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Dossiers : 2010-1476(IT)G

2010-1393(GST)I

 

ENTRE :

 

SANDOR BANDULA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu du 7 au 9 novembre 2012 et le 28 février 2013, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge Randall S. Bocock

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelant :

Me Leigh Somerville Taylor

Avocat de l'intimée :

Me Darren Prevost

 

 

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, les appels relatifs aux nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d'imposition 2002 et 2003, de même que l'appel relatif à la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise relativement à la période de déclaration du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, sont rejetés;

 

          les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi sont annulées;

 

          aucune ordonnance n'est rendue quant aux dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2013.

 

 

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de novembre 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 282

Date : 20130912

Dossiers : 2010-1476(IT)G

2010-1393(GST)I

 

ENTRE :

 

SANDOR BANDULA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bocock

 

I.       Introduction

 

Sandor Bandula, l'appelant, a reconnu avoir sous‑estimé ses revenus d'entreprise bruts d'un montant d'environ 72 073,80 $ et d'environ 40 077,38 $ dans les déclarations de revenus qu'il a produites en même temps pour les années d'imposition 2002 et 2003. Des montants correspondants de taxe sur les produits et services (« TPS ») n'ont pas été déclarés non plus. Lors du processus d'établissement des nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé certaines dépenses déduites, elles aussi pour les années d'imposition 2002 et 2003. Le ministre a établi la cotisation du contribuable après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation en alléguant que M. Bandula avait fait une présentation erronée des faits au moment de produire ses déclarations de revenus. Il allègue également que M. Bandula a fait preuve de négligence grave et il lui a imposé des pénalités pour faute lourde. M. Bandula interjette appel du refus des dépenses ainsi que des crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS connexes, des nouvelles cotisations établies après l'expiration de la période normale, de même que des pénalités imposées.

 

II.      Les questions en litige

 

a)      Les nouvelles cotisations établies après l'expiration de la période normale

 

[1]             La première question soumise à la Cour consiste à savoir si les nouvelles cotisations établies après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation sont autorisées par les dispositions applicables de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») et de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA »). Le seuil requis pour justifier l'établissement d'une nouvelle cotisation après la période de prescription est franchi lorsqu'un contribuable fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, au moment de la production de sa déclaration, aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi.

 

[2]             Les nouvelles cotisations établies après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation soulèvent une question secondaire, soit celle de savoir si la nouvelle cotisation de TPS établie pour la période de déclaration de 2002 a bel et bien été établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation. L'appelant a reconnu que la nouvelle cotisation établie en vertu de la LTA pour 2003 ne se situait pas en dehors de cette période.

 

b)      Les dépenses refusées

 

[3]             La deuxième question soumise à la Cour concerne certaines dépenses relatives à l'entreprise de l'appelant qui ont été refusées. L'appelant a le fardeau de réfuter les hypothèses que le ministre a formulées à cet égard.

 

c)       La pénalité pour faute lourde

 

[4]             La troisième et dernière question découle du fait que le ministre a imposé des pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Pour l'application de ce paragraphe, il faut que l'appelant, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, ait fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus, ou qu'il y ait participé, consenti ou acquiescé.

 

III.     Les faits pertinents soumis à la Cour

 

a)      La nature de l'entreprise de l'appelant

 

[5]             Monsieur Bandula exploitait une entreprise de pose de cloisons sèches. Cette activité consistait à monter des charpentes, à poser des cloisons sèches et à faire le dernier travail de préparation (appliquer la couche d'apprêt pour la peinture) pour des murs mitoyens dans divers projets de construction et de rénovation. M. Bandula a quitté la Hongrie et a immigré au Canada en 2000. Il n'a pas produit de déclarations de revenus dans les années d'imposition 2000 et 2001; peu après, il a lancé l'entreprise de pose de cloisons sèches. L'appelant s'exprimait peu, sinon pas, en anglais. Il s'est néanmoins lancé en affaires en tirant profit de sa connaissance du métier ainsi que de son expérience en tant que poseur de cloisons sèches.

 

[6]             Au début, il a loué divers outils et s'est servi de véhicules qui convenaient à peine à ce genre de travail de construction. Il s'est fondé dans une large mesure sur le soutien de sa partenaire de vie et conjointe de fait, Mme Racz. Il a effectué de longues heures de travail, a fait appel à des employés, à des sous‑traitants et à des amis (dont certains avaient eux aussi immigré de la Hongrie) et a réussi à bâtir une entreprise qui a su trouver et conserver un nombre important de clients dans le secteur de la construction.

