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Dossier : 2015-1917(IT)G

ENTRE :

SPE VALEUR ASSURABLE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels interjetés par Robert Plante (dossier no 2015-1921(IT)G) les 30 et 31 octobre 2017 et les 1, 2, 3, 6, 7 et 9 novembre 2017 à Québec (Québec) devant l’honorable juge Johanne D’Auray; et observations entendues les 14 et 15 novembre 2023 à Québec (Québec) devant l’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Gabriel Dumais

Me Francis Fortin

Avocats de l’intimé :

Me Michel Lamarre (31 et 31 octobre 2017 et 1, 2, 3, 6, 7, et 9 novembre 2017)

Me Vlad Zolia (14 et 15 novembre 2023)

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

  1. Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition se terminant les 31 janvier 2005, 31 janvier 2006, 31 janvier 2007, 31 janvier2008 et 31 janvier 2009 sont rejetés;

  2. La Cour accorde un seul mémoire de dépens en faveur de l’intimé, avec les appels interjetés par Robert Plante (dossier no 2015-1921(IT)G), calculés selon le tarif B de l’annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

Signé à Québec (Québec), ce 27e jour de mai 2024.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


Dossier : 2015-1921(IT)G

ENTRE :

ROBERT PLANTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels interjetés par SPE Valeur Assurable Inc. (dossier no 2015-1917(IT)G) les 30 et 31 octobre 2017 et les 1, 2, 3, 6, 7 et 9 novembre 2017 à Québec (Québec) devant l’honorable juge Johanne D’Auray; et observations entendues les 14 et 15 novembre 2023 à Québec (Québec) devant l’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Gabriel Dumais

Me Francis Fortin

Avocat de l’intimé :

Me Michel Lamarre (31 et 31 octobre 2017 et 1, 2, 3, 6, 7, et 9 novembre 2017)

Me Vlad Zolia (14 et 15 novembre 2023)

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

  1. Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 à 2008 sont rejetés;

  2. La Cour accorde un seul mémoire de dépens en faveur de l’intimé, avec les appels logés par SPE Valeur Assurable Inc. (dossier no 2015-1917(IT)G), calculés selon le tarif B de l’annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

Signé à Québec (Québec), ce 27e jour de mai 2024.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


Référence : 2024 CCI 79

Date : 20240527

Dossier : 2015-1917(IT)G

ENTRE :

SPE VALEUR ASSURABLE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé,

Dossier : 2015-1921(IT)G

ENTRE :

ROBERT PLANTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

I. CONTEXTE

[1] Ces appels logés par SPE Valeur Assurable Inc. et par M. Robert Plante ont été entendus sous preuve commune au cours des mois d’octobre et de novembre 2017 par ma collègue, la juge Johanne D’Auray. Cette dernière a pris sa retraite au début de l’année 2022, sans qu’aucun jugement au mérite sur le fond n’ait été rendu dans ces appels. Suite au départ de la juge présidente, le juge en chef m’a assigné ces dossiers.

[2] Au cours du mois de janvier 2023, les appelants ont déposé une requête demandant à la Cour d’admettre les appels logés par les appelants et d’annuler les nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LRC (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »)), à savoir :

  • Dans le dossier de Robert Plante (« M. Plante ») (no 2015-1921(IT)G) : les nouvelles cotisations concernant les années d’imposition 2003, 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008;

  • Dans le dossier de SPE Valeur Assurable Inc. (« SPE ») (no 2015-1917(IT)G) : les nouvelles cotisations concernant les années d’imposition se terminant les 31 janvier 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009.

[3] En vertu de l’ordonnance du 1er juin 2023 et des motifs portant la même date (2023 CCI 79), la Cour a rejeté la requête des appelants, avec dépens à l’intimé et ordonné qu’un jugement au mérite sur le fond dans ces appels soit rendu sur la base des dossiers, en précisant que si les parties souhaitaient faire des observations additionnelles quant aux questions en litige dans ces appels, elles devaient communiquer avec le coordonnateur des audiences au plus tard le 15 juin 2023 pour en informer la Cour. Les parties ont effectivement demandé de faire des observations additionnelles. En plus d’avoir examiné les observations écrites des parties, la Cour a entendu les observations des parties les 14 et 15 novembre 2023.

[4] À l’audience tenue devant la juge D’Auray, M. Plante, M. André Mavrovic, M. Jean-Marc Paquin, M. Richard Ouellette, CPA, et M. Claude Lessard ont témoigné pour les appelants. Pour l’intimé, Mme Kathleen Drew (vérificatrice à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), Mme France Arbour (enquêtrice en informatique à l’ARC) ainsi que M. Serge Potvin (vérificateur à l’ARC) ont témoigné.

[5] Dans les présents motifs, toute disposition législative à laquelle il est fait référence est une disposition de la Loi, sauf mention contraire. Également, toute mention à des dollars dans les présents motifs réfère à la monnaie ayant cours légal au Canada, sauf mention contraire.

II. NOUVELLES COTISATIONS ET QUESTIONS EN LITIGE

A. Les appels logés par SPE

[6] Les appels logés par SPE concernent les années d’imposition se terminant les 31 janvier 2005, 31 janvier 2006, 31 janvier 2007, 31 janvier 2008 et 31 janvier 2009 (« les années 2005 à 2009 »).

[7] En vertu des nouvelles cotisations établies par le ministre hors de la période normale de nouvelle cotisation, le ministre a refusé des dépenses totalisant 1 089 130 $ réclamées par SPE dans le calcul de son revenu à titre de dépenses d’entreprise en application de l’alinéa 18(1)a).

[8] Le ministre prétend que SPE a réclamé la déduction de fausses dépenses à titre de frais de commercialisation, frais de commissions et frais de mise en marché payés d’avance à six sociétés américaines, soit Apnet, Inc. (« Apnet »), For Impex, Inc. (« For Impex »), A+Shadow Systems, Inc. (« A+Shadow »), SPE Marketing, Inc. (« SPE Marketing »), Structured Management, Inc. (« Structured Management ») et Introtech, Inc. (« IntroTech ») (collectivement, les « sociétés américaines »), pour la prétendue mise en marché aux États-Unis d’un logiciel appelé le progiciel SPE Pro (le « progiciel »).

[9] Plus précisément, le ministre a refusé la déduction des dépenses suivantes :

  • i)Pour l’année 2005 : un montant total de 100 147 $, soit 14 410 $ versé à A+Shadow et 85 737 $ versé à Apnet;

  • ii)Pour l’année 2006 : un montant total de 569 833 $, soit 332 402 $ versé à Apnet et 237 431 $ versé à SPE Marketing;

  • iii)Pour l’année 2007 : un montant total de 114 226 $, soit 31 439 $ versé à Apnet et 82 787 $ versé à SPE Marketing;

  • iv)Pour l’année 2008 : un montant total de 253 575 $, soit 233 224 $ versé à SPE Marketing, 9 154 $ versé à Structured Management et 11 197 $ versé à IntroTech;

  • v)Pour l’année 2009 : un montant total de 51 348 $, soit 1 117 $ versé à For Impex, 25 201 $ versé à SPE Marketing et 25 030 $ versé à Structured Management.

[10] De plus, le ministre prétend que SPE a fait une présentation erronée des faits par inattention, négligence ou omission volontaire ou a commis quelque fraude en produisant ses déclarations de revenus ou en fournissant des renseignements pour les années 2005 à 2009, lui permettant ainsi d’établir de nouvelles cotisations hors de la période normale de nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 152(4).

[11] Également, le ministre a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) pour toutes les années d’imposition, puisque SPE aurait, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus produites pour les années 2005 à 2009.

[12] Il s’agit donc pour la Cour de déterminer si les dépenses mentionnées ci-dessus et dont la déduction a été refusée par le ministre sont déductibles dans le calcul du revenu de SPE pour les années 2005 à 2009. De plus, la Cour doit déterminer si les nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années 2005 à 2009 hors de la période normale de nouvelle cotisation sont valides selon le paragraphe 152(4) et si les pénalités cotisées en vertu du paragraphe 163(2) doivent être maintenues.

B. Les appels logés par M. Plante

[13] Les appels logés par M. Plante concernent les années d’imposition 2003 à 2008 (« les années 2003 à 2008 »).

[14] En vertu des nouvelles cotisations établies par le ministre hors de la période normale de nouvelle cotisation, la déduction de dépenses dans le calcul du revenu de M. Plante relativement au développement du Ramjet (défini ci-après) totalisant 13 128 $ a été refusée pour l’année 2003, et des montants totalisant 1 526 144 $ ont été ajoutés aux revenus de M. Plante à titre de paiements indirects en vertu du paragraphe 56(2) pour les années 2004 à 2008, plus particulièrement les montants suivants:

  • i)Pour l’année 2004 : 492 720 $;

  • ii)Pour l’année 2005 : 549 783 $;

  • iii)Pour l’année 2006 : 178 717 $;

  • iv)Pour l’année 2007 : 230 176 $; et

  • v)Pour l’année 2008 : 74 748 $.

[15] Les montants ainsi ajoutés aux revenus de M. Plante pour les années 2004 à 2008 représentent le total des montants transférés par SPE aux sociétés américaines à titre de frais de commercialisation, frais de commissions et frais de mise en marché aux États-Unis payés d’avance au cours de ces années et dont le ministre a refusé la déduction dans le calcul du revenu de SPE.

[16] De plus, le ministre prétend que M. Plante a fait une présentation erronée des faits par inattention, négligence ou omission volontaire ou a commis quelque fraude en produisant ses déclarations de revenus ou en fournissant des renseignements pour les années 2003 à 2008, lui permettant ainsi d’établir de nouvelles cotisations hors de la période normale de nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 152(4).

[17] Finalement, le ministre a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) pour les années 2003 à 2008, puisque M. Plante aurait, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus produites pour ces années.

[18] Il s’agit donc pour la Cour de déterminer, pour l’année 2003, si la dépense mentionnée ci-dessus était déductible dans le calcul du revenu de M. Plante, et pour les années 2004 à 2008, si les montants en question devaient être ajoutés dans le calcul du revenu de M. Plante en vertu du paragraphe 56(2). De plus, la Cour doit déterminer si les nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années 2003 à 2008 hors de la période normale de nouvelle cotisation sont valides selon le paragraphe 152(4) et si les pénalités cotisées en vertu du paragraphe 163(2) doivent être maintenues.

III. THÈSES DES PARTIES

A. La thèse des appelants

[19] SPE prétend que les frais de commercialisation, frais de commissions et frais de mise en marché dont la déduction a été refusée par le ministre ont été payés aux sociétés américaines dans le but de mettre en marché le produit de SPE, soit le progiciel, aux États-Unis, dans un authentique contexte d’exploitation d’entreprise. Selon les appelants, toutes ces dépenses ont été engagées par SPE afin de gagner du revenu d’entreprise, satisfaisant ainsi les conditions de déductibilité prévues à l’alinéa 18(1)a).

[20] De plus, aucun montant à l’égard des frais de commercialisation, de commissions et de mise en marché engagés par SPE ne devrait être ajouté au revenu de M. Plante selon le paragraphe 56(2), puisque ces montants représentent des dépenses justifiées par les engagements de SPE envers divers agents commerciaux américains, dans un authentique contexte d’exploitation d’entreprise.

[21] En effet, selon les appelants, les sommes payées par SPE aux sociétés américaines en vertu des conventions de représentation commerciale appelées « Sales Agency Agreements » représentent des sommes versées dans le cadre de vraies opérations commerciales, et ne se qualifient pas d’opérations « trompe-l’œil ». Également, les fonds prêtés par les sociétés américaines à M. Plante sont de véritables prêts constatés par billets à ordre et ne seraient donc pas assujetties au paragraphe 56(2). Ces opérations ne résulteraient pas en un avantage imposable pour M. Plante en vertu du paragraphe 56(2), puisque, selon les appelants, l’existence d’un trompe-l’œil est une condition à l’application de ce paragraphe.

[22] En ce qui concerne l’année 2003, M. Plante a admis que la somme de 13 128 $ déduite à l’égard du développement du « Ramjet Fuel Saver Devices » (le « Ramjet ») n’avait pas été payée tel qu’indiqué dans la déclaration de revenus qu’il a produite pour cette année.

[23] En outre, selon les appelants, le ministre ne pouvait établir de nouvelles cotisations hors de la période normale de nouvelle cotisation, puisqu’en l’absence de délai spécifique en vertu du paragraphe 152(4), c’est la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif (LRC 1985, ch. C-50) (« Loi sur la responsabilité civile de l’État ») qui s’applique, et qui renvoie aux dispositions du Code civil du Québec (RLRQ c. CCQ-1991) (le « C.c.Q. »). Ainsi, le délai de prescription de trois ans prévu à l’article 2925 C.c.Q. empêcherait donc l’établissement de nouvelles cotisations plus de trois ans après que le ministre a pris connaissance des faits justifiant l’établissement des nouvelles cotisations.

[24] Finalement, les appelants soutiennent que puisque SPE et M. Plante étaient de bonne foi, l’imposition des pénalités selon le paragraphe 163(2) n’est pas justifiée.

B. La thèse de l’intimé

[25] L’intimé prétend que SPE a réclamé la déduction de fausses dépenses à titre de frais de commercialisation, frais de commissions et frais de mise en marché payés d’avance aux sociétés américaines pour la mise en marché du progiciel aux États-Unis.

[26] Selon l’intimé, ces sociétés américaines sont de prétendues sociétés de mise en marché et sont toutes inactives. Ainsi, ces sociétés américaines n’ont pu rendre aucun service à SPE. SPE n’aurait fourni aucune preuve crédible étayant sa position. SPE ne pouvait donc pas déduire ces dépenses dans le calcul de son revenu en vertu de l’alinéa 18(1)a), puisqu’elles n’ont pas été engagées par SPE en vue de tirer un revenu d’entreprise.

[27] L’intimé ne prétend toutefois pas que SPE est un « trompe-l’œil » ou que le progiciel est un « trompe-l’œil ». En effet, selon l’intimé, le progiciel existe et il est clair que SPE elle-même existe, exerce des activités, génère des revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise, encourt des dépenses dans le cadre de l’exploitation de son entreprise et a engagé des dépenses pour développer ce progiciel. L’intimé admet qu’il y a eu des ventes du progiciel au Québec et a reconnu que SPE exerçait des activités aux États-Unis, malgré une seule vente du progiciel aux États-Unis durant les années en cause. À ce titre, l’intimé reconnait que M. Mavrovic est allé aux États-Unis pour représenter SPE et à cet égard, a accepté comme dépenses déductibles dans le calcul du revenu d’entreprise de SPE un montant totalisant environ 350 000 $ pour les honoraires versés à M. Mavrovic. De même, M. Plante et M. Paquin ont effectué des voyages aux États-Unis pour présenter le progiciel à divers clients potentiels.

[28] Selon l’intimé, la question est plutôt de déterminer qui exerçait les activités aux États-Unis, soit SPE (par l’entremise de M. Plante, M. Mavrovic et M. Paquin), ou les sociétés américaines. L’intimé prétend que SPE exerçait ces activés, et non pas les sociétés américaines : les montants payés d’avance aux sociétés américaines ne pouvaient donc pas avoir été engagées ou effectuées pour ces activités.

[29] De plus, selon l’intimé, aucune entreprise n’est exploitée par les acquéreurs de licences de territoires et SPE ne s’est pas occupée de la vente du progiciel pour le compte des licenciés.

[30] Ainsi, l’intimé prétend que SPE a transféré les montants totalisant 1 526 144 $ de son compte bancaire aux comptes bancaires des sociétés américaines suivant les instructions de M. Plante, pour permettre à M. Plante de s’approprier ces fonds pour son bénéfice personnel et d’avantager certaines de ses connaissances. Étant donné que M. Plante aurait dû inclure ces montants dans le calcul de son revenu en vertu du paragraphe 15(1) si le paiement de ces montants avait été fait directement par SPE à M. Plante, l’intimé prend la position que toutes les conditions d’application du paragraphe 56(2) sont réunies. Conséquemment, M. Plante devrait ajouter la totalité de ces montants dans le calcul de son revenu.

[31] Également, l’intimé soutient que si la Cour conclut que les dépenses réclamées par SPE à titre de frais de commercialisation, frais de commissions et frais de mise en marché payés d’avance aux sociétés américaines pour la mise en marché du progiciel de SPE aux États-Unis sont de fausses dépenses, les conditions d’application du sous-alinéa 152(4)a)(i) et du paragraphe 163(2) sont réunies. Ainsi, le ministre serait en droit d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de SPE pour les années 2005 à 2009, et à l’égard de M. Plante pour les années 2004 à 2008, hors de la période normale de nouvelle cotisation et d’imposer des pénalités en vertu du paragraphe 163(2).

[32] Finalement, pour l’année 2003, M. Plante a convenu au cours de l’audience qu’il n’avait pas payé la somme de 13 128 $ concernant le développement du Ramjet. L’intimé soutient donc que ce montant n’est pas déductible dans le calcul du revenu de M. Plante. Les conditions d’application du sous-alinéa 152(4)a)(i) et du paragraphe 163(2) seraient donc également réunies pour l’année 2003, permettant au ministre d’établir une nouvelle cotisation hors de la période normale de nouvelle cotisation et d’imposer des pénalités selon le paragraphe 163(2).

