ENTRE :
et
Appel entendu les 16, 17, 18 et 19 janvier 2023 et
les 13, 14, 15 et 16 mai 2024, à Montréal (Québec)
|
Me Pascale Desmarais |
|
|
Me Christian Lemay |
JUGEMENT
L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2015 est accueilli, avec dépens, selon les motifs ci-joints.
Signé à Ottawa, Ontario, ce 23e jour d’octobre 2025.
Juge Ouimet
TABLE OF CONTENTS
I. INTRODUCTION 1
II. QUESTION EN LITIGE 2
III. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES 2
IV. LES FAITS 5
A. Boless inc. 5
1. Activités et actionnariat 5
2. La facturation pour les travaux de construction 8
3. La marge de profit de Boless 9
B. 4490380 9
C. L’acquisition des 72 et 76, rue Laval 10
1. L’acquisition du 72, rue Laval 11
2. L’acquisition du 76, rue Laval 13
3. L’immeuble faisait partie d’un projet comptant plusieurs phases 13
4. Le plan d’affaire de M. Ouellette 14
D. La construction de l’immeuble 15
E. Les coûts de construction de l’immeuble 16
F. Le financement de l’immeuble 17
G. Les démarches effectuées en vue de louer l’immeuble 18
1. Les démarches entreprises pour trouver des locataires 18
2. Modification du règlement de zonage s’appliquant à l’immeuble 21
3. Contestation de l’évaluation municipale 24
H. L’évaluation de l’immeuble 25
I. Les circonstances entourant la vente de l’immeuble 26
V. LES POSITIONS DES PARTIES 31
A. La position de 4490380 31
1. Le droit 33
2. Application du droit aux faits dans la présente affaire 36
a) Première étape 36
b) Deuxième étape 37
(1) Le modus operandi des entités ayant des
actionnaires communs avec 4490380 était de générer
des revenus locatifs. 38
(2) Les efforts déployés pour trouver des
locataires démontrent l’existence d’un plan de location
…………………………………………………………………40
(3) Le projet locatif comprenait des phases subséquentes
qui corroborent l’intention initiale de développer
un projet à long terme selon 4490380 42
(4) Le financement externe ne concorde pas avec un
projet sur le point d’être revendu 45
(5) Le projet locatif était un succès sur le plan financier 47
(6) Des circonstances externes objectives expliquent
la décision de vendre l’immeuble, même si
l’intention initiale de 4490380 était d’en faire
un investissement 51
(a) Évolution du contexte locatif dans la région de
la capitale nationale 52
(b) Les compressions budgétaires du
gouvernement fédéral 53
(c) Évolution du zonage 54
(d) L’évolution de la valeur de l’immeuble 55
(e) L’offre d’achat de l’immeuble était non sollicitée 56
B. La position de sa SMLR 58
1. Le droit 58
a) Le sens du terme « projet comportant un risque ou affaire
de caractère commercial » 59
b) La preuve de l’intention d’une société par actions 61
c) L’analyse de l’intention 61
d) L’intention secondaire du contribuable 62
e) La crédibilité et la valeur probante des témoignages 62
2. Application du droit aux faits en l’espèce 63
a) L’intention déclarée et la vraisemblance de cette intention 63
b) L’intention secondaire et le changement d’intention 64
c) La conduite de 4490380 66
d) La nature du bien 67
e) Les facteurs qui ont motivé la vente de l’immeuble 68
3. Les hypothèses de fait du ministre et la position de SMLR au
début du procès 68
VI. DISCUSSION 73
A. Le droit applicable 73
1. Les deux catégories fondamentales de revenus 73
2. Caractérisation du produit de disposition d’un bien 74
B. Le sens de l’expression « projet comportant un risque ou affaire
de caractère commercial » 75
1. Les facteurs à prendre en considération afin de déterminer si
un projet comporte un risque de caractère commercial 76
2. L’importance de l’intention du contribuable au moment
de l’acquisition du bien 78
3. L’intention primaire et l’intention secondaire du contribuable 79
4. La preuve de l’intention d’un contribuable 81
5. La preuve de l’intention d’une société par actions 82
C. Application du droit à la présente affaire 82
1. Le profit de la vente de l’immeuble a-t-il été tiré d’une
entreprise au sens commun du terme? 83
2. L’achat de l’immeuble par 4490380 était-il un projet qui
comportait un risque ou une affaire de caractère commercial? 83
a) Les facteurs énumérés dans l’arrêt Canada Safeway 85
(1) L’intention de 4490380 relativement à l’immeuble
au moment de son acquisition 85
(2) La vraisemblance de l’intention du contribuable; 86
(3) L’emplacement géographique de l’immeuble et
son zonage 87
(4) La mesure dans laquelle l’intention de 4490380 a
été réalisée 88
(5) La nature de l’entreprise, de la profession, du métier
ou de l’occupation des actionnaires de 4490380 et
la preuve que 4490380 ou ses actionnaires se livrent
à grande échelle au commerce de l’immeuble 89
(6) La mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi
à financer l’acquisition de l’immeuble et les
modalités arrêtées pour le financement 90
(7) La période pendant laquelle l’immeuble a été détenu
par 4490380 91
(8) La preuve que l’intention de 4490380 a changé
après l’achat de l’immeuble 91
b) Les autres facteurs pertinents 92
(1) La qualité des matériaux utilisés pour la construction
de l’immeuble 93
(2) La situation financière de 4490380 entre 2008 et
2015 94
3. Conclusion 96
a) La conclusion de la Cour 96
b) Les arguments de SMLR 98
(1) Analyse de rentabilité du projet 99
(2) Discussions entre M. Ouellette et M. Charron
concernant la vente de l’immeuble et son prix de
vente 99
(3) L’ampleur du gain réalisé par 4490380 à la suite de
la vente de l’immeuble 100
(a) Le coût de construction de l’immeuble et sa
valeur de remplacement 100
(b) La valeur marchande de l’immeuble 101
(c) Le caractère exceptionnel de l’offre d’achat 102
VII. CONCLUSION 103
ENTRE :
4490380 CANADA INC.,
appelante,
et
SA MAJESTÉ LE ROI,
intimé.
MOTIFS DU JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] La société 4490380 Canada inc. (« 4490380 »)
interjette appel d’une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre »
). Cette cotisation a trait à l’année d’imposition de 4490380 se terminant le 30 septembre 2015 (l’« année d’imposition 2015 »
). Dans cette cotisation, le ministre a conclu que la somme de 9 663 075 $ correspondant au bénéfice réalisé par 4490380 sur la vente d’un immeuble situé au 72, rue Laval, à Gatineau, au Québec, constituait un revenu d’entreprise en application du paragraphe 9(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (« LIR »
).
[2] Ayant conclu que la somme de 9 663 075 $ constituait un revenu d’entreprise de 4490380, le ministre a effectué les redressements suivants:
|
Redressement |
Montant[1] |
|---|---|
|
Revenu net antérieur aux fins du calcul de l’impôt |
6 980 930 $ |
|
Gain en capital imposable modifié |
-4 831 538 $ |
|
Revenu d’entreprise additionnel |
9 663 075 $ |
|
Revenu net révisé aux fins du calcul de l’impôt |
11 812 467 $ |
[3] Les personnes suivantes ont témoigné pour 4490380 lors de l’audience :
-
-M. Denis Ouellette (
« M. Ouellette »
); -
-M. Jean-Marc Gerfaux (
« M. Gerfaux »
); -
-M. Michel Tremblay (
« M. Tremblay »
); -
-Mme Sylvie Côté (« Mme Côté »).
[4] Sa Majesté le Roi (« SMLR »
) n’a pas convoqué de témoin lors du procès.
II. QUESTION EN LITIGE
[5] La question en litige est la suivante :
Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que la somme de 9 663 075 $ correspondant au bénéfice tiré de la vente de l’immeuble situé aux 72 et 76, rue Laval (l’« immeuble »
) constituait un revenu d’entreprise et non un gain en capital[2]?
Afin de répondre à cette question, la Cour devra répondre à la question suivante :
Est-ce que l’acquisition de l’immeuble par 4490380 était un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial?
III. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
[6] Les dispositions pertinentes de la LIR sont les suivantes :
Partie 1 : Impôt sur le revenu
SECTION B – Calcul du revenu
Règles fondamentales
Revenu pour l’année d’imposition
3 Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :
a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien) dont la source, se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;
b) le calcul de l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):
(i) le total des montants suivants :
(A) ses gains en capital imposables pour l’année tirés de la disposition de biens, autres que des biens meubles déterminés,
(B) son gain net imposable pour l’année tiré de la disposition de biens meubles déterminés,
(ii) l’excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l’année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise pour l’année, subies par le contribuable;
SOUS-SECTION B – Revenu ou perte provenant d’une entreprise ou d’un bien
Revenu
9 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.
Perte
(2) Sous réserve de l’article 31, la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.
Exclusion des gains et pertes en capital
(3) Dans la présente loi, le revenu tiré d’un bien exclut le gain en capital réalisé à la disposition de ce bien, et la perte résultant d’un bien exclut la perte en capital résultant de la disposition de ce bien.
Sous-Section C – Gains en capital imposables et pertes en capital déductibles
Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible
38 Pour l’application de la présente loi :
a) sous réserve des alinéas a.1) à a.3), le gain en capital imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, tiré de la disposition d’un bien, est égal à la moitié du gain en capital qu’il a réalisé pour l’année à la disposition du bien;
Sens de gain en capital et de perte en capital
39 (1) Pour l’application de la présente loi :
a) un gain en capital d’un contribuable, tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien quelconque, est le gain, déterminé conformément à la présente sous-section (jusqu’à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas, compte non tenu du passage « autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien », à l’alinéa 3a), et de l’alinéa 3b), inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition), que ce contribuable a tiré, pour l’année, de la disposition d’un bien lui appartenant, à l’exception :
Règles générales
40 (1) Sauf indication contraire expresse de la présente partie :
a) le gain d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est l’excédent éventuel :
(i) en cas de disposition du bien au cours de l’année, de l’excédent éventuel du produit de disposition sur le total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, calculé immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition,
Définitions
54 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous-section.
immobilisations S’agissant des immobilisations d’un contribuable :
a) tous biens amortissables du contribuable;
b) tous biens (autres que des biens amortissables) dont la disposition se traduirait pour le contribuable par un gain ou une perte en capital. (capital property)
produit de disposition Sont compris dans le produit de disposition d’un bien :
a) le prix de vente du bien qui a été vendu;
129(4) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.
revenu Le revenu d’une société pour une année d’imposition tiré d’une source qui est un bien :
a) comprend le revenu tiré d’une entreprise de placement déterminée qu’elle exploite au Canada, sauf celui tiré d’une source à l’étranger;
b) ne comprend pas le revenu tiré d’un bien qui, selon le cas
(i) se rapporte directement ou accessoirement à une entreprise qu’elle exploite activement;
(ii) est utilisé ou détenu principalement pour tirer un revenu d’une entreprise qu’elle exploite activement. (income ou loss)
Partie III – Impôt supplémentaire sur les excédents résultant d’un choix
Impôt sur les excédents résultant d’un choix
184(2) La société qui fait un choix en vertu paragraphe 83(2), 130.1(4) ou 131(1) relativement au montant total d’un dividende payable par elle sur des actions d’une catégorie de son capital-actions (appelé « dividende initial » au présent article) doit payer, au moment du choix, un impôt en vertu de la présente partie égal aux 3/5 de l’excédent du montant total du dividende initial sur la partie de celui-ci qui est réputée, par ce paragraphe, être un dividende en capital ou un dividende sur les gains en capital.
Définitions
248 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi :
entreprise Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi. (business)
IV. LES FAITS
A. Boless inc.
1. Activités et actionnariat
[7] Boless inc. (« Boless »
) est un entrepreneur général en construction immobilière non résidentielle spécialisé dans la construction d’immeubles de grande envergure[3]. Boless est une société canadienne constituée en 1992 sous le régime de la partie 1A de la Loi sur les compagnies[4] et continuée sous le régime de la Loi sur les sociétés par actions[5].
[8] En 2015, M. Ouellette était président et administrateur de Boless, poste qu’il occupe depuis plus de 30 ans. M. Ouellette possède une vaste expérience dans le domaine de la construction. Il a commencé sa carrière comme estimateur avant de devenir chargé de projet pour finalement devenir président de Boless[6]. M. Ouellette, M. Tremblay, M. Gerfaux et Mme Côté étaient tous employés par Boless en 2015[7]. M. Tremblay était le secrétaire de Boless, en plus d’occuper le poste de chargé de projet[8]. M. Gerfaux était responsable des aménagements intérieurs et Mme Côté agissait comme contrôleuse financière[9]. À la fin de l’année d’imposition 2015, les actionnaires de Boless étaient les suivants :
-
-Fiducie Saranico (41,06 %);
-
-Fiducie Jovier (22,14 %);
-
-Gestion Saranico inc. (11,23 %);
-
-Gestion Jovier inc. (11,23 %);
-
-Gestion Grésivaudan inc. (11,23 %);
-
-Sylvie Côté (3,11 %)[10].
[9] Selon M. Ouellette, en 2015, 75 % des clients de Boless étaient des clients gouvernementaux ou paragouvernementaux et 25 % provenaient du secteur privé[11]. À cette époque, Boless construisait des immeubles pour le gouvernement fédéral, des municipalités, des commissions scolaires ainsi que des hôpitaux[12].
[10] C’est M. Ouellette qui choisissait les appels d’offres auxquels Boless allait participer. Il participait aussi à la préparation des appels d’offres[13]. Selon M. Ouellette, Boless remportait habituellement entre 20 et 25 appels d’offres du secteur public par année et a ainsi pu développer une expertise dans le domaine de la construction immobilière[14].
[11] Entre 2008 et 2015, Boless a obtenu plusieurs contrats de clients du secteur privé pour rénover des immeubles ou construire des immeubles neufs devant être loués par
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« TPSGC »
).
Dans le cadre de ces contrats, Boless et M. Ouellette ont acquis les connaissances suivantes :
-
-Le fonctionnement et l’élaboration des appels d’offres de
TPSGC
.
-
-
Les exigences de TPSGC concernant le
« base building »
et son coût de construction.
-
-
Le prix payé au pied carré par TPSGC pour des espaces de bureau à Gatineau et Ottawa.
[12] M. Ouellette a donné les explications suivantes au sujet des connaissances qu’il a acquises :
-
-Le terme
« base building »
signifie la« coquille »
d’un immeuble. Cela inclut l’extérieur, les murs, le plafond, le plancher de béton ainsi que les aménagements nécessaires pour répondre aux exigences de TPSGC, dont les toilettes, les ascenseurs, la salle mécanique, etc. Le« base building »
doit aussi respecter les normes fixées par TPSGC, notamment en matière de ventilation, de qualité de l’air, d’éclairage et d’environnement[15]. -
-TPSGC paye pour l’aménagement intérieur des locaux qu’il loue[16].
-
-Les résultats des appels d’offres de TPSGC sont connus du public. Les soumissionnaires peuvent assister au dévoilement des résultats et ainsi connaître le prix payé par TPSGC en fonction du type de local, de son emplacement et de sa grandeur. M. Ouellette gardait ces informations dans une banque de données[17].
[13] Les actionnaires de Boless étaient aussi des actionnaires de 4490380, et de plusieurs autres sociétés. Un organigramme déposé en preuve trace le portrait de ces sociétés au 30 septembre 2015[18]. Selon M. Ouellette, les actionnaires ont créé la plupart de ces sociétés dans le but d’acquérir un immeuble pour le rénover ou un terrain pour construire un nouvel immeuble aux fins de location résidentielle. Comme ces immeubles étaient des investissements à long terme, la plupart d’entre eux ont été conservés pour une longue période[19]. Il est cependant arrivé qu’un immeuble soit vendu parce qu’il n’était plus rentable ou parce que l’un des actionnaires voulait quitter le groupe d’actionnaires[20]. L’un des projets de construction de logements entrepris entre 2008 et 2009 a généré un revenu d’entreprise lors de la vente des logements. Dans ce cas, les logements avaient été construits aux fins de revente[21].
[14] Lorsque l’une des sociétés avait besoin des services d’un entrepreneur en construction pour un projet, les services de Boless étaient automatiquement retenus. Selon M. Ouellette, cela avait lieu une fois tous les trois ans environ en fonction des occasions. Pour chaque nouveau projet impliquant un ou plusieurs des actionnaires de Boless, une nouvelle société à numéro était créée, avec un nouvel actionnariat. Cette façon de procéder a été suggérée à M. Ouellette par ses comptables et ses fiscalistes. La création d’une société distincte pour détenir chaque nouvel immeuble permet d’éviter que plusieurs investissements immobiliers soient exposés à des risques
si l’un d’entre eux connaît des difficultés financières et de faciliter l’intégration d’un nouvel actionnaire au projet[22].
2. La facturation pour les travaux de construction
[15] La facturation des travaux effectués par Boless est différente selon que le client appartient au secteur public ou au secteur privé. La facturation des clients du secteur public a normalement lieu tous les 30 jours, avec quelques exceptions[23]. Pour les clients du secteur privé, la fréquence de la facturation varie. Boless préfère être payée tous les 30 jours, mais il arrive que certains clients refusent pour éviter de payer des frais supplémentaires, notamment les frais de notaire et d’inspection liés aux paiements de la banque. Boless accepte aussi, selon les circonstances, d’être payée tous les trois mois ou à la fin des travaux. Le cas échéant, Boless s’assure d’obtenir les garanties nécessaires de l’institution financière du client[24].
[16] Si Boless n’est pas payée tous les 30 jours, le contrat prévoit un taux d’intérêt. Cependant, selon M. Ouellette, les intérêts ne sont que très rarement facturés au client[25]. Les frais d’intérêts sont plutôt pris en compte dans le « markup »
, soit la marge de profit de Boless[26].
3. La marge de profit de Boless
[17] La marge de profit de Boless pour les travaux varie en fonction de plusieurs facteurs. Elle se situe généralement entre 3 % et 6 %, mais peut être supérieure. Pour des travaux semblables à la construction de l’immeuble, Boless applique généralement une marge de 4,5 % ou 5 %. Les facteurs suivants ont un impact sur la marge de profit :
-
-Le cycle économique
-
-Le financement pendant la construction
-
-La complexité des travaux
-
-Le montant du contrat[27]
B. 4490380
[18] 4490380 est une société canadienne constituée le 18 août 2008 sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[28]. Son exercice financier et son année d’imposition se terminent le 30 septembre[29]. Cette société a été créée spécifiquement pour le projet ayant trait à l’immeuble.
[19] À sa constitution et à l’acquisition de l’immeuble, les actionnaires de 4490380 étaient les suivants :
-
-Gestion Saranico inc. (49 %) – contrôlée par M. Ouellette;
-
-Gestion Jovier inc. (30,80 %) – contrôlée par M. Tremblay;
-
-Gestion Dadem inc. (10,10 %) – contrôlée par Daniel Desmarais;
-
-Gestion Grésivaudan inc. (10,10 %) – contrôlée par M. Gerfaux[30].
[20] De 2014 à la fin de l’année d’imposition 2015, les actionnaires de 4490380 étaient les suivants :
-
-Gestion Saranico inc. (54,51 %);
-
-Gestion Jovier inc. (34,26 %);
-
-Gestion Grésivaudan inc. (11,23 %)[31].
[21] De l’acquisition de l’immeuble à sa vente, M. Ouellette était le président et le secrétaire de 4490380[32]. Selon la preuve, les décisions de 4490380 étaient prises par l’ensemble de ses actionnaires[33]. Cela dit, c’est M. Ouellette, en sa qualité d’actionnaire majoritaire et compte tenu de son expérience qui avait le dernier mot[34].
C. L’acquisition des 72 et 76, rue Laval
[22] Au cours de l’année 2008, 4490380 a acquis les immeubles situés au 72 et 76, rue Laval. Ces deux immeubles se situent dans un quadrilatère formé par les rues Laval, Kent, de L’Hôtel-de-Ville et Victoria, à Gatineau, au Québec.
1. L’acquisition du 72, rue Laval
[23] En mai 2008, alors qu’il effectuait des travaux à la Place du Portage, située tout près, M. Ouellette a remarqué que le 72, rue Laval, un immeuble de quatre étages désaffectés, était à vendre pour la somme de 1 295 000 $[35]. M. Ouellette a expliqué à la Cour qu’il a aussitôt voulu l’acheter, car, par son emplacement exceptionnel, il présentait un fort potentiel pour la location de bureaux. L’immeuble se trouvait au cœur du centre-ville de Gatineau, dans le secteur de Hull. Il présentait aussi l’avantage d’être à deux pas de toute l’administration fédérale[36]. Pour M. Ouellette, les probabilités que l’administration fédérale loue des espaces de bureau à cet endroit étaient excellentes. De plus, selon le règlement de zonage de la Ville de Gatineau, les 72 et 76, rue Laval étaient situés dans une zone où les usages autorisés incluaient la catégorie « Commerce de type vente au détail et services (C1) »
, qui comprenait notamment les usages « administration publique fédérale »
et « administration publique provinciale
[37] »
.
[24] Aussi, à cette époque, M. Ouellette pensait que le gouvernement fédéral avait la ferme intention de louer des bureaux à Gatineau pour les raisons suivantes :
-
-Des fonctionnaires du gouvernement fédéral le lui avaient confirmé[38].
-
-Tout le monde en Outaouais savait que les députés fédéraux souhaitaient que le gouvernement loue davantage d’espace de bureaux à Gatineau, notamment pour diminuer le trafic routier de Gatineau vers Ottawa[39].
-
-Le ministre des TPSGC avait annoncé un plan d’action visant l’atteinte d’un ratio d’environ 75/25 (Ottawa/Gatineau) pour la répartition des bureaux occupés par les fonctionnaires fédéraux[40].
-
-Boless avait récemment fait une demande de qualification pour un processus d’appel d’offres concernant la location d’espaces de bureaux par le gouvernement fédéral à Gatineau.
-
-En 2006 et 2007, une des sociétés de M. Ouellette avait obtenu des contrats pour le réaménagement de tours de bureaux occupées par des employés du gouvernement fédéral, l’une étant située au 200, boulevard Sacré-Cœur, et l’autre, au 105, rue de l’Hôtel-de-Ville, à Gatineau[41]. Le projet du 105, rue de l’Hôtel-de-Ville, consistait en un réaménagement complet de l’édifice de la Défense nationale[42].
-
-Des fonctionnaires de TPSGC qu’il a côtoyés lors des travaux effectués au 200, boulevard Sacré-Cœur lui auraient confirmé que le gouvernement fédéral était aussi à la recherche de plus petits espaces pour des bureaux[43].
[25] Gestion Grésivaudan a fait une offre d’achat de 1 200 000 $ pour le 72, rue Laval peu de temps après que M. Ouellette a vu qu’il était à vendre. L’offre a été acceptée. L’offre d’achat donnait 60 jours à M. Ouellette pour effectuer une vérification diligente. Lors de l’inspection, il a constaté qu’il était possible d’ajouter des étages à l’immeuble. Il a confirmé cette possibilité en consultant les Archives de l’Outaouais, où il a trouvé les plans originaux datant de 1959. Il a ensuite demandé à un ingénieur de lui confirmer qu’il pouvait bel et bien ajouter deux étages supplémentaires à l’immeuble. L’ingénieur lui a dit qu’en fait, il pouvait en ajouter quatre[44].
[26] Le 2 juillet 2008, Gestion Grésivaudan a finalement acquis le 72, rue Laval[45]. Le 4 septembre 2008, 4490380 l’a lui-même acquis de Gestion Grésivaudan pour 1 200 000 $[46]. M. Ouellette a expliqué que l’offre d’achat avait été faite par l’entremise de Gestion Grésivaudan, la société de M. Gerfaux, car ce dernier n’était pas très connu dans le milieu de la construction commerciale à Gatineau. En procédant ainsi, il voulait éviter que les concurrents de Boless découvrent qu’elle était impliquée dans la transaction en prenant connaissance du nom des actionnaires de 4490380 et fassent eux aussi une offre d’achat, ce qui aurait pu hausser le prix de vente du 72, rue Laval[47].
2. L’acquisition du 76, rue Laval
[27] Lors de la vérification diligente afférente à l’offre d’achat du 72, rue Laval, M. Ouellette s’est entretenu avec le propriétaire du 76, rue Laval au sujet de l’acquisition de sa propriété en vue d’y construire un immeuble de sept étages[48].
[28] Le 14 novembre 2008, 4490380 a signé une promesse d’achat pour le 76, rue Laval, qui a été acquis le 1er décembre 2008 pour 275 000 $[49].
3. L’immeuble faisait partie d’un projet comptant plusieurs phases
[29] Selon M. Ouellette, les maisons situées à proximité de l’immeuble n’étaient pas en bon état. 4490380 voulaient toutes les acquérir en vue d’agrandir le projet amorcé par l’immeuble[50].
[30] Le 30 avril 2009, 4490380 a acquis l’immeuble situé au 84, rue Laval pour 150 000 $[51].
[31] Par l’entremise de la société 156750 Canada inc., les actionnaires de 4490380 ont acquis huit maisons situées dans le quadrilatère où se trouve l’immeuble entre juin 2009 et octobre 2010[52], aux dates suivantes:
-
-Le 30 juin 2009 : le 39-43, rue Kent.
-
-Le 1er septembre 2009 : le 47, rue Kent.
-
-Le 1er octobre 2009 : le 90, rue Laval.
-
-Le 1er décembre 2009 : le 88, rue Laval.
-
-Le 30 août 2010 : le 86, rue Laval.
-
-Le 20 octobre 2010 : le 45, rue Kent[53].
[32] À partir d’octobre 2010, les plans présentaient une phase future pouvant être reliée à l’immeuble par une passerelle[54]. En mars 2012, les plans ont été mis à jour pour inclure une phase 2, qui incluait des bureaux[55]. En avril 2012, les plans sont mis à jour à nouveau afin d’inclure une troisième phase reliée à l’immeuble par un hall d’entrée mitoyen[56]. En juin 2012, une deuxième phase devant être construite au-dessus du stationnement souterrain de l’immeuble était à l’étude[57]. En septembre 2013, des plans ont été préparés pour une troisième phase[58]. La superficie locative totale de la troisième phase devait être de 184 069 pieds carrés.
4. Le plan d’affaire de M. Ouellette
[33] Le plan de M. Ouellette était de louer l’immeuble au gouvernement fédéral[59]. M. Ouellette a acquis des connaissances sur les critères et les prix payés par TPSGC pour ses loyers en ayant participé régulièrement aux appels d’offres du gouvernement fédéral[60]. Il a présenté des soumissions pour le réaménagement d’immeubles de bureaux au nom des sociétés dont il était actionnaire. Il assistait au dévoilement des résultats des appels d’offres, de telle sorte qu’il a bâti et conservé une banque de données avec les critères et les prix payés par TPSGC pour ses loyers au pied carré [61].
[34] Selon lui, avant 2008, TPSGC louait des espaces de bureaux dans des immeubles privés pour y installer des fonctionnaires et payait ensuite leur réaménagement pour qu’ils répondent aux normes gouvernementales[62]. Par conséquent, l’immeuble, soit la « coquille »
, a été construit en fonction des normes fixées par TPSGC afin de pouvoir par la suite aménager les espaces de bureaux à un coût qui entre dans la fourchette de prix établie par TPSGC pour ce type de travaux[63]. Si la « coquille »
ne peut être réaménagée au prix payé par TPSGC, les travaux doivent être faits à perte pour pouvoir louer à TPSGC. M. Ouellette a aussi obtenu la certification LEED pour l’immeuble, car il avait remarqué que les immeubles loués par TPSGC portaient cette mention[64].