 

[7]             Madame Racz, qui a témoigné elle aussi, s'occupait de la plupart des communications externes de l'entreprise, de la préparation des informations à inclure dans les déclarations de revenus, des questions bancaires, des paiements ainsi que des autres activités commerciales pour lesquelles il fallait une personne qui s'exprimait mieux en anglais que M. Bandula. Il est devenu évident lors du témoignage de ces deux personnes que Mme Racz s'exprime mieux que lui en anglais. Pour exploiter cette entreprise, il fallait que M. Bandula ait à sa disposition divers outils du métier, des véhicules et un espace d'entreposage, qu'il achète des matériaux de base de façon générale ainsi que des fournitures et du matériel, du carburant, des vêtements de travail, des téléphones portables, et qu'il dépense des fonds en vue de l'exploitation de cette entreprise.

 

[8]             Il est évident que M. Bandula a exécuté la totalité des activités d'exploitation relatives à l'entreprise de pose de cloisons sèches, mais il est tout aussi évident qu'il n'a ni compris qu'il lui fallait tenir un système logique ou efficace pour la conservation, le suivi et le classement des reçus d'entreprise, des dépenses d'entreprise ou des factures, ni fait quoi que ce soit pour établir un tel système. Cette tâche, non enviable vu que M. Bandula en ignorait l'importance, incombait à Mme Racz qui, pendant son témoignage digne de foi, a montré qu'elle avait fait de son mieux pour essayer de suivre et de consigner les reçus, les factures et les pièces justificatives de dépenses que M. Bandula lui remettait sporadiquement et au compte‑gouttes.

 

[9]             Il y avait peu ou pas de recoupements de responsabilités entre les tâches d'exploitation qu'accomplissait M. Bandula et les tâches commerciales et administratives qu'exécutait Mme Racz. Nous examinerons, dans la section portant sur l'analyse qui suit, ce qui explique cet état de choses, mais on ne peut qu'imputer une bonne part de la confusion qui régnait au fait relativement nouveau d'exploiter une entreprise au sein des systèmes commercial et fiscal canadiens, qui n'étaient familiers ni à M. Bandula ni à Mme Racz.

 

[10]        Lors de l'exploitation de l'entreprise de pose de cloisons sèches, M. Bandula était payé par chèque, qu'il déposait dans l'un des trois comptes bancaires qu'il détenait. Dans certains cas, il produisait une facture pour les services fournis et, dans d'autres, il ne le faisait pas. Dans la plupart des cas où il produisait une facture, celle-ci était en fait établie par les acquéreurs de services, qui étaient plus au fait que lui des pratiques commerciales. Mais même là, il semble que ces factures étaient fournies à l'appelant en vue de créer un état écrit de la créance, que l'entreprise de construction qui retenait ses services payait alors. Ce processus fait contraste avec le manque d'organisation et de registres comptables concernant les sous‑traitants dont M. Bandula retenait les services et qu'il payait, habituellement sans chèques ou factures.

 

[11]        La conséquence logique de l'omission de tenir ces registres est le fait que M. Bandula est aujourd'hui incapable de produire des factures pour divers paiements : les sous‑traitants, les dépenses liées à l'achat d'outils spécialisés, les vêtements de travail, le carburant, le stationnement, et ainsi de suite. Non seulement les preuves documentaires produites relativement à ces éléments étaient‑elles incomplètes, mais elles représentaient, dans le meilleur des cas, des échantillons ou des exemples occasionnels de dépenses, plutôt que des pièces justificatives et des reçus proprement dits, auxquels renvoyait une liste ou un registre des dépenses déduites dans les déclarations de revenus produites pour le compte de M. Bandula. De même, il était impossible de suivre les paiements qu'il avait lui-même faits à des sous-traitants, et le formulaire T‑5018 (État des paiements contractuels) était absent, puisque les dossiers étaient incomplets.

 

[12]        Lors de son travail de vérification, l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») a quand même autorisé certaines dépenses de M. Bandula dans les années 2002 et 2003, soit des montants d'environ 30 000 $ et 70 000 $ respectivement. Ce faisant, l'ARC a accordé à M. Bandula des déductions à l'égard de dépenses pour lesquelles il y avait des factures, mais elle les a refusées dans les cas où il n'y avait ni factures ni preuves par ailleurs évidentes quant aux sommes dépensées. Cependant, il y a eu aussi, dans quelques cas, un certain nombre de déductions qui ont été admises sans que l'ARC insiste pour que l'on produise des reçus ou des factures, lorsqu'il était raisonnablement possible de supposer que la dépense avait été faite.

 

[13]        Pour ce qui est des crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS qui avaient été déduits relativement aux sous-traitants de M. Bandula, vu qu'aucune facture de sous‑traitant n'avait été produite à l'égard de ces paiements déduits, le ministre a rejeté les déductions connexes.

 

b)      L'établissement des déclarations de revenus

 

[14]        À l'instruction, une bonne part des témoignages a porté sur le processus suivi par M. Bandula et Mme Racz pour retenir les services d'un cabinet comptable et, en particulier, d'un comptable, un certain M. Stubbington (le « comptable »), et sur les services fournis par celui‑ci.

