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Dossier : 2019-4360(IT)I

ENTRE :

JOHN H. TRIPLETT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 12 juin 2023, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : l’honorable juge Gaston Jorré, juge suppléant


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Jonathan Cooper

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joint, l’appel visant les cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 est rejeté, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2024.

« G. Jorré »

Le juge Jorré


Référence : 2024 CCI 23

Date : 20240222

Dossier : 2019-4360(IT)I

ENTRE :

JOHN H. TRIPLETT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Jorré

[1] Les circonstances entourant le présent appel sont extrêmement malheureuses. À la fin des présents motifs, je formule quelques commentaires sur ces circonstances et j’invite instamment les parties à les examiner attentivement.

[2] Je suggère également aux décideurs d’envisager sérieusement la possibilité de modifier les délais pour l’exercice des choix devant être faits en vertu de l’article 217 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[3] L’appelant interjette appel des cotisations datées du 26 février 2018 et établies relativement aux retenues d’impôt des non-résidents pour les années d’imposition 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015.

[4] L’appelant est un enseignant à la retraite qui a résidé au Canada jusqu’au 11 octobre 2011. Il a déménagé aux États-Unis et est devenu non-résident du Canada.

[5] En mai et juin 2016, respectivement, le ministre du Revenu national a écrit à l’appelant au sujet de déclarations T1 non produites pour les années 2011 à 2014, inclusivement.

[6] Le ministre a appris que l’appelant avait changé de lieu de résidence en juin 2016.

[7] En juillet 2016, l’appelant a produit des déclarations de revenus T1 pour toutes les années en cause et il les a déposées comme s’il était encore un résident. Son revenu est composé de prestations de retraite et, pour l’année d’imposition 2015 seulement, de certains revenus provenant du REER.

[8] En mars 2017, le ministre a établi les cotisations pour les cinq années d’imposition pour lesquelles des déclarations ont été déposées. Aucun impôt n’est à payer à l’égard de ces cotisations. C’était sans doute en raison de l’impôt retenu par les payeurs des régimes de retraite et sur les paiements du REER, en plus des crédits personnels, qu’aucun impôt n’était payable.

[9] En février 2018, le ministre a établi des cotisations pour versement tardif des retenues d’impôt des non-résidents de la partie XIII pour les cinq années en cause.

[10] Le montant des cotisations figure dans la colonne de droite du tableau au paragraphe 18 de l’affidavit d’Elaine Armstrong-Kyne.

[11] Comme on peut le voir dans le tableau, ces montants ont été calculés pour chaque année en déterminant la retenue d’impôt applicable des non-résidents[1] sur les paiements de l’année et en déduisant les montants qui avaient été retenus à la source. Je désigne ces montants retenus comme les « retenues supplémentaires ».

[12] L’appelant s’est dûment opposé à ces cotisations, et le ministre les a ultérieurement confirmées, sauf pour ce qui est de l’exercice fiscal 2011.

[13] Pour l’exercice fiscal 2011, le ministre a admis que le contribuable avait résidé au Canada jusqu’au mois d’octobre et a recalculé la retenue d’impôt en conséquence. Ce nouveau calcul était à l’avantage du contribuable dans la mesure où la retenue d’impôt des non-résidents pour 2011 avait initialement été calculée pour toute l’année.

[14] Rien dans la preuve ne m’a convaincu que le ministre avait commis une erreur dans le calcul de l’impôt.

[15] L’objet de l’article 217 de la Loi de l’impôt sur le revenu est d’éviter que certains particuliers non-résidents ne se trouvent dans une posture qui est, en règle générale, plus défavorable que s’ils étaient encore résidents.

[16] Compte tenu des sources de revenus de l’appelant, s’il avait fait le choix au moment opportun de tirer parti de l’option prévue à l’article 217 de la Loi de l’impôt sur le revenu, il aurait évité de payer les retenues supplémentaires exigées. Ce résultat tient au fait que, en règle générale, cette option permet au contribuable de conserver les déductions habituelles.

[17] L’article 217 est facultatif, parce qu’il pourrait être désavantageux pour certains contribuables non-résidents de choisir cette option, compte tenu de leur situation.

[18] Malheureusement, l’article 217 oblige l’appelant à produire, dans les six mois suivant la fin de l’année, une déclaration de revenus en vertu de la partie I et à faire, dans cette déclaration, le choix pour que l’article 217 s’applique pour l’année[2].

[19] Cela signifie que l’appelant aurait dû produire sa déclaration et faire un choix pour la dernière des années en cause, à savoir 2015, au plus tard le 30 juin 2016.

[20] Étant donné que les déclarations pour toutes les années en cause ont été déposées le 20 juillet 2016, il était alors déjà trop tard pour faire le choix prévu à l’article 217.

[21] Par conséquent, les cotisations pour ces années sont correctes en fait et en droit et il n’y a pas lieu d’annuler les cotisations.

[22] Passons à la preuve présentée par l’appelant sur les nombreuses difficultés qu’il a rencontrées afin d’obtenir de l’information sur la marche à suivre et aux arguments qu’il a invoqués qui reposent sur la Charte des droits du contribuable.

[23] J’accepte la preuve de l’appelant selon laquelle il a eu de grandes difficultés à obtenir de l’information, il y avait des retards et l’information fournie n’était pas toujours utile.

