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Dossier : 2011-834(GST)G

ENTRE :

125319 CANADA LTÉE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 16 septembre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Blain

Avocat de l'intimée :

Me Danny Galarneau

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel à l'encontre de la nouvelle cotisation datée du 23 octobre 2009 établie par l'entremise du ministre du Revenu du Québec en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, pour la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2009, est rejeté avec dépens selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de décembre 2013.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 368

Date : 20131204

Dossier : 2011-834(GST)G

ENTRE :

125319 CANADA LTÉE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]             Il s'agit ici d'un appel, par la voie de la procédure générale, à l'encontre d'une nouvelle cotisation datée du 23 octobre 2009 et ne comportant aucun numéro distinctif, établie par l'entremise du ministre du Revenu du Québec (le « ministre ») en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), c. E-15, telle que modifiée (la « LTA ») pour la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2009 (la « période visée »).

 

[2]             Par la cotisation datée du 23 octobre 2009, le ministre a cotisé l'appelante pour un montant de 83 162,75 $, comprenant un montant de 57 805,84 $ au titre de la taxe sur les produits et services (la « TPS »), un montant de 14 451,46 $ à titre de pénalités en vertu de l'article 285 de la LTA et un montant de 10 905,45 $ à titre d'intérêts.

 

[3]             En cotisant l'appelante, le ministre s'est fondé sur les conclusions et les hypothèses de fait suivantes, énoncées au paragraphe 17 de la réponse à l'avis d'appel:

 

a)   125319 Canada ltée est une personne morale constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LRC (1985) c. C-44);

 

b)   l'appelante est, pendant la période visée, un inscrit aux fins de la Partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (ci-après « LTA »);

 

c)      l'appelante exploite un restaurant avec permis d'alcool sous la raison sociale « Restaurant la Belle Province »;

 

d)     dans le cadre de son exploitation, l'appelante offre des repas rapides au comptoir pour les diners et soupers, ainsi que des déjeuners avec service aux tables;

 

e)      l'exercice financier de l'appelante débute le 1er juillet d'une année donnée et se termine le 30 juin de l'année suivante;

 

f)       toutes les fournitures effectuées par l'appelante dans le cadre de l'exploitation du restaurant, soit une activité commerciale, pendant la période visée constituent des fournitures taxables pour lesquelles une taxe, soit la TPS, au taux de 7 % [avant le 1er juillet 2006] ou de 6 % [après le 30 juin 2006] ou de 5 % (après le 1er janvier 2008) sur la valeur de la contrepartie de la fourniture, était payable par les acquéreurs à l'appelante, laquelle devait la percevoir;

 

g)      les registres et livres comptables de l'appelante remis au Ministre lorsque requis de le faire, au moment de la vérification, étant incomplets et imprécis, le Ministre a reconstitué le montant total des fournitures effectuées par l'appelante par une méthode indirecte de vérification pour la période visée;

 

 

h)      notamment, l'appelante n'a pas conservé le registre détaillé des ventes (le « Z » de caisse), aucun registre détaillé n'est tenu relativement aux déjeuners, les relevés bancaires étaient incomplets et des écarts importants ont été relevés relativement aux achats de plusieurs fournisseurs;

 

i)        les livres et registres étant peu fiables, le ministre a dû utiliser une méthode alternative afin de reconstituer les ventes taxables de l'appelante;

 

j)        puisque les « Z » de caisse sont incomplets, une reprogrammation de la caisse enregistreuse de l'appelante fût faite et les « Z » de caisse complets et détaillés ont été obtenus pour la période du 29 mars au 30 juin 2009;

 

k)      ces « Z » de caisse ont été analysés et répertoriés, telles qu'il appert des feuilles de travail de la vérificatrice annexées à la présente réponse pour en faire partie intégrante, Annexe A;

 

l)        pour la période de vérification, les achats auprès de différents fournisseurs ont été également analysés:

 

 

 

m)    afin de reconstituer les ventes taxables de l'appelante, trois (3) items ont été sélectionnés, à savoir, les pains hotdogs, hamburgers et sous-marins;