 

[15]        La Cour conclut qu'au cours de ce processus, M. Bandula, par l'intermédiaire de Mme Racz, a fourni ce que chacun d'eux croyait être les informations dont le comptable avait besoin pour établir simultanément les déclarations de revenus relatives aux années 2002 et 2003. Le comptable a demandé des informations additionnelles, soit des reçus et des états bancaires, qui lui ont alors été fournies. Il s'est penché sur le fait que trois comptes bancaires différents, certains personnels, étaient utilisés à des fins commerciales. Il y avait, dans tous ces comptes bancaires, des dépôts et des retraits qui ne concordaient pas avec les montants des éléments de revenus et de dépenses que l'appelant lui avait fournis.

 

[16]        Quand le comptable a fait état de la question des sommes inconciliables à Mme Racz et à M. Bandula, ceux‑ci ont indiqué que la différence provenait probablement de sommes d'argent comptant qu'ils avaient reçues de leurs familles en Hongrie, et découlait également du fait qu'il s'agissait d'une entreprise faisant des affaires au comptant et pour laquelle ils ne disposaient pas nécessairement de reçus et de factures. À ce stade, le comptable a, avec raison, prescrit à M. Bandula et à Mme Racz de changer leurs pratiques et de commencer à tenir des factures et des reçus. Il leur a recommandé d'adopter un nouveau système qui les obligerait à conserver les reçus, à produire les factures, à consolider les comptes bancaires commerciaux ainsi qu'à avoir d'autres procédures commerciales efficaces. Il semble que le comptable ait néanmoins établi par la suite les déclarations de revenus à partir des informations dont il disposait, en soulignant du mieux qu'il pouvait à M. Bandula et à Mme Racz la façon erronée dont ils procédaient et en transmettant les déclarations de revenus à l'ARC — tant les T1 que les déclarations de TPS concernant les périodes applicables.

 

c)       La nouvelle cotisation établie à l'égard des revenus non déclarés

 

[17]        Les faits menant à l'établissement de la nouvelle cotisation portant sur les années frappées de prescription ont pris une tournure inusitée et dramatique par rapport à la manière habituellement banale de procéder. Un mandat de perquisition a été exécuté au domicile de l'appelant ainsi qu'au cabinet du comptable. M. Bandula a été accusé d'évasion fiscale. Ces faits ont empêché les parties d'entretenir un dialogue véritable pendant un temps considérable. En 2007, le ministre a établi de nouvelles cotisations en se fondant sur des revenus non déclarés, lesquels ont été déterminés à partir des T‑5018 manquants, de contacts avec d'autres clients de M. Bandula dans le secteur de la construction, ainsi que d'autres recherches semblables. Le sommaire des cotisations liées aux revenus non déclarés et aux dépenses d'entreprise refusées est présenté ci‑dessous.

 

Année d'imposition

Revenus déclarés

Revenus non déclarés — Nouvelles cotisations

Dépenses refusées (dépenses additionnelles autorisées)

Revenus nets

2002

64 656,25 $

51 673,62 $

20 400,24 $

78 960,29 $

2003

63 091,39 $

86 323,29 $

(46 245,71 $)

67 767,85 $

 

d)      L'imposition des pénalités

 

[18]        Le tableau qui précède n'inclut pas les pénalités imposées. À l'instruction, une question entourant le calcul des pénalités a été soulevée. Cette question est examinée plus en détail dans la section sur l'analyse qui suit, mais il convient de signaler que l'intimée, dans ses observations, a admis que les pénalités imposées au départ étaient trop élevées et qu'il y avait lieu de les réduire.

 

e)       La nature et la liste des dépenses d'entreprise refusées

 

[19]        Pour ce qui est des dépenses d'entreprise refusées, l'appelant a indiqué qu'il y avait plusieurs montants qui s'appliquaient à des dépenses diverses : outils, matériaux de travail accessoires, véhicules, carburant, outils de location, location d'espace de garage, téléphones portables, nourriture pour travailleurs, vêtements de travail, factures de sous‑traitance, location de garage, dépenses de bureau et stationnement. M. Bandula soutient que le ministre n'en a pas tenu compte. À l'instruction, l'appelant a témoigné au sujet de quelques exemples de ces dépenses, mais il n'a fait aucune observation factuelle à propos de ce qu'aurait pu être l'ensemble des dépenses d'entreprise refusées par rapport aux dépenses que le ministre avait admises une à une. Il lui a été impossible d'indiquer quel était le montant des dépenses établies au moyen de pièces justificatives et de reçus produits, pas plus que de montrer quelle différence il aurait pu y avoir entre les dépenses calculées déduites et les dépenses refusées. Le ministre aurait pu prendre en compte les factures produites, mais l'état des registres de l'appelant empêchait celui‑ci de faire valoir un tel argument.

