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Dossier : 2021-1701(IT)G

ENTRE :

LES ÉLÉMENTS CHAUFFANTS TEMPORA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Shady Elhami (2021-1703(IT)G) et de Maged Elhami (2021-1704(IT)G) les 3, 4, 5 et 6 février et les 17, 18 et 19 mars 2025 à Montréal (Québec); observations écrites présentées par l’intimé le 25 avril 2025 et par l’appelante le 22 mai 2025.

Devant : l’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Christopher Mostovac

Me Olivier Verdon

Avocats de l’intimé :

MMarie-Aimée Cantin

Me Noémie Vespignani

Me Alexandre MacBeth

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

  1. les présents appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition se terminant le 31 juillet 2006 et le 31 juillet 2009 sont rejetés;

  2. les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition se terminant le 31 juillet 2007 et le 31 juillet 2008 sont accueillis et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour un nouvel examen et une nouvelle cotisation sur la base que les projets ci-après de l’appelante sont admissibles à titre d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE »), que l’appelante a engagé des dépenses en RS&DE et que l’appelante avait droit aux crédits d’impôt à l’investissement (« CII ») pour ces projets :

  • (i)pour l’année d’imposition se terminant le 31 juillet 2007 : le projet « Tubular Element Manufacturing Line » (ligne de fabrication d’éléments tubulaires) et les CII s’élevant à 173 540 $;

  • (ii)pour l’année d’imposition se terminant le 31 juillet 2008 : le projet « Flexible Silicone Rubber and Kapton Heating Éléments » (éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton) et le projet « Straight and Bent Annealed Tubular & Finned Heating Éléments » (éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés) et les CII s’élevant à 242 328 $.

Chacune des parties doit supporter ses propres dépens.

Signé ce 20e jour de novembre 2025.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de novembre 2025.
Nathalie Ayotte, jurilinguiste


Dossier : 2021-1703(IT)G

ENTRE :

SHADY ELHAMI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la société Les Éléments Chauffants Tempora Inc. (2021-1701(IT)G) et de Maged Elhami (2021-1704(IT)G) les 3, 4, 5 et 6 février et les 17, 18 et 19 mars 2025 à Montréal (Québec); et observations écrites présentées par l’intimé le 25 avril 2025 et par l’appelant le 22 mai 2025.

Devant : l’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Christopher Mostovac

Me Olivier Verdon

Avocats de l’intimé :

Me Marie-Aimée Cantin

Me Noémie Vespignani

Me Alexandre MacBeth

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE, en vertu du jugement rendu en date d’aujourd’hui, les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition de la société Les Éléments Chauffants Tempora Inc. se terminant le 31 juillet 2006 et le 31 juillet 2009 ont été rejetés, et que, en conséquence, Les Éléments Chauffants Tempora Inc. a une dette fiscale à l’égard de ces années d’imposition;

Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel de la cotisation en date du 9 novembre 2016 (numéro 4083655) établie en vertu de l’article 160 de la Loi est rejeté, sans dépens.

Signé ce 20e jour de novembre 2025.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de novembre 2025.
Nathalie Ayotte, jurilinguiste


Dossier : 2021-1704(IT)G

ENTRE :

MAGED ELHAMI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la société Les Éléments Chauffants Tempora Inc. (2021-1701(IT)G) et de Shady Elhami (2021-1703(IT)G) les 3, 4, 5 et 6 février et les 17, 18 et 19 mars 2025 à Montréal (Québec); observations écrites présentées par l’intimé le 25 avril 2025 et par l’appelant le 22 mai 2025.

Devant : l’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Christopher Mostovac

Me Olivier Verdon

Avocats de l’intimé :

Me Marie-Aimée Cantin

Me Noémie Vespignani

Me Alexandre MacBeth

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE, en vertu du jugement rendu en date d’aujourd’hui, les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition de la société Les Éléments Chauffants Tempora Inc. se terminant le 31 juillet 2006 et le 31 juillet 2009 ont été rejetés, et que, en conséquence, Les Éléments Chauffants Tempora Inc. a une dette fiscale à l’égard de ces années d’imposition;

Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel de la cotisation en date du 9 novembre 2016 (numéro 4083671) établie en vertu de l’article 160 de la Loi est rejeté, sans dépens.

Signé ce 20e jour de novembre 2025.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de novembre 2025.
Nathalie Ayotte, jurilinguiste


Référence : 2025 CCI 173

Date : 20251120

Dossier : 2021-1701(IT)G

ENTRE :

LES ÉLÉMENTS CHAUFFANTS TEMPORA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé;

Dossier : 2021-1703(IT)G

ET ENTRE :

SHADY ELHAMI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé;

Dossier : 2021-1704(IT)G

ET ENTRE :

MAGED ELHAMI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

I. INTRODUCTION

[1] Les Éléments Chauffants Tempora Inc. (« Tempora » ou « l’appelante ») a interjeté appel, devant notre Cour, des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation prévue par la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi ») pour les années d’imposition se terminant le 31 juillet 2006, le 31 juillet 2007, le 31 juillet 2008 et le 31 juillet 2009 (respectivement, « l’année d’imposition 2006 », « l’année d’imposition 2007 », « l’année d’imposition 2008 » et « l’année d’imposition 2009 »).

[2] Pour les années d’imposition 2006 à 2009, Tempora a demandé des déductions pour ses dépenses liées à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE ») ainsi que les crédits d’impôt à l’investissement (« CII ») correspondants. Les demandes de CII sont en cause dans les présents appels.

[3] Dans les cotisations initiales, le ministre avait accepté la déductibilité des dépenses en RS&DE (en tout ou en partie selon les années) et les CII correspondants.

[4] Le 9 novembre 2016, le ministre a établi de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2006 à 2009; dans les nouvelles cotisations, les CII demandés pour les dépenses en RS&DE n’étaient plus alloués et des pénalités étaient imposées conformément au paragraphe 163(2) de la Loi (les « nouvelles cotisations »).

[5] Dans les nouvelles cotisations, le ministre a adopté la position qu’il n’était pas possible d’établir si les diverses dépenses faites ou engagées par Tempora durant les années d’imposition 2006, 2007, 2008 et 2009 à l’égard de huit projets étaient des dépenses en RS&DE conformément à la Loi ni si l’appelante avait exercé des activités de RS&DE au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. Le ministre a donc refusé les demandes de CII correspondants, bien que des sommes de 170 649 $, 173 540 $, 242 328 $ et 151 954 $ avaient déjà été remboursées à Tempora pour les années d’imposition 2006, 2007, 2008 et 2009, respectivement.

[6] Toutefois, le ministre n’a pas mis en doute la déductibilité des dépenses de Tempora à titre de dépenses d’entreprise régulières.

[7] Le 6 décembre 2016, Tempora s’est opposée aux nouvelles cotisations. Le 15 juillet 2021, Tempora a déposé un avis d’appel auprès de notre Cour à l’égard des nouvelles cotisations, et ce, avant qu’une décision n’ait été rendue à l’égard de son opposition.

[8] M. Maged Elhami (« Maged ») et M. Shady Elhami (« Shady ») interjettent également appel, devant notre Cour, des cotisations établies par le ministre en vertu de l’article 160 de la Loi; les avis d’appel, présentés le 9 novembre 2016, portent les numéros 4083671 (Maged) et 4083655 (Shady). La cotisation de Maged s’élève à 44 166,95 $, tandis que celle de Shady est de 27 860 $. De l’avis du ministre, Tempora aurait payé les dettes fiscales personnelles de Maged et Shady au moment où Tempora était elle-même débitrice fiscale. Les dettes fiscales de Tempora ont été entraînées par les nouvelles cotisations faisant l’objet du présent l’appel.

[9] À l’audience, les avocats de l’appelante, de Maged et de Shady, ont reconnu que la seule question en litige en ce qui a trait aux cotisations établies en vertu de l’article 160 de la Loi pour Maged et Shady était l’existence des dettes fiscales de Tempora, lesquelles sont l’objet du présent appel. Les parties ont reconnu que les appels des cotisations établies pour Maged et Shady devraient être tranchés, dans un sens ou dans l’autre, d’après la conclusion de notre Cour quant à savoir si Tempora était débitrice fiscale au moment où elle a payé les dettes fiscales personnelles de Maged et Shady.

[10] À l’audience, Maged et Shady ont témoigné au nom de Tempora, tout comme deux examinateurs financiers de l’Agence de Revenu du Canada (l’« ARC »), Mme Élaine Jacques et M. Mauge Justin. Les personnes suivantes ont témoigné pour l’intimé : M. Gabriel Babineau, agent de l’ARC au niveau de l’opposition; M. Jean-Luc Pérey, enquêteur de l’ARC; et M. Benoît Lussier, conseiller en recherche et technologie de l’ARC.

[11] M. Lussier a été conseiller en recherche et technologie à l’ARC de 2009 à 2015. De 2015 à 2022, il a occupé d’autres postes à l’ARC. Il détient un doctorat de l’Université McGill en physique des processus thermiques et plasma.

[12] Dans les présents motifs, sauf indications contraires, toutes les mentions de dispositions législatives font référence à la Loi.

II. CONTEXTE

[13] Tempora s’est constituée en personne morale en 2004; il s’agit d’une entreprise de fabrication de produits, notamment divers types d’éléments chauffants. De 2004 à décembre 2006, le père de Maged et Shady, M. Atef Elhami, était à la fois propriétaire et dirigeant de Tempora.

[14] Maged et Shady ont participé aux activités d’entreprise de Tempora depuis leur enfance. Quand leur père est décédé en décembre 2006, alors qu’il voyageait en Égypte avec sa famille durant les vacances de Noël, Maged et Shady ont dû mettre fin à leurs études universitaires et ont commencé à travailler pour Tempora à temps plein. Ils ont décidé de continuer à exercer les activités d’entreprise de Tempora. Un certain temps après le décès de leur père, vers février 2007, Maged et Shady ont été nommés administrateurs de Tempora, et Mme Claire-William Ibrahim, la mère de Maged et Shady, est devenue à la fois l’unique actionnaire de Tempora et sa présidente.

[15] M. Serge Lavoie, le comptable de Tempora, avait auparavant convaincu M. Atef Elhami de déclarer des dépenses en RS&DE et demander les CII correspondants. M. Lavoie a préparé toutes les déclarations d’impôt (T2) et rempli tous les formulaires T661 (« Demande pour les dépenses de recherche scientifique et développement expérimental ») de Tempora. Pour ses services, M. Lavoie a reçu une somme équivalant à 25 % du remboursement d’impôt de Tempora.

[16] La première demande liée à la RS&DE de Tempora a été préparée pour l’année d’imposition se terminant le 31 juillet 2005; cette demande n’est pas en cause en l’espèce. Le 1er novembre 2006, M. Ali Guidara, ancien conseiller en recherche et technologie, et M. Justin se sont rendus au lieu d’affaires de Tempora pour rencontrer M. Atef Elhami et Maged afin de discuter de la demande liée à la RS&DE de 2005. Durant la visite, M. Guidara et M. Justin ont réalisé que le contribuable ne saisissait pas entièrement les exigences du programme de RS&DE, entre autres, en raison de tous les documents joints au formulaire T661, lequel était trop volumineux et comportait des feuilles d’information sur les produits de Tempora. Toutefois, l’ARC a conclu que le projet de 2005 respectait les exigences de RS&DE, mais on a demandé au contribuable de fournir une description plus complète et plus précise des projets qui feraient l’objet de futures demandes liées à la RS&DE (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 26). M. Justin a également indiqué que, malgré l’importance du montant demandé pour les matériaux, il avait conclu que ce montant était justifié en raison de ce qu’ils avaient constaté durant leur visite du lieu d’affaires de Tempora (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 25).

[17] Tempora a présenté les demandes liées à la RS&DE ci-après pour les années d’imposition 2006 à 2009.

[18] En 2006, Tempora a demandé une déduction de 464 324 $ pour des dépenses en RS&DE (cette déduction a été allouée) et les CII correspondants s’élevant à 174 363 $ pour le projet intitulé « Thermocouple and Temperature Moderator » (ci-après, projet thermocouple et modérateur de température). L’ARC a remboursé à Tempora les CII à raison de 170 649 $.

[19] En 2007, Tempora a demandé une déduction de 924 915 $ pour des dépenses en RS&DE (cette déduction a été partiellement allouée à raison de 498 760 $) et les CII correspondants pour le projet intitulé « Tubular Element Manufacturing Line » (ci-après, projet ligne de fabrication d’éléments tubulaires). L’ARC avait initialement accepté des CII de 189 889 $, dont 173 540 $ ont été remboursés à Tempora.

[20] En 2008, Tempora a présenté des demandes liées à la RS&DE pour trois projets : le projet « Flexible Silicone Rubber and Kapton Heating Elements » (ci-après, projet éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton) (projet 2008‑01), le projet « Straight and Bent Annealed Tubular & Finned Heating Elements » (ci-après, projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés) (la suite du projet de 2007) (projet 2008‑02), et le projet « Hi‑Density Cartridge Heaters » (ci-après, projet cartouches chauffantes haute densité) (projet 2008-03). Tempora a demandé une déduction de 991 624 $ pour des dépenses en RS&DE (cette déduction a été allouée partiellement à raison de 968 618 $) et les CII correspondants. L’ARC avait initialement accepté les CII à raison de 319 874 $, dont 242 328 $ ont été remboursés à Tempora.

[21] En 2009, Tempora a présenté des demandes liées à la RS&DE pour trois projets : le projet cartouches chauffantes haute densité (projet 2009-01) (la suite du projet 2008-03), le projet « Tubular Process Heaters » (ci-après, projet dispositifs de chauffage tubulaires) (projet 2009-02) et le projet « Coil & Cable Heaters » (ci-après, projet dispositifs de chauffage à serpentin et à câble) (projet 2009‑03). Tempora a demandé une déduction de 367 668 $ pour des dépenses en RS&DE, montant que le ministre a augmenté à 407 668 $, et les CII correspondants. L’ARC avait initialement accepté des CII à raison de 151 954 $ et cette somme a été remboursée à Tempora.

[22] M. Guidara a effectué l’examen scientifique des divers projets pour lesquels Tempora avait demandé des déductions au titre de la RS&DE pour les années d’imposition 2006 à 2008. Toutefois, M. Guidara n’a pas procédé à l’examen scientifique de la demande liée à la RS&DE présentée par Tempora pour l’année d’imposition 2009, bien qu’il ait été impliqué dans l’évaluation de cette demande, comme en a témoigné Mme Jacques.

[23] M. Guidara a conclu que tous les projets pour lesquels Tempora avait présenté des demandes étaient admissibles au titre de la RS&DE (sauf le projet cartouches chauffantes haute densité de 2008). Toutefois, M. Guidara n’a préparé aucun rapport scientifique concernant les projets en RS&DE. En 2009, l’ARC n’a procédé à aucun examen scientifique en raison d’un manque de ressources. En outre, l’ARC a effectué un examen financier de toutes les dépenses pour les années d’imposition 2007 à 2009, mais pas pour l’année d’imposition 2006.

[24] Pour l’année d’imposition 2010, Tempora a présenté une demande liée à la RS&DE pour un nouveau projet, lequel n’est pas en cause dans les présents appels. L’examen scientifique a été effectué en février 2011 principalement par M. Clément Leclerc, conseiller en recherche et technologie de l’ARC. M. Lussier, qui a témoigné à l’audience, l’a aidé dans cette tâche. Ils ont conclu que la facture présentée par Tempora à l’appui de sa demande liée à la RS&DE était fausse et ont refusé la demande liée à la RS&DE.

[25] En outre, en raison de leurs conclusions concernant la demande liée à la RS&DE de 2010, M. Leclerc et M. Lussier ont procédé à l’examen des demandes liées à la RS&DE pour les années d’imposition antérieures et ont découvert que les rapports techniques présentés par Tempora à l’appui de ses demandes avaient été plagiés et provenaient essentiellement de documents disponibles sur le site Web d’autres fournisseurs ou fabricants. Les dossiers de Tempora pour les années d’imposition 2006 à 2010 ont été envoyés à une autre division de l’ARC, qui a procédé à une enquête criminelle à l’égard des affaires de Tempora.

[26] Durant l’enquête criminelle, l’ARC a obtenu des mandats de fouille pour établir la nature et les détails des supposés stratagèmes au moyen desquels Tempora aurait obtenu des CII en RS&DE pour les années d’imposition 2006 à 2010. L’ARC a exécuté les mandats le 4 juillet 2012. Les fouilles ont été menées au lieu d’affaires de Tempora ainsi qu’au domicile de Mme Ibrahim et au lieu d’affaires du comptable de Tempora. L’ARC a saisi 32 boîtes de documents et de nombreux ordinateurs. Tous les documents et ordinateurs saisis par l’ARC ont été remis à Tempora en août 2017.

[27] En septembre 2012, M. Lussier a procédé à l’examen scientifique des demandes liées à la RS&DE de Tempora pour les années d’imposition 2006 à 2009. L’audit de M. Lussier consistait en un examen des documents que Tempora avait présentés avec ses formulaires T661 ainsi que des documents et le matériel saisis par l’ARC (y compris des documents électroniques), sans contacter Tempora ni aucun de ses administrateurs ou actionnaires. M. Lussier n’a trouvé aucun cahier de notes ni dossier de test, mais a vu de nombreux documents attestant des activités commerciales, y compris des factures à l’intention de clients ainsi que des factures de fournisseurs. D’après M. Lussier, il n’était pas possible d’établir si les activités exercées par Tempora durant ces années d’imposition étaient des activités de RS&DE. À l’audience, le rapport préparé par M. Lussier, en date du 14 décembre 2012, a été produit en preuve (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 78).

[28] En outre, durant son examen des documents et du matériel saisis, M. Lussier a découvert que M. Guidara avait été invité au mariage de Shady en août 2010 (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 176). Il a rapporté cette découverte à l’ARC, et l’ARC a ensuite mis fin à l’emploi de M. Guidara.

[29] En septembre 2013, l’ARC a porté des accusations criminelles contre Tempora, Mme Ibrahim, Maged et Shady en application des alinéas 239(1.1)a) et c) en raison de supposés énoncés faux ou trompeurs faits à l’ARC à l’égard des demandes liées à la RS&DE pour l’année d’imposition 2010. Aucune accusation criminelle n’a été portée à l’égard des demandes liées à la RS&DE pour les années d’imposition 2006 à 2009.