[35] Avant d’acquérir les 72 et 76, rue Laval, M. Ouellette n’a pas fait de projection de rentabilité, car selon lui, le calcul à effectuer pour savoir si l’exploitation de l’immeuble serait rentable était fort simple. Selon M. Ouellette, pour calculer les revenus que l’immeuble générerait, il suffisait de multiplier les 70 000 pieds carrés de surface locative de l’immeuble par le loyer au pied carré. Il envisageait trois scénarios probables : 14 $ le pied carré, 15 $ le pied carré et 16 $ le pied carré. Quant aux dépenses, il connaissait les coûts de construction approximatifs et, par conséquent, il pouvait estimer les paiements hypothécaires en calculant le montant du prêt nécessaire à la réalisation du projet en fonction de différents taux d’intérêt. Comme les améliorations locatives et les taxes municipales étaient payées par les locataires, il ne devait qu’estimer les frais d’entretien et d’exploitation de l’immeuble. Selon les calculs de M. Ouellette, l’immeuble aurait été entièrement payé en moins de 20 ans[65].
D. La construction de l’immeuble
[36] Les travaux de construction effectués par Boless aux 72 et 76, rue Laval sont les suivants :
-
-Ajout de quatre étages à l’immeuble du 72, rue Laval;
-
-Démolition de la résidence sise au 76, rue Laval;
-
-Agrandissement de l’immeuble du 72, rue Laval jusqu’au nouvel immeuble à construire au 76, rue Laval;
-
-Construction d’un immeuble de sept étages au 76, rue Laval.
[37] Le 11 septembre 2009, la Ville de Gatineau a délivré un certificat autorisant la démolition de l’immeuble situé au 76, rue Laval[66]. Plusieurs autres permis relatifs à la construction de l’immeuble ont été délivrés par la ville entre septembre 2009 et juillet 2010[67].
[38] Les travaux ont commencé en septembre 2009. Les actionnaires de 4490380 prévoyaient un projet en deux phases. En juillet 2010, seuls les travaux de la phase 1, soit ceux de l’immeuble, étaient en cours[68]. Quant à la phase 2, des travaux préparatoires devaient être réalisés sur les immeubles de la phase 1 pour permettre le lancement de la phase 2[69]. Certains aménagements communs aux deux phases ont été mis en place, comme le stationnement sous-terrain qui faisait le lien entre les deux projets[70]. Une génératrice, des systèmes de contrôle numérique, des gicleurs, une pompe à feu et des entrées électriques ont aussi été installés dans l’immeuble de la phase 1 de manière qu’il soit possible d’entamer la phase 2 du projet sans devoir ajouter d’équipement supplémentaire. Par exemple, la génératrice avait une capacité supérieure à celle requise pour la seule phase 1, les logiciels de contrôle numérique contenaient suffisamment d’espace pour intégrer les systèmes de la phase 2 et la pression d’eau pour les gicleurs avait été augmentée de manière à couvrir une superficie plus importante[71].
[39] Au mois de mai 2011, l’immeuble était érigé à 80 %[72]. À la fin des travaux en septembre 2011, l’immeuble comptait environ 70 000 pieds carrés de superficie locative[73].
E. Les coûts de construction de l’immeuble
[40] Comme à leur habitude, les actionnaires ont octroyé le contrat de construction de leur société à Boless. Le contrat pour la construction de l’immeuble était un contrat à prix majoré, soit un contrat de type « cost plus
».[74]
[41] Selon M. Ouellette, le coût total de l’immeuble était de 8 704 000 $, extras compris[75].
[42] Le 12 août 2009, une estimation des coûts de construction de l’immeuble a été réalisée par les estimateurs de Boless avec l’aide de M. Ouellette, qui est lui-même estimateur[76]. Les coûts de construction du « base building »
ont été évalués à 7 500 000 $, incluant le terrain, soit un coût au pied carré de 101,35 $. Sans la valeur du terrain (1 600 000 $), le prix au pied carré était d’environ 80 $, selon M. Ouellette[77]. M. Ouellette a dit à la Cour que le coût au pied carré pour le « base building »
d’immeubles comparables construits par Boless dans le passé et pour des locaux devant être occupé par TPSGC se situait entre 140 $ et 145 $, sans le terrain[78]. La marge de profit de Boless représentait 3,22 % du coût de construction, excluant le terrain[79]. Boless a financé les travaux pendant la majeure partie de la construction, soit avant que 4490380 obtienne le financement de la Caisse populaire Desjardins[80]. Le prêt obtenu de la Caisse populaire Desjardins a permis à 4490380 de rembourser Boless et de payer les travaux qui n’avaient pas été payés par Boless[81].
F. Le financement de l’immeuble
[43] Le 20 septembre 2011, 4490380 a obtenu un prêt de Desjardins d’un montant maximum de 12 000 000 $, avec un terme de trois ans et une période d’amortissement de 20 ans. La première tranche était de 6 000 000 $. La deuxième tranche était d’un maximum de 6 000 000 $, en fonction des baux de location qui seraient signés[82]. Une pénalité était prévue en cas de remboursement anticipé du capital[83].
[44] Le 2 novembre 2011, 4490380 a reçu un premier versement de 6 000 000 $ de Desjardins.
[45] Le 13 avril 2012, 4490380 a reçu 1 000 000 $ de la deuxième tranche du prêt[84]. Subséquemment, 4490380 a reçu un autre versement de 1 000 000 $[85].
[46] Le 24 septembre 2012, 4490380 avait reçu 2 000 000 $ des 6 000 000 $ de la deuxième tranche du prêt[86]. Desjardins a accepté de prolonger la disponibilité des 4 000 000 $ restant selon les mêmes modalités et conditions que l’offre de financement du 20 septembre 2011[87]. Des frais et honoraires de 3 500 $ ont été payés par 4490380[88]. Les 4 000 000 $ restants ne seront jamais versés par Desjardins[89].
[47] Par conséquent, le montant total emprunté par 4490380 s’élevait à 8 000 000 $[90].
[48] Le 25 septembre 2015, après la vente de l’immeuble, 4490380 a remboursé la somme due à Desjardins, soit 6 841 085 $.
G. Les démarches effectuées en vue de louer l’immeuble
1. Les démarches entreprises pour trouver des locataires
[49] M. Ouellette a témoigné que pour publiciser la location de locaux dans l’immeuble, il a fait installer à l’automne 2009 (au début de la construction) deux grandes enseignes à chaque coin du quadrilatère formé par les rues Kent, Laval, Victoria et de l’Hôtel-de-Ville. Les enseignes affichaient une projection de l’immeuble terminé et la superficie des locaux à louer et indiquaient qu’ils seraient disponibles au printemps 2010[91]. M. Ouellette et ses associés répondaient aussi à des demandes de renseignements de locataires potentiels, en plus de participer activement au processus d’obtention de permis pour la location au gouvernement fédéral et de nouer des contacts avec des courtiers spécialisés en location commerciale de la région[92]. M. Ouellette a précisé que le centre-ville de Gatineau, où se situe l’immeuble, n’est pas très grand et que « la plupart des courtiers actifs dans le commercial connaissaient l’immeuble
[93] »
.
[50] Le 11 février 2009, M. Ouellette a été sollicité par TPSGC pour la location de 1 204 mètres carrés dans l’immeuble à compter du 1er juin 2009, pour une période de 10 ans[94]. Comme l’immeuble n’aurait pas été prêt pour cette date, il n’a pas pu y donner suite[95].
[51] Le 13 mai 2009, M. Ouellette a reçu une offre de location de la part de l’entreprise CGI[96]. En août 2009, M. Ouellette a envoyé une lettre au ministre Paradis pour proposer que TPSGC loue les locaux[97], car il savait que le gouvernement était à la recherche d’espaces locatifs d’environ 30 000 pieds carrés[98]. M. Ouellette a admis que l’immeuble n’avait pas la superficie recherchée par le gouvernement, de telle sorte que 4490380 n’a pas été invitée à soumissionner[99]. Cependant, M. Ouellette pensait qu’il y avait tout de même de la demande pour d’autres espaces de bureaux, car de nouvelles demandes d’espaces locatifs pour le gouvernement fédéral étaient publiées dans les journaux tous les mois[100]. Le 7 septembre 2010, il a été invité à participer à un appel d’offres de TPSGC pour Affaires autochtones et du Nord Canada[101]. M. Ouellette y a participé et, en novembre 2010, 4490380 a reçu la confirmation qu’elle avait remporté l’appel d’offres[102].
[52] Le 9 mai 2011, 4490380 s’est entendue avec l’école de langue Creusot pour la location de 10 143 pieds carrés dans l’immeuble; le bail a été conclu le 20 juillet 2011[103].
[53] Le 15 août 2011, l’architecte de 4490380 a émis un certificat d’inspection et un certificat d’achèvement substantiel des travaux entrepris par 4490380 et Boless. Les étages loués à Creusot et à TPSGC ont été achevés au début de 2012[104].
[54] Le 26 janvier 2012, 4490380 a reçu un courriel de M. Serge Morand, courtier immobilier, indiquant qu’il recherchait 10 000 pieds carrés d’espace de bureaux pour Astral Média, une station de radio[105]. 4490380 a fait une proposition formelle de location qui n’a pas abouti[106].
[55] Le 19 mars 2012, 4490380 a fait une proposition de location à Macadamian Technologies, une société de haute technologie[107]. Cette offre visait la même superficie que celle offerte à Astral Média, soit 10 121 pieds carrés, car 4490380 cherchaient à louer le deuxième étage de l’immeuble, qui était toujours vide[108]. M. Ouellette a précisé qu’à ce moment, la priorité était de trouver des locataires pour la totalité de l’immeuble, car la phase 2 restait « une option future
[109] »
.
[56] En mai 2012, un bail d’une durée de 10 ans a été conclu avec TPSGC. La superficie des locaux loués était de 3 478,8 mètres carrés (environ 37 402 pieds carrés)[110].
[57] En 2013, deux étages de l’immeuble étaient vides depuis deux ans déjà[111]. M. Ouellette a témoigné qu’à ce moment, il n’y a pas eu discussion sur la possibilité que l’immeuble ne soit pas loué en entier, les actionnaires demeurant convaincus de son potentiel locatif[112]. M. Ouellette savait que l’entreprise CGI cherchait 40 000 pieds carrés d’espace locatif dans le secteur de Hull au moment où 4490380 a acquis les immeubles[113]. Dès lors, malgré l’intention avouée de louer les locaux au gouvernement fédéral, M. Ouellette a expliqué que les actionnaires de 4490380 étaient ouverts à l’idée de louer à des entreprises du secteur privé. Dans ses propres mots, rien ne l’empêchait de « tendre l’oreille tout en faisant avancer le projet
[114] »
. C’est précisément en vue de louer l’immeuble que M. Ouellette a exprimé n’avoir « fermé la porte à personne
[115] »
.
[58] Le 7 novembre 2013, TPSGC a conclu un bail additionnel avec 4490380 pour la location d’une partie du rez-de-chaussée de l’immeuble[116].
[59] Des locaux de l’immeuble sont également loués à des compagnies de haute technologie ayant leur maison mère aux États-Unis. Les baux suivants ont été conclus :
-
-Le 30 mai 2014, Sitecore Canada Ltd. (
« Sitecore »
) a conclu un bail avec 4490380 pour la location d’environ 7 341 pieds carrés[117]. -
-Le 1er octobre 2014, Northforge Innovation inc. (
« Northforge »
) a conclu un bail avec 4490380 pour la location d’environ 10 689 pieds carrés[118]. -
-Le 11 mai 2015, 4490380 a conclu un bail avec Sitrion Canada inc. (
« Sitrion »
) pour la location d’approximativement 2 000 pieds carrés[119]. À cette dernière date, tous les étages de l’immeuble étaient loués[120]. -
-Le 29 mai 2015, 4490380 et Northforge ont renouvelé le bail[121].
2. Modification du règlement de zonage s’appliquant à l’immeuble
[60] En septembre 2010, dans le cadre de la préparation à plusieurs autres appels d’offres en vue de louer les locaux encore libres de l’immeuble, M. Ouellette a appris qu’en mai 2010, la Ville de Gatineau avait adopté une modification au règlement de zonage ayant pour effet de retirer les usages « administration publique fédérale »
et « administration publique provinciale »
de la zone C-08-105, dans laquelle l’immeuble est situé[122]. Comme cette zone se trouve en plein cœur du centre-ville de Gatineau, qui abrite l’administration gouvernementale, ce changement éliminait 95 % du marché locatif potentiel, ce qui, selon M. Ouellette, n’avait aucun sens[123].
[61] De plus, comme il venait de remporter un appel d’offres d’Affaires autochtones et du Nord Canada et qu’il avait un client gouvernemental en vue pour le 84, rue Laval, soit l’immeuble projeté pour la phase 2, M. Ouellette était grandement affecté par le changement. Il avait reçu un courriel de Mme Dacier-Morissette de TPSGC dans lequel elle lui demandait s’il restait des locaux à louer pour un bail qui commencerait à l’automne 2012. M. Ouellette a témoigné avoir alors entrepris des démarches auprès du Service de l’urbanisme et développement (le « SUDD »
) de la ville de Gatineau afin de comprendre les raisons de ce changement[124]. Les démarches ont été infructueuses et il a appris de M. Réjean Martineau, chef de la division de l’urbanisme du SUDD, que le zonage ne changerait pas et que la superficie pour un bâtiment commercial avait été limitée à 3 000 mètres carrés[125].
[62] M. Ouellette avait l’impression que le changement de zonage constituait de l’obstruction, car la personne responsable de l’urbanisme savait que les actionnaires de 4490380 comptaient faire de l’immeuble un projet locatif d’envergure[126]. Selon lui, ce changement ne pouvait pas s’expliquer par la nécessité de densifier la population dans cette zone, car le seul lot affecté par le changement de zonage était le sien. Alors qu’il perdait le marché locatif qu’il visait, les propriétaires des lots avoisinants voyaient leurs possibilités s’accroître, puisqu’ils pouvaient maintenant construire dix étages au lieu de huit[127]. Selon M. Ouellette, il y avait peut-être deux ou trois entrepreneurs en construction comme Boless dans la région qui pouvaient construire des immeubles de cette taille. Gatineau étant comme un village où tout le monde se connaît, il considérait le changement de zonage comme une forme de favoritisme[128]. Quant au risque qu’un tel changement de zonage se produise, M. Ouellette considérait comme impossible que la Ville de Gatineau retire les attributions gouvernementales dans cette zone, qui est en plein cœur du centre-ville de Gatineau et, de ce fait, de l’administration fédérale[129].
[63] Selon M. Ouellette, il était impossible de faire approuver une demande de changement des attributs de la zone en passant par le processus habituel, qui est complexe et coûteux, et qui revient à faire une demande de changement de zonage, ce qui peut prendre entre six et huit mois[130]. De plus, étant donné le peu de succès de ses démarches auprès du service d’urbanisme, il avait l’impression que les autorités étaient peu réceptives[131]. Il a alors décidé d’entreprendre des démarches « politiques »,
qui ont duré près d’un an[132]. Il a envoyé une lettre au maire de Gatineau pour l’informer de ce qui se passait au centre-ville et aurait demandé des réponses, car il considérait que les attributions de son lot avaient été enlevées sans raison[133].
[64] Le 23 mars 2011, 4490380 a fait une demande d’attestation/de certificat de zonage auprès de la Ville de Gatineau. Le 25 mars 2011, la Ville de Gatineau a reconnu un droit acquis relativement à l’immeuble pour l’ensemble des usages de catégorie « Commerce de type vente au détail et services (C1) »,
notamment les usages « administration publique fédérale »
et « administration publique provinciale »
[134]. Le droit acquis a été reconnu uniquement pour la phase 1 et non pour la phase 2[135]. Le changement de zonage affectait donc la phase 2, car les attributions fédérales, provinciales et municipales ont été retirées et la superficie locative a été limitée, ce qui affectait les revenus de location possibles[136]. Par conséquent, de nouveaux plans ont dû être produits pour tirer le maximum du projet[137].
[65] Par la suite, soit le 15 décembre 2011, TPSGC a transmis une nouvelle offre de location à 4490380 pour le 72, rue Laval en vue d’une occupation le 11 janvier 2012[138]. Le 24 janvier 2012, l’appel d’offres acheminé précédemment a été annulé[139].
[66] M. Ouellette a expliqué que l’appel d’offres avait été annulé parce que les besoins en espace de bureau avaient été revus à la baisse vu les compressions de postes au gouvernement fédéral[140], lesquelles avaient été annoncées dans le Plan d’action économique du 29 mars 2012[141]. Selon le Plan, une réduction d’environ 12 000 postes était envisagée sur une période de trois ans, ce qui représentait une diminution de l’effectif fédéral de 4,8 %. Une grande portion des réductions d’équivalent temps plein allait toucher la région de la capitale nationale[142]. M. Ouellette a appris cette nouvelle dans les médias au printemps 2012[143].
[67] Quant aux impacts sur le marché locatif, M. Ouellette a témoigné qu’il était au courant que des demandes de location faites par le gouvernement avaient été annulées une ou deux semaines plus tard, ce qui laissait croire que la demande pour des espaces de location allait diminuer
[144]
. L
es actionnaires de 4490380 se doutaient en 2012 qu’ils ne pourraient peut-être pas louer tout l’immeuble au gouvernement fédéral, du moins la phase 2. Ils pensaient alors louer au secteur privé et ont fait de leur mieux pour saisir toutes les occasions de location[145]. M. Ouellette a témoigné candidement que même si, au départ, l’intention était de louer l’immeuble au gouvernement fédéral, il n’était pas opposé à « louer au privé »
pour ne « pas laisser l’immeuble vide
[146] »
.
3. Contestation de l’évaluation municipale
[68] M. Ouellette a expliqué à la Cour que son plan était de rendre l’immeuble le plus concurrentiel possible sur le marché locatif, puisque c’était souvent le soumissionnaire offrant le prix le plus bas qui remportait l’appel d’offres, pourvu qu’il réponde aux autres critères de TPSGC[147]. M. Ouellette a aussi expliqué qu’il était dans l’intérêt de 4490380 que l’évaluation foncière de l’immeuble soit aussi basse que possible afin de réduire au minimum les taxes foncières, qui sont refacturées en totalité aux locataires au prorata de la superficie qu’ils occupent dans l’immeuble[148]. Voilà pourquoi M. Ouellette a engagé un évaluateur pour contester la valeur de l’immeuble au rôle d’évaluation foncière de la Ville de Gatineau et a obtenu, le 11 décembre 2017, un jugement du tribunal administratif du Québec faisant passer la valeur de l’immeuble de 13 209 300 $ à 6 998 700 $[149].
H. L’évaluation de l’immeuble
[69] En juillet 2011, l’immeuble a été évalué à 15 260 000 $[150]. Le rapport d’évaluation ne permet pas de déterminer quelles améliorations locatives ont été prises en compte dans le calcul de la valeur. Selon M. Ouellette, la valeur des travaux effectués par TPSGC était de 2 500 000 $ ou 3 500 000 $, et a été incluse dans l’estimation. Les éléments de preuve sur ces deux faits ne sont pas clairs. TPSGC occupait 37 000 des 70 000 pieds carrés de l’immeuble[151]. L’évaluateur qui a rédigé le rapport n’a pas témoigné au procès.
[70] Le rapport d’évaluation sur la base duquel la Caisse populaire Desjardins a consenti le prêt fixait la valeur de l’immeuble à 15 900 000 $[152]. Cette évaluation prenait en compte les travaux d’amélioration et les aménagements demandés par les futurs locataires, lesquels restaient en place à la fin du bail et faisaient donc augmenter la valeur de l’immeuble[153]. M. Ouellette a expliqué que cette évaluation tenait aussi compte des loyers futurs, ce qui augmentait la valeur de l’immeuble[154]. Les deux derniers étages de l’immeuble étant inoccupés au moment de l’évaluation, une projection des revenus locatifs a été faite pour ces deux étages, tel qu’il appert du rapport de l’évaluateur[155]. L’immeuble a donc été évalué sur la base d’une occupation complète, mais l’évaluation mentionnait aussi un taux d’inoccupation.
I. Les circonstances entourant la vente de l’immeuble
[71] En mai 2014, environ trois après la fin des travaux de construction, durant la négociation du bail de Sitecore, David Thomson (« M. Thomson »
), l’agent immobilier qui représentait Sitecore, a dit à M. Ouellette que sa cliente souhaitait acheter l’immeuble. M. Ouellette a répondu qu’il n’était pas à vendre. En août 2014, M. Thomson a envoyé un courriel à M. Ouellette pour lui dire que Sitecore souhaitait toujours acheter l’immeuble[156]. M. Ouellette n’a pas répondu au courriel, car il ne voulait pas vendre[157].
[72] Au cours de l’automne 2014, Pierre Charron (« M. Charron »
), agent immobilier et associé de M. Thomson ayant participé à la négociation du bail de Sitecore, a offert à M. Ouellette de vendre l’immeuble si M. Ouellette le souhaitait, car il présentait un fort potentiel pour d’éventuels acheteurs[158]. M. Ouellette lui a dit qu’il ne souhaitait pas vendre l’immeuble, car son exploitation se déroulait bien[159]. M. Charron l’a confirmé dans son témoignage[160]. M. Charron a aussi dit à la Cour qu’il avait été grandement déçu, car l’immeuble avait attiré son attention peu de temps après sa construction et lui avait semblé de grande qualité[161].
[73] M. Charron a dit qu’il a visité l’immeuble avec le locataire et qu’il a participé à la négociation du bail avec Sitecore. Sa participation à ce mandat lui a permis de développer une relation d’affaires avec M. Ouellette, et il a appris que l’immeuble était à ce moment occupé à près de 60 % par le gouvernement fédéral, un locataire de premier ordre
, dont le bail se terminait vers 2021 ou 2022. Il a aussi appris que les baux des autres locataires de l’immeuble se terminaient vers 2023[162]. Selon M. Charron, l’immeuble était récent, situé au centre-ville de Hull et comptait des locataires exceptionnels. Pour ces raisons, il représentait une bonne occasion d’affaire pour lui. Au début de l’été 2014, il a donc contacté M. Ouellette pour lui demander s’il souhaitait vendre l’immeuble[163]. M. Ouellette n’a pas répondu à ce courriel. M. Charron a laissé passer les vacances et il a recontacté M. Ouellette par téléphone pour le relancer à l’automne.
[74] Le 23 décembre 2014, M. Charron a transmis à M. Ouellette un courriel de Marc Trépanier, notaire, qui l’informait qu’une compagnie de Montréal souhaitait acheter l’immeuble pour 16 000 000 $. M. Charron a indiqué qu’il désirait préparer une promesse d’achat pour cette compagnie et demandé à M. Ouellette de lui indiquer s’il perdait son temps. M. Ouellette a qualifié cette demande de sollicitation[164]. M. Ouellette n’a pas répondu à ce courriel, ce que M. Charron a confirmé[165]. Le 6 janvier 2015, M. Charron a envoyé un nouveau courriel à M. Ouellette pour l’informer qu’il y aurait probablement une offre d’achat pour l’immeuble. Dans les jours qui suivent, M. Charron est passé voir M. Ouellette pour lui dire qu’il ne recevrait pas d’offre d’achat[166]. Lors de cette visite, M. Charron a dit à M. Ouellette qu’il avait un client sérieux, un groupe d’Ottawa, Huntington Property Group inc. (« Huntington »
), qui cherchait à acquérir des propriétés au Québec[167]. M. Ouellette lui a dit que s’il obtenait une offre d’achat située entre 18 000 000 $ et 18 500 000$, une somme qu’il ne croyait pas pouvoir obtenir pour l’immeuble, il prendrait l’offre en considération. Il ne s’agissait donc plus d’un refus catégorique de vendre[168]. M. Ouellette n’a pas voulu conclure de contrat de courtage avec M. Charron et aucune discussion n’a eu lieu au sujet de la commission. Il lui a cependant donné l’autorisation de contacter Huntington au sujet de la vente potentielle de l’immeuble et lui a donné l’information nécessaire à la préparation d’une brochure. Il ne lui a pas donné la permission de mettre l’immeuble en vente sur le marché[169].
[75] M. Charron a préparé une petite brochure pour Huntington, qui décrivait l’immeuble et contenait une photo. La brochure faisait aussi état des revenus et des dépenses d’exploitation de l’immeuble et dressait la liste des locataires[170]. M. Charron a expliqué que ce document était un « teaser »
qui avait pour but d’inciter Alan Whitten, le président d’Huntington, à présenter une offre d’achat pour l’immeuble[171].
[76] M. Charron a dit à la Cour que lorsqu’un acheteur confirme son intention d’acheter un immeuble, il lui fait généralement parvenir une entente de confidentialité et un document appelé « Confidential Investment Memorandum »
(« CIM »
) au moyen d’un lien sécurisé pour qu’il les signe avant que les démarches puissent se poursuivre[172]. Ce lien sécurisé donne accès aux états financiers, à l’étude environnementale, au certificat de localisation et aux cadastres, aux copies des baux en place et des contrats d’assurance ainsi qu’aux factures des dépenses d’exploitation. Les renseignements qu’il était autorisé à divulguer par M. Ouellette se limitaient à ceux de la brochure mentionnée plus haut[173]. M. Charron a dit qu’il n’y avait aucun document écrit, comme une entente de confidentialité ou un CIM, car le contexte de la vente de l’immeuble était très particulier[174].
[77] Le 6 février 2015, M. Charron a envoyé à M. Ouellette une promesse d’achat de son client, Huntington, pour l’immeuble, au prix de 18 150 000 $[175]. La date limite pour accepter l’offre était le 10 février 2015[176]. M. Ouellette a dit que lui-même et MM. Tremblay et Gerfraux ont été « très surpris »
par le prix offert.
[78] Des discussions ont ensuite eu lieu entre MM. Ouellette, Tremblay et Gerfraux[177]. M. Gerfraux était celui qui voulait le plus vendre, parce qu’il pensait que le gouvernement allait supprimer des postes et que l’immeuble allait se retrouver vide. Il a aussi été question du changement de zonage pour la phase 2 du projet et du fait qu’il avait fallu deux ans pour que l’immeuble soit occupé en entier. Cela dit, l’immeuble était neuf, rentable et le prêt hypothécaire n’était pas énorme.
[79] M. Ouellette n’a pas répondu à l’offre dans le délai imparti[178]. Le 17 février 2015, M. Charron a envoyé un autre courriel afin de demander s’il devait s’attendre à une contre-offre. M. Ouellette lui a répondu qu’il était toujours en discussion avec les autres actionnaires, mais qu’à ce prix-là, ils ne laisseraient pas aller l’immeuble
et a ajouté qu’ils ne le vendraient pas pour moins de « 18 500 000 $
[179] ».
M. Ouellette a dit avoir donné ce prix pour que M. Charron le laisse tranquille, car il estimait que l’acheteur ne serait jamais d’accord
[180].
