Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2020-13(IT)I

ENTRE :

JOYCE V. LEWIS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


 

Appel entendu le 22 mars 2023, à Toronto (Ontario).

Devant : l’honorable juge Bruce Russell


Comparutions :

Avocate de l’appelante :

Me Karen Stephens

Avocats de l’intimé :

Me Christian Brown

Me Katie Beahen

 

JUGEMENT MODIFIÉ

Les appels des nouvelles cotisations de l’appelante pour ses années d’imposition 2012 et 2013 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale, tous deux émises le 21 mars 2019, sont par la présente accueillis, et lesdites nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour les motifs suivants :

a) comme reconnu par l’intimé, l’appelante a bel et bien fait les dons de bienfaisance réclamés pour chacune des années d’imposition 2012 et 2013, ce qui lui donne droit au crédit d’impôt non remboursable approprié pour les dons de bienfaisance pour chacune de ces années;

b) l’appelante a droit à une déduction du revenu pour chacune des deux années d’imposition du montant du revenu de location qui a apparemment été ajouté au revenu total (selon l’avocat de l’intimé, transcription, p. 110); et,

c) le tout sans frais, en raison du succès partagé.

Le présent jugement modifié remplace le jugement daté du 2 octobre 2024.

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 25e jour d’octobre 2024.

« B. Russell »

Le juge Russell

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mars 2025.

Manon Duchesne

 


Référence : 2024 CCI 127

Date : 20241022

Dossier : 2020-13(IT)I

ENTRE :

JOYCE V. LEWIS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

Le juge Russell

I. Aperçu

[1] L’appelante, Mme Lewis, interjette appel des nouvelles cotisations établies pour ses années d’imposition 2012 et 2013. Chacune des deux nouvelles cotisations est présumée être « frappée de prescription »; c’est-à-dire qu’elle a été effectuée en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi) fédérale après l’expiration de la « période normale de nouvelle cotisation » de cette année d’imposition et est donc, sauf exception, invalide.

[2] L’intimé soutient qu’une exception s’applique ici, pour maintenir la validité des nouvelles cotisations par ailleurs frappées de prescription. Cette exception est prévue au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi. Cette disposition prévoit qu’une nouvelle cotisation qui serait normalement frappée de prescription (c.-à-d. une cotisation établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation) est valide s’il est démontré qu’il y a eu une fausse déclaration dans la déclaration de revenus pertinente attribuable, entre autres, à la négligence ou à l’imprudence du contribuable.

[3] Le sous-alinéa 152(4)a)i) de la Loi prévoit, dans sa partie pertinente :

152(4) : Cotisation et nouvelle cotisation : Le ministre peut établir une [...] nouvelle cotisation [...] concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable [...] Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une fausse déclaration des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration [...]

II. Contexte :

[4] Mme Lewis est maintenant une dame âgée, retraitée après des décennies de travail dans des foyers de soins pour personnes âgées, d’abord en tant qu’aide-soignante et finalement en tant que travailleuse de soutien personnel qualifiée. Pendant son enfance en Jamaïque, Mme Lewis a atteint un niveau d’éducation de sixième année.

[5] Mme Lewis a depuis longtemps l’habitude de faire appel à un spécialiste professionnel en déclarations de revenus (communément appelé « spécialiste en déclarations ») pour préparer sa déclaration de revenus annuelle. Elle ne se sent pas suffisamment compétente en matière de fiscalité pour préparer correctement ses propres déclarations.

[6] Plusieurs années avant 2012, des collègues de travail lui ont recommandé de faire appel à un certain Leroy Mercury (LM) pour ce travail. LM se présentait comme un spécialiste en déclarations. Il préparait annuellement les déclarations de revenus pour plusieurs collègues de travail de Mme Lewis.

[7] Par conséquent, pour plusieurs années d’imposition, y compris ses années d’imposition 2012 et 2013 qui sont en cause dans cet appel, Mme Lewis a engagé LM pour préparer sa déclaration de revenus. En 2016 environ, Mme Lewis a appris qu’un certain nombre de clients de LM, y compris certains de ses collègues, rencontraient des problèmes avec l’Agence du revenu du Canada (ARC). Mme Lewis ne voulait pas de problèmes fiscaux. Elle a rapidement cessé de retenir les services de LM comme spécialiste en déclarations.

[8] Il est entendu que les nouvelles cotisations contestées sont présumément frappées de prescription, comme mentionné ci-dessus.