[30] Le 17 octobre 2016, la Cour provinciale du Québec a, au terme d’une procédure d’accusation sommaire, déclaré coupables Tempora, Maged et Shady d’une infraction prévue aux alinéas 239(1.1)a) et c) pour l’année d’imposition 2010 (R. c. Elhami, 2017 QCCQ 2684); ils ont dû payer une amende de 1 000 000 $ chacun (montant révisé par la Cour supérieure du Québec, 2018 QCCS 2576).

III. QUESTIONS EN LITIGE

[31] Pour les années d’imposition 2006 à 2009, les questions en litige dans les présents appels sont les suivantes :

  • (1)Le ministre était-il en droit d’établir une nouvelle cotisation pour Tempora après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation conformément au sous-alinéa 152(4)a)(i)?

  • (2)Si la Cour décide que le ministre était en droit d’établir les nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation :

    • (a)les activités exercées par Tempora étaient-elles admissibles au titre de la RS&DE, au sens du paragraphe 248(1), le cas échéant, Tempora ayant droit aux CII correspondants en application du paragraphe 127(5)?

    • (b)le ministre était-il en droit d’imposer des pénalités conformément au paragraphe 163(2)?

IV. POSITIONS DES PARTIES

A. L’appelante

[32] D’après l’appelante, le processus d’audit était une mesure de représailles, sous forme d’enquête criminelle, prise en raison des conclusions de l’ARC quant à la demande liée à la RS&DE de 2010. L’ARC a attendu la confirmation des accusations criminelles pour l’année d’imposition 2010 avant d’établir de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2006 à 2009. En faisant son audit, M. Lussier n’avait pas le droit de contacter les frères Elhami pour discuter de quelque projet que ce soit. En outre, M. Lussier n’a pas tenu compte des analyses antérieures menées par d’autres employés de l’ARC à l’égard des mêmes projets. La raison principale du refus de M. Lussier est la documentation plagiée jointe aux demandes liées à la RS&DE.

[33] Pour être en droit d’établir de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, l’intimé doit établir que Tempora a été négligente dans ses demandes liées à la RS&DE. D’après l’appelante, l’intimé n’a pas établi cette négligence. La preuve a démontré que Tempora et ses représentants (administrateurs et actionnaires) n’ont pas été négligents et qu’ils ont toujours été en contact avec l’ARC, expliquant leurs activités et tenant méticuleusement des dossiers, lesquels contenaient des photographies de déchets matériels.

[34] En outre, des débats concernant les aspects techniques d’un projet et la conformité du projet aux critères de la RS&DE n’indiquent pas la négligence. Parce que Tempora a prétendu avoir exercé des activités de RS&DE, et parce qu’il n’y a pas de règle précise permettant de faire cette détermination, il ne peut y avoir de présentation erronée des faits suffisante pour permettre au ministre d’établir de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Pour les mêmes motifs, les pénalités imposées à Tempora conformément au paragraphe 163(2) devraient être annulées.

[35] En outre, d’après l’appelante, tous les projets pour lesquels Tempora a fait des demandes durant les années d’imposition 2006 à 2009 sont admissibles au titre de la RS&DE. La théorie de l’intimé selon laquelle les projets ne sont pas des activités de RS&DE se fonde principalement sur un manque de corroboration, ce qui n’est pas suffisant en l’espèce pour que la Cour soit convaincue que les projets ne sont pas admissibles au titre de la RS&DE.

B. L’intimé

[36] D’après l’intimé, le ministre était en droit d’établir de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation puisque Tempora a fait une « […] présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi ».

[37] En l’espèce, la preuve a clairement démontré que toutes les demandes liées à la RS&DE ont été en grande partie plagiées. En outre, Tempora, Maged et Shady savaient ou auraient dû savoir que Tempora n’exerçait pas d’activités de RS&DE.

[38] L’intimé fait également valoir que la crédibilité de Maged et Shady a été minée durant l’audience, principalement à cause des contradictions de leurs témoignages.

[39] L’intimé est d’avis que les faits mentionnés ci-dessus respectent les exigences pour que le ministre impose les pénalités prévues au paragraphe 163(2).

[40] En outre, l’intimé est d’avis que l’appelante n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les activités exercées par Tempora dans le cadre des projets menés durant les années d’imposition 2006 à 2009 étaient des activités de RS&DE, au sens du paragraphe 248(1) et de la jurisprudence (Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c. R., [1998] 3 C.T.C. 2520 (CCI), par. 16 [Northwest Hydraulic]). Tempora n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer des incertitudes technologiques ou des progrès technologiques. Selon l’intimé, toutes les activités exercées par Tempora durant les années d’imposition 2006 à 2009 étaient des activités de production commerciale, notamment, la commercialisation d’éléments chauffants, et non pas des activités de RS&DE.

V. QUESTION PRÉLIMINAIRE – OBJECTION DE L’INTIMÉ

[41] Durant l’audience, l’intimé s’est objecté aux témoignages de Shady et Maged en ce qui a trait à toutes les activités liées aux essais que Tempora avait exercées. L’intimé a fait valoir que Tempora n’a pas respecté son engagement de fournir [TRADUCTION] « […] toutes les données et tous les essais qui ont été effectués pour tous les projets durant les années en cause, soit 2006 à 2009 » (pièce R‑4, transcription des interrogatoires préalables en date du 28 mars 2023, questions 89 à 96 et engagement no 1).

[42] Dans la réponse à son engagement, Tempora a envoyé par courriel à l’intimé cinq documents Excel qui, d’après l’appelante, contiennent toutes les informations sur les projets en RS&DE pour les années d’imposition 2007 à 2009 (tests, résultats, coûts, etc.), mais pas en ce qui a trait au projet de 2006 (pièce R-3, lettre de Starnino Mostovac en date du 15 juin 2023).

[43] L’intimé avance que, en application des articles 96 et 98 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), la Cour devrait exclure tout témoignage de Tempora quant à ses activités liées aux essais.

[44] D’après l’intimé, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que l’intimé soit pris par surprise. La Cour devrait également prendre en compte le fait que Shady a admis que Tempora avait refusé de fournir les documents demandés, à l’exception des cinq documents Excel.

[45] L’intimé fait ensuite valoir que le défaut de l’appelante de respecter son engagement lui a causé préjudice, car l’intimé n’a pas pu contre-interroger les représentants de l’appelante ni présenter des rapports d’experts sur aucune des activités liées aux essais. Les avocats de l’intimé ont dû deviner comment manipuler les documents Excel afin d’être en mesure de consulter les tests que l’appelante avait faits, le cas échéant.

[46] D’après l’appelante, les documents Excel fournis à l’intimé constituent les seuls documents qui contiennent tous les résultats, tests et données demandés par l’intimé à l’interrogatoire préalable. Comme l’a indiqué Shady, ils avaient l’habitude de conserver des dossiers papier concernant les tests, et ils ont opté pour des documents Excel en 2007. Ils inscrivaient les modèles ainsi que des milliers de résultats (de tests) dans ces documents Excel, ce qui permettait à Tempora d’évaluer la possibilité de concevoir un dispositif de chauffage et la méthodologie à employer pour ce faire.

[47] En conséquence, d’après l’appelante, parce que Maged avait donné une réponse complète à la question posée par l’intimé, et qu’il avait respecté par la suite son engagement, les articles 96 et 98 des Règles ne devraient pas s’appliquer et l’objection de l’intimé ne devrait pas être maintenue. En outre, l’intimé n’a pas été pris par surprise parce qu’il avait reçu toute la documentation disponible, comme il l’avait demandé.

[48] En outre, notre Cour devrait prendre en compte le fait que M. Lussier a témoigné qu’il avait vu certains des documents Excel lorsqu’il avait fait son audit des documents et du matériel saisis, en dépit du fait qu’il n’a pas pu les parcourir.

[49] Les parties pertinentes des articles 96 et 98 des Règles sont les suivantes :

96 (1) La partie interrogée au préalable, ou la personne qui l’est au nom ou à la place de la partie, qui refuse de répondre à une question légitime ou qui prétend que le renseignement est privilégié, et qui ne fournit pas ce renseignement par écrit dans les dix jours à compter de l’inscription de l’instance pour audition, ne peut, sans l’autorisation du juge, présenter en preuve à l’audience le renseignement qu’elle a refusé de communiquer.

(2) La sanction prévue au paragraphe (1) s’ajoute à celles que prévoit l’article 110.

[…]

98 (1) La partie interrogée au préalable, ou la personne qui l’est au nom, à la place ou en plus de cette partie, qui découvre ultérieurement qu’une réponse à une question de l’interrogatoire :

a) était inexacte ou incomplète;

b) n’est plus exacte et complète,

doit fournir immédiatement ce renseignement par écrit à toutes les autres parties.

[…]

(3) Si une partie ne se conforme pas au paragraphe (1) ou à l’alinéa (2)a) et que le renseignement obtenu ultérieurement est :

a) favorable à sa cause, elle ne peut le présenter en preuve à l’instance qu’avec l’autorisation du juge;

b) défavorable à sa cause, la Cour peut rendre des directives appropriées.

96 (1) Where a party, or a person examined for discovery on behalf or in place of a party, has refused to answer a proper question or to answer a question on the ground of privilege, et has failed to furnish the information in writing not later than ten days after the proceeding is set down for hearing, the party may not introduce at the hearing the information refused on discovery, except with leave of the judge.

(2) The sanction provided by paragraphe (1) is in addition to the sanctions provided by section 110.

98 (1) Where a party has been examined for discovery or a person has been examined for discovery on behalf or in place of, or in addition to the party, et the party subsequently discovers that the answer to a question on the examination,

(a) was incorrect or incomplete when made, or

(b) is no longer correct et complete,

the party shall forthwith provide the information in writing to every other party.

(3) Where a party has failed to comply with paragraph (1) or a requirement under paragraph (2)(a), and the information subsequently discovered is,

(a) favourable to that party’s case, the party may not introduce the information at the hearing, except with leave of the judge, or

(b) not favourable to that party’s case, the Court may give such direction as is just.

[50] Pour les motifs qui suivent, l’objection de l’intimé est rejetée, et les témoignages de Maged et de Shady sur les activités liées aux essais de Tempora durant les années d’imposition 2006 à 2009 sont admis et feront partie du dossier.

[51] L’interrogatoire préalable a pour objectif de favoriser l’équité et l’efficacité de l’instruction en permettant à chacune des parties de se renseigner pleinement, avant l’instruction, sur la nature exacte des positions de toutes les autres parties, de façon à pouvoir définir avec précision les questions qui se posent (Canada c. Lehigh Cement Limited, 2011 CAF 120, par. 30, citant Bande de Montana c. Canada, [2000] 1 C.F. 267 (C.F. 1re inst.)). Le procès par embuscade n’est plus autorisé au Canada (Rudolph c. Le Roi, 2024 CCI 148, par. 167).

[52] L’article 98 des Règles vise à appuyer cet objectif et prévoit précisément que les parties ont une obligation de divulgation continuelle. Dès qu’elle prend connaissance du fait que sa réponse est incomplète, une partie a l’obligation de fournir l’information immédiatement à toutes les autres parties. Conformément à l’alinéa 98(3)a) des Règles, lorsqu’une partie ne respecte pas les Règles, cette partie n’aura pas le droit d’introduire en preuve des éléments favorables à l’audience, sauf avec autorisation de la Cour.

[53] Durant l’interrogatoire préalable de Maged en tant que représentant de Tempora, tenu le 28 mars 2023, il a parlé des documents Excel et mentionné qu’ils contenaient [TRADUCTION] « des milliers de renseignements entrés dans ces programmes, et nous avons élaboré ces programmes de façon qu’ils puissent également fournir l’ordre de travail » (pièce R‑4, transcription des interrogatoires préalables en date du 28 mars 2023, p. 26, question 89, lignes 8 à 11).

[54] À l’audience, je n’ai pas accueilli la requête de l’appelante, qui demandait que la clé USB contenant les documents Excel soit scellée. L’appelante a alors décidé de présenter en preuve cinq extraits des documents Excel (pièce A‑2 – Spécifications des éléments tubulaires de Tempora; pièce A-3 – Caoutchouc silicone; pièce A‑4 – Cartouches chauffantes haute densité; pièce A-5 – Dispositifs de chauffage à serpentin et à câble no 1; et pièce A-6 – Dispositifs de chauffage à serpentin et à câble no 2). Maged et Shady ont témoigné au sujet des activités liées aux essais que Tempora a exercées durant les années d’imposition 2007 à 2009 à partir de ces extraits des documents Excel.

[55] En l’espèce, Maged a affirmé durant son témoignage que les documents Excel offerts à l’intimé constituaient les seuls documents qui contenaient tous les résultats, tests et données à l’égard des années d’imposition 2007 à 2009, comme l’avait demandé l’intimé lors de l’interrogatoire préalable.

[56] Je suis donc d’avis que cet engagement a été entièrement rempli. En conséquence, les articles 96 et 98 des Règles ne s’appliquent pas.

VI. CRÉDIBILITÉ DES TÉMOIGNAGES DE MAGED ET SHADY

[57] Je suis d’avis que, dans l’ensemble, les témoignages de Maged et Shady à l’audience étaient crédibles. Le témoignage de Maged et Shady était en grande partie franc et honnête; ils ont expliqué le processus que Tempora avait suivi durant les années d’imposition 2006 à 2009 à l’égard des projets en cause dans les présents appels. Toutefois, je n’ai pas trouvé le témoignage de Maged crédible quand il a affirmé que la documentation jointe aux divers rapports techniques et aux demandes liées à la RS&DE n’était que théorique. J’en discuterai plus loin.

[58] Dans ses observations écrites, l’intimé a soulevé certains facteurs minant la crédibilité de Maged et Shady en tant que témoins en l’espèce. Après avoir examiné la preuve produite au procès, pour les motifs qui suivent, je ne crois pas que ces facteurs ont miné leur crédibilité de façon substantielle.

[59] La décision de la famille Elhami de cacher aux employés de Tempora le décès de M. Atef Elhami durant les vacances de Noël 2006 n’affecte pas la crédibilité de Maged et Shady. Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi les propriétaires d’une entreprise familiale, telle que Tempora, pourraient ne pas vouloir publiciser hâtivement le décès de son fondateur.

[60] L’intimé me demande de tirer une inférence négative du défaut de l’appelante d’appeler à la barre des témoins, dans les présents appels, le comptable de Tempora, M. Serge Lavoie, alors que ce dernier avait préparé toutes les demandes liées à la RS&DE.

[61] Je ne suis pas d’accord avec l’intimé. Dans la décision Imperial Pacific Greenhouses Ltd. c. La Reine, 2011 CAF 79, par. 14, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’un juge de la Cour de l’impôt peut tirer une inférence négative du défaut d’une partie d’appeler un témoin à la barre des témoins, surtout si la preuve de ce témoin aurait été cruciale pour établir un fait important. Le témoignage de M. Lavoie n’était pas crucial pour établir un fait important dans les présents appels. Le fait que M. Lavoie avait préparé les demandes liées à la RS&DE n’est pas un fait important étant donné que la jurisprudence a établi que le contribuable ne peut pas faire valoir, afin d’éviter une conclusion de présentation erronée des faits conformément au paragraphe 152(4), qu’il s’est fié à son comptable pour préparer sa déclaration d’impôt. En outre, le témoignage de M. Lavoie n’était pas essentiel pour établir la nature des activités que Tempora a exercées durant les années d’imposition 2006 à 2009.

[62] L’intimé a relevé certains énoncés contradictoires, selon lui, dans les témoignages de Maged et Shady.

[63] Premièrement, Maged a témoigné que, avant que l’élément tubulaire ne devienne un programme, Tempora avait recueilli des données correspondant à [TRADUCTION] […] « 40 % des essais nécessaires pour nous avant de commencer les essais », mais, selon le témoignage de Shady, les essais n’ont pas commencé avant la livraison et l’utilisation des machines d’Oakley Industries (« Oakley »). Je ne vois aucune contradiction entre ces deux énoncés. Maged et Shady ont plutôt confirmé que les essais effectués par Tempora dans le cadre du projet de l’élément tubulaire (qui a commencé quelque part en 2007 et s’est poursuivi en 2008) ont commencé seulement une fois les machines d’Oakley livrées et mises en service, soit après le 7 août 2007.

[64] En outre, l’intimé a fait référence aux énoncés ci-après en lien avec l’utilisation des machines d’Oakley : selon le témoignage de Maged, celles-ci ont été utilisées seulement pour les activités de RS&DE, mais Shady a affirmé qu’elles étaient utilisées commercialement, même encore aujourd’hui. Ayant examiné la preuve produite à l’audience, je conclus que les commentaires de Shady faisaient référence à l’utilisation des machines d’Oakley le jour de l’audience et non pas en 2007.

[65] En outre, l’intimé a affirmé que Maged et Shady avaient décrit différemment les documents Excel produits en évidence à l’audience dans les pièces A‑2 à A‑6 : pour Maged, il s’agissait de documents servant à aider les employés à effectuer les commandes, tandis que selon Shady, il ne s’agissait que de documents Excel ne contenant ni essais ni résultats. Ayant examiné la preuve produite à l’audience, je ne suis pas d’accord avec l’intimé. Selon le témoignage de Maged, les documents Excel avaient été créés d’après tous les essais et résultats obtenus en faisant de la RS&DE, et il ne s’agissait pas seulement des documents utilisés par les employés pour remplir les commandes. Le témoignage de Shady allait dans le même sens.

[66] L’intimé avance également que la culpabilité de Maged et Shady relativement à une infraction prévue aux alinéas 239(1.1)a) et c) et le défaut de payer les pénalités minent leur crédibilité. J’admets que le fait d’avoir été reconnu coupable antérieurement est un facteur important dans l’évaluation de la crédibilité d’un témoin, surtout en l’espèce, étant donné que les alinéas 239(1.1)a) et c) servent essentiellement à punir les demandes ou énoncés faux ou trompeurs. Toutefois, j’ai également pris en compte le fait que les condamnations datent d’il y a plus de neuf ans, qu’elles portent sur des événements s’étant produits en 2010 (il y a 15 ans), et que rien dans la preuve ne suggère que Maged et Shady ont à nouveau contrevenu à la loi, y compris par l’entremise de Tempora ou d’une autre société (Boily c. Canada, 2022 CF 1243, par. 58 à 76).

