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Dossier : 2021-1039(GST)APP

ENTRE :

REFIND ENVIRONMENT INC.,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Demande entendue le 11 septembre 2023 à Toronto (Ontario), avec observations écrites reçues le 5 octobre 2023, le 30 octobre 2023 et le 15 décembre 2023

Devant : l’honorable juge David E. Spiro

Comparutions :

Avocat de la requérante :

Me Andrew Rogerson

Avocat de l’intimé :

Me Eric Myles

 

JUGEMENT

La demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise relativement à neuf périodes de déclaration de la requérante commençant le 1ᵉʳ décembre 2016 et se terminant le 31 août 2018 et commençant le 1ᵉʳ décembre 2018 et se terminant le 31 mai 2019 est rejetée, sans dépens.

Signé à Toronto (Ontario), ce 4e jour de janvier 2024.

« David E. Spiro »

Le juge Spiro

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de janvier 2024.

Liette Girard


Référence : 2024 CCI 2

Date : 20240104

Dossier : 2021-1039(GST)APP

ENTRE :

REFIND ENVIRONMENT INC.,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Spiro

[1] Il s’agit d’une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »).

[2] Les cotisations portaient sur neuf périodes de déclaration de la requérante. La première série de périodes de déclaration a commencé le 1ᵉʳ décembre 2016 et s’est terminée le 31 août 2018. La deuxième série a commencé le 1ᵉʳ décembre 2018 et s’est terminée le 31 mai 2019.

[3] Il n’y a pas de litige sur deux dates critiques. D’abord, il n’y a pas de litige sur la date à laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a envoyé des avis de cotisation à la requérante. Cette date était le 27 novembre 2019.

[4] Ensuite, il n’y a pas de litige sur la date à laquelle la requérante a déposé auprès du ministre une demande de prorogation du délai pour faire opposition. Cette date était le 26 février 2021.

[5] Il est également admis que la requérante n’a pas déposé d’avis d’opposition auprès du ministre dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste des avis de cotisation comme l’exige le paragraphe 301(1.1) de la LTA.

[6] La seule question en litige consiste à déterminer si la requérante a déposé en temps utile sa demande de prorogation du délai pour faire opposition.

Position de la Couronne

[7] Selon la Couronne, la requérante a présenté au ministre sa demande de prorogation du délai pour faire opposition avec un jour de retard. Selon la thèse de la Couronne, la dernière date à laquelle la requérante aurait pu présenter sa demande au ministre était le 25 février 2021.

Position de la requérante

[8] La requérante affirme que la dernière date à laquelle elle aurait pu présenter au ministre sa demande de prorogation du délai pour faire opposition était un jour plus tard – le 26 février 2021 – la date à laquelle elle a effectivement présenté sa demande.

[9] Le paragraphe 301(1.1) de la LTA accorde un délai de 90 jours à compter de la date de mise à la poste de l’avis de cotisation pour déposer un avis d’opposition. Si cette date limite n’est pas respectée, l’alinéa 303(7)a) accorde une année supplémentaire pour déposer une demande de prorogation de délai auprès du ministre pour faire opposition. Si le ministre refuse la demande, la Cour peut l’accorder, mais, en vertu de l’alinéa 304(5)a), la Cour ne peut l’accorder si elle n’a pas été présentée au ministre dans cette année supplémentaire.

[10] J’ai reproduit les dispositions pertinentes dans leur contexte législatif [je souligne] :

[11] Deux questions relatives au choix du moment se posent. La première concerne la période d’opposition de 90 jours et la seconde concerne la période de demande d’un an.

[12] La réponse à la première question sur le délai dépend de l’interprétation du paragraphe 301(1.1) de la LTA, qui prévoit le délai de 90 jours pour déposer un avis d’opposition :

[13] Dans ses observations, la requérante insiste beaucoup sur le mot « suivant » dans l’expression du paragraphe 301(1.1) de la LTA qui prévoit que la personne doit présenter un avis d’opposition dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé.

[14] La requérante prétend que le mot « suivant » signifie que le délai de 90 jours pour déposer un avis d’opposition débute le lendemain de l’envoi de l’avis de cotisation par le ministre. Étant donné que le ministre a envoyé des avis de cotisation à la requérante le 27 novembre 2019, nous devrions compter les 90 jours à compter du 28 novembre 2019.

[15] À l’appui de sa position, la requérante invoque les paragraphes 27(4) et 27(5) de la Loi d’interprétation :

27(5) Lorsqu’un acte doit être accompli dans un délai qui suit […] un jour déterminé, ce jour ne compte pas[1].