[9] Le paragraphe 152(3.1) de la Loi prévoit que la « période normale de nouvelle cotisation » d’une année d’imposition d’un particulier (comme Mme Lewis) est la période de trois ans débutant à la date de la cotisation initiale.

[10] Les années d’imposition 2012 et 2013 de Mme Lewis ont été respectivement initialement évaluées le 12 novembre 2013 et le 10 novembre 2014. Ainsi, les périodes normales de nouvelle cotisation de trois ans pour ses années d’imposition 2012 et 2013 ont respectivement expiré le 12 novembre 2016 et le 10 novembre 2017.

[11] Les deux dates d’expiration précèdent largement le 12 mars 2019, date à laquelle le ministre du Revenu national a émis les deux nouvelles cotisations contestées. Ainsi, les deux nouvelles cotisations sont frappées de prescription, sous réserve de l’allégation du ministre selon laquelle l’exception prévue au sous-alinéa 152(4)a)(i) s’applique.

[12] L’intimé plaide au paragraphe 28 de sa réponse, sous le titre [traduction] « Nouvelles cotisations au-delà de la période normale de nouvelle cotisation ».

28. Le ministre était en droit d’établir une nouvelle cotisation de l’appelante pour les années d’imposition 2012 et 2013, en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, car l’appelante a fait de fausses déclarations qui sont attribuables à une négligence, une inattention ou une omission volontaire, au sens des paragraphes 152(4) et 152(4.01) de la Loi lorsqu’elle a réclamé les dépenses et les pertes de location refusées, les dépenses d’emploi et les déductions de bienfaisance. [soulignement ajouté]

[13] Ainsi, la position de l’intimé est que les fausses déclarations attribuables à la négligence, entre autres, de Mme Lewis ont été faites, [traduction] « lorsqu’elle a réclamé les dépenses et les pertes de location, les dépenses d’emploi et les déductions de bienfaisance refusées » (c.-à-d. refusées par les nouvelles cotisations contestées).

[14] Chacune des nouvelles cotisations contestées rejette les trois demandes de dépenses (pour les dépenses de location, les dépenses d’emploi et les déductions de bienfaisance) autorisées dans les cotisations initiales. Plus précisément, ces trois demandes refusées (pour chaque année) sont :

  1. des pertes de location réclamées de 7 862 $ (2012) et de 8 165 $ (2013), basées sur le fait que Mme Lewis louait une partie de sa résidence principale;

  2. des dépenses d’emploi réclamées de 8 936 $ (2012) et de 6 452 $ (2013), liées à l’utilisation par Mme Lewis de son véhicule à moteur dans le cadre de ses emplois;

  3. des crédits d’impôt non remboursables réclamées pour des dons de bienfaisance de 2 660 $ (2012) et de 2 240 $ (2013) que Mme Lewis a faits à son église.

III. Questions en litige :

[15] La question de l’appelante, Mme Lewis, est de savoir si le sous-alinéa 152(4)a)(i) s’applique pour exclure ces deux nouvelles cotisations étant frappées de prescription et les rendre ainsi invalides.

[16] L’avocat de l’intimé identifie trois questions, comme suit, la dernière étant la même question que celle de l’appelant :

  1. Mme Lewis avait-elle droit à des frais liés à un véhicule automobile pour ses années d’imposition 2012 et 2013?

  2. Mme Lewis avait-elle droit aux dépenses de location pour ses années d’imposition 2012 et 2013?

  3. Le ministre était-il justifié d’établir une nouvelle cotisation pour chacune des années d’imposition 2012 et 2013 de Mme Lewis au-delà de la période normale de nouvelle cotisation?

IV. Les thèses des parties :

[17] La position de l’intimé est que les nouvelles cotisations contestées ne sont pas frappées de prescription, car, selon le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, [traduction] « [...] [Mme Lewis] l’appelante a fait une fausse déclaration des faits, par négligence lorsqu’[elle] a réclamé des dépenses de location et des dépenses de véhicule automobile refusées en 2012 et 2013 respectivement. » (transcription, p. 106)

[18] Cette déclaration de la position de l’intimé indique que les allégations de fausses déclarations en vertu du sous-alinéa 152(4)a)i) étaient attribuables uniquement à la « négligence » de Mme Lewis, et non également à l’« inattention ou omission volontaire », comme le précise également cette disposition.

[19] La position de l’appelante est que chacune des deux nouvelles cotisations contestées est frappée de prescription et donc invalide.