 

n)      le calcul ainsi fait a permis de constater que des écarts importants entre les ventes déclarées par l'appelante et les ventes reconstituées existent, tel qu'il appert des feuilles de travail annexées à la présente réponse pour en faire partie intégrante, Annexe B;

 

o)      l'appelante a donc omis, dans le calcul de sa taxe nette, de remettre les taxes suivantes :

 

PÉRIODE SE TERMINANT

TPS CALCULÉE

TPS DÉCLARÉE

ÉCART

TPS

2009-06-30

23 037,84 $

12 219,47 $

10 818,37 $

2008-06-30

27 589,87 $

12 462,60 $

15 127,27 $

2007-06-30

29 628,30 $

14 701,73 $

14 926,57 $

2006-03-30

34 107,98 $

17 174,33 $

16 933,24 $

TOTAL

114 363,99 $

56 558,13 $

57 805,86 $

 

p)      l'appelante a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue par la Partie IX de la LTA, fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de taxe nette de la période visée en n'incluant pas, dans le calcul de sa taxe qu'elle a déclarée pendant ladite période visée, un montant de 57 805,86 $, à titre de TPS perçue ou percevable;

 

q)      l'appelante est donc redevable envers au [sic] ministre du montant des rajustements apportés à sa taxe nette déclarée pour la période visée, plus les intérêts et les pénalités;

 

[4]             Les questions en litige consistent à déterminer si l'appelante a omis d'inclure, dans le calcul de sa taxe nette qu'elle a déclarée au ministre pour les périodes de déclaration comprises dans la période visée, de la TPS qu'elle a perçue ou était tenue de percevoir pour un montant de 57 805,86 $ et si l'appelante doit être assujettie à la pénalité prévue à l'article 285 de la LTA pour un montant de 14 451,46 $, soit 25% de 57 805,86 $.

 

[5]             En se servant du registre détaillé des ventes (le « Z » de caisse) pour la période du 29 mars au 30 juin 2009, le ministre a obtenu un ratio de vente de 4,1030 $ par unité vendue de chacun des trois (3) items sélectionnés: les pains hotdogs, hamburgers et sous-marins. Ce ratio a été obtenu en prenant les ventes du recensement (avant taxes) de 74 242,91 $ et en divisant ce montant par le nombre d'unités vendues, soit 18 095 unités. Donc, chaque unité de pain vendue rapporte 4,1030 $ même si le prix d'un pain hotdog seul se vend à 0,89 $. La raison de cet écart est due au fait que les pains hotdogs sont souvent vendus en trio, soit avec un breuvage, une poutine ou autre chose. Ce ratio a été appliqué pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009. Pour les périodes de déclaration antérieures, le ratio a été ajusté en accordant un taux de déflation de 3% pour chacune des périodes, selon les données de Statistiques Canada. Une déduction de 8% a été allouée pour les pertes, le vol et la consommation par les employés. Les ventes reconstituées ont été obtenues en multipliant le nombre d'items vendus par le prix unitaire généré par la vente de ces items. Selon la méthode utilisée par le ministre, l'appelante n'aurait pas déclaré certains revenus puisque les ventes reconstituées pour les périodes comprises pendant la période visée s'établissaient à :

 

 

Périodes

Ventes reconstituées

 

2009-06-30

2008-06-30

2007-06-30

2006-06-30

 

460 756,87 $

501 627,97 $

493 801,70 $

487 259,19 $

 

[6]             L'appelante ne conteste pas l'utilisation par le ministre d'une méthode alternative pour déterminer les ventes reconstituées mais conteste la méthode que le ministre a utilisée parce qu'elle est non fiable, non crédible et non objective.

 

[7]             À l'appui de ses prétentions, l'appelante invoque que plusieurs éléments n'ont pas été considérés par le ministre dont le profil de l'établissement, i.e.:

 

   un restaurant situé dans un édifice unique;

   la clientèle principale est composée d'élèves d'une école secondaire;

   les périodes achalandées sont de septembre à décembre et d'avril à juin;

   la capacité du restaurant est de 52 places;

   l'édifice est âgé et exige des réparations et des rénovations;

   le restaurant ne fait pas partie de la chaîne de la Belle Province; et

   un restaurant concurrentiel MacDonalds se trouve à proximité.

