succession de CC a versé 382 377 $ à l’ARC le 19 septembre 2003 ou vers cette date. L’intimé affirme que le ministre a imputé ce paiement à la dette de CC en application de la LIR pour son année d’imposition 1988. L’appelante soutient qu’il n’y a aucune preuve étayant cette affirmation et demande à la Cour d’ordonner que le paiement soit imputé à la somme due par CC pour son année d’imposition 1988.

[161] Puisque j’ai conclu que les nouvelles cotisations contestées à l’égard de CC sont prescrites, il n’y a pas lieu pour moi de me prononcer sur l’imputation du paiement à la dette de CC pour son année d’imposition 1988. En tout état de cause, l’imputation correcte d’un paiement à une dette fiscale de CC est une question de perception, qui ne relève pas de la compétence de la Cour[49].

V. Conclusion

[162] Pour les motifs qui précèdent, l’appel visant la cotisation est accueilli, avec dépens en faveur de l’appelante, et l’affaire est renvoyée au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et rende une nouvelle cotisation tenant compte du fait que les nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 1988 et 1989 de CC par les avis du 21 avril 1994 étaient prescrites.

[163] Les parties ont 60 jours à compter de la date du présent jugement pour s’entendre sur les dépens. À défaut d’entente, l’appelante aura 30 jours de plus pour déposer des observations écrites sur les dépens. L’intimé aura 30 jours de plus pour déposer des observations écrites sur les dépens en réponse aux observations de l’appelante. Les observations écrites de chacune des parties ne peuvent dépasser 10 pages

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2024.

« J. R. Owen »

Le juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d’octobre 2025.

Guillaume Chénard, jurilinguiste principal


 


ANNEXE A

[traduction]

2015-3607(IT)G

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

ENTRE :

MARIA CSAK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Exposé conjoint partiel des faits

 

Pour les besoins du présent appel et de tout appel qui en découlerait, les parties à la présente instance reconnaissent l’exactitude des faits dont il est question dans le présent exposé conjoint partiel des faits (l’« exposé conjoint ») ainsi que l’authenticité des documents dans le recueil conjoint de documents (le « recueil conjoint »).

Les parties conviennent que le présent exposé conjoint n’empêche pas l’une ou l’autre des parties de présenter d’autres éléments de preuve pour apporter un complément aux faits reconnus ou pour établir d’autres faits qui ne sont pas énoncés dans les présentes, tant que ces éléments de preuve ne sont pas incompatibles avec les faits reconnus.

Le transfert de bien

1. Le 8 janvier 1993, feu Charles Csak (l’« époux ») a transféré à l’appelante un bien situé au 7286 10th Line, route rurale no 2, Streetsville (Ontario) (le « bien »)1.

2. Au moment du transfert à l’appelante, la juste valeur marchande du bien était de 950 000 $ CA.

3. Au moment du transfert du bien à l’appelante, l’appelante et l’époux étaient mariés.

 

 

1 Registre parcellaire à l’onglet 2 du recueil conjoint; l’acte de transfert à l’onglet 3 du recueil conjoint.

Les cotisations sous-jacentes et l’appel fiscal de l’époux

4. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a initialement établi les cotisations de l’époux pour les années d’imposition 1988, 1989, 1990 et 1991 aux dates suivantes :

Année d’imposition

Date de la cotisation

1988

Le 20 septembre 1989

1989

Le 30 mai 1990

1990

Le 8 novembre 1991

1991

Le 9 octobre 1992

5. Au moyen d’un avis de nouvelle cotisation daté du 21 avril 1994, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’époux pour les années d’imposition 1988, 1989 et 1990.

6. Au moyen d’un avis de nouvelle cotisation daté du 15 août 1994, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’époux pour l’année d’imposition 1991 (collectivement, avec les nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1988, 1989 et 1990, les « nouvelles cotisations sous-jacentes »).