IV. CONCLUSION

[33] Pour les motifs ci-après, les appels logés par SPE à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années 2005 à 2009, et les appels logés par M. Plante à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années 2003 à 2008 sont rejetés, avec un seul mémoire de dépens en faveur de l’intimé, ces dépens étant calculés selon le tarif B de l’annexe II des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

V. QUESTION PRÉLIMINAIRE : OBJECTION CONCERNANT LE PRIVILÈGE RELATIF AU LITIGE

[34] Lors de l’audition de ces appels au cours des mois d’octobre et de novembre 2017, la juge présidente a pris en délibéré une objection soulevée par les appelants relativement au dépôt en preuve d’un courriel de M. Mavrovic, dont copie est à l’onglet 107 de la pièce I-1, documents de l’intimé.

[35] Cet onglet 107 contient la copie d’un courriel daté du 28 avril 2009 de M. Mavrovic adressé à M. Plante, dont l’objet est intitulé « histoire USA version draft ». À ce courriel est joint un document référant aux sociétés américaines suivantes : Apnet, For Impex, SPE Marketing et A+Shadow. Le document décrit entre autres les activités et les actionnaires de ces sociétés, les entrées et sorties de fonds à l’égard de chacune des sociétés, la description des prêts et les termes et modalités de ceux-ci, et contient une très brève chronologie des événements survenus au cours des années 2002 à 2006.

[36] Selon les appelants, ce courriel ne devrait pas être admis en preuve sur la base du privilège relatif au litige puisque des projets de cotisation ont été préparés par le ministre en avril 2009. Les appelants considèrent donc qu’il est clair qu’au 28 avril 2009, il y avait un litige appréhendé par les parties. De plus, selon les appelants, la Cour doit prendre en compte le fait que la question de la structure américaine est au cœur même du litige. Ainsi, pour ces raisons, l’objection devrait être maintenue et la Cour devrait refuser d’admettre en preuve ce courriel.

[37] Selon l’intimé, la Cour doit rejeter cette objection et permettre le dépôt en preuve de ce courriel. L’intimé invite à une interprétation stricte du privilège relatif au litige, qui est distinct du secret professionnel de l’avocat (voir Lizotte c. Aviva, Compagnie d’assurance du Canada, 2016 CSC 52 [Lizotte], par. 22, citant Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39 [Blank]). Selon l’intimé, le litige ne débute que lors du dépôt des avis d’appel à la Cour, soit en 2015. Le 28 avril 2009, à la date du courriel, il ne pourrait y avoir de litige appréhendé puisqu’aucun avis de nouvelle cotisation n’avait encore été établi par le ministre. Le privilège relatif au litige ne saurait donc être invoqué pour des documents préparés avant même que le contribuable ne loge un avis d’opposition à l’égard d’une nouvelle cotisation. De plus, par lettre datée du 29 avril 2009, l’ARC octroyait à SPE la possibilité de lui transmettre des représentations additionnelles à l’égard des projets de cotisation, le cas échéant. Cependant, la preuve est muette quant à savoir si de telles représentations ont été faites par les appelants auprès de l’ARC. Ainsi, les appelants ne pourraient prétendre que le courriel a été préparé dans le cadre de représentations effectuées quant aux projets de cotisation. Finalement, selon l’intimé, dans le cadre d’un système d’autocotisation comme le nôtre, il ne serait pas raisonnable de conclure qu’un litige est appréhendé dès que l’ARC entame une vérification, puisque cela reviendrait à admettre que les déclarations de revenus des contribuables ne sont pas conformes à la Loi.

[38] Pour les motifs suivants, la Cour maintient l’objection soulevée par les appelants; ainsi, ce courriel est exclu de la preuve.

[39] Le privilège relatif au litige n’existe pas seulement pour protéger les communications entre un avocat et son client, mais peut également être soulevé à l’égard des communications entre un avocat et des tiers et dans le cas de personnes non représentées, entre celles-ci et des tiers, du moment que l’objet principal de la communication est la préparation du litige (Blank, supra, par. 27 et par. 59 à 61). Ainsi, en l’espèce, si les conditions d’application du privilège relatif au litige sont réunies, le courriel de M. Mavrovic adressé à M. Plante peut faire l’objet de ce privilège.

[40] Dans l’arrêt Lizotte (supra, par. 33, en référant à l’arrêt Blank, supra), la Cour suprême du Canada a réitéré que les deux conditions suivantes doivent être réunies pour invoquer le privilège relatif au litige relativement à un document, et que lorsque ces deux conditions sont réunies, il y a présomption d’inadmissibilité du document (sauf exception relative à la sécurité publique et autres exceptions de nature criminelle, non applicables en l’espèce):

  • i)Le document doit avoir pour objet principal la préparation du litige;

  • ii)Le litige ou un litige connexe est en cours, ou peut être raisonnablement appréhendé.

[41] Afin de déterminer si un document a été préparé principalement en vue du litige, il faut examiner l’identité de l’auteur du document et celui ayant commandé la rédaction de celui-ci, la date de création du document, l’identité de la personne à laquelle le document est adressé ainsi que le contenu du document (Burlington Resources Finance Company c. La Reine, 2019 CCI 143, par. 69).

[42] Le terme « litige » vise un litige en instance de même qu’un litige qui peut être raisonnablement appréhendé (Blank, supra, par. 38). Un litige sera raisonnablement appréhendé s’il est démontré « …qu’une personne raisonnable, possédant la même connaissance de la situation que l’une des parties ou que les deux, estimerait peu probable que le différend se règle sans recours aux tribunaux » (Brass c. Canada, 2012 CF 927, par. 139; la Cour d’appel fédéral a accueilli l’appel sur la base de l’application du droit aux faits propres du dossier : voir Première Nation de Grand Rapids c. Canada, 2014 CAF 201). Également, la jurisprudence a indiqué qu’un litige raisonnablement appréhendé est davantage qu’une simple possibilité, mais moins qu’une certitude, et qu’il ne s’agit pas d’un test très exigeant à remplir (Hamalainen (Committee of) v. Sippola, [1991] B.C.J. No. 3614 (BCCA), par. 22).

[43] Dans cette analyse, l’interprétation du terme « litige » doit être circonscrite par l’objet même du privilège, qui est « … le besoin d’une zone protégée destinée à faciliter, pour l’avocat, l’enquête et la préparation du dossier en vue de l’instruction contradictoire » (Blank, supra, par. 40).

[44] À la lumière de ces remarques, pour les raisons suivantes, la Cour conclut qu’au 28 avril 2009, le courriel avait pour objet principal la préparation d’un litige raisonnablement appréhendé.

[45] Tout d’abord, M. Mavrovic a rédigé ce courriel; la preuve a démontré qu’il était la personne ayant mis en place la structure américaine; ce courriel est adressé à M. Plante, le principal intéressé dans cette mise en place de sociétés américaines.

[46] De plus, bien qu’en avril 2009, un litige n’était pas en cours au sens strict du terme (puisque les avis d’appel de SPE et de M. Plante ne seront logés à la Cour qu’en 2015), il est clair que le litige opposant les appelants et les autorités fiscales ne constituait pas seulement une possibilité ou un soupçon, mais qu’il était raisonnablement appréhendé. En effet, une personne raisonnable possédant la même connaissance des faits entourant les transferts faits aux sociétés américaines que M. Plante et M. Mavrovic estimerait peu probable que le différend se règle sans recours aux tribunaux.

[47] La vérification de l’ARC a débuté vers la fin de l’année 2006. En janvier 2007, Mme Drew s’est présentée aux bureaux de SPE pour procéder à la vérification et consulter divers documents. Par la suite, des questions ont été soulevées par Mme Drew quant aux dépenses réclamées par SPE dans le calcul de son revenu au titre des montants versés aux sociétés américaines.

[48] Dans le cadre de la vérification, Mme Drew a obtenu des copies de quelques factures émises par les sociétés américaines (deux factures émises par Apnet, une facture émise par A+Shadow et une facture émise par SPE Marketing). Selon Mme Drew, ces factures ne justifiaient pas suffisamment les montants déduits par SPE au cours des années. Aucun compte rendu des démarches effectuées par les sociétés américaines ne lui sera remis, bien que Mme Drew en ait fait la demande.

[49] Le 22 avril 2009, Mme Drew s’est de nouveau présentée aux bureaux de SPE pour rencontrer Mme Maryse Gosselin (adjointe de M. Plante) et M. Mavrovic, en compagnie de son chef d’équipe. Lors de cette rencontre, Mme Drew a posé de plus amples questions sur les dépenses réclamées par SPE au titre des sommes versées aux sociétés américaines, et a demandé à nouveau des copies des comptes rendus produits par les sociétés américaines pour démontrer les démarches effectuées aux États-Unis, mais sans succès.

[50] Par lettre datée du 29 avril 2009, Mme Drew a avisé SPE et M. Plante que la vérification des déclarations de revenus de SPE pour les années 2004 à 2006 était terminée. Par cette même lettre, Mme Drew a demandé à SPE et à M. Plante de lui faire parvenir des commentaires quant aux redressements proposés, le cas échéant.

[51] Ainsi, au 28 avril 2009, lorsque M. Mavrovic a envoyé le courriel à M. Plante détaillant l’historique des sociétés américaines (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 107), Mme Drew avait déjà demandé, sans succès, les rapports des activités des sociétés américaines qui pourraient justifier le démarchage effectué aux États-Unis, le cas échéant. À cette date, les appelants savaient donc déjà que la déductibilité des montants versés aux sociétés américaines était remise en question par les autorités fiscales.

[52] Vu l’absence de documents justifiant la déductibilité des montants versés aux sociétés américaines, il est clair qu’un litige est raisonnablement appréhendé par les appelants le 28 avril 2009, ou même avant, avec les autorités fiscales. Il ne s’agissait pas d’une simple possibilité ou d’un soupçon.

[53] À cet égard, la Cour note que dans l’affaire Crown Zellerbach Canada Ltd. v. Canada (Deputy Attorney General) [1982] C.T.C.121), la Cour suprême de la Colombie-Britannique s’est attardée au moment où un litige avec les autorités fiscales devenait raisonnablement appréhendé, et a conclu que ce moment peut être aussi tôt que la date d’un document détaillant une planification fiscale qui sera probablement contestée par les autorités fiscales.

[54] Toutefois, en l’espèce, la Cour n’a pas à décider si tel est le cas, puisque la Cour conclut que le litige est raisonnablement appréhendé le 28 avril 2009, étant donné que les appelants savaient à ce moment que la déductibilité des montants payés aux sociétés américaines serait contestée par les autorités fiscales et ont tenté par le courriel de décrire les circonstances ayant mené à la création des sociétés américaines.

[55] Les deux conditions à l’application du privilège relatif au litige étant réunies, et aucune des exceptions restreintes à son application n’étant applicable (soit les exceptions relatives à la sécurité publique, et autres exceptions de nature criminelle ou encore, l’abus de procédure (Blank, supra, par. 44)), la Cour conclut que le courriel daté du 28 avril 2009 est couvert par le privilège relatif au litige et est donc exclu de la preuve.

VI. TÉMOIGNAGES

A. Les témoignages de M. Plante et M. Mavrovic

[56] Au cours des années d’imposition visées par les appels, M. Plante détenait la majorité des actions de SPE et en était le président. Débutant vers les années 2001-2002, M. Mavrovic était le conseiller financier de M. Plante. M. Mavrovic a également été employé de SPE pendant une certaine période, ainsi que vice-président.

(1) Avant 2001 : développement du progiciel

[57] M. Plante détient une formation en évaluation des bâtiments obtenue au début des années 1980. En 1987, après avoir travaillé dans ce domaine pendant quelques années, il a fondé une entreprise exploitée dans la ville de Québec, et par la suite, dans la région de St-Georges de Beauce, sous le nom de « Chiasson, Plante et Associés ».

[58] En 1998, M. Plante a incorporé son entreprise sous le nom « Services Préventifs d’évaluation Robert Plante »; en 2004, le nom a changé pour « SPE Valeur Assurable Inc. ».

[59] SPE offrait alors des services d’évaluation en valeur assurable (soit la valeur à neuf des bâtiments et équipements aux fins de protection dans le cadre de polices d’assurance), ainsi qu’en valeur marchande (aux fins de financement ou autres).

[60] SPE se spécialisait également dans la gestion de maintenance assistée par ordinateur pour diverses industries. Selon M. Plante, il y avait un très grand potentiel de développement dans le domaine de la valeur assurable.

[61] En 1998, comme M. Plante a évalué qu’il y avait un grand besoin de logiciels pour gérer les éléments d’actif des entreprises, SPE a développé un premier logiciel, qui était plutôt une base de données, mais qui n’a pas eu de succès.

[62] À cette même époque, vers 1998, M. Plante a fait la rencontre de M. Mavrovic. Ce dernier est comptable de formation et était alors directeur des services administratifs et développement des affaires de Prolab Technologies, entreprise cotée en bourse, pour les États-Unis.

[63] M. Mavrovic a guidé M. Plante pour obtenir des fonds provenant de diverses sources de financement afin d’assurer la croissance de l’entreprise, et le développement du logiciel.

[64] En 1999-2000, M. Plante a engagé la société Précicom Technologies Inc., pour développer un véritable logiciel permettant la gestion des éléments d’actif des entreprises, ainsi que la maintenance dans les entreprises.

[65] Ce logiciel, appelé Progiciel SPE Pro, soit le progiciel, permettait d’effectuer un suivi des éléments d’actif et de mettre en place un système d’entretien préventif et de gestion des pièces. Le progiciel était programmé en langage C++ et l’application utilisait les technologies du Palm Pilot et des codes à barres. L’installation du progiciel se faisait par disques, et n’était pas disponible sur le Web.

[66] SPE a vendu le progiciel à plusieurs entreprises au Québec. SPE concluait avec ses clients des contrats de vente de logiciels, et offrait également des services d’évaluation. Les clients demandaient régulièrement des modifications au progiciel en fonction de leurs besoins particuliers, ce qui engendrait des coûts importants.

[67] Toutefois, selon M. Plante, l’entreprise était mal structurée. Le développement du progiciel a été très coûteux. Les problèmes financiers ont débuté par la suite.

(2) En 2001 : mise en place de la SPEQ

[68] À la suggestion de M. Mavrovic, une société de placement dans l’entreprise québécoise, soit la SPEQ SPE Technologies Inc. (la « SPEQ »), a été mise en place en octobre 2001 pour recueillir des fonds pour SPE. L’objectif de M. Plante était alors de payer les comptes de SPE, de développer davantage le progiciel ainsi que le marché au Canada et en Amérique du Nord. Les actionnaires de la SPEQ étaient des clients de SPE ainsi que des connaissances de M. Plante. La SPEQ, dont M. Mavrovic était président, a injecté 750 000 $ dans le capital-actions de SPE.

[69] La SPEQ ainsi que les subventions et prêts gouvernementaux obtenus par SPE s’inscrivaient alors dans un plan plus large, soit celui de procéder à un appel public à l’épargne et de commercialiser le progiciel aux États-Unis. La voie de l’appel public à l’épargne sera toutefois abandonnée en 2006, compte tenu des taux d’intérêt et de l’absence de vente du progiciel aux États-Unis.

(3) En 2002-2003 : les licences de territoires et les ententes de publicité

(a) les licences de territoires

[70] Au cours de l’année 2002, M. Mavrovic, alors vice-président de SPE, a préparé une étude de marché et élaboré un plan marketing (pièce A-1, documents des appelants, onglet 19, daté de septembre 2002 et mis à jour en juin 2003), qui a été approuvé par M. Plante. Selon ce plan, il était opportun pour SPE de cibler les efforts de mise en marché du progiciel au Québec, le marché québécois étant évalué à 10, 3M $. De plus, il était opportun de viser à développer dans un objectif de 3 ans le marché américain évalué à 646M $ US. Les stratégies décrites dans le plan marketing incluaient d’engager un représentant et de faire des alliances avec des distributeurs de solutions logistiques parrainées par le représentant (p.14 du plan marketing).

[71] Ainsi, SPE a décidé d’explorer et de développer le marché des petites et moyennes entreprises aux États-Unis, soit plus particulièrement en Nouvelle-Angleterre, dans le Midwest américain et le centre-est américain (et au Mexique), car le marché québécois et le marché canadien n’offraient pas un retour sur investissement suffisant.

[72] Selon M. Plante, afin de mener à terme ce projet, il était nécessaire pour SPE d’obtenir des fonds additionnels. À cette fin, M. Mavrovic a suggéré de mettre en place des licences de territoires, un système que M. Mavrovic comparait aux franchises.

[73] En vertu de ce programme de ventes de licences de territoires, les marchés américain et mexicain étaient découpés en 40 à 42 territoires approximativement, en tenant compte du nombre d’entreprises par état.

[74] Chaque licence de territoire était vendue au prix de 40 000 $. L’acquéreur de la licence (le licencié) obtenait en échange du versement de cette somme des droits non exclusifs de vendre des licences du progiciel aux entreprises intéressées situées sur un territoire donné pour une durée de 25 ans (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 136, pp. 2238-2239 et onglet 126, p. 2160). Le contrat de licence ne prévoyait toutefois pas de redevances payables à SPE dans le cas de vente par le licencié. SPE s’engageait à fournir au licencié les modifications et améliorations au progiciel pendant une période de dix ans. SPE a vendu une quarantaine de licences de territoires au cours des années 2002-2003, la grande majorité des licenciés étant des amis proches de M. Plante ainsi que des actionnaires de la SPEQ.

[75] Également, une entente de distribution datée du 9 mai 2003 a été conclue entre SPE et la société de M. Luc Pelchat, Pelchat Consultares S.A.C.V. (à titre de distributeur) pour développer le marché mexicain, de même que les marchés de l’Amérique du Sud, de l’Amérique centrale et des Antilles (pièce A-1, documents des appelants, onglet 47).