V. Concessions et preuves :

[20] À l’audience, l’avocat de l’intimé a informé la Cour que l’intimé admet que Mme Lewis a effectivement fait les dons de bienfaisance à son église comme indiqué dans ses déclarations de 2012 et 2013, dons que le ministre a totalement niés dans les nouvelles cotisations contestées. Ainsi, le ministre a finalement admis qu’un de ses trois fondements pour affirmer de fausses déclarations, mentionnées cidessus, était erroné.

[21] Je note que lorsqu’une nouvelle cotisation est établie au-delà de la période normale de nouvelle cotisation, il est évident qu’un temps significatif s’est écoulé (plus que ce qui est « normal ») pour que les contribuables puissent toujours retrouver la documentation originale confirmant les transactions en question.

[22] De plus, l’avocat de l’intimé a admis que les paiements de certaines dépenses ménagères, réclamés par Mme Lewis au titre de sa réclamation de dépenses de location, mais niés par le ministre comme ayant été payés, avaient en fait été payés par Mme Lewis.

[23] Ces paiements de propriété maintenant concédés que Mme Lewis avait réclamés pour l’année d’imposition 2012 et que le ministre avait refusés étaient de 1 789 $ en taxes foncières, de 2 330 $ en factures Rogers pour le câble et Internet, de 2 397 $ en services publics et de 694,12 $ en assurance. Les dépenses pour l’année d’imposition 2013, de même concédées, étaient de 1 789 $ en taxes foncières, de 2 080 $ en factures Rogers, de 3 107,76 $ en services publics, de 712,80 $ en assurances et de 1 730 $ en frais d’entretien (transcription, p. 5).

[24] Dans la réponse de l’intimé, il n’est pas fait mention de l’absence de vérification par Mme Lewis de ses déclarations de revenus préparées par LM avant qu’elle ne les signe. Il est toutefois plaidé à l’alinéa 14f) de la réponse que :

[Traduction]

l’appelante savait, ou aurait dû savoir, que les renseignements figurant dans sa déclaration de revenus étaient incorrects, car elle savait qu’elle n’avait pas effectué les dépenses d’emploi et les dons de bienfaisance refusés et qu’elle n’avait pas encouru les dépenses et les pertes locatives réclamées; [soulignement ajouté]

[25] L’absence de vérification de ses déclarations avant de les signer a été mentionnée par l’avocat de l’intimé dans son plaidoyer final, comme quoi les fausses déclarations dans les déclarations de Mme Lewis étaient attribuables à sa négligence.

[26] En contre-interrogatoire, Mme Lewis s’est fait demander : [traduction] « Avez-vous vérifié votre déclaration de revenus de 2012 avant de la soumettre à l’Agence du revenu du Canada? » Elle a répondu, en se référant à LM comme [traduction] « il » :

[Traduction]

Non. Il le fait sur son ordinateur, et ça se fait, et il les ramasse, il les assemble, et il met un petit X, et il dit, « Signe ton nom ici », parce que si je regarde, je ne comprendrais de toute façon rien, alors [...] (transcription, p. 17)

[27] De même, en ce qui concerne son retour en 2013, Mme Lewis s’est vu demander : [traduction] « Avez-vous examiné votre déclaration de revenus de 2013 avant qu’elle ne soit soumise? » Elle a répondu : [traduction] « Non » (transcription, p. 20).

VI. Analyse :

[28] Dans La Reine c. Succession de Pasquale Paletta, 2022 CAF 86, paragraphe 65, la Cour d’appel fédérale a observé en ce qui concerne la « négligence » selon le sous-alinéa 152(4)a)(i) (tel que mentionné ci-dessus) :

65. La négligence dont il est question au sous-alinéa 152(4)a)(i) renvoie au manque de diligence raisonnable. Le contribuable s’acquitte de son obligation de diligence raisonnable lorsque, « après un examen réfléchi et attentif de la situation, [il] évalue celle-ci et produit une déclaration selon la méthode qu’en bonne foi il croit appropriée » ou, en d’autres mots, lorsqu’il produit sa déclaration « d’une façon que le contribuable croit véritablement appropriée » [...] Notre Cour peut également déduire qu’il y a eu négligence par le défaut du contribuable de vérifier la validité de ses certitudes [...]