7. L’information figurant sur les nouvelles cotisations sous-jacentes était la suivante :

Année d’imposition

1988

1989

1990

1991

Total

Impôt provincial

70 366,40 $

216 322,10 $

845,10 $

1 800,00 $

289 333,60 $

Impôt fédéral

131 029,20 $

400 586,20 $

1 674,30 $

53 335,40

536 625,00 $

Impôt total

201 395,60 $

616 908,30 $

2 519,40 $

5 135,40 $

825 958,70 $

Arriéré d’intérêts à la date de la nouvelle cotisation sous-jacente

155 639,00 $

334 745,65 $

685,16 $

1 289,65 $

492 123,41 $

Autres rajustements

461,56 $

101,62 $

314,96 $

--

878,14 $

TOTAL

375 496,16 $

951 755,57 $

3 519,52 $

6 189,00 $

1 318 960,25 $

Année d’imposition

Date de la cotisation

1988

Le 20 septembre 1989

1989

Le 30 mai 1990

1990

Le 8 novembre 1991

1991

Le 9 octobre 1992

Année d’imposition

1988

1989

1990

1991

Total

Impôt provincial

70 366,40 $

216 322,10 $

845,10 $

1 800,00 $

289 333,60 $

Impôt fédéral

131 029,20 $

400 586,20 $

1 674,30 $

53 335,40

536 625,00 $

Impôt total

201 395,60 $

616 908,30 $

2 519,40 $

5 135,40 $

825 958,70 $

Arriéré d’intérêts à la date de la nouvelle cotisation sous-jacente

155 639,00 $

334 745,65 $

685,16 $

1 289,65 $

492 123,41 $

Autres rajustements

461,56 $

101,62 $

314,96 $

--

878,14 $

TOTAL

375 496,16 $

951 755,57 $

3 519,52 $

6 189,00 $

1 318 960,25 $

8. Les nouvelles cotisations sous-jacentes ont trait aux pertes ayant été refusées d’une société de personnes, connue sous le nom de Claridge Holdings no 1 (la « société de personnes »), qui ont été attribuées aux associés (dont faisait partie l’époux).

9. L’époux a interjeté appel des nouvelles cotisations sous-jacentes devant la Cour canadienne de l’impôt au moyen d’un avis d’appel daté du 28 octobre 1996, dossier de la Cour no 96-3944 (l’« appel sous-jacent »).

10. L’appel sous-jacent faisait partie d’un groupe d’appels mettant en cause d’autres contribuables ayant pris part à la société de personnes.

11. L’époux n’a pas allégué ni soulevé dans l’appel sous-jacent une question de prescription à l’égard des nouvelles cotisations sous-jacentes pour les années d’imposition 1988 et 1989.

12. L’époux est décédé le ou vers le 9 mars 2002.

13. L’appelante était l’exécutrice et fiduciaire de la succession d’époux (la « succession »).

14. L’appel sous-jacent a été rejeté par la Cour canadienne de l’impôt le 13 juillet 2006.

La nouvelle cotisation de l’appelante

15. Au moyen d’un avis daté du 14 août 2012, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante en vertu de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu pour un montant de 1 200 000 $ relativement au transfert du bien à l’appelante par l’époux (la « nouvelle cotisation »)2.

16. Sous réserve d’une conclusion de la Cour quant à la prescription des années d’imposition 1988 et 1989 de l’époux au moment de la nouvelle cotisation, l’impôt à payer par l’époux au moment de la nouvelle cotisation du 14 août 2012 s’élevait à 4 876 824,14 $, réparti comme suit :

Année d’imposition

1988

1989

1990

1991

Date de la nouvelle cotisation

21 avril 1994

21 avril 1994

21 avril 1994

15 août 1994

Solde au 14 août 2012, y compris les intérêts

938 264,06 $

3 899 676,72 $

14 433,42 $

24 449,94 $

 

2 Avis de cotisation/de nouvelle cotisation, onglet 1 du recueil conjoint.

Année d’imposition

1988

1989

1990

1991

Date de la nouvelle cotisation

21 avril 1994

21 avril 1994

21 avril 1994

15 août 1994

Solde au 14 août 2012, y compris les intérêts

938 264,06 $

3 899 676,72 $

14 433,42 $

24 449,94 $

17 L’appelante s’est opposée à la nouvelle cotisation en présentant un avis d’opposition le 7 novembre 2012.

18 Par avis de confirmation daté du 6 mai 2015, le ministre a confirmé la nouvelle cotisation.

 

SIGNÉ à Toronto, dans la province de l’Ontario, ce 8e jour de septembre 2023.

