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Dossier : 2013-162(IT)I

 

ENTRE :

 

GORDON H. GRAHAM,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 16 septembre 2013, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Roxanne Wong

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2011 de l’appelant est rejeté, et des dépens de 375 $ sont adjugés à l’intimée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de septembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d’octobre 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

Référence : 2013 CCI 294

Date : 20130920

Dossier : 2013-162(IT)I

ENTRE :

 

GORDON H. GRAHAM,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Boyle

 

[1]             La question à trancher en l’espèce est de savoir si les dispositions relatives au facteur d’équivalence (le « FE ») s’appliquaient de façon à soustraire du montant de cotisations que M. Graham pouvait verser à son REER en 2011 le facteur d’équivalence calculé en fonction des cotisations à un régime de pension agréé (le « RPA ») qui ont été versées pour 2010 au titre de son emploi précédent.

 

[2]             M. Graham a commencé à travailler pour AccertaClaim Servicorp Inc. (« Accerta ») en juin 2001 et il a participé à un RPA contributif dont le propriétaire d’Accerta, l’Association dentaire de l’Ontario, était le promoteur. M. Graham était président et chef de la direction d’Accerta.

 

[3]             Accerta a mis fin à l’emploi de M. Graham en août 2009. Suivant l’entente de cessation d’emploi conclue entre M. Graham et Accerta, M. Graham devait continuer de toucher son salaire de base et d’avoir droit à tous ses avantages sociaux, à l’exception de l’assurance-vie et de l’assurance-invalidité de longue durée, et ce, pour une période de douze mois. Il devait également continuer d’accumuler du service dans le régime de pension.

 

[4]             En 2011, M. Graham a commencé à travailler pour un nouvel employeur, l’Auto Sector Retiree Health Care Trust (l’« asrTrust »). Aux termes de son contrat de travail avec l’asrTrust, celle-ci versait pour son compte une cotisation à un REER correspondant à 10 % de son salaire de base de 220 000 $. Le plafond de cotisation à un REER de M. Graham pour 2011 était de 22 450 $. Cependant, le facteur d’équivalence calculé en fonction des cotisations pour 2010 au RPA d’Accerta (le cas échéant) fait baisser le plafond de cotisation de M. Graham bien en deçà de 22 000 $.

 

[5]             La Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») prévoit que le facteur d’équivalence d’un contribuable s’applique en réduction de son plafond de cotisation à un REER. Le FE se veut le reflet des cotisations versées par un employeur et par un employé à un RPA, et permet d’éviter que le plafond de cotisation à un REER soit doublé ou bien dépassé. Toutefois, le FE est calculé en fonction des cotisations au RPA de l’année précédente. En l’espèce, le FE (déterminé en fonction des dispositions de la Loi, sans égard à l’argument principal ci-dessous invoqué par M. Graham) se traduit par une baisse du plafond de cotisation à un REER de M. Graham pour 2011 en dessous des 22 000 $ de cotisations qu’asrTrust a versées pour son compte dans son REER. Un impôt donc a été fixé, et cela a donné lieu à des cotisations inutilisées au titre d’un REER, lesquelles pourraient être utilisées pour des années ultérieures si le plafond de cotisation à un REER de ces années‑là n’est pas atteint.

 

[6]             Aucun de ces faits n’est contesté.

 

[7]             M. Graham a invoqué deux arguments. Tout d’abord, il affirme que les décisions que la Cour a rendues dans les affaires Emmerson v. Canada, [1998] 1 C.T.C. 2182, et Bussière v. Canada, [2001] 2 C.T.C. 2005, 2000 DTC 1910, ont pour effet de ramener le FE à zéro. Il soutient que ces deux affaires ont été tranchées en fonction du fait que le FE approprié pour une année précédente est de zéro si un contribuable a cessé d’être un employé et d’adhérer à un régime au cours de l’année précédente.

 

[8]             M. Graham fait valoir, à titre subsidiaire, que son FE pour 2010 ne devrait pas réduire son plafond de cotisation à un REER pour 2011, car il serait injuste de le réduire, vu que le FE de l’année précédente sert d’indicateur pour ce qui est des cotisations à un RPA attendues pour l’année en cours, et de telles cotisations n’ont pas été versées après qu’il a été mis fin à l’emploi d’un contribuable et à son adhésion à un RPA, comme c’est le cas en l’espèce.

 

[9]             Les deux arguments de M. Graham sont sans fondement.

 

[10]        Les motifs du juge Sarchuk dans la décision Emmerson et ceux de la juge Lamarre Proulx dans la décision Bussière sont très clairs. Bien que les faits dans ces affaires soient en général semblables à ceux de M. Graham, le fait important sur lequel les deux juges se sont expressément fondés était que, dans chacun des cas, les contribuables avaient retiré de leur RPA les cotisations de l’année précédente. Pour ce seul motif, dans ces affaires, il a été conclu, sur la base de leurs faits, que le FE par ailleurs déterminé ne pouvait pas être qualifié d’accumulation de prestations qu’il serait raisonnable de considérer comme étant attribuable à l’emploi du contribuable à l’égard de l’année, étant donné que le contribuable n’était plus un employé de l’employeur et qu’il n’y avait plus de cotisations ayant été versées pour son compte dans le régime de pension. Voir les paragraphes 15 et 16 des motifs de la décision Bussière, dans lesquels, après avoir reproduit les paragraphes six à dix de la décision Emmerson, la juge Lamarre Proulx a écrit ce qui suit :

 

Je conclus de la même façon que dans l’affaire Emmerson : l’appelant ayant retiré sa participation au régime de pension de son employeur au cours de l’année 1996, il n’y avait pas de facteur d’équivalence à un régime de pension qui subsistait pour cette année.