 

IV.     Les observations des parties

 

a)      L'appelant

 

[20]        L'appelant a fait valoir que l'ARC, lors de discussions avec lui, avait laissé entendre que le ministre était disposé à admettre une déduction supérieure au titre des dépenses d'entreprise s'il acceptait les nouvelles cotisations pour les années frappées de prescription. Il convient aussi de signaler que l'appelant a admis que le montant de ses revenus bruts non déclarés n'était pas en litige, mais que le droit qu'avait le ministre d'établir une nouvelle cotisation pour les années frappées de prescription demeurait en litige. L'avocate de l'appelant a admis que son client n'avait pas tenu de pièces justificatives et de reçus appropriés, mais qu'une fois que son comptable lui avait fait comprendre qu'il était important de le faire, l'appelant et Mme Racz avaient rajusté le tir et tenaient maintenant des livres et des registres convenables.

 

[21]        Pour ce qui est des crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS qui ont été refusés, l'appelant a fait valoir qu'il s'agissait là d'une mesure inappropriée, car tous les sous‑traitants étaient bel et bien des inscrits, qui n'avaient tout simplement pas produit leurs déclarations de TPS.

 

[22]        En ce qui concerne les nouvelles cotisations pour les années frappées de prescription, l'avocate de l'appelant a indiqué que M. Bandula avait fait tout ce à quoi l'on pouvait s'attendre de la part d'un immigrant qui s'exprimait à peine en anglais. Il avait délégué certaines tâches à sa partenaire de vie, qui était chargée des livres et des registres administratifs, il avait retenu les services d'un comptable en vue d'établir des déclarations de revenus, il avait produit ces déclarations et il avait acquitté les montants à payer d'après les déclarations T‑2 et les déclarations de TPS. En toute légitimité, il ne croyait pas que ces déclarations étaient inexactes avant que débute la vérification par l'exécution d'un mandat de perquisition à son domicile et que l'on porte des accusations. Cela, par ricochet, l'avait empêché de bien comprendre le processus que l'on suit habituellement dans le cas d'une nouvelle cotisation et avait plutôt eu pour effet de soumettre l'affaire aux tribunaux pénaux.

 

[23]        Quant à la pénalité pour faute lourde, l'avocate de l'appelant a fait remarquer que son client avait tenu ses reçus de dépenses aussi mal que les relevés des chèques des payeurs et les factures de ses propres sous‑traitants. Cela venait du fait que l'entreprise était exploitée dans un marché fonctionnant au comptant. De même, quand le comptable avait fait savoir à l'appelant qu'il avait expressément besoin d'informations additionnelles, l'appelant les lui avait fournies. Quand d'autres questions avaient été posées, des réponses avaient été données. Il est allégué que l'élément crucial qui milite contre l'imposition de pénalités est la preuve évidente que ni l'appelant ni sa partenaire de vie ne savaient, du fait de leurs connaissances et de leur expérience, qu'une erreur quelconque avait été commise. Il était raisonnable pour l'appelant de croire qu'il s'était raisonnablement conformé aux exigences de la Loi en retenant les services du comptable, en remplissant les déclarations de revenus et en payant l'impôt calculé.

 

b)      L'intimée

 

[24]        L'intimée a déclaré que l'appelant avait entièrement omis de tenir des registres cohérents, des états des clients, des chèques et des factures reçus et qu'il n'avait pas fait preuve de cohérence au sujet des dépôts, des paiements par carte de crédit ou d'autres paiements de dépenses. De plus, le fait de recourir au comptable en vue d'établir les déclarations de revenus ne peut cacher le fait que les informations qui avaient été fournies au comptable étaient tout à fait insuffisantes pour que ce dernier puisse déterminer avec exactitude les montants d'impôt sur le revenu et les montants de TPS dus par l'appelant. D'autres informations avaient été demandées et, ensuite, quand ces dernières s'étaient révélées insuffisantes, une autre explication à propos de l'origine de certains revenus, c'est‑à‑dire des cadeaux de la part de la famille, avait été donnée au comptable. En se fondant sur ces directives, le comptable avait établi, rempli et produit les déclarations de revenus. De plus, aucune preuve n'a été présentée au sujet de la source de ces injections de fonds, pas plus que les opérations par lesquelles ces fonds avaient été transférés à l'appelant.

 

[25]        En ce qui concerne la nouvelle cotisation de TPS pour 2002, année qui était censément frappée de prescription, l'intimée a indiqué qu'il n'existe aucun moyen de défense, car l'article 298 autorise l'établissement d'une nouvelle cotisation de TPS pendant une période de quatre ans à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : la date de la production ou la date d'exigibilité, aux termes de l'article 238, de la déclaration de TPS. Étant donné que la date la plus tardive était le 15 juin 2003, la nouvelle cotisation de 2007 a été établie dans la période normale de nouvelle cotisation, et l'année n'est donc pas frappée de prescription.