[67] L’intimé demande également à la Cour de tirer une inférence négative en ce qui a trait à la crédibilité de Shady parce qu’il a envoyé une invitation de mariage à M. Guidara. Shady a témoigné qu’il s’agissait d’une question de respect dans la culture égyptienne. L’intimé n’a pas convaincu la Cour de mettre en doute cette explication. De toute façon, la Cour est d’avis que le témoignage de Shady était crédible, et l’invitation de mariage n’a pas d’impact significatif sur cette conclusion.

VII. DISCUSSION

A. Nouvelles cotisations établies après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation en application du sous-alinéa 152(4)a)(i)

[68] L’intimé doit démontrer que Tempora a « fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude » en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la loi, pour que le ministre puisse établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour chacune des années d’imposition.

[69] L’extrait pertinent de la Loi est reproduit ci-dessous :

152(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie […]. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

[70] En anglais, la partie pertinente du sous-alinéa 152(4)a)(i) est reproduite ci-dessous :

152(4) The Minister may at any time make an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year, interest or penalties, if any, payable under this Part by a taxpayer…, except that an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer’s normal reassessment period in respect of the year only if

(a) the taxpayer or person filing the return

(i) has made any misrepresentation that is attributable to neglect, carelessness or wilful default or has committed any fraud in filing the return or in supplying any information under this Act, or

(1) Positions des parties

(a) L’intimé

[71] D’après l’intimé, Tempora n’a pas présenté à l’ARC la documentation à l’appui d’activités de RS&DE exercées au cours des années en cause conformément à la Loi et au formulaire T661 ni même conservé une telle documentation. Dans ses formulaires T661, Tempora a prétendu avoir en sa possession certains documents à l’appui de ses demandes liées à la RS&DE, mais tel n’était pas le cas. En outre, la preuve n’a pas démontré que Tempora avait exercé des activités de RS&DE. L’intimé avance que, comme certains renseignements prescrits ne figuraient pas dans le formulaire T661, les dépenses demandées ne donc sont pas des dépenses en RS&DE (paragraphes 37(11) et (12), 127.1(1) et 127(9); Francis & Associates c. R., 2014 CCI 137, par. 20).

[72] L’intimé fait valoir que, parce que Tempora a demandé des dépenses en RS&DE et les CII correspondants sans y avoir droit, et parce que Tempora a prétendu, à tort, avoir des documents à l’appui de ses demandes liées à la RS&DE, Tempora a donc fait un énoncé inexact dans son formulaire T2 et, en conséquence, a fait une présentation erronée des faits en produisant ses déclarations d’impôt.

[73] En outre, d’après l’intimé, le plagiat équivaut à de la fraude ou, à tout le moins, à de la négligence ou à une faute lourde. Étant donné l’ampleur du plagiat dans les rapports techniques joints aux formulaires T661 que Tempora a présentés avec ses déclarations T2, le ministre était en droit d’établir une nouvelle cotisation pour les années frappées de prescription, parce que Tempora a fait une présentation erronée des faits attribuable à la fraude ou à la négligence dans ses déclarations d’impôt.

[74] La preuve a démontré que Tempora avait plagié la documentation d’autres fournisseurs et fabricants trouvée sur Internet. L’intimé fait valoir que l’appelante s’est approprié la documentation d’autres fournisseurs et fabricants. Tempora y aurait ajouté des titres, supprimé les logos d’autres fournisseurs et fabricants pour y mettre le sien, supprimé le nom du fournisseur ou fabricant pour y inscrire le sien et enlevé les références aux numéros de pièces ou les numéros de téléphone. Ce faisant, en raison des gestes posés par les frères Elhami, il n’était pas possible de qualifier les documents de [TRADUCTION] « théorie », comme ils l’ont prétendu. En réalité, ils ont fait passer le travail de ces fournisseurs et fabricants pour le travail de Tempora. En effet, Tempora a fait bien plus qu’un simple copier-coller. Elle a fait un immense travail pour tromper le ministre, un travail comparable aux efforts déployés par des avocats qui falsifient la jurisprudence dans le but de tromper la Cour. La preuve a démontré que l’appelante a modifié 136 pages de documents au total.

[75] En outre, l’appelante a indiqué dans un rapport technique que Shady et Maged étaient ingénieurs en ajoutant [TRADUCTION] « ENG. » à côté de leur nom (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 38 à la p. 3). Or, Shady et Maged ne sont pas ingénieurs.

[76] L’intimé avance un autre motif permettant au ministre d’établir une nouvelle cotisation pour Tempora pour les années frappées de prescription. Au moment de produire les formulaires T661 avec ses déclarations (T2), Tempora a fait une présentation erronée des faits attribuable à la négligence parce qu’elle ne s’est pas informée des critères du programme de RS&DE. Les frères Elhami ont tous les deux témoigné qu’ils n’avaient pas lu le formulaire T661 ni le guide T4088 de l’ARC pour le formulaire T661. Ils ont fait preuve d’un manque de diligence raisonnable suffisant pour permettre au ministre d’établir une nouvelle cotisation pour les années frappées de prescription. En outre, Tempora ne peut pas avoir raisonnablement cru qu’elle avait exercé des activités de RS&DE pour tous les projets en cause dans les présents appels.

(b) L’appelante

[77] D’après l’appelante, l’intimé doit conclure que Tempora a été négligente à l’égard de ses demandes liées à la RS&DE pour les années d’imposition 2006 à 2009. Or, la preuve n’a pas permis de conclure que Tempora avait été négligente à cet égard. Maged a toujours été en contact avec l’ARC, lui expliquant la teneur de chaque projet; de plus, il conservait des dossiers sur les activités de Tempora, dossiers qui contenaient des photographies des matériaux utilisés pour chaque projet.

[78] Dans les années précédentes, l’ARC avait pleinement collaboré avec Tempora pour lui expliquer le programme de RS&DE. Durant les années d’imposition 2006 à 2009, Tempora investissait ses fonds, non pas pour frauder le gouvernement, mais bien pour réaliser des progrès technologiques, élaborer de nouveaux produits et construire des éléments chauffants mieux que ceux du marché. Durant ces années, M. Guidara était la personne-ressource de Tempora concernant toutes ces questions.

[79] En outre, d’après l’appelante, les allégations de négligence de l’intimé justifiant la nouvelle cotisation des années d’imposition ne sont pas liées aux demandes liées à la RS&DE, mais plutôt à la documentation à l’appui jointe aux formulaires T661 présentés par Tempora. Tempora utilisait simplement de la documentation tirée du site Web d’autres fournisseurs et fabricants pour expliquer à l’ARC la théorie et les connaissances de base sous-jacentes à son supposé travail. De toute façon, d’après l’appelante, le plagiat n’est pas pertinent pour établir si un projet est un projet de RS&DE, et la Cour ne devrait pas tenir compte du plagiat.

[80] Par ailleurs, d’après l’appelante, la présentation de rapports techniques par Tempora avec ses formulaires T661, y compris les sources d’information, n’est pas une condition prescrite par la Loi pour obtenir des CII pour ses activités de RS&DE et n’est donc pas pertinente.

[81] Enfin, de l’avis de l’appelante, d’en débattre sur la question de savoir si un projet est véritablement un projet de RS&DE ne permet pas de conclure à la négligence.

(2) Analyse

[82] Comme je l’ai indiqué ci-dessus, le ministre a la charge d’établir, selon la prépondérance des probabilités, les faits nécessaires pour justifier la nouvelle cotisation établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. L’intimé doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que Tempora a fait une présentation erronée des faits en produisant ses déclarations d’impôt ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi et que cette présentation erronée a été effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire, ou est attribuable à quelque fraude.

[83] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que Tempora a fait une présentation erronée des faits par négligence en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi pour les années d’imposition 2006 à 2009. Donc, je n’ai pas à trancher si Tempora a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou attribuable à la fraude, en produisant ses déclarations d’impôt pour ces années. En conséquence, le ministre était en droit d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2006 à 2009 conformément au sous-alinéa 152(4)a)(i).

[84] L’appelante est d’avis que c’est seulement dans des circonstances où un contribuable a commis de la fraude en fournissant des renseignements sous le régime de la Loi que le ministre peut établir une nouvelle cotisation pour ce contribuable après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, et que la négligence ne suffit pas, et ce, d’après un obiter de notre Cour dans la décision Ross c. La Reine, 2013 CCI 333, par. 30 et 70 à 77 [Ross].

[85] Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation de l’appelante du sous-alinéa 152(4)a)(i). Les commentaires de la Cour dans la décision Ross ont été faits en obiter. En outre, j’abonde dans le même sens que l’intimée dans la décision Ross :

[75] L’intimée soutient que l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique milite dans le sens de l’interprétation que fait la Couronne de l’alinéa 152(4)a). Ayant disposé autrement le texte de ce sous-alinéa par souci de clarté, l’intimée soutient que le [traduction] « ministre peut établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation dans les cas suivants » :

a) le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi;

b) le contribuable a commis une fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi » [la disposition en paragraphes a été ajoutée par souci de clarté].

[86] Afin de faire la détermination prévue au sous-alinéa 152(4)a)(i), la Cour doit évaluer toute la preuve admise durant l’audience (voir Vine (Succession) c. Canada, 2015 CAF 125, par. 24–25 [Vine (Succession)]).

(a) Examen de la preuve

[87] Un examen minutieux de la preuve produite au procès démontre ce qui suit.

(i) 2006

[88] La déclaration d’impôt (T2) porte la signature de M. Atef Elhami, le président de Tempora, en date du 30 janvier 2007, tout comme le formulaire T661, joint à la déclaration. L’annexe 31 du formulaire T2 demande les CII correspondants.

[89] Toutefois, M. Atef Elhami est décédé en décembre 2006. Maged et Shady n’ont donné aucune explication quant à la signature de M. Atef Elhami.

[90] Un rapport technique a été joint au formulaire T661 (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 15). Le rapport technique est un document de trois pages préparé par M. Lavoie (portant la mention « Les Éléments Chauffants Tempora Inc. » au bas de chaque page) auquel sont jointes 133 pages de renseignements sur les thermocouples.

[91] Plus de la moitié des documents joints au rapport technique présenté avec le formulaire T661 sont la copie de documents trouvés sur Internet sur le site Web de de fournisseurs et fabricants d’éléments chauffants, tels que Watlow, Omega, Thermo Electric, Rosemount, Lumrix et Instrument Service & Equipment. En outre, plus de la moitié des documents tirés du site Web de fournisseurs et fabricants avaient été modifiés, soit par la suppression du nom du fournisseur ou du fabricant ou de la référence à un produit, ou par l’ajout du logo de Tempora.

(ii) 2007

[92] Claire-William Ibrahim, la présidente de Tempora, a signé le formulaire de déclaration d’impôt (T2) en date du 14 septembre 2007. Elle a également signé le formulaire T661 à la même date. Ce formulaire est joint à la déclaration. En outre, un rapport technique est également joint au formulaire T661 (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 16). L’annexe 31 de la déclaration demande les CII correspondants.

[93] Le rapport technique est un document de trois pages préparé par les frères Elhami sur le papier à lettres de Tempora, auquel sont jointes 38 pages de renseignements ayant trait au chauffage tubulaire ainsi que de la documentation concernant les machines d’Oakley (les pages 4 à 26 sont des renseignements généraux provenant de diverses sources et les pages 27 à 41 contiennent une description détaillée des machines fabriquées par Oakley).

[94] La documentation jointe à la demande liée à la RS&DE est semblable à la documentation jointe à la demande d’avis préliminaire présentée par Tempora pour le projet de RS&DE de 2007. Toutefois, avec la demande liée à la RS&DE, la référence à Oakley a été supprimée des pages décrivant les machines d’Oakley; en outre, Tempora fait référence à un processus en 13 étapes provenant de la documentation d’Oakley.

[95] Des 41 pages jointes au rapport technique présenté avec le formulaire T661, 27 pages ont été copiées de documents trouvés sur Internet sur le site Web de fournisseurs et fabricants d’éléments chauffants, tels que Watlow, TruHeat, Ivaldi, Tempco, Durex Industries et Oakley. En outre, 26 pages des 27 pages tirées du site Web des fournisseurs et fabricants ont été modifiées, soit par la suppression du nom du fournisseur ou du fabricant ou de la référence à un produit ou par l’ajout du logo de Tempora.

(iii) 2008

[96] Claire-William Ibrahim, la présidente de Tempora, a signé la déclaration d’impôt (T2) le 3 septembre 2008. Elle a également signé le formulaire T661 à la même date, lequel est joint à la déclaration (T2). En outre, les rapports techniques des trois projets sont joints au formulaire T661 (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 17 (R&D : éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton), onglet 18 (projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés) et onglet 19 (R&D : cartouches chauffantes haute densité).

[97] Le format des rapports techniques de Tempora était différent de ceux des années antérieures. Par exemple, le rapport technique du projet éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton contenait une page titre, un résumé des crédits de RS&DE sur du papier à lettre de Tempora, une table des matières (introduction et objectifs, connaissances de base, progrès technologiques et contenu des activités et documentation sur la RS&DE), suivi de pages comportant les titres [TRADUCTION] « Objectifs technologiques », « Connaissances de base », « Progrès technologique », « Analyse des résultats partiels expérimentaux », « Progrès réalisé », « Technologie obtenue », « Réussite technologique », « Analyse technologique des résultats partiels », « Procédures précises et analyse partielle des résultats obtenus » et « Résultats partiels expérimentaux ».

[98] Les rapports techniques préparés pour les deux autres projets comportaient un format semblable. En outre, le rapport technique sur le projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés contenait également diverses images de matériaux utilisés et des tableaux des résultats.

[99] Tempora a également obtenu de M. Guidara un avis préliminaire pour le projet éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton (pièce A‑1, recueil de documents de l’appelante, onglet 9). Ce rapport technique contenait des pages de précisions de nature générale (de divers fournisseurs) et des pages de résultats (p. 14 à 17) comportant la description du projet et l’analyse des résultats.

[100] Le rapport technique du projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés, qui est la suite du projet de 2007, contenait également des pages de spécification de nature générale et des pages de résultats, en plus des pages comportant des images de matériaux et d’équipement utilisés. Les pages de résultats renvoyaient à des procédures expérimentales précises effectuées par Tempora.

[101] Enfin, le contenu du rapport technique du projet cartouches chauffantes haute densité était de nature générale et portait sur les cartouches chauffantes. En l’occurrence, toute la documentation était plagiée à partir de l’Internet.

[102] Au total, 22 des 65 pages jointes aux trois rapports techniques ont été copiées de documents trouvés sur le site Web de fournisseurs et fabricants d’éléments chauffants, tels que Watlow, TruHeat, Ivaldi, Tempco, Durex Industries et Indeeco. En outre, 20 des 22 pages tirées du site Web de fournisseurs et fabricants avaient été modifiées, soit par la suppression du nom du fournisseur ou fabricant ou de la référence à un produit, ou par l’ajout du logo de Tempora.

(iv) 2009

[103] Seul un extrait de la déclaration d’impôt de Tempora (T2) pour l’année d’imposition 2009 a été produit en preuve. Cet extrait n’inclut pas la signature de la déclaration.

[104] Claire-William Ibrahim a signé le formulaire T661 le 30 septembre 2009, qui a été joint à la déclaration d’impôt T2. En outre, les rapports techniques des trois projets sont joints au formulaire T661 (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 20 (cartouches chauffantes haute densité), onglet 21 (dispositifs de chauffage tubulaires) et onglet 22 (dispositifs de chauffage à serpentin et à câble). Le format des rapports techniques a été modifié à nouveau, alors que le formulaire T661 a été modifié de façon importante par l’ARC pour l’année d’imposition 2009. Par exemple, le rapport technique du projet cartouches chauffantes haute densité comporte seulement six pages, dont une page intitulée [TRADUCTION] « Processus de R&D par étape pour les cartouches chauffantes haute densité ». Le rapport technique préparé pour les deux autres projets est d’un format semblable. En outre, le formulaire T661 indique que les lignes 231 et 232 des déclarations d’impôt T2 ont été vérifiées et que l’annexe 31 est remplie.

[105] Parce que Tempora n’a pas rempli les cases 240, 242 et 244 du formulaire T661 nouvellement émis, l’ARC a exigé que Tempora remplisse ces cases pour chacun des projets. Dans une lettre en date du 1er décembre 2009, Tempora, par l’entremise de son cabinet de comptables, a envoyé les sections demandées du formulaire T661 pour les trois projets (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 14).

[106] Tempora a joint aux rapports techniques des projets de 2009 22 pages de documentation dont 14 pages avaient été copiées de documents trouvés sur Internet sur le site Web de fournisseurs et fabricants d’éléments chauffants, tels que Watlow, TruHeat, Tempco et Durex Industries. De plus, les 14 pages tirées du site Web de fournisseurs et fabricants avaient été modifiées, soit par la suppression du nom du fournisseur ou fabricant ou de la référence à un produit, ou par l’ajout du logo de Tempora. Enfin, la case 240 du formulaire T661, remplie par Tempora, qui décrit le progrès technologique du projet dispositifs de chauffage à serpentin et à câble contient principalement du contenu copié de l’Internet.

(b) Conclusions de la Cour

[107] Pour les motifs qui suivent, je conclus que Tempora a fait une présentation erronée des faits dans ses rapports techniques, notamment la documentation jointe à ceux-ci, qui ont été présentés avec les formulaires T661 et contiennent des énoncés incorrects ayant un impact important sur les fins pour lesquelles Tempora a présenté des demandes liées à la RS&DE.

[108] Conformément à la jurisprudence applicable, un énoncé incorrect dans une déclaration d’impôt équivaut à une présentation erronée des faits, « du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure » (Nesbitt c. Canada, [1996] ACF no 1470, [1996] FCJ No 1470 (QL); cité avec approbation dans la décision Vine (Succession)). En outre, dans la même décision, la Cour a établi qu’un énoncé incorrect demeure une présentation erronée des faits même si le ministre pouvait trouver l’erreur dans la déclaration d’impôt, après une analyse soignée du matériel à l’appui.