[16] La Couronne souscrit à cette proposition[2]. Je suis convaincu que cette interprétation du paragraphe 301(1.1) de la LTA est correcte.

[17] La requérante soutient ensuite que, puisque le délai de 90 jours commençait le 28 novembre 2019 (soit le lendemain de la mise à la poste des avis de cotisation), le 90ᵉ jour tombait le 26 février 2020[3]. Selon la thèse de la requérante, le dernier jour pour déposer un avis d’opposition aurait été le 26 février 2020.

[18] Le calcul par la requérante du délai d’opposition de 90 jours est erroné. Si on commence à compter à partir du lendemain de la date de mise à la poste des avis de cotisation, soit le 28 novembre 2019, le 90ᵉ jour tombait effectivement le 25 février 2020. Étant donné que l’avis d’opposition devait être déposé dans ces 90 jours, le délai pour déposer un avis d’opposition tombait le 25 février 2020. C’était le dernier jour où la requérante aurait pu déposer un avis d’opposition sans avoir à demander une prorogation du délai.

[19] Compte tenu des paragraphes 27(4) et 27(5) de la Loi d’interprétation, je suis convaincu que le 25 février 2020 était le dernier jour où la requérante aurait pu présenter au ministre un avis d’opposition.

[20] Maintenant que nous avons fixé cette date, comment calculer le délai d’un an pour présenter une demande de prorogation?

[21] La réponse à la deuxième question sur le délai dépend de l’interprétation des alinéas 303(7)a) et 304(5)a) de la LTA, qui prévoient le délai d’un an pour présenter une demande de prorogation du délai pour faire opposition :

[22] Nous avons déjà établi que le dernier jour où la requérante aurait pu présenter au ministre un avis d’opposition était le 25 février 2020.

[23] La requérante soutient que la période de demande d’un an devrait être comptabilisée à compter du lendemain du 25 février 2020. À cet égard, elle s’appuie encore une fois sur les paragraphes 27(4) et 27(5) de la Loi d’interprétation.

[24] Si la thèse de la requérante est exacte, le dernier jour pour déposer sa demande était le 26 février 2021 – jour où elle a effectivement été déposée.

[25] L’approche de la requérante concernant le calcul de la période de demande d’un an est erronée. Je conviens avec la Couronne que le 25 février 2021 était le dernier jour où une demande de prorogation du délai pour faire opposition aurait pu être présentée au ministre.

[26] La faille dans l’argumentation de la requérante résulte de la fusion d’unités de temps. La disposition traitant de la période d’opposition utilise l’unité d’un jour pour calculer le délai. Les dispositions traitant de la période de demande utilisent l’unité d’une année pour calculer le délai.

[27] Le paragraphe 37(1) de la Loi d’interprétation est la disposition applicable lorsque la référence est une année – et non les paragraphes 27(4) ou 27(5). Le paragraphe 37(1) de la Loi d’interprétation nous dit simplement que l’expression « année » s’entend de toute période de douze mois consécutifs[4].

[28] Nous revenons maintenant aux dispositions en cause :

[29] L’expression « dans l’année suivant l’expiration du délai » signifie exactement cela – dans l’année suivant l’expiration des 90 jours. La dernière date qui tombe dans l’année suivant le 25 février 2020 est le 25 février 2021.

[30] La requérante n’a pas présenté au ministre sa demande de prorogation du délai pour faire opposition dans le délai prévu à l’alinéa 303(7)a) de la LTA. Je dois donc rejeter la demande de la requérante et je le ferai sans frais. Enfin, je remercie les deux avocats pour leurs observations orales et écrites détaillées.

La Loi sur la taxe d’accise

Opposition à la cotisation

301(1.1) La personne qui fait opposition à la cotisation établie à son égard peut, dans les 90 jours suivant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé, présenter au ministre un avis d’opposition, en la forme et selon les modalités déterminées par celui-ci, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

***

Prorogation du délai par le ministre

303(1) Le ministre peut proroger le délai pour produire un avis d’opposition dans le cas où la personne qui n’a pas fait opposition à une cotisation en application de l’article 301 […] dans le délai par ailleurs imparti lui présente une demande à cet effet.

***

Obligations du ministre

303(5) Sur réception de la demande, le ministre l’examine avec diligence et y fait droit ou la rejette. Dès lors, il avise la personne de sa décision par courrier certifié ou recommandé.