[Non souligné dans l’original.]

 

[11]        Pour un professionnel intelligent, instruit et prospère tel que M. Graham, il était parfaitement clair que ces deux affaires tenaient manifestement et expressément au fait que les contribuables dans ces affaires, contrairement à M. Graham, avaient retiré les cotisations de l’année précédente de leur RPA. Il aurait donc été tout aussi évident pour lui que ces affaires n’étayaient pas la thèse qu’il voulait avancer. Il a avancé que ces syntagmes ayant un lien de causalité clair entre eux étaient des remarques incidentes. Il est difficile de concevoir qu’une personne qui savait ce que l’expression « remarque incidente » signifiait, ainsi que quand et comment l’utiliser, pouvait penser que le motif qu’un juge invoque à l’appui de sa conclusion était une remarque incidente et que la substance de la décision était en fait une thèse différente, mais non précisée. Cela est d’autant plus vrai lorsque les juges utilisent des mots tels que « comme » et « parce que ».

 

[12]        L’argument subsidiaire de M. Graham est aussi manifestement irrecevable. Tout d’abord, cet argument est mal fondé en droit, parce que la Cour doit appliquer les dispositions de la Loi telles qu’elles ont été rédigées par le législateur et qu’elle ne peut pas faire abstraction des dispositions applicables sur la base d’arguments fondés sur l’équité. Sa thèse selon laquelle il avait subi une injustice en 2011, alors qu’aucune cotisation n’avait en fait été versée à un RPA, en raison du caractère de « justice sommaire » des dispositions relatives au FE, suivant laquelle les cotisations à un RPA de l’année précédente servent d’indicateur des cotisations à un RPA de l’année en cours. C’est le caractère rétrospectif du FE dans l’économie de la Loi qui, selon lui, cause une injustice dans son cas particulier en 2011. L’injustice qu’il allègue avoir subi consiste dans le fait que ses cotisations excédentaires pour 2011 seront seulement déduites s’il cesse de verser le montant maximum de cotisations à un REER, ce qui ne se produira pas avant qu’il prenne sa retraite et cesse de travailler pour l’arsTrust, étant donné que celle‑ci verse ces cotisations pour lui, selon ce qui est prévu dans ses conditions de travail. Selon lui, cela veut dire qu’il devra reporter sur une longue période des cotisations à un REER versées en 2011 avant de pouvoir les utiliser.

 

[13]        Cependant, compte tenu de sa situation, M. Graham semble protester avec trop de vigueur. Il a demandé une déduction au titre de cotisations versées à un REER pour 2001, soit l’année au cours de laquelle il a commencé à travailler pour Accerta. Accerta a aussi versé des cotisations pour son compte dans le régime de pension de la société en 2001, de sorte que, si les cotisations à un RPA avaient été prises en compte la même année au lieu l’année suivante, le plafond de cotisation à un REER de M. Graham aurait été dépassé. Cependant, selon l’économie des dispositions relatives au FE dans la Loi, les cotisations pour 2001 étaient seulement prises en compte en 2002. Cela étant, il est clair que M. Graham a versé des cotisations à un REER en 2001 et qu’il a profité de l’économie générale des dispositions relatives au FE, selon laquelle le montant des cotisations versées à un RPA l’année précédente sert d’indicateur pour ce qui est du montant applicable pour l’année en cours, si je peux me permettre de décrire les choses ainsi. Donc, la situation de M. Graham en l’espèce est exactement le contraire de sa situation pour 2001 si on la considère sous l’angle de l’équité ou de la justice. Au lieu d’avoir été traité injustement en 2011 en raison du régime applicable pour le FE, il a en fait profité du régime, pour une somme presque identique, dix ans auparavant, en 2001. Je n’ai aucun doute qu’il en était bien conscient.

 

[14]        Pour les motifs énoncés précédemment, l’appel est rejeté.

 

[15]        Je suis convaincu, quelle quoi la politesse et le respect dont M. Graham a fait preuve, qu’en interjetant appel devant la Cour sous le régime de la procédure informelle, alors qu’il savait pertinemment que ses deux arguments étaient vides de sens et sans fondement, il a donné lieu à une procédure complètement inutile et a donc retardé le règlement prompt et efficace de son appel en matière d’impôt par le rejet de l’action. Compte tenu des circonstances, j’ordonne que M. Graham paye à l’intimée des dépens, conformément à l’article 10 des Règles. Les dépens sont fixés à 375 $, soit le montant prévu par l’alinéa 11c) des Règles pour une demi‑journée d’audience ou moins.

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de septembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour d’octobre 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 294

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2013-162(IT)I

                                                                   

INTITULÉ :                                      GORDON H. GRAHAM c. S.M.R.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 20 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Roxanne Wong

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :                       

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 

 

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