[80] Le lendemain, le 18 février 2015, M. Charron a envoyé un autre courriel à M. Ouellette contenant un exemple de contre-proposition fixant le prix de vente à 18 500 000 $ et indiquant que le prix de vente était « à titre d’exemple seulement »,
et que les actionnaires pouvaient indiquer les changements qu’ils souhaitaient apporter à la contre-offre[181]. Le 19 février 2015, la contre-offre a été signée pour un prix de vente de 18 500 000 $. Le 20 février 2020, la contre-offre a été acceptée par Huntington[182].
[81] Le 5 mars 2015, les actionnaires de 4490380 ont demandé d’ajouter à la contre-offre une clause de construction à la ligne zéro, qui a été acceptée par Huntington, tel qu’il appert de la contre-offre modifiée, pièce cotée A1-127[183]. La clause stipule que l’acheteur accepte une éventuelle construction à la ligne zéro (le « lot line »,
soit la limite maximale du terrain) et ne s’y opposera pas. M. Ouellette a témoigné qu’il avait omis cette clause dans la contre-offre, mais qu’il était important de l’inclure, puisque tout le projet de 4490380, notamment pour la phase 2, reposait sur la construction d’un bâtiment adjacent à la ligne zéro[184]. Or, à ce moment, le terrain adjacent n’appartenait pas encore à 4490380 ou aux actionnaires[185]. En contrepartie de l’acceptation de la clause de construction à la ligne zéro, Huntington a demandé un droit de préemption advenant la vente éventuelle du terrain adjacent à celui sur lequel était sis l’immeuble[186].
[82] M. Ouellette a insisté sur le fait que la vente de l’immeuble était le résultat d’une offre non sollicitée. Il a ajouté qu’aucun mandat de vente n’avait été conclu avec un agent immobilier étant donné que les actionnaires de 4490380 ne voulaient pas vendre l’immeuble[187]. L’absence de mandat aurait mené à des discussions sur la commission que 4490380 devait payer à M. Charron pour la vente de l’immeuble. M. Charron a mentionné que la commission devait certainement être supérieure à 200 000 $ et qu’il demandait seulement à M. Ouellette de se conformer à la norme, et même de payer un pourcentage inférieur, soit 1 %[188]. Or, M. Ouellette a témoigné qu’il n’y avait eu « aucune discussion sur la commission
[189] »
avant la vente et qu’il estimait ne devoir rien payer, puisque M. Charron n’était pas l’agent immobilier de 4490380 et ne travaillait pas pour elle, mais bien pour l’acheteur, de sorte qu’à son avis, c’était à Huntington de payer la commission sur la vente pour laquelle elle avait mandaté M. Charron[190]. S’il y avait eu un mandat, la commission aurait été établie, mais il en était autrement en l’espèce, comme c’est M. Charron qui avait sollicité 4490380 pour la vente alors qu’elle « n’avait rien demandé
[191] »
.
[83] M. Charron a confirmé dans son témoignage l’absence de contrat de courtage et d’entente sur la commission avec M. Ouellette[192]. M. Charron a expliqué que c’est le contrat de courtage qui autorise l’agent immobilier à solliciter des clients sur le marché pour vendre et que sans ce contrat, l’agent « n’a pas le droit de faire de la publicité au grand public
[193] »
. M. Charron a également indiqué qu’habituellement, une entente a été conclue lorsque les discussions sont aussi avancées, mais que dans ce cas-ci, il ne voulait pas pousser M. Ouellette parce qu’il savait qu’il n’était « pas plus vendeur que ça
[194] »
. M. Charron a aussi expliqué qu’il connaissait assez M. Ouellette et qu’il lui faisait confiance, parce qu’il avait notamment fait affaire avec lui pour un immeuble qui lui appartenait[195]. M. Charron savait alors que si l’immeuble était vendu, ils seraient « capables de s’entendre à l’amiable sur une commission
[196] »
. Mais M. Charron a également expliqué que les démarches pour donner suite à la promesse d’achat de Huntington ont été longues et ardues, et que le contrat final a été conclu seulement au bout d’un mois. M. Charron a témoigné qu’il ne s’attendait pas à ce que les négociations aboutissent, puisque M. Ouellette ne semblait pas désireux de vendre l’immeuble, jusqu’à ce qu’il réponde finalement à la promesse d’achat de Huntington après plusieurs tentatives de M. Charron de le convaincre de vendre[197].
[84] Afin d’obtenir une commission, M. Charron a dit dans un courriel que son équipe avait travaillé sur le dossier de l’immeuble pendant huit mois[198]. Or, M. Ouellette a témoigné que cette période comprenait la location à Sitecore, et non pas seulement la vente de l’immeuble. L’équipe de M. Charron n’avait donc pas réellement travaillé tout ce temps sur la vente[199]. M. Ouellette a témoigné qu’il a finalement décidé d’acheter la paix en offrant
une commission de 125 000 $ à M. Charron puisqu’il était de la région et qu’il voulait garder de bonnes relations avec les gens du milieu[200].
[85] Enfin, l’immeuble a été vendu le 18 septembre 2015 pour 18 500 000 $[201]. Depuis, 4490380 n’a plus d’activités[202].
V. LES POSITIONS DES PARTIES
A. La position de 4490380
[86] 4490380 soutient que l’appel porte uniquement sur la qualification du produit net généré par la vente de l’immeuble. Par conséquent, la Cour doit uniquement déterminer si le produit de disposition de l’immeuble est un revenu d’entreprise ou un gain en capital[203]. Selon 4490380, cette qualification est une question hautement factuelle qui doit être abordée en considérant une série de facteurs. 4490380 soutient que l’intention qu’avait le contribuable au moment de l’acquisition du bien est le facteur déterminant[204].
[87] Selon 4490380, l’acquisition de l’immeuble était une opération de nature capitale. Le produit net généré par sa vente constitue un gain en capital et non un revenu d’entreprise pour les raisons suivantes[205] :
-
-4490380 a acquis l’immeuble et l’a rénové dans le but de le louer, et non de le revendre. Il s’agissait d’un investissement dans un immeuble locatif[206].
-
-L’intention de 4490380 au moment de l’acquisition de l’immeuble était uniquement de faire un investissement dans un immeuble locatif. Lors du procès, plusieurs témoins ont confirmé ce fait, et leurs témoignages ont été corroborés par les actions de 4490380 et de ses actionnaires au cours des années durant lesquelles elle a détenu l’immeuble. De plus, les documents déposés en preuve lors du procès démontrent que l’immeuble faisait partie d’un projet immobilier qui devait comporter plusieurs phases. La construction de l’immeuble a été financée, entre autres, par un prêt à long terme, et des efforts importants ont été faits afin de louer l’immeuble et faire en sorte que le projet soit rentable après quelques années[207].
-
-Les circonstances favorables à la réalisation d’un projet locatif lors de l’acquisition de l’immeuble ont changé au point de pousser les actionnaires de 4490380 à accepter une offre d’achat non sollicitée en 2015[208].
-
-Le simple fait qu’un contribuable ait éventuellement eu l’intention de vendre un immeuble et qu’il s’attendait à le revendre à profit ne suffit pas pour conclure à l’existence d’un plan visant la réalisation de profits par la revente. Pour pouvoir tirer une telle conclusion, il faut qu’au moment de l’acquisition de l’immeuble, le contribuable ait eu à l’esprit la possibilité de le revendre comme un des motifs qui le poussait à faire l’acquisition[209]. Afin de déterminer si tel était le cas, la Cour doit considérer toutes les circonstances entourant l’achat de l’immeuble, comme la nature du bien, la période de détention, la fréquence ou le nombre d’opérations similaires réalisées par le contribuable, la nature des efforts déployés quant à l’immeuble et les circonstances entourant sa vente[210].
1. Le droit
[88] Selon 4490380, afin de déterminer si la disposition de l’immeuble donne lieu à un gain en capital ou à un revenu d’entreprise, la Cour doit suivre le cadre d’analyse établi par notre Cour dans la décision 154135 Canada Inc. c. La Reine[211]. Le cadre d’analyse comporte deux étapes.
[89] Dans un premier temps, le contribuable doit démontrer que l’immeuble n’a pas été acquis dans le cours de l’exercice d’un commerce de vente d’immeubles.
[90] Dans un deuxième temps, le contribuable doit démontrer que l’acquisition de l’immeuble n’était pas une initiative ou une affaire de nature commerciale qui avait pour but de vendre l’immeuble et d’en tirer un profit. Pour ce faire, le contribuable doit démontrer que sa véritable intention était d’acquérir l’immeuble afin de l’exploiter et d’en tirer des revenus locatifs (« intention première »
). Le contribuable doit aussi démontrer que même si sa véritable intention était de louer l’immeuble afin qu’il lui procure des revenus locatifs, la vente de l’immeuble en vue de réaliser un profit n’a pas été un motif déterminant lors de son acquisition (« intention secondaire »
)[212].
[91] Les affirmations de 4490380 relativement à la première étape peuvent être résumées ainsi :
-
-La Cour doit s’intéresser aux circonstances entourant le moment où le bien a été acquis et se demander s’il a été acquis afin de faire un investissement ou pour le revendre à profit. L’intention du contribuable doit être considérée au cas par cas, car il n’y a pas de règles universelles applicables[213].
-
-Un contribuable peut avoir une entreprise de vente d’immeubles sans que tous les immeubles qu’il a acquis soient des biens figurant à l’inventaire. Par conséquent, un contribuable peut exploiter une entreprise de vente d’immeubles et acquérir un immeuble en particulier dans l’intention de faire un investissement. Dans un tel cas, cet immeuble ne serait pas acquis dans le cours de l’exercice de l’entreprise de vente d’immeubles, même si une telle entreprise existe. C’est d’ailleurs la conclusion de la Cour d’appel dans l’arrêt Procon Mining and Tunnelling Ltd. v. Canada[214].
-
-Les décisions Morguard Corporation c. La Reine[215], Glencore c. La Reine[216] et Johns-Manville c. La Reine[217] ne permettent pas de conclure que le produit de la disposition d’un bien est imputable au revenu lorsqu’il est
« inextricablement lié »
à l’exploitation de l’entreprise, comme le soutient SMLR.
[92] Les affirmations de 4490380 relativement à la deuxième étape peuvent être résumées ainsi :
-
-Dans l’arrêt Canada Safeway[218], la Cour d’appel fédérale a énoncé les critères permettant de différencier un investissement en capital d’une affaire de nature commerciale. Dans cette décision, la Cour a dit que le facteur déterminant est l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien. Si cette intention révèle l’existence d’un plan visant la réalisation d’un profit à la vente du bien, la Cour doit conclure que l’opération est un projet comportant un risque à caractère commercial[219]. Par conséquent, la Cour doit déterminer si le contribuable avait l’intention de réaliser un profit grâce aux revenus générés par l’exploitation du bien ou s’il avait l’intention de réaliser un profit en vendant le bien. En ce qui concerne l’intention de contribuable, chaque cas est un cas d’espèce[220].
-
-Le fait qu’un contribuable ait l’intention de vendre le bien éventuellement et qu’il s’attende à le vendre à profit n’est pas suffisant pour que la Cour puisse conclure que son acquisition a été faite dans le cadre d’un projet comportant un risque de caractère commercial[221].
-
-Cette distinction est fondamentale, car rares sont les contribuables qui acquièrent un bien immobilier avec l’intention de ne jamais le vendre et, surtout, de le vendre à perte[222]. Si notre Cour ne prenait pas cette distinction fondamentale en considération, tous les contribuables qui achètent un bien sans avoir de plan concret de vente à profit, mais avec l’intention de le vendre à profit un jour, verraient l’achat être considéré comme un projet comportant un risque de caractère commercial. Par conséquent, ce critère aurait une portée extrêmement large. C’est pourquoi, selon 4490380, la Cour d’appel fédérale a précisé qu’il en fallait davantage pour pouvoir conclure à l’existence d’une intention secondaire déterminante.
-
-Les deux conditions fondamentales qui sont au cœur de la définition d’affaire commerciale sont les suivantes :
-
1-L’intention du contribuable doit révéler l’existence d’un plan visant la réalisation d’un profit.
-
2-Le plan visant la réalisation d’un profit doit avoir joué un rôle important dans la décision d’acquérir le bien[223].
-
-Pour que la perspective de vendre le bien à profit ait joué un rôle important dans la décision d’acquérir un bien, il ne suffit pas que le contribuable ait simplement été ouvert à l’idée de vendre un jour le bien si l’occasion se présentait. Le contribuable doit avoir eu un plan de revente suffisamment élaboré et défini au moment de l’acquisition du bien pour que l’on puisse conclure qu’une telle perspective a influencé de façon importante sa décision d’acquérir le bien[224].
-
-Suivant les décisions 154135 Canada[225] et Kourdi c. Canada[226], notre Cour peut conclure qu’une opération est une affaire commerciale si la preuve démontre que les plans suivants étaient élaborés au moment de l’acquisition de l’immeuble[227] :
-
1-Un plan consistant à attendre que l’édifice soit loué en entier afin d’obtenir un prix plus élevé pour l’immeuble et de le vendre; ou
-
2-Un plan consistant à louer l’immeuble, assorti d’un plan de rechange prévoyant la revente de l’immeuble dans certaines circonstances (p. ex., incapacité de louer l’immeuble).
-
-Concernant les éléments pertinents pour déterminer l’intention d’un contribuable, la décision Happy Valley Farms v. M.N.R.[228]est importante, puisqu’elle énumère certaines des circonstances qui doivent être prises en considération par la Cour. Ces circonstances incluent la nature du bien vendu, la période de détention, la fréquence ou le nombre d’opérations similaires réalisées par le contribuable, la nature des efforts déployés relativement au bien et les circonstances entourant la vente.
2. Application du droit aux faits dans la présente affaire
[93] 4490380 soutient que l’acquisition de l’immeuble n’était pas une initiative ou une affaire de nature commerciale ayant pour but de vendre l’immeuble afin de réaliser un profit.
a) Première étape
[94] Les affirmations de 4490380 relativement à la première étape peuvent être résumées ainsi :
-
-4490380 n’exploitait pas une entreprise de vente d’immeubles au moment de l’acquisition de l’immeuble. Elle a été créée dans le seul but d’exploiter l’immeuble aux fins de location commerciale. D’ailleurs, après la vente de l’immeuble en 2015, elle n’a plus eu d’activité commerciale.
-
-La preuve démontre que Boless est un entrepreneur général en construction immobilière non résidentielle et qu’elle a construit des immeubles pour des clients n’ayant aucun lien avec ses actionnaires et, à l’occasion, pour des entités ayant des actionnaires communs, comme c’était le cas pour 4490380[229]. Boless elle-même n’a jamais détenu ni été propriétaire d’immeubles et pouvait réaliser plus d’une vingtaine de contrats annuellement pour l’ensemble de ses clients. De plus, la marge de profit réalisée par Boless est similaire, que le contrat soit conclu avec des clients avec qui elle a des actionnaires en commun ou avec d’autres clients[230].
-
-Si la Cour conclut que 4490380 exploitait une entreprise de vente d’immeubles, le critère déterminant demeure celui de l’intention, en ce que la Cour devra tout de même se pencher sur son intention au moment de l’acquisition de l’immeuble pour déterminer si elle était de faire un investissement ou de réaliser un profit en revendant l’immeuble[231].
b) Deuxième étape
[95] Les affirmations de 4490380 relativement à la deuxième étape peuvent être résumées ainsi :
-
-L’intention de 4490380 au moment de l’achat du 72, rue Laval était de réaliser un investissement en vue d’obtenir des revenus de location. Même si les tribunaux ont affirmé à de nombreuses reprises que l’intention déclarée par des témoins intéressés n’était pas déterminante pour trancher cette question, l’intention déclarée est généralement considérée comme pertinente. Les témoignages des actionnaires de 4490380 indiquent tous que leur intention était uniquement de réaliser un investissement à long terme avec cet immeuble, et plusieurs éléments de preuve démontrent que 4490380 ne planifiait nullement de revendre l’immeuble à profit. Ces éléments de preuve sont les suivants :
1- Le modus operandi des entités ayant des actionnaires communs avec 4490380 était de générer des revenus locatifs;
2- Les efforts déployés pour trouver des locataires;
3- Le projet locatif comprenait des phases subséquentes qui corroborent l’intention de développer un projet à long terme;
4- Le financement externe obtenu ne concorde pas avec un projet sur le point d’être revendu;
5- Le projet locatif était un succès sur le plan financier;
6- Les circonstances externes objectives expliquent la décision de vendre l’immeuble, malgré l’intention initiale de faire un investissement à long terme.
(1) Le modus operandi des entités ayant des actionnaires communs avec 4490380 était de générer des revenus locatifs.
-
-Selon les témoignages entendus lors du procès, les entités créées par les actionnaires de 4490380 servaient à détenir un ou plusieurs immeubles. Plus spécifiquement, elles ont chacune été créées pour les besoins d’un projet d’investissement immobilier des actionnaires.
-
-Dans sa lettre envoyée au cabinet du maire de Gatineau en 2011, M. Ouellette présente son groupe de sociétés comme un investisseur sérieux à Gatineau et énumère les différents projets qu’il a réalisés, dont l’immeuble.
-
-En 2013, dans le cadre de la proposition présentée à Énergie Renouvelable Brookfield, une section complète décrit les
« Propriétés immobilières »
détenues par le groupe de sociétés, y compris l’immeuble. 4490380 s’est présentée à Brookfield comme un investisseur et un gestionnaire d’immeubles sérieux, et non comme une entreprise de vente d’immeubles.
-
-Les états financiers des sociétés ayant des actionnaires communs avec Boless renferment des informations pertinentes sur leurs objectifs. En plus de brosser un portrait des revenus locatifs durant les années visées, ces états financiers expliquent en quoi consistent leurs activités. Pour lasociété9302-5500Québecinc.,il s’agit de la détention d’un «
immeuble locatif commercial
[232]».
La société 9120-8215 Québec inc. est une société qui« exploite un complexe immobilier résidentiel
[233]».
3047547 Canada inc.« exploite un immeuble locatif commercial
[234]».
9196-7893 Québec inc.« œuvre dans le domaine de la gestion immobilière
[235]».
156750 Canada inc. se« spécialise dans la gestion
[236]».
La Fiducie immobilière DSM« détient et exploite des immeubles locatifs
[237]».
La Société en commandite Promenade du Portage« détient un immeuble locatif commercial et des terrains de stationnement
[238] ». Quant à 4490380, elle est décrite dans ses états financiers comme une société« qui se spécialise dans la gestion
[239]»
. -
-Dans Immeubles M.H.T. c. M.N.R.[240], la contribuable avait vendu des propriétés après de courtes périodes de détention. La Cour a noté que malgré ces ventes, les revenus bruts de location et l’ensemble des actifs locatifs avaient connu une augmentation constante durant la période, ce qui corroborait l’intention alléguée d’exploiter des immeubles locatifs. La Cour a aussi dit que
« dans ce contexte, la décision de tout investisseur de vendre certains actifs en vue d’en acquérir de plus productifs ne transforme pas une transaction qui consiste en la réalisation d’un actif en une affaire de nature commerciale
[241]»
. -
-L’intention de réaliser un investissement locatif avec l’immeuble concorde avec la façon dont le groupe se présente à l’externe, avec la nature des activités décrites dans les états financiers de ces entités, de même qu’avec les revenus locatifs figurant à l’état des résultats.
(2) Les efforts déployés pour trouver des locataires démontrent l’existence d’un plan de location
[96] Les efforts importants déployés par 4490380 pour trouver des locataires sont non seulement évidents de la preuve documentaire, mais sont également admis[242]. Ces efforts ont commencé dès l’achat du 72 et du 76, rue Laval, à l’automne 2008, voire avant.
[97] Le 9 décembre 2008, Denis Ouellette avait déjà soumis une demande d’analyse d’implantation à la Ville de Gatineau. Le site des travaux est par ailleurs identifié « CGI
[243] »
. Dans les échanges de courriels subséquents du 16 décembre 2008, il est question des usages permis; la Ville de Gatineau y indique que l’usage « services informatiques »
est prohibé au rez-de-chaussée et qu’il faudra prévoir d’autres types de services comme la vente au détail ou la restauration[244].
[98] Plusieurs exigences architecturales sont fixées par la Ville de Gatineau[245] et divers documents sont requis avant toute demande de permis, incluant un plan de drainage et une étude géotechnique[246].
[99] Le 11 février 2009, M. Ouellette a reçu un courriel de TPSGC demandant s’il était possible de louer rapidement des espaces au 72, rue Laval[247]. On peut donc inférer que le marché cible était déjà au courant de la volonté de 4490380 de louer l’immeuble et que cette dernière avait un plan bien concret en tête dès le début du projet. Dans sa réponse à ce courriel, M. Ouellette a indiqué que l’échéancier proposé par TPSGC est trop court, l’immeuble devant être disponible trois mois avant le 1er mars 2009. Selon 4490380, cette expression d’intérêt si rapide est un exemple concret du contexte économique et politique favorable prévalant à l’époque et corrobore objectivement le caractère raisonnable de son plan initial de louer des locaux au gouvernement fédéral[248].
[100] Le 21 août 2009, M. Ouellette a fait parvenir au ministre des TPSGC une lettre détaillant une proposition de location bien concrète au gouvernement fédéral et expliquant que l’immeuble sera construit en fonction des critères fixés par le gouvernement fédéral. Selon 4490380, cela démontre objectivement, encore une fois, qu’elle avait un plan de location dès le début du projet[249].
[101] Outre les démarches locatives ayant mené à la conclusion de baux, différentes démarches locatives sont entreprises par 4490380 auprès de CGI[250], du gouvernement fédéral[251], d’Astral[252], de Macadamian[253] et de Brookfield[254]. Des plans ont été préparés à chaque occasion de façon plus ou moins concomitante[255].
[102] En 2014, 4490380 conteste la valeur de l’immeuble au rôle d’évaluation foncière de la Ville de Gatineau. Après cette contestation, la valeur inscrite au rôle passe de 13 209 300 $ à 6 998 400 $. Le fait que 4490380 ait effectué cette démarche, même si les taxes sont payées à partir du loyer des locataires, démontrerait que 4490380 était toujours investie dans son projet locatif et souhaitait demander des loyers concurrentiels[256].
[103] Selon 4490380, elle a déployé des efforts soutenus afin de rentabiliser son projet locatif. Tous ces efforts attestent objectivement l’intention non seulement primaire, mais également exclusive, de louer l’immeuble. 4490380 soutient que dans la décision Di Renzo[257], de tels efforts ont été des éléments importants corroborant l’intention d’investissement alléguée[258].
(3) Le projet locatif comprenait des phases subséquentes qui corroborent l’intention initiale de développer un projet à long terme selon 4490380
[104] Les immeubles sis aux 72 et 76, rue Laval se trouvent dans un quadrilatère formé des rues Laval, Kent, de l’Hôtel de Ville et Victoria situé au cœur du centre-ville de Gatineau. Dès le début du projet, une autre société ayant les mêmes actionnaires que 4490380 a acquis graduellement les autres immeubles du quadrilatère[259].
[105] Des réflexions et des travaux ont lieu dès le début du projet relativement à un projet intégré au quadrilatère, construit par phases et ayant différentes infrastructures en commun. Ces discussions et travaux sont corroborés par les plans qui sont préparés dès le 15 juillet 2010 et qui montrent les différentes phases de construction et d’opération envisagées par les actionnaires[260].
[106] Les choix de construction pour l’immeuble ont d’ailleurs été faits en prévision des phases subséquentes. Le stationnement sous-terrain avait été conçu pour relier les deux phases. La génératrice achetée avait une puissance suffisante pour alimenter l’ensemble du projet intégré. Similairement, le système de contrôle électronique, le système d’incendie, le système de gestion d’énergie de l’immeuble et d’autres systèmes ont été acquis en prévision des phases subséquentes. L’orientation de l’entrée de l’immeuble et du garage a été réfléchie de manière à permettre les prochaines phases[261]. De surcroît, les choix de construction pour l’immeuble ont été faits dans le but d’assurer sa qualité à long terme.
[107] Cette vision à long terme a complexifié le projet et a fait augmenter ses coûts, ce qui est totalement incompatible avec un plan de revente à profit formé dès l’acquisition. Au gré de l’évolution du projet, de nombreux plans et devis ont été préparés pour les phases subséquentes, outre ceux de juillet 2010 :
-
1-Des plans d’octobre et novembre 2010 présentent toujours une phase future, qui pourrait possiblement être reliée au 72, rue Laval par une passerelle;
-
2-En mars 2012, des plans sont mis à jour pour une deuxième phase, qui comprend un hall d’entrée et des bureaux;
-
3-En avril 2012, des plans sont misà jourpour une troisième phase reliée au 72, rue Laval par un hall d’entrée mitoyen;
-
4-Enjuin2012,unedeuxièmephasequiseraitconstruiteau-dessusdu stationnement souterrain du 72, rue Laval est à l’étude;
-
5-En septembre 2013, des plans sont préparés pour une troisième phase, dans le cadre de la proposition locative à Brookfield[262].
[108] Ces plans et devis démontrent objectivement qu’à ces différents moments, les dirigeants de 4490380 n’avaient toujours pas eu l’idée de vendre le 72, rue Laval. 4490380 envisageait toujours un projet intégré dont les phases subséquentes partageraient certaines infrastructures essentielles avec le 72, rue Laval.
[109] Ce projet intégré faisait partie intégrante du plan de développement du quadrilatère, à tel point qu’un changement de zonage inattendu a suscité de nombreuses discussions enflammées en 2010 et 2011, dans lesquelles 4490380 revendiquait son droit aux usages autorisés précédemment. En effet, le 72 et le 76, rue Laval sont situés dans la zone C-08-105. En 2008, les usages autorisés pour la zone C-08-105 incluaient la catégorie « Commerce de type vente au détail et services »
comprenant notamment l’usage « administration publique fédérale » et « administration publique provinciale ».
À la suite d’une modification au règlement de zonage en mai 2010, ces usages n’étaient plus autorisés dans le quadrilatère[263].
[110] Les représentants de 4490380 ont eu connaissance de la modification au règlement de zonage plus tard, alors que les travaux étaient avancés et qu’ils avaient reçu la confirmation officielle qu’ils avaient remporté l’appel d’offres pour Affaires autochtones et du Nord Canada[264].
[111] Après avoir fait reconnaître un droit acquis pour l’immeuble, les représentants de 4490380 ont poussé plus loin leurs démarches afin d’exiger le rétablissement des usages perdus pour l’ensemble du quadrilatère. Plusieurs démarches ont été entreprises auprès de la Ville de Gatineau en 2011, qui ont culminé avec l’envoi d’une lettre au directeur de cabinet du maire le 16 septembre 2011. Cette lettre traduit une volonté de mener à bien le projet locatif intégré envisagé sur plusieurs phases, et non un projet de revente à profit. Dans cette lettre, M. Ouellette explique que « l’îlot Kent-Victoria-Hôtel de Villes- Laval était déjà engagé dans le développement d’édifice à vocation de bureau, avec l’Immeuble et l’acquisition simultanée des terrains adjacents
[265] ».