(b) les ententes de publicité

[76] En plus d’avoir mis en place un système de licences de territoires, SPE a également conclu des ententes de publicité avec diverses personnes, ces ententes étant similaires aux contrats de licences.

[77] La preuve a démontré que M. Lessard a conclu deux ententes de publicité pour le progiciel, et a versé 80 000 $ à SPE Affacturage qui agissait pour SPE Marketing (pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 141 et 142).

(c) les ventes du progiciel

[78] Au deuxième anniversaire du progiciel, SPE avait fait sept ventes du progiciel, totalisant environ 35 000 $ (pièce A-1, documents des appelants, onglet 12).

[79] Selon M. Plante, il y aura eu très peu de ventes du progiciel à l’extérieur du Québec. Au Mexique, il y aura eu une ou deux ventes, alors qu’aux États-Unis, il n’y aura eu qu’une seule vente (au centre de ski Wachusett Mountain).

(4) Fin de l’année 2003 et les années 2004 et suivantes

[80] M. Mavrovic a témoigné qu’à l’été 2003, il a rencontré un certain M. Clermont pour s’enquérir de la possibilité de confier à un tiers le développement du marché américain pour le progiciel. M. Clermont aurait manifesté son intérêt à le faire, et aurait indiqué à M. Mavrovic qu’il lui en coûterait environ 50 000 $ US par mois.

[81] Selon M. Plante, vu les coûts importants estimés par M. Clermont pour développer le marché américain, il aurait été décidé que M. Mavrovic s’occuperait lui-même de trouver des représentants aux États-Unis pour effectuer le démarchage aux États-Unis.

[82] M. Mavrovic a indiqué qu’il devait mettre en place une structure aux États-Unis pour assurer le succès des activités de démarchage, puisqu’il fallait des sociétés américaines pour effectuer le démarchage aux États-Unis. C’est pour ces raisons que les sociétés américaines auraient été créées et auraient été chargées de faire la mise en marché du progiciel moyennant le paiement d’une somme de 33 000 $ US par mois.

(a) les agents commerciaux américains

[83] À compter du mois d’octobre 2003, M. Mavrovic a acheté plusieurs sociétés tablettes incorporées selon les lois de l’état du Wyoming auprès d’un avocat américain, M. Guillermo Jalil, dont les sociétés suivantes : A+Shadow, Apnet, For Impex, IntroTech, Rockman Connections, Inc. (« Rockman »), Mercator Corporation, Inc. (« Mercator »), Net Windows, et Wysco Systems, Inc. (« Wysco »). M. Jalil a également procédé à la constitution des sociétés SPE Marketing et Structured Management selon les lois de l’état du Wyoming.

[84] Selon M. Plante, M. Mavrovic était en charge de ces sociétés, ou en était administrateur. M. Jalil était le signataire autorisé aux comptes bancaires de ces sociétés, ainsi que sur les chèques, l’officier signataire pour toutes ces sociétés et il s’occupait de préparer et de déposer les rapports corporatifs auprès des états américains.

[85] SPE aurait alors engagé des agents commerciaux américains, soit M. Letarte ainsi que les sociétés américaines mentionnées ci-dessus, pour développer le marché américain en vertu de plusieurs conventions de représentation commerciale appelées « Sales Agency Agreements ».

[86] Selon M. Mavrovic, Apnet, For Impex et SPE Marketing s’occupaient du démarchage pour le progiciel aux États-Unis. A+Shadow offrait des services de gestion. M. Plante ne détenait des actions que dans le capital de SPE Marketing (1/6), les autres actionnaires étant M. Mavrovic et d’autres personnes. M. Mavrovic et d’autres personnes détenaient les actions d’Apnet, de For Impex et de A+Shadow.

[87] Structured Management aurait été mise sur pied pour l’un des plus importants détenteurs de licences, soit M. Lessard, afin d’effectuer les activités de démarchage du progiciel aux États-Unis. IntroTech aurait été constituée pour un autre licencié, soit M. Gilbert, afin d’effectuer les activités de démarchage du progiciel aux États-Unis. En effet, selon M. Mavrovic, il aurait été convenu avec les licenciés de confier le démarchage du progiciel aux États-Unis à des sociétés constituées selon les lois du Wyoming. Chaque licencié était actionnaire de sa propre société, avec M. Mavrovic et d’autres personnes. M. Plante ne détenait pas d’actions dans le capital de ces sociétés. Selon M. Mavrovic, cette structure permettait au licencié de bénéficier des ventes du progiciel aux États-Unis.

[88] M. Mavrovic a témoigné que vu le succès des ventes de licences de territoires, il avait dû se dépêcher à trouver des représentants pour couvrir tous les territoires visés par les licences de territoires, ce qui a été un énorme travail. M. Mavrovic a donc retenu les services d’un certain Joel Green, président d’une société appelée International Sales Network, pour l’épauler dans ce travail. L’équipe de M. Green était formée d’une quarantaine d’agents manufacturiers aux États-Unis.

[89] Selon les appelants, lorsque les agents identifiaient une entreprise qui semblait intéressée, M. Mavrovic et M. Plante se déplaçaient alors aux États-Unis pour présenter le progiciel et toutes ses possibilités et tentaient ainsi de clore la transaction. M. Paquin, programmeur chez SPE, est aussi allé plusieurs fois aux États-Unis pour présenter le progiciel. Bien que la preuve a démontré que les agents connaissaient à peine le progiciel, M. Mavrovic a témoigné qu’il n’était pas nécessaire pour eux de connaitre le produit puisque ce sera M. Plante et lui-même qui se déplaceront aux États-Unis pour tenter de clore les ventes et présenter le progiciel aux entreprises ayant démontré de l’intérêt pour le progiciel.

[90] La preuve a démontré que SPE a transféré des sommes aux sociétés américaines au cours des années en cause à titre de frais de marketing pour développer le progiciel aux États-Unis.

(b) les conventions de représentation commerciale

[91] En 2003, Apnet et M. Plante ont conclu une convention de représentation commerciale pour la distribution du Ramjet (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 7, p. 70) en contrepartie du paiement par M. Plante d’un montant de 10 000 $ US pour deux mois, montant qui ne sera jamais payé par M. Plante, tel que ce dernier l’a admis à l’audience.

[92] Les appelants ont également déposé en preuve six copies de conventions de représentation commerciale (pièce A-1, documents des appelants, onglet 8, en liasse) conclues par SPE en 2003 et en 2005 prévoyant le paiement par SPE à Apnet, SPE Marketing et à M. Letarte de certains montants à titre de commissions payables d’avance pour la mise en marché du progiciel aux États-Unis.

[93] Les appelants n’ont produit en preuve aucune convention de représentation commerciale qui aurait été conclue entre SPE et l’une ou l’autre de For Impex, Structured Management, A+Shadow ou IntroTech.

[94] Peu après la conclusion de la convention de représentation commerciale entre SPE et Apnet datée du 1er octobre 2003, SPE a commencé à transférer des fonds aux sociétés américaines. Les conventions de représentation commerciale seront modifiées en 2005 pour prévoir des répartitions différentes entre les sociétés américaines.

[95] Selon les appelants, les conventions de représentation commerciale couvrent la période d’octobre 2003 au mois de janvier 2006.

[96] En janvier 2006, selon M. Plante, SPE n’aura toutefois pas versé la totalité des sommes payables en vertu des conventions et continuera d’effectuer des transferts d’argent après cette date pour respecter ses engagements. Les sommes payables en vertu des conventions de représentation commerciale n’auront toutefois jamais été versées en totalité par SPE aux sociétés américaines.

(c) efforts additionnels pour obtenir du financement

[97] SPE va continuer à déployer des efforts pour réaliser un appel public à l’épargne. La notice d’offre sera produite le 23 novembre 2006, puis abandonnée en 2007. Durant cette période, SPE a, entre autres, fait préparer des états financiers vérifiés et a entrepris des démarches additionnelles pour réaliser l’appel public à l’épargne.

[98] Toutes les démarches effectuées aux États-Unis se sont avérées des échecs puisque le progiciel dépendait d’un serveur, alors que les entreprises recherchaient plutôt un logiciel en ligne (web-base).

[99] Selon les appelants, plusieurs clients potentiels américains avaient été identifiés, soit Sencorp (pièce A-1, documents des appelants, onglet 10), Boulder, Cape Cod Potato Chips, Sugarloaf Mountain, Doug Bottomly, Armor Holdings et Johnson&Johnson. Cependant, tel qu’indiqué ci-dessus, une seule vente a été réalisée aux États-Unis pour 1 500 $ US au centre de ski Wachusett Mountain, marché développé avec l’aide de M. Letarte.

(d) les transferts totalisant 1 526 143 $

[100] M. Plante a témoigné qu’il avait des difficultés financières depuis 2004. Ainsi, puisque le salaire versé par SPE était insuffisant pour lui permettre de combler ses besoins personnels, M. Mavrovic aurait alors convenu de lui consentir des prêts personnels, par l’intermédiaire d’Apnet, de For Impex et de SPE Marketing, à la condition que les actions que M. Plante détenait dans le capital de SPE soient mises en garantie des prêts ainsi consentis. Selon les appelants, Apnet, For Impex et SPE Marketing avaient des liquidités disponibles puisqu’en l’absence de ventes du progiciel aux États-Unis, elles n’avaient pas de commissions à verser.

[101] Selon M. Plante, il empruntait selon ses besoins qu’il communiquait à M. Mavrovic. Ce dernier maintenait la comptabilité des sommes ainsi empruntées. M. Plante n’a maintenu aucun registre des prêts qui lui ont été consentis, mais il aurait signé des billets à ordre constatant ces emprunts. Selon M. Plante, débutant en 2004, il aurait ainsi emprunté environ 606 000 $ US.

[102] À ce titre, les appelants ont déposé en preuve une lettre datée du 19 septembre 2012 signée par A+Shadow (agissant pour le compte des créanciers Apnet, For Impex et SPE Marketing), et adressée à M. Plante et SPE (signée par eux également), par laquelle ces derniers ont reconnu l’endettement totalisant 606 740,36 $ US et ont accepté de rembourser mensuellement une somme de 1 000 $ US sans intérêt plus 10% des liquidités opérationnelles de SPE débutant le 31 décembre 2012; en cas de défaut, le solde deviendrait immédiatement exigible avec intérêt au taux de 8% (pièce A-1, documents des appelants, onglet 7).

[103] Également, en vertu de ce même document, M. Plante aurait convenu de mettre en garantie les actions de SPE. À ce document étaient joints deux billets à ordre : i) billet à ordre émis par M. Plante au nom de Forimpex (le nom de la société est écrit de cette façon dans le document) daté du 30 novembre 2005 au montant de 96 000 $ US, portant intérêt à 8% et garanti par les actions de SPE; ii) billet à ordre émis par M. Plante au nom de Apnet daté du 30 septembre 2006 au montant de 278 240 $ US, portant intérêt à 8% et garanti par les actions de SPE (pièce A-1, documents des appelants, onglet 7).

[104] En outre, le 24 mars 2017, M. Plante aurait cédé une police d’assurance-vie au capital assuré de 800 000 $ émise le 20 mars 2017 à titre de nantissement pour les dettes dues à A+Shadow, afin de garantir le remboursement des prêts (pièce A-1, documents des appelants, onglet 48). En vertu de ce contrat, le bénéficiaire de la police est A+Shadow à 100% et la bénéficiaire subrogée est la conjointe de M. Plante (voir p. 19).

[105] En somme, au cours de la période de mars 2004 à novembre 2008, M. Plante a reçu des montants totalisant 877 808 $ d’Apnet, de For Impex et de SPE Marketing (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 308).

[106] D’autres montants totalisant approximativement 648 335 $ (ou 607 717 $, selon le taux de change utilisé) n’ont pas été transférés directement par les sociétés américaines à M. Plante mais auraient plutôt été transférés par les sociétés américaines à certaines autres personnes (pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 308 et 309).

[107] Depuis 2004, et jusqu’en date de l’audition des appels en 2017, aucun créancier n’a entrepris de procédure pour faire valoir ses droits ou pour obtenir le remboursement des sommes dues par M. Plante. Selon le témoignage de M. Plante, il aurait demandé aux créanciers d’être patient.

[108] Vers les années 2012 et 2013, les transferts se sont terminés. M. Plante a cessé de développer le progiciel et de réinvestir dans la programmation pour stabiliser l’entreprise.

B. Les témoignages de Mme Drew et de M. Potvin

[109] La vérification des affaires de SPE a résulté de la vérification de M. Clément Baillargeon, un ami de M. Plante et licencié, au cours de laquelle Mme Drew a découvert plusieurs chèques faits par Apnet à l’ordre de M. Plante, mais encaissés par M. Baillargeon (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 31). La raison invoquée par M. Plante pour l’encaissement des chèques par M. Baillargeon était le délai important de son institution bancaire à lui créditer les sommes en question. M. Baillargeon ne lui chargeait aucun frais pour l’encaissement des chèques.

[110] La vérification de SPE a également été justifiée par la demande de redressement de SPE datée de juillet 2006 d’octroyer la déduction de dépenses additionnelles de 621 254 $ qui avait été capitalisées (pièce I-2, deuxième liste supplémentaire de documents de l’intimé, onglet 1).

[111] Comme indiqué précédemment, la vérification effectuée par Mme Drew était axée sur les dépenses réclamées par SPE dans le calcul de son revenu au titre des frais de commissions payées aux sociétés américaines. Mme Drew n’a obtenu que quatre factures pour justifier ces sommes, soit deux factures émises par Apnet, une facture émise par A+Shadow et une facture émise par SPE Marketing (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 305). Mme Drew n’a obtenu aucun compte rendu de la part des sociétés américaines justifiant les efforts déployés aux États-Unis pour vendre le progiciel.

[112] Mme Drew n’a préparé que des projets de cotisation, puisqu’en raison de son absence du travail, les dossiers ont été remis à une autre vérificatrice, Mme Morin. Mme Morin a envoyé les dossiers de SPE et de M. Plante aux enquêtes criminelles pour fraude alléguée, dossiers pilotés alors par M. Potvin. Toutefois, aucune accusation ne sera portée contre eux et les dossiers retourneront à la vérification.

[113] Après avoir analysé les documents obtenus par Mme Morin, soit les relevés des comptes bancaires américains, les registres de la comptabilité de SPE, les relevés des transferts effectués par SPE aux sociétés américaines, certaines factures et chèques, certains documents concernant certains licenciés, M. Potvin a conclu que les sommes transférées par SPE aux sociétés américaines revenaient dans les mains de M. Plante ou encore, dans les mains de certaines connaissances de M. Plante.

[114] Selon M. Potvin, les sociétés américaines sont contrôlées par M. Mavrovic, à l’aide d’une personne prête-nom, soit M. Jalil, et ensuite par M. Letarte qui le remplacera.

[115] En ce qui concerne SPE Affacturage, cette société américaine était utilisée aux fins des dépenses de publicité.

[116] À l’audition de ces appels, les onglets 306 à 309 de la pièce I-1, documents de l’intimé, ont été déposés en preuve. Ces onglets sont les feuilles de travail de M. Potvin, auxquelles la Cour reviendra ci-dessous.

VII. DISCUSSION

A. La crédibilité des témoignages

[117] L’issue de ces appels repose sur la crédibilité et la fiabilité des témoignages entendus à l’audition, au regard de l’ensemble de la preuve produite au cours du procès, incluant les éléments de preuve documentaire retenus.

[118] Tel que l’a si bien résumé la juge Miller dans l’affaire Nichols c. La Reine, 2009 CCI 334 :

[23] En matière de crédibilité, je peux tenir compte des incohérences ou des faiblesses que comporte le témoignage des témoins, y compris les incohérences internes (si le témoignage change pendant que le témoin est à la barre ou s'il diverge du témoignage rendu à l’interrogatoire préalable), les déclarations antérieures contradictoires et les incohérences externes (soit lorsque le témoignage est incompatible avec des éléments de preuve indépendants que j’ai acceptés). Il m’est ensuite loisible d’apprécier l’attitude et le comportement du témoin. Troisièmement, je peux rechercher si le témoin a des raisons de rendre un faux témoignage ou d’induire la Cour en erreur. Enfin, je peux prendre en compte la teneur générale de la preuve. C’est‑à‑dire que j’ai toute latitude pour rechercher si l’examen du témoignage à la lumière du sens commun donne à penser que les faits exposés sont impossibles ou hautement improbables.

[119] Après avoir revu l’ensemble des témoignages entendus à l’audience, et considérant les éléments de preuve documentaire retenus, la Cour conclut que M. Plante et M. Mavrovic n’ont pas rendu un témoignage crédible et fiable sur plusieurs éléments essentiels qui auraient pu permettre aux appelants d’avoir gain de cause dans ces appels. La Cour retient toutefois les témoignages de M. Ouellette, M. Paquin, Mme Arbour, Mme Drew et M. Potvin. En ce qui concerne le témoignage de M. Lessard, la Cour n’en retiendra qu’une partie.

(1) Le témoignage de M. Plante

[120] Selon l’intimé, M. Plante est un témoin intéressé. Son témoignage au sujet des sociétés américaines est évasif. Au cours de son témoignage, M. Plante s’en remet la plupart du temps à M. Mavrovic, se disant incapable de répondre aux questions qui lui sont posées. Selon l’intimé, il est improbable que le président de SPE ait autorisé des transferts totalisant plus de 1 500 000 $ sur une période de quatre ans au bénéfice des sociétés américaines pour le développement d’un nouveau marché, sans s’enquérir des activités de démarchages effectuées ou à être effectuées par ces mêmes sociétés.

