Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2012-943(IT)G

ENTRE :

ALLAN BARRY LABOUCAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Requête de l’intimée entendue le 18 octobre 2013,
à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Raj Grewal

 

 

ORDONNANCE

Vu la requête présentée par l’intimée en vue d’obtenir une ordonnance pour que l’avis d’appel de l’appelant soit radié et l’appel rejeté avec dépens;

Et vu les observations des parties;

LA COUR ORDONNE :

1.       La requête de l’intimée en vue de faire radier l’avis d’appel de l’appelant est accueillie, conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints.

2.       L’appel relatif aux cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2004, 2005, 2006 et 2007 de l’appelant est rejeté.

3.       Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de février 2014.

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

 

Référence : 2013 CCI 357

Date : 20131118

Dossier : 2012-943(IT)G

 

ENTRE :

ALLAN BARRY LABOUCAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge Boyle

[1]             L’intimée a présenté une requête en vue de faire radier l’avis d’appel de l’appelant compte tenu du fait que cet avis ne fait pas état de motifs d’appel raisonnables et aussi qu’il excède, en partie, la compétence de la Cour.

[2]             M. Laboucan a déposé un avis d’appel relatif à ses cotisations d’impôt sur le revenu concernant les années d’imposition 2004, 2005, 2006 et 2007. Par une ordonnance antérieure de la Cour, le juge Hogan a annulé sa tentative de dépôt d’un avis d’appel modifié visant à ajouter les années 2008, 2009, 2010 et 2011.

[3]             Dans son avis d’appel, le contribuable soutient que le Traité no 8 procure aux Autochtones qu’il vise une exemption de taxes de toute nature, qu’ils résident ou non dans une réserve. De plus, il fait référence dans cet avis d’appel à la Proclamation royale de 1763, à la Charte des droits et libertés, à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, de même qu’à l’obligation, prescrite par la Cour suprême du Canada, de procéder à des consultations sur les enjeux relatifs aux droits des Autochtones, le tout à l’appui de l’exemption d’impôt sur le revenu qu’il invoque.

1.  La Cour d’appel fédérale a statué que le Traité no 8 n’inclut pas une exemption de taxes

[4]             Dans l’arrêt Canada c. Benoît, 2003 CAF 236, la Cour d’appel fédérale a conclu que le Traité no 8 ne contient pas d’exemption d’impôt sur le revenu ou ne donne pas lieu à une telle mesure. Dans cette affaire, les contribuables ont sollicité l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada, ce qui leur a été refusé. Cet arrêt de la Cour d’appel fédérale est clair et il lie la Cour canadienne de l’impôt.

[5]             M. Laboucan n’a pas été en mesure de déterminer que sa situation particulière diffère, de quelque manière pertinente que ce soit, de celle dont il était question dans l’arrêt Benoît. Il n’a pas pu trouver de preuves additionnelles, orales ou d’autre nature, qui soient liées au Traité no 8 et à la juste interprétation ou à la bonne compréhension de cet instrument, quoiqu’il espère en trouver lorsqu’il entreprendra d’en chercher. Essentiellement, M. Laboucan, que j’ai entendu à l’audition de la présente requête, est d’avis que l’arrêt de la Cour d’appel fédérale est tout simplement incomplet et inexact.

[6]             Dans ces circonstances, un juge de la Cour canadienne de l’impôt serait tenu de suivre l’arrêt Benoît de la Cour d’appel fédérale, et il est donc évident et manifeste que l’appel de M. Laboucan ne peut pas être accueilli.

[7]             La juge Sheridan, de la Cour canadienne de l’impôt, a suivi et appliqué l’arrêt Benoît dans la décision qu’elle a rendue dans l’affaire Dumont c. La Reine, 2005 CCI 790, une décision que la Cour d’appel fédérale a confirmée (2008 CAF 32). Plus récemment, le juge Bocock, de la Cour canadienne de l’impôt, a lui aussi suivi et appliqué l’arrêt Benoît dans la décision Tuccaro c. La Reine, 2013 CCI 300.

2.  La Proclamation royale de 1763 et l’obligation de consultation

[8]             Le seul élément d’appui manifeste à l’appel de M. Laboucan que l’on peut trouver dans la Proclamation royale de 1763 serait, vraisemblablement, l’obligation de consultation. La Proclamation royale de 1763 n’étaye l’existence d’aucune exemption d’impôt sur le revenu pour les Autochtones en général qui ne soit pas fondée sur leurs droits issus de traités.