[112] Malgré cet obstacle, M. Ouellette n’envisage pas de vendre le projet; tout au plus indique-t-il dans sa lettre que les autres immeubles acquis dans le quadrilatère pourraient demeurer en location sans investissement supplémentaire. Selon 4490380, cette lettre ne témoigne pas d’un plan de revente à profit. Il s’agit plutôt d’un cri du cœur d’un groupe qui avait déployé de nombreux efforts afin de réaliser un projet locatif intégré et qui voit surgir un obstacle qu’il trouve arbitraire et injustifié. Bien que le changement de zonage n’ait pas affecté directement l’immeuble compte tenu du droit acquis, le fait que les représentants de 4490380 aient été proactifs dans leurs démarches pour faire reconnaître ce droit acquis démontre l’importance objective de la location au gouvernement fédéral[266].
[113] De plus, pour 4490380, la perte du zonage dans le reste du quadrilatère et les démarches effectuées à cet égard dénotent objectivement l’intention de développer une deuxième phase intégrée au 72, rue Laval, un projet devant s’échelonner sur plusieurs années. Un tel projet intégré n’est pas l’affaire de quelques années; il s’agit plutôt d’un plan à long terme nécessitant l’acquisition de plusieurs terrains, l’élaboration de plans et devis prévoyant les différentes phases de construction ainsi que les infrastructures partagées, la construction de ces phases, puis les démarches pour la location des phases à mesure qu’elles sont prêtes. Une telle preuve d’intention s’apparenterait à la note de service considéré comme un élément de preuve important dans la décision Leasehold[267].
[114] Par ailleurs, à ce jour, 4490380 a acquis la totalité des terrains nécessaires à la phase 2 dans le but d’y ériger un immeuble aux fins de location résidentielle. Selon elle, il s’agit d’un autre élément qui démontre qu’elle a toujours eu l’intention d’en faire un investissement immobilier[268].
(4) Le financement externe ne concorde pas avec un projet sur le point d’être revendu
[115] La manière dont 4490380 a financé le projet indique qu’elle n’avait pas l’intention de revendre l’immeuble lorsqu’elle l’a acquis. Le 20 septembre 2011, un financement externe a été obtenu de Desjardins. Le produit du financement externe a notamment été utilisé pour payer les sommes dues à Boless. Ces sommes auraient pu être facilement payées en vendant l’immeuble, si tel avait été le plan. Le financement prévoyait un prêt maximal de 12 000 000 $, réparti en deux tranches de 6 000 000 $ chacune. Une première tranche de 6 000 000 $ a été versée le 2 novembre 2011, tandis que la deuxième tranche maximale de 6 000 000 $ était disponible jusqu’au 1er avril 2012 et dépendait des baux signés pour la deuxième moitié de l’immeuble. La première tranche de 6 000 000 $ du prêt était amortie sur 20 ans et comportait un terme de trois ans qui débutait après un moratoire de six mois sur le remboursement de capital. Une pénalité pour remboursement anticipé du capital était prévue. Les modalités et conditions de la deuxième tranche étaient similaires. Cette deuxième tranche de 6 000 000 $ devait être versée en entier par Desjardins quand les étages toujours vacants seraient loués par le gouvernement fédéral selon certaines conditions, pour une durée minimale de dix ans. Le montant de la deuxième tranche devait être revu à la baisse selon différents scénarios de location[269].
[116] Selon 4490380, les modalités et conditions du financement externe démontrent que le projet locatif était toujours bien vivant et que la location de l’immeuble au gouvernement fédéral demeurait une priorité pour elle. L’appelante venait tout juste de s’engager pour au moins trois ans et demi et était passible de pénalités en cas de remboursement anticipé; elle n’envisageait donc manifestement pas la vente de l’immeuble. De plus, l’amortissement du prêt sur 20 ans montre qu’il ne s’agissait pas d’un prêt flexible, à court terme, dénotant l’intention de revendre à la première occasion[270].
[117] La deuxième tranche de prêt était assortie des modalités et conditions suivantes :
-
1-Elle était disponible jusqu’au 1er avril 2012;
-
2-Au moins 80 % du montant devait être assorti d’un terme de trois ans;
-
3-L’amortissement était sur 20 ans; leremboursementmensueldevaitcommencer30joursaprèslaréceptiondes fonds par 4490380[271].
[118] Selon 4490380, ces faits démontrent qu’objectivement, elle n’avait pas un plan dissimulé de revendre l’immeuble dès que tous les étages seraient loués. Elle avait espoir de louer la totalité de l’immeuble avant le 1er avril 2012 afin de recevoir la deuxième tranche du prêt, qui serait amortie sur 20 ans et était assortie d’un terme de trois ans et de pénalités en cas de remboursement anticipé. Les actionnaires de 4490380 et leurs dirigeants respectifs cautionnaient cet emprunt jusqu’à concurrence de 2 500 000 $, ce qui démontre une fois de plus l’inexactitude des hypothèses de SMLR selon lesquelles 4490380 ou ses actionnaires n’ont assumé aucun risque[272].
[119] Le 24 septembre 2012, 4490380 n’avait obtenu que 2 000 000 $ sur les 6 000 000 $ disponibles de la deuxième tranche. Elle s’est alors entendue avec la Caisse Desjardins pour prolonger la disponibilité des 4 000 000 $ restants, selon les mêmes modalités et conditions que l’offre de financement du 20 septembre 2011. Pour ce faire, elle a dû verser 3 500 $ en frais et honoraires à la Caisse Desjardins. 4490380 soutient qu’objectivement, elle avait donc toujours un projet locatif en tête. Le terme de ce dernier prêt de 4 000 000 $ aurait essentiellement été de trois ans à partir de son versement et son remboursement anticipé aurait entraîné des pénalités. 4490380 désirait toujours, à ce moment, louer la totalité de l’immeuble et ne prévoyait pas de le revendre à terme[273].
(5) Le projet locatif était un succès sur le plan financier
-
-Les tribunaux ont parfois conclu que la revente à profit était une motivation importante d’un projet lorsqu’une telle vente était la seule façon de dégager un bénéfice. Dans un tel cas, l’inférence à tirer serait que le plan initial était de vendre le bien pour en tirer un profit. Par exemple, dans la décision 154135 Canada, notre Cour a noté que la contribuable savait que le loyer du locataire majeur était insuffisant pour rentabiliser l’immeuble. Celui-ci générait des pertes importantes même s’il était loué à 70 %. La rentabilité n’était donc réalistement pas atteignable sans la revente de l’immeuble. Or, la preuve révèle une tout autre situation en l’espèce. Selon 4490380, sa situation ressemble plutôt à celle des contribuables dans les affaires Leasehold [274]et Araz[275], où le succès financier du projet locatif a été considéré comme un facteur important corroborant l’intention initiale de réaliser un investissement locatif[276].
-
-L’ajout d’étages supplémentaires à l’immeuble a permis de contrôler les coûts tout en offrant une plus grande superficie locative. Tant le loyer payé par le locataire majeur de l’immeuble, TPSGC, que par les autres locataires était largement profitable pour 4490380[277].
-
-Pour l’exercice terminé le 30 septembre 2012, le financement de Desjardins était en place sur l’ensemble de l’année, un peu plus de 50 % de l’immeuble était loué pour une moitié d’année et les activités d’exploitation de l’immeuble ont généré des liquidités de 96 958 $. Pour l’exercice terminé le 30 septembre 2013, environ 65 % de l’immeuble était loué pour l’année et les activités d’exploitation de l’immeuble ont généré des liquidités de 271 892 $[278].
-
-4490380 soutient que sa situation au 30 septembre 2013 serait comparable à celle du contribuable dans l’affaire Araz, où la juge Hamlyn de notre Cour a considéré comme une bonne affaire locative un immeuble dont les versements hypothécaires étaient couverts avec un taux d’occupation de 65 %. Bien que les états financiers pour les exercices de 2012 et 2013 reflètent des pertes nettes comptables (avant impôt sur les bénéfices), 4490380 soutient que celles-ci étaient dues à l’amortissement comptable sur l’immeuble. Selon l’état des flux de trésorerie de l’immeuble, il générait un bénéfice net avant l’amortissement comptable[279].
-
-4490380 soutient qu’il ne faut pas prendre en compte cette charge d’amortissement pour considérer la rentabilité du projet. Pour reprendre un parallèle avec l’amortissement fiscal, ces charges comptables n’avaient pas lieu d’être puisque l’immeuble a finalement été vendu pour un montant supérieur à son coût. En outre, il ne s’était pas déprécié, mais avait plutôt pris de la valeur. En matière fiscale, ces déductions sont renversées lors de la vente par une récupération d’amortissement[280].
-
-Les actionnaires de 4490380, qui avaient précédemment investi 4 020 000 $ dans 4490380 sous forme d’avance de fonds, ont
converti
2 756 000 $ des avances restantes en capital-actions durant l’exercice terminé le 30 septembre 2013[281].
-
-Pour l’exercice terminé le 30 septembre 2014, ilyavaitunlocataireadditionnelpourunepartied’étagependantquelques mois de l’année et l’immeubleagénéréunbénéficenetcomptablede375 420$,avantimpôtsur les bénéfices, mais après amortissement sur l’immeuble. Lesactivitésd’exploitationdel’immeubleontgénéré desliquiditésde 674 785$, alorsqu’il suffisait de 346 296$pourrembourserla dette à long terme. Au cours de cet exercice, la dette envers la Caisse Desjardins est passée de 8 000 000 $ à 7 198 961 $. Une partie du capital-actions émis a été rachetée, mais il restait toujours un investissement de 2 301 126 $ des actionnaires[282].
-
-Selon 4490380, les hypothèses factuelles formulées par SMLR aux paragraphes 68 et 71 de sa réponse à l’avis d’appel sont inexactes. Les actionnaires de 4490380 ont fait des investissements importants dans ce projet et ont supporté les risques inhérents à celui-ci, d’autant plus que les actionnaires ont maintenu leurs investissements jusqu’à la disposition de l’immeuble. Le paragraphe 68 est doublement incorrect, puisque 4490380 a déclaré un revenu net en 2013. De plus, renvoyant à la décision Luger[283], dans laquelle le contribuable avait obtenu un prêt externe plus important que les coûts de construction de l’immeuble, 4490380 soutient que la Cour d’appel du Québec a conclu qu’il n’y avait pas d’intention de revente à profit, mais plutôt l’occasion de construire un immeuble locatif sans investissement interne[284].
-
-4490380 invoque aussi la décision Araz, dans laquelle les fonds internes investis ont été remboursés en totalité à l’obtention du financement externe. Ainsi, 4490380 soutient que, même sans investissement interne, un projet peut très bien être un projet locatif, mais qu’en l’espèce, l’investissement interne est demeuré substantiel jusqu’à la fin[285].
-
-Par ailleurs, bien qu’une partie des sommes dues à Boless ait été acquittée à l’obtention des fonds de Desjardins, 4490380 allait devoir payer le solde tôt ou tard. Environ un an avant le versement des fonds de la Caisse Desjardins, la somme de 1 693 125 $ (taxes incluses) avait déjà été facturée par Boless à 4490380, qui en avait acquitté 1 020 000 $[286].
-
-Boless aurait pu verser des dividendes ou faire des avances à ses actionnaires. Elle a plutôt conclu un contrat à forfait pour le projet[287].
-
-Dans tous les cas, ces faits corroborent, selon 4490380, l’idée d’un projet locatif à long terme et non d’un plan de revente à profit, puisqu’ils démontrent :
-
1-Les efforts de 4490380 pour augmenter sa superficie locative;
-
2-Larentabilité desloyerspayésparleslocataires, qui ont permis de dégager desliquidités et un bénéficenet(avantamortissementcomptable)dès2012;
-
3-L’investissement substantiel des actionnairesmaintenu jusqu’à la disposition de l’immeuble;
-
4-Le remboursement de la dette à long terme de 4490380, sans recours à une vente éventuelle[288].
-
-Le fait que les actionnaires de 4490380 avaient les moyens de réaliser un tel projet est vérifiable objectivement. Sur un projet total d’environ 8 000 000 $, les actionnaires ont investi à un certain moment jusqu’à 4 020 000 $. D’ailleurs, Boless aurait pu simplement réaliser ce projet pour elle-même, ce qui n’aurait pas changé l’analyse. Objectivement, elle aurait de toute évidence eu les fonds pour le faire. Dans les affaires Leasehold et Araz, l’entrepreneur en construction réalisait le projet locatif pour son propre bénéfice[289].
-
-Pour l’exercice terminé le 30 septembre 2015, 4490380 soutient que l’immeubleétaitpresqueentièrementlouédurantlamajoritédel’exercice,puis a finalement été loué en entier durant les trois derniers moisde l’exercice. Un bénéfice net comptable de 562 354 $, avant impôt sur les bénéfices, mais après amortissement sur l’immeuble a été réalisé, et lesactivitésd’exploitationdel’immeubleontgénérédesliquiditésde près de 1 000 000 $. Sur l’ensemble des années d’imposition durant lesquelles l’immeuble a été détenu par 4490380, les activités courantes de l’immeuble (excluant sa vente) ont généré un revenu net fiscal de 1 961 672 $[290].
-
-Du financement de 8 000 000 $ obtenu de Desjardins au cours de l’exercice terminé le 30 septembre 2012, la somme de 1 158 914 $ a été remboursée. Le solde de ce prêt au moment de la disposition de l’immeuble s’élevait à 6 841 086 $[291].
-
-Au-delà de l’intention alléguée par les témoins de réaliser un projet locatif dès le départ, ce projet est surtout corroboré par leurs réalisations. Le projet locatif envisagé n’était pas de l’improvisation ou une justification intéressée après le fait : il était bien réel et il a été réalisé. La vente de l’immeuble n’était pas nécessaire afin de rentabiliser l’affaire, bien au contraire[292].
(6) Des circonstances externes objectives expliquent la décision de vendre l’immeuble, même si l’intention initiale de 4490380 était d’en faire un investissement
-
-4490380 soutient que la décision de vendre l’immeuble après sept ans de détention n’est pas incohérente ou incompatible avec son intention déclarée de faire un investissement à long terme. 4490380 fait valoir que les tribunaux ont conclu à plusieurs reprises que des immeubles étaient des investissements de nature capitale même s’ils ont été conservés pendant une courte période. Elle invoque la décision Leasehold de la Cour fédérale, où la période de détention était de quatre ans. En plus destémoignagesdesactionnairessurles discussionsayantmenéàladécisiondevendrel’immeuble,descirconstances objectivespermettentdeconcilier la décision de vendre l’immeuble avecl’intention déclarée initialementdefaireuninvestissementàlongterme[293].
(a) Évolution du contexte locatif dans la région de la capitale nationale
-
-Selon les témoignages entendus au procès, le contexte locatif dans la région de Gatineau a connu une évolution importante. Il ressort des témoignages[294] et de la preuve documentaire que la location au gouvernement fédéral est un facteur important à l’origine du projet initial en 2008. Entre 2006 et 2008, le contexte locatif et politique à Gatineau était objectivement très favorable à la location au gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral suivait alors un ratio pour mesurer la répartition des espaces de bureaux entre Gatineau et Ottawa[295].
-
-En 2006, le ratio était de 77/23 en faveur d’Ottawa, ce qui a mené le gouvernement a annoncé un plan d’action visant à le ramener à 75/25[296].
-
-En avril 2008, le gouvernement a lancé un processus ouvert et concurrentiel pour la construction et l’aménagement de deux immeubles locatifs à Gatineau, respectivement de 35 000 mètres carrés (environ 376 737 pieds carrés) et de 40 000 mètres carrés (environ 430 556 pieds carrés). Le 30 juin 2009, le gouvernement a annoncé qu’il allait de l’avant avec ces deux projets[297].
-
-C’est dans ce contexte favorable à la location que 4490380 a acquis le 72, rue Laval et le 76, rue Laval et lancé le projet. La preuve démontre cet aspectdu plan d’affaires de 4490380.Unelettreenvoyéepar M OuelletteauministredesTPSGCle 21août2009 faitétatdesdeuximmeublesdebureauxd’environ400 000piedscarrésquiont été annoncés par TPSGC. M. Ouellette explique au ministre que le 72, rue Laval, sera plus polyvalent que ces deux immeubles et qu’il sera complémentaire[298].
-
-Le 7 mai 2010, le gouvernement a annoncé l’attribution de ces deux contrats, qui prévoyaient des baux de 25 ans et une option d’achat pour un dollar ou la reprise automatique de l’immeuble à leur expiration[299].
-
-Le 28 mai 2010, le gouvernement a annoncé l’octroi d’un troisième contrat de construction à des fins locatives au 30, rue Victoria, pour une superficie approximative de 41 872 mètres carrés (environ 450 706 pieds carrés), avec un bail de 25 ans et une option d’achat pour un dollar à son expiration[300]. Cette annonce, qui faisait suite à l’annonce par TPSGC des deux immeubles de bureaux, a été une surprise pour 4490380, et un élément qu’elle n’avait pas considéré dans son plan initial[301]. Il s’agit là d’uneévolutionducontextequin’étaitpasprévisibleaulancement du projet.
-
-En mars 2015, soit vers le moment où 4490380 a accepté l’offre d’achat de l’immeuble, le ratio entre Ottawa et Gatineau était de 72/28[302].
(b) Les compressions budgétaires du gouvernement fédéral
-
-Le gouvernement fédéral a annoncé dans son budget du 29 juin 2012 des compressions et une diminution de 19 200 postes dans la fonction publique, en grande partie dans la capitale nationale. Des appels d’offres fédéraux pour des espaces locatifs ont, de façon à peu près concomitante, été annulés à la dernière minute. Le contexte locatif et économique avait donc grandement changé entre le début du projet et sa vente. En guise d’analogie, dans Leasehold, la Cour fédérale a accordé de l’importance au fait que le contexte locatif et économique prévalant lors de l’achat avait changé subséquemment, sur une période de quatre ans. Cette évolution du contexte n’était pas prévisible au début du projet. Les actionnaires de 4490380 ont eu des réactions différentes. M. Ouellette ainsi que M. Tremblay se sont inquiétés de cette nouvelle, mais demeuraient convaincus que leur projet pourrait être réalisé. M. Gerfaux, par sa connaissance personnelle de l’impact concret de ces suppressions de postes, était davantage ébranlé, ce qui a éveillé en lui des questionnements quant à l’avenir du projet[303].
(c) Évolution du zonage
-
-Le changement dans la réglementation de zonage est également une évolution objective des circonstances. Lors de l’acquisition du 72 et du 76, rue Laval, ainsi que des lots adjacents, le règlement de zonage permettait les usages
« administration publique
» dans le quadrilatère formé des rues Kent, de l’Hôtel-de-Ville, Victoria et Laval. Ces usages avaient d’ailleurs été dûment vérifiés au moment de l’acquisition. Un changement réglementaire opéré en 2010 les a cependant retirés[304]. -
-Les démarches faites par 4490380, notamment la rencontre rapide avec un urbaniste de la Ville pour obtenir des explications sur le changement de zonage, l’envoi d’une lettre par M. Ouellette au directeur de cabinet du maire de Gatineau et les courriels subséquents, témoignent objectivement de l’importance de cet événement pour le projet. M. Ouellette a ainsi effectué rapidement des démarches afin de faire reconnaître un droit acquis pour le 72, rue Laval, qui était en cours de construction. Le projet locatif était en jeu[305].
-
-Bien qu’un droit acquis aux usages
« administration publique » ait été reconnu pour le 72, rue Laval
, ce droit était limité et ne s’appliquait qu’à l’immeuble au 72, rue Laval. De plus, ils’éteignaitsilesusagesenquestionétaientabandonnés,cessaientou étaient interrompus pendant une période de douze mois consécutifs[306]. -
-Quant aux autres terrains dans le quadrilatère, même si M. Ouellette a contesté le retrait des usages du zonage pendant près d’un an, 4490380 n’a pas été en mesure d’obtenir un droit acquis à leur égard[307].
-
-Plutôt que d’être un projet intégré, un grand immeuble construit en phases échelonnées sur plusieurs années, l’immeuble est devenu à ce moment un immeuble individuel, un projet en soi, ce qui n’était objectivement pas la vision initiale de 4490380[308].
(d) L’évolution de la valeur de l’immeuble
-
-Dans plusieurs affaires, dont Di Renzo[309] et Araz[310], l’une des principales raisons avancées par les contribuables pour expliquer la décision de vendre était le montant offert, qui s’est avéré supérieur à ce qu’ils croyaient être la valeur de leur immeuble. Cette disparité entre la situation initiale et la situation finale serait objectivement vérifiable dans la présente affaire[311].
-
-Afin d’obtenir un financement, 4490380 a fait préparer une évaluation de la valeur de l’immeuble à l’été 2011. L’immeuble était alors loué à environ 65 %. Cette évaluation, fondée sur les revenus de l’immeuble loué dans sa totalité, avec des projections de loyers pour les 21 216 pieds carrés toujours à louer, a fixé la valeur de l’immeuble à 15 900 000 $. Sur cette base, Desjardins a consenti un prêt d’au plus 12 000 000 $, soit l’équivalent de 75 % de la valeur de l’immeuble. Compte tenu de cette évaluation, 4490380 pouvait s’attendre objectivement à ce que l’immeuble ait une valeur de 15 900 000 $ lorsqu’il serait loué en totalité. L’offre reçue de Huntington Properties était de 18 150 000 $[312].
-
-En 2014, une preuve objective démontrait que 4490380 considérait toujours que l’immeuble avait une valeur d’environ 15 900 000 $. Durant l’exercice terminé le 30 septembre 2014, 4490380 a racheté 10 100 actions ordinaires de son capital-actions pour la somme de 427 500 $. Le nombre total d’actions ordinaires émises, avant ce rachat, était de 243 467. Selon le montant payé pour ce rachat, les actionnaires de 4490380 considéraient que la valeur totale des actions de 4490380 avant ce rachat était d’environ 10 305 000 $. Les capitaux propres au bilan du 30 septembre 2014 étaient de 2 002 048 $. On peut donc en déduire que les actionnaires accordaient une plus-value d’environ 8 300 000 $ à l’immeuble. Or, les immobilisations corporelles au bilan valaient 7 479 210 $. Les actionnaires de 4490380 se comportaient toujours comme si l’immeuble avait une valeur d’environ 15 900 000 $ en 2014[313].
(e) L’offre d’achat de l’immeuble était non sollicitée
-
-Le fait qu’une offre d’achat non sollicitée ait été reçue est une circonstance objective prise en considération dans plusieurs affaires, dont Leasehold, Araz, Di Renzo et Luger. Toutefois, selon 4490380, le fait que les démarches de vente aient été entamées par un contribuable n’implique pas nécessairement que son intention initiale était de vendre à profit, comme l’illustre la décision Iula[314].
-
-4490380 soutient que dans la présente affaire, il est objectivement vérifiable que les démarches de vente n’ont pas été initiées par ses représentants et qu’elle ne désirait pas vendre l’immeuble. Le 29 août 2014, M. Ouellette a reçu un courriel dans lequel le courtier, M. Thomson, l’informe qu’il a un client qui souhaite acquérir l’immeuble. M. Ouellette n’a pas répondu à ce courriel. M. Ouellette a reçu une offre d’achat de 18 150 000 $ en février 2015. M. Charron, courtier immobilier, a transmis l’offre à M. Ouellette de la part de son client, Huntington Properties. Cette offre était valide jusqu’au 10 février 2015[315].
-
-Les actionnaires de 4490380 ont été surpris du prix offert. Ils ne pensaient pas que l’immeuble avait une telle valeur marchande. Pour la première fois, les actionnaires ont envisagé la possibilité de vendre le 72, rue Laval. Plusieurs considérations ont alors été abordées : le changement de zonage, les suppressions de postes du gouvernement, les appels d’offres annulés, mais également le modeste prêt hypothécaire à rembourser sur l’immeuble, sa rentabilité ainsi que le fait qu’il est attrayant et neuf. Ils n’ont toutefois pas été en mesure de prendre une décision et n’ont donc pas répondu dans le délai prescrit[316].
-
-M. Charron a été proactif et a communiqué à nouveau avec M. Ouellette le 17 février 2015. Il l’a fait à nouveau le 18 février 2015 pour lui suggérer de faire une contre-offre. 4490380 a finalement accepté une contre-offre de 18 500 000 $ le 19 février 2015. 4490380 soutient qu’elle ne voulait pas vendre à tout prix et qu’elle n’était pas entièrement décidée, même à ce moment. Ce n’est qu’une fois la contre-offre acceptée par Huntington Properties que M. Charron a entamé des discussions avec M. Ouellette pour déterminer la commission applicable à la vente. M. Charron a relancé M. Ouellette à deux reprises, lui expliquant qu’une commission normale serait supérieure à 200 000 $, mais qu’il lui demandait seulement 185 000 $. Le courriel suggère même que M. Ouellette ne voulait tout simplement pas payer de commission, puisque M. Charron lui explique pourquoi il est injuste pour un courtier d’ajouter sa commission «
sur un montant minimum que [le vendeur] veut dans ses poches
[317]».
-
-Iln’y avait ni contratdecourtageniententedecommission,autrementla commission auraitétédéterminéed’avanceet M. Charronn’auraitpaseuàse battre pour l’obtenir. Ce fait a par ailleurs été confirmé par le témoignage de M.Charron,quiindiquaitnepasavoirdetellesententes,caril
« ne voulait pas pousser M. Ouellette parce [qu’il] savai[t] qu’il n’était pas plus vendeur que ça
[318]».
-
-Toutes ces circonstances objectives, découlant de la preuve documentaire au dossier de la Cour, permettent de comprendre pourquoi un projet locatif à long terme a finalement été vendu après sept ans. Ce n’était pas le plan initial, ce qui est corroboré par le comportement de 4490380 durant la détention de l’immeuble, et les circonstances objectives permettent de comprendre la décision de vendre. Ultimement, même avec une offre non sollicitée à 18 150 000 $, 4490380 n’était objectivement pas résolue à vendre[319].
B. La position de sa SMLR
[120] À la suite de la conclusion du procès, SMLR a soumis des notes. Ces notes expliquent la position de SMLR à la suite de la conclusion de la preuve.
1. Le droit
[121] Les affirmations de SMLR relativement au droit applicable à cette affaire peuvent être résumées ainsi :
-
-Selon l’arrêt Friesen[320], il existe deux catégories générales de biens, soit les biens en immobilisation et les biens figurant dans un inventaire. Un bien en immobilisation peut être utilisé comme bien à usage personnel ou comme « placement dans le but de réaliser ou de produire un revenu ». Par opposition, un bien qu’une entreprise conserve pour le mettre en vente constitue un bien figurant dans un inventaire en tout temps avant sa vente.
Lorsqu’il s’agit de déterminer si les gains tirés de la vente d’un bien immeuble constituent un revenu ou un gain en capital, la Cour doit tenir particulièrement compte de l’intention du contribuable au moment de l’achat initial du bien immeuble. Un bien devient soit un bien figurant dans un inventaire, soit un bien en immobilisation dès le moment de son achat. Dans la présente affaire, la Cour doit déterminer quelle était l’intention de 4490380 en 2008, au moment de l’acquisition du 72, rue Laval. La Cour doit déterminer s’il s’agissait d’un placement tenant lieu d’immobilisation ou d’un projet comportant un risque de caractère commercial[321].
a) Le sens du terme « projet comportant un risque ou affaire de caractère commercial »
-
-La notion de projet comportant un risque de caractère commercial est une création jurisprudentielle visant à départager les opérations d’achat et de vente qui sont de nature commerciale de celles qui concernent une immobilisation[322].