[121] Également, selon l’intimé, l’assurance-vie contractée par M. Plante en 2017 par le biais de M. Mavrovic afin de justifier les prêts, seulement quelques mois avant le début de l’audition des appels, n’est pas réaliste.

[122] La Cour est d’accord avec l’intimé. En effet, en ce qui concerne M. Plante, la teneur générale de la preuve, soit l’examen de son témoignage à la lumière du sens commun porte à conclure que son témoignage à l’égard des sociétés américaines, du développement des affaires aux États-Unis et des prêts n’est pas crédible.

[123] En effet, la preuve a démontré que M. Plante est un homme d’affaires avisé, bien informé et bien éduqué, ayant une bonne connaissance de la structure de son entreprise, et qui a su faire fructifier les affaires de SPE au cours des années. Son témoignage relatif à l’historique de SPE, des difficultés financières rencontrées au cours des années et la manière de les surmonter démontre sa connaissance approfondie des affaires.

[124] Toutefois, en ce qui concerne les questions sur les sociétés américaines et le développement des affaires aux États-Unis, de même que pour les divers prêts, M. Plante prétend qu’il a peu de connaissances et que M. Mavrovic s’occupait de tout cet aspect, ce qui me semble invraisemblable, à la lumière des éléments mentionnés précédemment. À ce titre :

  • i)M. Plante ne peut justifier comment les sociétés américaines pouvaient s’occuper du développement des affaires du progiciel aux États-Unis si les fonds envoyés par SPE pour le développement des affaires étaient en fait utilisés à d’autres fins (par exemple, par des prétendus prêts au bénéfice de M. Plante ou des transferts à d’autres personnes) (transcriptions, 30 octobre 2017, p. 230, interrogatoire de M. Plante);

  • ii)M. Plante a témoigné qu’il ne connaissait pas les activités des sociétés américaines, qu’il n’était pas au courant des finances de celles-ci et savait simplement que les sociétés américaines représentaient SPE aux États-Unis (transcriptions, 30 octobre 2017, p. 236, l. 5 à p. 237, l.21, interrogatoire de M. Plante).

[125] De plus, selon M. Mavrovic et M. Plante, les importantes sommes de 1 526 143 $ transférées par SPE aux sociétés américaines sont justifiées par les grands espoirs que ceux-ci entretenaient quant au succès de l’entreprise aux États-Unis. Toutefois, aucun document justificatif n’a été produit à l’audience, sauf pour certaines conventions de représentation commerciale et quelques factures.

[126] M. Plante explique l’absence de pièces justificatives quant aux efforts ou aux heures consacrées par les sociétés américaines au développement des affaires du progiciel par le fait qu’elles agissaient à titre de sous-traitants (transcriptions, 31 octobre 2017, p. 97, l.11 à 22, interrogatoire de M. Plante).

[127] Cependant, la preuve a démontré que SPE a payé pour l’impression des cartes d’affaires des représentants américains (pièce A-1, documents des appelants, onglet 38, pp. 465-466). Si les sociétés américaines agissaient comme sous-traitant comme M. Plante le prétendait, il est plutôt curieux que SPE ait payé les frais pour les cartes d’affaires de ces personnes (transcriptions, 31 octobre 2017, p. 61, l. 16 à p. 63, l.4, interrogatoire de M. Plante).

[128] En outre, la Cour estime que la raison invoquée par M. Plante pour justifier l’absence de pièces justificatives ne peut être retenue. En effet, un payeur aurait encore plus intérêt à obtenir des pièces justificatives avant de payer un sous-traitant, que si un paiement est fait à une filiale, par exemple.

[129] Également, M. Plante n’a pu expliquer les raisons pour lesquelles certaines conventions de représentation commerciale n’étaient pas signées par SPE, ou encore par l’autre partie (transcriptions, 31 octobre 2017, p. 145 l.1 à 10, contre-interrogatoire de M. Plante) ou bien que la même convention était signée par deux personnes différentes représentant la même partie (par exemple, M. Green et M. Letarte signent pour SPE Marketing) (transcriptions, 31 octobre 2017, p. 146, l. 26 à 148 l. 3, contre-interrogatoire de M. Plante).

[130] La Cour estime également que le témoignage de M. Plante à l’égard des prêts est vague et imprécis. Selon la Cour, les faits suivants tendent à démontrer l’invraisemblance de l’existence de prêts entre M. Plante et ces sociétés.

[131] En ce qui concerne les prêts prétendument effectués par Apnet, For Impex et SPE Marketing au bénéfice de M. Plante, il est invraisemblable que M. Plante ait emprunté une somme de plus de 800 000 $ (environ 600 000 $ US) sans tenir de registres quelconques. M. Plante a témoigné que M. Mavrovic tenait un registre des sommes qui lui étaient prêtées par ces sociétés, registre qui n’a toutefois pas été produit en preuve. M. Plante a témoigné qu’il ne savait pas comment M. Mavrovic maintenait le registre (transcriptions, 31 octobre 2017, p. 77. L. 14 à p. 80, l.1, contre-interrogatoire de M. Plante).

[132] De plus, en 2017, au moment de l’audition des appels, M. Plante a témoigné qu’aucune somme en capital ou intérêt n’avait été remboursée à Apnet, For Impex et SPE Marketing, bien qu’il ait toujours eu l’intention de les rembourser, et que ces sociétés n’avaient entrepris aucune mesure de recouvrement à l’égard des sommes dues (transcriptions, 31 octobre 2017, p. 69, l. 3 à l. 22 et p. 68, l. 9 à 6 p. 69, l.11, interrogatoire de M. Plante), ce qui me semble aussi invraisemblable.

[133] Dans le cadre de son témoignage, M. Plante ne se souvient pas si d’autres billets ont été signés, autres que deux billets, l’un de 96 000 $ US à l’ordre de For Impex et l’autre de 278 240 $ US à l’ordre d’Apnet (pièce A-1, documents des appelants, onglet 7) (transcriptions, 31 octobre 2017, p. 88, l 7 à l, 18, contre-interrogatoire de M. Plante). Le document reflétant la dette de M. Plante au montant de 606 740,36 $ US est daté du 19 septembre 2012 (pièce A-1, documents des appelants, onglet 7), alors que les prêts auraient été contractés plusieurs années auparavant, soit entre 2004 et 2008 (transcriptions, 2 novembre 2017, p. 72, l. 16 à l. 20, interrogatoire de M. Mavrovic). La preuve a démontré que deux billets à ordre reflétant une partie des prêts ont été rédigés en janvier 2007, alors que les emprunts avaient été effectués en mars 2004 ou au cours de l’année 2005, selon le cas (transcriptions, 2 novembre 2017, p. 317, l. 23 à p. 319, l. 11, contre-interrogatoire de M. Mavrovic).

[134] La Cour ne peut non plus retenir la version de M. Plante à l’effet que la raison pour laquelle les chèques émis par les sociétés américaines transitaient par le compte bancaire de M. Baillargeon était due au fait que sa propre banque retenait les fonds pendant un mois environ, alors que M. Baillargeon pouvait échanger les chèques et lui remettre l’argent immédiatement (transcriptions, 31 octobre 2017, p. 102 l. 4 à l. 15, contre-interrogatoire de M. Plante). En effet, les résultats de l’enquête menée par M. Potvin indiquent plutôt que les délais de traitement de deux chèques émis par les sociétés américaines à M. Plante étaient de 18 jours et de 6 jours (transcriptions, 6 novembre 2017, p. 100, l. 23 à p. 101, l. 14, interrogatoire de M. Potvin).

[135] Pour toutes ces raisons, la Cour conclut que le témoignage de M. Plante à l’égard des sociétés américaines, du développement des affaires aux États-Unis et des prêts n’est pas crédible.

(2) Le témoignage de M. Mavrovic

[136] Pour les motifs suivants, la Cour n’accordera aucun poids au témoignage de M. Mavrovic à l’égard des sociétés américaines, du développement du marché américain et des prétendus prêts au bénéfice de M. Plante et des transferts à d’autres personnes.

[137] La crédibilité du témoignage de M. Mavrovic est fortement entachée à la lecture des courriels dont il est l’auteur et qui ont fait l’objet d’une requête des appelants pour être exclus de la preuve suite à l’audition des appels, et présentée devant la juge D’Auray le 11 février 2019 (motifs publiés sous 2019 CCI 174).

[138] Ces courriels ont été déposés par l’intimé sous les onglets 66, 67, 68, 70, 71, 72, 74, 75 à 78, 80 à 91, 94, 97, 99, 102, 104, 105 à 110, 112, 114, 115, 117, 119, 120, 122 de la pièce I-1, documents de l’intimé, et sous l’onglet 24 de la pièce I-6, Liste supplémentaire de documents de l’intimé.

[139] À la lumière du contenu de ces courriels, il est clair que M. Mavrovic a des raisons de ne pas dire toute la vérité à la Cour. Ainsi, la Cour ne peut donner de poids au témoignage de M. Mavrovic à l’égard des sociétés américaines, du développement du marché américain et des prétendus prêts au bénéfice de M. Plante et des transferts à d’autres personnes, témoignage que la Cour qualifie de non crédible.

[140] Tout d’abord, dans le cadre de son témoignage à la Cour, M. Mavrovic ne peut expliquer le contenu de plusieurs courriels ou les raisons justifiant l’envoi de ceux-ci :

  • i)Courriel daté du 5 mai 2006 adressé à M. Letarte : M. Mavrovic a indiqué que les sociétés n’opèrent pas et donc, qu’il n’y a pas d’impôt; de plus, il a ajouté que les sociétés n’ont pour objet que d’investir dans l’immobilier ou dans des sociétés de capital de risque, soit des « capital ventures ». M. Mavrovic a ajouté que les fonds des sociétés étaient des fonds après impôts (transcriptions, 2 novembre 2017, p. 308, l. 27 à p. 311, l.21; contre-interrogatoire de M. Mavrovic; pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 102);

  • ii)Courriel daté du 12 mars 2004 adressé à Mme Gosselin : M. Mavrovic a indiqué avoir préparé des factures émises par IntroTech modifiées en fonction du revenu brut de IntroTech (transcriptions, 3 novembre2017, p. 36, l. 14 à l. 28; contre-interrogatoire de M. Mavrovic; pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 109);

  • iii)Courriel daté du 5 février 2007 adressé à M. Bilodeau : M. Mavrovic a proposé à M. Bilodeau de créer une dépense à l’étranger dans le cadre des états financiers de Wysco; lors de son contre-interrogatoire, M. Mavrovic a admis avoir « pêté une bulle » en faisant cette proposition à M. Bilodeau (transcriptions, 3 novembre 2017, p. 49, l. 11 à p. 50, l. 14; contre-interrogatoire de M. Mavrovic; pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 112);

  • iv)Courriel daté du 26 février 2004 adressé à M. Bilodeau : M. Mavrovic a indiqué qu’une dépense de mise en marché a été attribuée à USA Inc. en fonction de ses profits (transcriptions, 3 novembre 2017, p. 76, l. 8 à l. 19; contre-interrogatoire de M. Mavrovic; pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 120).

[141] Plus précisément, la Cour considère que le contenu du premier courriel est très problématique. Puisque l’objet du courriel est « check accounts », il est clair que ce courriel réfère aux sociétés américaines pour lesquelles M. Letarte est signataire des chèques. Cependant, la version des faits des appelants soutenue devant la Cour est tout à fait contraire à ce que ce courriel indique : comment prétendre que les sociétés américaines n’opèrent pas si elles rendent des services aux États-Unis pour trouver des pistes pour la vente du progiciel (ou « lead »)? De plus, comment prétendre que les fonds reçus par les sociétés américaines sont des fonds après impôt si ces fonds sont reçus en échange de services rendus?

[142] Également, le 29 janvier 2005, M. Mavrovic a fait parvenir un courriel à M. Letarte concernant les sociétés américaines par lequel M. Mavrovic a demandé à M. Letarte s’il peut agir à titre d’administrateur américain et signataire pour les chèques (« US director and check signer ») pour sept sociétés américaines qu’il gère (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 85). Dans ce même courriel, M. Mavrovic a ajouté que ces sociétés agissent à titre de protecteur de patrimoine (sociétés de portefeuille) (« These companies act as asset protector (holding) »).

[143] Bien que les appelants ont tenté de maintenir à l’audience que le courriel ne mentionne pas les sociétés américaines auxquelles il est fait référence, il est clair que ce courriel réfère aux sociétés américaines. À cet égard, un courriel de la même date a été envoyé par M. Mavrovic à M. Jalil lui indiquant que M. Letarte le remplacera à titre de signataire des chèques, et réfère ainsi aux sociétés américaines (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 84).

[144] En effet, environ un mois auparavant (en décembre 2004), M. Jalil avait indiqué à M. Mavrovic qu’il ne pourrait plus signer les chèques et ne serait plus un signataire autorisé aux comptes bancaires, mais qu’il pourrait continuer à offrir les autres services corporatifs (maintien du statut des corporations, suivi du courrier, et services de dirigeant corporatif) (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 81 : courriel daté du 17 décembre 2004). Par la suite, par courriel daté du 28 janvier 2005, M. Jalil avait avisé M. Mavrovic que l’Internal Revenue Service (États-Unis) menaçait de saisir les comptes de ses clients et qu’il ne pourrait donc plus être le signataire autorisé à la banque et sur les chèques, mais pourra continuer à offrir les autres services : dirigeant corporatif et suivi du courrier (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 84).

[145] Ensuite, par courriel daté du 31 janvier 2005, M. Mavrovic a envoyé une convention de services et une lettre d’indemnisation (« Services Agreement and letter of indemnity ») à M. Letarte pour huit sociétés américaines, incluant Apnet, For Impex, A+Shadow, SPE Marketing, IntroTech, Rockman, Wysco, et Mercator. Il y est prévu que M. Letarte, à titre d’administrateur désigné (« Nominee Director ») sera le signataire autorisé pour tous les documents officiels des corporations, tels les contrats et les chèques requis par M. Mavrovic de temps à autre (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 86).

[146] La Cour a également tenu compte du courriel envoyé par M. Mavrovic à M. Letarte en date du 20 décembre 2005 décrivant les objets des sociétés américaines (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 97). Selon ce courriel, l’objet d’Apnet est « société de portefeuille » (« investment holdings »); l’objet de A+Shadow est « société de portefeuille et consultation » (« investments holdings and consulting »); l’objet de Introtech est la consultation (« consulting »); l’objet de SPE Marketing est le marketing; et l’objet de For Impex est « société de portefeuille » (« investment holdings »).

[147] En juin 2006, M. Mavrovic a remplacé M. Letarte à titre de signataire pour les sociétés américaines (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 104).

[148] Il est donc clair que M. Mavrovic référait aux sociétés américaines lorsqu’il a mentionné à M. Letarte que les sociétés américaines agissaient à titre de sociétés de portefeuille, ce qui contredit la prétention des appelants selon laquelle les sociétés américaines effectuaient des activités de démarchage.

[149] Finalement, certains autres courriels envoyés par M. Mavrovic font état de demandes fort particulières.

[150] Par exemple, par courriel daté du 1er janvier 2004 adressé à M. Jalil, M. Mavrovic a confirmé l’envoi du paiement de 7 800 $ US pour les frais de constitution des sociétés et a demandé à M. Jalil de lui faire parvenir une facture indiquant « Services de consultation – Finance » (ou « Finance Consulting Services ») afin de pouvoir utiliser celle-ci pour ses impôts canadiens (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 67).

[151] Pour les motifs suivants, sans même considérer les courriels ci-haut mentionnés, la Cour arriverait à la même conclusion quant à l’absence de crédibilité du témoignage de M. Mavrovic à l’égard des sociétés américaines, du développement du marché américain et des prétendus prêts au bénéfice de M. Plante et des transferts à d’autres personnes.

[152] Tout d’abord, la preuve a démontré que, dans le cadre de la vérification, M. Mavrovic a nié avoir préparé les factures émises par les sociétés américaines (transcriptions, 6 novembre 2017, p. 28, l. 14 à l. 20; interrogatoire de Mme Drew). Ce n’est qu’en 2012, dans le cadre de la perquisition effectuée par l’ARC, que M. Mavrovic va admettre « être derrière les sociétés américaines ». À l’audience, M. Mavrovic a témoigné qu’il ne préparait pas toutes les factures émises par les sociétés américaines (transcriptions, 3 novembre 2017, contre-interrogatoire de M. Mavrovic, p. 60, l.24 à p.61, l.1).

[153] Toutefois, les factures produites en preuve sont toutes du même format et contiennent souvent les mêmes erreurs de dates; la Cour en conclut donc que M. Mavrovic préparait les factures pour toutes les sociétés américaines.

[154] Du témoignage de M. Mavrovic, la Cour relève également les invraisemblances suivantes :

  • i)La détermination des frais mensuels payables par SPE pour le développement du marché américain a été effectuée de façon arbitraire (transcriptions, 1er novembre 2017, p. 259, l. 8 à p. 261, l.7; interrogatoire de M. Mavrovic); et

  • ii)SPE ne paie que rarement les montants dus mensuellement en vertu des diverses conventions de représentation commerciale, puisque SPE ne payait que si elle en avait la capacité (transcriptions, 2 novembre 2017, p. 3, l. 3 à p. 5, l. 11; interrogatoire de M. Mavrovic).