« John Buote » (signé)

John Buote

BRS Tax Lawyers LLP
2150, avenue Islington, bureau 103
Toronto (Ontario) M9P 3V4
Téléc. : 289-201-9349

Tél. : 289-201-9348

Courriel : jbuote@brstaxlaw.com

Avocat de l’appelante

SIGNÉ à Ottawa, dans la province de l’Ontario, ce 8e jour de septembre 2023.

« Meaghan Mahadeo » (signé)

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Ministère de la Justice Canada
RCN — Contentieux des affaires fiscales
Justice Canada
99, rue Bank, 11e étage
Ottawa (Ontario)
K1A OH8
Canada

Téléc. : 613-941-2293

Par : Meaghan Mahadeo

Tél. : 613-670-8264

Courriel : Meaghan.Mahadeo@justice.gc.ca

Avocate de l’intimé

 


RÉFÉRENCE :

2024 CCI 9

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-3607(IT)G

INTITULÉ :

MARIA CSAK c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 11 et 12 septembre 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge John R. Owen

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 janvier 2024

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me John Buote

Avocate de l’intimé :

Me Meaghan Mahadeo

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me John Buote

Cabinet :

BRS Tax Lawyers LLP

Toronto (Ontario)

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[2] CC avait également une dette fiscale de 289 333,60 $, plus les intérêts courus, sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu (Ontario), L.R.O. 1990, ch. I.2 (la « LIRO »). La Cour n’est pas compétente concernant les cotisations d’impôt provincial. Toutefois, en application des paragraphes 1(3) et (6), de l’article 14 et de la partie IV de la LIRO, l’issue de l’affaire sous le régime de la LIR déterminera l’issue de l’affaire sous le régime de la LIRO.

[3] Dans l’exposé conjoint, dont il est question à la partie C de la présente décision, l’adresse indiquée pour le bien est le 7286 10th Line, route rurale no 2, Streetsville (Ontario). Les parties ne contestent pas l’emplacement du bien.

[4] Les parties conviennent que les années « 1998 » et « 1999 » dans le tableau devraient être les années « 1988 » et « 1989 ».

[5] Alinéas 11a) à q) de la réponse modifiée.

[6] Lignes 26 à 28 de la p. 68 et lignes 1 à 5 de la p. 69 de la transcription de l’audience du 11 septembre 2023.

[7] Lignes 4 à 9 de la p. 30 de la transcription de l’audience du 11 septembre 2023.

[8] Lignes 17 à 28 de la p. 80 et lignes 1 à 7 de la p. 81 de la transcription de l’audience du 11 septembre 2023.

[10] Lignes 22 à 27 de la p. 98 de la transcription de l’audience du 11 septembre 2023.

[11] Pièces A-1 et A-2.

[12] Pièce A-1. À l’époque, l’ARC s’appelait Revenu Canada.

[13] Pièce A-2.

[14] Pièce R-1.

[15] Lignes 18 à 24 de la p. 113 et lignes 3 à 8 de la p. 114 de la transcription de l’audience du 11 septembre 2023.

[17] Lignes 23 à 26 de la p. 131 de la transcription de l’audience du 11 septembre 2023. L’hypothèse de fait visée à l’alinéa 11q) de la réponse modifiée indique que la renonciation pour 1989 a été postée au ministre.

[18] Makuz c. La Reine, 2006 CCI 263 [Makuz].

[19] L’avocate de l’intimé a formulé une objection à cet énoncé constituant une opinion de la part de l’appelante, et j’ai accueilli cette objection. Je relève, toutefois, que [traduction] l’« opinion » est une inférence de fait, que la Cour est en droit de dégager de la preuve prise dans son ensemble, si la preuve étaye une telle inférence.

[20] L.R.C. (1985), ch. l-21.

[21] Paragraphes 111 et 112 des observations écrites de l’intimé.

[22] Les modifications des alinéas 160(1)d) et e) entrées en vigueur le 26 juin 2013 ne sont pas pertinentes en l’espèce. Ces modifications n’ont touché que la version anglaise : à l’alinéa 160(1)d), « severally » a été remplacé par « serverally, or solidarily » et « therefor » par « for it »; à l’alinéa 160(1)e), « severally » a été remplacé par « severally, or solidarily ».