[109] La Cour a également établi que le seuil pour établir ce qui constitue une présentation erronée des faits est bas (Fuhr c. Le Roi, 2024 CCI 43, par. 21, citant MF Electric Incorporated c. Le Roi, 2023 CCI 60).

[110] À mon sens, les explications de Maged selon lesquelles la documentation jointe aux rapports techniques, ou qui en faisait partie, était théorique ne sont pas crédibles. Je ne crois pas que la documentation tirée du site Web de divers fournisseurs et fabricants et jointe aux divers rapports techniques, ou en faisant partie, est de la théorie qui valide ou explique les activités de Tempora. Par ailleurs, même si M. Guidara connaissait la provenance des renseignements et s’il savait peut-être que Maged avait substitué le nom de Tempora au nom des divers fournisseurs ou fabricants, cela n’est pas pertinent.

[111] Étant donné l’ampleur des modifications apportées à la documentation tirée du site Web de divers fournisseurs et fabricants (p. ex. : la substitution du nom des fournisseurs ou fabricants par « Tempora », la substitution de leur logo par le logo de Tempora, l’ajout de titres, la suppression de références à des numéros de téléphone ou à des numéros de pièces), la Cour doit conclure que les explications de Maged n’étaient pas crédibles. Si Tempora souhaitait inclure de la théorie dans son formulaire T661, elle pouvait simplement joindre la documentation des fournisseurs et fabricants sans la modifier.

[112] Parce que je conclus que la documentation jointe aux rapports techniques, ou qui en faisait partie, présentée avec les formulaires T661 pour les années d’imposition 2006 à 2009, a été largement plagiée à partir du contenu du site Web d’autres fournisseurs et fabricants, j’estime que Tempora a fait une présentation erronée des faits pour les années d’imposition 2006 à 2009.

[113] Comme il en a été question ci-dessus, la présentation erronée des faits prévue au sous-alinéa 152(4)a)(i), qui permet au ministre d’établir une nouvelle cotisation pour les années d’imposition frappées de prescription, inclut la présentation erronée des faits au moyen de renseignements sous le régime de la Loi. L’appelante fait valoir que les documents formant la base théorique des demandes liées à la RS&DE en cause, notamment les rapports techniques et les pièces jointes, sont optionnels et ne constituent donc pas des renseignements prescrits par la Loi. Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas d’accord avec l’appelante parce que les rapports techniques, y compris la documentation jointe à ces derniers, présentés à l’appui des demandes liées à la RS&DE sont des renseignements prescrits par la Loi et donc des renseignements fournis « sous le régime de la présente loi » au sens du sous‑alinéa 152(4)a)(i).

[114] Le paragraphe 37(1) prévoit, dans le calcul du revenu d’un contribuable, la déductibilité des dépenses de nature courante et des dépenses en capital faites par un contribuable pour des activités de RS&DE exercées au Canada.

[115] Les paragraphes 37(11) et 37(12) (dans leur version en vigueur durant les années d’imposition 2006 à 2009) prévoient que, si le formulaire prescrit par la Loi contenant les renseignements prescrits par la Loi n’est pas présenté dans le délai prévu, aucun montant ne peut être déduit par un contribuable en application du paragraphe 37(1) au titre de dépenses en RS&DE.

[116] Les parties pertinentes des paragraphes 37(11) et 37(12) (durant les années d’imposition 2006 à 2009) sont reproduites ci-dessous :

37(11) Sous réserve du paragraphe (12), un montant n’est déductible en application du paragraphe (1) au titre d’une dépense qu’un contribuable engagerait […] au cours d’une année d’imposition […] que s’il présente au ministre, au plus tard douze mois après la date d’échéance de production qui lui est applicable pour l’année, un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits relativement à la dépense.

37(12) Pour l’application de la présente loi, la dépense à l’égard de laquelle un contribuable n’a pas produit un formulaire prescrit en conformité avec le paragraphe (11) est réputée ne pas être une dépense relative à des activités de recherche scientifique et de développement expérimental.

[Nous soulignons.]

[117] En outre, si une dépense est réputée ne pas être une dépense en RS&DE, le contribuable ne peut pas obtenir de CII correspondants (voir la définition des termes « crédit d’impôt à l’investissement », « dépense admissible » et « compte de dépenses admissibles de recherche et de développement » au paragraphe 127(9), qui s’appliquent aux années d’imposition 2006 à 2009).

[118] Les renseignements prescrits, mais incorrects, mentionnés dans le formulaire T661 ou la présentation tardive du formulaire T661 peuvent avoir un impact sur l’admissibilité des dépenses en RS&DE d’un contribuable en application du paragraphe 37(1) et sur l’obtention des CII correspondants.

[119] En l’espèce, pour obtenir des CII correspondants aux dépenses en RS&DE en application de la Loi, Tempora doit avoir déposé auprès du ministre le formulaire prescrit (soit, le formulaire T661) contenant les renseignements prescrits dans le délai prescrit. La preuve a démontré que Tempora a effectivement déposé les formulaires T661 pour les années d’imposition 2006 à 2009 ainsi que les rapports techniques contenant la documentation tirée du site Web d’autres fournisseurs et fabricants, dont le contenu a été largement plagié. Les divers rapports techniques, y compris la documentation tirée du site Web d’autres fournisseurs et fabricants, joints aux formulaires T661, constituent des renseignements « prescrits » au sens de ce terme, qui est défini dans la Loi.

[120] Le paragraphe 248(1) définit « prescrit », pour l’application de la Loi, en ces termes :

prescrit

a) Dans le cas d’un formulaire, de renseignements à fournir sur un formulaire ou de modalités de production ou de présentation d’un formulaire, autorisés par le ministre;

a.1) dans le cas de modalités de présentation ou de production d’un choix, autorisées par le ministre;

b) dans les autres cas, visé par règlement du gouverneur en conseil, y compris déterminé conformément à des règles prévues par règlement. (prescribed)

[121] La Cour a conclu, à l’égard du formulaire T661 (version applicable après 2008) que, conformément à la définition du terme « prescrit » au paragraphe 248(1), les renseignements figurant dans ce formulaire prescrit sont, eux-mêmes, des renseignements prescrits; en conséquence, les renseignements exigés aux cases 240, 242 et 244 du formulaire T661 sont des renseignements prescrits (Westsource Group Holdings Inc. c. La Reine, 2017 CCI 9, par. 26 [Westsource CCI] (conf par Westsource Group Holdings Inc. c. Canada, 2018 CAF 57 [Westsource CAF])).

[122] Dans la décision Westsource CCI, notre Cour a tiré les conclusions additionnelles suivantes :

[27] De plus, les instructions figurant sur le formulaire T661 précisent clairement que les renseignements exigés dans le formulaire constituent des « renseignements prescrits ». Il y est notamment écrit ceci :

« Les renseignements demandés dans ce formulaire et les documents à l’appui de vos dépenses sont prescrits. »

[28] Parce qu’elle a omis les « renseignements prescrits » demandés aux lignes 240, 242 et 244 du formulaire T661, l’appelante n’a pas satisfait aux exigences prévues au paragraphe 37(11) de la Loi, et le ministre a déterminé à juste titre que le projet no 1 n’était pas admissible au programme de RS&DE pour l’année d’imposition 2011.

[123] Je suis d’accord avec ces conclusions. Bien que, dans ce cas, la Cour se prononçait sur les renseignements manquants et qui auraient dû figurer dans les cases 240, 242 et 244 du formulaire T661, je suis d’avis que le même raisonnement s’applique à la documentation jointe au formulaire T661, que ce soit dans la version du formulaire ultérieure à 2008 ou dans les versions antérieures.

[124] Ma conclusion est appuyée par l’affirmation de la Cour d’appel fédérale dans la décision Westsource CAF, c’est-à-dire que, « […] la Loi énonce clairement que les renseignements prescrits s’entendent notamment des renseignements nécessaires pour vérifier si les activités en question sont des activités de RS&DE, comme les renseignements à fournir dans les cases que Westsource n’a pas remplies » (par. 7).

[125] Le formulaire T661 (version applicable avant 2009) indique précisément qu’un contribuable doit fournir les renseignements demandés à l’étape 1. L’étape 1 nécessite que le contribuable présente une description détaillée de chaque projet, y compris des renseignements suffisants pour démontrer que le projet est admissible au programme de RS&DE, notamment les objectifs scientifiques et technologiques, le niveau des connaissances ou de la technologie, les progrès scientifiques ou technologiques, la description du travail effectué dans l’année d’imposition en cause et les renseignements à l’appui.

[126] En outre, tout comme le formulaire T661 (version applicable après 2008), le formulaire T661 (version applicable avant 2009) prévoit précisément que :

[t]ous les renseignements demandés dans ce formulaire, incluant les pièces connexes, annexes et tout autre document à l’appui de vos dépenses, sont prescrits.

[127] Enfin, pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que Tempora a fait une présentation erronée des faits, par négligence, en fournissant les renseignements sous le régime de la Loi, ce qui correspond à un manque de diligence raisonnable pour l’application du sous-alinéa 152(4)a)(i).

[128] Tel que l’a réitéré récemment la Cour d’appel fédérale dans la décision Canada c. Paletta (Succession), 2022 CAF 86, la négligence prévue au sous-alinéa 152(4)a)(i) correspond à un manque de diligence raisonnable :

[65] La négligence dont il est question au sous-alinéa 152(4)a)(i) renvoie au manque de diligence raisonnable. Le contribuable s’acquitte de son obligation de diligence raisonnable lorsque, « après un examen réfléchi et attentif de la situation, [il] évalue celle-ci et produit une déclaration selon la méthode qu’en bonne foi il croit appropriée » ou, en d’autres mots, lorsqu’il produit sa déclaration « d’une façon que le contribuable croit véritablement appropriée » (Regina Shoppers Mall Ltd. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 183, 90 D.T.C. 6427 (C.F. 1re inst.); conf. par Regina Shoppers Mall Ltd. c. Canada, [1991] A.C.F. no 52 (QL) (C.A.F.); voir également Canada c. Johnson, 2012 CAF 253, [2012] A.C.F. no 1249 (QL)). Les parties souscrivent à ce critère. Notre Cour peut également déduire qu’il y a eu négligence par le défaut du contribuable de vérifier la validité de ses certitudes (Robertson c. Canada, 2016 CAF 303, [2016] A.C.F. no 1338 (QL), par. 5 et 6).

[129] J’estime que Tempora a fait preuve d’un manque de diligence raisonnable parce qu’il a utilisé divers documents tirés du site Web d’autres fournisseurs et fabricants et présenté ces documents (parfois avec des changements tels l’ajout du logo de Tempora ou de son nom) à l’appui de ses demandes liées à la RS&DE sans mentionner leur provenance, comme si les documents étaient les siens. La preuve a démontré que Tempora a plagié une grande partie de la documentation supplémentaire présentée avec les formulaires T661. Le fait que M. Guidara connaissait peut-être la provenance de la documentation ne change pas ma conclusion, et ma conclusion n’est pas altérée par le fait que M. Guidara ait pu conseiller à Tempora d’inclure moins de théorie dans ses demandes liées à la RS&DE.

[130] Le terme « plagiat » est défini dans le Dictionnaire Larousse définit comme « [l’]acte de quelqu’un qui, dans le domaine artistique ou littéraire, donne pour sien ce qu’il a pris à l’œuvre d’un autre » et « ce qui est emprunté, copié, démarqué ».

[131] En anglais, le Canadian Oxford Dictionary définit le mot « plagiarize » comme suit : « to take and use (the thoughts, writings, inventions, etc. of another person) as one’s own » et « to pass off the thoughts etc. of (another person) as one’s own ».

[132] En l’espèce, Maged a commis du plagiat en utilisant des textes entiers tirés du site Web de divers fournisseurs et fabricants sans indiquer leur provenance. En outre, en faisant des changements aux documents (p. ex. : en ajouter le logo de Tempora et son nom), Maged voulait clairement faire croire à l’ARC que ces documents étaient des documents de Tempora. Encore une fois, si Tempora avait voulu fournir de la théorie à l’ARC au sujet de ses demandes liées à la RS&DE, c’est-à-dire, la fondation théorique du projet, il n’aurait pas été utile de remplacer les logos et autres identifiants des fournisseurs et fabricants.

[133] Dans la décision Nicolas c. Canada (Procureur général), 2010 CF 1045, portant sur une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale affirme qu’« une personne raisonnable, ayant fait des études universitaires ou même des études secondaires, serait sensibilisée au plagiat et aurait ainsi une connaissance générale à ce sujet » (par. 23). Je suis du même avis.

[134] Maged n’a pas agi comme une personne raisonnable lorsqu’il a fait du plagiat, surtout étant donné l’ampleur de celui-ci; il n’a donc pas fait preuve de diligence raisonnable, ce qui, selon moi, s’apparente à la négligence prévue au sous-alinéa 152(4)a)(i).

[135] De plus, Maged et Shady ont fait preuve d’un manque de diligence raisonnable parce qu’ils ont admis n’avoir jamais lu le formulaire T661, ni le guide de l’ARC sur la RS&DE (T4088), et ce, même si Tempora a demandé des dépenses en RS&DE dès 2005.

[136] En raison de ma conclusion sur la négligence, je n’ai pas à établir si le plagiat s’apparentait à la fraude pour l’application du sous-alinéa 152(4)a)(i).

B. RS&DE : questions

(1) RS&DE : le droit et les principes applicables

[137] La Loi prévoit un critère en deux volets. D’abord, je dois décider si les activités que Tempora a exercées durant les années d’imposition 2006 à 2009 à l’égard des divers projets remplissent les conditions de la définition de RS&DE au paragraphe 248(1).

[138] Tempora a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que ses activités constituent de la RS&DE. Si ces activités ne constituent pas de la RS&DE, l’analyse prend fin. Toutefois, si les activités remplissent les conditions prévues au paragraphe 248(1), alors la Cour doit établir si les dépenses sont déductibles en application de l’article 37 à titre de dépenses en RS&DE, et si ces dépenses sont admissibles pour les fins des CII (Zeuter Development Corporation c. La Reine, 2006 CCI 597, par. 20).

[139] En l’espèce, l’intimé ne met pas en doute la déductibilité des dépenses demandées par Tempora. En revanche, l’intimé estime que les dépenses demandées par Tempora ne sont pas des dépenses en RS&DE. En conséquence, je me pencherai seulement sur le premier volet du critère.

[140] Les activités de RS&DE sont définies au paragraphe 248(1) comme suit :

activités de recherche scientifique et de développement expérimental Investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est-à-dire :

a) la recherche pure, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science sans aucune application pratique en vue;


b)
la recherche appliquée, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science avec application pratique en vue;


c)
le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent.

Pour l’application de la présente définition à un contribuable, sont compris parmi les activités de recherche scientifique et de développement expérimental:

d) les travaux entrepris par le contribuable ou pour son compte relativement aux travaux de génie, à la conception, à la recherche opérationnelle, à l’analyse mathématique, à la programmation informatique, à la collecte de données, aux essais et à la recherche psychologique, lorsque ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) qui sont entrepris au Canada par le contribuable ou pour son compte et servent à les appuyer directement.

Ne constituent pas des activités de recherche scientifique et de développement expérimental les travaux relatifs aux activités suivantes :

e) l’étude du marché et la promotion des ventes;

f) le contrôle de la qualité ou la mise à l’essai normale des matériaux, dispositifs, produits ou procédés;

g) la recherche dans les sciences sociales ou humaines;

h) la prospection, l’exploration et le forage fait en vue de la découverte de minéraux, de pétrole ou de gaz naturel et leur production;

i) la production commerciale d’un matériau, d’un dispositif ou d’un produit nouveau ou amélioré, et l’utilisation commerciale d’un procédé nouveau ou amélioré;

j) les modifications de style;

k) la collecte normale de données.

scientific research and experimental development means systematic investigation or search that is carried out in a field of science or technology by means of experiment or analysis and that is

(a) basic research, namely, work undertaken for the advancement of scientific knowledge without a specific practical application in view,

(b) applied research, namely, work undertaken for the advancement of scientific knowledge with a specific practical application in view, or

(c) experimental development, namely, work undertaken for the purpose of achieving technological advancement for the purpose of creating new, or improving existing, materials, devices, products or processes, including incremental improvements thereto,

and, in applying this definition in respect of a taxpayer, includes

(d) work undertaken by or on behalf of the taxpayer with respect to engineering, design, operations research, mathematical analysis, computer programming, data collection, testing or psychological research, where the work is commensurate with the needs, et directly in support, of work described in paragraph (a), (b), or (c) that is undertaken in Canada by or on behalf of the taxpayer,

but does not include work with respect to

(e) market research or sales promotion,

(f) quality control or routine testing of materials, devices, products or processes,

(g) research in the social sciences or the humanities,

(h) prospecting, exploring or drilling for, or producing, minerals, petroleum or natural gas,

(i) the commercial production of a new or improved material, device or product or the commercial use of a new or improved process,

(j) style changes, or

(k) routine data collection.

[141] Étant donné le préambule de la définition, une investigation ou recherche systématique effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse est nécessaire pour qu’une activité soit admissible au titre de la RS&DE. En outre, pour que les activités soient admissibles en tant que « développement expérimental », elles doivent avoir été exercées en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent.

[142] Selon la jurisprudence, une activité doit remplir cinq conditions pour être admissible au titre de la RS&DE et, plus particulièrement, être admissible à titre de « développement expérimental » (par. d) de la définition de RS&DE; s’il est question de recherche pure (par. a)) ou de recherche appliquée (par. b)), il faut remplir la condition de l’avancement de la science).

[143] Ces conditions ont été établies par le juge Bowman, alors juge à la Cour canadienne de l’impôt, dans la décision Northwest Hydraulic. Pour ce faire, le juge Bowman a pris en compte la circulaire d’information 86-4R3 en date du 24 mai 1994 (la « circulaire ») et a affirmé que, en général, ce guide était utile et digne de foi (Northwest Hydraulic, par. 15).