(3) Les témoignages de M. Paquin, M. Ouellette, Mme Arbour et Mme Drew

[155] Ces témoins ont rendu des témoignages crédibles et constants, autant dans le cadre de leur interrogatoire en chef que lors de leur contre-interrogatoire.

(4) Le témoignage de M. Lessard

[156] M. Lessard est un homme d’affaires. Il a été impliqué dans la société canadienne appelée Forimpex se spécialisant dans l’importation de composantes de portes et fenêtres fabriquées en Asie, au Vietnam et en Chine, de même que dans une société appelée Alteck pour composantes de portes et fenêtres, et est toujours actionnaire de la société Unicab.

[157] M. Lessard a témoigné quant aux montants de 8 975 $ US (9 154 $) et 22 637 $ US (25 030 $) versés par SPE à Structured Management en janvier 2008 et aout 2008, et dont la déduction a été refusée par le ministre. La Cour ne va pas retenir cette partie du témoignage de M. Lessard et y reviendra ci-dessous.

(5) Le témoignage de M. Potvin

[158] M. Potvin a rendu un témoignage crédible devant la Cour. Il a admis avoir omis d’indiquer certaines transactions bancaires dans les résumés des transactions qu’il a présentés à la Cour (transcriptions, 7 novembre 2017, pp. 161 à 164, contre-interrogatoire de M. Potvin). Toutefois, ces omissions ne viennent pas entacher la crédibilité et la fiabilité de son témoignage.

B. Les appels logés par SPE : Déductibilité des montants transférés par SPE aux sociétés américaines

[159] Au cours des années 2004 à 2009, la preuve a démontré que, selon les instructions de M. Plante, SPE a transféré des montants totalisant 1 526 143 $ aux sociétés américaines (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 308). Ces transferts ont tous été autorisés par M. Plante et ne sont pas contestés par les appelants (pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 9, 10, 13, 14, 17, 18, 21, 23 et 26).

[160] Les demandes de transferts de fonds ont toutes été signées par M. Plante, au nom de SPE, au bénéfice des sociétés Apnet, For Impex, SPE Marketing, A+Shadow, Structured Management et Introtech. Ces demandes indiquent que les fonds transférés sont des frais de marketing (« marketing fees »). Selon M. Plante, ces montants ont été transférés aux sociétés américaines pour le développement des affaires, et plus précisément à titre de frais de commercialisation, frais de commissions et frais de mise en marché du progiciel. Ainsi, selon M. Plante, dès que SPE avait des fonds disponibles, SPE les transférait aux sociétés américaines.

[161] Concernant les transferts aux sociétés américaines, l’intimé a également déposé en preuve la feuille de travail de M. Potvin indiquant les dépenses dont la déduction a été refusée à SPE (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 306).

(1) Les principes applicables à la déductibilité

[162] Les dispositions pertinentes de la Loi au regard de la déductibilité des dépenses sont le paragraphe 9(1) et l’alinéa 18(1)a), qui se lisent ainsi:

9(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

[]

18(1) Exceptions d’ordre général — Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a) Restriction générale — les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

[...]

[mes soulignements]

[163] Le paragraphe 9(1) prévoit que le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année. Le terme « bénéfice » n’est toutefois pas défini dans la Loi.

[164] Un contribuable est libre d’adopter toute méthode pour déterminer le bénéfice qu’il tire d’une entreprise, pourvu que cette méthode ne soit pas incompatible avec les dispositions de la Loi, les principes dégagés par la jurisprudence ainsi que les principes commerciaux reconnus, et que l’objectif soit d’obtenir une image fidèle du bénéfice pour l’année (Canderel Ltée c. Canada, [1998] 1 RCS 147, aux par. 50‑53).

[165] Ainsi, en vertu du paragraphe 9(1), le contribuable peut déduire les dépenses engagées ou effectuées en vue de réaliser ce bénéfice, sous réserve des restrictions prévues dans la Loi.

[166] L’une de ces restrictions se retrouve à l’alinéa 18(1)a) qui énonce une restriction générale. Selon l’alinéa 18(1)a), un contribuable ne pourra déduire une dépense dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise que si cette dépense a été engagée ou effectuée en vue de tirer un revenu de l’entreprise.

[167] Il est bien établi qu’une dépense peut être admise en déduction même si aucune facture ou autre documentation n’est produite en preuve au procès. Toutefois, la preuve produite doit autrement être fiable et crédible.

(2) La conclusion de la Cour quant à la déductibilité des montants transférés

[168] Pour les motifs suivants, la Cour conclut que les montants transférés par SPE aux sociétés américaines n’ont pas été engagés ou effectués par SPE dans le but de tirer un revenu d’entreprise, et ne peuvent donc pas être déduits dans le calcul du revenu d’entreprise de SPE. Les appelants n’ont produit aucune preuve testimoniale ou documentaire crédible et fiable permettant à la Cour de conclure que les sociétés américaines avaient rendu des services de mise en marché du progiciel aux États-Unis pour le compte de SPE, ou encore tout autre type de service à SPE, au cours de la période pertinente.

(3) Discussion

[169] La Cour ne retient pas la thèse des appelants à l’effet que les sociétés américaines ont rendu des services de mise en marché du progiciel aux États-Unis pour le compte de SPE.

(a) les témoignages

[170] Les appelants ont maintenu devant la Cour qu’Apnet devait être responsable du développement du marché de l’Est américain, alors que For Impex devait s’occuper du marché de l’Ouest américain. Quant aux sociétés IntroTech et Structured Management, elles auraient été créées selon les appelants, pour faire la mise en marché du progiciel pour les licenciés, M. Gilbert et M. Lessard, respectivement. En ce qui concerne A+Shadow, elle aurait été créée pour faire la promotion et la vente des licences du progiciel en Amérique du Nord selon les appelants. De plus, selon les appelants, A+Shadow rendait des services de consultation, faisait de l’exploitation de biens immobiliers en Floride, s’occupait de vendre et offrir des services de marketing pour divers produits, et faisait la gestion de quelques sociétés, dont Apnet, For Impex, et SPE Marketing. Finalement, selon les appelants, SPE Marketing aurait été constituée afin de s’occuper de l’aspect marketing de la commercialisation du progiciel, afin d’éviter les produits publicitaires onéreux, tel Google AdWords (ou Google Ads), qui n’apportaient pas les résultats escomptés.

[171] L’intimé a pour sa part convenu que SPE faisait des affaires aux États-Unis, et que le progiciel existait bel et bien. Ces questions ne sont pas en litige en l’espèce.

[172] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, la Cour conclut plutôt, selon la prépondérance des probabilités, que SPE, et non pas les sociétés américaines, a fait les démarches de mise en marché du progiciel aux États-Unis. Tel qu’indiqué précédemment, les témoignages de M. Plante et de M. Mavrovic quant aux activités des sociétés américaines ne sont pas crédibles et ne sont pas retenus par la Cour. Le témoignage de M. Paquin, informaticien chez SPE de février 2004 à 2006, vient démontrer que SPE effectuait les démarches de mise en marché du progiciel aux États-Unis.

[173] En effet, M. Paquin a témoigné que ses fonctions consistaient à maintenir le logiciel existant, développer de nouvelles fonctionnalités, supporter les clients existant au Québec et au Mexique et faire la mise à jour des logiciels. M. Paquin s’occupait du côté technique et non pas des ventes. En outre, la Cour retient que M. Plante a fait dix à quinze voyages aux États-Unis entre 2003 et 2006, accompagné de M. Mavrovic, ce qui démontre également que SPE effectuait les activités de mise en marché du progiciel aux États-Unis.

(b) les relevés bancaires

[174] L’examen des relevés bancaires des sociétés américaines démontre également un scénario constant : la majorité du solde au compte est rapidement retiré, souvent au Québec, ou encore demeure quelques jours au compte pour être retiré au guichet bancaire ou par chèques. Les relevés bancaires des sociétés américaines n’indiquent aucune sortie de fonds régulière comme le paiement de salaires ou de dépenses normalement encourues dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise de services. Les comptes bancaires des sociétés américaines ne font état d’aucune opération autre, qu’en grande partie, le dépôt de fonds provenant de SPE et les transferts à M. Plante (par chèques, retraits aux guichets bancaires ou paiement de montants au bénéfice de M. Plante) ou à d’autres personnes.

[175] Ainsi, puisqu’aucune somme ne demeurait dans les coffres des sociétés américaines, il est justifié pour la Cour de conclure que les sociétés américaines n’effectuaient pas d’activités de mise en marché du progiciel pour SPE aux États-Unis comme l’ont prétendu les appelants.

[176] Plus particulièrement, l’examen des relevés bancaires des sociétés Apnet, For Impex, SPE Marketing et A+Shadow démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu’elles n’ont exercé que peu d’activité, voire aucune activité, et n’ont donc pu rendre de services de mise en marché du progiciel aux États-Unis pour le compte de SPE.

(i) Apnet :

[177] Les relevés bancaires d’Apnet pour les mois de janvier 2004 à décembre 2005 (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 30) indiquent que tous les dépôts au compte d’Apnet totalisant 484 606 $ US proviennent de SPE et que les retraits totalisant 484 296 $ US ont été faits soit par chèques tirés au nom de M. Plante (399 950 $ US), par retraits au guichet bancaire (24 975 $ US), par chèque au nom de Vitrerie Mobile Inc. (2 417 $ US) pour le compte de M. Plante, et par chèques à M. Montoya (3 000 $ US) et à A+Shadow (2 500 $ US). Toutefois, un retrait au montant de 51 000 $ US n’a pas été expliqué.

[178] En 2006, les dépôts totalisant 77 301 $ US proviennent tous de SPE (sauf pour 1 500 $ US provenant de A+Shadow) et les retraits totalisant 73 609 $ US ont été faits soit par chèques tirés au nom de M. Plante ou par retraits au guichet bancaire (24 975 $ US) (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 36). En 2007, seuls des retraits au guichet automatique ont été effectués au cours du mois de janvier. Le compte bancaire a été fermé en janvier 2008.

(ii) For Impex :

[179] Les relevés bancaires de For Impex pour l’année 2004 (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 37) indiquent que tous les dépôts au compte de For Impex pour l’année 2004 totalisant 121 000 $ US proviennent de SPE, et tous les retraits totalisant 121 000 $ US ont été faits par chèques tirés au nom de M. Plante. Ces documents indiquent qu’il n’y a aucune activité au compte bancaire autre que les dépôts par SPE et les retraits par chèques tirés au nom de M. Plante.

[180] Il n’y a aucune activité au cours de l’année 2005 et ce jusqu’en septembre 2006. Par la suite, il y a très peu d’activité, soit un retrait au guichet bancaire et par chèque, jusqu’en novembre 2007 au moment où SPE Marketing fait un dépôt de 93 000 $ US au compte de For Impex. Par la suite, plusieurs retraits au guichet bancaire sont effectués en 2008. Le compte bancaire a été fermé en juin 2009 (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 40).

(iii) SPE Marketing :

[181] Les relevés bancaires de SPE Marketing pour la période de septembre 2004 à décembre 2005 ont été déposés en preuve (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 43). Au cours de la période de septembre à décembre 2004, il n’y a aucune activité. Pour l’année 2005, les dépôts proviennent en totalité de SPE (182 633 $ US) (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 42) et les retraits totalisant 179 812 $ US ont été faits par chèques à plusieurs personnes qui avaient prêté des fonds à SPE, ou bien à M. Letarte.

[182] Les relevés bancaires de SPE Marketing pour la période de 2006 à 2009 indiquent des dépôts totalisant 328 000 $ US qui proviennent en très grande partie de SPE (plus de 300 000 $ US) et le solde qui provient de SPE Affacturage (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 45). Quant aux retraits totalisant 327 000 $ US, ils ont été faits par chèques tirés à l’ordre de M. Plante (2 chèques de 73 000 $ US), par transferts à For Impex totalisant 93 000 $ US, par chèques tirés à l’ordre de Structured Management (totalisant 110 000 $ US); par transferts à Apnet (totalisant 13 500 $ US), par retraits au guichet bancaire totalisant 27 232 $ US et par plusieurs chèques au montant de 600 $ US totalisant 10 100 $ US.

(iv) A+Shadow :

[183] Les relevés bancaires de A+Shadow pour la période de décembre 2003 à décembre 2004 démontrent qu’il n’y a quasiment aucune activité au compte bancaire de cette société (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 29).

(v) Structured Management et IntroTech :

[184] En ce qui concerne Structured Management et IntroTech, la preuve a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que ces sociétés n’ont pas rendu de services de mise en marché du progiciel aux États-Unis pour le compte de SPE, bien que ces sociétés aient pu avoir exercé quelques autres activités.

[185] Les relevés bancaires de ces sociétés pour les périodes pertinentes font état de quelques opérations, surtout des retraits. Les relevés bancaires ne peuvent donc pas servir d’élément de preuve faisant état du niveau d’activités de ces deux sociétés. La Cour note également le témoignage de M. Lessard ayant indiqué qu’il utilisait la société Structured Management dans le cadre d’activités d’importations de composantes de portes et fenêtres et d’activités de démarchage en Asie.

[186] Les relevés bancaires de Structured Management pour la période d’aout 2007 à juillet 2010 font état de dépôts totalisant 110 000 $ US provenant de SPE Marketing (vu précédemment), un dépôt de SPE totalisant 8 975 $ US, et un dépôt de SPE Affacturage totalisant 22 637 $ US (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 50).

[187] Les relevés bancaires de IntroTech pour la période de février 2006 à décembre 2010 démontrent qu’il y a beaucoup d’activités au compte (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 53). On y retrouve deux dépôts provenant de SPE, de 8 957 $ US et de 1 988 $ US.

(c) les montants transférés aux sociétés américaines revenaient à M. Plante ou à d’autres personnes

[188] En outre, un autre indice démontrant que les sociétés américaines n’ont pu rendre de services de mise en marché du progiciel aux États-Unis pour le compte de SPE est le fait que les fonds transférés aux sociétés américaines par SPE revenaient de façon quasi concomitante à M. Plante ou à des connaissances de ce dernier (ou à leurs sociétés).

[189] À cet égard, la preuve présentée à l’audience par M. Potvin est fiable et crédible. La preuve a démontré que de la somme approximative de 1.5M $ transférée par SPE aux sociétés américaines, environ 877 000 $ a été versé à M. Plante et le solde d’environ 607 000 $ (ou 648 335 $, selon le taux de change utilisé) a été versé à des connaissances ou à des sociétés contrôlées par M. Mavrovic, soit Structured Management, Introtech et For Impex, parfois directement ou via SPE Marketing et Apnet (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 309).

[190] De façon générale, M. Plante autorisait le transfert des sommes de SPE aux sociétés américaines, et SPE réclamait la dépense en déduction dans le calcul de son revenu. Par la suite, les sociétés américaines faisaient des chèques à l’ordre de M. Plante (la très grande majorité des chèques ayant été encaissés par M. Baillargeon et les fonds remis à M. Plante) ou encore, des retraits étaient effectués avec la carte de guichet de M. Plante aux guichets bancaires situés à St-Georges de Beauce ou à Montréal, ou des montants étaient portés par M. Plante sur le compte de cartes de crédit de l’une ou l’autre des sociétés américaines ou certaines dépenses au bénéfice de M. Plante étaient payées par chèques. Plusieurs transferts effectués par SPE ainsi que les chèques émis par les sociétés américaines (et donc les sorties de fonds) sont datés de la même journée, ou sont espacés de quelques jours seulement.

[191] Ainsi, à titre d’exemple, Apnet a payé 2 417,64 $ à Vitrerie Mobile pour le remplacement des vitres des fenêtres de la résidence de M. Plante (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 31, p. 564).

[192] M. Plante a témoigné que la raison pour laquelle M. Baillargeon encaissait les chèques était due au fait que le délai d’encaissement était trop long à sa propre banque, soit d’un à deux mois. La Cour ne retient pas la version des faits présentés par M. Plante. À cet égard, M. Potvin a témoigné que le délai d’encaissement était plutôt de 6 ou 18 jours.

[193] La preuve a démontré que M. Jalil envoyait régulièrement à M. Mavrovic des chèques des sociétés américaines, signés en blanc. Par exemple, par courriel daté du 28 avril 2004, M. Mavrovic a demandé à M. Jalil de lui faire parvenir des chèques, signés en blanc au nom de Apnet ainsi que des chèques au nom de IntroTech (pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 72 et 76). De plus, la preuve a démontré que M. Jalil envoyait régulièrement des chèques signés en blanc à M. Mavrovic pour que ce dernier les remette à M. Plante; M. Plante a également admis avoir eu en sa possession une carte de guichet bancaire qu’il utilisait pour ses besoins personnels.

[194] La Cour retient donc la preuve suivante présentée à l’audience par M. Potvin quant aux transferts (pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 308 et 309).

(i) Pour l’année civile 2004 :

[195] SPE a transféré des fonds totalisant 367 084 $ US aux sociétés suivantes, soit 235 326 $ US à Apnet, 121 058 $ US à For Impex et 10 700 $ US à A+Shadow.

[196] La preuve a démontré que quelques jours après les divers transferts effectués par SPE, des sommes quasi équivalentes sont transférées par les sociétés américaines à M. Plante.

[197] Apnet a émis des chèques à l’ordre de M. Plante totalisant 168 652,93 $ US (incluant des paiements à Motopro totalisant 7 382,93 $ US) dans les quelques jours suivants la réception des fonds de SPE totalisant 235 326 $. Toutefois, l’intimé n’a pu obtenir la copie d’un chèque émis par Apnet au montant de 50 000 $ US.