 

Ces caractéristiques ont un impact sur les revenus générés par le restaurant puisque ce n'est pas une place d'affaires achalandée pour des gens à revenu élevé; la clientèle est avant tout étudiante et peu fortunée et il n'y a pas de publicité massive dans les médias.

 

[8]             De plus, l'appelante invoque le fait que les livraisons de pain effectuées par son fournisseur ne reflètent pas ses achats réels et que le montant total en dollars de tous les items vendus ne peut pas être divisé par le nombre d'items spécifiques pour établir le ratio car chaque item vendu a son propre ratio.

 

[9]             Pour démontrer que la méthode utilisée par le ministre était non crédible et non objective, l'appelante a demandé à la société « Défenseurs Fiscaux Inc. » d'effectuer des analyses des ventes reconstituées. Ces analyses ont été décrites par madame Brigitte Roy lors de son témoignage.

 

[10]        Monsieur Jean-Claude Nadeau, l'unique actionnaire et le seul administrateur de l'appelante, a témoigné à l'audience. L'appelante a fait l'acquisition du restaurant en 1996 pour un prix de 225 000 $, financé sur cinq (5) ans. L'appelante est locataire de l'immeuble où est situé le restaurant. Les heures d'ouverture du restaurant sont de 5 heures à 23h59, sept jours par semaine. Les déjeuners sont préparés et servis par la belle-mère de monsieur Nadeau. Les midis, deux à trois employés travaillent au restaurant en plus d'une caissière.

 

[11]        Monsieur Nadeau a expliqué que les clients du restaurant payaient tous en argent comptant et qu'il payait ses fournisseurs en argent comptant. Il a reconnu ne tenir aucun inventaire de marchandises. Dans une lettre datée du 20 août 2009 adressée aux vérificateurs de Revenu Québec (produite comme pièce I-1), monsieur Nadeau a indiqué que les achats de fournitures produiraient un chiffre d'affaires erroné du fait, qu'au cours des années 2003 à 2008, il opérait un autre restaurant à Longueuil (Le Relais de Térapin) à qui il fournissait des pains, des sauces, des desserts et certaines friandises parce que ce restaurant avait un mauvais dossier de crédit. Dans cette lettre, monsieur Nadeau a également fait référence au fait que suite à la vérification de Revenu Québec et à un meilleur contrôle des quantités de pains livrés, la dépense pour les achats de pains a considérablement diminué.

 

[12]        Monsieur Nadeau a reconnu que les « Z » de caisse pour plusieurs jours étaient manquants et qu'il n'a pas été en mesure de produire les factures d'achats de fournitures. Il a fourni la liste de ses fournisseurs et ce sont les fournisseurs qui ont produit les confirmations d'achats.

 

[13]        Monsieur Nadeau a également prétendu que le livreur de pains ne livrait pas la totalité des pains qui étaient facturés à son restaurant. La livraison de pains se faisait à l'ouverture du restaurant et la belle-mère de monsieur Nadeau payait la commande en argent comptant lors de la livraison. Il n'y avait aucun contrôle des quantités du pain qui étaient réellement livrées.

 

[14]        Madame Brigitte Roy, partenaire associée de la société « Défenseurs Fiscaux Inc. » a témoigné à l'audience pour le compte de l'appelante dans le but d'établir une preuve prima facie que la méthode utilisée par le ministre n'était pas fiable. Madame Roy n'a pas témoigné en tant qu'experte et n'a pas été reconnue comme tel par l'intimée. Madame Roy a fourni trois (3) raisons pour lesquelles la méthode utilisée par le ministre est déficiente et imprécise. La première raison est que les pains hotdogs ne sont pas représentatifs du fait que 51% des ventes sont des pains hotdogs à vapeur (ventes non pondérées) et que les ventes de sous-marins représentent moins de 10% des ventes totales. La deuxième raison est que les achats de pains confirmés par le fournisseur Multi-Marques sont largement supérieurs aux achats réels, le chiffre d'affaires du restaurant est donc artificiellement gonflé. La troisième raison est que le pain en général n'est pas un item représentatif parce qu'il s'agit de l'item ayant le plus de pertes.