[144] En ce qui concerne l’application du critère, le juge Bowman a également remarqué que « [l]es stimulants fiscaux accordés à ceux qui se livrent à la RS&DE visent à encourager la recherche scientifique au Canada […]. Cela étant, la législation concernant pareils stimulants “s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet” » (Northwest Hydraulic, par. 11).

[145] Ces mêmes conditions ont été confirmées par la Cour d’appel fédérale dans deux décisions ultérieures : R I S-Christie Ltd. c. R. ([1999] 1 C.T.C. 132, par. 10 [R I S-Christie] et CW Agencies Inc. c. La Reine (2001 CAF 393, par. 17 [CW Agencies]).

[146] La Cour d’appel fédérale a résumé ces conditions dans la décision CW Agencies en ces termes :

1. Existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes?

2. La personne qui prétend faire de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique?

3. La procédure adoptée était-elle complètement conforme à la discipline de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la vérification et la modification des hypothèses?

4. Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique?

5. Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a-t-il été fait au fur et à mesure de l’avancement des travaux??

[147] En ce qui a trait à la première condition, la jurisprudence a établi que, si la résolution d’un problème est raisonnablement prévisible à l’aide de la procédure habituelle ou des études techniques courantes, il n’y a pas d’incertitude technologique (Northwest Hydraulic, par. 16).

[148] En outre, la création d’un nouveau produit à partir de techniques, procédures et données généralement accessibles aux professionnels compétents dans le domaine ne constitue pas de la RS&DE, même si un doute subsiste quant à la façon dont les objectifs seront atteints. Le point de départ de l’analyse de l’existence d’une incertitude est l’évaluation des connaissances généralement accessibles aux professionnels compétents dans le domaine.

[149] En ce qui concerne la deuxième condition, un processus en cinq étapes a été créé afin d’établir si des hypothèses avaient été formulées, au sens de la définition de RS&DE (Northwest Hydraulic, par. 16) :

a) l’observation de l’objet du problème;

b) la formulation d’un objectif clair;

c) la détermination et la formulation de l’incertitude technologique;

d) la formulation d’une hypothèse ou d’hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l’incertitude;

e) la vérification méthodique et systématique des hypothèses.

[150] En ce qui a trait à la troisième condition, la procédure du contribuable doit « conform[e] aux principes établis et aux principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l’observation scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses » (Northwest Hydraulic, par. 16). La méthode essais-erreurs ne constitue pas une méthode scientifique au sens de cette condition.

[151] En ce qui concerne la quatrième condition, « [l]es critères de l’incertitude technologique ou scientifique, d’une part, et du progrès technologique ou scientifique, d’autre part, sont intimement liés » (Béton mobile du Québec Inc. c. La Reine, 2019 CCI 278, par. 51 [Béton mobile]). Par progrès technologique, on entend un progrès en ce qui concerne la compréhension générale (Northwest Hydraulic, par. 16).

[152] En outre, la Cour a ajouté deux précisions en ce qui a trait à cette condition :

  • (i)Par « courant », on entend « [q]uelque chose que les personnes qui s’y connaissent dans le domaine savent ou qu’elles peuvent de toute façon savoir. Je ne parle pas d’un élément de connaissance que quelqu’un, quelque part, peut connaître. La collectivité scientifique est étendue, et elle publie des documents dans de nombreuses langues. Un progrès technologique au Canada ne cesse pas d’être tel simplement parce qu’il existe un possibilité théorique qu’un chercheur, disons, en Chine, a peut-être fait le même progrès, mais que ses travaux ne sont généralement pas connus » (Northwest Hydraulic, par. 16).

  • (ii)« Le rejet, après l’essai d’une hypothèse, constitue néanmoins un progrès en ce sens qu’il élimine une hypothèse jusque-là non vérifiée. Une bonne partie de la recherche scientifique vise justement à cela. Le fait que l’objectif initial n’est pas atteint n’invalide ni l’hypothèse qui a été émise ni les méthodes qui ont été employées. Au contraire, il est possible que l’échec même renforce le degré d’incertitude technologique » (Northwest Hydraulic, par. 16). En d’autres mots, même si le travail n’a pas réussi, s’il a été « entrepris dans l’intérêt du progrès technologique, le travail peut néanmoins être qualifié » (Abeilles Service de Conditionnement Inc. c. La Reine, 2014 CCI 313, par. 143 [Abeilles]).

[153] Enfin, une fois que la Cour a identifié un progrès technologique, ce progrès n’a pas à être important : « il suffit que le progrès technologique réalisé soit minime pour être qualifié comme tel » (National R&D Inc. c. La Reine, 2020 CCI 47, par. 60 [National R&D], conf par 2022 CAF 72; demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada refusée 2023 CanLII 17188 (CSC)).

[154] Finalement, concernant la cinquième condition, c’est-à-dire l’exigence de conserver des registres détaillés, la jurisprudence a établi qu’il s’agit d’une exigence implicite émanant de la notion de « méthode scientifique » et de l’expression « investigation systématique » du préambule de la définition de RS&DE (National R&D, par. 65). Cette condition nécessite qu’un contribuable tienne un registre ou conserve des notes pour « faire la preuve […] que des essais ont été effectués » et « [que les essais] ont été effectués de façon systématique » (R I S-Christie, par. 14). Néanmoins, la preuve présentée en témoignage est admissible pour démontrer que les essais et la recherche systématiques ont été effectués.

(2) 2006 : projet thermocouple et modérateur de température

[155] En 2006, Tempora a présenté un projet de RS&DE, le projet thermocouple et modérateur de température.

[156] M. Atef Elhami a supervisé ce projet.

[157] La preuve a démontré que tous les renseignements à l’égard du projet avaient été conservés sur papier; néanmoins, à l’audience, aucun document contenant les divers dessins et résultats n’a été produit en preuve.

[158] La demande liée à la RS&DE de 2006 a été acceptée sans qu’un examen financier ne soit mené (pièce R‑1, recueil de documents de l’intimé, onglet 32). M. Guidara était d’avis que les activités exercées dans le cadre de ce projet étaient admissibles au titre de la RS&DE (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 31). Dans ce document, M. Guidara a indiqué qu’il était en mesure de confirmer la portée du projet et ses complexités, ce qui nécessitait une expertise avancée dans le domaine des thermocouples.

(a) Description

[159] Le projet visait à expérimenter avec diverses techniques et technologies dans le but de créer des thermocouples destinés à différents usages industriels. Un thermocouple est un élément utilisé dans diverses applications. Comme l’a expliqué Maged, un thermocouple commande essentiellement la chaleur dans une application donnée. Même s’il ne s’agit pas d’un dispositif coûteux, il peut, s’il est défectueux, paralyser un système valant plusieurs millions de dollars.

[160] Selon les éléments de preuve, M. Atef Elhami a conçu trois types de thermocouples devant être utilisés dans des environnements industriels spécifiques. Tempora a exercé ses activités en procédant à la mise à l’essai, à la fabrication et à la validation sur son lieu d’affaires. Tempora donnait également des thermocouples gratuits à ses clients pour qu’ils les testent et, grâce aux résultats obtenus de ces derniers, elle était en mesure de déterminer les limites et les cycles d’entretien de chaque unité. Les essais ont permis à Tempora d’améliorer ses produits et de corriger les problèmes des thermocouples.

[161] Le rapport technique joint au formulaire T661 indique que ces techniques et technologies n’étaient pas à la disposition de Tempora, car elles ne se trouvaient pas dans le domaine public. Le rapport technique renferme également une liste de dix incertitudes technologiques. En outre, il indique que certains prototypes n’étaient pas fonctionnels en raison de problèmes de durabilité.

[162] Les activités de Tempora comprenaient plus précisément la vérification des connaissances théoriques sur la manière de souder et d’assembler les trois types de thermocouples conçus par M. Atef Elhami. Selon Maged, ces connaissances ont également été acquises par l’étude d’un [TRADUCTION] « grand nombre de livres et de manuels » ainsi que des documents publiés en ligne par différentes industries.

[163] Les résultats obtenus dans le cadre de la mise à l’essai des différents thermocouples ont permis à Tempora de mieux comprendre comment construire les trois types de thermocouples (soudure, intensité de la soudure, isolant, fixation ou insertion dans l’élément, etc.).

[164] Le témoignage de M. Lussier portait principalement sur l’absence de documents corroborant les activités et le travail effectués par Tempora. Dans le matériel et les documents saisis, M. Lussier a indiqué ne pas avoir trouvé :

- de protocole expérimental pour l’objectif du contrôle de la durabilité qui avait été déclaré;

- de résultats concernant ces essais de durabilité;

- de formulation d’une incertitude technologique, d’hypothèses ou d’une procédure conforme avec la méthode scientifique en lien avec la durabilité.

[165] De plus, comme l’une des incertitudes décrites dans le rapport technique concernait les matériaux à utiliser, M. Lussier s’attendait à ce que Tempora indique que les matériaux avaient été utilisés et les difficultés éprouvées pour chaque matériau, mais il n’a trouvé aucun renseignement à ce sujet dans le matériel et les documents saisis.

(b) Admissibilité

[166] Après avoir examiné la preuve présentée à l’audience et pour les motifs qui suivent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le projet n’est pas admissible au titre de la RS&DE. L’appelante n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’une incertitude technologique et d’un progrès technologique. En outre, j’estime que la procédure utilisée par Tempora correspond à une méthode essais-erreurs et non pas à la méthode scientifique.

[167] Je conclus qu’il n’y avait pas d’incertitude technologique en ce qui concerne les trois types de thermocouples conçus par M. Atef Elhami. Ce projet impliquait de nouveaux modèles de thermocouple avec de nouveaux diamètres. L’objectif de Tempora était de déterminer les paramètres optimaux de ces modèles, notamment les matériaux à utiliser, l’intensité de soudage, la variation du remplissage et le changement de résistance. Pour atteindre cet objectif, Tempora a fait varier différents facteurs, comme la puissance, la tension et la longueur des éléments. Les différents types de thermocouples ont été mis à l’essai dans les installations de Tempora ainsi que dans les installations de ses clients.

[168] En pratique, les activités de l’appelante comprenaient la vérification des connaissances théoriques en matière de soudage et d’assemblage des thermocouples. Selon Maged, on pouvait acquérir ces connaissances au moyen d’un [TRADUCTION] « grand nombre de livres et manuels » et de documents publiés en ligne par de nombreux fournisseurs et fabricants. En effet, la preuve a démontré que Tempora a acquis les bases théoriques de ses thermocouples grâce à des connaissances accessibles au public publiées par d’autres fournisseurs et fabricants (techniques d’assemblage et de soudage des thermocouples).

[169] La preuve a également montré que la résolution des problèmes techniques soulevés par les trois types de thermocouples était raisonnablement prévisible à l’aide d’études techniques courantes. Je conclus que l’appelante avait facilement accès à toutes les connaissances requises. De plus, je constate que l’appelante n’a fait que régler certains des paramètres des thermocouples en fonction des besoins de ses clients. Bien que l’on puisse faire valoir que les paramètres requis pour les thermocouples n’existaient pas, la preuve a démontré que les principaux fournisseurs et fabricants du domaine pouvaient résoudre les problèmes de l’appelante à l’aide de techniques standard et établies.

[170] En utilisant des techniques standard et établies, les autres grands fournisseurs et fabricants ont pu régler le taux de remplissage, la quantité d’isolant et le taux de vibration de leurs propres thermocouples. Même si l’appelante n’avait pas accès librement et sans entrave à tous les renseignements détenus par ces fournisseurs et fabricants en raison des droits de propriété, je suis d’avis que les renseignements étaient néanmoins « généralement accessibles aux professionnels compétents dans le domaine », ce qui en fait des « études techniques courantes » (Northwest Hydraulics, par. 16).

[171] L’appelante ne peut pas obtenir gain de cause en faisant valoir l’existence d’une incertitude technologique simplement parce que certains aspects du projet étaient incertains pour son personnel. Ce critère n’est pas subjectif et dépend de si « l’incertitude cernée par l’appelante constitue une incertitude pour les personnes bien informées et expérimentées dans le domaine en question » (Logix Data Products Inc. c. R., 2021, CCI 36, par. 69 [Logix]).

[172] En outre, je suis d’avis que ce projet n’a pas généré de nouvelles caractéristiques ou capacités en matière de thermocouples qui n’existaient pas auparavant ou qui n’étaient pas disponibles dans la pratique courante.

[173] De plus, aucun élément de preuve satisfaisant n’a été présenté au procès pour démontrer que l’appelante a utilisé la méthode scientifique pour effectuer ses essais dans le cadre de ce projet. Maged a témoigné que la méthodologie employée par Tempora consistait à effectuer des essais dans ses propres installations ou à envoyer des thermocouples à des clients pour qu’ils les testent eux-mêmes. Bien que divers tests aient été effectués, je conclus que l’appelante n’a pas procédé selon la méthode scientifique et que Tempora a plutôt eu recours à la méthode essais-erreurs dans l’exercice de ses activités. Selon Shady et Maged, ils tentaient de comprendre ce qui ne fonctionnait pas lorsqu’ils testaient les thermocouples, puis ils effectuaient certains réglages avant de poursuivre avec d’autres tests. Je conclus donc que ce critère n’a pas été rempli.

(3) 2007 : projet ligne de fabrication d’éléments tubulaires

[174] En 2007, Tempora a fait une demande liée à la RS&DE pour le projet ligne de fabrication d’éléments tubulaires.

[175] Tempora a obtenu l’approbation préliminaire du projet. Elle a présenté une demande à l’ARC, y compris la documentation décrivant diverses machines fabriquées par une entreprise située à Chicago, Oakley Industries, machines que Tempora avait l’intention d’acheter pour exercer ses activités de RS&DE pour ce projet (pièce A-1, cahier des documents de l’appelante, onglet 6). M. Guidara a passé en revue 25 pages de documents présentés à l’appui de la demande d’avis préliminaire; ces pages décrivaient le projet et les incertitudes technologiques qu’il soulevait.

[176] Tel que l’ont affirmé les frères Elhami, ils ont inclus la description d’Oakley de ses propres machines aux documents joints à la demande d’avis préliminaire ainsi que le rapport technique présenté avec la demande liée à la RS&DE pour l’année d’imposition 2007.

[177] D’après Maged, sans l’approbation préliminaire du projet de l’ARC, Tempora n’aurait pas pu obtenir de prêt pour financer l’achat des machines d’Oakley. En outre, Maged a témoigné qu’il avait rencontré M. Guidara à quelques reprises pour ce projet.

[178] La preuve présentée à l’audience corrobore le témoignage de Maged. Tel qu’il est indiqué dans le formulaire d’évaluation de la RS&DE (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 35), M. Guidara a rencontré Maged à trois occasions pour ce projet : une fois en novembre 2006 au lieu d’affaires de Tempora et deux fois aux bureaux de l’ARC durant le mois de janvier 2007.

[179] Après avoir rempli le formulaire T661 pour le projet, l’agent en recherche et technologie de l’ARC a recommandé que le projet soit examiné plus avant et l’a envoyé à M. Guidara.

[180] Au terme d’un examen scientifique détaillé mené au bureau de l’ARC, M. Guidara a conclu que le projet était admissible au titre de la RS&DE. Selon les énoncés de M. Guidara figurant dans le formulaire d’évaluation de la RS&DE (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 35):

[…] étant donné le niveau d’engagement dans la R&D et le virage que la compagnie a pris suite à la découverte des incitatifs fiscaux, j’ai été invité à deux reprises, pendant et après l’ÉPP afin de mieux comprendre les défis technologiques des projets, répondre à certaines questions reliées à l’admissibilité des essais et aussi assister à certains tests. L’entreprise désire exploiter de nouveaux créneaux prometteurs dans le secteur des éléments chauffants. Vu la complexité du domaine et le type d’éléments à développer pour des applications ou des industries spécifiques, le recours à la R&D est plus que nécessaire et l’entreprise a décidé de mettre ses ressources et ses énergies dans le développement expérimental.

Les projets me semblent conformes aux critères et j’ai pu constater que les tests nécessitent une grande quantité de matériaux (consommés). Les équipements acquis (447K) afin de développer le procédé (correspondant aux dépenses en capital) ne pourraient — a priori — pas être convertis en équipement de production, étant donné leurs nature et dimensions, ainsi qu’à cause de tous les changements et bricolages subis. Une fois la technologie maîtrisée, des équipements plus grands et plus performants seront nécessaires pour installer une ligne de production. De plus, les éléments chauffants qui seront développés et le procédé de fabrication doivent obtenir une homologation avant d’être fabriqués et commercialisés. […] Je ne crois pas qu’un examen technique soit nécessaire, étant donné les divers défis rencontrés lors du développement de cette gamme de produits nouveaux.

[181] Selon son témoignage, M. Justin a effectué un examen détaillé des dépenses en RS&DE demandées pour le projet et a réduit le montant de la demande d’un montant égal aux coûts de diverses machines achetées auprès d’Oakley (369 265 $) et livrées après la fin de l’année d’imposition 2007 (soit le 7 août 2007) et les autres coûts (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 43). Néanmoins, parce que les critères de RS&DE avaient été remplis, M. Justin était d’avis que Tempora pouvait demander des dépenses pour l’achat des machines d’Oakley dans l’année d’imposition 2008 (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 40).

[182] Enfin, M. Justin a témoigné que, bien que M. Guidara n’a pas préparé de rapport scientifique, ce dernier a tout de même procédé à un examen scientifique pour ce projet.

(a) Description

[183] Le projet visait la fabrication de dispositifs de chauffage tubulaires de différentes longueurs, puissances et tensions selon diverses exigences en matière de gaines et de matériaux conformes aux critères de certification de la CSA.

[184] Selon le rapport technique, le progrès technologique consistait en la détermination des [traduction] « calculs de ratio mentionnés ci-dessous qui relèvent de la thermo-ingénierie, du transfert de chaleur et de la mécanique ».

[185] Les incertitudes énumérées dans le rapport technique concernaient l’épaisseur du fil à utiliser en fonction du diamètre du dispositif de chauffage, le degré d’étirement par volt/watts souhaité, le processus de remplissage, le soudage par fusion de la broche au serpentin et la durée du procédé de recuit. Tempora a également présenté son plan de travail.