[198] For Impex a émis des chèques à l’ordre de M. Plante totalisant 121 000 $ US dans les jours suivant la réception des fonds de SPE totalisant 121 058 $ US.

[199] A+Shadow a émis un chèque au montant de 10 700 $ US quelques jours après le transfert des fonds provenant de SPE au même montant; l’intimé n’a toutefois pas obtenu copie du chèque.

[200] Tel qu’indiqué par M. Potvin à l’audience, pour l’année civile 2004, ce dernier n’a pu retracer l’utilisation de fonds totalisant 60 660 $ US (10 700 $ US transféré par SPE à A+Shadow, et les deux transferts de 24 980 $ US effectués par SPE à Apnet). Toutefois, la Cour conclut qu’il est raisonnable d’inférer que le chèque de 50 000 $ US émis par Apnet quelques jours après les transferts a été émis au nom de M. Plante, compte tenu de l’historique des retraits effectués au compte bancaire d’Apnet au cours de cette période, les retraits étant tous effectués par chèques à l’ordre de M. Plante.

[201] Selon la prépondérance des probabilités, la Cour conclut que le transfert effectué en faveur de A+Shadow a été fait au bénéfice de M. Plante.

(ii) Pour l’année civile 2005 :

[202] SPE a transféré des fonds totalisant 440 853 $ US aux sociétés suivantes, soit 249 880 $ US à Apnet et 190 973 $ US à SPE Marketing.

[203] La preuve a démontré que quelques jours après les divers transferts effectués par SPE à Apnet au cours des mois de février et mars 2005, des sommes quasi équivalentes sont payées par Apnet à M. Plante sous forme de chèques émis à M. Plante (incluant un chèque pour payer MotoPro pour 1 752,40 $ US), par retraits aux guichets bancaires à St-Georges de Beauce et Montréal, en paiement à Vitrerie Mobile (2 417,64 $ US) et par chèque émis à M. Baillargeon (30 000 $ US), pour un montant total d’environ 257 855 $ US.

[204] La preuve a également démontré que quelques jours après les divers transferts effectués par SPE à SPE Marketing, des sommes quasi équivalentes sont payées par SPE Marketing à diverses personnes sous forme de chèques : à Yves Lapointe (chèque no 102 pour 25 000 $ US), Alain Baillargeon (chèque no 103 pour 25 000 $ US), Gilles Tanguay (chèque no 101 pour 50 000 $ US), Bruno Baillargeon (chèque no 104 pour 50 000 $ US), Robert Baillargeon (chèque no 105 pour 15 000 $ US), M. Letarte (plusieurs chèques de 600 $ US), et JY Design (3 312,50 $ US).

[205] À cet égard, la preuve a démontré que vers les mois de février et mars 2005, plusieurs personnes avaient prêté des fonds à SPE. Par la suite, SPE avait transféré des fonds équivalant à SPE Marketing, qui a alors remboursé les divers prêteurs en mars 2005. Les prêts ne seront radiés par SPE qu’en 2007 (voir la pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 13, 14, 43 et 44).

(iii) Pour l’année civile 2006 :

[206] SPE a transféré des fonds totalisant 155 192 $ US aux sociétés suivantes, soit 75 800 $ US à Apnet et 79 392 $ US à SPE Marketing.

[207] La preuve a démontré que quelques jours après les divers transferts effectués par SPE, des sommes quasi équivalentes sont payés par Apnet et SPE Marketing à M. Plante sous forme de chèques émis à M. Plante et par retraits aux guichets bancaires à St-Georges de Beauce et Montréal, pour un montant totalisant 153 427 $ US.

(iv) Pour l’année civile 2007 :

[208] SPE a transféré des fonds totalisant 214 189 $ US à SPE Marketing.

[209] La preuve a démontré que quelques jours après les divers transferts provenant de SPE, des retraits aux guichets bancaires à St-Georges de Beauce et à Montréal ont été effectués pour un montant totalisant 6 337 $ US.

[210] De plus, SPE Marketing a émis des chèques totalisant 205 037 $ US aux sociétés suivantes : 110 537 $ US à Structured Management, 93 000 $ US à For Impex et 1 500 $ US à A+Shadow.

(v) Pour l’année civile 2008 :

[211] SPE a transféré des fonds totalisant 69 473 $ US aux sociétés suivantes : 31 612 $ US à Structured Management, 10 963 $ US à IntroTech, 25 910 $ US à SPE Marketing et 988 $ US à For Impex.

[212] La preuve a démontré que des retraits aux guichets bancaires totalisant 7 125 $ US ont été effectués à St-Georges de Beauce provenant du compte de SPE Marketing. En ce qui concerne un montant total de 56 533 $ US, la preuve a démontré que les sociétés américaines ayant reçu les fonds de SPE n’ont pas émis de chèques à M. Plante. Plutôt, des retraits aux guichets bancaires ont été effectués ou des chèques ont été émis à d’autres personnes.

(d) autre élément de preuve

[213] Comme indiqué auparavant, les appelants n’ont produit aucune preuve documentaire crédible et fiable démontrant que les sociétés américaines ont rendu des services de mise en marché du progiciel aux États-Unis pour le compte de SPE.

[214] Au cours de son témoignage, M. Plante a indiqué que M. Mavrovic devait avoir les factures, puisque les factures auraient été émises par les sociétés américaines gérées par M. Mavrovic. À l’audience, M. Mavrovic n’a toutefois produit aucune facture. Les seules factures produites par les appelants sont truffées d’erreurs et préparées sous le même format.

[215] Par courriel daté du 29 mars 2005 (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 91), M. Mavrovic a fait parvenir à Mme Maryse Gosselin une facture émise par Apnet à SPE et une facture émise par A+Shadow à SPE : ces deux factures portent la même date (31 janvier 2004) et le même numéro (numéro 43); elles contiennent des erreurs grossières (réfèrent aux services pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2004); de même, la facture émise par Apnet réfère aux services pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre 2004, alors que le terme de la convention est le 1er octobre 2004; également, la facture émise par Apnet inclut des frais de représentation, alors que selon l’article 20 de la convention de représentation commerciale (discutée ci-dessous), toutes les dépenses de représentation seraient à la charge d’Apnet.

[216] Pour les motifs suivants, l’examen des six conventions de représentation commerciale entre SPE et Apnet, entre SPE et M. Letarte et entre SPE et SPE Marketing (pièce A-1, documents des appelants, onglet 8, en liasse) ne permet pas non plus à la Cour de conclure que les montants transférés aux sociétés américaines ont été engagés par SPE dans le but de tirer un revenu d’entreprise. En effet, comme l’a plaidé l’intimé, l’utilité commerciale de ces conventions est douteuse.

[217] Tout d’abord, les appelants ont prétendu qu’après la mise en place de la structure et la signature de l’entente initiale, le travail des sociétés américaines débutait. Celles-ci devaient trouver des agents chargés de faire la promotion et de trouver des entreprises qui seraient intéressées d’acquérir le progiciel. Le processus était relativement simple, les agents identifiant des clients potentiels, faisant les premières approches et SPE prenant la relève pour le côté technique et les négociations de prix de vente (observations additionnelles des appelants datées d’octobre 2023, p. 5).

[218] Toutefois, cette façon de voir les choses ne peut être retenue par la Cour puisqu’entre autres, les conventions de représentation commerciale prévoyaient que les sociétés américaines devaient engager des employés pour faire le travail, ce qui n’a pas été fait. La preuve a démontré que les sociétés américaines n’avaient aucun employé alors que les conventions prévoyaient que les sociétés américaines devaient employer des vendeurs. De plus, l’examen des relevés bancaires effectué précédemment démontre l’absence de sommes payables à titre de salaires.

[219] Les conventions prévoyaient également que les sociétés américaines devaient fournir une liste des personnes contactées, mais aucune telle liste n’a été produite à l’audience. De plus, les sociétés américaines devaient fournir des rapports d’activités de mise en marché du progiciel à SPE, mais les quelques rapports produits en preuve ne sont pas convaincants.

[220] Les conventions contiennent beaucoup d’erreurs et il est impossible de concilier les montants qui auraient été transférés au cours des années par SPE aux sociétés américaines. À ce titre, M. Plante a reconnu qu’il était difficile de concilier tous les paiements effectués par SPE aux sociétés américaines, et qu’il n’a pas toutes les pièces justificatives.

[221] M. Mavrovic a également témoigné que les transferts aux sociétés américaines étaient faits par SPE de façon sporadique, selon la capacité financière de SPE. Cependant, aucun travail de corrélation n’a été fait par les appelants pour démontrer en vertu de quelle convention les sommes ont été transférées à l’une ou l’autre des sociétés américaines. Les paiements qui auraient été faits par SPE en vertu des conventions totalisent 1 079 515 $, alors que les transferts réellement effectués par SPE aux sociétés américaines totalisent 1 526 143 $ (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 308).

[222] Les appelants ont soutenu que, par la suite, et à compter de février 2005, d’autres conventions ont été conclues entre SPE et les sociétés américaines. Cependant, ils ne produiront qu’une seule convention entre SPE et M. Letarte datée du 14 février 2005 visant le territoire de la Nouvelle-Angleterre, en vertu de laquelle M. Letarte aurait droit à une avance de 600 $ US par semaine pour un maximum de 26 semaines, en cas d’insuffisance des ventes (pièce A-1, documents des appelants, onglet 8, p. 1).

[223] Les autres conventions produites en preuve entre SPE et Apnet et entre SPE et SPE Marketing datées de février 2005 ne sont pas signées par SPE. En plus, les appelants ont produit deux conventions signées au nom d’une société américaine par des personnes différentes, et régies par des lois d’états différents, mais couvrant la même période et le même territoire.

[224] Les appelants ont mis la Cour en garde de ne pas analyser la perspicacité commerciale de SPE et de M. Plante de façon rétrospective, mais ce n’est pas ce que la Cour a fait. Selon les appelants, en 2002 et 2003, SPE et M. Plante espéraient qu’il y aurait des ventes du progiciel et la mise en place de la structure américaine ne faisait que permettre les activités de mise en marché du progiciel sur le sol américain. Toutefois, la preuve a démontré que dès 2004, le marché du logiciel se dirigeait vers le logiciel basé sur le web et non pas un logiciel basé sur un serveur, comme le progiciel. Les fonds ont cependant continué à être versés par SPE aux sociétés américaines après 2004. En 2005, SPE a même conclu d’autres conventions de représentation commerciale.

[225] La preuve a aussi démontré que les sociétés américaines n’avaient aucun employé, et ni aucune adresse ou place d’affaires aux États-Unis.

[226] De plus, par courriel daté du 5 mai 2006, M. Mavrovic a avisé M. Letarte que ces sociétés n’opéraient pas et n’étaient redevables d’aucun impôt (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 102), leur but étant d’investir dans l’immobilier et des « capital ventures ».

(e) le cas particulier des licenciés

[227] En ce qui concerne plus particulièrement les montants payés par SPE à IntroTech (11 197 $ en 2008) et à Structured Management (9 154 $ en 2008 et 25 030 $ en 2009), les appelants ont prétendu que ces sociétés avaient été créées pour effectuer les activités de mise en marché du progiciel de SPE aux États-Unis pour le compte des licenciés, soit M. Gilbert et M. Lessard, respectivement.

[228] L’examen de la preuve documentaire ne permet pas à la Cour de retenir la version des faits des appelants relativement à ces deux sociétés. Ainsi, en plus des motifs exposés précédemment, les motifs suivants s’ajoutent aux raisons pour lesquelles la Cour en vient à la conclusion que les montants transférés par SPE à IntroTech et à Structured Management ne peuvent être déduits dans le calcul du revenu d’entreprise de SPE.

[229] La preuve a démontré que M. Mavrovic et M. Gilbert étaient actionnaires de IntroTech, de même que d’autres personnes. La preuve a également démontré que M. Mavrovic et M. Lessard étaient actionnaires de Structured Management, de même que d’autres personnes.

[230] Un contrat de licence, de même qu’un billet et une convention de commercialisation entre SPE et M. Gilbert (pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 287 et 291, et pièce I-4, Convention de commercialisation (Éric Gilbert)) ont été déposés en preuve à l’audience. Également, les divers contrats et billets, ainsi que les copies des chèques échangés entre SPE et M. Lessard ont été produits en preuve par l’intimé, M. Lessard ayant acquis 9 licences de territoires entre la fin de l’année 2002 et l’année 2004 (voir pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 126, 127, 128, 130, 136, 137, 139, 140, et pièce I-3, Convention de commercialisation (Claude Lessard)).

[231] Un document expliquant le processus de ventes des licences territoriales a été déposé en preuve (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 63, courriel de M. Mavrovic à M. Plante, daté du 28 aout 2003; également l’onglet 64 pour le courriel daté du 23 novembre 2003).

[232] Un courriel de M. Mavrovic daté du 9 avril 2003 explique le flux monétaire de ce programme pour les parties impliquées (pièce I-6, liste supplémentaire de documents de l’intimé, onglet 24). En pièce jointe à ce courriel, on y retrouve également le détail du système des licences territoriales, et des exemplaires des contrats types du contrat de licence, du billet à ordre constatant le prêt par SPE au licencié, et de la convention de commercialisation.

[233] Lors de l’acquisition d’une licence de territoire au prix de 40 000 $ payable par le licencié à SPE, SPE consentait au licencié un prêt au montant de 24 000 $ (ou 26 000 $ selon l’année), tel que constaté par un billet à ordre au même montant émis par le licencié à l’ordre de SPE, dont l’échéance était de 10 ans. Il était prévu que la dette constatée par le billet à ordre se payait à même les revenus provenant de la vente de licences du progiciel. Le licencié obtenait un revenu annuel garanti de 2 700 $ pendant dix (10) ans. Le licencié ne déboursait en fait que 16 000 $ au moment de l’acquisition de la licence. De plus, le licencié obtenait des avantages fiscaux, soit une déduction pour amortissement au taux de 125% au Québec et 30% au fédéral, représentant un remboursement d’impôt d’environ 22 840 $.

[234] Cette licence de territoire octroyait au licencié des droits non exclusifs de vendre des licences du progiciel dans un territoire donné. Selon M. Plante, la raison pour laquelle des droits non exclusifs étaient octroyés aux licenciés, était que les licenciés ne connaissaient pas le progiciel et cela permettait donc à SPE de continuer à s’impliquer dans le développement du marché américain. Également, selon M. Plante, il faut interpréter ces contrats en tenant compte du fait que les licenciés participaient déjà dans l’entreprise de SPE, soit par l’entremise de la SPEQ ou en étant directement actionnaires de SPE. La Cour ne retient pas ce témoignage de M. Plante.

[235] De plus, dans le cadre de l’acquisition de la licence de territoire, le licencié et SPE concluaient une convention de commercialisation par laquelle le licencié remettait à SPE le droit exclusif de commercialiser, distribuer et mettre en marché sur le territoire visé par la licence le progiciel pour une période de 10 ans, renouvelable automatiquement pour la même période (articles 1 et 2). Selon cette convention, il était entendu que SPE remettait 5% des revenus provenant de la vente du progiciel au licencié.

[236] Le contrat de licence de territoire et le billet à ordre étaient liés à la convention de commercialisation et joints en annexe à cette dernière. Également, SPE s’engageait à transmettre aux licenciés un rapport écrit annuel des activités de commercialisation effectuées sur leurs territoires.

[237] Tout d’abord, comme l’a noté l’intimé, M. Mavrovic a témoigné à l’effet que les licenciés allaient recevoir des commissions de 20% sur les ventes du progiciel et 10% sur les services; toutefois, les conventions de commercialisation prévoyaient plutôt que les licenciés recevaient 5% des revenus bruts.

[238] De plus, en vertu des contrats de licences, aucune redevance n’était payable par le licencié à SPE lorsque le licencié effectuait une vente du progiciel, ce qui est inhabituel dans ce type de convention. Selon l’article 5.1, le licencié faisait un paiement de 40 000 $ à SPE, et par la suite, tous les profits provenant des ventes demeuraient entre les mains des licenciés (voir la pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 126).

[239] En outre, la convention de commercialisation prévoyait que le licencié remettait à SPE les droits exclusifs de commercialisation du progiciel aux États-Unis.

[240] Les tableaux produits par les appelants à titre de rapport des efforts effectués sur le sol américain (« Detailed Sales Management Pipeline » (pièce A-1, documents des appelants, onglets 33 et 41) et deux comptes rendus financiers (pièce A-1, documents des appelants, onglet 58)) ne sont pas datés, aucun territoire n’est indiqué et ne mentionnent qu’une vingtaine de clients potentiels. En ce qui concerne les cinq tableaux, deux sont identiques (pièce A-1, documents des appelants, onglet 33, pp. 1 et 2); le troisième est quasi identique aux deux autres (pièce A-1, documents des appelants, onglet 33 p. 5 et onglet 41, p. 1, versus onglet 33, p. 4). Donc, en réalité, il n’y a que deux tableaux (pièce A-1, documents des appelants, onglet 33, pp. 1 et 5).

[241] De plus, les comptes rendus financiers sont incompréhensibles, et ni M. Plante et ni M. Mavrovic ne peuvent fournir d’explications à leur égard.

[242] En outre, la preuve a démontré que les billets émis par les licenciés à SPE ne seront jamais payés.

[243] L’utilité commerciale de ces contrats semble douteuse. Il est donc fort improbable que les sociétés IntroTech et Structured Management aient effectué des activités de mise en marché du progiciel aux États-Unis, comme le prétendent les appelants.