-
-Le concept de projet comportant un risque de caractère commercial peut être défini de la façon suivante:
Un projet comportant un risque de caractère commercial est une opération isolée (qui n’est pas fréquente ou systématique comme une opération de type commercial) par laquelle un contribuable acquiert un bien dans l’intention de le revendre à profit et le revend (normalement à profit, mais parfois à perte). En conséquence, lorsque le contribuable conclut une opération isolée (ou seulement quelques opérations), il n’est pas un commerçant. Mais si l’opération est spéculative et qu’elle vise à produire un profit, elle a alors un caractère commercial[323].
-
-L’ensemble des circonstances d’une transaction doit être pris en compte afin de déterminer si celle-ci est un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial. Le bulletin IT-45911 de l’ARC a repris les principaux critères appliqués par les tribunaux, qui sont les suivants :
-
1-La conduite du contribuable
-
2-La nature du bien
-
3-L’intention du contribuable[324].
-
-Les facteurs énoncés dans la jurisprudence afin de déterminer si le gain provenant de la vente d’un immeuble doit être considéré comme un revenu d’entreprise ou un gain en capital ont été repris dans le bulletin d’interprétation IT-218-R de l’ARC. Il s’agit d’une liste non exhaustive et aucun facteur n’est concluant en soi. La pertinence d’un facteur dans cette détermination dépendra des circonstances entourant chaque cas. Ces facteurs sont les suivants:
-
1 -L’intention du contribuable en ce qui concerne le bien immeuble au moment de l’achat;
-
2 -La vraisemblance de l’intention du contribuable;
-
3 -L’emplacement géographique du bien immeuble acquis et son zonage;
-
4 -La mesure dans laquelle l’intention du contribuable est réalisée;
-
5 -La preuve que l’intention du contribuable a changé après l’achat du bien immeuble;
-
6 -La nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation du contribuable et des associés;
-
7 -La mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition du bien immeuble et les modalités arrêtées pour le financement s’il y a lieu;
-
8 -La période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable;
-
9 -Le fait que la possession du bien immeuble soit partagée avec des personnes autres que le contribuable;
-
10 -La nature de la profession des autres personnes mentionnées ci-dessus, de même que leurs intentions avouées et leur ligne de conduite;
-
11 -Les facteurs qui ont motivé la vente du bien immeuble;
-
12 -La preuve que le contribuable et/ou les associés se livrent sur une grande échelle au commerce de 1’immeuble[325].
[122] Le facteur déterminant est l’intention du contribuable au moment de l’acquisition de l’immeuble. Si cette intention révèle l’existence d’un plan dont l’objectif est la réalisation d’un bénéfice, le tribunal doit conclure que l’opération répond à la définition de projet comportant un risque de caractère commercial[326].
b) La preuve de l’intention d’une société par actions
-
-L’intention d’une société au moment de l’acquisition d’un immeuble est établie en considérant l’intention des personnes physiques qui en assument la gestion et la direction à ce moment[327]. L’intention d’une société par actions qui compte peu d’actionnaires se manifeste généralement par l’intention de ses actionnaires ou des actionnaires de ses actionnaires, si ceux-ci sont des sociétés de gestion[328].
c) L’analyse de l’intention
-
-SMLR soutient que les déclarations de 4490380 et de ses actionnaires ne doivent pas être le seul fondement de l’analyse visant à déterminer son intention au moment d’acquérir l’immeuble. C’est la conduite du contribuable dans son ensemble que la Cour doit apprécier. Les témoignages des actionnaires de 4490380 au sujet de son intention ne sont pas déterminants et doivent être examinés à la lumière de l’ensemble des circonstances. 4490380 ne doit pas tenter de prouver son intention uniquement par ses déclarations, elle doit mettre en preuve des faits objectifs qui forment un ensemble de circonstances démontrant son intention. Selon SMLR, pour avoir gain de cause, 4490380 doit démontrer selon la prépondérance des probabilités que sa seule et unique intention était d’exploiter l’immeuble pour tirer un revenu de location[329].
d) L’intention secondaire du contribuable
-
-Un contribuable peut aussi avoir une intention secondaire lorsqu’il acquiert un immeuble à titre d’investissement. Celle-ci devient importante lorsque le contribuable doit abandonner son intention première. Cette intention secondaire peut être avouée ou inavouée. Lorsque l’intention secondaire de revendre l’immeuble est présente au moment de son acquisition et qu’elle se matérialise, le gain est imposable comme revenu d’entreprise[330].
-
-Un changement d’intention survient lorsque des circonstances particulières se présentent après l’acquisition; favorables ou non, elles sont en général indépendantes de la volonté du contribuable. Dans ce cas, l’analyse de l’ensemble des critères permettant de distinguer un bien figurant à l’inventaire d’un bien en immobilisation doit accorder un poids important au fait que la décision découle des circonstances particulières démontrant le changement d’intention[331].
e) La crédibilité et la valeur probante des témoignages
-
-La Cour doit non seulement apprécier l’apparence de sincérité de chacun des témoignages rendus, mais aussi les évaluer globalement selon l’ensemble des faits en jeu[332].
-
-Lorsque la Cour canadienne de l’impôt analyse la crédibilité des témoignages, elle doit le faire à la lumière de l’ensemble de la preuve et décider si, selon la prépondérance des probabilités, la cotisation établie par le ministre est exacte[333].
-
-Dans son analyse de l’intention déclarée par une personne, la Cour ne doit pas faire abstraction du fait qu’elle n’est pas indifférente à l’issue d’un appel[334].
2. Application du droit aux faits en l’espèce
[123] Selon SMLR, les critères énoncés dans la jurisprudence les plus pertinents en l’espèce sont les suivants :
-
-L’intention déclarée et la vraisemblance de cette intention
-
-La conduite du contribuable
-
-La nature du bien (emplacement)
-
-Les facteurs qui ont motivé la vente de l’immeuble.
a) L’intention déclarée et la vraisemblance de cette intention
-
-Lors de leurs interrogatoires principaux, les actionnaires de 4490380 ont tous dit la même chose concernant l’intention de 4490380 à l’acquisition de l’immeuble : elle était uniquement de diversifier les revenus du groupe d’actionnaires en développant un projet locatif à long terme. Ce n’est toutefois pas ce que les contre-interrogatoires et la preuve documentaire démontrent[335].
-
-L’analyse de la crédibilité des témoins est essentielle à l’application de ce critère. 4490380 a fait entendre cinq témoins à l’audience : les actionnaires MM. Ouellette, Tremblay et Gerfaux, la contrôleuse Mme Côté, ainsi que l’agent immobilier M. Charron. Les trois actionnaires sont des témoins intéressés, car ils sont administrateurs et actionnaires de 4490380 et de Boless par l’entremise de leur société de gestion. La Cour doit également tenir compte du fait que les actionnaires sont des hommes d’affaires expérimentés dans le domaine immobilier. Ceux-ci connaissent non seulement le domaine de la construction, les coûts de développement d’un projet et la clientèle gouvernementale, mais également le secteur où 4490380 fait l’acquisition de l’immeuble. La Cour doit analyser ces témoignages avec minutie et déterminer si le récit raconté par chacun est compatible avec les faits présentés[336].
-
-L’intention unique déclarée de conserver l’immeuble à long terme est invraisemblable et ne devrait pas être retenue par la Cour. Les contre-interrogatoires sont évasifs, des contradictions importantes dans les détails du projet sont notées et des éléments importants sont laissés sans réponse et ne sont pas corroborés par la preuve documentaire et l’ensemble des circonstances pour les motifs suivants :
-
-L’absence d’analyse de rentabilité pour le projet locatif.
-
-L’absence de témoignages concordants sur le projet d’investissement.
-
-Les actionnaires ignorent la valeur de leur investissement dans le projet.
-
-M. Gerfaux ignore comment il a été remboursé, le coût des travaux de construction et celui des extras facturés à 4490380.
-
-M. Gerfaux n’a pas pris connaissance du coût des travaux avant d’investir et n’a pas participé à l’élaboration des projets ni pris connaissance du rapport d’évaluation.
-
-M. Tremblay indique que c’est M. Ouellette qui a vu les chiffres concernant le rendement projeté de l’immeuble et qu’il est très possessif avec ses documents[337].
b) L’intention secondaire et le changement d’intention
-
-4490380 a soutenu que les raisons de la vente de l’immeuble sont les suivantes :
-
1 -Contexte économique et politique du gouvernement fédéral défavorable à la poursuite du projet, particulièrement en ce qui concerne l’atteinte du ratio de 75/25 entre l’Ontario et le Québec pour les locaux à bureaux.
-
2 -La modification du règlement de zonage du terrain rendait le projet et la location plus difficile.
-
3 -Certains baux étaient déjà en vigueur depuis quelques années.
-
4 -Le montant de l’offre d’achat était intéressant.
-
-Seuls les motifs 1 et 2 pourraient constituer des circonstances particulières motivant un changement d’intention, alors que les motifs 3 et 4 sont des éléments qui étaient connus des actionnaires dès la signature des baux. Même si l’appelante a soumis une preuve détaillée reliée à l’historique du plan d’action du gouvernement fédéral et à l’atteinte du ratio 75/25, aucune preuve tangible ne corrobore le changement d’intention de 4490380 : M. Tremblay a déclaré n’avoir aucune inquiétude quant à l’atteinte du ratio 75/25 et que rien n’allait arrêter leurs efforts de développement. Des sociétés du groupe ayant les mêmes actionnaires ont poursuivi leurs démarches d’acquisition de terrains dans le même secteur et les démarches en vue de la construction d’autres projets[338].
-
-La modification du règlement de zonage ne peut justifier le changement d’intention de l’appelante. Celle-ci a obtenu un droit acquis pour l’immeuble et pourra continuer à louer sans problème ses bureaux au gouvernement. 4490380 ne possède aucun autre immeuble[339].
-
-Aucune preuve objective ne démontre que des circonstances imprévues qui se sont produites après l’acquisition pourraient avoir entraîné un changement d’intention chez les actionnaires de 4490380[340].
-
-La vente de l’immeuble en 2015 constitue simplement la réalisation de l’intention primaire ou secondaire de 4490380 de vendre l’immeuble si l’occasion se présentait[341].
c) La conduite de 4490380
-
-Malgré le peu d’analyse effectué avant la transaction, les actionnaires semblent avoir une seule et même certitude : la construction des étages supplémentaires et le coût convenu avec Boless laissent entrevoir un gain potentiel plus compatible avec un projet d’entreprise qu’avec un investissement à long terme. La preuve documentaire témoigne essentiellement du développement d’un projet de construction, vu les efforts déployés par l’appelante et Boless pour construire le meilleur projet possible et l’adapter aux circonstances, soit tout ce que des hommes d’affaires avertis dans le domaine immobilier feraient pour maximiser leur profit[342].
-
-En preuve, 4490380 s’est attardée longuement sur l’organigramme du Groupe Boless pour démontrer que d’autres entités du Groupe ont développé au cours des années des immeubles dans le but de tirer un revenu locatif. Cet élément est peu probant, car il ne permet pas de tirer une conclusion pour l’ensemble des entités du groupe. La Cour doit analyser de façon distincte l’intention de 4490380 pour l’immeuble faisant l’objet du litige[343].
-
-Si Boless et 4490380 sont des entités distinctes, la preuve nous permet de constater que les actionnaires ne font aucune distinction entre les deux entreprises. Entre 2000 et 2015, Boless a occasionnellement construit des immeubles pour des sociétés ayant des actionnaires communs. La majorité des projets consistaient en des immeubles locatifs à vocation résidentielle. Une société a exploité un immeuble commercial, mais aucune des sociétés n’était en mesure de soumissionner pour des projets du gouvernement fédéral, faute d’être admissible en tant que gestionnaire. 4490380 n’avait aucune expérience en location d’immeuble commercial. L’ensemble des projets avaient pour objectif la rénovation ou la construction d’un immeuble par Boless. Le nom de Boless est utilisé indistinctement dans les correspondances avec les tiers[344].
-
-Les modalités de l’entente entre Boless et 4490380 soulèvent de nombreuses questions : La nature du contrat signé (contrat à forfait ou à prix majoré). Tous les actionnaires font état d’une marge de profit de 2,5 %. L’écart entre le montant de la soumission et les factures émises. Dans les faits, le profit réalisé par Boless sur le projet est minime. Boless a financé le projet presque jusqu’à l’achèvement de la construction. Les témoignages contradictoires de M. Ouellette et de M. Tremblay sur la construction de l’immeuble. Ces modalités démontrent que les liens entre Boless et l’appelante étaient étroits et que les ententes conclues permettaient à Boless de réduire ses profits de construction tout en maximisant les gains potentiels pour 4490380. Ces éléments démontrent que 4490380 était engagée dans un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial[345].
d) La nature du bien
-
-L’immeuble a attiré l’attention de M. Ouellette en raison de sa localisation exceptionnelle au cœur de centre-ville de Hull, à deux pas de l’administration publique et de la Promenade du Portage. C’était un secteur connu des actionnaires, et l’offre d’achat a été présentée sans délai par Gestion Grésivaudan pour éviter que l’intérêt de Boless ou de M. Ouellette relativement au 72, rue Laval n’éveille les soupçons. Selon les témoignages des actionnaires, c’est M Ouellette qui a déterminé, à partir de Google et des plans originaux du 72, rue Laval, qu’il était possible d’ajouter des étages à l’édifice. Ces témoignages ne sont pas corroborés par la preuve, mais cet élément était tout de même connu des actionnaires, puisque la fiche de vente indiquait que l’immeuble était conçu pour accueillir quatre étages, avec un potentiel de 60 000 pieds carrés[346].
-
-Dans leurs témoignages, les actionnaires ont qualifié cette acquisition de
« deal »
, de« coup de circuit »
et d’aubaine. Ces termes ne soulèvent aucun doute quant à l’intention de 4490380 de participer à une affaire de caractère commercial. Il s’agissait effectivement d’une excellente occasion d’affaires, puisque dès l’évaluation réalisée à la fin des travaux, qui a établi la valeur de l’immeuble à 16 000 000 $, la plus-value réalisée de 9 000 000 $ représentait dès ce moment un profit immédiat entre les mains de 4490380[347].
e) Les facteurs qui ont motivé la vente de l’immeuble
-
-La preuve ne démontre pas que l’offre reçue par 4490380 était non sollicitée et d’un montant surprenant pour les raisons suivantes :
-
1 -Des échanges concernant la vente de l’immeuble ont eu lieu à l’été 2014. Des courriels produits en preuve indiquent qu’en août 2014, une compagnie d’assurance a démontré un intérêt pour l’acquisition de l’immeuble et qu’en décembre 2014, 9255-3320 inc., (Saga Realties) a offert 16 000 000 $ pour faire l’acquisition de l’immeuble. Finalement, Huntington Property a offert 18 150 000 $ le 8 février 2015. 4490380 a présenté une contre-offre de 18 500 000 $[348].
-
2 -Quant au montant des offres, il n’y a aucune surprise. La première offre de 16 000 000 $ était basée sur le taux réel d’inoccupation. Après le début des échanges avec l’agent immobilier, l’appelante a loué des locaux à Sitrion et à Northforge. Le montant convenu correspond simplement à une occupation complète de l’immeuble. Si les premiers locataires ont aménagé au printemps 2012, c’est environ deux ans et demi plus tard que les démarches pour la vente de l’immeuble ont commencé. Lorsque 4490380 allègue que le projet locatif a été vendu après sept ans, cela ne semble pas conforme à la réalité[349].
3. Les hypothèses de fait du ministre et la position de SMLR au début du procès
[124] En se fondant sur les hypothèses de fait énumérées ci-dessus, le ministre a annulé le gain en capital imposable de 4 831 538 $ provenant de la vente de l’immeuble et déclaré par 4490380 pour son année d’imposition 2015. Le ministre a ajouté un gain de 9 663 075 $ provenant de cette vente au revenu de 4490380 pour l’année 2015 à titre de revenu d’entreprise en application du paragraphe 9(1) de la LIR.
[125] En l’absence d’information contraire, la Cour doit présumer que le procureur général du Canada s’est fondé sur l’ensemble de ces hypothèses de fait pour soutenir que c’est à bon droit que le ministre a ajouté un gain de 9 663 075 $ provenant de la vente de l’immeuble à titre de revenu d’entreprise et conclu que 449038 exploitait une entreprise, que 449038 a acquis l’immeuble avec l’intention première de construire un bâtiment en vue de le revendre à profit à court ou à moyen terme ou que, si l’intention première de 449038 était d’exploiter le bâtiment nouvellement construit, son intention secondaire était de le revendre à profit si l’occasion se présentait[350].
[126] Étant donné que SMLR a choisi de ne pas faire témoigner de vérificateur lors du procès, qu’il a décliné la proposition de la Cour au début du procès de fournir des détails sur la position adoptée par le ministre à la suite de la vérification et sur sa propre position relativement aux hypothèses de fait du ministre, ce qui était son droit, l’analyse de la Cour portera uniquement sur les hypothèses de fait qui sont pertinentes afin de répondre à la question en litige.
[127] Il convient donc d’énumérer les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est fondé pour déterminer l’impôt payable par 4490380. Ces hypothèses de fait sont les suivantes :
-
-Le dossier de 4490380 a été sélectionné à la suite de la vérification de la société Boless.
-
-Boless fait partie d’un groupe de sociétés spécialisé dans la construction d’immeubles commerciaux de grande envergure.
-
-Boless exerce régulièrement des activités de construction et de rénovation de projets commerciaux, institutionnels, industriels et résidentiels multilogements.
-
-4490380 a été constituée le 18 août 2008 sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, avec un capital-actions de 100 $.
-
-La fin de l’année d’imposition de 4490380 est le 30 septembre.
-
-De 2008 à 2013, les actionnaires de 4490380 étaient les suivants:
49 % – Gestion Saranico, détenue à 100 % par M. Ouellette
30,80 % – Gestion Jovier, détenue à 100 % par M. Tremblay
10.10 % – Gestion Dadem, détenue à 100 % par M. Desmarais
10,10 % – Gestion Grésivaudan, détenue à 100 % par M. Gervaux
-
-À compter de l’année d’imposition 2014, les actionnaires de l’appelante étaient les suivants :
54,51 % – Gestion Saranico, détenue à 100 % par M. Ouellette
34,26 % – Gestion Jovier, détenue à 100 % par M. Tremblay
11,23 % – Gestion Grésivaudan, détenue à 100 % par M. Gervaux
-
-MM. Ouellette, Tremblay et Gervaux sont des employés de Boless.
-
-M. Desmarais était employé de Boless jusqu’en 2012.
-
-M. Ouellette est le président de 4490380 et de Boless.
-
-M. Ouellette a une expérience importante dans le domaine de la construction et travaille avec l’équipe de Boless depuis près de 35 ans.
-
-4490380 et Boless connaissent très bien le marché immobilier et les coûts de construction des immeubles commerciaux et institutionnels.
-
-4490380 a été créée pour gérer la construction d’un immeuble situé au 72, rue Laval, à Gatineau et n’a plus eu d’activités après la vente de l’immeuble.
-
-Le 4 septembre 2008, 4490380 a acquis l’immeuble pour la somme de 1,2 million de dollars.
-
-Le bien acquis est un immeuble commercial situé au centre-ville de Hull dans la région de la capitale nationale, un endroit propice à la spéculation, puisque le secteur est recherché par les investisseurs.
-
-Le 1er décembre 2008, 4490380 a acquis un immeuble situé au 76, rue Laval, pour la somme de 275 000 $.
-
-Ces acquisitions ont été financées par une avance des actionnaires.
-
-4490380 a mandaté Boless pour procéder à des travaux d’agrandissement et d’amélioration de l’immeuble.
-
-Le projet visait la construction d’un immeuble de sept étages, qui a été terminé début 2012.
-
-Une seconde phase était prévue pour une construction jumelle à l’immeuble du 72, rue Laval.
-
-Boless n’a pas facturé les travaux de construction à 4490380 au fur et à mesure; elle a attendu que le projet soit pratiquement terminé avant de le faire.
-
-Le 30 septembre 2010, des charges à payer de 5 129 837 $ ont été enregistrées pour la première fois.
-
-Le 30 septembre 2011, les charges à payer ont augmenté à 6 087 878 $ et le compte des avances des actionnaires était de 4 055 000 $.
-
-Le 20 septembre 2011, 4490380 a obtenu un prêt totalisant 7 860 339 $ auprès de la Caisse Desjardins de Hull.
-
-Comme conditions au prêt, Desjardins exigeait notamment la remise d’un rapport d’évaluation confirmant la valeur marchande minimale de l’immeuble de 15,9 millions de dollars, ainsi que l’obtention de baux dûment signés.
-
-La juste valeur marchande de l’immeuble est directement liée aux baux en place.
-
-Ce prêt a servi à rembourser les dépenses occasionnées par la construction de l’immeuble et une partie des sommes dues aux actionnaires.
-
-4490380 a commencé à déclarer des revenus de location en 2012.
-
-Au moment de la vente, les locataires de l’immeuble étaient une école de langue, le gouvernement fédéral et deux entreprises de haute technologie.
-
-En 2013, aucune somme d’argent n’était due aux actionnaires; les avances avaient été remboursées, malgré les pertes comptables et fiscales déclarées par 4490380.
-
-Le 18 septembre 2015, l’immeuble a été vendu pour la somme de 18 500 000 $.
-
-Le gain tiré de la vente a été calculé ainsi :
Produit de disposition de la bâtisse : 17 284 630 $
Prix de base rajusté : 8 132 604 $
Débours : 123 773 $
Gain tiré de la vente : 9 028 253 $
Produit de disposition du terrain : 1 215 370 $
Prix de base rajusté : 571 844 $
Débours : 8 704 $
Gain tiré de la vente : 634 822 $
Gain total : 9 663 075 $
-
-4490380 et ses actionnaires n’ont pris aucun risque dans la construction de l’immeuble; les risques ont été pris par Boless.
-
-Aucun plan d’affaires ni étude n’a été réalisé par 4490380 pour évaluer la rentabilité à long terme du projet d’investissement.
-
-4490380 détient des actions de la société 156750 Canada inc., laquelle a acquis plusieurs lots avoisinant l’immeuble dans la même période.
-
-L’intention primaire ou secondaire de 4490380 était de vendre l’immeuble à profit à court ou moyen terme.
-
-Les actionnaires de 4490380 savaient que l’immeuble valait beaucoup plus que les coûts de construction (prix coûtant plus 2,5 %) au moment où il a été évalué.
-
-Contrairement à ce que 4490380 a allégué lors de la vérification, la vente de l’immeuble a été initiée par M. Ouellette.
-
-M. Ouellette a approché le courtier immobilier commercial, M. Charron, pour lui confier le mandat de vendre l’immeuble.
-
-M. Charron a transmis la fiche de la propriété de l’immeuble à une liste d’investisseurs potentiels.
-
-Les acquéreurs de la première phase de l’immeuble avaient la possibilité d’acquérir, s’ils le désiraient, l’immeuble qui pourrait être construit par 4490380 dans la seconde phase, et ce, avant sa mise en marché.
-
-Le groupe de sociétés dont font partie 4490380 et Boless a acquis plusieurs vieux bâtiments dans le centre-ville de Gatineau dans le but de construire des immeubles commerciaux de plusieurs étages.
-
-Dans les années 2008 et 2009, Boless a construit des condos au Versant Côte d’Azur pour une autre société du groupe; ces transactions ont été déclarées comme revenu d’entreprise[351].
VI. DISCUSSION
A. Le droit applicable
1. Les deux catégories fondamentales de revenus
[128] L’article 3 de la section B de la LIR énonce les règles de base qui régissent le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition. L’article 3 reconnaît deux catégories fondamentales de revenus. La première catégorie est décrite à l’alinéa 3a) de la LIR. Il s’agit du revenu tiré d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise ou d’un bien. Quant à la deuxième catégorie, elle est décrite à l’alinéa 3b) de la LIR. Il s’agit des gains en capital ou du revenu tiré de la disposition de biens en immobilisation[352]. Toute la structure de la LIR reflète cette distinction de base entre le revenu et le gain en capital[353].
[129] Cette distinction est importante pour le contribuable, car contrairement au revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien, qui est imposable en totalité, le revenu tiré de biens en immobilisation est partiellement soustrait à l’impôt[354].
2. Caractérisation du produit de disposition d’un bien
[130] En règle générale, quand un bien meuble ou immeuble est vendu dans le cadre d’une entreprise, le produit de disposition est pris en compte à titre de revenu d’entreprise pour l’année au cours de laquelle la vente a eu lieu[355].
[131] La définition du terme « entreprise »
se retrouve au paragraphe 248(1) de la LIR :
248. (1) entreprise Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi. (business)
[132] Suivant cette définition, le produit de disposition d’un bien doit être pris en compte à titre de revenu d’entreprise, si sa disposition a eu lieu dans le cadre d’un « projet comportant un risque ou d’une affaire de caractère commercial ».
Les notions de projet comportant un risque et d’affaire de caractère commercial
visent essentiellement à départager les opérations d’achat et de vente qui sont de nature commerciale de celles qui tiennent d’une immobilisation[356].
[133] Dans Hiwako Investments Ltd. v. M.N.R.[357], la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit en lien avec la définition du terme « entreprise »
au sens du paragraphe 248(1) de la LIR :
[traduction]
20 [...] Les trois principales, sinon les seules, sources de revenus sont les entreprises, les biens et les charges et emplois (article 3). Sauf de très rares exceptions, un bénéfice réalisé sur l’achat et la revente d’un bien doit avoir sa source dans une « entreprise » au sens [du paragraphe 248(1) de la LIR]. Lorsqu’un bien est acheté et revendu avec bénéfice ou perte, la question de savoir si le bénéfice ou la perte doivent être pris en considération aux fins de l’impôt dépend donc, en général, de celle de savoir:
a) s’il s’agit d’un bénéfice ou d’une perte tirée d’une « entreprise » dans l’acception courante du terme
ou
b) s’il s’agit d’un bénéfice ou d’une perte provenant d’une initiative ou affaire d’un caractère commercial[358].
[134] Il s’ensuit que le bénéfice réalisé sur l’achat et la revente d’un bien aura comme source une entreprise s’il a été tiré d’une entreprise au sens courant du terme ou s’il provient d’un projet, d’une initiative ou d’une affaire de caractère commercial.
B. Le sens de l’expression « projet comportant un risque ou affaire de caractère commercial
»
[135] L’expression « projet comportant un risque ou affaire de caractère commercial »
n’est pas définie dans la LIR, mais son sens a été précisé par la jurisprudence. Pour qu’une opération soit considérée comme un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut qu’au moment de l’acquisition du bien, le contribuable ait eu à l’esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition[359]. Comme il n’est pas facile de tracer une ligne de démarcation entre les projets qui comportent un risque de caractère commercial et ceux qui n’en comportent pas, pour bien les distinguer, la Cour doit tenir compte d’une foule de facteurs[360].