***

Conditions d’acceptation de la demande

303 (7) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition […];

b) la personne démontre ce qui suit :

(i) dans le délai d’opposition par ailleurs imparti, elle n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou avait l’intention de faire opposition à la cotisation […],

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

Prorogation du délai par la Cour canadienne de l’impôt

304(1) La personne qui a présenté une demande en application de l’article 303 peut demander à la Cour canadienne de l’impôt d’y faire droit après :

a) le rejet de la demande par le ministre;

b) l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la signification de la demande, si le ministre n’a pas avisé la personne de sa décision.

Toutefois, une telle demande ne peut être présentée après l’expiration d’un délai de 30 jours suivant l’envoi de la décision à la personne selon le paragraphe 303(5).

***

Pouvoirs de la Cour canadienne de l’impôt

304 (4) La Cour canadienne de l’impôt peut rejeter la demande ou y faire droit. Dans ce dernier cas, elle peut imposer les conditions qu’elle estime justes ou ordonner que l’avis d’opposition soit réputé valide à compter de la date de l’ordonnance.

Acceptation de la demande

304 (5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel par ailleurs imparti;

b) la personne démontre ce qui suit :

(i) dans le délai d’appel par ailleurs imparti, elle n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

La période d’opposition de 90 jours

301(1.1) La personne qui fait opposition à la cotisation établie à son égard peut, dans les 90 jours suivant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé, présenter au ministre un avis d’opposition, en la forme et selon les modalités déterminées par celui-ci, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

27(4) Si le délai suit un jour déterminé, ce jour ne compte pas.

La période de demande d’un an

303(7) Il n’est fait droit à la demande [par le ministre] que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition […];

***

304(5) Il n’est fait droit à la demande [par la Cour de l’impôt] que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande a été présentée en application du paragraphe 303(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition […];

303(7) Il n’est fait droit à la demande [par le ministre] que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition […];

***

304(5) Il n’est fait droit à la demande [par la Cour de l’impôt] que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande a été présentée en application du paragraphe 303(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition […];

Conclusion

Signé à Toronto (Ontario), ce 4e jour de janvier 2024.

« David E. Spiro »

Le juge Spiro

 


RÉFÉRENCE :

2024 CCI 2

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2021-1039(GST)APP

INTITULÉ :

Refind Environment Inc. c. Sa Majesté le Roi

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 septembre 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Spiro

DATE DU JUGEMENT :

Le 4 janvier 2024

COMPARUTIONS :

Avocat de la requérante :

Me Andrew Rogerson

Avocat de l’intimé :

Me Eric Myles

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour la requérante :

Nom :

Me Andrew Rogerson

 

Cabinet :

Rogers Law Group, LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada Ottawa, Canada

 

 



[1]Dans son ensemble, l’article 27 de la Loi d’interprétation prévoit ce qui suit :

Jours francs

27(1) Si le délai est exprimé en jours francs ou en un nombre minimal de jours entre deux événements, les jours où les événements surviennent ne comptent pas.

Jours non francs

27(2) Si le délai est exprimé en jours entre deux événements, sans qu’il soit précisé qu’il s’agit de jours francs, seul compte le jour où survient le second événement.

Début et fin d’un délai

27(3) Si le délai doit commencer ou se terminer un jour déterminé ou courir jusqu’à un jour déterminé, ce jour compte.

Délai suivant un jour déterminé

27(4) Si le délai suit un jour déterminé, ce jour ne compte pas.

Actes à accomplir dans un délai

27(5) Lorsqu’un acte doit être accompli dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ce jour ne compte pas.

[2]Au paragraphe 9 des observations écrites de la Couronne déposées le 30 octobre 2023.

[3]Au paragraphe 11 des observations écrites de la requérante déposées le 5 octobre 2023.

[4]Dans son ensemble, l’article 37 de la Loi d’interprétation prévoit ce qui suit :

Notion d’année

37(1) La notion d’année s’entend de toute période de douze mois, compte tenu des dispositions suivantes :

a) année civile s’entend de l’année commençant le 1er janvier;

b) exercice s’entend, en ce qui a trait aux crédits votés par le Parlement, au Trésor, aux comptes et aux finances du Canada ou aux impôts fédéraux, de la période commençant le 1er avril et se terminant le 31 mars de l’année suivante;

c) la mention d’un millésime s’applique à l’année civile correspondante..

Précision de la notion

37(2) Le gouverneur en conseil peut préciser la notion d’année pour l’application des textes relatifs au Parlement ou au gouvernement fédéral et où figure cette notion sans que le contexte permette de déterminer en toute certitude s’il s’agit de l’année civile, de l’exercice ou d’une période quelconque de douze mois.

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