[24] Cependant, en dépit de son nom, la Charte des droits du contribuable n’est pas une loi et ne confère pas de droits légaux. Ce document représente plutôt un idéal et il aurait été préférable de lui donner un autre nom.

[25] Notre cour n’exerce qu’une compétence limitée et l’essentiel de sa compétence consiste à déterminer si les cotisations sont correctes en fonction de faits pertinents à la loi applicable; elle peut confirmer ou modifier les cotisations, mais sa décision ne peut pas prendre d’autres facteurs en considération.

[26] En conséquence, toutes les difficultés rencontrées par l’appelant ne sont pas pertinentes à la décision que je dois prendre.

[27] L’appelant a également témoigné des graves difficultés occasionnées par les cotisations pour lui et son épouse.

[28] Bien que l’appelant semble se trouver dans une situation extrêmement délicate compte tenu du montant exigible par rapport à son revenu, je ne peux pas en tenir compte pour les besoins de la décision devant être prise.

[29] Toutefois, pour ce qui est des difficultés, il existe des dispositions qui permettent au ministre de renoncer aux intérêts et aux pénalités dans certaines circonstances; voir le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je suis heureux de constater que le ministre a renoncé de manière proactive aux intérêts pour une période donnée en raison des retards survenus précédemment.

[30] L’appelant peut certainement demander à l’ARC de lui accorder un allègement supplémentaire aux termes de cette disposition. Ce tribunal n’a pas compétence pour traiter ces questions[3].

[31] Toutefois, une limite de dix ans s’applique pour une remise; les demandes doivent être présentées dans les dix années civiles suivant l’année d’imposition. L’appelant peut obtenir d’autres renseignements sur la manière dont le ministre traite ces demandes en consultant la circulaire d’information IC07-1R1 Dispositions d’allègement pour les contribuables de l’ARC; le formulaire RC4288 Demande d’allègement pour les contribuables contient aussi de l’information.

[32] Avant de conclure, je voudrais faire remarquer que, compte tenu des objectifs de l’article 217, il est étonnant de voir qu’il n’existe aucune possibilité d’exercer le choix prévu à l’article 217 après le 30 juin de l’année civile suivante.

[33] L’appelant correspond parfaitement au profil du contribuable censé tirer parti de l’article 217.

[34] En l’espèce, perdre la possibilité de faire ce choix a eu d’importantes répercussions négatives pour l’appelant.

[35] Les retenues déjà prélevées par les payeurs des prestations de retraite de l’appelant et sur les paiements du REER de l’appelant auraient été suffisantes pour couvrir la totalité de l’impôt sur le revenu de l’appelant s’il avait pu se prévaloir de l’article 217. À aucun moment, les fonds publics n’auraient été mis à contribution.

[36] Dans ces conditions, j’ai du mal à concevoir quel serait le préjudice s’il y avait un moyen de proroger le délai accordé pour faire le choix prévu à l’article 217 dans des circonstances comme celles de l’appelant[4].

[37] Ce délai relativement court est aussi surprenant, étant donné qu’un particulier qui omet de réclamer quelque chose pourra généralement se rattraper en déposant une objection. Ce particulier dispose toujours d’un délai d’au moins un an à compter de la date d’échéance de production[5].

[38] C’est également étonnant, puisque le contribuable peut pour bon nombre de choses tenter de persuader le ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour établir une nouvelle cotisation, avec son consentement, pendant une période de dix ans[6].

[39] Les décideurs politiques et le Parlement pourraient examiner s’il y a lieu d’apporter des modifications afin d’accorder un délai supérieur pour faire le choix prévu à l’article 217 ou de donner au ministre la possibilité de proroger le délai[7].

[40] Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2024.

« G. Jorré »

Le juge Jorré


RÉFÉRENCE :

2024 CCI 23

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2019-4360(IT)I

INTITULÉ :

JOHN H. TRIPLETT c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 juin 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge G. Jorré

DATE DU JUGEMENT :

Le 22 février 2024

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Jonathan Cooper

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Conformément à la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, le taux de retenue sur les prestations de retraite est réduit à 15 %, tandis que le paiement forfaitaire du REER ne bénéficie pas d’un taux réduit.

[2] Parmi les conditions à remplir pour se prévaloir de l’article 217, le paragraphe (2) de cet article prévoit que :

Aucun impôt n’est payable en vertu de la présente partie au titre des prestations canadiennes d’une personne non-résidente pour une année d’imposition si la personne, à la fois :

a) produit au ministre, dans les six mois suivant la fin de l’année, une déclaration de revenus en vertu de la partie I pour l’année;

b) fait, dans cette déclaration, un choix pour que le présent article s’applique pour l’année.

[3] J’aimerais aussi attirer l’attention sur le fait qu’il est possible de demander un décret de remise dans certaines circonstances conformément à l’article 23 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[4] Je souligne que, bien que le paragraphe 220(3) permette au ministre de proroger le délai pour faire les déclarations, les pouvoirs du ministre de proroger le délai pour faire un choix en vertu de l’article 600 du Règlement et du paragraphe 220(3.2) ne s’appliquent pas au paragraphe 217(2).

[5] Sous-alinéa 165(1)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[6] Période qui prend fin le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition en cause, en vertu du paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[7] Surtout, lorsque les particuliers sont devenus des personnes non-résidentes au cours des trois ou quatre dernières années.

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