[186] La preuve a démontré que Tempora avait besoin de machines, y compris des machines d’Oakley, pour fabriquer, tester et valider des éléments tubulaires à haute densité. Les machines d’Oakley étaient nécessaires à la réalisation de certaines étapes de production des éléments tubulaires. Essentiellement, ces machines remplissent les éléments et réduisent leur diamètre. Tempora a également construit elle-même, à moindre coût, d’autres machines dont elle avait besoin pour réaliser le projet (p. ex. : un four de recuisson), plutôt que de les acheter à d’autres fournisseurs.

[187] Selon Shady, même si Tempora a acheté des machines à d’autres fournisseurs, il était tout de même nécessaire de passer par toutes les étapes pour développer, mettre à l’essai et fabriquer des éléments tubulaires.

[188] Selon Maged, Tempora a dépensé des milliers de dollars en serpentins afin d’apprendre à utiliser les machines correctement. Après avoir résolu ces problèmes, Maged a ajouté qu’il fallait procéder à nouveau à des séries d’essais et de tests et que toutes les données ainsi que le processus avaient été consignés dans un document Excel que Tempora avait créé pour les spécifications des éléments tubulaires.

[189] La pièce A-2 (Spécifications des éléments tubulaires de Tempora), qui a été produite en preuve au procès, est un extrait du document Excel qui illustre les complexités du projet ainsi que tous les tests effectués par Tempora. Maged a déclaré qu’il y avait des incertitudes sur tous les points décrits dans la pièce A-2 et que cette pièce était une feuille de route sur la façon de fabriquer les éléments tubulaires. À partir de document Excel, Tempora disposait des résultats et de la recette pour fabriquer un millier d’éléments tubulaires différents.

[190] Shady a fourni des détails supplémentaires sur les tests effectués par Tempora concernant certains aspects du projet, comme l’illustre la pièce A-2. Par exemple :

  • -le « facteur d’allongement » (elongation factor), abrégé FA, est une information exclusive à Tempora, ne peut être obtenu qu’après des essais exhaustifs et n’est pas un nombre fixe;

  • -la « résistance », c.-à-d. le nombre d’ohms avant et après la fabrication du dispositif de chauffage, est également une information exclusive à Tempora : plus le tube est long, moins la résistance est élevée.

[191] Shady a aussi indiqué que Tempora avait réalisé des essais approfondis ainsi que quelques calculs pour déterminer « l’objectif d’allongement », ce qui a permis d’établir combien de boucles de spire sont nécessaires pour former un ressort. Plus précisément, d’après les calculs de la loi d’Ohm, Tempora a établi que la valeur minimale d’allongement doit être 2 et que la valeur maximale doit être 4,409. Tous les autres éléments figurant dans la pièce A-2 ont été déterminés en mettant à l’essai divers matériaux.

[192] Tempora est éventuellement parvenue à fabriquer un élément chauffant capable de résister à des températures de -70. Maged affirme que Tempora était la seule entreprise au Canada à être en mesure de le faire, grâce aux connaissances qu’elle avait acquises en matière d’éléments tubulaires. Il a également déclaré que ce seuil dépassait les limites technologiques que Manitoba Hydro avait atteintes précédemment. Maged n’a pas mentionné si d’autres entreprises ont cette capacité de production.

[193] Après avoir examiné les documents présentés conjointement avec la demande liée à la RS&DE ainsi que les documents et le matériel saisis par l’ARC, M. Lussier a témoigné qu’il n’a trouvé aucune preuve à l’appui des énoncés dans la description du projet, des matériaux utilisés et des expériences réalisées. Plus particulièrement, bien que les spécifications des machines d’Oakley ont été jointes à la demande, M. Lussier n’a trouvé (1) aucune documentation sur les données générées par les milliers d’essais et de tests effectués, (2) aucun des calculs de thermodynamique mentionnés comme progrès technologiques et (3) aucune des difficultés (ou incertitudes) éprouvées par Tempora en lien avec le déploiement des machines d’Oakley (méthodes de soudure ou de remplissage ou problèmes de passe de couverture).

[194] M. Lussier a déclaré que, bien que des problèmes techniques puissent survenir au moment de déployer une machine commerciale, ces activités ne sont pas considérées comme des activités de RS&DE s’il est possible de trouver des solutions à l’aide de techniques connues. Il a toutefois reconnu que la RS&DE s’avère parfois nécessaire pour résoudre d’autres problèmes techniques. Il a également déclaré qu’il n’avait trouvé aucun document ou matériel montrant l’une ou l’autre des incertitudes mentionnées ci-dessus.

[195] En outre, M. Lussier a conclu que l’examen de l’ensemble de la documentation et du matériel saisis ne présentait aucun lien entre les matériaux utilisés et le travail supposément exécuté, aucune expérimentation concernant les dizaines de milliers d’éléments chauffants fabriqués, ni aucune innovation en lien avec la méthode d’exploitation actuelle des machines d’Oakley ou avec la fabrication des éléments chauffants.

(b) Admissibilité

[196] Pour les raisons suivantes, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le projet répond aux critères de la RS&DE. La preuve a démontré l’existence d’incertitudes technologiques, qui ne pouvaient être levées au moyen d’études techniques courantes, et de progrès technologiques. J’estime en outre que la procédure utilisée par Tempora était en grande partie conforme à la méthode scientifique. Je suis cependant d’accord avec M. Justin pour dire que, étant donné que les machines d’Oakley ont été reçues après la fin de l’année d’imposition 2007, Tempora ne peut déduire ces coûts à titre de dépenses en RS&DE (et les CII correspondants) que pour l’année d’imposition 2008.

[197] Bien que Tempora a acheté des machines à des fabricants et qu’elle en a fabriqué elle-même, cela ne signifie pas que le projet ne comporte pas d’incertitudes technologiques. J’accepte le témoignage de Maged selon lequel les machines d’Oakley étaient nécessaires pour réaliser environ 40 % des activités exercées dans le cadre de ce projet.

[198] J’accepte également le témoignage de Shady selon lequel le facteur d’allongement et la résistance, comme indiqué dans la pièce A-2, sont des renseignements exclusifs de Tempora. Je suis d’avis que le témoignage de Shady en ce qui concerne la pièce A-2 était crédible et qu’il établit les incertitudes technologiques en lien avec le projet ainsi que les progrès réalisés grâce aux résultats du projet. Plus particulièrement, le témoignage de Shady au sujet du facteur d’allongement, une information exclusive à Tempora, a démontré des incertitudes, soit des problèmes qui ne pouvaient pas être résolus par des études techniques courantes, et les progrès dans le domaine des dispositifs de chauffage tubulaires réalisés grâce au projet. J’accepte également le témoignage de Maged selon lequel la plupart des renseignements qui figurent dans la pièce A-2 illustrent les incertitudes technologiques en lien avec le projet.

[199] La preuve a démontré que Tempora tentait d’améliorer les dispositifs de chauffage tubulaires en déterminant comment fabriquer des éléments tubulaires de différentes longueurs, puissances et tensions, selon différentes exigences en matière de gaines et de matériaux pour satisfaire aux critères de certification de la CSA. Tempora voulait améliorer les éléments tubulaires sur le marché; le critère du progrès technologique est donc rempli. La jurisprudence a établi que même les progrès graduels en lien avec un produit ou un procédé peuvent être considérés comme de la RS&DE, au sens de la définition de RS&DE.

[200] De plus, la preuve a démontré que la compréhension qu’avait Tempora de la chaîne de fabrication et des éléments tubulaires ainsi fabriqués faisait d’elle la première entreprise en général, et pas seulement au Canada, à fabriquer des éléments chauffants capables de résister à des températures de -70, ce qui constitue un progrès technologique (Northwest Hydraulic, par. 16).

[201] Selon Maged, une grande quantité de données ont dû être recueillies pour que Tempora puisse poursuivre son projet. Je conclus donc également que la collecte de données effectuée par Tempora constitue de la RS&DE, car elle était nécessaire au projet et l’appuyait directement.

[202] Le témoignage de M. Lussier s’est encore une fois limité à l’examen du formulaire T661 et du rapport technique qui y était joint ainsi qu’à l’examen du matériel et des documents saisis. Il a reconnu avoir vu un document Excel semblable à l’extrait trouvé dans la pièce A-2, mais il n’a pas été en mesure d’examiner le document.

[203] M. Lussier a également conclu que les spécifications des machines d’Oakley laissaient voir qu’il s’agissait de machines utilisées dans le cadre de la production commerciale. Selon son rapport, les machines d’Oakley n’ont pas été utilisées pour des activités de RS&DE pendant la totalité ou la quasi-totalité de leur durée de fonctionnement au cours de leur durée de vie utile prévue.

[204] Toutefois, selon le témoignage de Shady, ils ont apporté de nombreuses modifications aux machines d’Oakley dans le but d’atteindre l’objectif de Tempora, soit l’amélioration des éléments tubulaires. Shady a témoigné que les machines d’Oakley n’ont pas été utilisées à des fins commerciales, compte tenu des modifications importantes qui leur ont été apportées. Cela confirme également la fiabilité de la déclaration de M. Guidara figurant dans le formulaire d’évaluation de la RS&DE produit en preuve (pièce R-1, recueil des documents de l’intimé, onglet 35), selon laquelle Tempora ne pouvait pas utiliser les machines d’Oakley directement à des fins de production commerciale, en raison de leur taille et des changements apportés à leur configuration.

[205] Je peux également déduire à partir du témoignage de Shady qu’il faudrait apporter plusieurs modifications et changements aux machines d’Oakley pour qu’elles puissent être utilisées à nouveau dans un contexte de production commerciale. Je n’accepte pas le témoignage de M. Lussier selon lequel les machines d’Oakley ont été utilisées pour la production commerciale de Tempora.

[206] Maged a déclaré que Tempora avait effectué de nombreux tests et calculs pour établir les paramètres souhaités du projet, comme l’épaisseur du fil, le facteur d’allongement, la résistance et l’objectif d’allongement. Tempora a sélectionné les paramètres souhaités et a calculé certaines de leurs limites avant de procéder à toute mise à l’essai. En d’autres termes, Tempora (1) avait comme objectif fixe la création d’éléments chauffants dotés de caractéristiques spécifiques leur permettant de résister à des conditions météorologiques extrêmes ou de satisfaire à d’autres conditions et (2) a travaillé systématiquement à la réalisation de cet objectif.

[207] Dans le but d’atteindre cet objectif, Maged et Shady ont plus précisément commencé par déterminer les paramètres pertinents à faire varier. Ils ont ensuite calculé les valeurs minimales et maximales de l’allongement pour délimiter la portée de ces paramètres. Ce n’est que par la suite qu’ils ont commencé à effectuer des tests pour déterminer si chaque série de mesures leur permettrait de se rapprocher de cet objectif ou les en éloignait, qu’ils ont réglé les paramètres en conséquence et qu’ils ont recommencé à expérimenter.

[208] Ces éléments suggèrent que l’appelante a fait plus que de simples essais et erreurs à l’aveugle et qu’elle a suivi la méthode scientifique, c’est-à-dire « l’observation scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses » (Northwest Hydraulic, par. 16).

(4) 2008 : projet éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton; projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés; et projet cartouches chauffantes haute densité

[209] Pour l’année d’imposition 2008, Tempora fait une demande à l’égard de trois projets de RS&DE : le projet éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton (projet 2008‑01), le projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés (la suite du projet de 2007) (projet 2008-02) et le projet cartouches chauffantes haute densité (projet 2008-03).

[210] Pour le projet éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton, Tempora a obtenu une approbation préliminaire de l’ARC (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 9; pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 50).

[211] De nouveau, un agent en recherche et technologie de l’ARC a examiné les trois projets et a conclu qu’un examen scientifique plus approfondi était nécessaire (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 51) et a renvoyé l’affaire à M. Guidara.

[212] M. Guidara a procédé à un examen scientifique au bureau de l’ARC et a conclu que le projet cartouches chauffantes haute densité n’était pas admissible au titre de la RS&DE, mais que les deux autres projets l’étaient (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 54). Il a par ailleurs établi qu’il serait possible de demander les dépenses liées à l’achat des machines d’Oakley en 2008, dépenses qui avaient été refusées en 2007 pour le projet ligne de fabrication d’éléments tubulaires.

(a) Projet éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton (projet 2008-01)

(i) Description

[213] L’objectif de ce projet était de créer un appareil de chauffage à base de silicone capable de fonctionner à l’extérieur dans diverses conditions défavorables. Les éléments chauffants flexibles étaient revêtus d’un matériau en caoutchouc vulcanisé à base de silicone.

[214] Tempora a développé ce projet dans le but de chauffer de manière adéquate des structures extérieures, comme les voies ferrées et les gares, par temps froid. Si le projet s’avérait une réussite, le caoutchouc silicone (qui est chauffé) pourrait alors remplacer le sel, corrosif pour les structures. Le caoutchouc silicone fournit à la structure la chaleur constante dont elle a besoin dans diverses circonstances. Il serait intégré dans un moule en béton et serait activé par des capteurs commandés à distance.

[215] Selon Maged, un professeur a été impliqué pour déterminer la composition chimique ainsi que le type et la taille du béton à utiliser dans ce projet.

[216] Les résultats et les tests de Tempora ont été consignés dans un document Excel qui indiquait les données d’entrée ainsi que les données des fournisseurs des fils à utiliser. Un extrait du document Excel a été produit comme élément de preuve sous la pièce A‑3. Le moule a été confié à un tiers.

[217] Selon Tempora, les incertitudes de ce projet comprenaient le contrôle de l’enroulement à des diamètres extrêmes en utilisant des fils fins pour fixer l’élément chauffant au matériau à l’aide de matériaux adhésifs. En ce qui concerne les progrès technologiques, Tempora a indiqué que le projet visait la création d’un nouveau type d’élément chauffant pour générer de la chaleur dans un environnement défavorable.

[218] Selon Shady, de nombreux tests ont été nécessaires pour déterminer les paramètres, comme l’écart minimal, l’espacement et la résistance. Entre autres, les renseignements exclusifs consignés dans le document Excel (pièce A-3) dans les colonnes « essais nécessaires », « largeur solide », etc., n’ont été obtenus par Tempora qu’après de nombreux tests. Les autres renseignements exclusifs comprennent les types de câbles, l’espacement et les utilisations des câbles.

[219] Shady a également déclaré que Tempora avait dû concevoir un prototype, le fabriquer, puis le tester. Ils ont fabriqué de nombreux prototypes et, chaque fois qu’un prototype échouait, Tempora essayait de comprendre la cause de cet échec et passait à un autre prototype.

[220] Tempora a réussi à mener à bien ses recherches et à mettre en œuvre ces nouveaux dispositifs de chauffages dans le cadre de divers projets pour ses clients.

[221] Selon M. Lussier, les documents joints au formulaire T661 contiennent des renseignements de nature générale ou des spécifications de produits. Les documents contiennent également des pages présentant divers résultats d’expériences, avec des graphiques qui n’indiquent pas les unités de données utilisées. M. Lussier a témoigné qu’il ne pouvait pas savoir à quoi ils font référence. Ces données ne sont pas non plus analysées, expliquées ou interprétées. En outre, la troisième page de résultats (p. 19) contient des calculs assez faciles à faire pour tout étudiant de première année en génie. M. Lussier a souligné qu’il ne pouvait pas déterminer ce qui avait été fait, quelle analyse sous-jacente avait été effectuée ou si le projet avait permis de réaliser un progrès technologique.

[222] M. Lussier a donc conclu que les documents et le matériel saisis ne démontrent pas les incertitudes technologiques alléguées par Tempora ni que la totalité ou la quasi-totalité des dépenses en capital étaient attribuables à des activités de RS&DE.

(ii) Admissibilité

[223] Pour les motifs qui suivent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, ce projet est une activité admissible au titre de la RS&DE. La preuve a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait des incertitudes technologiques, puisque la méthode de chauffage que Tempora avait l’intention de développer n’avait jamais été conçue ni utilisée dans des environnements défavorables et que ces incertitudes ne pouvaient pas être levées au moyen d’études techniques courantes. Je conclus également que le critère de progrès technologique et le critère d’utilisation de la méthode scientifique sont remplis.

[224] En dépit des conclusions de M. Lussier selon lesquelles les incertitudes technologiques ne sont pas étayées par les documents saisis, je suis d’avis que les témoignages de Maged et de Shady étaient clairs et exempts de contradictions et qu’ils ont démontré, selon la prépondérance des probabilités, des incertitudes technologiques, qui ne pouvaient pas être levées au moyen d’études techniques courantes ainsi que des progrès technologiques.

[225] Le progrès technologique réalisé par Tempora comprend l’installation de cette structure (un dispositif de chauffage à base de silicone intégré dans un moule en béton et activé par des capteurs télécommandés) et donc la prolongation de la durée de vie des infrastructures exposées au froid pendant l’hiver. La preuve a également démontré qu’il s’agissait d’un système bien régulé, capable d’atteindre la température souhaitée en 20 minutes et de la maintenir pendant une période prolongée, ce qui, selon Shady, n’était pas possible avec l’ancienne méthode d’entretien.

[226] Même si une composante du projet (le type de béton à utiliser dans la structure) a été conçue par un professeur, la résolution des incertitudes technologiques en lien avec ce projet n’était pas raisonnablement prévisible à l’aide d’une procédure habituelle ou d’études techniques courantes. D’après les preuves présentées à l’audience, bien que les anciennes méthodes de salage et de surveillance par de la main-d’œuvre entraînent des coûts importants, personne ne semblait avoir développé d’autre stratégie.

[227] La preuve a démontré que le projet comprenait la conception, la fabrication et la mise à l’essai de prototypes, la réalisation d’une analyse pour déterminer les raisons de l’échec des prototypes et l’intégration d’un système de commande à distance. De plus, Tempora a effectué les tests de manière scientifique, notamment en reproduisant les conditions réelles, en modifiant les proportions en fonction des résultats obtenus et en utilisant le document Excel pour calculer et saisir les différentes mesures. Je conclus donc que Tempora a suivi des procédures conformes avec la méthode scientifique « en vue d’éliminer une incertitude technologique au moyen de la formulation et de la vérification d’hypothèses innovatrices non vérifiées » (Northwest Hydraulic, par. 16).

[228] J’estime que l’on n’a pas eu recours à la méthode par essais et erreurs dans ce projet.

