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Dossier : 2013-1241(IT)I

ENTRE :

NIGEL HALL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 25 septembre 2013, à Toronto (Ontario)

 

 

Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Stephen Oakey

 

 

JUGEMENT

          L’appel relatif à la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2011 est rejeté.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’octobre 2013.

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de novembre 2013.

 

S. Tasset

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 314

Date : 20131002

Dossier : 2013-1241(IT)I

ENTRE :

NIGEL HALL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l’audience le 24 septembre 2013, à Toronto (Ontario))

Le juge Pizzitelli

[1]             L’appelant interjette appel du refus d’un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance prévu à l'article 118.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la  « LIR »), relativement au don de 24 800 $ qu’il a fait à une entité qui, en 2011, n’était pas un organisme de bienfaisance enregistré et donc pas un « donataire reconnu » au sens du paragraphe 149.1(1) de la LIR, au motif que ce refus est une violation du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »).

[2]             Les faits ne sont pas contestés. En 2011, l’appelant a fait don de la somme de 24 800 $ à l’Association internationale des scientologues (« AIS »), qui s’occupe d’activités de formation et de traitement contre la toxicomanie, de mesures de secours en cas de catastrophe ainsi que d’autres activités de type caritatif louables aux quatre coins du globe, dont la fourniture de services de transport de personnel médical, de fournitures et de vivres à titre d’aide à la suite du tremblement de terre que Haïti a subi il y a quelques années, de même qu’un programme d’éradication de la drogue dans le monde, qui, de pair avec des groupes gouvernementaux et communautaires, entre autres partenaires, vise à sensibiliser les enfants à risque. Nul ne conteste que l’AIS mène ce que l’on considère habituellement comme des activités de bienfaisance ou de même nature, mais qu’elle n’est pas un organisme de bienfaisance enregistré au Canada, pas plus, semble-t-il, qu’elle ait même présenté une demande pour le devenir.

[3]             L’appelant est d’avis que sa décision de soutenir l’AIS, qui est l’organisme de bienfaisance qu’il préfère, le prive injustement du droit à un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance, tandis que d’autres Canadiens ont accès ce crédit d’impôt s’ils décident de faire un don à un organisme de bienfaisance enregistré; c’est donc dire que les dispositions de la LIR qui exigent  que l’organisme de bienfaisance soit un « donataire reconnu » ou, pour dire les choses plus simplement, un organisme de bienfaisance enregistré au sens de l’article 149.1, sont discriminatoires et violent la disposition susmentionnée de la Charte.

[4]             L’intimée est d’avis qu’il n’y a aucune violation de la Charte, et ce, pour deux grandes raisons : aucune loi n’accorde un crédit d’impôt pour tout don fait à un organisme de bienfaisance et, de ce fait, nul n’a été exclu de manière explicite ou par l’effet du bénéfice d’une telle loi, et, subsidiairement, l’appelant n’a pas établi que le gouvernement a fait une distinction fondée sur l’un quelconque des motifs énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte, ou sur n’importe quel motif analogue.

[5]             Le paragraphe 15(1) de la Charte est libellé en ces termes :

La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

[6]             Le paragraphe 118.1(3) permet à un particulier de se prévaloir d’un crédit d’impôt fondé sur une formule qui s’applique au « total des dons » pour l’année. Le « total des dons » du particulier pour une année est défini au paragraphe 118.1(1) : il s’agit en général d’un pourcentage du « total des dons de bienfaisance » du particulier, lesquels sont à leur tour définis dans le même paragraphe comme étant le total des montants représentant chacun la juste valeur marchande d’un don fait par le particulier au cours de l’année ou d’une des cinq années précédentes et non déjà déduit, en faveur, notamment, d’un organisme de bienfaisance enregistré. Un « organisme de bienfaisance enregistré » est quant à lui défini au paragraphe 248(1); il s’agit d’un organisme de bienfaisance, au sens qui lui est attribué au paragraphe 149.1(1), qui réside au Canada, qui a présenté au ministre une demande d’enregistrement sur le formulaire prescrit et qui est enregistré au moment considéré. Nul ne conteste en soi les interprétations de ces dispositions. Comme il a été indiqué, l’appelant estime qu’il devrait avoir droit au crédit d’impôt pour dons de bienfaisance à un organisme de bienfaisance qui n’est pas enregistré parce que cet organisme n’a ni demandé ni obtenu un enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance enregistré sous le régime de la LIR.