1. Les facteurs à prendre en considération afin de déterminer si un projet comporte un risque de caractère commercial
[136] Dans la décision M.N.R. v. Taylor[361], la Cour de l’Échiquier a dit qu’il n’est pas possible de préciser les limites de la portée de l’expression ou de formuler un critère qui permettrait de décider si une transaction particulière est un projet comportant un risque de caractère commercial ou non[362]. Cela étant dit, dans cette même décision, la Cour a énuméré certains facteurs qui doivent être pris en considération par les tribunaux afin de pouvoir conclure à l’existence d’un projet comportant un risque à caractère commercial. Ces facteurs ont été repris à maintes reprises par les tribunaux, notamment dans la décision Happy Valley Farms v. M.N.R[363]. Ces facteurs sont les suivants :
-
1-La nature du bien qui est vendu. Il y a plus de chances qu’un bien qui ne rapporte à son propriétaire aucun revenu ou qui ne lui procure aucune satisfaction personnelle du simple fait qu’il lui appartient soit acquis afin d’être vendu qu’un bien qui rapporte pareil revenu ou procure pareille satisfaction;
-
2-La durée de la possession. En règle générale, les biens destinés à faire l’objet d’un commerce sont convertis en espèces peu de temps après avoir été acquis;
-
3-La fréquence ou le nombre d’opérations similaires effectuées par le contribuable. Si des biens d’une catégorie particulière ont été vendus à maintes reprises pendant un certain nombre d’années ou si plusieurs ventes ont eu lieu vers la même époque, on peut présumer qu’il s’agissait d’opérations commerciales;
-
4-Les améliorations faites sur le bien converti en espèces ou se rapportant à pareil bien. Si le contribuable s’efforce de mettre le bien dans un état qui lui permet de le vendre plus facilement pendant qu’il en est propriétaire, ou s’il fait un effort particulier afin de trouver ou d’attirer des acheteurs (par exemple, en ouvrant un bureau ou en faisant de la publicité), la chose tend à prouver l’existence d’une opération commerciale;
-
5-Les circonstances qui ont entraîné la vente du bien. Il peut exister certaines explications, comme un cas urgent ou une occasion nécessitant de l’argent en espèces, qui feront qu’il sera difficile de conclure que le bien a initialement été acquis à des fins commerciales;
-
6-Le motif (ou l’intention au moment de l’acquisition). Dans les cas de ce genre, le motif du contribuable est toujours pertinent. L’intention au moment de l’acquisition d’un bien, déduite à partir des circonstances et de la preuve directe, constitue l’un des éléments les plus importants pour déterminer si le gain est imputable au revenu ou au capital[364].
[137] Dans l’arrêt Canada Safeway[365], la Cour d’appel fédérale a énuméré les facteurs à prendre en considération afin de déterminer si une opération relative à un bien immeuble constitue un projet comportant un risque de caractère commercial. Ces facteurs sont les suivants:
-
1-L’intention du contribuable en ce qui concerne le bien immeuble à l’achat;
-
2-La vraisemblance de l’intention du contribuable;
-
3-L’emplacement géographique du bien immeuble acquis et son zonage;
-
4-La mesure dans laquelle l’intention du contribuable s’est réalisée;
-
5-La preuve que l’intention du contribuable a changé après l’achat du bien immeuble;
-
6-La nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation du contribuable et des associés;
-
7-La mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition du bien immeuble et les modalités arrêtées pour le financement s’il y a lieu;
-
8-La période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable;
-
9-Le fait que la possession du bien immeuble soit partagée avec des personnes autres que le contribuable;
-
10-La nature de la profession des autres personnes partageant la possession avec le contribuable de même que leurs intentions avouées et leur ligne de conduite;
-
11-Les facteurs qui ont motivé la vente du bien immeuble;
-
12-La preuve que le contribuable et/ou les associés se livrent à grande échelle au commerce de l’immeuble.
[138] Les facteurs énumérés ci-dessus ne forment pas une liste exhaustive. Par conséquent, il est possible pour la Cour de prendre en considération d’autres facteurs selon les circonstances.
[139] Il est important de noter que la question de savoir si l’opération d’acquisition de l’immeuble constitue un « projet comportant un risque de caractère commercial »
est une question de fait[366].
[140] De plus, aucun des facteurs énumérés ci-dessus n’est en soi concluant pour déterminer si un gain provenant de la vente de biens immeubles constitue un revenu ou un gain en capital[367]. La pertinence de tout facteur dans cette détermination dépendra des circonstances entourant chaque cas[368].
2. L’importance de l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien
[141] Il est établi dans la jurisprudence que le facteur le plus important est l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien[369], car la question de savoir si la disposition d’un bien donne lieu à un revenu ou à un gain en capital dépend essentiellement de la raison pour laquelle le bien a été acquis[370]. Dans l’arrêt Canada Safeway, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit à ce sujet :
[43] [...] bien que les tribunaux appliquent divers facteurs, à savoir ceux qui sont énumérés dans le bulletin d’interprétation IT‑218R, pour déterminer si une opération constitue un projet comportant un risque de caractère commercial ou une opération en capital, le facteur le plus déterminant est l’intention qu’avait le contribuable au moment de l’acquisition du bien. Si cette intention révèle l’existence d’un plan visant la réalisation d’un bénéfice, le tribunal conclura que l’opération répond à la définition de projet comportant un risque de caractère commercial[371].
[Non souligné dans l’original.]
3. L’intention primaire et l’intention secondaire du contribuable
[142] Comme il est mentionné précédemment, pour qu’une opération soit considérée comme un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut qu’au moment de l’acquisition du bien, le contribuable ait eu à l’esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition[372]. Ce motif peut-être la raison principale ou une raison secondaire ayant poussé le contribuable à faire l’acquisition, puisque le contribuable peut avoir eu plus d’une intention relativement au bien au moment d’en faire l’acquisition. La conclusion qu’une telle motivation existe est basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent l’acquisition du bien, incluant la conduite du contribuable, que la Cour doit apprécier[373].
[143] Le concept d’intention primaire et secondaire (la raison principale ou une raison secondaire) a été développé par les tribunaux spécifiquement pour tenir compte des situations où un contribuable acquiert un bien immobilier pour deux motifs, soit avec le motif principal de l’utiliser comme investissement en capital, mais aussi avec le motif secondaire d’en faire un projet de nature commerciale, c’est-à-dire avec l’intention de vendre le bien à profit si certaines circonstances se matérialisent.
[144] Dans la décision Racine c. Canada (ministre du Revenu national)[374], la Cour a fait les commentaires suivants concernant l’intention secondaire :
[...] le seul fait qu’une personne achetant une propriété dans le but de l’utiliser à titre de capital pourrait être induite à la revendre si un prix suffisamment élevé lui était offert n’est pas suffisant pour changer une acquisition de capital en une initiative de nature ou caractère commercial. Ce n’est pas en effet ce que l’on doit entendre par une « intention secondaire » si l’on veut utiliser cette phraséologie.
Afin qu'une transaction qui comporte l’acquisition [de] capital ait un double caractère et donc en même temps une initiative de nature commerciale, l’acquéreur doit avoir, au moment de l’acquisition, dans son esprit, la possibilité de revendre comme motif qui le pousse à faire cette acquisition; c’est-à-dire qu’il doit avoir dans son esprit l’idée que si certaines circonstances surviennent il a des espoirs de pouvoir la revendre à profit au lieu d’utiliser la chose acquise pour des fins de capital[375].
[145] L’intention secondaire d’un contribuable doit donc avoir existé au moment de l’acquisition du bien et le contribuable doit avoir été motivé par l’intention de le revendre avec bénéfice si une occasion intéressante se présente[376].
[146] Le fait que le contribuable envisageait la possibilité de revendre son bien ne suffit pas, en soi, pour conclure à l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial : il faut que la perspective de revente à profit ait joué un rôle important dans la décision d’acquérir le bien[377].
[147] À ce sujet, dans la décision Snell Farms Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national)[378], la division d’appel de la Cour fédérale a dit ce qui suit :
En ce qui a trait à la doctrine de l’intention secondaire, la Cour doit en venir à la conclusion que la preuve objective concernant la conduite de la demanderesse indique que la perspective de revendre la propriété était un « motif déterminant » de son acquisition. Cela impose donc à la défenderesse un fardeau beaucoup plus lourd que celui d’établir que la demanderesse avait l’idée de revendre la propriété pour le cas où le but premier ne pourrait être atteint. Il est juste de dire que la revente est une possibilité qui viendrait probablement à l’esprit de tout homme ou femme d’affaires avisé […], [mais] il demeure néanmoins possible de prouver l’existence d’un motif déterminant[379].
[148] En d’autres mots, pour conclure à l’existence d’une intention secondaire de revente au moment de l’achat de l’immeuble, il doit être démontré que le contribuable avait un « plan visant la réalisation d’un bénéfice
[380] »
et que la revente a été un « motif déterminant »
dans la décision d’acquérir le bien[381]. Si tel est le cas, la Cour conclura que l’opération répond à la définition de projet comportant un risque de caractère commercial et qualifiera le profit réalisé à la disposition de revenu d’entreprise[382].
4. La preuve de l’intention d’un contribuable
[149] Le témoignage d’un contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant et doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances[383].
[150] La détermination de l’intention primaire et de l’intention secondaire d’un contribuable est une question de fait qui peut être établie par une preuve directe ou par inférence[384].
[151] En général, la détermination des motivations d’un contribuable devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction plutôt qu’une preuve directe de ce que l’acquéreur avait en tête[385]. Toutes les circonstances doivent être prises en compte afin de vérifier objectivement les allégations d’intention du contribuable à l’égard du bien[386].
[152] Dans la décision Staltari[387], cette Cour a dit ce qui suit au sujet du poids à accorder au témoignage du contribuable quant à son intention :
Si les circonstances objectives jettent un doute sur la version des faits présentée par le contribuable, alors il est possible d’accorder moins de poids, ou aucun poids, à ce témoignage. Si les circonstances objectives ne jettent pas un doute sur le témoignage du contribuable, alors ce témoignage est suffisant pour établir l’intention ou l’absence d’intention, à moins qu’il n’existe une autre raison de douter de la crédibilité du contribuable[388].
[153] L’intention déclarée du contribuable doit donc être examinée de manière objective par la Cour en tenant compte de l’ensemble des circonstances[389].
5. La preuve de l’intention d’une société par actions
[154] Lorsque le contribuable est une société, l’intention au moment de l’acquisition d’un bien sera établie en transposant l’intention des personnes physiques qui en assument la direction ou la gestion[390]. À ce sujet, dans la décision Roseland Farms Ltd. c. Canada[391], la Cour fédérale a dit ce qui suit :
L’intention d’une société est révélée par celle des personnes physiques qui en assument la gestion et la direction : Metropolitan Motels Corporation v. Minister of National Revenue (1966), 66 D.T.C. 5208, [1966] C.T.C. 246 (C.F. 1re inst.); Leonard Reeves Inc. c. ministre du Revenu national (1985), 85 D.T.C. 419, [1985] 2 C.T.C. 2054 (C.C.I.). En ce qui concerne les sociétés à grand nombre d’actionnaires, l’intention requise pourrait être celle d’un cadre ou celle d’un groupe de cadres ou d’administrateurs ayant pris la décision quant à l’achat. Toutefois, l’intention dans le cas d’une société à peu d’actionnaires se manifeste normalement par l’intention de ses actionnaires[392].
C. Application du droit à la présente affaire
[155] Dans la présente affaire, la Cour doit déterminer si le ministre a à bon droit conclu que la somme de 9 663 075 $, correspondant au profit réalisé lors de la vente de l’immeuble, constituait un revenu d’entreprise pour 4490380 et non un gain en capital. À cette fin, la Cour doit déterminer si le profit de la vente de l’immeuble a été tiré d’une entreprise au sens commun du terme ou si l’acquisition de l’immeuble peut être qualifiée de projet comportant un risque ou d’affaire de caractère commercial.
1. Le profit de la vente de l’immeuble a-t-il été tiré d’une entreprise au sens commun du terme?
[156] Lors de l’audience, cette question n’a été abordée que brièvement par les parties. Comme le procureur général du Canada soutient dans sa réponse à l’avis d’appel que 4490380 exploitait une entreprise, sans préciser s’il l’entend dans le sens courant du terme et, compte tenu de la décision Hiwako Investments Ltd. v. M.N.R, la Cour se doit d’aborder cette question.
[157] La preuve démontre que 4490380 a été créée spécifiquement pour le projet ayant trait à l’immeuble. L’immeuble a été le seul immeuble détenu par 4490380 et le seul revendu. 4490380 ne possédait pas de stock de biens immeubles. 4490380 n’a été impliquée dans aucune autre activité commerciale que l’achat, la construction, la location des bureaux et la vente de l’immeuble. Toutes les activités commerciales de 4490380 se rapportaient à l’immeuble. Tous les témoins ayant témoigné à ce sujet lors du procès ont dit à la Cour que 4490380 n’était pas une entreprise de vente d’immeubles.
[158] Pour la Cour, la preuve démontre clairement que 4490380 n’était pas une entreprise œuvrant dans le domaine de l’achat et de la revente d’immeubles au sens courant du terme.
[159] La Cour doit maintenant déterminer si l’achat de l’immeuble peut être qualifié de projet comportant un risque ou d’affaire de caractère commercial.
2. L’achat de l’immeuble par 4490380 était-il un projet qui comportait un risque ou une affaire de caractère commercial?
[160] Afin de répondre à cette question, la Cour doit déterminer si l’achat de l’immeuble était une opération à caractère commercial. À cette fin, la Cour doit déterminer si, au moment de l’acquisition de l’immeuble, le motif principal ou secondaire de son achat était de le revendre à profit.
[161] En vertu du droit applicable, afin de répondre à cette question, la Cour doit tenir compte de ce qui suit:
-
-La question de savoir si l’acquisition d’un bien constitue un
« projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial »
est une question de fait. -
-La Cour doit prendre en considération certains facteurs pour déterminer si un projet comporte un risque à caractère commercial.Une liste non exhaustive de ces facteurs a été dressée dans l’arrêt Canada Safeway.
-
-La Cour doit prendre en considération tous les facteurs pertinents, en plus de ceux énumérés dans l’arrêt Canada Safeway.
-
-La pertinence de chacun des facteurs dépend des circonstances entourant chaque projet.
-
-Quoiqu’aucun des facteurs à prendre en considération n’est en soi déterminant, le facteur le plus important est l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien.
-
-Le témoignage du contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant. Cependant, quoique le témoignage du contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant, ce témoignage demeure pertinent et doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances afin de vérifier si, objectivement, les allégations du contribuable relativement à son intention semblent plausibles.
-
-Si les circonstances, dont les facteurs énumérés dans l’arrêt Canada Safeway font partie, ne jettent pas de doute sur la version des faits présentée par le contribuable lors de l’audience, ce témoignage est suffisant pour établir l’intention ou l’absence d’intention de revendre le bien à profit, à moins qu’il n’existe une autre raison de douter de la crédibilité du contribuable.
-
-La détermination des motivations du contribuable peut être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction plutôt que sur une preuve directe.
-
-Le fait qu’un contribuable envisageait la possibilité de revendre son bien ne suffit pas, en soi, pour conclure que le contribuable avait l’intention secondaire de le revendre à profit. Il faut que la perspective de revente à profit ait joué un rôle important dans la décision d’acquérir le bien.
a) Les facteurs énumérés dans l’arrêt Canada Safeway
(1) L’intention de 4490380 relativement à l’immeuble au moment de son acquisition
[162] Tel que mentionné dans la décision Staltari, lorsque le contribuable est une société, l’intention du contribuable au moment de l’acquisition d’un bien sera établie en transposant l’intention des personnes physiques qui en assument la direction ou la gestion. L’intention d’une société à peu d’actionnaires se manifeste normalement par l’intention de ses actionnaires.
[163] Dans la présente affaire, la preuve démontre que c’est M. Ouellette qui prenait les décisions finales relativement aux activités de 4490380. M. Ouellette l’a dit dans son témoignage, et M. Gerfaux, M. Tremblay et Mme Côté l’ont corroboré. Cela dit, la preuve démontre également que M. Gerfraux et M. Tremblay étaient consultés pour certaines décisions importantes.
[164] Dans son témoignage, M. Ouellette a expliqué la raison pour laquelle il a acquis l’immeuble. Son intention ainsi que celle des actionnaires de 4490380 étaient de diversifier leurs activités. Ils cherchaient à faire des investissements à long terme pour sécuriser leur avenir. M. Ouellette a dit à la Cour que l’immeuble n’a pas été acquis aux fins de revente. Ceci a été confirmé par MM. Gerfaux et M. Tremblay lors de leur témoignage respectif.
[165] M. Ouellette a expliqué à la Cour qu’il a acquis l’immeuble afin de faire un investissement à long terme. Il a aussi dit à la Cour que l’immeuble n’a pas été acquis aux fins de revente. Il a dit avoir remarqué le potentiel locatif à long terme de l’immeuble en raison de son emplacement exceptionnel, au centre-ville de Hull, à Gatineau, au cœur du secteur où se trouve l’administration fédérale. M. Ouellette a également dit que les caractéristiques du bâtiment situé au 72, rue Laval le rendaient propice à ce projet d’investissement à long terme, puisqu’il était possible d’y ajouter des étages et cela permettait d’accroître sa superficie locative et les revenus que l’immeuble pourrait générer.
[166] Dans son témoignage, M. Gerfaux a lui aussi dit qu’au moment où l’immeuble a été acheté, les actionnaires de 4490380 voulaient diversifier leurs activités et cherchaient à faire des investissements à long terme pour sécuriser leur avenir. Selon M. Gerfaux, les projets de rénovation ou d’acquisition d’immeuble aux fins de revente auxquels les actionnaires avaient participé dans le passé étaient largement liés aux occasions qui se présentaient sur le marché. Selon M. Gerfaux, les investissements à long terme étaient importants pour les actionnaires, car ils constituaient en quelque sorte leur pension de retraite.
[167] Quant à M. Tremblay, il a dit à la Cour qu’il n’a jamais été question de revendre l’immeuble après sa construction. L’objectif du projet était d’augmenter le parc immobilier des actionnaires et de profiter du fait que le gouvernement fédéral cherchait à louer des bureaux.
[168] Selon les témoignages de tous les actionnaires de 4490380, l’intention de 4490380 au moment de l’acquisition de l’immeuble était de faire un investissement à long terme. Il s’agit donc de l’intention déclarée de 4490380. Selon ces témoignages, 4490380 n’avait pas l’intention secondaire de revendre l’immeuble à profit si l’occasion se présentait.
(2) La vraisemblance de l’intention du contribuable;
[169] Les témoignages de MM. Ouellette, Tremblay et Gerfaux sont clairs et non contradictoires. Comme mentionné ci-dessus, selon leurs témoignages, la seule intention de 4490380 au moment de l’achat de l’immeuble était d’en faire un investissement à long terme.
[170] Selon ces témoignages, les actionnaires de 4490380 n’avaient pas l’intention de vendre l’immeuble à court ou moyen terme au moment de son acquisition ni de plan pour le faire, et ce, quelles que soient les circonstances. Cela aussi est vraisemblable. D’ailleurs, dès son acquisition, l’immeuble devait faire partie d’un projet comportant plusieurs phases, et qu’entre le 2 juillet 2008, soit le moment de l’acquisition de l’immeuble, et septembre 2013, des immeubles ont été acquis pour permettre la réalisation des phases 2 et 3 du projet. L’immeuble faisait donc partie d’un projet à long terme comportant plusieurs phases. Ces faits tendent à démontrer que l’intention de 4490380 au moment de l’acquisition de l’immeuble était d’en être propriétaire pour une longue période. À ce sujet, la preuve démontre ce qui suit :
-
-Selon les plans déposés en preuve, l’immeuble représentait la première phase d’un projet en comportant trois. On peut constater dans les plans préparés entre 2010 et septembre 2013 qu’une deuxième et une troisième phase étaient prévues.
-
-Entre le 30 avril 2009 et le 20 octobre 2010, 4490380 et une autre société ayant les mêmes actionnaires ont acquis huit propriétés situées dans le même quadrilatère que l’immeuble en vue de réaliser les phases 2 et 3. Selon les plans, certains immeubles des phases 2 et 3 devaient être reliés d’une façon ou d’une autre à l’immeuble.
-
-Certains travaux d’infrastructures nécessaires aux phases futures du projet ont été effectués dès le début de la construction de l’immeuble, car les phases futures devaient utiliser des infrastructures communes. Par exemple, le stationnement sous-terrain a été conçu de manière à relier l’immeuble à un futur immeuble. La génératrice utilisée pour l’immeuble avait une puissance suffisante pour l’alimenter, ainsi que les immeubles des phases subséquentes. De plus, les systèmes de contrôle numérique, d’incendie et de gestion de la consommation d’énergie installés dans l’immeuble tenaient compte des besoins futurs des immeubles à construire. L’orientation du hall d’entrée et du garage de l’immeuble a été planifiée en fonction des phases subséquentes.
[171] De plus, la Cour n’a pas pu identifier de raisons de douter de la véracité des témoignages de MM. Ouellette, Tremblay et Gerfaux. Les témoins étaient tous crédibles. La Cour conclut que l’intention des actionnaires de 4490380 au moment de l’achat de l’immeuble est vraisemblable.
(3) L’emplacement géographique de l’immeuble et son zonage
[172] La preuve démontre que 4490380 a acheté les immeubles situés aux 72 et 76, rue Laval pour y construire l’immeuble en raison du potentiel exceptionnel de cet emplacement. Ces adresses ont été qualifiées d’emplacements exceptionnels pour la location de bureaux par M. Ouellette, car elles sont au cœur du centre-ville de Gatineau, dans le secteur de Hull, tout près de l’administration fédérale. M. Ouellette pensait qu’il y avait une réelle volonté du gouvernement fédéral de louer des bureaux à Gatineau. Selon le règlement de zonage de la Ville de Gatineau en vigueur en 2008, les 72 et 76, rue Laval étaient situés dans une zone où les usages autorisés incluaient l’usage « administration publique fédérale »
et l’usage « administration publique provinciale »
.
[173] Ces faits n’ont pas été remis en question par SMLR. Le ministre a émis l’hypothèse que l’immeuble était situé dans un endroit propice à la spéculation, puisque le secteur est attrayant pour les investisseurs. SMLR n’a présenté aucune preuve en ce sens et n’a pas questionné M. Ouellette à ce sujet. La preuve démontre uniquement que cet emplacement était idéal pour la construction d’un immeuble locatif à vocation commerciale et, plus particulièrement, pour la location de locaux au gouvernement fédéral.
[174] Le fait que Gestion Grésivaudan a fait l’offre d’achat pour le 72, rue Laval afin d’éviter toute surenchère ne permet pas de conclure que cet immeuble a été acquis afin d’être revendu. Il permet uniquement de conclure que M. Ouellette est un homme d’affaires averti qui connaît le marché et ses acteurs. Comme le ferait un homme d’affaire averti dans les circonstances, M. Ouellette a pris des mesures afin d’éviter de payer plus cher pour un immeuble en évitant d’être associé à son achat.
[175] Ces faits tendent à confirmer que l’intention de 4490380 était véritablement d’exploiter l’immeuble en le louant au gouvernement fédéral.
(4) La mesure dans laquelle l’intention de 4490380 a été réalisée
[176] La preuve a démontré de manière non équivoque que les actionnaires de 4490380 ont fait beaucoup d’efforts afin de trouver des locataires pour l’immeuble.
[177] L’immeuble a été construit de façon à répondre aux critères établis par le gouvernement fédéral pour la location de locaux et à répondre aux exigences de TPSGC. La preuve démontre que les démarches visant à louer les locaux disponibles dans l’immeuble ont commencé en février 2009, alors que la construction de l’immeuble n’était pas terminée, pour qu’une partie des locaux puisse être louée aussitôt qu’ils seraient prêts.
[178] En novembre 2010, M. Ouellette a loué à TPSGC (pour Affaires autochtones et du Nord Canada) quatre étages de l’immeuble pour une durée de dix ans alors que la construction de l’immeuble n’était pas encore terminée.
[179] En 2011, dans un contexte difficile qui affectait les possibilités de location auprès du gouvernement fédéral, les actionnaires de 4490380 ont entrepris des démarches de location auprès de plusieurs d’entreprises du secteur privé, ce qui leur a permis de louer cinq des sept étages de l’immeuble. Des locaux ont été loués le 30 mai 2014 à Sitecore et l
e 1er octobre 2014 à Northforge, qui a renouvelé son bail en mai 2015. Toujours en mai 2015, un bail est conclu avec Sitrion. En mai 2015, tous les étages de l’immeuble étaient loués.
[180] En 2014, 4490380 a contesté la valeur de l’immeuble au rôle d’évaluation foncière de la Ville de Gatineau. Cette démarche visait à diminuer les frais à payer par les locataires afin de rendre la location de bureaux plus attrayante.
[181] Ces faits tendent à démontrer que l’intention de 4490380 était, de l’acquisition de l’immeuble jusqu’en 2015, de générer des revenus locatifs sur une longue période.
(5) La nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation des actionnaires de 4490380 et la preuve que 4490380 ou ses actionnaires se livrent à grande échelle au commerce de l’immeuble
[182] Le fait que des actionnaires d’une société soient aussi actionnaires d’une autre société impliquée dans l’achat et la revente d’immeubles ne fait pas nécessairement en sorte que la première société se livre à l’achat et à la revente d’immeubles simplement parce qu’elle a acheté puis revendu un immeuble. Cela dit, la Cour peut concevoir que dans certaines circonstances, ce fait puisse servir à déterminer l’intention d’une société au moment de l’achat d’un immeuble.
[183] En espèce, SMLR a tenté de démontrer que les actionnaires de 4490380 étaient actionnaires de sociétés qui se livrent à l’achat et à la revente d’immeubles. La preuve démontre que ce n’était pas le cas. Dans un cas, une des sociétés des actionnaires a vendu des immeubles après leur construction. Il s’agissait de la vente d’immeubles en copropriété et ceci correspondait à l’intention des actionnaires au début du projet.
[184] L’objectif des sociétés dans lesquelles les actionnaires étaient impliqués était donc le même dans la presque totalité des cas. La preuve démontre qu’il s’agissait de construire ou d’acquérir des immeubles afin de les réaménager en vue d’en faire la location résidentielle ou commerciale, mais pas de louer des bureaux. La preuve démontre que l’objectif de ces sociétés était de détenir ces immeubles à long terme en tant qu’investissements immobiliers. La preuve démontre que ce qu’elles ont fait dans la majorité des cas.
[185] Les actionnaires de 4490380 avaient tous une certaine expérience dans le domaine de la construction. M. Ouellette travaille pour Boless depuis près de 30 ans, où il a occupé les postes d’estimateur, de chargé de projet et de président. Au fil du temps, il a acquis des connaissances dans le milieu de la construction et de la location commerciale. M. Gerfaux a suivi une formation d’ingénieur en France et au Québec, et il travaillait comme chargé de projet avec M. Tremblay pour Boless. Cependant, la preuve ne démontre pas que les actionnaires 4490380 avait une quelconque expérience dans la vente d’immeuble de bureaux ou du même type que l’immeuble. Rien ne prouve qu’ils avaient une quelconque idée de la valeur marchande qu’aurait l’immeuble une fois qu’il serait terminé et loué en totalité. Pour déterminer la rentabilité du projet, M. Ouellette s’est basé sur les coûts d’acquisition des 72 et 76, rue Laval, sur une estimation des coûts de construction de l’immeuble ainsi que sur ses connaissances des revenus pouvant être générés par sa location.