[9]             L’obligation de la Couronne en matière de consultation prend naissance dans les cas où une conduite que cette dernière envisage de suivre peut avoir une incidence préjudiciable sur des droits ancestraux ou issus de traités potentiels ou établis. Étant donné que la Cour d’appel fédérale a tranché de façon définitive dans l’arrêt Benoît qu’il n’existe aucune exemption d’impôt sur le revenu dans le Traité no 8, ni les cotisations d’impôt sur le revenu qui ont été établies à l’endroit de M. Laboucan, ni les autres aspects auxquels il a fait référence dans son avis d’appel ou à l’audience ne peuvent avoir une incidence préjudiciable sur les droits issus de traités dont il jouit. Pour cette raison, l’obligation de consultation ne peut pas prendre naissance.

[10]        Je signale également que, de toute manière, un manquement de la Couronne à toute obligation de consultation ne serait pas un aspect à l’égard duquel la Cour canadienne de l’impôt semble avoir compétence pour accorder des réparations.

[11]        De plus, je doute sérieusement qu’on puisse même prétendre qu’une cotisation envisagée ou réelle à l’égard d’un particulier autochtone, conformément aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui s’applique de façon générale, donne naissance à une obligation de la Couronne de consulter ce particulier, au-delà des procédures ordinaires de l’Agence du revenu du Canada en matière de vérification et de projet de lettre de nouvelle cotisation. Voir, par exemple, la décision que le juge Paris, de la Cour canadienne de l’impôt, a rendue dans l’affaire Sackaney c. La Reine, 2013 CCI 303, où il cite la décision que la Cour supérieure de l’Ontario a rendue dans l’affaire Hester v. The Queen et al, [2007] O.J. No. 4719, conf. par : Hester v. Canada, 2008 ONCA 634 (Cour d’appel de l’Ontario) :

[traduction] […] il ne peut y avoir, au vu des faits allégués, aucune conduite envisagée par la Couronne, car cette dernière n’exerce aucun pouvoir discrétionnaire dans le cadre de son administration de droits à l’exemption d’impôts.

[12]        Quant au défaut de compétence de la Cour pour ce qui est d’examiner un présumé manquement de la Couronne à son obligation de consultation, il est utile de consulter l’arrêt de la Cour suprême du Canada Nation haïda c. Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511 (CSC), aux paragraphes 60 et suivants, où la Cour suprême du Canada énonce les principes généraux du droit administratif à suivre en vue de l’examen d’un présumé manquement de la Couronne à son obligation de consultation. On peut aussi faire référence à l’affaire Première Nation de l’Acadie c. M.R.N., 2007 CF 259, une décision dans laquelle la Cour fédérale décrit les processus parallèles qui se rapportent à une demande de contrôle judiciaire déposée auprès de la Cour fédérale au sujet de l’obligation de consultation en même temps qu’un appel sur le fond interjeté auprès de la Cour canadienne de l’impôt au sujet du bien-fondé de la cotisation en vertu des lois fiscales.

3.  La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

[13]        Je ne vois pas en quoi la Déclaration des Nations Unies peut étayer l’exemption d’impôt sur le revenu qu’accorde, selon M. Laboucan, le Traité no 8 sur le plan juridique, ni en quoi cet instrument peut fonder en soi une telle exemption. Le Canada est peut-être bien signataire de la Déclaration des Nations Unies, mais le Parlement canadien ne l’a pas ratifiée. Au paragraphe 35 de la décision Sackaney, le juge Paris a également analysé cette question.

[14]        Étant donné que, dans l’arrêt Benoît, la Cour d’appel fédérale a clairement statué que le Traité no 8 n’inclut aucune exemption d’impôt sur le revenu, la Déclaration des Nations Unies n’est d’aucune utilité pour en trouver une dans cet instrument.

[15]        Si le contribuable estime que la Déclaration des Nations Unies oblige la Couronne à tenir des consultations sérieuses sur les droits des peuples autochtones en cas de différends, et s’il est d’avis que la Couronne ne s’est pas acquittée de cette obligation, la Cour canadienne de l’impôt n’est pas compétente pour se prononcer sur son présumé doute et y remédier. Comme dans le cas d’un présumé manquement à l’obligation de consultation, cette question relèverait de la compétence de la Cour fédérale.

[16]        Pour ces motifs, j’accueille la requête de la Couronne et je radie l’avis d’appel, ce qui a pour effet d’annuler l’appel de M. Laboucan auprès de la Cour.

[17]        Dans les circonstances, je n’adjuge aucuns dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de février 2014.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 357

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-943(IT)G

 

INTITULÉ :                                      ALLAN BARRY LABOUCAN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 octobre 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DES MOTIFS DE

L’ORDONNANCE :                         Le 18 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Raj Grewal

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER :

 

            Pour l’appelant :

 

                             Nom :                  

 

                        Cabinet :                  

 

              Pour l’intimée :                   William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada

 

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