[229] Je note également que ce projet a été documenté dans un rapport technique joint au formulaire T661 déposé auprès de l’ARC ainsi que dans le document Excel (pièce A-3) présenté en preuve au moment de l’audience. Bien que, de l’avis de M. Lussier, le document Excel était vague, notamment en raison du manque d’unités accompagnant les données, j’estime que les témoignages de Maged et Shady ont complété les dossiers de manière suffisante. Cet avis est également confirmé par l’existence d’un progrès technologique, puisqu’« il doit être également permis de conclure que le contribuable a entrepris des recherches systématiques s’il est prouvé que ces recherches se sont soldées par une avancée technologique » (R I S-Christie, par. 15).

(b) Projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés (projet 2008-02)

(i) Description

[230] La preuve a démontré que ce projet est la suite du projet ligne de fabrication d’éléments tubulaires de 2007, qui portait sur une chaîne de fabrication d’éléments tubulaires, et avait recours, entre autres, aux machines d’Oakley et à d’autres machines fabriquées par Tempora (p. ex. : un four de recuisson) pour concevoir et fabriquer des éléments chauffants tubulaires de différentes longueurs, puissances et tensions, selon différentes exigences en matière de gaines et de matériaux en vue de satisfaire aux critères de certification de la CSA.

[231] Comme indiqué ci-dessus, la pièce A-2 a été produite en preuve pour montrer les différentes incertitudes soulevées par le projet de 2007 ainsi que par le projet 2008-02. Tempora a proposé de poursuivre ses activités en ajoutant différentes caractéristiques à son projet (recuit et cintrage d’éléments tubulaires pour diverses utilisations).

[232] Le rapport technique joint au formulaire T661 (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 18) comprend des photos du matériel utilisé dans le cadre du projet ainsi que des photos d’un four de recuisson tel que conçu par Shady (annexe 2 du rapport technique).

[233] Le rapport technique fait référence aux paramètres à prendre en compte pour fabriquer un élément tubulaire (voir la section portant sur le contenu scientifique et technologique); ces paramètres sont tous reproduits dans la pièce A-2, comme il en a été question dans le cadre du projet de 2007.

[234] Dans la section du rapport technique portant sur les procédures précises et l’analyse partielle des résultats obtenus, Maged décrit diverses activités exercées dans le cadre du projet, y compris le nombre d’éléments chauffants fabriqués à partir de divers paramètres et matériaux.

[235] Selon M. Lussier, il n’a pu trouver, dans la documentation fournie avec la demande liée à la RS&DE et dans le matériel et les documents saisis, aucune documentation à l’appui des tests effectués, des matériaux utilisés, des données brutes, des analyses statistiques ou des résultats. M. Lussier a affirmé qu’en raison de la disponibilité de l’effectif et du revenu brut de Tempora, il n’aurait pas été possible de créer autant d’éléments chauffants, soit 800 000 éléments chauffants selon ses calculs, comme mentionné dans la section du rapport technique portant sur les procédures précises et l’analyse partielle des résultats obtenus.

[236] De plus, selon M. Lussier, l’une des incertitudes décrites pour déterminer le « calibre du fil » est une pratique d’ingénierie standard bien connue. Pour ce faire, deux étapes simples sont nécessaires : (1) calculer la puissance du courant électrique à l’aide de la loi d’Ohm (ce calcul ne nécessite que des connaissances en physique de niveau secondaire); et (2) appliquer à ce résultat les normes internationales en matière de calibre de fils pour déterminer le calibre des fils (pièce R-1, recueil des documents de l’intimé, onglet 78, p. 21).

(ii) Admissibilité

[237] Pour les mêmes raisons que celles invoquées pour le projet de 2007, et pour les raisons supplémentaires suivantes, je conclus que ce projet est admissible au titre de la RS&DE, puisqu’il s’inscrit dans le prolongement du projet de 2007. La preuve a démontré, selon la prépondérance des probabilités, des incertitudes technologiques, qui ne pouvaient être résolues par des études techniques courantes, et des progrès technologiques. Je suis également d’avis que l’exigence du recours à la méthode scientifique a été respectée.

[238] Comme je l’ai mentionné dans mon analyse du projet de 2007, la pièce A-2 et les témoignages de Maged et de Shady ont convaincu la Cour qu’il existait des incertitudes technologiques dans la fabrication de dispositifs de chauffage tubulaires, en raison des différents matériaux et des autres paramètres à prendre en considération, et que des études techniques courantes ne permettaient pas de lever ces incertitudes. Les paramètres sont présentés dans la pièce A-2 ainsi que dans le rapport technique.

[239] Bien que M. Lussier ait affirmé que le calibre du fil peut être déterminé à l’aide d’une pratique d’ingénierie bien connue, j’estime que d’autres incertitudes technologiques, comme indiqué dans la pièce A-2, ont été soulevées dans le cadre de ce projet, comme il en a été question dans mon analyse du projet de 2007.

[240] Je tiens également compte du fait que le témoignage de M. Lussier s’est à nouveau limité à son examen du formulaire T661 et du rapport technique qui y était joint ainsi qu’à son examen du matériel et des documents saisis.

[241] De plus, je note que l’avocat de l’appelante a avisé l’intimé dans une lettre datée du 15 juin 2023 d’une erreur figurant dans le rapport technique quant au nombre d’éléments fabriqués dans le cadre de ce projet (pièce R-3). En raison de cette correction, je n’ai pas pris en compte le témoignage de M. Lussier selon lequel il aurait été impossible de construire 800 000 éléments tubulaires en raison de la main-d’œuvre et du revenu brut de Tempora.

[242] Enfin, je conclus que la preuve a démontré que Tempora a consigné de manière adéquate le processus de mise à l’essai des divers éléments (comme le montrent la pièce A-2 et le témoignage de Shady) et que les tests ont été effectués de façon systématique (R I S Christie, par. 14).

(c) Le projet cartouches chauffantes haute densité (projet 2008-03)

[243] Ce projet s’est étalé sur deux ans (projets 2008-03 et 2009-01) durant les années d’imposition 2008 et 2009. La description et les conclusions concernant l’admissibilité ci-après s’appliquent au projet pour les années d’imposition 2008 et 2009.

(i) Description

[244] Selon le témoignage de Maged, une cartouche chauffante haute densité [traduction] « est un élément chauffant où les deux connecteurs proviennent d’un seul côté », utilisé notamment dans les appareils de dialyse. Selon Shady, les cartouches chauffantes peuvent être très courtes et les applications des cartouches diffèrent de celles des éléments tubulaires.

[245] Tempora a produit en preuve la pièce A-4, qui est un extrait du document Excel détaillant les données et les résultats des tests effectués dans le cadre de ce projet.

[246] Les documents joints au formulaire T661 de l’appelante pour l’année d’imposition 2008 comprennent le rapport technique, auquel sont joints des documents généraux sur les cartouches chauffantes; cette documentation comprend des renseignements sur leurs spécifications et tolérances standard. Cependant, les documents ne contenaient aucune analyse des données ni aucun graphique. De plus, une partie des documents à l’appui avait déjà été présentée avec la demande liée à la RS&DE de 2005.

[247] Pour le projet 2009-01, l’appelante a présenté dans le rapport technique joint à son formulaire T661 un processus de fabrication étape par étape des cartouches chauffantes haute densité (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 20). De plus, une partie des documents à l’appui joints à la demande du projet 2009-01 avait déjà été présentée avec les demandes liées à la RS&DE de 2005 et de 2008.

[248] Après avoir examiné les documents joints au formulaire T661 ainsi que les documents et le matériel saisis par l’ARC, M. Lussier n’a pas été en mesure de déterminer les matériaux utilisés ou les activités exercées par Tempora dans le cadre de ce projet.

[249] D’après les éléments de preuve présentés à l’audience, M. Guidara a déterminé que ce projet n’était pas admissible pour l’année d’imposition 2008 (pièce R-1, recueil des documents de l’intimé, onglet 51). Comme indiqué ci-dessus, aucun examen scientifique n’a été effectué par l’ARC pour l’année d’imposition 2009.

(ii) Admissibilité

[250] Pour les raisons suivantes, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le projet n’est pas admissible au titre de la RS&DE pour les années d’imposition 2008 et 2009.

[251] L’appelante n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer l’existence d’incertitudes technologiques ni de progrès technologiques quant à ce projet étalé sur deux années d’imposition (2008 et 2009).

[252] Maged a donné un témoignage relativement détaillé sur la fabrication d’une cartouche chauffante. Cette description n’explique cependant pas si et dans quelle mesure la cartouche est liée au projet de Tempora, ni les hypothèses qu’elle a contribué à formuler ou les progrès technologiques qu’elle a permis de réaliser. Il en va de même pour les preuves documentaires de Tempora.

[253] Selon Tempora, la principale incertitude technologique concerne l’obtention d’un noyau adapté à une cartouche chauffante, soit un noyau ayant le même diamètre que celui du tube intérieur de la cartouche chauffante. Cependant, la preuve a démontré que les noyaux sont facilement disponibles sur le marché et qu’il est possible d’acheter un noyau de la longueur et du diamètre requis. L’appelante ne semble pas avoir de réserve quant au matériau du noyau acheté, à savoir la céramique.

[254] Il n’est pas possible de déterminer les progrès technologiques que Tempora envisageait au cours de l’année d’imposition 2008 ni les incertitudes technologiques auxquelles elle a fait face.

[255] Pour l’année d’imposition 2009, le progrès technologique anticipé est décrit en ces termes à la case 240 du formulaire T661 nouvellement émis par l’ARC et produit par Tempora (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 14) :

[traduction] Concevoir, élaborer et créer une cartouche chauffante sertie. Avec des matériaux de première qualité et des contrôles rigoureux en cours de fabrication pour assurer un transfert de chaleur supérieur, des températures uniformes et une résistance à l’oxydation et à la corrosion même à haute température.

[256] La case 242 du même formulaire décrit les obstacles technologiques ou les incertitudes du projet, qui comprenaient les éléments suivants : pour établir [traduction] « le type de noyau nécessaire [...] en insérant un noyau de taille presque identique au diamètre du tube intérieur ».

[257] Bien que la documentation provenant du site Web d’autres fournisseurs ou fabricants présentée avec les formulaires T661 laissait voir certaines incertitudes sous la forme des contraintes auxquelles Tempora faisait face, elle n’a pas montré que les spécialistes du domaine faisaient face aux mêmes contraintes. Cette documentation présentait peut-être les hypothèses formulées, les méthodes scientifiques utilisées et les progrès technologiques réalisés, mais le témoignage de Maged et Shady était très limité quant à la documentation jointe aux formulaires T661 des années d’imposition 2008 et 2009.

[258] Je conclus que Tempora a eu recours à des études techniques courantes pour résoudre ses problèmes, c’est-à-dire à des « techniques, [des] procédures et [des] données qui sont généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine » (Northwest Hydraulic, par. 16). Je suis également d’avis que la preuve a montré que les incertitudes pertinentes pouvaient être résolues à l’aide de produits (noyaux) déjà couramment disponibles sur le marché, et qu’il n’y avait donc pas d’incertitude technologique ni de progrès technologique.

[259] En l’espèce, le résultat des tests entrepris a été la création d’une cartouche chauffante dont les spécifications correspondent exactement aux exigences du client (p. ex. : une résistance maximale de 40 ohms). Même si ces spécifications données n’existaient pas auparavant, l’appelante n’a pas établi que la méthode utilisée pour les trouver n’était pas généralement accessible aux professionnels compétents du domaine.

[260] En outre, le témoignage de Shady ne permet pas de conclure que les paramètres qu’ils ont ajustés pour atteindre les spécifications souhaitées (p. ex. : le type de fil, la tension, l’épaisseur du fil) étaient inconnus. En d’autres termes, Shady n’a pas établi qu’un professionnel compétent dans le domaine, qui disposerait du même matériel et du même équipement, n’aurait pas pu effectuer les mêmes tests pour obtenir les spécifications souhaitées par le client. Par conséquent, ce projet est probablement l’application de principes existants, une activité qui n’est pas admissible au titre de la RS&DE (R I S-Christie, par. 13).

[261] Je suis également d’avis que le projet était de nature commerciale. Il semble que ce projet concerne la fabrication de cartouches chauffantes, et non leur utilisation à des fins précises, comme dans les appareils de dialyse. Les témoignages de Maged et de Shady montrent que la fabrication de ces cartouches chauffantes fait partie des activités de Tempora. En fait, les preuves documentaires de l’appelante en lien avec ce projet portent en partie sur la fabrication de cartouches chauffantes.

[262] En outre, l’appelante n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer qu’elle avait eu recours à la méthode scientifique pour exercer ses activités. Je constate que Tempora a employé la méthode par essais et erreurs pour tous les ajustements apportés aux cartouches chauffantes en vue de concevoir (ou revoir la conception), fabriquer et mettre à l’essai ses produits.

(5) 2009 : projet cartouches chauffantes haute densité (projet 2009-01, suite du projet 2008-03); projet dispositifs de chauffage tubulaires (projet 2009-02); et projet dispositifs de chauffage à serpentin et à câble (projet 2009‑03)

[263] Pour l’année d’imposition 2009, Tempora a fait des demandes liées à la RS&DE à l’égard de trois projets : le projet cartouches chauffantes haute densité (projet 2009-01), la suite du projet 2008-03 (donc le même projet); le projet dispositifs de chauffage tubulaires (projet 2009-02); et le projet dispositifs de chauffage à serpentin et à câble (projet 2009‑03).

[264] L’agent en recherche et technologie de l’ARC qui a examiné la demande liée à la RS&DE de 2009 a recommandé l’examen scientifique des projets (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 66).

[265] Néanmoins, en raison du manque de ressources, les trois projets n’ont pas subi d’examen scientifique, mais ont été approuvés en tant que projets de RS&DE. Toutefois, Mme Jacques a effectué un audit des dépenses en RS&DE demandées et des CII correspondants. Comme l’indique le rapport du vérificateur (T20) (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 74), Mme Jacques, après avoir discuté des divers projets avec M. Guidara, a augmenté le montant demandé par Tempora. Les trois demandes liées à la RS&DE, dont le montant avait été augmenté par Mme Jacques, ont été approuvées (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 67).

(a) Projet cartouches chauffantes haute densité (projet 2009-01, suite du projet 2008-03)

[266] Comme je l’ai indiqué plus haut, ce projet est la suite du projet cartouches chauffantes haute densité de 2008 (donc le même projet). Pour les mêmes motifs que ceux indiqués pour le projet 2008-03, je suis d’avis que, selon la prépondérance des probabilités, ce projet n’est pas admissible au titre de la RS&DE.

(b) Projet dispositifs de chauffage tubulaires (projet 2009-02)

(i) Description

[267] Ce projet semble être la suite des projets d’éléments de chauffage tubulaires qui avaient fait l’objet d’une demande liée à la RS&DE pour les années d’imposition 2007 et 2008. Cependant, Maged a déclaré qu’il préférait appeler ce projet « Tubular Circulation Immersion » (Éléments tubulaires pour circulation et immersion), car il s’agit d’un autre projet portant sur les éléments tubulaires. Tempora souhaitait savoir comment les éléments chauffants tubulaires pouvaient fonctionner correctement lorsqu’ils étaient immergés dans diverses substances.

[268] Maged a attesté avoir modifié la présentation du projet d’après les conseils formulés par l’ARC (M. Guidara et M. Justin) : il a inclus un résumé du projet qui intégrait les incertitudes ainsi que les étapes entreprises. Pour ce projet en particulier, Maged a déclaré avoir inclus une description d’un processus en 15 étapes, suivie d’une « théorie » tirée du site Web d’autres fournisseurs et fabricants.

[269] Comme l’indique le formulaire T661 (pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 14), l’obstacle ou l’incertitude technologique vise la détermination du degré de résistance à la température de l’oxyde de magnésium (case 242) et le progrès technologique comprend [traduction] « la conception, l’ingénierie et la création d’éléments tubulaires, ainsi que l’assemblage de plusieurs d’entre eux, configurés selon une variété de puissances et de tension nominales, de terminaisons, de matériaux de gaine et d’options de montage à différents diamètres [...] » (case 240).

[270] La description du progrès technologique figurant dans le formulaire T661 (case 240) provient principalement de la documentation émise par Watlow, un fournisseur ou fabricant d’éléments chauffants (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 170).

[271] En particulier, la description du progrès technologique mentionne plus loin les éléments suivants, soit différents extraits de la documentation de Watlow rassemblés par l’appelante : [traduction] « [...] pour être immergés directement dans l’eau, des huiles, des matières visqueuses, des solvants, des solutions de traitement et des matières en fusion ainsi que l’air et des gaz. Ils seraient tous formés de 36 enroulements standard, afin que l’élément chauffant puisse être conçu en fonction de l’espace disponible pour maximiser l’efficacité du chauffage avec des puissances allant de 95 W à 2,2 MW » (case 240).

[272] Dans le même formulaire T661, Tempora a décrit les travaux entrepris dans le cadre de ce projet (case 244).

[273] Après la description du processus en 15 étapes, le rapport technique comprend les différentes étapes de fabrication d’un dispositif de chauffage tubulaire d’autres fournisseurs ou fabricants de dispositifs de chauffage tubulaires.

[274] Selon M. Lussier, la documentation à l’appui jointe au rapport technique contenait des renseignements d’ordre général. En outre, deux pages (p. 16 et 17) se trouvaient déjà dans le projet de 2008 intitulé projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés. De plus, M. Lussier a indiqué ne pas avoir trouvé, dans le matériel et les documents saisis, de banque de données en lien avec les millions de tests qui auraient été effectués.

(ii) Admissibilité

[275] Pour les raisons suivantes, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, ce projet n’est pas admissible au titre de la RS&DE. L’appelante ne m’a pas convaincue qu’elle avait éprouvé une incertitude technologique qui ne pouvait pas être résolue par des études techniques courantes ni qu’elle avait réalisé un progrès technologique dans le cadre de ce projet.

[276] En outre, Tempora n’a pas présenté d’éléments de preuve suffisants pour démontrer qu’en exerçant ses activités dans le cadre de ce projet, elle a posé des hypothèses visant spécifiquement à réduire ou à éliminer l’incertitude au moyen d’une procédure conforme avec la méthode scientifique.