[186] L’ensemble de la preuve ne démontrent pas que les actionnaires de 4490380 étaient impliqués dans des sociétés achetant et revendant des immeubles.
(6) La mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition de l’immeuble et les modalités arrêtées pour le financement
[187] Selon le témoignage de M. Ouellette, le coût total de l’immeuble a été de 8 704 000 $.
[188] Boless a financé les travaux pendant la période de construction, soit avant que 4490380 obtienne le financement de la Caisse Desjardins. Le 20 septembre 2011, 4490380 a obtenu un prêt de 12 000 000 $ de la Caisse Desjardins ayant un terme de trois ans. La période d’amortissement du prêt était de 20 ans.
[189] SMLR n’a pas prétendu que les modalités du prêt étaient inhabituelles pour ce type de transaction. Les modalités du prêt démontrent un investissement à long terme qui devait être remboursé en 20 ans.
[190] La Caisse Desjardins a évalué l’immeuble à 15 900 000 $ et a consenti à 4490380 un prêt d’une valeur maximale de 12 000 000 $. Le montant total emprunté par 4490380 est de 8 000 000 $. Compte tenu du coût de construction, 4490380 n’a pas eu besoin de la dernière tranche du prêt de 4 000 000 $.
[191] En 2012, à la demande de 4490380, la Caisse Desjardins a accepté de prolonger la disponibilité de la dernière tranche de 4 000 000 $ du prêt selon les mêmes modalités et conditions que l’offre de financement initiale.
[192] Le 25 septembre 2015, après la vente de l’immeuble, 4490380 a remboursé le montant dû à la Caisse Desjardins, soit 6 841 085 $.
[193] Les faits relatifs au prêt hypothécaire tendent à démontrer que 4490380 n’avait pas l’intention d’être propriétaire de l’immeuble pour une courte période.
(7) La période pendant laquelle l’immeuble a été détenu par 4490380
[194] L’immeuble a été acquis en automne 2008 et les travaux de construction ont été substantiellement terminés en 2011. L’immeuble a été vendu en février 2015; il a donc été détenu pendant sept ans, ce qui comprend une période d’exploitation de plus de trois ans.
[195] Ces faits tendent à démontrer que l’intention de M. Ouellette était d’acquérir l’immeuble afin de générer des revenus locatifs, et non de le revendre au moment de son acquisition.
(8) La preuve que l’intention de 4490380 a changé après l’achat de l’immeuble
[196] Les témoignages de MM. Ouellette, Tremblay et Gerfraux permettent de conclure à un changement d’intention après l’achat de l’immeuble. Le changement d’intention des actionnaires de 4490380 est directement lié aux actions de M. Charron. Il est clair qu’un mandat de vente très limité lui a été accordé par M. Ouellette, mais uniquement à la suite des démarches entreprises par M Charron, de sa propre initiative, afin de pouvoir obtenir des offres d’achat pour l’immeuble.
[197] Contrairement à ce que soutient SMLR dans sa réponse à l’avis d’appel, la preuve démontre que M. Ouellette n’est pas celui qui a entrepris le processus de vente de l’immeuble[393]. La preuve démontre que 4490380 a vendu l’immeuble pour les raisons suivantes :
-
1 -L’insistance avec laquelle M. Charron a tenté de convaincre M. Ouellette de mettre l’immeuble en vente. La preuve démontre que ce sont MM. Thompson et Charron qui ont contacté M. Ouellette pour le convaincre de mettre l’immeuble en vente; M. Charron a communiqué à de multiples reprises avec M. Ouellette à ce sujet. C’est aussi M. Charron qui a trouvé un acheteur pour l’immeuble, même s’il n’avait pas obtenu de mandat de M. Ouellette et même si celui-ci a peu collaboré au processus. Voilà pourquoi M. Charron a qualifié ce mandat de très particulier. Il l’a d’ailleurs accepté sans que M. Ouellette ait convenu de lui verser une commission. M. Charron a donc travaillé à la vente de l’immeuble sans contrat et sans garantie d’obtenir une commission. En outre, M. Ouellette a uniquement chargé M. Charron de discuter avec Huntington; l’immeuble n’a pas été mis en vente sur le marché et sa vente n’a pas été publicisée.
-
2 -L’offre d’achat non sollicité de Huntington.
-
3 -Le montant de l’offre d’achat de Huntington.
-
4 -La volonté de M. Gerfraux de vendre l’immeuble. M. Gerfraux était l’actionnaire qui avait de loin la plus grande aversion au risque et, selon lui, l’exploitation de l’immeuble était en péril. Il s’inquiétait de l’impact des suppressions de postes au gouvernement fédéral lors du renouvellement des baux du gouvernement. De plus, il était le plus jeune des actionnaires et le moins à l’aise financièrement. Il trouvait attrayantes l’offre d’achat et la possibilité de réaliser un profit immédiat et substantiel.
-
5 -Le changement de zonage affectant la phase 2 et 3 du projet le rendait moins attrayant dans son ensemble.
b) Les autres facteurs pertinents
[198] La Cour a déterminé que les facteurs suivants sont aussi pertinents :
-
-La qualité des matériaux utilisés pour la construction de l’immeuble;
-
-La situation financière de 4490380 entre 2008 et 2015.
(1) La qualité des matériaux utilisés pour la construction de l’immeuble
[199] La preuve démontre que certains des matériaux choisis par 4490380 pour la construction de l’immeuble l’ont été pour assurer sa durabilité à long terme, et que certains des équipements choisis par 4490380 pour la construction de l’immeuble l’ont été pour réduire les coûts d’exploitation.
[200] M. Tremblay est l’actionnaire de 4490380 qui était responsable de la construction de l’immeuble. Selon son témoignage, certains choix relatifs aux matériaux et équipements utilisés pour la construction de l’immeuble découlent de l’intention des actionnaires de conserver l’immeuble pour une longue période. M. Tremblay a donné l’exemple du système de ventilation, des ascenseurs, des fenêtres et de la toiture[394].
[201] Selon M. Tremblay, pour ce type d’immeuble, le constructeur a le choix d’installer un système de ventilation très performant ou non. Un système performant a un meilleur rendement et récupère la chaleur, ce qui permet de diminuer les coûts de chauffage et de climatisation. Ce type de système nécessite un investissement assez important à l’achat, mais celui-ci sera rentabilisé à long terme étant donné la baisse des frais d’exploitation. M. Tremblay a fait installer un tel système dans l’immeuble[395].
[202] Concernant les ascenseurs, M. Tremblay a dit que l’entretien des ascenseurs coûte cher et qu’il s’agit d’un facteur important à prendre en considération au moment de choisir le fournisseur. Pour cette raison, lorsque l’on compte garder un immeuble à long terme, il n’est pas nécessairement préférable de choisir le plus bas soumissionnaire si le contrat d’entretien doit lui être octroyé. Selon l’expérience de M. Tremblay, il est possible d’épargner entre 10 000 $ et 20 000 $ en achetant ses ascenseurs du plus bas soumissionnaire; cependant, le coût du contrat d’entretien peut être le double comparativement à un autre soumissionnaire. Par conséquent, à long terme, le coût de l’entretien effectué par le plus bas soumissionnaire pourrait effacer les économies réalisées à l’achat. C’est pourquoi M. Tremblay a décidé de payer les ascenseurs un peu plus chers pour avoir un contrat d’entretien plus avantageux à long terme[396].
[203] Quant aux fenêtres, M. Tremblay explique que l’installation de fenêtres plus performantes diminue les coûts de climatisation et de chauffage d’un immeuble. Ces fenêtres coûtent plus cher à l’achat, mais à long terme, les frais de climatisation et de chauffage sont largement inférieurs. M. Tremblay a fait installer des fenêtres performantes pour cette raison[397].
[204] Pour la toiture, lors de la période où l’immeuble a été construit, une toiture en goudron pouvait être installée à un coût moindre, mais elle aurait dû être refaite après 15 ans. Selon M. Tremblay, une toiture en membrane soudée, plus performante et plus chère, a une durée de vie d’au moins 25 ans et est plus économique à long terme. M. Tremblay a fait installer ce type de toiture sur l’immeuble[398].
[205] Ces faits tendent à démontrer que l’intention de 4490380 était d’en être propriétaire pour une longue période.
(2) La situation financière de 4490380 entre 2008 et 2015
[206] Pour l’exercice se terminant le 30 septembre 2012, l’exploitation de l’immeuble a généré des liquidités de 96 958 $. Selon le témoignage de Mme Côté et les états financiers de 4490380, 4490380 a dégagé un bénéfice à partir de 2012. Pour l’exercice se terminant le 30 septembre 2013, l’exploitation de l’immeuble a généré des liquidités de 271 892 $, et ce, alors qu’il était loué à 65 %[399].
[207] Pour l’exercice terminé le 30 septembre 2014, l’immeuble a généré des liquidités de 674 785 $, alors que la somme de 346 296 $ seulement était nécessaire pour rembourser la dette à long terme[400].
[208] Pour l’exercice terminé le 30 septembre 2015, un bénéfice net comptable de 562 354 $ avant impôt a été dégagé, et des liquidités de près de 1 000 000 $ ont été générées[401].
[209] Selon la preuve, les pertes nettes comptables figurant aux états financiers de 4490380 pour les exercices de 2012 et 2013 sont dues à l’amortissement comptable de l’immeuble. En 2012 et 2013, l’immeuble générait un bénéfice net une fois cet amortissement exclu.
[210] Du prêt de 8 000 000 $ obtenu de Desjardins[402] au cours de l’exercice terminé le 30 septembre 2012, la somme de 1 158 914 $ a été remboursée. Le solde du prêt au moment de la disposition de l’immeuble s’élevait à 6 841 086 $[403]. Une partie du capital-actions émis a aussi été rachetée[404].
[211] La majeure partie des sommes dues à Boless a été acquittée lorsque le prêt de Desjardins a été versé. Cependant, dans l’année qui a précédé, Boless avait facturé la somme de 1 693 125 $ à 4490380, qui a payé 1 020 000 $. Pendant les années où 4490380 a détenu l’immeuble, son exploitation a généré un revenu net fiscal de 1 961 672 $[405].
[212] Ces faits démontrent que l’exploitation de l’immeuble était rentable. De plus, rien n’indique qu’au moment de l’acquisition de l’immeuble, son exploitation ne serait pas rentable et que, par conséquent, il devrait être vendu à court terme.
3. Conclusion
a) La conclusion de la Cour
[213] La Cour a conclu qu’il n’existe aucune raison de douter de la crédibilité des actionnaires 4490380. La Cour a aussi conclu que l’intention déclarée de 4490380 est vraisemblable.
[214] La Cour doit maintenant déterminer si les circonstances incluant les facteurs pertinents jettent un doute sur la version des faits présentée par MM. Ouellette, Tremblay et Gerfaux à la Cour.
[215] L’intention des actionnaires de 4490380 au moment de l’acquisition de l’immeuble est le facteur le plus important. La Cour est d’avis que les témoignages de MM. Ouellette, Tremblay et Gerfraux étaient tous crédibles. En résumé, ces trois témoins ont dit à la Cour que l’intention de 4490380 au moment de l’acquisition de l’immeuble était de faire un investissement à long terme. Aucun plan n’a été fait à ce moment pour vendre l’immeuble advenant certaines circonstances.
[216] Quant aux facteurs pertinents, la Cour conclut que ces facteurs ne jettent pas de doute sur ces témoignages. Par conséquent, ces témoignages sont suffisants pour établir que l’intention primaire de 4490380 au moment de l’acquisition de l’immeuble était de faire un investissement à long terme, et non pas de vendre l’immeuble à profit. Ces témoignages sont aussi suffisants pour établir que 4490380 n’avait pas l’intention secondaire au moment de l’acquisition de l’immeuble de le revendre à profit si une occasion intéressante se présentait.
[217] Selon la prépondérance des probabilités, l’acquisition de l’immeuble par 4490380 n’était pas un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial. La Cour est arrivée à de telles conclusions parce que la preuve présentée en lien avec les facteurs pertinents démontre ce qui suit :
-
-L’immeuble faisait partie d’un projet comportant plusieurs phases. Des plans ont été faits en ce sens et des propriétés ont été acquises afin de réaliser les phases subséquentes du projet. Des dépenses supplémentaires ont été effectuées dès le début de la construction de l’immeuble pour entreprendre les travaux et acheter l’équipement nécessaire aux phases futures du projet.
-
-Certains matériaux et équipements utilisés pour la construction de l’immeuble ont été choisis dans le but de construire un immeuble durable et de diminuer les coûts d’exploitation à long terme.
-
-Des démarches visant à louer les locaux disponibles dans l’immeuble ont commencé en février 2009 et se sont poursuivies jusqu’à ce que l’immeuble soit entièrement loué en 2015.
-
-Des démarches ont été entreprises pour faire diminuer les taxes payables par les futurs locataires.
-
-L’immeuble a été acquis en automne 2008 et les travaux de construction ont été substantiellement terminés en 2011. L’immeuble a été vendu en février 2015; il a donc été détenu pendant sept ans, ce qui comprend une période d’exploitation de plus de trois ans.
-
-L’insistance avec laquelle M. Charron a tenté de convaincre M. Ouellette de mettre l’immeuble en vente. La preuve démontre que ce sont MM. Thompson et Charron qui ont contacté M. Ouellette pour le convaincre de mettre l’immeuble en vente; M. Charron a communiqué à de multiples reprises avec M. Ouellette à ce sujet. C’est aussi M. Charron qui a trouvé un acheteur pour l’immeuble, même s’il n’avait pas obtenu de mandat de M. Ouellette et même si celui-ci a peu collaboré au processus. Voilà pourquoi M. Charron a qualifié ce mandat de très particulier. Il l’a d’ailleurs accepté sans que M. Ouellette ait convenu de lui verser une commission. M. Charron a donc travaillé à la vente de l’immeuble sans contrat et sans garantie d’obtenir une commission. En outre, M. Ouellette a uniquement permis à M. Charron de discuter avec Huntington; l’immeuble n’a pas été mis en vente sur le marché et sa vente n’a pas été publicisée.
-
-L’offre d’achat de Huntington n’a pas été sollicitée.
-
-La volonté de M. Gerfraux de vendre l’immeuble. M. Gerfraux était l’actionnaire qui avait de loin la plus grande aversion au risque et, selon lui, l’exploitation de l’immeuble était en péril. Il s’inquiétait de l’impact des suppressions de postes au gouvernement fédéral lors du renouvellement des baux du gouvernement. De plus, il était le plus jeune des actionnaires et le moins à l’aise financièrement. Il trouvait attrayantes l’offre d’achat et la possibilité de réaliser un profit immédiat et substantiel.
-
-Le changement de zonage affectant la phase 2 et 3 du projet le rendait moins attrayant dans son ensemble.
[218] La Cour est donc d’avis que l’ensemble des circonstances ne permet pas d’inférer que 4490380 avait, au moment de l’acquisition de l’immeuble, l’intention primaire de le revendre à profit ou l’intention secondaire de le revendre à profit si une occasion intéressante se présentait.
[219] La preuve démontre que le changement d’intention de 4490380 a eu lieu à la suite d’une offre d’achat non sollicitée présentée plusieurs années après l’acquisition de l’immeuble. Le fait que ce soit M. Charron qui ait contacté à plusieurs reprises M. Ouellette pour lui proposer de mettre l’immeuble en vente et non pas le contraire démontre que l’offre qui a été reçue était indépendante de la volonté de 4490380 et ne démontre certainement pas qu’elle avait l’intention secondaire de le revendre à profit au moment de son acquisition.
[220] Même si M. Ouellette a fini par autoriser M. Charron à faire des démarches auprès de l’acheteur potentiel, ceci ne change rien au fait que M. Ouellette n’a jamais fait de démarche pour vendre l’immeuble de sa propre initiative. Il n’y a aucune preuve soutenant la conclusion que la perspective de revente à profit a joué un rôle dans la décision d’acquérir l’immeuble. Comme mentionné dans la décision Racine, le seul fait qu’une personne qui achète une propriété dans le but de l’utiliser à titre de capital pourrait être induite à la revendre si un prix suffisamment élevé lui était offert n’est pas suffisant pour changer une acquisition de capital en une initiative d’une nature ou à caractère commercial.
b) Les arguments de SMLR
[221] SMLR soutient que l’intention première de 4490380 au moment de l’acquisition de l’immeuble n’était pas de construire un bâtiment afin de l’exploiter, mais plutôt de le revendre à profit à court ou à moyen terme.
[222] SMLR soutient aussi que si l’intention première de 4490380 était d’exploiter l’immeuble, son intention secondaire était de le revendre à profit si l’occasion se présentait.
[223] Selon SMLR, l’ensemble des circonstances permet à la Cour de conclure que 4490380 avait au moment de l’acquisition de l’immeuble l’intention primaire de revendre l’immeuble à profit ou, à tout le moins, l’intention secondaire de le revendre si les circonstances s’y prêtaient. SMLR soutient que plusieurs faits ou circonstances soutiennent une telle conclusion, les principaux sont les suivants:
-
-Aucune analyse de rentabilité du projet n’a été faite par 4490380;
-
-Discussions entre M. Ouellette et M. Charron concernant la vente de l’immeuble et son prix de vente;
-
-L’ampleur du gain réalisé par 4490380 à la suite de la vente de l’immeuble.
(1) Analyse de rentabilité du projet
[224] SMLR soutient que l’intention déclarée de 4490380 selon laquelle elle souhaitait diversifier ses sources de revenus et exploiter l’immeuble est peu crédible parce qu’elle n’a pas présenté à la Cour lors de l’audience un plan d’affaires ou une analyse de rentabilité en lien avec le projet.
[225] La Cour n’est pas de cet avis. La preuve démontre que le plan des actionnaires de 4490380 était de profiter d’une excellente occasion d’affaires en construisant un immeuble locatif attrayant dans un secteur exceptionnel pour la location de bureaux au gouvernement fédéral. M. Ouellette a dit à la Cour avoir fait une analyse de rentabilité et il a fourni des explications. Les calculs qu’il a faits étaient certes fort simples, mais la preuve ne démontre pas que des calculs plus sophistiqués étaient nécessaires dans les circonstances.
(2) Discussions entre M. Ouellette et M. Charron concernant la vente de l’immeuble et son prix de vente
[226] SMLR soutient que le fait que M. Ouellette a eu des échanges et des discussions avec M. Charron au sujet du prix désiré pour l’immeuble démontre que l’offre n’était pas réellement non sollicitée.
[227] La Cour n’est pas de cet avis. C’est M. Charron qui a trouvé un acheteur potentiel pour l’immeuble, pour ensuite en informer M. Ouellette. Les discussions sur le prix ont eu lieu après que M. Ouellette a appris l’existence d’un acheteur potentiel. Il était tout à fait normal pour M. Ouellette de dire à M. Charron qu’il ne considérerait pas vendre l’immeuble à moins d’un certain prix. Cela ne change pas la nature de l’offre, elle n’était pas sollicitée.
[228] SMLR soutient que ce n’est qu’en juillet 2014, au moment où l’immeuble était sur le point d’être loué en entier qu’il fait l’objet de discussions concernant sa vente, soit au moment où sa valeur était la plus élevée. De plus, l’immeuble était déjà rentable alors il ne faisait pas de sens de le vendre à ce moment.
[229] Étant donné que l’intention déclarée des actionnaires de 4490380 était de conserver l’immeuble à long terme et de faire en sorte que son exploitation soit rentable, il est donc normal que des mesures aient été prises afin de le louer en entier. Quant à l’offre d’achat, la preuve démontre qu’elle n’était pas sollicitée. De plus, il est plausible qu’un immeuble presque entièrement loué et loué en grande partie par le gouvernement fédéral soit plus attrayant pour un acheteur potentiel qu’un immeuble vide. La Cour note que SMLR n’a pas fait témoigner l’acquéreur de l’immeuble pour connaître ses motivations ou obtenir de l’information sur les circonstances entourant l’offre d’achat.
(3) L’ampleur du gain réalisé par 4490380 à la suite de la vente de l’immeuble
[230] À la vente de l’immeuble, 4490380 a réalisé un gain de 9 663 075 $. La Cour n’est pas d’avis que l’ampleur du gain réalisé par 4490380 à la suite de la vente de l’immeuble témoigne d’une intention primaire ou secondaire de revendre l’immeuble à profit au moment de son acquisition. Ce n’est pas parce que le montant du gain est important que cela implique nécessairement que l’acquéreur d’un bien avait l’intention de le revendre à profit au moment de son achat. La preuve démontre, selon la prépondérance des probabilités, que l’ampleur du gain réalisé est liée aux deux facteurs suivants :
-
1 -Le coût de construction de l’immeuble et sa valeur de remplacement.
-
2 -La valeur marchande de l’immeuble.
(a) Le coût de construction de l’immeuble et sa valeur de remplacement
[231] Il n’y a aucune preuve relativement à la valeur de remplacement de l’immeuble au moment de sa vente en 2015. Cependant, selon un rapport d’évaluation d’un évaluateur agréé déposé en preuve et daté du 15 juillet 2011, le coût de remplacement non déprécié du bâtiment (excluant la valeur du terrain) a été établi à 13 703 000 $[406]. Le coût de remplacement inclut le coût de remplacement des améliorations locatives du local occupé par l’école de langue Creusot (472 724 $), qui avait une superficie de 10 143 pieds carrés.
[232] Les travaux de construction ont commencé en septembre 2009 et se sont terminés en septembre 2011. Selon la preuve, le coût total de construction l’immeuble a été d’approximativement 8 704 000 $. Par conséquent, les coûts de construction de l’immeuble ont augmenté d’approximativement 5 000 000 $ en deux ans (13 703 000 $ – 8 704 000 $ = 4 999 000 $). Cela dit, une partie de cette augmentation n’est pas due à une augmentation du coût de construction durant ces deux années, mais plutôt aux économies d’un montant indéterminé réalisées grâce à l’utilisation d’une partie du bâtiment du 72 rue, Laval pour la construction de l’immeuble. Par conséquent, selon toute vraisemblance, l’ampleur du gain réaliser par 4490380 est dû en partie aux faits suivants :
-
-Le coût de construction de l’immeuble a été inférieur à la normale, car une partie des travaux nécessaires a pu être évitée par l’ajout d’étages à un immeuble existant. SMLR n’a pas démontré le contraire.
-
-L’augmentation des coûts de construction entre 2011 et 2015 (inflation normale). SMLR n’a pas démontré le contraire.
[233] De plus, la preuve ne démontre pas que la marge de profit appliquée par Boless a un grand impact sur le gain réalisé par 4490380. La preuve démontre seulement que Boless a appliqué une marge de profit de 3,23 %, ce qui est inférieur à sa marge de profit habituelle, qui se situe entre 4 % et 5 %.
(b) La valeur marchande de l’immeuble
[234] Il n’y a aucune preuve de la valeur marchande de l’immeuble au moment de sa vente en 2015. Cependant, selon un rapport d’évaluation, la valeur marchande de l’immeuble au 23 juin 2011 a été établie à 15 900 000 $.[407] Il est probable que le prix de vente de l’immeuble en 2015 correspondait approximativement à sa valeur marchande pour les raisons suivantes :
-
-Dans le rapport d’évaluation de l’immeuble, les aménagements internes de l’immeuble ont été pris en considération et il a fait augmenter sa valeur. Il est plausible que la valeur des améliorations apportées par TPSGC après 2011 et qui a été estimée à 2 500 000 $ ou 3 500 000 $ par M. Ouellette ait contribué à faire augmenter sa valeur.
-
-Dans le rapport d’évaluation de l’immeuble, le taux d’occupation et l’identité des locataires principaux ont été pris en compte. Il est plausible que le fait que l’immeuble était presque entièrement occupé au moment de sa vente a fait augmenter sa valeur marchande.Il est plausible que le fait que TPSGC était le locataire principal de l’immeuble et avait un bail de longue durée a fait augmenter sa valeur marchande.
-
-Il est aussi raisonnable de conclure qu’entre 2011 et 2015, la valeur du terrain a augmenté, comme il est raisonnable de conclure qu’entre 2011 et 2015, les coûts de construction ont augmenté, ne serait-ce qu’en raison de l’inflation. L’immeuble étant presque neuf en 2015, la dépréciation ne pouvait qu’être minimale.
-
-La valeur des immeubles comparables sur le marché.
(c) Le caractère exceptionnel de l’offre d’achat
[235] SMLR remet aussi en question le caractère exceptionnel de l’offre d’achat. Comme il s’agit d’un motif important de la vente de l’immeuble selon M. Ouellette, le contraire affecterait sa crédibilité. Selon SMLR, il pourrait être conclu que l’immeuble a probablement été vendu à sa juste valeur marchande, rien de plus.
[236] La Cour est d’avis que compte tenu de la preuve, SMLR a probablement raison. Il est plausible que l’offre d’achat n’avait rien d’exceptionnel compte tenu de la valeur marchande de l’immeuble. Cela dit, ceci n’affecte pas la crédibilité de M. Ouellette. M. Ouellette a dit à la Cour que l’offre d’achat était exceptionnelle. SMLR n’a pas demandé à M. Ouellette lors de son contre-interrogatoire pourquoi, selon lui, l’offre d’achat était exceptionnelle. La Cour ne peut que conclure que l’offre d’achat était exceptionnelle aux yeux de M. Ouellette.
VII. CONCLUSION
[237] Pour les motifs énoncés ci-dessus, la Cour conclut que l’acquisition de l’immeuble par 4490380 n’était pas une opération qui comportait un risque ou une affaire de caractère commercial.
[238] Par conséquent, la Cour conclut que le ministre a déterminé à tort que la somme de 9 663 075 $ correspondant au profit réalisé lors de la vente de l’immeuble constituait un revenu d’entreprise. La Cour conclut que la somme de 9 663 075 $ constitue un gain en capital.
[239] L’appel est accueilli avec dépens.
Signé à Ottawa, Ontario, ce 23e jour d’octobre 2025.
«Sylvain Ouimet»
Juge Ouimet
|
RÉFÉRENCE : |
|
|
Nº DU DOSSIER DE LA COUR : |
|
|
INTITULÉ : |
|
|
LIEU DE L’AUDIENCE : |
|
|
DATE DE L’AUDIENCE : |
|
|
MOTIFS DE JUGEMENT : |
|
|
DATE DU JUGEMENT : |
COMPARUTIONS :
|
Me Aicha Nafii Me Pascale Desmarais |
|
|
Avocats de l’intimé : |
Me Anne Poirier Me Christian Lemay |
AVOCATES INSCRITES AU DOSSIER :
|
Noms : |
Me Pascale Desmarais Montréal, Québec |
|
Cabinet : |
Deloitte Legal Canada |
|
Pour l’intimé : |
Shalene Curtis-Micallef Sous-procureure générale du Canada Ottawa, Canada |
[1] Réponse à l’avis d’appel, par. 35.
[2] Avis
+d’appel, par. 5 et 79f; Réponse à l’avis d’appel, par. 82.
[3] Entente partielle sur les faits, par. 3; Réponse à l’avis d’appel, par. 40.
[4] Loi sur les compagnies, RLRQ, c. C-38.
[5] Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1; Entente partielle sur les faits, par. 1.
[6] Entente partielle sur les faits, par. 4; Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 48.