[244] Également, la Cour note que M. Gilbert, le licencié au bénéfice duquel IntroTech aurait été constituée, n’a pas livré de témoignage à l’audience, et que le témoignage de M. Lessard a été limité aux raisons pour lesquelles SPE aurait transféré à Structured Management les sommes totalisant 9 154 $ en 2008 et 25 030 $ en 2009, dont la déduction a été refusée à SPE.

[245] Selon M. Lessard, les activités de Structured Management incluaient non seulement les activités relatives aux licences, mais beaucoup d’activités reliées à l’importation pour gagner des parts de marchés aux États-Unis et la recherche de manufacturiers en Asie pour les composantes de portes et fenêtres.

[246] Selon M. Lessard, SPE aurait payé Structured Management pour des services d’installation du progiciel vendu par SPE à la société California Closets en 2006. Les services d’installation auraient été fournis par Structured Management aux bureaux de California Closets situés à Vancouver. Une facture émise par SPE à California Closet a été produite en preuve (pièce A-1, documents des appelants, onglet 12, p. 21, facture émise par SPE à California Closets datée du 31 mars 2006). SPE aurait ainsi vendu 3 licences du progiciel, la formation ainsi que les services d’installation clé en main pour un total de 60 000 $.

[247] M. Lessard a témoigné que Structured Management a émis une facture à SPE pour les services rendus pour l’installation du progiciel, mais il n’a toutefois pas été en mesure de produire la facture à l’audition. Également, SPE n’a pas fourni de factures pour justifier le paiement de ces montants.

[248] Vu l’ensemble de la preuve, vu que les paiements pour les prétendus services rendus par Structured Management ont été faits par SPE plus de deux ans après la vente du progiciel à California Closets, et vu l’absence de preuve documentaire démontrant la nature des paiements faits par SPE, la Cour ne retient pas cette partie du témoignage de M. Lessard. La Cour n’est pas convaincue que les sommes versées par SPE à Structured Management ont été versées en contrepartie de services rendus pour l’installation du progiciel.

[249] De plus, les documents de transferts indiquent que les sommes transférées par SPE à Structured Management sont des « frais de marketing », ce qui n’est pas de la même nature que des frais d’installation.

[250] De même, au cours du procès, les appelants ont prétendu que SPE fournissait les services techniques aux acquéreurs du progiciel, comme l’a confirmé M. Paquin. Alors, pourquoi est-ce que Structured Management aurait fourni des services d’installation du progiciel à un client de SPE? Cela est plutôt invraisemblable.

[251] Ainsi, compte tenu de la preuve documentaire, de même que les témoignages non crédibles de M. Plante et M. Mavrovic, la Cour conclut, pour les fins des présents appels seulement, qu’IntroTech et que Structured Management n’ont pas effectué d’activités de mise en marché du progiciel aux États-Unis pour les licenciés, M. Gilbert et M. Lessard respectivement. Selon cette preuve documentaire, vu l’existence des licences non exclusives et vu les conventions de commercialisation, la Cour conclut que SPE faisait les démarches de mise en marché aux États-Unis et non pas les sociétés américaines.

[252] Cette conclusion est également supportée par le fait que les licenciés ne connaissaient pas le progiciel et ne pouvaient donc pas, par le biais de leurs sociétés, faire les activités de mise en marché aux États-Unis, comme l’ont soutenu les appelants.

C. Les appels logés par M. Plante : alinéa 18(1)a) pour l’année 2003 et paragraphe 56(2) pour les années 2004 à 2008

(1) L’année 2003 : le Ramjet

[253] Pour les motifs suivants, la Cour conclut que le montant de 13 128 $ (10 000 $ US) réclamé en déduction par M. Plante dans le calcul de son revenu relativement au développement du Ramjet n’est pas une dépense déductible dans le calcul du revenu de M. Plante pour l’année 2003, n’ayant pas été engagée ou effectuée par M. Plante en vue de tirer un revenu d’entreprise ou de bien, tel que requis par l’alinéa 18(1)a). Les mêmes principes que ceux discutés ci-dessus concernant SPE à l’égard du paragraphe 9(1) et de l’alinéa 18(1)a) sont applicables.

[254] Dans le cadre de son témoignage, M. Plante a admis n’avoir jamais versé cette somme à Apnet. Également, à l’audience, M. Plante a admis qu’il ne s’est jamais occupé du Ramjet.

(2) Les années 2004 à 2008 : le paragraphe 56(2)

[255] Selon l’intimé, SPE a transféré des montants totalisant 1 526 144 $ de son compte bancaire aux comptes bancaires des sociétés américaines suivant les instructions de M. Plante, dans le but pour M. Plante de s’approprier ces fonds pour son bénéfice personnel ou d’avantager certaines connaissances. Étant donné que M. Plante aurait dû inclure ces montants dans le calcul de son revenu en vertu du paragraphe 15(1) si le paiement de ces montants avait été fait directement par SPE à M. Plante, l’intimé prétend que toutes les conditions d’application du paragraphe 56(2) sont réunies. Conséquemment, M. Plante devrait ainsi ajouter la totalité de ces montants dans le calcul de son revenu.

[256] Le paragraphe 56(2) se lit ainsi :

56(2) Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l’accord d’un contribuable, à une autre personne au profit du contribuable ou à titre d’avantage que le contribuable désirait voir accorder à l’autre personne — sauf la cession d’une partie d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1 du Régime de pensions du Canada ou à une disposition comparable d’un régime provincial de pensions au sens de l’article 3 de cette loi — est inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

56(2) A payment or transfer of property made pursuant to the direction of, or with the concurrence of, a taxpayer to another person for the benefit of the taxpayer or as a benefit that the taxpayer desired to have conferred on the other person (other than by an assignment of any portion of a retirement pension under section 65.1 of the Canada Pension Plan or a comparable provision of a provincial pension plan as defined in section 3 of that Act) shall be included in computing the taxpayer’s income to the extent that it would be if the payment or transfer had been made to the taxpayer.

[257] La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Neuman c. MRN, [1998] 1 RCS 770 [Neuman], a indiqué que quatre conditions doivent être réunies pour que le paragraphe 56(2) reçoive application :

32. Le paragraphe 56(2) énonce dans son libellé même les quatre conditions préalables à son application:

(1) le paiement doit être fait à une autre personne que le contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

(2) la répartition doit être faite suivant les instructions ou avec l’accord du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

(3) le paiement doit être fait au profit du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie ou à une autre personne à titre d’avantage que ce contribuable souhaitait voir accorder à cette autre personne;

(4) le paiement aurait été inclus dans le revenu du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie si ce dernier l’avait reçu lui-même.

[258] En l’espèce, pour les motifs suivants, selon la prépondérance des probabilités, la Cour conclut que les quatre conditions d’application du paragraphe 56(2) telles qu’établies dans l’arrêt Neuman, sont remplies et donc, que la position de l’intimé doit être maintenue. En vertu du paragraphe 56(2), M. Plante doit inclure dans le calcul de son revenu pour les années pertinentes les montants ainsi transférés aux sociétés américaines.

(a) le paiement doit être fait à une autre personne que le contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie

[259] La preuve a démontré que des montants totalisant 1 526 144 $ ont été transférés par SPE aux sociétés américaines au cours des années 2004 à 2008, soit à Apnet, A+Shadow, For Impex, SPE Marketing, Structured Management et IntroTech (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 308). Ces sociétés ne sont pas les contribuables à l’égard desquels la nouvelle cotisation est établie, c’est-à-dire M. Plante. Ainsi, cette première condition est remplie.

(b) la répartition doit être faite suivant les instructions ou avec l’accord du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie

[260] Dans le cadre de son témoignage, M. Plante a admis avoir autorisé les transferts de fonds aux sociétés américaines à titre de frais de marketing ou « marketing fees » (transcriptions du 31 octobre 2017, p. 98, interrogatoire de M. Plante, et pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 9, 10, 13, 14, 17, 18, 21, 23 et 26). Ainsi, la seconde condition est remplie.

(c) le paiement doit être fait au profit du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie ou à une autre personne à titre d’avantage que ce contribuable souhaitait voir accorder à cette autre personne

[261] Les appelants prétendent qu’aucun avantage au sens du paragraphe 56(2) n’a été conféré à quiconque puisque les transferts effectués par SPE sont de véritables opérations commerciales, ayant servi à payer la contrepartie des services de mise en marché du progiciel fournis par les sociétés américaines à SPE. La Cour ne retient pas cette prétention des appelants, puisqu’elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les sociétés américaines n’ont fourni aucun service de mise en marché du progiciel à SPE en contrepartie des fonds transférés. N’ayant fourni aucun service de mise en marché du progiciel à SPE, les sociétés américaines ont donc bénéficié d’un avantage que M. Plante souhaitait leur voir accorder.

[262] Selon les appelants, les prêts effectués par la suite par les sociétés américaines Apnet, For Impex et SPE Marketing au bénéfice de M. Plante étant de véritables prêts, ceux-ci ne peuvent constituer des transferts ou des avantages au sens du paragraphe 56(2). Encore une fois, pour les raisons suivantes, la Cour ne retient pas cette position des appelants.

[263] L’objet du paragraphe 56(2) est le suivant :

« Ce paragraphe vise manifestement à empêcher le contribuable d'éviter le paiement de l'impôt en versant à un tiers les recettes qu'il aurait autrement touchées. ….. on ne peut raisonnablement croire que le législateur a voulu que cette disposition s'applique aux avantages conférés moyennant une contrepartie suffisante dans le cadre d'une relation d'affaires légitime. » Mcclurg c. Canada [1990] 3 RCS 1020 [Mcclurg] (au par. 41)

[264] Dans l’arrêt Neuman, au paragraphe 48, la Cour suprême du Canada a confirmé à nouveau l’objet du paragraphe 56(2) en reprenant ce passage précité de l’arrêt Mcclurg.

[265] Le terme « avantage » n’est pas défini spécifiquement au paragraphe 56(2), mais les commentaires de la Cour d’appel fédérale dans Winter c. Canada, [1991] 1 CF 585 [Winter] sont utiles pour cerner les opérations visées par ce paragraphe. Ainsi, selon la Cour d’appel fédérale, le paragraphe 56(2) est fondé sur la doctrine de la recette présumée et :

« …vise principalement les cas où le contribuable cherche à éviter de recevoir ce qui serait, entre ses mains, un revenu en s’arrangeant pour que le montant soit versé à quelqu’un d’autre, et ce pour son propre bénéfice (par exemple, pour éteindre une dette) ou pour le bénéfice de cette autre personne … » (au par. 14).

[266] Également, il est intéressant de noter que dans l’affaire GlaxoSmithKline Inc. c. La Reine, 2008 CCI 324 (par. 167), la Cour a conclu que puisque la société dans cette affaire avait obtenu quelque chose en ne donnant rien en échange, il s’agissait d’un avantage au sens du paragraphe 56(2), et ce, même si, dans ce cas, cet avantage consistait en une perte moindre plutôt qu’un bénéfice net.

[267] En l’espèce, ayant conclu que les sociétés américaines n’avaient pas rendu de services de mise en marché du progiciel aux États-Unis pour le compte de SPE, la seule conclusion à laquelle la Cour peut arriver est que M. Plante a voulu conférer un avantage aux sociétés américaines. En effet, les sociétés américaines ont reçu un avantage puisqu’elles ont reçu des sommes qui ont été versées par SPE sans fournir quelque contrepartie que ce soit.

[268] En outre, la Cour conclut qu’en plus de vouloir avantager les sociétés américaines, M. Plante a voulu s’avantager lui-même, puisque l’examen des éléments de preuve acceptés par la Cour dans ces dossiers ne permet pas de conclure que des prêts véritables ont été consentis par les sociétés américaines à M. Plante.

[269] Tout d’abord, ce n’est qu’en janvier 2007 que des billets datés de 2004 sont préparés (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 105), et c’est au même moment, en janvier 2007, que Mme Drew se présente chez SPE pour effectuer la vérification des affaires de SPE et de M. Plante.

[270] Également, la preuve a démontré que ni M. Plante et ni M. Mavrovic ne peuvent confirmer le montant exact des sommes substantielles supposément prêtées par les sociétés américaines. M. Plante ne conservait aucun registre des fonds prêtés et M. Mavrovic, qui devait maintenir un tel registre selon M. Plante, n’a produit aucun registre en preuve.

[271] Par lettre datée du 9 septembre 2012 envoyée par A+Shadow et adressée à M. Plante et à SPE, un solde des prêts allégués est établi très précisément à 606 740,36 $ US (pièce A-1, documents des appelants, onglet 7). En appui à cette lettre, A+Shadow ne fournit que la copie de deux billets à ordre totalisant 374 240 $ US : un billet au bénéfice de Forimpex (l’orthographe du nom est erronée et semble référer à la société canadienne et non à la société américaine For Impex) pour 96 000 $ US payable le 31 décembre 2007 et un billet au bénéfice d’Apnet pour 278 240 $ US payable le 31 décembre 2008. Selon ces documents, les prêts seraient garantis par les actions de SPE et porteraient intérêt au taux de 8%. Toutefois, M. Potvin aurait estimé que les sommes transférées à M. Plante par les sociétés américaines étaient d’au moins 714 397,08 $ US, ou approximativement 877 808 $ (voir pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 308).

[272] La Cour ne voit aucune raison valable pour laquelle les sociétés américaines prêteraient des fonds à M. Plante, si elles devaient s’occuper des activités de mise en marché du progiciel aux États-Unis. Selon le témoignage de M. Mavrovic, il est très coûteux de développer le marché américain, mais les sociétés américaines ne conservaient que des sommes nominales dans leurs comptes bancaires, après avoir transféré les fonds à M. Plante, quelques jours après réception des fonds de SPE. Comment les sociétés américaines pouvaient-elles alors savoir que les fonds ne seraient pas requis pour payer leurs employés (les conventions de représentation commerciale requérant l’embauche d’employés pour les activités de mise en marché) ou pour toutes dépenses qui seraient normalement encourues dans le cadre de leurs activités?

[273] La preuve (telle que détaillée aux paragraphes 194 et suivants des présents motifs) a démontré que les fonds provenant de SPE ne demeuraient que quelques jours dans les coffres des sociétés américaines avant d’être transférés à M. Plante (pièce I-1, documents de l’intimé, onglet 309) ou d’être transférés à d’autres personnes.

[274] Également, les sociétés américaines, bien qu’étant créancières de sommes importantes, n’ont jamais demandé le remboursement des sommes dues (capital ou des intérêts), ni exécuté leurs garanties, soit la saisie des actions de SPE. Jusqu’en 2017, au moment de l’audition des appels au mérite sur le fond, aucune mesure n’avait été prise par les sociétés américaines pour protéger leurs créances. Ces faits démontrent également l’invraisemblance de l’existence de prêts entre les sociétés américaines et M. Plante.

[275] La Cour ne retient pas le nantissement d’une police d’assurance-vie émise le 20 mars 2017, tout juste avant l’audition des appels, comme démontrant l’existence des prêts.

[276] Selon l’intimé, la seule conclusion à laquelle la Cour peut arriver est la suivante : les prêts allégués n’existent pas, et M. Plante a créé des dépenses dans le calcul du revenu de SPE afin de récupérer ces sommes d’argent libres d’impôt pour ses besoins au Canada. Vu les faits précédemment indiqués, la Cour arrive à cette même conclusion.

[277] En ce qui concerne les fonds transférés par SPE aux sociétés américaines qui n’ont pas été transférés directement par celles-ci à M. Plante, ceux-ci totalisent environ 648 335 $ ou 607 717 $ au cours de la période pertinente (selon le taux de change utilisé) (voir pièce I-1, documents de l’intimé, onglets 308 et 309). La Cour conclut que ces montants ont également été transférés par les sociétés américaines à titre d’avantage à M. Plante, pour son propre bénéfice ou au bénéfice d’une autre personne que M. Plante désirait avantager.

(i) en 2004 :

[278] En 2004, des fonds totalisant 84 702 $ (ou 60 660 $ US) n’ont pas été transférés directement par les sociétés américaines à M. Plante : comme indiqué au paragraphe 200 des présents motifs, la preuve documentaire ne permet pas d’identifier le bénéficiaire des transferts totalisant 50 000 $ US en provenance du compte d’Apnet. Toutefois, vu l’historique des retraits au compte bancaire d’Apnet, la Cour a conclu que ce transfert a également été fait par chèque émis au nom de M. Plante.

[279] Également, tel qu’indiqué au paragraphe 201 des présents motifs, la preuve documentaire ne permet pas d’identifier le bénéficiaire du transfert de 10 700 $ US en provenance du compte bancaire d’A+Shadow. Selon la prépondérance des probabilités, la Cour conclut que ce transfert a été fait au bénéfice de M. Plante.

(ii) en 2005 :

[280] En 2005, des fonds totalisant 237 430 $ (ou 190 973 $ US) n’ont pas été transférés directement par les sociétés américaines à M. Plante : comme indiqué au paragraphe 202 des présents motifs, SPE a, entre autres, transféré des fonds totalisant 190 973 $ US à SPE Marketing. Quelques jours plus tard, SPE Marketing a émis des chèques totalisant 165 000 $ US à des personnes ayant prêté des fonds à SPE, soit à Gilles Tanguay, Yves Lapointe, Alain Baillargeon, Bruno Baillargeon et Robert Baillargeon. Des fonds ont également été versés à M. Letarte. Le total de tous ces transferts est quasi équivalent aux sommes transférées par SPE à SPE Marketing. Ainsi, la Cour conclut que ces montants ont été transférés au bénéfice d’une personne que M. Plante désirait avantager ou encore, pour son propre bénéfice.