 

[26]        Pour ce qui est de la question des dépenses d'entreprise, l'intimée soutient que le mieux que l'on puisse dire au sujet de la preuve de l'appelant et de sa partenaire de vie, c'est qu'elle était incomplète. Il n'y a pas eu de tentative pour préciser le montant des dépenses, seulement une tentative pour calculer ces dépenses en recourant à des méthodes et à une logique différentes relativement à l'entreprise, qui revenaient à demander à la Cour de faire des conjectures. De plus, certaines dépenses n'étaient pas du tout déductibles, car elles étaient de nature personnelle. L'affirmation selon laquelle le montant des dépenses admises par le ministre était insuffisant est contredite par le généreux traitement dont avaient fait montre les vérificateurs de l'ARC, qui avaient admis plus qu'ils ne l'auraient dû. Cette générosité du ministre est un avantage potentiel dont l'appelant a bénéficié, sans aucune preuve fiable au sujet de ces dépenses. Pour ce qui est de ces dépenses d'entreprise, il faut se rappeler que c'est à l'appelant qu'il incombe d'en faire la preuve.

 

[27]        Quant à l'argument de l'intimée à propos de la pénalité pour faute lourde, la négligence du comptable, même si elle existait, n'a pas été prouvée et n'est pas admissible, car cette question n'a pas été mise en preuve ni soumise au comptable lors de son témoignage. Par ailleurs, le fait admis de l'ampleur de la différence dans la déclaration des revenus d'entreprise bruts, la perte, par l'appelant, de factures et d'états ainsi que le manque d'efficacité lors de la tenue des livres sont tous des aspects qui étayent la thèse selon laquelle l'appelant a fait preuve de négligence grave dans la gestion de ses affaires comptables et le calcul de son impôt.

 

c)       Le fardeau concernant le montant de la pénalité

 

[28]        À la fin des observations en réponse, l'avocate de l'appelant a fait valoir devant la Cour qu'il fallait rejeter la pénalité prévue au paragraphe 162(3) de la Loi. Le fondement de cette contestation est le fait que l'intimée avait omis, sur le plan procédural, de fournir ou de produire une preuve concernant le calcul et le montant de la pénalité. Après la dernière date d'audition, la Cour a demandé qu'on lui fasse part d'observations écrites sur la question. Les parties ont fourni des observations sur la capacité procédurale de l'appelant de soulever cette question dans des observations en réponse définitives et, de façon plus importante, sur le fait de savoir si l'intimée avait le fardeau, non acquitté, de produire une preuve concernant le montant de la pénalité prévue au paragraphe 162(3).

 

[29]        La Cour est persuadée que l'intimée s'acquitterait de son fardeau à cet égard si la réponse précisait la nature de la pénalité et si cette pénalité pouvait être facilement vérifiée à partir de la réponse et des informations qui y figurent. Pour ce motif, la Cour est convaincue que le ministre a suffisamment justifié les pénalités prévues au paragraphe 163(2) et indiqué comment et pourquoi ces dernières s'appliqueraient. De plus, l'appelant n'aurait pas dû attendre les observations en réponse avant de faire état d'une lacune quelconque dans ces actes de procédure ou du défaut de produire des éléments de preuve : paragraphe 135(3) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale). Fait plus important, la question de fond qui consiste à savoir si l'appelant a commis une faute lourde ou a été l'objet à juste titre de ces pénalités au départ sera examinée ci‑après.

 

V.      Analyse

 

a)      La nouvelle cotisation établie après l'expiration de la période normale

 

[30]        Après avoir examiné la méthode que l'appelant et sa partenaire de vie ont suivie lors de l'exploitation de cette entreprise au cours des années 2002 et 2003, la Cour arrive aux conclusions de fait suivantes :

 

a)       qu'ils ont omis de conserver des factures, des pièces justificatives de dépenses et des reçus;

 

b)      qu'ils ont manqué de cohérence pour ce qui était du dépôt du produit de leurs activités et du retrait de dépenses d'entreprise à partir d'un compte bancaire d'entreprise (ils se sont servis de plusieurs comptes bancaires);

 

c)       qu'ils ne saisissaient pas les différences qu'il y avait entre les dépenses d'entreprise et les dépenses personnelles, et étaient dépourvus en général du sens des affaires qu'il fallait posséder pour exploiter cette entreprise.

 

[31]        Ainsi, ces lacunes les ont amenés à faire preuve dans certains cas de négligence et d'insouciance à l'égard de la production des déclarations. Pour les motifs qui suivent, la Cour n'a pas de difficulté à conclure qu'il était justifié en l'espèce d'établir une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation et que le ministre a rempli son obligation. En fait, nul ne conteste devant la Cour la différence marquée entre le montant des revenus bruts déclarés et le montant des revenus bruts recalculés avec exactitude et admis par l'appelant. Peu importe la norme que l'on applique, la situation correspond à une présentation erronée des faits pour cause de négligence ou d'inattention et elle satisfait au seuil requis.