[7] Réponse à l’avis d’appel, par. 46.
[8] Entente partielle sur les faits, par. 5.
[9] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 71.
[10] Entente partielle sur les faits, par. 2.
[11] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 60.
[12] Ibid., p. 60 et 65.
[13] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 55.
[14] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 69.
[15] Ibid.
[16] Ibid., p. 133 et 134.
[17] Ibid., p.135 à 137.
[18] Pièce A1-3.
[19] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 74.
[20] Ibid., p. 86.
[21] Réponse à l’avis d’appel, par. 81.
[22] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 75.
[23] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 87.
[24] Ibid., p. 88.
[25] Ibid..
[26] Ibid., p. 92.
[27] Ibid., p. 92 à 100.
[28] Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44 [LCSA]; Entente partielle sur les faits, par. 15.
[29] Entente partielle sur les faits, par. 20.
[30] Ibid. 16.
[31] Entente partielle sur les faits, par. 17. Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 58; Pièces I-1et I-2.
[32] Entente partielle sur les faits, par. 18.
[33] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 69 et 70.
[34] Ibid., p. 55, 56 et 70.
[35] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 167; Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 113; Entente partielle sur les faits, par. 11.
[36] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 158 et 165.
[37] Entente partielle sur les faits, par. 8 et 9.
[38] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 106.
[39] Ibid., p. 44, 108 et 110.
[40] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 120; Entente sur les faits, par. 2.
[41] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 106.
[42] Ibid., p. 130.
[43] Ibid., p. 184 à 187.
[44] Ibid., p. 167 à 169.
[45] Entente partielle sur les faits, par. 14.
[46] Ibid., par. 21.
[47] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 129.
[48] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 171.
[49] Entente partielle sur les faits, par. 23 et 24.
[50] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 259.
[51] Entente partielle sur les faits, par. 25.
[52] Entente partielle sur les faits, par. 27; Transcription de l’audience du 16 janvier 2023 à la page 263, lignes 12-13.
[53] Entente partielle sur les faits, par. 27.
[54] Pièces A-1(61) et A-1(62).
[55] Pièce A-1(86).
[56] Pièce A-1(87).
[57] Pièce A-1(91)
[58] Pièces A-1(92) et A-1(93).
[59] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 183.
[60] Ibid., p. 63, 135 et 186.
[61] Ibid., p. 135.
[62] Ibid., p. 64.
[63] Ibid., p. 135.
[64] Ibid., p. 252 et 253.
[65] Transcription de l’audience du 19 janvier 2023, p. 50 à 60.
[66] Entente partielle sur les faits, par. 30.
[67] Ibid., par. 31.
[68] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 51.
[69] Ibid., p. 23 et 24.
[70] Ibid., p. 24.
[71] Ibid., p. 25, 27 et 28.
[72] Ibid., p. 164 et 165.
[73] Ibid., p. 60 et 164.
[74] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 194.
[75] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 7 et 8.
[76] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 195 à 200, 203.
[77] Ibid., p. 217 et 222.
[78] Ibid., p. 222 et 223.
[79] Transcription de l’audience du 19 janvier 2023, p. 12.
[80] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 215 et 216.
[81] Ibid., p. 217 et 218.
[82] Entente partielle sur les faits, par. 43 et 44; Pièce A-1(122); Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 10.
[83] Pièce A-1(122), p. 1807, clause 1.7, p. 1820, clause 2 de l’annexe « Conditions générales spécifiques aux prêts et aux prêts fractionnés ».
[84] Entente partielle sur les faits, par. 45 et 48.
[85] Ibid., par. 51.
[86] Ibid., par. 48, 50 et 51; Pièce A-1(1), p. 43 et 48; Pièce A-1(125), p. 1834, clause 2.1.
[87] Pièce A-1(125), p. 1836, clause 3.
[88] Ibid., clause 5.
[89] Entente partielle sur les faits, par. 52; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 265.
[90] Entente partielle sur les faits, par. 52.
[91] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 158 et 161.
[92] Ibid., p. 161.
[93] Ibid.
[94] Entente partielle sur les faits, par. 28; Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 245 et 246.
[95] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 250, lignes 9 à 12.
[96] Entente partielle sur les faits, par. 29.
[97] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 251 et 252; Pièce A1-54.
[98] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 254.
[99] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 52 à 55.
[100] Ibid., p. 58.
[101] Ibid., p. 58 et 59; Pièce A1-56.
[102] Entente partielle sur les faits, par 35 et 36; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 47, 84 et 85; Pièce A1-58.
[103] Entente partielle sur les faits, par. 39 et 41.
[104] Entente partielle sur les faits, par. 47.
[105] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 220 et 221.
[106] Ibid., p. 224.
[107] Ibid.
[108] Ibid., p. 224 et 225; Pièce A1-(83), p.1013.
[109] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p.225.
[110] Entente partielle sur les faits, par. 49.
[111] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 264.
[112] Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 172.
[113] Ibid., p. 178.
[114] Ibid., p. 244.
[115] Ibid..
[116] Entente partielle sur les faits, par. 53.
[117] Ibid., par. 54.
[118] Ibid., par. 55.
[119] Ibid., par. 64.
[120] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 266.
[121] Entente partielle sur les faits, par. 65.
[122] Ibid., par 34. Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 45.
[123] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 85, 89 et 90.
[124] Ibid., p. 93 et 95.
[125] Ibid., p. 126 à 128; Pièce A1-108.
[126] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 98, 126 et 127.
[127] Ibid., p. 127, 143, 152 et 153; Pièce A1-(112),
[128] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 152 à 154.
[129] Ibid., p. 93 et 135.
[130] Ibid., p. 130.
[131] Ibid., p. 128 à 131.
[132] Ibid., p. 138 à 147.
[133] Ibid., p. 142 et 143.
[134] Entente partielle sur les faits, par. 37 et 38.
[135] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 95 et 96.
[136] Ibid., p. 90, 91 et 101.
[137] Ibid., p. 103 et 105.
[138] Ibid., p. 218 et 219; Pièce A1-74.
[139] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 219 et 220; Pièce A1-78.
[140] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 238.
[141] Pièce DA-1
[142] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 239.
[143] Ibid., p. 240 et 241.
[144] Ibid., p. 240.
[145] Ibid., p. 221 et 222; Pièce A1(81), p. 1013.
[146] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 164.
[147] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 67 et 272.
[148] Ibid., p. 271 et 272.
[149] Ibid., p. 273 et 274; Pièce I-3.
[150] Transcription de l’audience du 19 janvier 2023, p. 17.
[151] Ibid., p. 38 à 46, 52.
[152] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 10.
[153] Ibid., p. 7 et 12
[154] Ibid., p. 12 et 16.
[155] Ibid., p. 10 à 15.
[156] Ibid., p. 275.
[157] Ibid., p. 276 à 281.
[158] Ibid., p. 281.
[159] Ibid., p. 283 et 284.
[160] Transcription de l’audience du 19 janvier 2023, p. 202.
[161] Ibid., p.195.
[162] Ibid., p. 200 et 201.
[163] Ibid., p. 196 et 201.
[164] Ibid., p. 208.
[165] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 286; Transcription du 19 janvier 2023, p. 208 et 209.
[166] Transcription de l’audience du 19 janvier 2023, p. 209.
[167] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 286.
[168] Transcription de l’audience du 19 janvier 2023, p. 213 et 214.
[169] Ibid., p. 210 et 211.
[170] Ibid., p. 223.
[171] Ibid., p. 219 à 221.
[172] Ibid., p. 224 et 225.
[173] Ibid., p. 225, 226 et 269.
[174] Ibid., p. 269 et 270.
[175] Entente partielle sur les faits, par. 60; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 293 et 294.
[176] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 300.
[177] Ibid., p. 295 et 300.
[178] Ibid., p. 300 et 301.
[179] Ibid., p. 301 et 302.
[180] Ibid., p. 292 et 293.
[181] Ibid., p. 302 et 303.
[182] Entente partielle sur les faits, par. 61; Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 19 à 21.
[183] Entente partielle sur les faits au par.63; Témoignages du 18 janvier 2023, p. 21 et 22.
[184] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 22, 24 et 26.
[185] Ibid., p. 23.
[186] Ibid., p. 26 à 29.
[187] Ibid., p. 40.
[188] Ibid., p. 34.
[189] Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 298.
[190] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 33, 40 et 41.
[191] Ibid., p. 37 à 42.
[192] Transcription de l’audience du 19 janvier 2023, p. 217.
[193] Ibid., p. 224.
[194] Ibid., p. 218.
[195] Ibid., p. 219.
[196] Ibid., p. 218.
[197] Ibid., p. 229.
[198] Transcription de l’audience du 18 janvier 2023, p. 31.
[199] Ibid., p. 34.
[200] Ibid., p. 42.
[201] Entente partielle sur les faits, par. 67.
[202] Ibid., par. 67 et 69.
[203] Ibid., par. 1.
[204] Ibid., par. 2.
[205] Ibid., par. 8.
[206] Ibid., par. 3.
[207] Ibid., par. 6.
[208] Ibid., par. 7.
[209] Ibid., par. 4.
[210] Ibid., par .5
[211] 154135 Canada Inc. c. La Reine, [1998] A.C.I. no 245 [154135 Canada].
[212] Argumentation écrite de l’appelante, par. 14.
[213] Ibid., par. 16.
[214] Ibid., par 17 et 18; Procon Mining and Tunnelling Ltd. v. Canada, 2024 FCA 1 [Procon].
[215] Morguard Corporation c. La Reine, 2012 CCI 55 [Morguard].
[216] Glencore Canada Corporation c. La Reine, 2021 CCI 63 [Glencore].
[217]Johns-Manville Canada c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46 [Johns-Manville].
[218] Canada Safeway Ltd. c Canada, 2008 CAF 24 [Canada Safeway].
[219] Argumentation écrite de l’appelante, par 23.
[220] Ibid., par. 27.
[221] Ibid., par. 25.
[222] Ibid., par. 26.
[223] Ibid., par. 29.
[224] Araz Developments Inc. c. Canada, [1993] A.C.I. no 276 (CCI) [Araz], par. 8; Argumentation écrite de l’appelante, par. 31.
[225] 154135 Canada, par. 62.
[226] Kourdi c. Canada, [1996] A.C.I. no 417 (conf. par [1999] A.C.F. no 681), par. 19.
[227] Argumentation écrite de l’appelante, par. 32.
[228] Happy Valley Farms Ltd v. M.N.R., [1986] C.T.C. 259 (CF, division de première instance), par.14 [Happy Valley]
[230] Ibid., par. 87.
[231] Ibid., par. 80 et 81.
[232] Ibid., par. 102; Pièce A-1(143), p. 3180.
[233] Argumentation écrite de l’appelante, par. 102; Pièce A-1(144), p. 3215.
[234] Argumentation écrite de l’appelante, par. 102; Pièce A-1(145), p. 3258.
[235] Argumentation écrite de l’appelante, par. 102; Pièce A-1(146), p. 3286.
[236] Argumentation écrite de l’appelante, par. 102; Pièce A-1(147), p. 3320.
[237] Argumentation écrite de l’appelante, par. 102; Pièce A-1(148), p. 3349.
[238] Argumentation écrite de l’appelante, par. 102; Pièce A-1(149), p. 3381.
[239] Argumentation écrite de l’appelante, par. 102; Pièce A-1(1), p. 25.
[240] Immeubles M.H.T. Ltée c. M.N.R., [1992] A.C.I. no 230 [Immeubles M.H.T.].
[241] Argumentation écrite de l’appelante, par. 102; Immeubles M.H.T., par. 28
[242] Argumentation écrite de l’appelante, par. 107; Avis d’appel, par. 34 et 35; Réponse à l’avis d’appel, par. 18 et 19; Entente partielle sur les faits, par. 28, 29, 35, 36, 39, 41, 49, 53, 54, 55 et 65.
[243] Argumentation écrite de l’appelante, par. 109; Pièce A-1(30), p. 319.
[244] Argumentation écrite de l’appelante, par. 109; Pièce A-1(31), p. 325.
[245] Argumentation écrite de l’appelante, par. 109; Pièces A-1(31) à A-1(38).
[246] Argumentation écrite de l’appelante, par. 110; Pièce A-1(38), p. 360.
[247] Argumentation écrite de l’appelante, par. 111; Entente partielle sur les faits, par. 28; Pièce A-1(52).
[248] Argumentation écrite de l’appelante, par. 112; Pièce A-1(52), p. 470 et 471.
[249] Argumentation écrite de l’appelante, par. 113; Pièce A-1(54), p. 486.
[250] Argumentation écrite de l’appelante, par. 114; Entente partielle sur les faits, par. 29; Pièce A-1(53).
[251] Argumentation écrite de l’appelante, par. 114; Pièces A-1(74) à A-1(78), A-1(84), A-1(85), A-1(88) et A-1(89).
[252] Argumentation écrite de l’appelante, par. 114; Pièces A-1(79) et A-1(82).
[253] Argumentation écrite de l’appelante, par. 114; Pièce A-1(83).
[254] Argumentation écrite de l’appelante, par. 114; Pièce A-1(94).
[255] Argumentation écrite de l’appelante, par. 114; Pièces A-1(65), A-1(80), A-1(81), A-1(86), A-1(87) et A-1(91) à A-1(93).
[256] Argumentation écrite de l’appelante, par. 115; Pièce A-3, 4490380 Canada Inc. c. Ville de Gatineau, 2014 QCTAQ 02731.
[257] Argumentation écrite de l’appelante, par. 116; Di Renzo c. Canada, [1994] A.C.I. no 78 [Di Renzo]
[258] Di Renzo., par. 12 et 29
[259] Argumentation écrite de l’appelante, par. 117-118; Entente partielle sur les faits, par. 7, 25 à 27; Pièces A-1(21) à A-1(28);
[260] Argumentation écrite de l’appelante, par. 119-120; Pièce A-1(55).
[261] Argumentation écrite de l’appelante, par. 121; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 24 à 28; Pièces A-1(45), A-1(46) et A-1(48); Pièce A-1(55).
[262] Argumentation écrite de l’appelante, par. 123; Pièces A-1(61) et A-1(62); Pièce A-1(86); Pièce A-1(87); Pièce A-1(91); Pièces A-1(92) et A-1(93).
[263] Argumentation écrite de l’appelante, par. 126-128; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 89 et 93; Entente partielle sur les faits, par. 8, 9 et 34.
[264] Argumentation écrite de l’appelante, par. 129; Entente partielle sur les faits, par. 30, 31 et 36; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 85.
[265] Argumentation écrite de l’appelante, par. 130 à 132; Entente partielle sur les faits, par. 37 et 38; Pièces A-1(102) et A-1(103); Pièces A-1(105) à A-1(107).
[266] Argumentation écrite de l’appelante, par. 135.
[267] Leasehold Construction Corp v. Canada, [1995] 2 CTC 188 (CF, division de première instance) [Leasehold], par. 14
[268] Argumentation écrite de l’appelante, par. 138; Transcription de l’audience du 13 mai 2024.
[269] Argumentation écrite de l’appelante, par. 139 à 144; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 217; Pièce A-1(122) p. 1806 à 1812, 1820; Entente partielle sur les faits, par. 43 à 46; Pièce A-1(124).
[270] Argumentation écrite de l’appelante, par. 145 et 146; Pièce A-1(122), p. 1807.
[271] Argumentation écrite de l’appelante, par. 147; Entente partielle sur les faits, par. 46; Pièce A-1(122), p. 1808 et 1810.
[272] Argumentation écrite de l’appelante, par. 148 et 149; Pièce A-1(122), p. 1812.
[273] Argumentation écrite de l’appelante, par. 150 et 151; Pièce A-1(122); Entente partielle sur les faits, par. 48, 50 et 51; Pièce A-1(1) p. 43 et 48; Pièce A-1(125) p. 1834.
[274] Leasehold, par. 14.
[275] Araz, par. 20 et 31.
[276] Argumentation écrite de l’appelante, par. 152 à 154; 154135 Canada, par. 61 à 63.
[277] Argumentation écrite de l’appelante, par. 155; Témoignage de l’audience du 16 janvier 2023, p. 167 à 169).
[278] Argumentation écrite de l’appelante, par. 156 et 157; Entente partielle sur les faits, par. 35, 36, 39, 41, 45, 46, 47 et 49; Pièce A-1(1), p. 59; Pièce A-1(44); Pièces A-1(56), A-1(57) et A-1(58); Pièces A-1(68), A-1(69) et A-1(71); Pièces A-1(60) et A-1(90).
[279] Argumentation écrite de l’appelante, par. 158-159; Araz, par. 20 et 31.
[280] Argumentation écrite de l’appelante, par. 160 et 161.
[281] Argumentation écrite de l’appelante, par. 162; Entente partielle sur les faits, par. 57; Pièce A-1(1), p. 33 et 58.
[282] Argumentation écrite de l’appelante par 163 et 164. Entente partielle sur les faits, par. 53, 54 et 68; Pièce A-1(1), p. 71 et 74; Pièce A-1(1), p. 73 et 78; Pièces A-1(95) et A-1(96).
[283] Québec (Sous-Ministre du Revenu) c. Luger, [1987] J.Q. no 1202 (CAQ) [Luger].
[284] Argumentation écrite de l’appelante, par. 165-166; Entente partielle sur les faits, par. 57 et 70.
[285] Argumentation écrite de l’appelante, par. 167; Araz, par. 20.
[286] Argumentation écrite de l’appelante, par. 168; Entente partielle sur les faits, par. 58; Pièce A-1(157).
[287] Argumentation écrite de l’appelante, par. 169; Pièce A-1(157)
[288] Argumentation écrite de l’appelante, par. 170.
[289] Argumentation écrite de l’appelante, par. 171-172; Entente partielle sur les faits, par. 57; Pièce A-1(1), p. 33 et 77.
[290] Argumentation écrite de l’appelante, par. 173-175; Entente partielle sur les faits, par. 55, 64, 65 et 70; Pièce A-1(1) p. 86 et 90; Pièces A-1(97) et A-98.
[291] Argumentation écrite de l’appelante, par. 175; Entente partielle sur les faits, par. 52 et 68.
[292] Argumentation écrite de l’appelante, par. 176.
[293] Argumentation écrite de l’appelante, par 177 et 178, Annexe A
[294] Argumentation écrite de l’appelante, par. 181; Transcription de l’audience du 16 janvier 2023, p. 181.
[295] Argumentation écrite de l’appelante, par. 181 et 182; Pièces A-1(52) (Demande de location de TPSGC) et A-1(54).
[296] Argumentation écrite de l’appelante, par. 183; Demande d’aveux, par. 1 à 5; Pièce A-2(DA-1, DA-2); Réponse à la demande d’aveux, par. 1, 2 et 10.
[297] Argumentation écrite de l’appelante, par 184. Demande d’aveux, par. 6 à 13; Pièce A-2(DA-3, DA-4, DA-5); Réponse à la demande d’aveux, par. 3 à 8, 10.
[298] Argumentation écrite de l’appelante, par. 185 et 186; Entente partielle sur les faits, par. 33; Demande d’aveux, par. 1 à 12; Pièce A-2(PDA-1 à DA-4); Pièce A-1(54), p. 487; Réponse à la demande d’aveux, par. 1 à 8, 10.
[299] Argumentation écrite de l’appelante, par. 187; Demande d’aveux, par. 14 à 17; Pièce A-2(DA-6); Réponse à la demande d’aveux, par. 8 et 10.
[300] Argumentation écrite de l’appelante, par. 188; Demande d’aveux, par. 18 à 21; Pièce A-2(DA-7); Réponse à la demande d’aveux, par. 8 et 10.
[301] Argumentation écrite de l’appelante, par. 189. Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 30.
[302] Argumentation écrite de l’appelante, par. 190. Demande d’aveux, par. 23; Pièce A-2(DA-1); Réponse à la demande d’aveux, par. 8 et 10.
[303] Argumentation écrite de l’appelante, par. 194; Demande d’aveux, par. 24; Pièce A-2(DA-8); Réponse à la demande d’aveux, par. 8 et 10; Pièces A-1(74), A-1(78), A-1(84) et A-1(89). Leasehold, par. 14 (sous-paragraphes 5 et 9).
[304] Argumentation écrite de l’appelante, par. 195 et 196; Entente partielle sur les faits, par. 8, 9 et 34; Pièce A-2 (DA-9 à DA-13). Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 133 et 134.
[305] Argumentation écrite de l’appelante, par. 197; Entente partielle sur les faits, par. 37; Pièce A-1(102). Pièces A-1(107); Pièces A-1(112) et A-1(114); Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 93.
[306] Argumentation écrite de l’appelante, par. 198; Entente partielle sur les faits, par. 38; Pièce A-1(103).
[307] Argumentation écrite de l’appelante, par. 199; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 101 et 155.
[308] Argumentation écrite de l’appelante, par 200.
[309] Di Renzo, par. 16.
[310] Araz, par. 21 et 32.
[311] Argumentation écrite de l’appelante, par. 201 et 202.
[312] Argumentation écrite de l’appelante, par. 203 à 205; Entente partielle sur les faits, par. 40, 44 et 60; Pièce A-1(122); Pièces A-1(126) et A-1(131); Pièce A-1(160), p. 3663.
[313] Argumentation écrite de l’appelante, par. 204 à 207; Pièce A-1(1), p. 73 et 79.
[314] Argumentation écrite de l’appelante, par. 208 et 209; Iula c. Canada, [1994] A.C.F. no 1196 (Cour fédérale, section de première instance) [Iula].
[315] Argumentation écrite de l’appelante, par. 211 à 213; Entente partielle sur les faits, par. 60; Pièce A-1(161) [EA-7], p. 3688. Pièce A-1(131), p.1880 et 1892.
[316] Argumentation écrite de l’appelante, par. 214; Transcription de l’audience du 17 janvier 2023, p. 295 à 297.
[317] Argumentation écrite de l’appelante, par. 215 et 216; Entente partielle sur les faits, par. 61; Pièce A-1(132); Pièce A-1(133); Pièce A-1(135); Pièce A-1(138), p. 1913.
[318] Argumentation écrite de l’appelante, par. 217; Transcription de l’audience du 19 janvier 2023, p. 217 et 218.
[319] Argumentation écrite de l’appelante, par. 218.
[320] Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103 [Friesen].
[321] Notes et autorités de l’intimé, p. 7.
[322] Ibid.
[323] Ibid., p. 9.
[324] Ibid.
[325] Ibid., p.10 et 11.
[326] Ibid., p. 11.
[327] Ibid.
[328] Ibid., p. 12.
[329] Ibid., p. 12 et 13.
[332] Ibid., p. 16.
[333] Ibid., p. 16 et 17.
[334] Ibid., p. 19.
[335] Ibid., p. 19.
[336] Ibid., p. 19 et 20.
[337] Ibid., p. 20 et 21.
[338] Ibid., p. 14 et 15.
[339] Ibid., p. 15 et 16.
[340] Ibid., p. 16.
[341] Ibid.
[342] Ibid., p. 22.
[343] Ibid..
[344] Ibid., p. 23.
[345] Ibid., p. 24.
[346] Ibid., p. 25.
[347] Ibid., p. 26.
[348] Ibid.
[349] Ibid., p. 27.
[350] Réponse à l’avis d’appel, p. 10.
[351] Réponse à l’avis d’appel, p. 4 à 10.
[352] Friesen, par. 5.
[353] Ibid.
[354] Ibid., par. 7.
[355] Ibid. par. 36.
[356] Ibid., par. 15.
[357] Hiwako Investments Ltd. v. M.N.R., (1978), 21 NR 220 (CAF).
[358] Ibid., par. 20.
[359] Canada Safeway, par. 61
[360] Ibid.
[361] M.N.R. v. Taylor 56 DTC 1125, (C. de l’Éch.) [Taylor].
[362] Ibid., p. 24 à 26.
[363] Happy Valley, par. 14.
[364] Traduction française tirée de la décision Hansen c. La Reine, 2020 CCI 102, par. 97 [Hansen].
[365] Canada Safeway, par. 42.
[366] Sutton Lumber and Trading Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1953] 2 SCR 77, par. 32.
[367] Ibid., par. 42; voir aussi Regal Heights Ltd. v. Minister of National Revenue, [1960] SCR 902, (CSC), p. 907 [Regal Heights].
[368] Ibid.
[369] Canada Safeway, par. 43; Happy Valley, par. 14 et 15; Jinyan Li, Joanne Magee & J Scott Wilkie, Principles of Canadian Income Tax Law, 9e éd (Toronto, Carswell 2017), par. 11.3, « Projet comportant un risque ou affaire de caractère commercial ».
[370] Peluso c. La Reine, 2012 CCI 153, par. 54 [Peluso].
[371] Canada Safeway, par. 43.
[372] Ibid., par. 61
[373] Ibid.
[374] Racine c. Canada (ministre du Revenu national), [1965] 2 R.C. de l’É. 338, par. 27 [Racine].
[375] Ibid, par. 27 et 28.
[376] Canada Safeway, par. 61.
[377] Ibid.
[378] Snell Farms Ltd. c. Canada (ministre du Revenu national), [1990] A.C.F. no 1004 [Snell Farms].
[379] Ibid, par. 22.
[380] Friesen, par. 16
[381] Snell Farm, par. 20; Hansen, par. 99.
[382] Voir notamment Crystal Glass Canada Ltd. c. Canada, [1989] A.C.F. no 113 et Snell Farms.
[383] Canada Safeway, par. 61.
[384] Ibid., par. 44.
[385] Ibid., par. 51.
[386] Ibid., par. 61
[387] Staltari c. La Reine, 2015 CCI 123.
[388] Ibid, par. 77.
[389] Entreprises Ludco Ltée. c. Canada, 2001 CSC 62, [2001] 2 RCS 1082, par. 54.
[390]; 6610048 Canada Inc c. La Reine, 2019 CCI 255, par. 76 [6610048 Canada Inc].
[391] Roseland Farms Ltd. c. Canada, [1999] A.C.F. no 1512 [Roseland Farms Ltd.]
[392] Ibid., par. 24.
[393] Réponse à l’avis d’appel, par. 76.
[394] Transcription de l’audience du 13 mai 2024, p. 289 à 295.
[395] Ibid., p. 289 et 290.
[396] Ibid., p. 290 à 292.
[397] Ibid., p. 292 et 293.
[398] Ibid., p. 293.
[399] Argumentation écrite de l’appelante, par. 156 et 157; Entente partielle sur les faits, par. 35, 36, 39, 41, 45, 46, 47 et 49; Pièce A-1(1), p. 59; Pièce A-1(44); Pièces A-1(56), A-1(57) et A-1(58); Pièces A-1(68), A-1(69) et A-1(71); Pièces A-1(60) et A-1(90).
[400] Entente partielle sur les faits, par. 53, 54 et 68; Pièce A-1(1), p. 71 et 74; Pièce A-1(1), p. 73 et 78; Pièces A-1(95) et A-1(96).
[401] Entente partielle sur les faits, par. 55, 64, 65 et 70; Pièce A-1(1) p. 86 et 90; Pièces A-1(97) et A-98.
[402] Entente partielle sur les faits, par. 52 et 68.
[403] Ibid., par. 68.
[404] Entente partielle sur les faits, par. 57; Pièce A-1(1), p. 73 et 79.
[405] Entente partielle sur les faits, par. 58.
[406] Ibid., p. 49.
[407] Ibid., p. 62.