[23] 2021 CAF 17 [Eyeball Networks].

[24] Eyeball Networks, par. 2 et 44. Le juge en chef Noël cite le paragraphe 60 de l’arrêt Canada c. 9101-2310 Québec Inc., 2013 CAF 241.

[25] L.R.O. 1990, ch. S.19. Voir également l’article 3 de la Loi sur les actes translatifs de propriété et le droit des biens, L.R.O. 1990, ch. C.34.

[26] Gaucher, par. 2.

[27] Gaucher, par. 6 et 7.

[28] 594710, par. 5.

[29] D.W.M. Waters, M.R. Gillen & L.D. Smith, Waters’ Law of Trusts in Canada, 5e éd. (Thomson Reuters Canada, 2021) (« Waters ») aux p. 48 à 50.

[31] L’avocat désigné dans la lettre figurant à la pièce R-1 n’est pas le même que celui qui est nommé au paragraphe 3 de la décision Makuz.

[32] Pièce R-1.

[33] Naguib c. Canada, 2004 CAF 40, Canada c. Last, 2014 CAF 129, par. 54, et Dicosmo c. Canada, 2017 CAF 60, par. 7. Ces arrêts démontrent le principe selon lequel le ministre doit être informé de l’existence d’une question de prescription par l’avis d’appel.

[34] Alinéa 11 j) de la réponse modifiée.

[35] Le juge Hogan fait une synthèse claire, succincte et exacte des règles de la chose jugée et de l’abus de procédure dans la décision Banque canadienne impériale de commerce c. La Reine, 2022 CCI 26 [CIBC], par. 9 à 32, conf. par 2023 CAF 195.

[36] CIBC, par. 23.

[37] Canada c. 984274 Alberta Inc., 2020 CAF 125, par. 55.

[38] L’avocate de l’intimé a admis dans ses observations écrites que le fardeau de la preuve concernant la question de la prescription dans le présent appel incombait au ministre. Je retiens que si le ministre avait pour position que la préclusion l’empêchait d’établir une nouvelle cotisation relativement à une année d’imposition, c’est au contribuable qu’incomberait le fardeau de prouver l’existence d’une renonciation valide et déposée dans les délais : Mitchell c. Canada, 2002 CAF 407 [Mitchell], et Reyes c. Le Roi, 2023 CCI 31.

[39] Voir, d’une manière générale, Sopinka, Lederman & Bryant, The Law of Evidence in Canada, 6e éd. (Toronto : LexisNexis Canada, 2022), par. 19.136 à 19.145, en particulier par. 19.137.

[40] Voir, d’une manière générale, A. Christina Tari, « Waivering », dans Rapport des délibérations de la cinquante‑quatrième conférence annuelle en fiscalité, Rapport de la conférence de 2002 (Toronto : Fondation canadienne de fiscalité, 2003) 13:1-11.

[41] Je constate que ce témoignage contredit l’hypothèse de fait visée à l’alinéa 11q) de la réponse modifiée.

[42] Le dimanche est un jour férié en vertu de la définition du mot « jour férié » figurant au paragraphe 35(1) de la Loi d’interprétation.

[43] Définition du terme « Loi » énoncée au paragraphe 2(1) et aux paragraphes 3(1) et (2) de la Loi d’interprétation.

[44] Voir par. 152(3.1).

[45] Mitchell, par. 40.

[46] Voir, par exemple, Canadian Marconi Co. c. Canada, [1992] 1 C.F. 655 (C.A.).

[47] Conf. par 2003 CAF 289. Voir également les arrêts Armstrong c. Canada, 2006 CAF 119, par. 8, et Fiducie St. Benedict Catholic Secondary School c. Canada, 2022 CAF 125, par. 32.

[48] Sous réserve de la révocation de la renonciation par le contribuable, laquelle prend effet six mois après l’avis de révocation présenté selon le formulaire prescrit : par. 152(4.1).

[49] Alciné c. Canada, 2010 CAF 325, et Beaudry c. Canada (Procureur général), 2013 CF 547, par. 23.

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