(iii) en 2006 :

[281] En 2006 : aucun montant ne sera versé par les sociétés américaines à d’autres personnes que M. Plante.

(iv) en 2007 :

[282] En 2007, des fonds totalisant 225 032 $ (ou 209 204 $ US) n’ont pas été transférés directement par les sociétés américaines à M. Plante : SPE a, entre autres, transféré des fonds totalisant 209 204 $ US à SPE Marketing, qui a par la suite transféré des fonds totalisant 205 037 $ US, soit 110 537 $ US à Structured Management, 1 500 $ US à A+Shadow et 93 000 $ US à For Impex.

[283] Selon le témoignage de M. Mavrovic, la somme de 105 000 $ US versée par SPE Marketing à Structured Management représente un prêt. La Cour ne retient pas cette explication de M. Mavrovic. Tout d’abord, aucune preuve documentaire n’a été fournie à la Cour. En outre, comme mentionné précédemment, la Cour a déterminé que le témoignage de M. Mavrovic n’était pas crédible. La Cour conclut donc que ces montants ont été transférés au bénéfice de M. Plante.

[284] Concernant les fonds transférés à For Impex, la preuve a démontré que les fonds seront retirés du compte bancaire par retraits au guichet par M. Plante sur une période de quelques mois, et donc, la Cour conclut que ces montants ont été transférés au bénéfice de M. Plante.

[285] Finalement, pour les fonds transférés à A+Shadow, vu la preuve retenue par la Cour, la Cour conclut également que ces fonds ont été utilisés au bénéfice de M. Plante.

(v) en 2008 :

[286] En 2008, des fonds totalisant 60 551 $ (ou 56 533 $ US) n’ont pas été transférés directement à M. Plante : SPE a, entre autres, transféré des fonds totalisant 56 533 $ US aux sociétés suivantes, soit 25 910 $ US à SPE Marketing, 31 612 $ US à Structured Management, 10 963 $ US à IntroTech et 988 $ US à For Impex.

[287] Concernant les transferts à Structured Management (9 154 $ et 25 030 $), la Cour a déjà conclu que ces fonds n’avaient pas servi à payer pour les services d’installation du progiciel à California Closets. Ainsi, la Cour conclut que ces transferts ont été faits au bénéfice de M. Plante ou au bénéfice d’une autre personne que M. Plante désirait avantager.

[288] Pour les autres transferts, la Cour conclut également que ces fonds ont été transférés au bénéfice de M. Plante ou au bénéfice d’une personne qu’il désirait avantager.

[289] Pour tous ces motifs, la troisième condition est remplie.

(d) le paiement aurait été inclus dans le revenu du contribuable à l’égard duquel une nouvelle cotisation est établie si ce dernier l’avait reçu lui-même

[290] Si les montants totalisant 1 526 144 $ avaient été transférés par SPE à M. Plante plutôt qu’aux sociétés américaines, M. Plante aurait dû inclure ces sommes dans le calcul de son revenu en vertu du paragraphe 15(1), à titre d’avantage conféré par SPE à un actionnaire, soit M. Plante.

[291] La partie pertinente du paragraphe 15(1) se lit ainsi :

15(1) La valeur de l’avantage qu’une société confère, à un moment donné, à son actionnaire, à un associé d’une société de personnes qui compte parmi ses actionnaires ou à son actionnaire pressenti est incluse dans le calcul du revenu de l’actionnaire, de l’associé ou de l’actionnaire pressenti, selon le cas, pour son année d’imposition qui comprend ce moment …

15(1) If, at any time, a benefit is conferred by a corporation on a shareholder of the corporation, on a member of a partnership that is a shareholder of the corporation or on a contemplated shareholder of the corporation, then the amount or value of the benefit is to be included in computing the income of the shareholder, member or contemplated shareholder, as the case may be, for its taxation year that includes the time …

[292] Aucune des exceptions prévues au paragraphe 15(1) n’est applicable en l’espèce.

[293] Ainsi, la quatrième condition est remplie.

(e) arguments additionnels des appelants

[294] Les appelants prétendent toutefois que la Cour ne peut conclure que le paragraphe 56(2) est applicable dans les circonstances, sans avoir conclu en la présence d’un trompe-l’œil. Selon la Cour, cette interprétation du paragraphe 56(2) ne trouve aucune justification au regard des dispositions de la Loi.

[295] En effet, rien dans le paragraphe 56(2) n’exige la présence d’une opération de trompe-l’œil. Par exemple, le paragraphe 56(2) peut s’appliquer dans le cas d’opérations commerciales véritables, dans les cas où la valeur de la transaction a été surestimée par les parties (voir l’affaire Winter, supra).

[296] Également, certaines décisions ont indiqué qu’une cinquième condition devait être remplie pour que le paragraphe 56(2) soit applicable, par exemple dans l’affaire Winter, supra. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a indiqué que la validité d’une cotisation établie en vertu du paragraphe 56(2) dans le cas où le contribuable n’avait aucun droit au paiement ayant été effectué « ... est assujettie à une condition implicite, soit celle que le bénéficiaire ou le cessionnaire n’ait pas été assujetti à l’impôt sur l’avantage qu’il a reçu » (Winter, supra, par. 15). La Cour d’appel fédérale justifie ainsi l’existence d’une telle condition de la façon suivante (au par. 14) :

En effet, selon moi, une disposition en matière d'évitement fiscal revêt un caractère essentiellement subsidiaire; sa raison d'être est d'empêcher l'évitement de l'impôt payable sur une opération donnée, et non de doubler l'impôt normalement payable ni d'accorder aux autorités fiscales une discrétion administrative qui leur permettrait de choisir entre deux contribuables possibles.

[mes soulignements]

[297] Toutefois, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Neuman a refusé de conclure à l’existence d’une telle cinquième condition.

[298] Plus récemment, la Cour s’est prononcée sur l’application du paragraphe 56(2) dans Grenon c. La Reine, 2021 CCI 30 (par. 412-414) et a conclu que l’arrêt qui fait autorité en la matière est l’arrêt Neuman, qui fait état de quatre conditions à l’application de ce paragraphe.

[299] La Cour est du même avis dans la présente affaire. Toutefois, même si cette cinquième condition devait être remplie pour les fins d’application du paragraphe 56(2), elle le serait dans les présentes circonstances puisque les sociétés américaines n’ont pas payé d’impôt sur les fonds transférés par SPE.

D. L’établissement des nouvelles cotisations hors de la période normale de nouvelle cotisation (sous-alinéa 152(4)a)(i))

[300] Le sous-alinéa 152(4)a)(i) se lit ainsi :

152(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

[…]

152(4) The Minister may at any time make an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year, interest or penalties, if any, payable under this Part by a taxpayer or notify in writing any person by whom a return of income for a taxation year has been filed that no tax is payable for the year, except that an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer’s normal reassessment period in respect of the year only if

(a) the taxpayer or person filing the return

(i) has made any misrepresentation that is attributable to neglect, carelessness or wilful default or has committed any fraud in filing the return or in supplying any information under this Act,

[…]

[301] Puisque les nouvelles cotisations ont été établies par le ministre après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, l’intimé doit faire la preuve que les appelants ont fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou ont commis quelque fraude, en produisant leurs déclarations de revenus pour les années d’imposition visées par ces appels (Minister of National Revenue v. Taylor, [1961] Ex. C.R. 318, à la page 320, 1961 CarswellNat 299, par. 4).

[302] L’intimé s’acquitte de ce fardeau s’il est démontré qu’un revenu n’a pas été déclaré par le contribuable et qu’aucune explication crédible n’est fournie par celui-ci (Lacroix c. La Reine, 2008 CAF 241, par. 32). De même, le fardeau du ministre est rempli si la Cour conclut que de fausses dépenses ont été réclamées en déduction par un contribuable.

[303] Selon l’intimé, M. Plante a fait une présentation erronée des faits par omission volontaire en produisant les déclarations de revenus de SPE et ses propres déclarations de revenus, avec le concours de M. Mavrovic, en mettant en place l’ensemble du stratagème impliquant les sociétés américaines. SPE a ainsi fait un faux énoncé sur les dépenses encourues, afin de permettre à M. Plante de s’approprier les fonds, et ce dernier a omis de déclarer les montants versés par SPE aux sociétés américaines à titre d’avantage imposable.

[304] Pour les motifs suivants, selon la prépondérance des probabilités, la Cour conclut que l’intimé s’est acquitté de son fardeau. Les nouvelles cotisations à l’encontre de SPE et de M. Plante ont donc été établies conformément aux dispositions du paragraphe 152(4).

[305] Tout d’abord, l’examen de la preuve indique que SPE a demandé la déduction de dépenses qui n’ont pas été engagées ou encourues dans le but de tirer un revenu d’entreprise et a donc fait une présentation erronée des faits par omission volontaire.

[306] Quant à M. Plante, la Cour arrive à la même conclusion : tout d’abord, en 2003, M. Plante a demandé la déduction d’une dépense à l’égard du développement du Ramjet, dépense qu’il a admis n’avoir jamais payée; également, pour les années 2004 à 2008, la preuve a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que M. Plante a omis de déclarer les montants versés par SPE aux sociétés américaines, à titre d’avantages reçus de SPE, que ce soit concernant les prétendus prêts ou encore les sommes qui ont été remboursées à certains créanciers de SPE par les sociétés américaines ou les sommes versées à d’autres personnes.

[307] Également, la preuve a démontré que M. Plante révisait les déclarations de revenus préparées et produites par son comptable, soit autant ses propres déclarations que celles de SPE.

[308] Pour conclure que l’intimé a rempli son fardeau, la Cour a également pris en compte les importants montants en litige et le fait que M. Plante est un homme d’affaires ayant de l’expérience. Ainsi, il est donc invraisemblable qu’il ne savait pas ce qui se passait dans les sociétés américaines.

[309] Les appelants ont plaidé que l’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État fait en sorte qu’au Québec, le délai pour établir une cotisation est de trois ans à partir du moment où le droit d’action prend naissance. Selon les appelants, puisque le ministre connaissait les faits pertinents pour établir de nouvelles cotisations depuis le mois d’avril 2009 ou même avant, il n’était pas possible pour le ministre d’établir de nouvelles cotisations après le mois d’avril 2012, soit plus de trois ans après le mois d’avril 2009. Les appelants réfèrent au délai de prescription de trois ans prévu aux articles 2880 et 2925 C.c.Q.

[310] L’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État se lit ainsi :

32. Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent lors des poursuites auxquelles l’État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.

[311] Les articles du C.c.Q. auxquels ont référé les appelants se lisent ainsi :

2880. La dépossession fixe le point de départ du délai de la prescription acquisitive.

Le jour où le droit d’action a pris naissance fixe le point de départ de la prescription extinctive.

2925. L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

[312] Pour les motifs suivants, la Cour ne peut retenir cet argument.

[313] Tout d’abord, en établissant une cotisation, le ministre n’exerce pas un droit d’action et ne fait pas valoir un droit au sens des articles 2880 et 2925 C.c.Q. En effet, notre système fiscal étant un système d’autocotisation, la jurisprudence a indiqué, de façon constante, qu’une dette fiscale naissait non pas par l’établissement d’une cotisation, mais par le fait de gagner ou générer des revenus imposables (R. c. Simard-Beaudry Inc., [1971] C.F. 396, par. 20; Manna c. La Reine, 2019 CCI 70, par. 28).

[314] Également, comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué dans Peach c. Le Roi, 2022 CAF 163, le fait que le ministre disposait des informations nécessaires pour cotiser au cours de la période normale de nouvelle cotisation n’est pas pertinent et si les conditions prévues au sous-alinéa 152(4)a)(i) sont remplies, le ministre pourra cotiser hors de la période normale de nouvelle cotisation :

[13] Néanmoins, l’appelant soutient que le ministre n’avait pas le droit d’établir une nouvelle cotisation à son égard au-delà de la période normale de nouvelle cotisation parce qu’il disposait de la documentation nécessaire et de suffisamment de temps pour terminer sa vérification avant la fin de cette période. Il s’agit d’un argument dénué de fondement. Le libellé du sous-alinéa 152(4)a)(i) indique clairement que le ministre peut établir une nouvelle cotisation pour un contribuable après la période normale de nouvelle cotisation dans les circonstances en l’espèce. La question de savoir si le ministre avait des motifs légitimes de ne pas établir de nouvelle cotisation dans le délai de trois ans n’est pas pertinente en présence d’une conclusion de présentation erronée par négligence ou inattention en application du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.

[mes soulignements]

[315] De plus, comme la Cour l’a indiqué dans l’affaire Chan c. La Reine, 2010 CCI 3 (par. 15 et 16), le paragraphe 152(4) ne contient pas de délai de prescription et si le législateur avait voulu prévoir un tel délai, il l’aurait indiqué expressément.

[316] Finalement, dans l’arrêt Markevich c. Canada, 2003 CSC 9, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur les délais de prescription applicables aux mesures de recouvrement des dettes fiscales prévues à la Loi, eu égard à l’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État. Elle fera des comparaisons avec les dispositions de la Loi prévoyant les délais pour l’établissement de cotisation. Notamment, selon la Cour suprême du Canada, « de nombreuses dispositions prévoient expressément que le ministre peut établir une cotisation en tout temps, voir les par. 152(4) […] » (par. 16).

E. Les pénalités prévues au paragraphe 163(2)

[317] Le paragraphe 163(2) impose une pénalité à toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse, ou y participe, y consent ou y acquiesce. Le fardeau d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité repose sur le ministre et non sur les appelants (par. 163(3)).

[318] La partie pertinente du paragraphe 163(2) se lit ainsi :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants ….

163(2) Every person who, knowingly, or under circumstances amounting to gross negligence, has made or has participated in, assented to or acquiesced in the making of, a false statement or omission in a return, form, certificate, statement or answer (in this section referred to as a “return”) filed or made in respect of a taxation year for the purposes of this Act, is liable to a penalty of the greater of $100 and 50% of the total of …

[319] Selon le libellé du paragraphe 163(2), deux éléments doivent être réunis pour que soit applicable la pénalité prévue par ce paragraphe : (i) un élément mental : « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde »; (ii) un élément matériel : « fait un faux énoncé ou une omission ».

[320] Il a été établi que les appelants ont produit leurs déclarations de revenus pour les années d’imposition, objet des appels; ainsi, l’élément matériel est présent en l’espèce (D’Andrea c. La Reine, 2011 CCI 298, par. 36). Mais qu’en est-il de l’élément mental? Est-ce que les appelants ont sciemment fait un faux énoncé ou une omission ou ont-ils fait un faux énoncé ou une omission dans des circonstances équivalant à faute lourde?

[321] Selon l’intimé, pour les raisons invoquées ci-dessus concernant le sous-alinéa 152(4)a)(i), M. Plante, autant pour lui-même que pour SPE, aurait, sciemment ou bien dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait de faux énoncés dans les déclarations de revenus. Le ministre était donc justifié d’imposer des pénalités selon le paragraphe 163(2).

[322] La preuve a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les sociétés américaines n’exerçaient aucune activité de mise en marché du progiciel aux États-Unis, voire aucune activité. M. Plante, avec le concours de M. Mavrovic, a mis en place les sociétés américaines. Comme mentionné ci-dessus, il n’est pas crédible de croire que M. Plante, un homme d’affaires sérieux et avisé, ne soit pas au courant des activités des sociétés américaines, surtout compte tenu des sommes importantes transférées par SPE à celles-ci au cours des années. Tout au long de son témoignage, M. Plante dira que ce sont les sociétés de M. Mavrovic et que c’est M. Mavrovic qui s’occupe de ces sociétés. Bien que la Cour conçoive que ce soit M. Mavrovic qui s’occupe des sociétés américaines, la Cour ne peut croire que M. Plante ne connaissait pas les activités de ces sociétés. SPE a transféré des sommes considérables aux sociétés américaines pour soi-disant faire du démarchage pour le progiciel aux États-Unis. Toutefois, SPE ou M. Plante n’ont reçu aucun rapport des activités entreprises par celles-ci ou leurs employés, le cas échéant, ce qui est invraisemblable. De plus, comme mentionné ci-dessus, il n’est pas vraisemblable de croire que les sociétés américaines ont fait des prêts à M. Plante, comme les appelants tentent de le faire croire.

[323] Pour tous ces motifs, selon la prépondérance des probabilités, la Cour conclut que l’intimé s’est acquitté de son fardeau de démontrer que M. Plante et SPE ont sciemment fait un faux énoncé ou une omission en produisant leurs déclarations de revenus pour les années visées par les nouvelles cotisations. Les pénalités selon le paragraphe 163(2) sont donc maintenues.

Signé à Québec (Québec), ce 27e jour de mai 2024.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


RÉFÉRENCE :

2024 CCI 79

Nº DES DOSSIERS DE LA COUR :

2015-1917(IT)G & 2015-1921(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

SPE VALEUR ASSURABLE INC. &

ROBERT PLANTE c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 30 et 31 octobre 2017; les 1, 2, 3, 6, 7 et 9 novembre 2017; et les 14 et 15 novembre 2023

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 mai 2024

COMPARUTIONS :

Avocats des appelants :

Me Gabriel Dumais

Me Francis Fortin

Avocats de l'intimé :

Me Michel Lamarre

Me Vlad Zolia

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Noms :

Me Gabriel Dumais

Me Francis Fortin

Cabinet :

Tremblay Bois Mignault Lemay

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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