 

[15]        Selon madame Roy, l'utilisation de l'item saucisses aurait été plus répresentatif et plus fiable. En effectuant le même recensement que celui du ministre et en utilisant les achats de saucisses confirmés par le fournisseur Conan, les ventes reconstituées de l'appelante aurait excédé seulement 10% du chiffre d'affaires déclaré aux états financiers, ce qui serait selon elle beaucoup plus près de la réalité.

 

[16]        Madame Roy a présenté plusieurs autres analyses montrant que la méthode utilisée par le ministre donnait de mauvais résultats. Parmi ses analyses, il y a celle de la méthode des ventes moyennes quotidiennes. En utilisant le même recensement, le même nombre de jours (93 jours), la même base de calcul que celle utilisée par le ministre et en tenant compte des dix jours de fermeture de l'école secondaire, les ventes moyennes quotidiennes auraient été de 820 $ pendant les jours de la période la plus achalandée et de 738 $ pour les jours compris dans la période la moins achalandée. Sur cette base, les ventes reconstituées n'auraient été que de 282 000 $, soit la moitié des ventes reconstituées par le ministre pour la même période.

 

[17]        Une autre analyse a consisté à comparer le ratio achats déclarés/ventes déclarées, qui est un ratio reconnu dans le domaine de la restauration. En 2006, le ratio moyen pour les restaurants québécois était de 28,14%. En 2007, il était de 24,61% et en 2008, il était de 22,61%. Dans le cas de l'appelante, l'application de ce ratio aux achats confirmés disponibles (i.e. moins les pertes évaluées à 15%) aurait diminué l'écart entre les ventes déclarées aux états financiers et les ventes reconstituées de l'ordre de 80%.

 

[18]        Une dernière analyse a consisté à calculer le temps moyen de service des portions vendues chaque jour en utilisant les ventes quotidiennes selon la vérification (test 1) et selon la disponibilité présumée des items du pain (test 2). Selon cette analyse, le temps moyen de service des portions vendues chaque jour serait de 23 heures (test 1) et de 24 heures (test 2), alors que le restaurant n'est ouvert que 19 heures par jour.

 

[19]        Monsieur Yan Fortier, vérificateur pour Revenu Québec, a témoigné à l'audience. Il a expliqué qu'il a effectué une visite incognito au restaurant pour y prendre le déjeuner en compagnie de son chef d'équipe. Il a constaté qu'une seule employée avait préparé et servi leurs repas, qu'aucune entrée n'avait été faite dans la caisse enregistreuse et qu'aucune facture ne leur avait été remise. Par contre, un reçu écrit à la main leur a été remis. La vérification a débuté au début de l'année 2009. Lors d'une première visite, le vérificateur a demandé à monsieur Nadeau de remplir un questionnaire et de fournir les livres et registres comptables de l'appelante. Les "Z" de caisse ont été fournis mais il en manquait plusieurs et ceux fournis n'étaient pas assez détaillés pour identifier les différents trios vendus. Le vérificateur a alors demandé à l'appelante de faire reprogrammer la caisse enregistreuse. En date du 30 mars 2009, le vérificateur a effectué une visite au restaurant afin de vérifier si la caisse enregistreuse avait bel et bien été reprogrammée. Le vérificateur a alors constaté que la caisse enregistreuse avait été reprogrammée pour clairement identifier chaque repas par un code. Le vérificateur a alors informé l'appelante qu'il reviendrait dans une période d'environ trois (3) mois afin d'emprunter les « Z » de caisse détaillés. Tel que convenu, le vérificateur a emprunté les « Z » de caisse détaillés et il a alors procédé à l'analyse des ventes pour la période du 29 mars 2009 au 30 juin 2009, soit une période de 93  jours.

 

[20]        Le vérificateur a expliqué que les déjeuners faisaient l'objet d'une seule entrée dans la caisse enregistreuse (montant global pour tous les déjeuners du jour). Lors de la reprogrammation de la caisse enregistreuse, les déjeuners n'ont pas été inclus. Par conséquent, les achats de pain tranchés n'ont pas été considérés.