[7]             À mon avis, l’octroi d’un crédit d’impôt pour dons à un organisme de bienfaisance non enregistré n’est pas un avantage prévu à l’article 118.1 de la LIR, ce qui signifie qu’il ne peut y avoir de violation du paragraphe 15(1) de la Charte. Ainsi qu’il est indiqué dans l’arrêt Ali c Canada 2008 CAF 190, la Cour d’appel fédérale, se fondant sur la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans Auton (Tutrice à l’instance de) c Colombie-Britannique (Procureur général), a conclu : « le paragraphe 15(1) de la Charte ne sera pas enfreint si l’avantage recherché n’en est pas un qui est prévu par la loi contestée. […] En quoi alors peut-il être discriminatoire de refuser aux appelantes un avantage […] qui n’est accordé à personne? »

[8]             Il était question dans l’arrêt Ali de la non-déductibilité de produits pharmaceutiques en vente libre, mais le principe, selon moi, est le même. L’appelant n’a pas établi que les dispositions particulières qui autorisent l’octroi de crédits d’impôt pour des dons faits à des organismes de bienfaisance enregistrés exercent une discrimination directe contre un organisme de bienfaisance en particulier, et à plus forte raison l’AIS. Par ailleurs, il n’y a aucune discrimination par voie d’effet, si, comme l’a déclaré le juge d’appel Ryer dans l’arrêt Ali au paragraphe 16 : « la non-inclusion d’un avantage particulier est compatible avec l’objectif et l’économie de la loi contestée ». Dans le cas présent, comme l’a souligné l’intimée, le régime des crédits d’impôt pour dons de bienfaisance a pour objet de n’accorder des crédits d’impôt, subventionnés pratiquement par le contribuable canadien, pour des dons faits à des organismes de bienfaisance enregistrés bien précis. Comme l’a fait remarquer l’intimée, dans l’arrêt Vancouver Society of Immigrant and Visible Minority Women c MRN [1999] 1 RCS 10, la Cour suprême du Canada a déjà traité du régime de la Loi portant sur les dons de bienfaisance et a déclaré, au paragraphe 26 :

Étant donné le rôle central que jouent les organismes de bienfaisance dans notre société, l’importance des sommes qui sont consacrées à des fins de bienfaisance et les privilèges considérables qui se rattachent au statut d’organisme de bienfaisance, le Parlement a jugé essentiel d’établir un cadre juridique afin de régir les organismes de bienfaisance et leurs activités.  Ce cadre juridique, qui vise à faire en sorte que les organismes de bienfaisance consacrent à des fins de bienfaisance les fonds qui leur sont versés et qu’ils poursuivent ces fins de manière efficace, a une origine ancienne.  La définition, en constante évolution, que donne la common law de la notion d’organisme de bienfaisance a été incorporée dans la loi fédérale de l’impôt sur le revenu depuis que les organismes de bienfaisance se sont vu accorder un statut particulier par la Loi de l’Impôt de Guerre sur le Revenu, 1917, S.C. 1917, ch. 28, al. 5d).

[9]             Le régime permet à n’importe quel organisme de bienfaisance de présenter une demande d’enregistrement s’il répond aux exigences de la LIR dans le cadre du mécanisme législatif qui permet d’examiner en détail et de contrôler raisonnablement les organismes qui demandent pratiquement au public canadien de financer en partie leurs activités par l’intermédiaire des dispositions relatives au crédit d’impôt pour dons de bienfaisance. Il n’est interdit à aucun groupe précis de présenter une demande et la décision de le faire revient à l’organisme lui-même. Si ce dernier décide de ne pas se prévaloir de cet enregistrement ou ne répond pas aux exigences d’une telle mesure, cela ne veut pas dire que l’on fait preuve de discrimination quand un enregistrement n’est pas une question de droit pour tous. De plus, lorsqu’un contribuable décide de faire un don à un organisme qui n’est pas un organisme de bienfaisance enregistré, plutôt qu’à un organisme de bienfaisance qui l’est, le choix personnel qu’il fait ne veut pas dire qu’on l’a privé du bénéfice d’une loi qui n’accorde des avantages fiscaux que pour les dons faits à un organisme de bienfaisance enregistré. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada, au paragraphe 41 de l’arrêt Auton :

[…] la décision du législateur de ne pas accorder un avantage en particulier, lorsque l’existence d’un objectif, d’une politique ou d’un effet discriminatoire n’est pas établie, ne contrevient pas à ce principe ni ne justifie un examen fondé sur le par. 15(1).  Notre Cour a conclu à maintes reprises que le législateur n’a pas l’obligation de créer un avantage en particulier, qu’il peut financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l’avantage offert ne soit pas lui-même conféré d’une manière discriminatoire […].

[10]        En résumé, je conclus que l’avantage que réclame l’appelant ne peut pas être considéré comme un avantage prévu par la loi et qu’il ne tombe donc pas sous le coup du paragraphe 15(1) de la Charte; il n’est donc pas nécessaire que j’examine plus avant si le gouvernement a fait une distinction qui est fondée sur l’un des motifs énumérés par la Charte ou un motif analogue, même s’il est évident que l’argument de l’appelant selon lequel il y a discrimination contre sa liberté de choisir à quel organisme de bienfaisance faire un don ne me permettrait guère de conclure qu’il a été privé du même bénéfice de la loi, sans discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques, pas plus que pour un motif semblable fondé sur l’une quelconque des caractéristiques immuables de l’appelant.

[11]        En conséquence, l’appel est rejeté.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’octobre 2013.

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de novembre 2013.

 

S. Tasset

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 314

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2013-1241(IT)I

 

INTITULÉ :                                      NIGEL HALL ET
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 2 octobre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Stephen Oakey

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER :

 

            Pour l’appelant :

 

                             Nom :                  

 

                        Cabinet :

 

              Pour l’intimée :                   William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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