 

[32]        Indépendamment de la question des revenus d'entreprise bruts, à la lumière des questions de fait que l'appelant et sa partenaire de vie ont admises lors de leur témoignage, rien n'a été fait (par ignorance, en grande partie) pour conserver des reçus pertinents relativement à l'un quelconque des documents créés lors de l'exploitation quotidienne de l'entreprise que dirigeait M. Bandula. Cette indifférence quant à l'importance de ces documents était une preuve de négligence et d'inattention manifeste à l'égard des comptes financiers de l'entreprise. Cette inattention et cette négligence ont eu une incidence directe sur la présentation erronée des faits dans les déclarations de revenus et de TPS. Le ministre s'est acquitté du fardeau d'établir qu'il y avait eu présentation erronée de faits relativement aux revenus (ce que l'appelant a admis lors de son témoignage) et aux dépenses (ce que la Cour a clairement constaté), en ce qui concerne la production des déclarations.

 

b)      Les dépenses refusées

 

(i)      Les dépenses d'entreprise

 

[33]        La prétention de l'intimée selon laquelle le ministre a admis avec générosité la déduction de certaines dépenses (lesquelles, en l'absence de factures et de pièces justificatives, n'auraient pas été admises en d'autres circonstances) est un argument convaincant au vu des éléments de preuve qui ont été produits à l'instruction. Il s'agirait d'un argument convaincant s'il incombait à l'intimée d'établir ces faits, mais c'est l'appelant qui a le fardeau de démolir les hypothèses qui sont faites au sujet des dépenses d'entreprise refusées. L'appelant ne s'est pas acquitté de ce fardeau à l'égard de quelque élément d'entreprise isolé, en faisant état d'un objectif commercial évident ou en produisant un reçu pour un élément de dépense précis que le ministre n'a pas admis. À titre d'exemple de dépenses d'entreprise, soit les dépenses afférentes à un véhicule à moteur, aucune combinaison de reçus que l'appelant a produits à l'instruction n'a été supérieure ou égale aux dépenses admises que le ministre a accordées à l'appelant relativement à cet élément de dépense. Cela est semblable aux dépenses relatives aux honoraires professionnels. En fait, dans cette catégorie particulière, le ministre a accordé à l'appelant des montants qui se sont ajoutés à ceux que M. Bandula avait déduits, tant en 2002 qu'en 2003.

 

[34]        Par ailleurs, la preuve que l'appelant a présentée n'a pas permis de faire de recoupements aléatoires ou méthodiques entre un chef de dépense quelconque et les factures produites et prouvées. Un certain nombre de factures produites à l'instruction relativement à des véhicules automobiles, des vêtements et d'autres dépenses semblables comportaient à l'évidence des éléments de dépenses personnelles qui se rapportaient soit à Mme Racz soit à M. Bandula. Lors de leur témoignage, ces derniers ont reconnu dans certains cas que quelques‑unes des dépenses produites en preuve étaient de nature personnelle.

 

[35]        Un simple examen des actes de procédure relatifs aux dépenses est fort éloquent. Les dépenses que l'appelant a déclarées en 2002 étaient de 67 769,82 $ et, dans la nouvelle cotisation que le ministre a établie, elles s'élèvent à 37 369,58 $, ce qui représente une différence de 20 400,24 $. Pour ce qui est de l'année d'imposition 2003, l'appelant a déclaré la somme de 32 412 $. Dans la nouvelle cotisation, le ministre a majoré le chiffre à 79 646,83 $, ce qui représente une augmentation de 46 245,71 $ en dépenses admises pour l'année d'imposition 2003.

 

[36]        Les factures que l'appelant a produites à titre d'échantillon de dépenses étaient insuffisantes. La Cour ne peut supposer, extrapoler ou envisager quel autre montant raisonnable de dépenses d'entreprise pourrait être déduit des revenus à part celui que le ministre a admis, car c'est à l'appelant qu'il incombe d'en faire la preuve. Ce dernier ne s'est tout simplement pas acquitté de ce fardeau et les hypothèses du ministre au sujet des dépenses d'entreprise déductibles n'ont pas été démolies.

 

(ii)     Les crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS

 

[37]        Comme dans le cas des dépenses d'entreprise, aucune des factures produites relativement aux sous-traitants ne fait état de la TPS que M. Bandula leur aurait payée. En l'absence de factures, de talons de chèque ou de reçus connexes de la part des bénéficiaires des paiements, il n'existe aucune preuve qui permettrait à la Cour de conclure que les paiements faits aux sous‑traitants incluaient la TPS. Cela étant, M. Bandula ne peut avoir droit à des crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS. Il s'agit là du prix qu'il faut malheureusement payer pour exploiter une entreprise fonctionnant au comptant, sans factures ni livres de comptes à une époque de formalisme, de règles à respecter et de conservation de documents. L'existence des formulaires T‑5018 (État des paiements contractuels) et des numéros d'inscription aux fins de la TPS pour certains des sous‑traitants de M. Bandula prouvent peut‑être plusieurs choses, mais pas que M. Bandula avait calculé et payé à quiconque un montant de TPS précis relativement à un travail ou un contrat particulier. Les crédits de taxe sur les intrants ne sont donc pas quantifiables et ne peuvent pas être admis.