 

[21]        Le vérificateur a de plus confirmé que l'appelante n'a pas fourni les factures d'achats auprès de ses fournisseurs. Les informations ont été obtenues des fournisseurs eux-mêmes mais les factures d'achats n'ont pas été produites. Ces informations comportaient de nombreuses erreurs et étaient parfois incomplètes, par exemple, le client n'était pas identifié ou le numéro du client n'apparaissait pas sur le relevé. Parfois, deux numéros de clients apparaissaient à la même adresse. De plus, le fournisseur Saputo n'apparaissait pas sur la liste des fournisseurs de l'appelante. Selon le vérificateur, les achats effectués auprès des fournisseurs ont simplement permis de démontrer que des écarts importants existaient entre les achats déclarés et les achats confirmés.

 

Les dispositions législatives applicables et le fardeau de la preuve

 

[22]        Le paragraphe 286(1) de la LTA prévoit l'obligation d'un mandataire de tenir des livres et registres :

 

Toute personne qui exploite une entreprise au Canada ou y exerce une activité commerciale, toute personne qui est tenue, en application de la présente partie, de produire une déclaration ainsi que toute personne qui présente une demande de remboursement doit tenir des registres en anglais ou en français au Canada ou à tout autre endroit, selon les modalités que le ministre précise par écrit, en la forme et avec les renseignements permettant d'établir ses obligations et responsabilités aux termes de la présente partie ou de déterminer le remboursement auquel elle a droit.

 

[23]        Le paragraphe 288(1) de la LTA confère aux personnes dûment autorisées le pouvoir de vérifier, notamment, les livres et registres d'un mandataire pour établir sa responsabilité fiscale :

 

Une personne autorisée peut, en tout temps raisonnable, pour l'application ou l'exécution de la présente partie, inspecter, vérifier ou examiner les documents, les biens ou les procédés d'une personne, dont l'examen peut aider à déterminer les obligations de celle-ci ou d'une autre personne selon la présente partie ou son droit à un remboursement. […]

 

[24]        En vertu du paragraphe 296(1) de la LTA, le ministre du Revenu national peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire pour déterminer, entre autres, la taxe nette d'un mandataire pour une période de déclaration ainsi que les pénalités et les intérêts payables par celui-ci.

 

[25]        En vertu du paragraphe 299(3) de la LTA, une cotisation est réputée valide et exécutoire, sous réserve d'une nouvelle cotisation et d'une annulation prononcée par suite d'une opposition ou d'un appel fait selon la présente partie.

 

[26]        Dans l'affaire Amiante Spec Inc. et Sa Majesté la Reine, 2009 CAF 139 (CanLII), la Cour d'appel fédérale a formulé les commentaires suivants concernant le fardeau de la preuve applicable lorsqu'un contribuable désire contester la validité d'une cotisation ou d'une nouvelle cotisation :

 

[15] L'affaire Hickman nous a rappelé que le ministre se fonde sur des présomptions pour établir une cotisation et que la charge initiale de démolir les présomptions exactes formulées par celui-ci est imposée au contribuable.  Ce dernier s’acquitte de ce fardeau initial lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie démolissant l’exactitude des présomptions formulées dans la cotisation.  Enfin, lorsque le contribuable s’est déchargé de son fardeau initial, le fardeau de la preuve passe au ministre qui doit alors réfuter la preuve prima facie faite par celui- et prouver les présomptions (Hickman, supra aux paragraphes 92-93-94).

 

[...]

 

[23] Une preuve prima facie est celle qui est « étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la Cour doit l'accepter si elle y ajoute foi, à moins qu'elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. Une preuve prima facie n'est pas la même chose qu'une preuve concluante, qui exclut la possibilité que toute conclusion autre que celle établie par cette preuve soit vraie » (Stewart c. Canada, [2000] T.C.J. No. 53 au paragraphe 23).

 

[24] Bien qu'il ne s'agisse pas d'une preuve concluante, « le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement » considérant « qu'il s'agit de l'entreprise du contribuable » (Voitures Orly inc. c. Canada, 2005 CAF 425 au paragraphe 20). Cette Cour a précisé que c'est le contribuable « qui sait comment et pourquoi son entreprise fonctionne comme elle le fait et pas autrement. Il connaît et possède des renseignements dont le ministre ne dispose pas. Il possède des renseignements qui sont à sa portée et sur lesquels il exerce un contrôle » (ibid.).