[277] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les incertitudes en lien avec ce projet qui ont été décrites par Tempora consistent en la détermination du degré de résistance à la température de l’oxyde de magnésium. Cependant, Tempora n’a pas indiqué si cette question demeurait une incertitude « pour les personnes bien informées et expérimentées dans le domaine en question » (Logix, par. 69). En fait, l’appelante n’a présenté aucun élément de preuve à cet égard.

[278] Il est difficile de savoir quelles sont les hypothèses expressément formulées par l’appelante pour réduire l’incertitude en lien avec le calibre de résistance à la température de l’oxyde de magnésium ou l’éliminer, si cet élément représentait bel et bien une incertitude technologique. Le calibre ou le taux de résistance à la température de l’oxyde de magnésium n’a pas été mentionné par la suite dans le résumé du projet rédigé par Maged.

[279] Puisque j’estime que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a pas d’incertitude technologique, je dois conclure, conformément avec la jurisprudence, qu’il ne peut y avoir de progrès technologique, étant donné que ces deux critères sont interreliés (Abeilles, par. 142; Béton mobile, par. 51).

[280] Par ailleurs, le fait que la base théorique du projet provienne des publications de Watlow indique également que ce projet ne soulève aucune incertitude technologique. Si Watlow a déjà résolu le problème, la solution devient alors « généralement accessible aux professionnels compétents dans le domaine » en faisant appel à des « principes techniques courants », ce qui ne constitue pas une incertitude technologique (la circulaire, citée dans Northwest Hydraulic, par. 16) et ne satisfait pas non plus au critère du progrès technologique (Béton mobile, par. 53).

[281] Le reste du rapport technique est constitué de renseignements tirés du site Web d’autres fournisseurs et fabricants; il ne fait pas référence aux hypothèses de l’appelante.

[282] De plus, l’appelante n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle avait employé une procédure conforme à la méthode scientifique pour résoudre les incertitudes, le cas échéant. Bien que la documentation trouvée dans le rapport technique, qui a été copiée à partir d’autres sources accessibles au public, mentionne des procédures admissibles, elle ne fournit aucune description de ce que l’appelante a réalisé. Par conséquent, il n’est pas possible de comparer la méthodologie de l’appelante avec celles reconnues dans le domaine scientifique et de vérifier si elle est « conforme aux principes établis et aux principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l’observation scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses » (Northwest Hydraulic, par. 16).

[283] Dans l’ensemble, la preuve n’a pas démontré de « formulation d’une hypothèse ou d’hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l’incertitude » ou de « vérification méthodique et systématique des hypothèses » (Northwest Hydraulic, par. 16).

(c) Le projet dispositifs de chauffage à serpentin et à câble (2009-03)

(i) Description

[284] Selon Maged, les dispositifs de chauffage à serpentin et à câble sont des éléments tubulaires spécialisés de très petit diamètre qui nécessitent plusieurs étapes de recuisson en raison de leur forme rectangulaire. En outre, les dispositifs de chauffage à serpentins et à câble sont, du fait de leur très petit diamètre, beaucoup plus complexes que les éléments tubulaires en raison de la maniabilité des matériaux. Par exemple, les dispositifs de chauffage à serpentin et à câble sont par exemple utilisés dans les pare-chocs de voitures.

[285] L’appelante a présenté en preuve des extraits de documents Excel, soit les pièces A-5 et A-6, qui sont deux exemples de dispositifs de chauffage à serpentin et à câble. Là encore, selon le témoignage de Maged, il s’agit de la feuille de route permettant de créer deux éléments différents.

[286] Le rapport technique joint au formulaire T661 comprenait un processus étape par étape ainsi que des documents d’autres fournisseurs et fabricants d’éléments chauffants (Tempco et Watlow) trouvés sur Internet. Selon le témoignage de Maged, les documents joints provenaient d’autres fournisseurs et fabricants afin de démontrer comment les dispositifs de chauffage à serpentins et à câble étaient utilisés dans l’industrie et d’expliquer la pertinence du projet.

[287] Selon le témoignage de Shady, l’incertitude réside dans le développement du produit, en raison de sa petite taille et de la complexité du processus de fabrication. Tempora a été en mesure de remédier aux incertitudes dans le processus de production après de nombreux essais.

[288] La case 240 du formulaire T661 du projet décrit le progrès technologique comme étant [traduction] « la conception et l’ingénierie d’un dispositif de chauffage à câble, de petit diamètre (0,062 po), de façon qu’il puisse prendre la forme d’une buse de chauffage compacte enroulée qui sera utilisée avec de l’équipement de moulage par injection de plastique. Il fournira de la chaleur sur 360 degrés avec une distribution optionnelle de la puissance ».

[289] La case 240 est, à peu de choses près, une copie conforme d’un extrait tiré des documents de Watlow trouvés sur Internet. Les différences découlent du fait que l’appelante (i) a précisé les applications spécifiques des appareils de chauffage dans ses projets, (ii) a remplacé une déclaration générale par un exemple (p. ex. : [traduction] « semi-conducteur » par « haut de gamme ») ou (iii) a ajouté aux propos de Watlow des phrases qui n’ont pas de sens (p. ex. : à qui renvoie [traduction] « ces derniers » dans la phrase [traduction] « remplacer l’importante sortie et la perte d’énergie créée par ces derniers »?).

[290] La case 242 du formulaire T661 du projet décrit les obstacles/incertitudes technologiques comme suit : [traduction] « La détermination du noyau requis a posé beaucoup de problèmes en raison de sa fragilité et de sa faible tolérance à la pression lorsqu’il est introduit à l’intérieur du tube en acier inoxydable ou lorsque le serpentin et le thermocouple en question sont insérés à l’intérieur de ses parties. On a constaté qu’il devait être très compact pour permettre un écrasement uniforme et ainsi préserver l’intégrité du dispositif de chauffage. Il est cependant très fragile lorsqu’il est manipulé ».

[291] Selon M. Lussier, la documentation jointe au rapport technique est de nature générale et concerne les dispositifs de chauffage à serpentin et à câble. En outre, le rapport technique mentionne que Tempora a fabriqué de nombreux éléments chauffants pour tester leur durée de vie, mais ne mentionne pas les variables pertinentes des tests ni l’analyse des résultats. De plus, le rapport technique est incohérent. Il ne mentionne pas les mesures qui ont été prises, l’analyse sous-jacente aux expérimentations, ni les progrès technologiques connexes. M. Lussier n’a pas trouvé de lien entre les matériaux utilisés et le travail effectué. Il n’a pas trouvé non plus, dans les matériaux et les documents saisis, de documentation démontrant le travail effectué, notamment des données brutes, des analyses statistiques ou des conclusions quant à la durée de vie des dispositifs de chauffage.

(ii) Admissibilité

[292] Pour les raisons suivantes, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, ce projet n’est pas admissible au titre de la RS&DE. La preuve n’a pas démontré d’incertitude technologique ni de progrès technologique en lien avec ce projet. En outre, la preuve n’a pas permis d’établir que Tempora avait utilisé la méthode scientifique pour effectuer ses tests, le cas échéant.

[293] Je constate également que le projet concerne la fabrication de dispositifs de chauffage à serpentins et à câble, une activité qui n’est pas admissible au titre de la RS&DE.

[294] Le témoignage détaillé de Maged sur les dispositifs de chauffage à serpentins et à câble n’a pas révélé à quelles incertitudes technologiques Tempora a été confrontée durant ce projet, quelles hypothèses avaient été formulées, quels tests qui avaient été effectués, quelle méthode avait été employée pour exercer les activités et quel progrès technologique avait été réalisé, le cas échéant.

[295] Le formulaire T661 démontre que l’incertitude technologique est en lien avec la [traduction] « détermination du noyau requis » (case 242 du formulaire T661, pièce A-1, recueil de documents de l’appelante, onglet 14) et que les progrès technologiques réalisés dans le cadre de ce projet sont énumérés dans des pages de la documentation d’autres fournisseurs et fabricants trouvée sur Internet, plus particulièrement le site Web de Watlow (pièce R‑1, recueil de documents de l’intimé, onglets 168 et 169).

[296] Toutefois, comme je l’ai mentionné ci-dessus, je suis d’avis que les éléments de preuve présentés à l’audience n’ont pas démontré l’existence d’une incertitude technologique en lien avec ce projet. De plus, sans incertitude technologique, il ne peut guère y avoir de progrès technologiques (Abeilles, par. 142).

[297] En outre, comme la description des progrès technologiques est tirée du site Web d’un autre fournisseur, je peux en déduire que des professionnels compétents dans ce domaine pourraient résoudre ces problèmes (les incertitudes technologiques) de manière prévisible à l’aide de techniques standard et établies, et donc, que le critère d’incertitude technologique n’est pas rempli.

[298] Le progrès technologique fait référence à l’inclusion d’une « caractéristique ou [d’] une capacité inconnue ou difficilement accessible jusque-là dans la pratique courante [...] » (Béton mobile, par. 53, citant la circulaire). Si d’autres fournisseurs ou fabricants ont déjà réalisé ces progrès, ceux-ci deviennent connus ou accessibles dans la pratique courante.

[299] En outre, Tempora a produit en preuve les pièces A-5 et A-6, que Maged a décrites comme une feuille de route sur la façon de construire l’élément. Maged a ensuite fourni une brève explication des chiffres et des abréviations. Toutefois, j’estime que les renseignements qui figurent dans les pièces A-5 et A-6 sont principalement les paramètres des dispositifs de chauffage à serpentins et à câble fabriqués et n’ont aucun lien avec les incertitudes technologiques, les hypothèses formulées, la méthodologie ou les progrès technologiques.

C. Pénalités prévues au paragraphe 163(2)

[300] Le paragraphe 163(2) prévoit que « [t]oute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse » est passible d’une pénalité.

[301] En vue de justifier l’imposition des pénalités prévues au paragraphe 163(2), l’intimé fait valoir que Maged et Shady n’ont jamais pris la peine de s’informer quant à l’admissibilité des projets au titre de la RS&DE. Plus précisément, même après que l’ARC lui a dit que la présentation du projet était inadéquate (p. ex., parce qu’elle contenait trop de théorie), Maged n’a jamais changé sa méthode de présentation. Il a continué à présenter des documents plagiés avec les demandes liées à la RS&DE de Tempora. En outre, ni Maged ni Shady n’ont pris la peine de lire le guide T4088 de l’ARC sur la RS&DE ou de s’informer des critères de la RS&DE. En outre, ils n’ont pas pris connaissance des déclarations d’impôts de Tempora avant qu’elles ne soient présentées.

[302] Le rapport recommandant l’imposition de pénalités conformément au paragraphe 163(2), qui avait été préparé par M. Lussier, a été présenté en preuve à l’audience (pièce R-1, recueil de documents de l’intimé, onglet 79). M. Lussier a regardé la proportion des pages plagiées à partir du site Web de fournisseurs et fabricants qui se trouvaient dans la documentation jointe aux formulaires T661 de l’appelante. Étant donné le nombre de documents copiés du site Web d’autres fournisseurs et fabricants, M. Lussier a recommandé des pénalités pour les années d’imposition 2006 à 2009.

[303] Conformément au paragraphe 163(3), le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

[304] Les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi doivent être imposées seulement lorsque la preuve le justifie clairement. Si la preuve laisse planer un doute quant à l’imposition des pénalités dans les circonstances de l’appel, il convient d’accorder le bénéfice du doute au contribuable dans ces circonstances (voir Farm Business Consultants Inc. c. La Reine, [1994] A.C.I. n760, par. 27).

[305] En outre, comme l’affirme la Cour suprême du Canada au paragraphe 61 de la décision Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, les pénalités « vise[nt] à sanctionner une conduite grave, non la négligence ordinaire ou la simple erreur [...] ».

[306] Le concept de « faute lourde » a été défini par le juge Strayer dans la décision Venne c. Canada (ministre du Revenu national) (CF 1re inst), [1984] A.C.F. no 314 :

La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi.

[307] Le libellé du paragraphe 163(2) de la Loi prévoit que deux éléments sont nécessaires pour l’imposition d’une pénalité : (1) un élément mental (« sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde ») et (2) un élément matériel (« a [...] fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse »).

[308] Pour ce qui est de l’élément matériel, je suis d’avis que Tempora a inclus de faux énoncés dans ses formulaires T661 des années d’imposition 2006 à 2009 parce que la documentation jointe aux rapports techniques présentés avec les formulaires T661, ou en faisant partie, était en grande partie plagiée à partir du site Web d’autres fournisseurs et fabricants. En outre, comme je l’ai mentionné plus haut, cette documentation constituait des renseignements prescrits sous le régime de la Loi. Pour ces motifs, l’élément matériel est donc respecté en l’espèce.

[309] En ce qui a trait à l’élément mental, des pénalités seraient imposées dans l’un ou l’autre des scénarios suivants : Tempora a-t-elle, sciemment, fait un faux énoncé; ou encore, Tempora a-t-elle fait un faux énoncé dans des circonstances équivalant à faute lourde?

[310] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que Tempora a fait de faux énoncés dans le formulaire T661 dans des circonstances équivalant à faute lourde. La conduite de Tempora s’écarte de façon marquée de la conduite attendue d’une personne raisonnable; en conséquence, Tempora a commis une faute lourde (Wynter c. Canada, 2017 CAF 195, par. 18 [Wynter]). La « faute lourde » s’établi en recourant à un critère objectif (Wynter, par. 21). On évalue la faute lourde par rapport à la conduite attendue d’une personne raisonnable dans les mêmes circonstances.

[311] En l’espèce, l’ampleur du plagiat constaté dans la documentation jointe aux rapports techniques présentés avec les formulaires T661 justifie l’imposition de pénalités conformément au paragraphe 163(2) pour les années d’imposition 2006 à 2009 parce que le fait de demander des dépenses en RS&DE (et les CII correspondants) en utilisant, pour justifier ces demandes, de la documentation plagiée à partir du site Web d’autres fournisseurs et fabricants s’écarte de façon marquée de la conduite attendue d’une personne raisonnable dans les mêmes circonstances.

D. Cotisations établies en vertu de l’article 160

[312] Comme je l’ai mentionné plus haut, les avocats de Maged et Shady ont reconnu que la seule question à trancher en ce qui a trait aux cotisations établies en vertu de l’article 160 pour Maged (avis de cotisation 4083671) et Shady (avis de cotisation 4083655) était l’existence des dettes fiscales de Tempora au moment où elle a payé les dettes fiscales personnelles de Maged et Shady.

[313] D’après les présomptions auxquelles le ministre s’est fié pour établir les cotisations en vertu de l’article 160 :

  • -entre le 30 juillet 2008 et le 8 juillet 2016, Tempora a payé les dettes fiscales personnelles de Maged s’élevant à 44 166,95, et Maged n’a pas remboursé cette somme àTempora;

  • -entre le 25 octobre 2009 et le 15 avril 2014, Tempora a payé les dettes fiscales personnelles de Shady s’élevant à 27 860 $, et Shady n’a pas remboursé cette somme à Tempora.

[314] Pour les motifs détaillés ci-dessus, et parce que les appels des nouvelles cotisations établies par le ministre pour Tempora pour les années d’imposition se terminant le 31 juillet 2006 et le 31 juillet 2009 ont été rejetés, Tempora a donc une dette fiscale à l’égard de ces deux années d’imposition. Plus particulièrement, pour l’année d’imposition se terminant le 31 juillet 2006, la dette fiscale de Tempora s’élève à 170 649 $, montant qui excède le montant des cotisations de Maged et Shady établies en vertu de l’article 160 (sous-alinéa 160(1)e)).

[315] Pour ces motifs, les appels des cotisations établies en vertu de l’article 160 pour Maged (avis de cotisation 4083671) et Shady (avis de cotisation 4083655) sont rejetés.

VIII. CONCLUSION

[316] Pour tous les motifs qui précèdent :

  1. le ministre s’est acquitté de sa charge et il pouvait établir les nouvelles cotisations de Tempora pour les années d’imposition 2006 à 2009 après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation conformément au sous-alinéa 152(4)a)(i) et imposer des pénalités à Tempora en application du paragraphe 163(2);

  2. les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2006 et 2009 sont rejetés;

  3. les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2007 et 2008 sont accueillis, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre pour un nouvel examen et une nouvelle cotisation suivant les conclusions selon lesquelles les projets de Tempora ci-après sont admissibles au titre de la RS&DE, Tempora a engagé des dépenses en RS&DE et Tempora a droit aux CII correspondants pour ces projets :

  • (i)pour l’année d’imposition 2007 : le projet ligne de fabrication d’éléments tubulaires, dont les CII s’élevaient à 173 540 $;

  • (ii)pour l’année d’imposition 2008 : le projet éléments chauffants en caoutchouc silicone flexible et en Kapton et le projet éléments chauffants tubulaires et à ailettes recuits droits et coudés, dont les CII s’élevaient à 242 328 $;

  1. étant donné les admissions de l’appelante et étant donné que Tempora a une dette fiscale à l’égard des années d’imposition 2006 et 2009, les appels des cotisations établies en vertu de l’article 160, dont les avis datent du 9 novembre 2016 et qui portent les numéros 4083671 (Maged) et 4083655 (Shady) sont rejetés;

  2. chacune des parties doit supporter ses propres dépens.

Signé ce 20e jour de novembre 2025.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de novembre 2025.
Nathalie Ayotte, jurilinguiste


RÉFÉRENCES :

2025 CCI 173

NOS DE DOSSIERS DE LA COUR :

2021-1701(IT)G, 2021-1703(IT)G ET 2021-1704(IT)G

INTITULÉ :

LES ÉLÉMENTS CHAUFFANTS TEMPORA INC., SHADY ELHAMI, ET MAGED ELHAMI c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 3, 4, 5 et 6 février et les 17, 18 et 19 mars 2025

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

20 novembre 2025

COMPARUTIONS :

Avocats des appelants :

Me Christopher Mostovac

Me Olivier Verdon

Avocats de l’intimé :

Me Marie-Aimée Cantin

Me Noémie Vespignani

Me Alexandre MacBeth

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelants:

Nom :

Me Christopher Mostovac

Me Olivier Verdon

Cabinet :

Starnino Mostovac S.E.N.C.

Pour l’intimé :

Me Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada

 

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