 

c)       La pénalité pour faute lourde

 

[38]        Pour ce qui est de cette question particulière, la Cour conclut que l'affaire est unique d'un point de vue factuel. Elle met en cause les premières déclarations de revenus concernant une entreprise qu'a produites un nouvel immigrant au sein du régime fiscal canadien. La Cour prend acte du fait que ce ne sont pas tous les nouveaux immigrants qui ont le même sens des affaires que M. Bandula et qui lancent immédiatement une entreprise qui leur permettra de gagner leur vie et, en même temps, de donner du travail à d'autres Canadiens. Cet objectif louable se juxtapose au fait évident de méconnaître (par ignorance, de l'avis de la Cour) la nature et les exigences du régime fiscal en ne fournissant pas à son comptable des informations convenables et suffisantes pour produire ses déclarations de revenus.

 

[39]        En fait, M. Bandula et Mme Racz ont indiqué de façon plausible qu'ils avaient l'intention de s'intégrer au milieu des affaires canadien. La Cour le croit, et il s'agit également d'un objectif admirable. Curieusement, en tentant d'atteindre cet objectif‑là, M. Bandula n'a pas retenu les services d'un comptable qui parlait sa langue maternelle; il s'est plutôt adressé à un comptable et à un cabinet par ailleurs bien connus dans la collectivité. Il a retenu leurs services afin de pouvoir partir du bon pied et essayer de se conformer au régime fiscal canadien auquel il était maintenant assujetti.

 

[40]        En ce qui concerne le droit, la conclusion concernant la présentation erronée des faits, relativement aux nouvelles cotisations pour les années frappées de prescription, est un critère différent qui doit être dissocié de la question de la faute lourde. La Cour arrive à la conclusion de fait que, dans la décision d'imposer la pénalité pour faute lourde, les difficultés linguistiques de l'appelant et de sa conjointe ont peut‑être joué un rôle plus important que ce qui pourrait être par ailleurs évident, en ce qui concerne les communications du comptable avec l'appelant et Mme Racz ainsi que la ferme conviction de l'ARC que les deux parties (l'appelant, plus précisément) parlaient et comprenaient l'anglais. Ces circonstances font contraste avec ce que la Cour (devant laquelle M. Bandula et Mme Racz ont tous deux témoigné) a constaté, soit leur aptitude à bien comprendre une question posée et leur empressement réactif à donner une réponse avant d'avoir saisi entièrement toute l'ampleur de la question. La Cour n'est donc pas convaincue de l'existence d'actes qui, en d'autres circonstances, pourraient être assimilables à l'intention cruciale que requiert l'existence d'une faute lourde en l'espèce.

 

[41]        Les actes (ou les omissions) d'un contribuable qui donnent lieu à une nouvelle cotisation établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, au sens du paragraphe 154(4), ne correspondent pas nécessairement au critère de l'imposition d'une pénalité pour faute lourde. Il est question dans la décision Venne c. La Reine, [1984] A.C.F. no 314 (QL) (C.F. 1re inst.), de la nécessité particulière de conclure à l'existence d'un degré important de négligence et d'indifférence à l'égard du respect de la loi.

 

[42]        En appliquant cette distinction claire, les tribunaux ont toujours fait référence à la capacité fonctionnelle du contribuable, dans une situation nouvelle, de bien saisir les nuances et la substance d'un milieu commercial potentiellement complexe. C'est ce qui ressort de façon claire dans la décision Sandia Mountain Holdings Inc. c. La Reine, 2006 CCI 348, où le juge Hershfield déclare, au paragraphe 54 :

 

54        Le fondement sur lequel repose cette conclusion permet également de conclure qu'il y a faute lourde, laquelle constitue le critère préliminaire de l'imposition de pénalités suivant le paragraphe 163(2). Cette disposition prévoit l'imposition de pénalités à toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition. L'application du critère qui permet d'établir l'existence d'une faute lourde et qui est énoncé dans la décision Venne v. The Queen amène la Cour à conclure qu'il y a eu faute lourde en l'espèce. Selon le critère énoncé dans cette décision, la faute lourde nécessite un degré de négligence plus grave que le simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui correspond à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. [...]