 

Analyse et conclusion

 

[27]        Compte tenu de la preuve présentée, il m'apparaît évident que le ministre était justifié d'utiliser une méthode indirecte pour établir que tous les revenus de l'appelante étaient bien déclarés. L'avocat de l'appelante ne conteste pas l'utilisation par le ministre d'une méthode indirecte de vérification mais il a soulevé la fiabilité de la méthode alternative utilisée par le ministre. Selon l'avocat de l'appelante, la méthode alternative utilisée par le ministre fournit des résultats qui ne sont pas fiables ni vraisemblables compte tenu des circonstances et des caractéristiques du restaurant.

 

[28]        L'avocat de l'appelante a appuyé sa position en référant à la décision que le juge Dussault a rendue dans l'affaire Brasserie Futuriste de Laval Inc. c. La Reine, 2006 CCI 503, dans laquelle le juge Dussault a énoncé que la présomption de validité d'une cotisation n'emporte pas automatiquement une présomption de validité quant à toutes les hypothèses retenues par le ministre pour établir une cotisation sans qu'il soit jamais nécessaire d'apporter quelque preuve que ce soit. Au paragraphe 158, le juge Dussault a fait le commentaire suivant:

 

[…] En un mot, En un mot, lorsqu'un contribuable peut soulever un doute sérieux, il s'agit de démontrer que la majoration retenue n'est pas une norme purement subjective, mais une norme objective, fiable et acceptable dans les circonstances. On ne peut se réfugier derrière la présomption de validité de la cotisation pour s'abstenir de faire cette preuve. Prétendre le contraire, c'est donner ouverture à l'arbitraire en permettant aux autorités fiscales de formuler n'importe quelle hypothèse, qui serait toujours réputée valide. Ce n'est pas parce qu'un contribuable manque à ses obligations, qu'il a une comptabilité déficiente ou qu'il n'a pas les documents appropriés ou qu'il les a détruits qu'on peut supposer n'importe quoi et prétendre que ces suppositions sont tout simplement réputées valides en toutes circonstances. […]

 

[29]        Les raisons invoquées par l'avocat de l'appelante pour contester la fiabilité de la méthode indirecte de vérification utilisée par le ministre sont les suivantes :

 

a)     la période de recensement de 93 jours, du 29 mars 2009 au 30 juin 2009, est la période la plus achalandée de l'année, ce qui a pour effet de gonfler artificiellement les résultats des ventes annuelles;

b)    le choix des pains comme items sélectionnés n'est pas représentatif parce qu'il s'agit d'un item ayant un taux de perte plus élevé que les autres items comme les saucisses, le fromage, etc. Un autre problème quant à l'utilisation des pains comme items sélectionnés est attribuable au fait que les achats de pains confirmés par le fournisseur Multi-Marques sont supérieurs aux achats réels. Enfin, l'absence de pondération des ventes des pains hotdogs à la vapeur a pour effet de rendre la méthode utilisée comme étant non représentative.

 

[30]        Il est vrai que toute méthode indirecte de vérification utilisée par les autorités fiscales lorsque les affaires d'un contribuable ou ses documents ou l'absence de ceux-ci, les obligent à y avoir recours, ne peut générer que des résultats approximatifs, lesquels ne reflètent pas nécessairement toute la réalité. Le propre de toute méthode de rechange est justement d'être moins fiable et plus douteuse quant aux résultats.

 

[31]        Dans le cas présent, il est difficile, à mon avis, de prétendre que la méthode utilisée par le ministre est purement arbitraire et estimative.

 

[32]        En effet, le ratio de 4,1030 $ par item vendu a été établi à partir des « Z » de caisse complets et détaillés pour la période du 29 mars au 30 juin 2009, donc sur des données réelles et précises. La période de recensement a été déterminée en fonction de la date du début de la vérification, soit au début de l'année 2009. Le déroulement de la vérification est décrit au paragraphe 19. Le choix de la période a donc été fait au hasard et dès que les informations ont été disponibles. On ne peut blâmer le vérificateur pour son choix de la période de recensement.