[29] Dans Victor Gorev c. La Reine, 2017 CCI 85 au paragraphe 52, ma collègue la juge Sommerfeldt a noté que, « le fait de ne pas passer en revue une déclaration de revenus avant d’y apposer sa signature peut constituer un acte de négligence ou d’inattention pour l’application du sous-alinéa 152(4)a)(i) ». Il a écrit :

52. Pour ce qui est de la question de savoir si la présentation erronée des faits a été faite par négligence ou par inattention, la question qu’il convient de poser consiste à savoir si le soin qu’a exercé M. Gorev en produisant ses déclarations de revenus pour les années 2006, 2007 et 2008 a été celui d’une personne avisée. [Angus c. Canada [1998] A.C.F. no 1694, [1999] 1 CTC 60, 98 DTC 6661 (CAF), au par. 7] Relativement peu d’éléments de preuve ont été produits à l’égard de la question de savoir si la présentation erronée des faits a été faite par négligence ou par inattention. La preuve n’était pas des plus limpides, mais il semble que M. Gorev a eu recours à un comptable pour établir ses déclarations de revenus et que Mme Cherenkova donnait des instructions et fournissait des documents au comptable. M. Gorev a déclaré en contre-interrogatoire que Mme Cherenkova avait fait plusieurs erreurs à l’égard des déclarations de revenus. Il a aussi semblé indiquer qu’il avait signé les déclarations sans les passer en revue au préalable. Une personne avisée aurait passé en revue sa déclaration de revenus avant de la signer. Autrement dit, le fait de ne pas passer en revue une déclaration de revenus avant d’y apposer sa signature peut constituer un acte de négligence ou d’inattention pour l’application du sous-alinéa 152(4)a)(i) [...] [soulignement ajouté]

[30] Aussi, il incombe à la Couronne intimée de prouver la négligence (Deyab, 2020 CAF 222, paragraphe 25; autorisation de pourvoi refusée, 2021 CarswellNat 1234 (CSC). En ce qui concerne cette charge, « il s’agit d’un fardeau de preuve réel et non pas d’une simple formalité » (Chaumont c. R., 2009 CCI 493). La réponse de l’intimé doit plaider les faits allégués comme étant de fausses déclarations (Mont­Bruno, 2017 CarswellNat 3165 (CCI), paragraphe 19).

[31] Un aspect notable de cette affaire est l’affirmation de la représentante-fille de l’appelante Mme Lewis selon laquelle cette affaire est survenue parce que le ministre examinait les déclarations que LM avait préparées pour ses divers clients, y compris Mme Lewis.

[32] Dans la réponse, l’intimé plaidait (paragraphe 5) que [traduction] « le procureur général n’a aucune connaissance du fait que l’individu identifié comme “Leroy” ait été enquêté et accusé par l’ARC, déclenchant ainsi une vérification de tous ses clients [...] »

[33] Néanmoins, l’enquête de Leroy (c.-à-d. LM), à laquelle l’intimé a déclaré ne pas avoir connaissance, a été mentionnée dans le témoignage d’un agent de l’ARC lors de l’audience. M. T. Rahman, en 2019, un agent d’appel de l’ARC, appelé à témoigner par la représentante de la fille de l’appelante, Mme Lewis, a déclaré qu’il

[Traduction]

[...] n’était pas partie de l’enquête du service des enquêtes criminelles, mais j’ai examiné cette évaluation après le rapport de recommandation de la période normale de nouvelle cotisation, et j’ai examiné ce rapport sur objection. D’après toutes mes connaissances, la DEC a déterminé que le spécialiste en déclarations de l’appelante était impliqué dans la présentation de demandes non fondées, et qu’il avait également falsifié des reçus pour attirer des impôts payables pour les contribuables [...] (transcription, p. 72)

[34] Le ministre a supposé, en ce qui concerne la réclamation de location, que [traduction] « les dépenses liées à la propriété qui ont été réclamées, y compris les rénovations, l’entretien et les réparations, n’ont pas été engagées » (réponse, alinéa 13e)).

[35] Ces dépenses concédées couvraient un certain nombre des dépenses réclamées pour les deux années.

[36] Mme Lewis, l’appelante, n’a contesté ni le refus du ministre de déduire les frais d’emploi ni le refus de déduire les frais de location.

[37] LM a préparé les deux déclarations pour Mme Lewis, aucune desquelles n’a été examinée par Mme Lewis avant d’être signée et retournée à LM pour soumission à l’ARC.

[38] Dans la déclaration de 2012, 50 % de 5 650 $, soit 2 825 $, a été réclamé pour [traduction] « rénovation au sous-sol de l’appartement » dans sa [traduction] « Déclaration de location de biens immobiliers ».

[39] En ce qui concerne cela, lors du contre-interrogatoire (transcription, p. 36), Mme Lewis a été interrogée sur le fait qu’une réclamation de 5 650 $ pour des rénovations effectuées dans son sous-sol en 2012 était correcte. Mme Lewis a répondu : [traduction] « Je ne lui ai pas dit [c.-à-d. LM] cela ».

