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Dossiers : 2012-3576(EI)

2012-3577(CPP)

 

ENTRE :

NAVEED BUTT,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

1383016 ONTARIO INC. S/N HELP UNLIMITED

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 2 juillet 2013, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Avocate de l’intervenante :

Me Tony Cheung

Me Inna Koldorf

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté en application du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « LAE ») est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») concernant l’appel porté devant lui en vertu de l’article 91 de la LAE est confirmée.

 

          L’appel interjeté en application de l’article 28 du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») est rejeté, et la décision du ministre concernant l’appel porté devant lui en vertu de l’article 27 du Régime est confirmée.

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2013.

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d’octobre 2013.

 

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

Référence : 2013 CCI 284

Date : 20130913

Dossiers : 2012-3576(EI)

2012-3577(CPP)

 

ENTRE :

NAVEED BUTT,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

1383016 ONTARIO INC. S/N HELP UNLIMITED

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bocock

 

I.       Introduction

 

[1]             L’appelant, Naveed Butt, interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre »), selon laquelle M. Butt n’était pas un employé, mais plutôt un entrepreneur indépendant pendant la période allant du 23 décembre 2010 au 15 avril 2011.

 

II.      Les faits

 

[2]             M. Butt est chauffeur de camion et est titulaire d’un permis à cette fin. En réponse à une annonce, le 20 décembre 2010, il s’est présenté à une agence de placement temporaire appelée Help Unlimited. Ce jour‑là, il a rempli un formulaire de demande de l’employé, il a passé les entrevues appropriées, il a assisté à une séance d’orientation sur la sécurité et il a été jugé prêt à être placé dans un emploi. Il a commencé à travailler quelques jours plus tard, le 23 décembre 2010.

 

[3]             Help Unlimited engageait des travailleurs en tant qu’employés et en tant qu’entrepreneurs indépendants pour l’exécution de tâches identiques. Les entrepreneurs devaient utiliser une société à numéro comme intermédiaire entre le travailleur et Help Unlimited. La société à numéro intermédiaire devait également enregistrer un nom commercial et signer un engagement en matière d’indemnisation en faveur de Help Unlimited concernant les versements d’impôt, les franchises pour dommages aux véhicules et d’autres éléments du même genre. Ce document prévoyait également que Help Unlimited verserait toute rémunération à la société de portefeuille de l’entrepreneur indépendant en question. Avant de commencer à rémunérer M. Butt en tant qu’entrepreneur indépendant, Help Unlimited a exigé que celui‑ci fournisse les statuts constitutifs de sa société (la « société »), ainsi qu’une preuve de l’enregistrement de l’entreprise et l’engagement signé.

 

[4]             M. Butt s’est blessé en avril 2011 et l’on a allégé ses tâches. Lorsqu’il a pleinement réintégré ses fonctions, il a demandé à devenir un employé, ce qu’il est devenu avec le consentement de Help Unlimited.

 

III.     Les questions en litige

 

[5]             Bien que la principale question soit de savoir si M. Butt était un employé, les questions accessoires suivantes, qui sont fondées sur la jurisprudence non contestée, ont été soulevées :

 

1)                L’utilisation de la société intermédiaire était-elle déterminante quant au statut d’entrepreneur indépendant de M. Butt?

 

2)                Quelle était l’intention commune des parties?

 

3)                Si l’intention commune des parties n’est pas claire, que révèle l’examen des facteurs clés du critère à quatre volets applicable?

 

[6]             La Cour a également été saisie des autres faits suivants :

 

1)                M. Butt était l’unique dirigeant et administrateur de sa société.

 

2)                Il n’occupait aucun autre emploi.

 

3)                Il a bel et bien signé l’engagement avant de commencer à travailler.

 

4)                Des factures étaient présentées par la société en ce qui concerne la rémunération.

 

[7]             Le formulaire de demande initial de Help Unlimited signé par les employés et celui signé par les entrepreneurs indépendants étaient identiques. La lettre de confirmation du statut après la fin de la relation de travail que M. Butt a reçue de Help Unlimited le 22 novembre 2011 confirme qu’il était un employé de Help Unlimited, et ce, malgré l’engagement dans lequel le nom de la société était mentionné et dans lequel il était indiqué qu’il était entrepreneur indépendant.

 

[8]             En ce qui concerne l’intention des parties, je tiens à souligner que ce n’était qu’à la mi‑avril que l’appelant s’était plaint au sujet de son statut d’entrepreneur indépendant. L’appelant avait accédé aux demandes de Help Unlimited : il avait constitué une société, demandé un numéro d’entreprise et ouvert un compte bancaire pour la société. La société a reçu les chèques ou les dépôts directs au titre du salaire de M. Butt jusqu’à la mi-avril 2011.

 

[9]             Lorsque M. Butt est retourné au travail en avril 2011, Help Unlimited a accédé à sa demande et l’a embauché comme employé. L’appelant a rempli des formulaires TD1 en tant qu’employé en mai 2011. Tout au long de la période, Help Unlimited payait les primes applicables à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, l’agence de placement temporaire ne « supervisait » pas le travail de M. Butt et celui-ci appelait Help Unlimited lorsqu’il voulait du travail.

 

[10]        À l’audience, M. Butt a témoigné pour son propre compte, mais, lors des plaidoiries qui ont eu lieu à la suite d’une pause, il n’était plus présent dans la salle d’audience. La Cour lui a donné 14 jours suivant le jour de l’audience pour présenter des observations, mais il ne l’a pas fait.