 

[33]        Les items sélectionnés pour les fins de l'analyse sont les pains hotdogs, hamburgers et sous-marins. Ce choix est logique puisqu'il s'agit d'items parmi ceux qui sont les plus fiables et les plus vendus, seuls ou en trios. Les allégations contenues dans la lettre datée du 20 août 2009 que l'appelante a transmis au vérificateur à l'effet que :

 

a)  ses achats auprès de ses fournisseurs ne pouvaient être utilisés pour calculer son chiffre d'affaires parce qu'une partie des achats de pains, de sauces, de desserts et de certaines friandises étaient fournies à un autre restaurant opéré par monsieur Nadeau; et

 

b)  qu'il y a des irrégularités au niveau de la livraison des pains puisque suite à la vérification et au meilleur contrôle exercé sur les quantités de pains livrées, les dépenses pour l'achat des pains ont considérablement diminué,

 

ne peuvent avoir pour effet de rendre inadmissibles les pains comme items sélectionnés. Rien de ce qui est allégué dans cette lettre n'a été corroboré par une preuve documentaire ou par une preuve testimoniale. Le livreur de pains n'a pas été assigné à comparaître et il n'y a aucune preuve démontrant qu'une accusation ou plainte a été déposée contre lui.

 

[34]        Le vérificateur qui a procédé à la vérification de l'appelante est un vérificateur d'expérience qui a œuvré pendant sept ans exclusivement dans le domaine de la restauration. Selon lui, la méthode de vérification indirecte utilisée dans ce dossier a permis d'obtenir un résultat probant et raisonnable dans les circonstances. Dans le contexte où une méthode de vérification indirecte est utilisée, le vérificateur n'a pas l'obligation d'utiliser la méthode la plus favorable au contribuable. Ce que le vérificateur doit rechercher, c'est la fiabilité des résultats obtenus à partir des échantillons retenus. Plus l'échantillonnage est grand, meilleurs sont les résultats.

 

[35]        Lors de son témoignage, le vérificateur a expliqué qu'il n'a pas retenu les saucisses à hotdogs comme items sélectionnés parce que les données du fournisseur Conan n'étaient pas fiables. Selon lui, Conan a fourni des informations à la fois contradictoires ayant trait à deux numéros de compte de clients différents et à la fois incomplets en ce que des achats supplémentaires de saucisses n'ont pas été rapportés.

 

[36]        Le pourcentage de pertes accordé de 8% sur les achats de pains confirmés correspond à la réalité dans le domaine de la restauration mais, selon madame Roy, ce pourcentage n'est pas représentatif pour les achats de pains. Selon elle, ce pourcentage devrait plutôt être de l'ordre de 15% à 20% mais aucune preuve documentaire et aucune donnée statistique n'a été présentée pour corroborer son témoignage.

 

[37]        Dans les circonstances, l'appelante et ses représentants n'ont pas fait la démonstration convaincante de manquements précis ou d'erreurs manifestes quant à la méthode de vérification indirecte utilisée par le ministre.

 

[38]        Pour ce qui est de la pénalité de 25% prévue à l'article 285 de la LTA, rappelons que le texte de l'article 285 prévoit l'application de la pénalité lorsqu'une personne « […] sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration ». Le fardeau de la preuve relatif à cette disposition repose sur l'intimée.

 

[39]        La preuve a démontré des omissions importantes et répétées dans les déclarations, soit des écarts de TPS totalisant 57 805,86 $ sur quatre (4) années. L'appelante a donc fait des faux énoncés dans ses déclarations d'impôt et ce, de façon répétitive. L'appelante n'a pas présenté d'explications plausibles quant à ces omissions et la seule conclusion possible est qu'elles sont le résultat d'une négligence flagrante de sa part et qui équivaut à une faute lourde.

 

[40]        Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de décembre 2013.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 368

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-834(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            125319 Canada Ltée et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 16 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                 le 4 décembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Blain

Avocat de l'intimée :

Me Danny Galarneau

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           Me Pierre Blain

 

                 Cabinet :                          Pierre Blain, avocat

                                                          Longueuil (Québec)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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