[40] Ainsi, cela indique qu’au moins une fausse déclaration a été faite dans la déclaration de 2012. Je crois que Mme Lewis aurait reconnu qu’il s’agissait d’une déclaration erronée si elle avait examiné sa déclaration de 2012 avant de la signer et de la laisser être soumise.

[41] Dans les déclarations de revenus de 2012 et 2013 (p. ex. R-1, onglets 2 et 3), on a déclaré les frais de déplacement pour la recherche d’emploi. En contre-interrogatoire, Mme Lewis a été interrogée pour savoir si elle connaissait les [traduction] « règles fiscales qui permettent à un employé de réclamer des frais liés à un véhicule automobile ». Elle a dit ne pas connaître.

[42] Elle a dit que les chiffres de kilométrage étaient ceux de son spécialiste en déclarations et non les siens. Elle a indiqué qu’il lui avait demandé le kilométrage, mais qu’elle n’avait pas pu le préciser, se contentant d’indiquer le temps qu’il lui fallait pour se rendre au travail en voiture, entre autres.

[43] À l’alinéa 15g) de la réponse, il est plaidé comme un [traduction] « fait matériel » que Mme Lewis [traduction] « n’a pas conduit 100 % de la distance totale parcourue au cours des années d’imposition 2012 et 2013 à des fins liées à l’emploi, ne tenant ainsi pas compte de tout usage personnel de tout véhicule automobile qu’elle a conduit ces années-là ».

[44] Dans ses déclarations de revenus de 2012 et 2013, elle indique que la totalité (100 %) de ses kilomètres totaux parcourus en voiture pour l’année était [traduction] « pour gagner un revenu d’emploi ».

[45] C’est très discutable, qu’elle n’ait pas conduit son véhicule au moins un peu chaque année à des fins personnelles – par exemple, pour rendre visite à sa famille ou à ses amis, pour aller à l’église et/ou pour acheter de l’épicerie.

[46] Je reconnais que ces éléments sont également de fausses déclarations, dans les déclarations de Mme Lewis de 2012 et 2013. De plus, j’accepte que si Mme Lewis avait examiné les déclarations, elle aurait remarqué ces deux fausses déclarations.

[47] Ainsi, je conclus que les fausses déclarations identifiées ci-dessus (dans les déclarations de 2012 et 2013) étaient attribuables à la négligence de Mme Lewis, cette négligence étant qu’elle n’avait pas examiné les déclarations en question avant de les signer et de les déposer, déclenchant ainsi l’application du sous-alinéa 152(4)a)(i) tel que soutenu par l’intimé.

VII. Conclusion :

[48] L’appel de chacune des deux nouvelles cotisations sera accueilli. Elles ne sont pas frappées de prescription et donc invalides, car de fausses déclarations ont été faites en 2012 et 2013 attribuables à la négligence de l’appelante en ce sens qu’elle n’a pas examiné ses déclarations avant de les signer et de les soumettre pour dépôt.

[49] En outre, les deux nouvelles cotisations faisant l’objet d’un appel seront renvoyées au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et à une nouvelle cotisation compte tenu de ce qui suit : a) comme le concède l’intimé, l’appelante a effectivement fait les dons de bienfaisance réclamés pour chacune des années d’imposition 2012 et 2013 que le ministre avait refusés, ce qui lui donne droit au crédit d’impôt non remboursable approprié à l’égard des dons de bienfaisance pour chaque année; et b) l’appelante a droit à la déduction du revenu pour chacune des deux années d’imposition du montant du revenu de location qui avait apparemment été ajouté au revenu total (selon l’avocat de l’intimé, transcription, p. 110).

Les présents motifs modifiés du jugement remplacent les motifs du jugement datés du 2 octobre 2024, afin de corriger les mots et chiffres soulignés au paragraphe 49 des présentes.

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 25e jour d’octobre 2024.

« B. Russell »

Le juge Russell

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mars 2025.

Manon Duchesne


RÉFÉRENCE :

2024 CCI 127

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2020-13(IT)I

INTITULÉ :

JOYCE V LEWIS ET SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 mars 2023

MOTIFS MODIFIÉS DU JUGEMENT :

l’honorable juge Bruce Russell

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :

Le 25 octobre 2024

COMPARUTIONS :

Avocate de l’appelante :

Me Karen Stephens

Avocats de l’intimé :

Me Christian Brown

Me Katie Beahen

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’intimé :

Me Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.