 

a)      L’utilisation d’une société de portefeuille

 

[11]        En ce qui concerne l’utilisation de sa société, M. Butt a affirmé qu’il avait été obligé de signer l’engagement et qu’il n’avait pas bien compris ce que signifiait le document. Je ne souscris pas à cet argument. La façon dont M. Butt s’est comporté après le 20 décembre 2010 et avant d’être payé pour son travail était claire et sans équivoque. Il a pris toutes les mesures qu’on lui demandait de prendre pour fournir ses services par l’intermédiaire d’une entreprise. Il a volontiers accepté la somme supplémentaire de 1 $ l’heure qui était versée aux entrepreneurs indépendants. C’est seulement à la mi‑avril, lorsqu’il s’est blessé, qu’il a jugé que son statut n’était pas acceptable.

 

b)      L’intention des parties

 

[12]        Quant à la question de savoir si l’utilisation de la société comme intermédiaire est un facteur déterminant, elle ne l’est pas en tous points, mais elle amène la Cour à se pencher sur l’intention des parties. Pour examiner l’intention des parties, il faut considérer les autres documents, soit la demande initiale, qui semble indiquer que M. Butt devait être un employé de l’entreprise, la lettre de confirmation et l’engagement signé, ainsi que les mesures que M. Butt a prises pour constituer la société et ouvrir un compte bancaire pour celle‑ci, et le fait qu’il avait demandé que la rémunération soit versée à sa société.

 

[13]        M. Butt laisse entendre que l’intention ressort clairement de la demande initiale et de la lettre de confirmation après la fin de la relation de travail. Encore une fois, je ne souscris pas à cette interprétation. Quelle qu’ait été l’intention des parties avant que l’appelant obtienne l’emploi, l’entente claire qui a été conclue entre les parties lorsque M. Butt a commencé à travailler et qui prévoyait que celui‑ci serait un entrepreneur indépendant l’emporte. Il ressort clairement de la preuve à l’appui de l’intention commune des parties que M. Butt a entrepris, sans se poser de questions, les démarches préalables et fastidieuses visant à constituer une société de portefeuille, à enregistrer la société, à obtenir un numéro d’entreprise et un numéro d’inscription aux fins de la taxe sur les produits et services et, finalement, à demander que les chèques soient déposés dans le compte bancaire de la société.

 

[14]        Il convient de souligner également que la Cour conclut qu’il importait peu à Help Unlimited que ses travailleurs lui fournissent leurs services en tant qu’employés ou en tant qu’entrepreneurs indépendants. Help Unlimited acceptait indifféremment les deux. En outre, en l’espèce, elle a accepté qu’une même personne lui fournisse ses services d’abord en tant qu’entrepreneur indépendant, puis en tant qu’employé, et ce, à la demande de celle‑ci. Il est clair que, si M. Butt avait voulu être un employé lorsqu’il a commencé à travailler auprès de Help Unlimited, on lui aurait certainement attribué le statut d’employé. Selon la preuve claire et non contestée dont la Cour est saisie, Help Unlimited n’avait pas de préférence à cet égard. Par conséquent, le témoignage de son directeur était dans l’ensemble désintéressé.

 

[15]        Quant aux raisons qui ont amené M. Butt à demander un statut plutôt qu’un autre, le dollar supplémentaire de salaire horaire a probablement constitué un facteur, mais, là encore, il ne faut pas confondre les raisons et l’intention. Il est évident qu’en décembre 2010, de même qu’en janvier, en février et en mars 2011, les parties voulaient que M. Butt soit un entrepreneur indépendant.

 

[16]        La jurisprudence prévoit clairement que le recours à une société dans les cas où un contrat serait autrement directement conclu entre un employeur et un employé est une preuve suffisante de l’existence d’un contrat d’entreprise et non d’un contrat de louage de services (TBT Personnel Services Inc. c Canada, 2011 CAF 256, [2011] ACF n1340). Autrement dit, l’utilisation de la société constitue la preuve de l’intention des parties de créer une relation client‑entrepreneur indépendant et non une relation employeur‑employé.

 

[17]        Les faits dont la Cour a été saisie sont clairs en ce qui concerne l’existence de la société, le fait que celle‑ci a signé l’engagement et les mesures concrètes que M. Butt a prises pour mettre en place la structure commerciale qui lui permettrait de devenir un travailleur de Help Unlimited. Ces faits révèlent l’existence d’une intention commune des parties, qui voulaient qu’il y ait un rapport juridique, une structure commerciale et une société intermédiaire établissant et appuyant une relation client‑entrepreneur indépendant.

 

[18]        Pour les motifs susmentionnés, l’intention des parties était claire dès le début et il n’y a pas lieu de procéder à l’examen du critère à quatre volets qui aurait autrement été nécessaire suivant l’arrêt TBT. En bref, au cours de la période pertinente, il n’y avait pas de relation contractuelle directe entre M. Butt lui‑même et Help Unlimited. La structure reflétait l’intention commune des parties avant la mi‑avril 2011, selon laquelle M. Butt était, par l’intermédiaire de sa société, un entrepreneur indépendant.

 

[19]        Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2013.

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d’octobre 2013.

 

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 284

 

NOS DES DOSSIERS DE

LA COUR :                                       2012-3576(EI)

                                                          2012-3577(CPP)

 

INTITULÉ :                                      NAVEED BUTT c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et 1383016 ONTARIO INC. S/N HELP UNLIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 juillet 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Randall S. Bocock

 

DATE DU JUGEMENT:                  Le 13 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Avocate de l’intervenante :

Me Tony Cheung

Me Inna Koldorf

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     s.o.

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                            William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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