 

[43]        Dans la décision Altamimi c. La Reine, 2007 CCI 553, le juge Boyle, de la présente Cour, donne de plus amples éclaircissements au sujet de la question de la compréhension linguistique et du manque relatif de familiarité avec le régime fiscal dans un contexte commercial, et ce, au paragraphe 45 [non souligné dans l'original] :

 

45        [...] La Couronne fait valoir, pour l'application du paragraphe 163(2), que le contribuable, à tout le moins dans des circonstances équivalant à faute lourde, a consenti aux omissions observées dans sa déclaration qui découlent du fait qu'il a fourni des estimations de revenu brut et de revenu net. Je suis convaincu, à la lumière de la preuve, que le contribuable a participé ou a consenti à cette omission. Je suis en outre convaincu que déclarer en partie seulement un revenu tiré d'une entreprise dans les circonstances en l'espèce constitue également un faux énoncé pour l'application du paragraphe 163(2). Cependant, la question importante que la Cour doit trancher est celle de savoir si la Couronne, par la preuve présentée, a établi, selon la prépondérance des probabilités, que cette omission ou ce faux énoncé a été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde pour chacune des années 2001 et 2002. [...] À mon avis, il n'était pas manifestement déraisonnable pour M. Altamimi de se fier à ce conseil pour 2001, puisqu'il s'agissait de la première année pour laquelle on lui demandait de fournir une estimation du revenu, tiré d'une entreprise, qu'il précisait et déclarait dans sa déclaration de revenus. J'arrive à la conclusion que, pour 2002, le contribuable ne pouvait plus raisonnablement se fier de façon crédible à ces conseils, en particulier parce que l'estimation qu'il a fournie pour 2002 était identique au revenu brut qu'il avait estimé l'année précédente. Cela me confirme que, pour l'année 2002, son estimation ne pouvait vraisemblablement avoir été faite avec l'intention d'exercer un quelconque degré raisonnable d'exactitude. Pour cette raison, je confirme les pénalités imposées relativement à l'année d'imposition 2002.

 

[44]        Sur la foi de cette jurisprudence, la Cour conclut qu'en l'espèce, il n'est pas justifié d'imposer les pénalités pour faute lourde, et ce, pour les raisons suivantes :

 

a)       la mesure dans laquelle la méconnaissance du système a influencé les décisions que M. Bandula a prises dans les deux premières années d'exploitation de l'entreprise de pose de cloisons sèches, étant donné qu'il n'avait pas l'expérience, les connaissances ou les informations nécessaires pour le faire, relativement à la tenue appropriée de documents, à l'importance de vérifier certains détails au sujet des paiements, des pièces justificatives, des numéros de TPS et autres aspects du genre;

 

b)      de plus, les conséquences liées à la différence entre le fait d'exploiter une entreprise fonctionnant en argent comptant, son expérience antérieure, par opposition à un système canadien général de consignation des paiements, des différences qui ne l'excusent pas de la nécessité de consigner convenablement les opérations effectuées, mais qui permettent d'atténuer d'une certaine façon la présence de tout acte délibéré de dissimulation ou d'omission;

 

c)       la décision, prise par le comptable, qu'il n'était pas nécessaire dans le cas de M. Bandula et de Mme Racz de faire davantage pression sur eux pour déterminer, vu la nouveauté de leur situation, les raisons pour lesquelles ils n'avaient pas de factures, de pièces justificatives et de reçus ou de documents concernant les paiements de sous-traitance et de relier ces raisons à l'établissement ultime des déclarations de revenus et des déclarations de TPS;

 

d)      enfin, le fait que le processus d'imposition de pénalités que l'ARC a suivi présumait manifestement que l'appelant lisait et comprenait l'anglais et qu'il se débrouillait dans cette langue.

 

[45]        Si la Cour avait eu à se pencher sur l'année d'imposition 2004 ou sur une année ultérieure (après les instructions et les directives du comptable à propos de la nécessité que M. Bandula révise ses pratiques commerciales), elle aurait conclu que l'appelant était coupable d'une faute lourde. Par ailleurs, compte tenu des circonstances de fait et de la bonne foi du contribuable et de sa partenaire de vie quant au fait qu'ils ont adopté une stratégie visant à corriger leurs erreurs, des erreurs qui, d'après la Cour, sont le fruit de l'ignorance et non de la mauvaise foi ou d'un acte délibéré, la Cour est disposée dans ce cas‑ci à s'en tenir à son opinion selon laquelle il n'y a pas lieu d'imposer une pénalité parce que la conclusion de faute lourde n'est pas justifiable et ne cadre pas non plus avec les faits qui lui ont été soumis. Les pénalités sont donc annulées.

 

[46]        Pour ce qui est des dépens, aucune ordonnance ne sera rendue, car les parties obtiennent chacune en partie gain de cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2013.

 

 

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de novembre 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 282

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :       2010-1476(IT)G

                                                          2010-1393(GST)I

 

INTITULÉ :                                      SANDOR BANDULA ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :             Du 7 au 9 novembre 2012 et le 28 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L'honorable juge Randall S. Bocock

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 12 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelant :

Me Leigh Somerville Taylor

Avocat de l'intimée :

Me Darren Prevost

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :                   Leigh Somerville Taylor

                   Cabinet :     Leigh Somerville Taylor Professional Corporation

                                       Toronto (Ontario)

 

          Pour l'intimée :     William F. Pentney

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

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